1 M. Proust, À la recherche du temps perdu, « À l’ombre des jeunes filles en fleurs », Première Partie : « Autour de Mme Swann », Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 2014, p. 429.
2 S. Shônagon, Notes de chevet, Paris, Gallimard, 2015, p. 57.
3 P. Grimal, Romans grecs et latins, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1958. R. Martin et J. Gaillard, quant à eux, situeront les récits de Pétrone et d’Apulée dans le genre narratif ayant pour caractéristique de « présenter une histoire selon le mode du récit, c’est-à-dire de relater une suite d’événements se déroulant et s’enchaînant les uns aux autres dans un “espace chronologique” déterminé » (Les genres littéraires à Rome, Paris, Scodel, 1981, t. 1, p. 12, 71-99). A. Billault qualifie de « romanesque » l’invention dans la littérature grecque de représentations d’histoires d’amour et d’aventures (La création romanesque dans la littérature grecque à l’époque impériale, Paris, PUF, 1991). Fl. Dupont, pour sa part, préfère parler des « contes de L’Âne d’or » dans L’invention de la littérature, Paris, La Découverte, 1994, p. 204-232.
4 Nous reprenons en partie la définition que fournit le Larousse 2008.
5 De plus, Quintilien condamne l’homosexualité et ses représentations littéraires, dont le Satyricon est une illustration ; c’est ainsi qu’il reproche à Afranius, auteur de comédies et contemporain de Térence, d’avoir « souillé les intrigues de ses pièces par d’indécentes scènes de pédérastie (puerorum foedis amoribus), qui trahissaient ses mœurs » (Institution oratoire, X, 1, 100).
6 Nous reprenons le texte établi et traduit par J. Cousin (Quintilien, Institution oratoire, t. I, Livre I, Paris, Les Belles Lettres, « CUF », 1975).
7 Nous reprenons le texte établi et traduit par J. Cousin (t. II, Livres II et III, Paris, Les Belles Lettres, « CUF », 1976).
8 Nous reprenons également le texte établi et traduit par J. Cousin (t. III, Livres IV et V, 1976).
9 Quintilien, IV, 2, 38 : Tum autem optime dicit orator, cum uidetur uera dicere.
10 Id., IV, 2, 89 : id quod fingemus > credibilem rationem # mentiendi licentiam.
11 Quintilien loue les comédies et les mimes comme exemples de cette manière de conduire plaisamment le récit.
12 À la vérité s’ajoute le charme d’un « tableau plausible des faits » (IV, 2, 123-124 : credibilis rerum imago).
13 Voir VI, 3, 18 : « Ce qui est uenustum, on le voit clairement, c’est ce qui est dit avec une certaine grâce et avec élégance (uenus) (cum gratia quadam et uenere) » (texte établi et traduit par J. Cousin, t. IV, Livres VI et VII, 1977).
14 Voluptas peut désigner le charme dans le langage de l’époque impériale ; ainsi Pline le Jeune parle du charme qu’il ressentirait à pouvoir visiter à la fois deux propriétés, s’il décide d’acheter des domaines enclavés dans les terres qu’il possède déjà (Lettres, III, 19, 2 : quod non minus utile quam uoluptuosum). Toutefois, Lucrèce avait déjà opposé horror et uoluptas (voir P. H. Schrijvers, Horror ac diuina uoluptas. Études sur la poétique et la poésie de Lucrèce, Amsterdam, A. M. Hakkert, 1970), la uoluptas étant dès le premier vers du De rerum natura la caractéristique de Vénus : Aeneadum genetrix, hominum diuomque uoluptas.
15 Nous reprenons le texte établi et traduit par J. Cousin (t. VI, Livres X et XI, 1979).
16 Nous possédons deux recueils de Declamationes attribués à Quintilien, d’une part dix-neuf discours entièrement rédigés, de l’autre une série de cent quarante-cinq esquisses accompagnées d’indications sur la façon de traiter chaque sujet proposé ; voir L. A. Sussman, The major declamations ascribed to Quintilian, A translation, Francfort, Lang, 1987 ; M. Winterbottom, The minor declamations ascribed to Quintilian, Berlin, de Gruyter, 1984 ; J. Dingel, Scholastica materia. Untersuchungen zu den Declamationes minores und der Institutio oratoria Quintilians, Berlin, de Gruyter, 1988. La déclamation est un exercice de la parole (Institution oratoire, IV, 2, 29) ; comme exemples de sujets traités en tant qu’exercices, Quintilien prend les suasoriae (III, 8, 61) ; la suasoria est un discours pour conseiller, autrement dit une déclamation par laquelle celui qui s’exerce à la rhétorique se représente au moment où il tâche de persuader un personnage historique ou mythologique de prendre un parti déterminé (II, 4, 25). Les composantes « romanesques » de ce type de déclamation sont : une mise en scène fictionnelle (le rhéteur s’adressant à un personnage historique ou mythologique) ; un effet de réel (lorsque le rhéteur s’adresse à un personnage historique pour le persuader) ; un effet de discours qui est un semblant de réel (lorsque le rhéteur s’adresse à un personnage mythologique) en faisant comme si le personnage mythologique existe. Ainsi, le même exercice permet de discourir sur la réalité et la fiction au nom d’une vraisemblance. N’oublions pas qu’Apulée est un praticien accompli de l’art oratoire, d’une ars dicendi et d’une ars scribendi : il est son propre avocat dans le De magia, les Florida sont un recueil de discours variés et d’exercices de style brillants par le biais desquels le rhéteur peut entrer en littérature et composer les Métamorphoses en valorisant le principe du delectare. Sur la déclamation sous l’Empire romain, voir L. Pernot, La Rhétorique dans l’Antiquité, Paris, LGF, coll. « Le Livre de Poche », 2010, p. 200-207 ; sur Apulée, ibid., p. 241-242 ; sur la relation entre rhétorique et « roman », ibid., p. 263.
17 Voir Les genres littéraires à Rome, Paris, Scodel, 1981, t. I, p. 77. Voir, au sujet de Pétrone, E Auerbach, Mimésis. La représentation de la réalité dans la littérature occidentale, Paris, Gallimard, 1977.
18 Nous avons repris la traduction de R. Martin, Les genres littéraires à Rome, op. cit., p. 98.
19 Lucius métamorphosé en âne puis redevenant être humain, mais sous l’aspect d’un prêtre d’Isis et d’Osiris, ne serait-il pas aussi la figure d’une écriture littéraire qui change la réalité sans pour autant mentir ?
20 Voir Le degré zéro de l’écriture, Paris, Seuil, 1972, p. 7.
21 Barthes distingue clairement le style de l’écriture : l’un est le produit de la mythologie personnelle qui sous-tend la parole d’un auteur où se forment les mots et les choses dans une relation subjective et installe les grands thèmes verbaux de son existence, alors que l’autre affirme la valeur formelle et intentionnelle du texte composé ; le style est la manière prise par une écriture. Pour le dire autrement, le style dit une conception du monde, l’écriture une représentation. Un style se réduit à une écriture, lorsqu’il devient convention. Chez Quintilien, toutefois, le mot stilus est pris au sens de scribere (X, 3, 1-2).
22 Barthes date du milieu du XIXe siècle le moment où les traités de rhétorique ont cessé d’intéresser et où les écritures modernes du Roman sont nées (Le degré zéro de l’écriture, op. cit., p. 42).
23 La métaphore du « roman-fleuve », qui est nôtre, permet d’opposer la narration correctement conduite au « torrent de vaines paroles » dont les tourbillons emportent les mauvais auteurs (X, 7, 23).
24 Nous empruntons l’expression à L. Pernot, La Rhétorique dans l’Antiquité, Paris, LGF, coll. « Le Livre de Poche », 2010, p. 279.
25 Voir B. Cassin (dir.), Le Plaisir de parler, Paris, Les Éditions de Minuit, 1986.
26 Voir L. Pernot, La Rhétorique dans l’Antiquité, Paris, Le Livre de Poche, 2010, p. 33, et J. de Romilly, Magic and Rhetoric in Ancient Greece, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1975.
27 T. Samoyault (p. 408, note 2) rappelle que l’écriture en attente, la littérature comme horizon d’attente est au cœur de ce que Barthes entend par le mot « rhétorique » : « Rhét. : fait de l’homme, celui qui veut parler, celui qui veut écrire, et ceci m’a toujours touché ». C’est dans S/Z que Barthes analyse la narration comme performance énigmatique où il s’agit, pour Balzac, de faire « accréditer la réalité de l’histoire », « d’authentifier la fiction » par la maîtrise du sens à donner à la nouvelle (S/Z, Paris, Seuil, 1970, p. 29-30, 179-180). Nous sommes, là, dans le « plaisir » du texte, ce qui fait le charme de l’écriture encore classique, non dans la « jouissance » que seule produit une œuvre de rupture, de subversion (Sade).
28 « Pour les rendez-vous secrets, l’été est charmant. Les nuits sont extrêmement courtes et fugitives. Déjà il fait jour et l’on n’a pas dormi un seul instant. Comme les stores sont partout restés levés, la fraîcheur pénètre dans les habitations, et on peut voir au loin, de tous les côtés. À l’aube, les amants ont encore quelque chose à se dire ; ils sont occupés à causer, quand, juste devant leur chambre, un corbeau s’envole avec un cri sonore. Ils ne doutent pas d’avoir été découverts, et c’est bien amusant ! » (p. 95)
29 C’est le processus même de la divulgation des notes de Sei : « À l’époque où le Capitaine de la garde du corps, de gauche, était encore gouverneur d’Ise, il vint me voir à la campagne. Je voulus lui offrir une natte que j’aperçus près du bord de la véranda ; mais mon cahier se trouvait justement posé sur cette natte, et je l’attirai avec elle. Hors de moi, j’eus beau me précipiter pour le saisir ; Tsunefusa le prit et l’emporta sur-le-champ ; il me le rendit seulement beaucoup plus tard. C’est, je pense, à la suite de cet accident que débuta la carrière de mon livre » (p. 319). Il fallait cet arrachement douloureux (p. 318 : « je n’ai pu retenir mes larmes » ; p. 319 : « une seule chose me peine : c’est que mes notes aient vu le jour ») pour que le carnet de chevet se livrât. Mais de toute façon, le soir tombe et le pinceau est usé, comme le dit la dame. Les notes ne peuvent avoir de suite matérielle et deviennent dès lors Notes de chevet.