Partie 2. Concepts et variables des E3C
p. 71-127
Texte intégral
Les recherches sur les dispositifs intégrant les fonctionnalités de communication ne font consensus ni sur les concepts à étudier, ni sur les attentes en termes d’efficacité pédagogique. En effet, doit-on étudier les aspects coopératifs, collaboratifs, collectifs ? Une communauté d’apprentissage est-elle réductible à un espace de communication instrumenté ? etc.
L’idée d’espace partagé recouvre ici une situation d’apprentissage collectif, dans laquelle les acteurs sont engagés et doivent ensemble produire un résultat, en partageant des ressources et en confrontant des points de vue via un espace de communication (synchrone et/ou asynchrone).
Les connaissances sont considérées comme des œuvres humaines faisant l’objet d’une transmission culturelle socialement organisée. Elles se réfèrent au monde social en général tel qu’il est rencontré par ceux qui y vivent ; à la communication dans ce qu’elle a de « local », c’est-à-dire réduite aux communautés virtuelles du web. Les espaces partagés (non naturels vs construits), sont des constitutions objectives d’un monde qui offre un contexte aux projets de chacun des acteurs. Les connaissances sont envisagées comme l’expression d’un processus d’interaction complexe qui met en relation un individu, que l’on pense apte à saisir les régularités des situations qu’il traverse, et le réel fortement socialisé dans lequel il navigue et doit se faire « entendre ». La communication des connaissances se construit dans l’usage que l’on fait des connaissances en situation. Toute activité au sein des E3C suppose la participation d’un individu à un ensemble contextualisé de pratiques qui fonde les connaissances et leur donne sens.
Dans un espace commun de partage des connaissances, l’activité humaine est socialement médiatisée et l’acte de communiquer, tout comme celui de partager, repose largement sur la notion du rapport à l’autre. Cette notion est fondamentale si l’on veut concevoir des situations d’apprentissage et favoriser « humainement » les vastes possibilités du Web.
Apprendre a toujours relevé d’un rapport à l’autre. Qu’il soit maître, formateur ou pair, le rapport aux savoirs individuels ou collectifs est toujours de l’ordre d’un partage, ou d’une problématique du partage. Le partage renvoie, quant à lui, à la négociation et aux dialogues privés qui se situent dans un processus identitaire. Réduire le partage des connaissances à une question collective revient à ignorer cette dichotomie subjective essentielle. Dès lors, penser que ce partage peut relever d’une structure technique est une illusion. Il n’y a pas de collectif dans lequel l’organisation humaine oublie l’individu.
La notion de partage est polysémique, mais nous en retiendrons ici l’idée d’une force de cohésion qui lie les individus entre eux, assurant la pérennité d’une communauté.
Selon le schéma, la médiation fonctionnelle des connaissances, que nous avons présenté, le partage repose sur l’attention sensible que l’on porte à autrui. C’est « le geste » juste, celui qui correspond à l’attente chez l’autre. En termes de communication des connaissances, c’est d’abord accepter les (dys) fonctionnements, les différences et les similitudes. C’est favoriser le libre développement des potentialités censées naître d’une réorganisation adaptative des connaissances de l’individu à son environnement dans un souci d’équité et de cohésion de la communauté. Toutes les communications fonctionnelles des connaissances résident dans la recherche de l’équilibre entre les représentations individuelles et la cohésion du groupe, hors d’une aliénation et dans la perspective d’une sauvegarde des connaissances de chacun mise au service d’un système représentationnel plus vaste.
On perçoit ainsi le partage comme la dialectique qui s’établit entre la communauté et l’individu. La communauté est consolidée par le respect d’un échange équitable entre soi et les autres, elle ne constitue plus un ensemble de rapports sociaux mais un système de relations cohérent auquel on participe. Ce serait donc la notion de partage qui donne à la communauté le double statut de système relationnel : d’une part, lorsqu’elle est le lieu d’échange dans lesquelles sont exprimées des relations formelles ou des conceptions relatives à la réalité « d’agir ensemble de manières nouvelles et dans des circonstances où l’action collective n’était pas possible auparavant » (Rheingold, 2005) ; d’autre part, quand elle est révélatrice de contextes où interviennent des informations et des connaissances qui autorisent l’étude des structures et évolutions « de l’histoire des sociétés humaines comme progrès de l’action collective ». (Rheingold, 2005).
Un système relationnel contextualisé
Mettre en avant la notion de système relationnel à propos des E3C, c’est postuler l’existence d’une certaine unité de cet espace relationnel complexe, travaillé aujourd’hui par les effets des technologies de communication et par les transformations et attentes de la mondialisation des savoirs. C’est un espace formé de réseaux intégrés de ressources matérielles et immatérielles, organisé par une culture historiquement constituée, creuset de connaissances et vecteur de savoir-faire, et reposant sur des relationnels de type interaction/conflit des individus localisés. Mais c’est aussi privilégier une unité d’intention sur l’unité des connaissances invoquées : l’étude du système relationnel ne relève pas seulement du jeu classique des interactions, mais appelle une analyse des diverses dynamiques qui le structurent.
Tout en portant l’accent sur la dimension culturelle des relations dans les E3C, il importe aussi de ne pas céder à la dérive du tout culturel. C’est à la condition de respecter tous les termes et interactions d’une approche globale que peut être restituée avec pertinence la part des connaissances, des outils, des aspects collectifs, dans les processus rassemblés sous l’appellation de « système relationnel ».
La notion de partage implique donc pour nous :
une responsabilité écologique entre des connaissances individuelles et un tout collectif ;
une équité des relations d’aide et d’assistance entre les individus par une mutualisation des ressources concernées par la collecte des connaissances, leur traitement et leur diffusion ;
une productivité qui se réclame d’une gestion des savoirs ayant pour objets l’amélioration, la circulation de l’information et un transfert de connaissances ne pouvant être imposé mais animé par la culture locale supportée par des systèmes d’information adéquats ;
une reconnaissance des discours culturels concernant l’usage des outils.
La construction de connaissances communes
Nous abordons ici la construction de connaissances communes par les aspects collaboratifs et particulièrement la production commune par des pairs. Cette approche semble être la plus adaptée aux E3C qui mettent en avant un capital d’informations détenu et augmenté en commun par les membres d’une communauté. L’aspect collaboratif de la communauté est ici caractérisé par son modèle de gouvernance qui émerge dans un système sociocybernétique (Cardinal & Andrew, 2001) en tant que résultat de l’interaction et de l’interdépendance des acteurs non reliés dans une structure hiérarchique (Kooiman, 1993). Il s’agit d’un processus de coordination d’acteurs, de groupes sociaux, d’institutions permettant d’atteindre des buts propres discutés et définis collectivement dans des environnements fragmentés, incertains (Bagnasco & Le Galès, 1997). La gouvernance des ressources informationnelles demande la mise en place d’interaction et d’interdépendance entre les structures, mécanismes et traditions qui déterminent la manière dont les informations et les responsabilités sont partagées. Les décisions sont prises par les individus et autres parties prenantes en mesure de donner leur avis concernant la gestion des contenus. Elle demande de définir clairement les objectifs énoncés et une transparence qui repose sur des valeurs humaines « fondamentales », notamment la responsabilité, l’équité, ainsi qu’un engagement réel et une contribution aux prises de décision et de productivité. C’est l’intention de communiquer.
La responsabilité est envisagée ici comme nouvelle relation entre des connaissances individuelles et un Tout universel. Les connaissances et l’intelligence redeviennent humaines. Elles réintègrent l’Homme et ne sont que les ressources d’une fertilisation croisée des savoirs dans un contexte de confiance reposant sur les différences et la diversité. Cette relation demande ainsi la mise en place d’une « écologie » communicationnelle où les informations sont produites, utilisées et recyclées dans des espaces anthropo-technico-informationnels aménagés. Ces espaces peuvent-ils se retrouver dans les Wikis ? Les Wikis favorisent-ils les relations qu’établissent les internautes en proposant le partage d’un même milieu ? Autorisent-ils la prise en considération du point de vue individuel (espace anthropocentré) identifié et reconnu (information indexée) en situation (activité, action et connaissance situées) ?
L’équité sociale cherche à remplacer, dans ses grands principes, les relations d’aide et d’assistance entre les individus par des « usages équitables » et une mutualisation des ressources concernées par la collecte des connaissances, leur traitement et leur diffusion. Dès lors, un partage informationnel équitable est-il un partage socialement admis qui vise à établir un apport d’information satisfaisant pour tous (compréhension mutuelle et contexte partagé) ? Les Wikis ont-ils pour principe de favoriser le développement durable des usages locaux des tic dans une économie du savoir où le processus social d’apprentissage (production et communication du savoir) et la culture locale convergent ?
La productivité économique, quant à elle, se réclame aujourd’hui d’une gestion des savoirs ayant pour objet, l’amélioration, la circulation de l’information entre les différentes parties d’un ensemble. Elle suppose aussi un transfert de connaissances qui ne peut être imposé, mais seulement animé par la culture locale supportée par des systèmes d’information adéquats. Les Wikis favorisent-ils la circulation des informations entre le global et le local, l’individuel et le collectif ?
Le profit immédiat d’une telle approche est de faire éclater le discours instrumental qui fait toujours peser sur l’usage des tic, l’hypothèse d’un partage tracé par la technique. Cette hypothèse, largement diffusée par le discours de l’ordre des performances et de la cyber-culture, affirme le caractère mondial ou multiculturel des liens des communautés virtuelles. Corollairement, elle fonde l’a priori qui prône une économie du savoir dans laquelle l’épistémologie des connaissances est amalgamée à une science de la production et des échanges informationnels où le partage et la relation ont cessé d’être, pour la communication, un construit pour devenir une nature.
Le partage comme reconnaissance des discours culturels
L’enjeu d’une telle remise en question ouvre de nouvelles perspectives. Le partage durable des connaissances avec les « nouvelles technologies » est-il une question globale et le partage est-il équitable ?
Ces perspectives relèvent d’une cartographie des relations, d’une topologie qui propose des proximités, des liaisons, des distances, des résonances entre pratiques. Elles demandent de clarifier non seulement les informations proposées et les connaissances sous-tendues, mais surtout les modes de communication et leurs caractéristiques d’usage, tels qu’ils sont partagés et compris par ceux qui appartiennent à une culture donnée. En d’autres termes, il convient de s’intéresser à ce qu’il est convenu de nommer « l’économie communicative » (Hymes, 1982), c’est-à-dire la mise en œuvre des « compétences de communication » (Hymes, 1991) définies comme ce que les individus ont besoin de savoir pour communiquer effectivement dans des contextes culturellement significatifs.
Le partage est ici envisagé comme une réserve de connaissances ordinaires socialement transmises. Celui-ci mettant en œuvre les procédures d’un accord fondé sur le sens de la structure sociale et de l’acteur compétent (Cicourel, 1972), mais aussi les connaissances du sens commun (Garfinkel, 1999) qui constituent la contingente d’un travail local occasionné collectivement in situ. La reconnaissance d’un accord contingent présuppose un raisonnement quotidien issu d’un sens commun (Schütz, 1987). Ce point de vue clarifie trois types de compétences indispensables pour la participation à la vie d’un E3C.
La première est situationnelle, elle renforce le maintien de la cohérence, de l’accord et la cohésion des échanges dans les activités situées de production de texte. La deuxième est interactionnelle et soutient les procédures d’échanges, de dialogue. La troisième est socioculturelle, elle constitue une base de connaissances pour une société ou une culture et permet ainsi la compréhension des implicites, des usages... Concrètement, le principe d’économie communicationnelle ne demande pas une explicitation de tout ce qui est déjà donné par la situation de communication et ainsi la notion de partage au sein des E3C repose sur l’illusion d’une complétude informationnelle et l’amalgame entre analyse et synthèse. Au quotidien, les individus ne retiennent que les informations nécessaires à une compréhension culturellement située et les traitent dans leur continuité en évacuant les autres jugées inessentielles. Ils se construisent ainsi l’illusion d’une complétude informationnelle dépendante d’un déroulement qu’ils « savent » logique puisque socialement construit. Une ellipse informationnelle forme ici un raccourci de la pensée qui ne nuit pas à l’intelligibilité de l’ensemble. Elle allège même la situation en éliminant ce qui est considéré comme des temps morts dans la continuité informationnelle. Parallèlement, la mise à disposition d’informations dans un système global introduit une ellipse cognitive qui restitue l’illusion d’une acquisition de connaissances en structurant les seules informations fortes, ou en découpant les concepts pour n’en conserver que des notions, ou encore en montrant sa mise en œuvre dans une activité.
Au souci d’analyse des situations informationnelles proposées, les E3C opposent une pratique de synthèse. Aussi la médiatisation de situations collaboratives de production de connaissances procure-t-elle une impression de délayage des notions de partage et de diffusion.
Cet aspect questionne les E3C sur une double responsabilité face aux internautes qu’elles informent. Quelle valeur, fiabilité donner aux connaissances évoquées, aux informations proposées, sans une clarification du partage culturel qui en définit la portée dans les cadres sociaux effectifs ? Comment diffuser une information ou une connaissance opératoire sans avoir regardé sa validité concrète, tant pour le type de « public visé » que pour la réalité d’un partage à un moment donné ?
En référence à « l’économie communicative », ces deux questions soulèvent l’hypothèse qu’une absence d’analyse informationnelle de l’expérience de la vie locale, les E3C et plus largement l’accès à une diffusion et à un partage « donné » ou « immédiat » de connaissances, sont de nature à appauvrir la réalité collective, c’est-à-dire à augmenter la fracture numérique. En effet, alors que l’on affirme partout la responsabilité écologique, l’équité sociale, la productivité économique des connaissances (unesco-unevoc, 2004 ; Dayan, 2005) et l’examen des formes de liberté collective et individuelle de l’accès aux savoirs (Levy, 1994 ; Klein, 2005), les E3C devraient chercher à éviter que la nécessaire « diffusion-partage » se transforme en une répartition hiérarchique des connaissances. À ce propos, deux types de remarques peuvent être avancés.
Le premier relève de l’idéologie et évoquerait les E3C comme les garants d’un partage des cultures dans les pratiques de la vie quotidienne où les vertus techniques et informationnelles construites autour du déterminisme technique orientent l’organisation d’une « société de l’information » dans laquelle il n’existe aucun exclu. Avec cette option, l’obligation librement consentie du partage des connaissances pallierait la « répartition aléatoire » des informations (il y a des individus plus informés que d’autres). Elle fonde également l’a priori suivant lequel les individus réagissent solidairement et interactivement face à une insuffisance informationnelle (Morin, 1996) et qu’ils partagent pour le bonheur commun et assurent entre tous l’égalité des connaissances, donc des chances. Le contrat de partage informationnel (Agostinelli, 2005) fonctionnerait alors comme un mécanisme de réduction des inégalités et affirmerait l’opérationnalisation des dispositifs techniques collectifs et individuels d’appropriation des connaissances puisque tous ont des activités semblables. On glisserait des valeurs humanistes de l’échange à un principe égalitariste qui confinerait la notion de partage dans la vertu des outils et dont l’importance n’est pas seulement politico-socio-économique mais aussi ontologique.
Le second, plus « scientifique », pose la question de savoir comment donner aux E3C un statut « d’objet familier » dans une réalité spécifique où la richesse, en biens matériels et intellectuels, reste limitée. Ici plus qu’ailleurs, prend effet le principe d’économie, de viatique informationnel qui préside à l’allégement maximal de « l’équipement communicationnel » en réduisant le nombre d’outils proposés (forum, chat, plate-forme, groupware...) ou en concentrant sur le même outil plusieurs fonctions informationnelles nécessitant des pratiques et procédures détaillées propres. Par exemple :
les pratiques de chat sont probablement différentes de celles qui régissent les échanges via le mail ;
le téléphone portable des adolescents, n’est-il pas une forme « d’objet transitionnel » (Rastier, 2001) qui aurait l’immense pouvoir d’évoquer l’être absent, d’aider l’adolescent à lutter contre « l’angoisse » de la séparation et de faire la transition entre lui et son groupe d’appartenance, le connu et l’inconnu ? Cet outil technique n’est-il pas « son présent infini qu’il transporte d’un lieu à un autre », et crée ainsi une dimension partagée qui associe le temps et l’espace ?
Les fonctionnalités données aux outils restent donc, elles aussi à clarifier. Par exemple, en Australie, le propulseur est une arme de jet qui sert également de ciseau à bois, de récipient, de scie pour produire le feu par frottement (Testart, 1982). Sur Internet, qu’en est-il d’un espace collaboratif annoncé comme étant : un système de composition, un moyen de discussion, un lieu d’archivage, un système de courrier, un outil pour la collaboration, une façon de communiquer d’une manière asynchrone à travers le réseau ?
En ce qui concerne les E3C, il est raisonnable de penser qu’un environnement familier est un espace dont nous avons une connaissance acquise grâce au grand nombre d’utilisations. Une connaissance acquise, quotidienne et probablement inconsciente d’elle-même, purement pratique, se manifeste par le fait que : « Je sais aller sur mon E3C préféré via un navigateur, je sais ce qu’il faut faire, lorsque je veux/je dois rédiger une page de texte ou modifier les informations déjà présentes, je sais faire les routines pour y parvenir sans problème. » Ce savoir-faire permet la mise en œuvre immédiate à partir d’un répertoire de gestes disponibles (Legendre, 1993), c’est-à-dire une habileté acquise grâce à l’assimilation de connaissances pertinentes et à l’expérience qui consiste à circonscrire et à résoudre des problèmes spécifiques (Hameline, 1979). C’est une connaissance partagée comme l’ont aussi les autres utilisateurs d’un traitement de texte. Cette familiarité avec l’objet n’est donc pas à acquérir pour les besoins de l’activité, elle est déjà donnée.
Apprentissage et/ou travail collaboratif
Les connaissances de sens commun
Associer les connaissances au sens commun peut surprendre. Pourtant, entre une position qui oppose des connaissances comme la conscience objective, voire scientifique, du monde, à l’expression triviale, banale, des considérations de comptoirs des cafés, une alternative permet de penser que les expériences et les actions de chacun construisent un background, un contexte partagé des significations.
Pour les E3C, cette connaissance de sens commun est un savoir intuitif et immédiat sur ce qui est raisonnable de faire. C’est un savoir-faire qui est culturellement acquis au cours des navigations et de la pratique quotidienne du web. Elle est l’ensemble des prescriptions implicites, des règles reconnues et utilisées pour la navigation au quotidien qui demande à l’internaute la mise en œuvre d’une capacité cognitive partagée différente suivant les E3C dans lesquels il navigue. Le sens commun est un système culturel (Geertz, 1983-1986) et comme tout système culturel il est le fond de l’activité qui est d’une certaine manière toujours présent et évident, mais qui passe inaperçu au cours de la pratique quotidienne Garfinkel (1967). Bien sûr, on ne peut pas prétendre que les E3C sont tous autant de systèmes culturels différents. Toutefois, on peut penser qu’ils sont à la fois autant de réduction des pratiques et interactions sociétales que le contexte commun des synthèses des connaissances ou de toute activité significative qui peut être décrite et comparée.
Afin d’assurer cette perspective, nous envisageons un E3C comme un système cognitif indexical d’un contexte sociotechnique organisé telle une connaissance de sens commun, pour servir de « système commun techno-sémiotique ». Cette indexicalité positionne ces phénomènes dans un groupe social (particulier) comme processus d’accomplissement – « c’est la communication en train de se construire »– qui permet la construction d’un espace commun de communication. De manière réflexive, il entretient, vérifie, modifie le traitement des informations qui ne sont plus, alors des « objets » communicationellement neutres relevant d’une logique informatico-spatio-temporelle. Elles deviennent les éléments d’un système complexe dans lequel le contexte d’utilisation devient lui-même un processus de construction dynamique d’une situation de communication qui intègre une intentionnalité. La communication de ces connaissances de sens commun est envisagée ici comme un processus interactionniste et praxéologique, constitutivement lié aux situations qui ordonnent la production, la diffusion et l’appropriation des informations, des usages au sein d’un espace collectif qui met en relation tous les acteurs dans un processus de médiation sociotechnique.
Dès lors, les processus de communication, dont les échanges sont des indicateurs, posent la question épistémologique de savoir comment considérer une action humaine (verbale ou non) dans son aspect objectif et accompli comme une connaissance. De fait, la question qu’il conviendrait d’aborder est : comment proposer un espace de communication (non naturel) qui soit constitutif d’un monde qui offre une structure « résistante » aux projets de chacun des acteurs tout en proposant un contexte « mouvant » qui pourrait s’ajuster aux constructions et aux évolutions des significations attribuées par chacun des utilisateurs ? Sans oublier qu’ils n’auront pas tous, comme nous l’avons décrit plus haut, les mêmes modes de gestion des informations, ni les mêmes procédures de traitement de celles-ci.
Avec cette approche en contexte, les connaissances sont envisagées comme l’expression d’un processus d’interaction complexe qui met en relation un individu, que l’on pense apte à saisir les régularités des situations qu’il traverse, et le réel fortement socialisé dans lequel il navigue et doit se faire « entendre ». La communication au sein des E3C se construit alors dans l’usage que l’on fait des connaissances en situation par l’individu qui apprend tout en construisant une « communauté de pratiques, d’usages, d’échanges » dont il est à la fois l’initiateur, le porteur ou le testeur. Cette communauté lui permet de mettre à l’épreuve ses connaissances, d’en découvrir de nouvelles, de gérer indistinctement des connaissances, des contraintes et une situation de communication qu’il aura contribué à créer du fait même de sa démarche exploratoire intimement associée aux contextes qui lui donnent un sens.
Dans une telle situation de communication, les connaissances ne sont plus artificiellement extraites de leur environnement et de l’action en écartant les informations indexicales auxquelles les individus ont ordinairement recours. Elles sont considérées comme des ressources pratico-technologico-théorique qui articulent nécessairement un environnement, des informations et leur mise en pratique dans une dimension représentationnelle et intentionnelle de l’activité qui justifie et rend intelligible la communication.
De ce point de vue, les E3C constituent donc autant de situations paradigmatiques d’inférences des relations entre les connaissances, leur communication, les outils et les attentes des utilisateurs : chacun des membres de la situation reconnaît l’intérêt pour lui et pour les autres, de l’information, mais infère également les intentions communicatives du système sociotechnique. Ceci est caractéristique d’une interaction qui nous autorise à écarter définitivement l’a priori suivant lequel les actions des usagers face aux TIC seraient intuitives et naturelles, comme le pensent les concepteurs d’environnements interactifs et les constructeurs de machines, alors qu’elles sont (re)construites en situation. Elles sont donc probablement le résultat de constructions mentales.
Le CONSTRUCTIVISME ET L’INTERACTIONNISME
Les conceptions actuelles sur la nature des apprentissages et du raisonnement sont à la fois constructivistes et interactionnistes.
On suppose que l’apprentissage résulte de constructions mentales de l’individu et ne doit pas être conçu pour mettre des connaissances dans la tête des apprenants mais pour mettre les apprenants dans des situations qui leur permettent de construire des connaissances structurées. C’est-à-dire de l’organisation et de la genèse des connaissances.
Aujourd’hui, deux approches sont possibles : celles qui pensent que les connaissances sont d’abord construites individuellement puis mises en relation avec les autres ; celles qui pensent que les connaissances se construisent d’abord socialement avec les autres puis intériorisées.
Ce schéma de la transmission des connaissances se fonde sur le courant piagétien qui travaille sur le rapport entre les structures logico-mathématiques et les nouvelles connaissances. Avec l’assimilation, l’apprenant trie et sélectionne ce qui est conforme à sa structure, c’est-à-dire qu’il décode avec ses connaissances initiales pour intérioriser les nouvelles. C’est l’accommodation des nouvelles connaissances qui autorisent de nouvelles relations et généralisent ou élargissent les structures existantes. Enfin, l’équilibration permet de régler les rapports entre la structure cognitive de l’apprenant et les sollicitations extérieures.
Ici, l’acquisition des connaissances constitue un processus cognitif de traitement des connaissances dans lequel les résultats du traitement génèrent des entrées pour d’autres traitements. Les connaissances sont stockées sous la forme de blocs qui constituent la base de connaissance disponible. Les blocs sont reliés par des réseaux sémantiques qui structurent les connaissances en schémas prototypiques utilisables dans plusieurs situations. Ce schéma est instancié par les connaissances de la situation particulière.
C’est une théorie des significations à la fois prototypique et procédurale qui permet de découper les connaissances afin d’obtenir des leçons, de durée limitée, adaptées au fonctionnement de l’enseignant ou de l’institution (Agostinelli, 1994). Ces leçons sont élaborées suivant des critères pédagogiques qui pensent les phénomènes d’enseignement dans ce qu’ils ont de généralisable avec une homogénéisation a priori des niveaux des apprenants et des modalités d’apprentissage. D’ailleurs, pour un bon fonctionnement de la classe (virtuelle ou non), on peut être amené à réduire la taille des leçons et donc à en augmenter le nombre pour couvrir le même enseignement. Ce découpage se fait généralement suivant « une analyse mathétique » qui consiste à décomposer une activité complexe en une succession d’activités simples telles que le produit d’une activité est intégré dans la situation de l’activité suivante, et « une analyse sémantique » qui consiste à identifier dans la définition du concept enseigné les concepts qui ne sont pas maîtrisés par les apprenants et qui devront donc être enseignés (concepts subordonnés). Ces deux analyses qui doivent être reproduites pour chacun de ces concepts subordonnés s’arrêtent lorsque sont mis en évidence les prérequis à l’apprentissage. Le résultat obtenu est l’itinéraire (ou les itinéraires possibles) pour mener l’apprenant de ce qu’il sait déjà (ou sait faire) à ce qu’il devra savoir (ou savoir faire). Cette idée qu’un apprentissage doit se faire d’une manière séquentielle n’est pas nouvelle. En effet, celle-ci a largement été débattue dans les années quatre-vingt, et une des limites reconnues de ce type de stratégie réside dans la difficulté de réguler le processus d’enseignement, en utilisant d’autres variables que celles relatives au niveau de performance, dans les activités qui font les situations de l’apprentissage.
Cette séquentialisation de l’apprentissage est caractéristique d’une progression pédagogique qui montre bien la légèreté avec laquelle sont prises en considération les connaissances mises en jeu. En effet, si l’on peut admettre l’utilité de telles analyses pour clarifier les objectifs, on peut se demander quelle est son utilité dans l’apprentissage de concepts qui ne sont pas dissociables. De plus, seule une analyse de l’activité de l’apprenant, précédée d’une analyse de la tâche qui lui est proposée, permet de rendre compte des difficultés que rencontrent les apprenants dans un apprentissage (Agostinelli, 1994).
En fait, ce type de stratégies pédagogiques repose sur des principes qui favorisent la répétition, la correction et le contrôle, si bien qu’à la fin de chacune de ces « leçons », une évaluation des performances de l’apprenant est faite afin de vérifier s’il est capable de mobiliser les connaissances qui lui seront nécessaires pour mener à bien la suite des apprentissages. Il est en effet nécessaire que chaque enseignant puisse élaborer un compte rendu à destination de l’institution qui est chargée de planifier l’enseignement en fonction des connaissances acquises par l’apprenant. Avec cette structure où chaque apprentissage est ponctué d’une évaluation, apparaît le principe de régulation pédagogique qui va permettre les activités de remédiation en référence au produit final. Cette idée s’appuie sur deux postulats : un acte de formation « réussi » entraîne chez le formé un changement et ce changement est observable. Ces postulats soulignent la spécification des objectifs en termes de comportements observables, ils ont été largement développés dans la littérature sur la pédagogie par objectifs (ppo) et l’apprentissage programmé. Cette approche par les objectifs pédagogiques a pour but de réduire le contenu du cours présenté à des comportements ou des faits élémentaires, elle permet donc une programmation, une progression, une hiérarchisation de l’activité de l’apprenant. Ceci constitue les bases d’un « apprentissage individualisé ». Le bénéfice d’une telle appréciation globale des changements souhaités pour une action de formation revient donc à « l’enseignant » qui doit se prononcer sur celle-ci. Il est donc indispensable que ce produit soit observable afin de déterminer si l’apprenant a maîtrisé ou non l’objectif, et de faire apparaître les différences individuelles.
Cette logique pédagogique se représente sous la forme d’un triangle qui met en relation d’une façon hiérarchique l’objectif pédagogique, l’épreuve à réussir et l’activité pendant l’épreuve.
Cette figure présente le triangle pédagogique de l’enseignement classique. Il séquentialise les apprentissages dans lesquels le manque de connaissances est repérable parce que le raisonnement de l’individu n’emprunte pas les chemins déjà connus de la bonne procédure. Il est conçu ici comme un « défaut » par rapport au modèle, comme des « ratés » au regard du fonctionnement d’une machine bien réglée. L’apprentissage n’échappe pas à cette conception pédagogique qui veut qu’il soit nécessaire d’objectiver des niveaux de connaissance, des étapes de résolution donc de mesurer des écarts, de mettre en place des dispositifs centrés sur les résultats et les rapports existant entre les résultats déjà réalisés. Ceci est d’autant plus vrai grâce à une systématisation d’une logique pédagogique centrée sur la maîtrise progressive des contenus, en prenant en compte trois fonctions de l’acte pédagogique de l’enseignant :
la fonction d’encadrement qui vise à organiser le travail, à en contrôler et apprécier les résultats ;
la fonction d’information qui couvre les situations à travers lesquelles le professeur transmet un savoir choisi, élaboré, réorganisé en tenant compte des connaissances antérieures des élèves ;
la fonction d’éveil qui cherche à susciter la motivation des élèves en réunissant les circonstances favorables au déclenchement de leur activité.
Ces fonctions sont pour le moins révélatrices d’un comportement impositif de l’intention de l’enseignant qui gère les interactions entre les individus et d’une probable incapacité de l’apprenant à organiser, à apprécier, à évaluer son travail. Les résultats ne peuvent donc être évalués que par un bilan du produit final défini par rapport à l’écart entre « un état initial » et « un modèle minimal ». En fait, il semble que cette conception de l’apprentissage ne cherche pas à découvrir la cohérence propre à chaque conduite. Pourtant, à se centrer trop exclusivement sur la conduite finale, on risque de caractériser la genèse par un modèle qui n’a rien à voir avec celui du processus effectivement mis en jeu par l’individu.
L’apprenant progresse par étapes dans l’apprentissage : c’est l’individualisation du rythme d’apprentissage. La progression ne peut avoir lieu qu’après l’acquisition de l’étape précédente, ce qui opérationnalise les postulats pédagogiques et limite l’apprentissage à la construction et/ou au renforcement de comportements soulignant la nécessité d’une rétention comportementale, ou mnémotechnique. L’analyse préalable, en termes d’objectifs comportementaux explicites des contenus et des buts pédagogiques poursuivis, soulève le problème du choix des objectifs à partir desquels l’enseignant jugera bon de découper la discipline à présenter. La qualité d’un enseignement se mesurera à sa capacité à conduire les apprenants à la maîtrise de ces objectifs.
La progression pédagogique est globalement lente et linéaire mais elle peut varier suivant les niveaux de difficulté, différents en fonction des erreurs qui permettent de ralentir ou d’accélérer la présentation des situations. En fait, l’individualisation de l’enseignement se traduit le plus souvent par le choix de la vitesse de progression dans les différentes tâches proposées. La conception des enseignements repose sur des a priori pédagogiques et sur une mise en œuvre pragmatique d’actions pédagogiques traditionnelles : aller du simple au complexe, laisser de l’autonomie dans la « progression », n’individualiser que pour le temps d’exécution puisque le parcours est identique pour tous, refaire, puisque apprendre c’est recommencer l’exercice, relire la consigne... L’apprentissage se fait suivant une progression linéaire durant laquelle l’enseignant tolère des apprenants une certaine lenteur, un certain retard qui pourrait faire penser à de l’autonomie ou au respect des rythmes d’apprentissage. Ceci nous renvoie à une « logique pédagogique » qui serait construite par l’enseignant pour transmettre un certain nombre de compétences. La progression semble être soumise par isomorphie supposée, à un déterminisme inhérent à la relation maître-élève dans laquelle le maître est le « questionneur » et l’apprenant le « répondeur ». Ici, la répétition, le contrôle, l’évaluation, n’ont d’autre but que de résoudre progressivement et algorithmiquement l’écart au modèle qu’implicitement, le maître possède, et qu’explicitement, tous les individus doivent acquérir de façon identique. À travers cet acte pédagogique finalisé par un objectif, il s’agit d’établir la communication avec l’apprenant, de la contrôler, d’apprécier un comportement afin d’obtenir la modification de son attitude ou d’exercer une régulation de son activité. L’intention pédagogique est donc relative à une situation en partie créée par les réactions de l’apprenant et est relative à l’intention de l’enseignant. Cette vision ne nous informe sur le fonctionnement de l’apprenant que d’une façon très limitée. En effet, dans ce schéma, l’apprenant semble être envisagé avant tout et essentiellement comme un récepteur, un organe d’accueil de la parole magistrale. De là, la nécessaire attitude d’écoute (ou de lecteur assidu face au tableau, face à l’écran) se constitue comme norme impérative pour l’apprenant : ce qui assure la légitimité du statut d’enseigné ; et partant, elle est condition essentielle de réussite.
Avec ce schéma, l’apprentissage dépend de deux points :
la genèse et l’organisation de la base de connaissances ;
les relations entre l’organisation de l’activité et les connaissances qui entrent dans la résolution des problèmes en situation.
Avec la base de connaissances, on fait l’hypothèse que l’apprenant dispose de savoirs et de savoir-faire. C’est le reflet du monde d’un individu et on définit alors cette partie de la pensée sur l’action en termes de base orientatrice. Elle est « un système ramifié de représentations de l’action et de son produit, des propriétés du matériel de départ et de ses transformations successives plus toutes les indications dont se sert pratiquement le sujet pour exécuter l’action » (Galpérine, 1980, p. 169).
L’individu apprenant a donc des représentations du monde que l’on peut qualifier d’initiales, elles ne sont pas des représentations scientifiques et sont probablement incomplètes, voire erronées ; toutefois, on ne parle plus des manques, des lacunes, mais des transformations. L’apprentissage relève alors de la modification fonctionnelle que l’on a d’un objet matériel ou conceptuel. Toutefois, en faisant toujours l’hypothèse que les individus ont déjà leur vision du monde (même local), il convient d’accepter qu’ils aient aussi des connaissances antérieures qui font, non seulement partie de l’environnement d’apprentissage, mais qui font obstacle aux opérations de modification des représentations. C’est ce qu’on appelle l’obstacle épistémologique qui se traduit par un conflit cognitif. Il peut être personnel lorsque les représentations de l’apprenant et de celles proposées par l’environnement ne correspondent pas. Il peut être social lorsque dans un groupe d’apprenant, les représentations individuelles s’entrechoquent. Dans les deux cas, on parle d’interaction, avec laquelle, la construction des connaissances joue, à chaque étape, un rôle central dans l’appréhension de l’environnement et sur d’éventuels effets de ces mêmes connaissances. Dès lors, les connaissances, qu’elles soient individuelles ou collectives, vont se spécifier dans un domaine particulier grâce à une communication des connaissances fonctionnelles. On ne trouve plus ici, des exercices mais des résolutions de problèmes qui permettent de clarifier des critères opérationnels pertinents au collectif, aux interactions, aux relations intersubjectives dans le partage d’une matérialisation de la connaissance (Lave, 1988). C’est ici, la volonté de mettre les connaissances dans l’accomplissement de l’action et de donner au conflit un rôle productif qu’il partage avec l’interaction, c’est-à-dire avec les relations qui rendent compte de la construction et de la révision des connaissances individuelles contraintes par leurs interdépendances ou rendus possibles par celles-ci. L’idée générale est ici de dire que lorsqu’on est en relation avec l’extérieur (le monde, les autres, la communauté...), on ne traite jamais les informations que Ton perçoit directement, on les traite à travers une « grille de lecture » qui est notre base préalable de connaissances, avec pour corollaire, l’impossibilité de dissocier les connaissances, « déjà là » et/ou les nouvelles, des relations. Dès lors, si on ne peut pas « mettre des connaissances toutes faites dans la tête des apprenants », on peut en revanche, déstabiliser les procédures de traitement à partir d’un jeu de relations appropriées. Ces relations secouent les habitudes, ébranlent de vieilles évidences et peuvent être l’occasion de permettre une réorganisation des significations des individus et de la base des connaissances. Cette déstabilisation correspond à une étape du processus de compréhension, à une période de transition pendant laquelle la procédure de traitement s’avère inefficace alors que la situation se clarifie pour l’individu. Il prend en compte de nouvelles conditions et caractéristiques de la situation alors même qu’elles ne sont pas encore connectées au système représentatif. Cette phase correspondrait à une réorganisation cognitive préalable à modification fonctionnelle que l’on a d’un objet.
Le niveau de connaissance atteint par l’apprenant lorsqu’il résout des problèmes, non plus tout seul mais en collaboration, spécifie précisément le niveau de la base de connaissance auquel la médiation va opérer vers les objets conceptuels mais aussi vers les autres individus. La régulation autorise alors, à la fois, une réorganisation des connaissances dans sa base de connaissances et dote l’apprenant d’outils de diagnostics de décision pour la résolution du problème.
Dans ce schéma, la médiation a un rôle central, elle transforme le processus interpersonnel en processus intrapersonnel et le moment le plus important, c’est lorsque l’activité rejoint le langage. En effet, il existe une « zone proximale de développement » (Vygotski, 1997) qui caractérise les possibilités d’apprentissage d’un individu à un moment donné et les éventuelles interactions avec un tiers. C’est dans cette zone qu’il peut y avoir « un heurt direct de l’enfant avec telles ou telles choses... des choses réelles, des choses de la vie » (Vygotski, 1997, p. 371).
Dans cette optique, une communauté d’apprentissage devrait être fondée sur les possibilités d’apprentissage d’un individu à un moment donné et les éventuelles interactions avec les tiers. Elle devrait aussi être fondée sur une démarche d’apprentissage par l’action, être finalisée en fonction de projets incluant la résolution des problèmes ; et enfin, être basée sur la collaboration entre les apprenants.
Suivant cette approche, deux sens différents des communautés d’apprentissage ont été avancés (Gordin, Gomez, Pea & Fishman, 1996) :
Les premières sont les communautés constituées par les étudiants et les professeurs qui s’engagent à long terme sur des projets en collaboration.
Les secondes sont les communautés dans lesquelles les étudiants apprennent les pratiques d’une discipline ou d’une profession. Ici la profession définit une « communauté de la pratique » d’un champ de connaissance et de son organisation sociale.
Quel que soit le type de communautés, l’accès aux ressources et à la communication demande de clarifier les besoins matériels, sociaux et les types d’interactions que les apprenants peuvent avoir avec la communauté de pratiques visée. Plusieurs niveaux d’interaction ou de participation peuvent être envisagés :
les apprenants accèdent à la totalité des travaux mis en ligne, tels que des textes finis, mais aussi aux données analysées qui autorisent la production et la rédaction ;
ils accèdent à des outils et des données brutes, telles que l’équipement pour la production, les procédures et les matériaux de laboratoire, les modèles et outils d’analyse du travail développés par la communauté ;
ils s’engagent dans des échanges avec les autres membres de la communauté, (mail, forum, chat...) ;
ils exécutent des activités coordonnées, des activités de collaboration...
Globalement, une communauté d’apprentissage est formée lorsque des individus résolvent des problèmes ensemble, c’est-à-dire qu’ils partagent les mêmes conditions d’accès aux situations, les mêmes contraintes technico-communicationnelle, mais pas forcément les mêmes connaissances. Vivre, évoluer... dans de tels espaces de communication des connaissances permet de générer des solutions à des problèmes en créant des contextes d’interprétation nécessaires à l’accomplissement des activités d’apprentissage. Ils constituent également un espace de mémoire collective dans lequel les individus effectuent leur activité sans avoir à en maîtriser tous les aspects et en constituant un espace d’accueil et de formation pour les nouveaux venus appelés à recueillir « l’héritage » des usages et coutumes faisant l’objet d’une communication culturelle socialement organisée. Cette « dévolution successorale », c’est-à-dire la reconnaissance des individus et les modes de transmission adaptés à ceux-ci, est tributaire de l’idée que se font les membres de cette communauté de ce qui justifie « leur droit à partager ». Cette dévolution est donc appelée à évoluer, en raison même des domaines de connaissances invoquées, des pratiques, les valeurs dominantes et des contextes.
Le brassage collaboratif qui fait apprendre
Ces connaissances de sens commun déclinées en « allant de soi », déterminent l’immédiateté de l’accord partagé sur les actions à conduire en commun. Le sens commun est un mode de connaissance collective.
La notion d’intelligence collective implique celle de communication, de collaboration et de partage de la connaissance. L’intelligence va émerger des interactions et des réflexions menées par des groupes d’individus. Les outils informatiques, les réseaux et surtout le réseau Internet vont permettre une évolution des notions d’intelligence collective. En permettant une communication « tous-tous » et surtout au-delà des limites de nos frontières, Internet ouvre de nouvelles voies de coopération et d’accès à la connaissance. De nombreux logiciels ont été développés dans le but d’exploiter le potentiel de communication et de collaboration offert par les réseaux informatiques, notamment le Web, ainsi que pour organiser la masse d’informations qui s’y trouve. Les différents outils et techniques mis au point ont été regroupés sous le nom de NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication). La liste des outils présentés ci-dessous n’est pas exhaustive. La plupart des logiciels développés et utilisés en entreprise exploitent plusieurs des techniques introduites, en fonction de leurs besoins.
Relation et rôle de la communication
Le contexte proposé par les E3C questionne le fonctionnement communicationnel des individus dans des situations de la vie quotidienne qui ne sont pas des situations éducatives mais qui pourtant participent à la compréhension des outils et à leurs usages.
Ce contexte attribue un rôle essentiel aux outils transmis par la société, et particulièrement au langage et aux processus de communication qui lui sont attachés. En effet, les processus d’acquisition des connaissances ne peuvent se comprendre sans faire référence au sens et aux valeurs sociales associées aux symboles comme moyen de communication. La communication vise à faire maîtriser les habiletés des échanges qui lui donnent des occasions de s’exprimer spontanément dans la communauté. Cette interaction met en valeur la relation et renforce l’identité et la culture de l’individu au sein du groupe.
Cette situation d’appartenance favorise chez l’individu des habiletés d’expression lui permettant d’être à l’aise dans différentes situations de communication et d’être capable d’utiliser différents niveaux d’échange.
Le processus relationnel doit mener l’individu à une autonomie d’apprentissage, tout en favorisant les stratégies qui encouragent la communication dans tous les domaines d’étude. L’approche holistique basée sur le vécu de l’individu sert de fondement au développement des deux fonctions : écouter, parler. Le « langage » a ici un rôle particulier. Il est vecteur de la communication qui fonde le social. Dès lors, on peut penser que les connaissances sont construites et énoncées par un langage quotidien indexical. C’est-à-dire que la signification ne peut être donnée sans recours à des éléments liés au contexte pragmatique (espace, temps, sujets présents, objets présents).
Comme nous l’avons déjà dit dans le premier chapitre, la spécificité de l’approche des sciences de l’information et de la communication est de s’attacher aux caractéristiques communicationnelles des produits en termes de forme et de sens.
L’analyse sémiopragmatique s’adapte bien à l’analyse des produits de communication, et particulièrement des E3C. Elle les considère à travers la sémiologie et la sémiotique, dans l’articulation entre signifiants et signifiés, et la pragmatique à travers la relation et le contexte, dans les effets produits en pratique.
C’est une analyse descriptive fine de l’espace qui permet :
la détermination de la structure de l’espace ;
la décomposition en éléments pour en déterminer la nature ;
l’examen des liens entre les éléments.
Il y a ainsi des domaines incontournables lorsque l’on décide de créer de tels espaces. Mieux encore, pour développer ces espaces, il semble opportun, une fois la « cible » déterminée, d’analyser ce qu’il se fait en concurrence directe ou indirecte, à travers un tableau comparatif sémiopragmatique. Il révèle ainsi, au même titre qu’une grille, les éléments et dimensions à prendre en compte pour construire un E3C. Largement inspirés de la proposition de Simonnot, dans le cadre des journées d’études « multimédia pédagogique » à Metz (2002), nous avons structuré l’analyse autour de différents éléments de pertinence.
La présentation globale d’un E3C
Il convient en premier lieu de se renseigner sur le producteur : sur ses dates d’existence, sur ses attributions, son organisation interne, ses activités, sa compétence géographique.
En effet, il s’agit de traiter de la présentation des E3C, tels qu’ils sont, la première page dite page d’accueil, c’est-à-dire celle où l’on découvre le « titre », le nom, la date de création, l’instance de production, les objectifs explicites ou la ligne éditoriale, et où ils se situent dans l’espace. Y a-t-il un résumé proposé, un genre déclaré, un public visé ? Quelles sont les conditions d’utilisation sur le plan des techniques (logiciels spécifiques, inscription préalable, téléchargement de logiciels, capacités particulières...) et sur le plan linguistique (français, anglais, autres langues...) ?
Ces différents éléments ont une influence sur les usagers car ils permettent, dès les premiers instants de connexion, d’identifier, de reconnaître le contexte de production. C’est un premier niveau de lecture qui permet de vérifier rapidement l’adéquation entre « la cible » et les objectifs fixés aux E3C. C’est aussi là que l’internaute s’inscrit ou non en tant que membre potentiel de cette « communauté ».
• La page d’accueil représente d’ailleurs la première unité de sens. Ce n’est pas une couverture mais plutôt un sommaire visuel et informatif. Lorsque l’internaute entre dans un espace à partir d’un moteur de recherche ou directement, c’est sur une page d’accueil qu’il aboutit. Il reste alors 30 secondes pour le convaincre de parcourir les pages de cet espace. C’est dire toute l’importance que l’on accordera à la conception et à réalisation de cette première page. Cette page d’entrée prend le nom de page d’index (en référence à l’adresse index.htm), de home page ou de page d’accueil. Pour les sites à structure hiérarchisée, cette page est tout naturellement celle qui est au sommet de la hiérarchie et vers laquelle on pourra revenir à partir de toutes les pages du site.
Les usages et le bon sens dictent les éléments constitutifs de celle-ci :
le nom ou le titre de l’espace qui en reprendra l’objet ;
un sommaire (détaillé ou synthétique) qui donnera une vue d’ensemble du contenu et amorcera les outils de navigation ;
un élément visuel (logo, image, icône symbolique) pour l’aspect attractif ;
un court texte qui reprend le descriptif fourni aux moteurs de recherche (excellent pour le référencement et le classement) ;
le nom de l’auteur et un lien vers l’adresse électronique de celui-ci ;
la date de réalisation ou de la dernière mise à jour...
On évite généralement dans la page d’accueil toute forme de publicité mensongère quant au contenu, les liens externes vers d’autres sites qui pourraient perdre un visiteur potentiel, avant même qu’il ait découvert les pages de l’espace et l’utilisation de barres de défilement vertical qui laisse à penser que la page est trop détaillée et donc pas assez attractive.
On évite aussi un temps de chargement prohibitif car la tentation est grande pour un site inconnu de cliquer sur le bouton « Précédent » et de retourner aux sites concurrents proposés par le moteur de recherche. Les frames sur la page d’accueil sont à proscrire car cela en complique grandement le référencement et le classement auprès de certains moteurs de recherche. La page d’accueil est la page la plus importante de l’espace. C’est elle, et elle seule, qui par son attrait déclenchera le clic « gagnant » du visiteur hésitant vers votre œuvre. Faites votre expérience personnelle sur la toile, comparez, cogitez et laissez parler votre créativité. Sans perdre de vue que votre stratégie pour sa conception retiendra toutes les lignes de force de votre réflexion préalable et rejoindra autant en contenu, visuel et fonctionnalité les objectifs et le public visé de votre espace.
L’exemple ci-après, tiré du bureau virtuel (BV) de l’UNR PACA48, présente les résultats de l’analyse de la variable « contexte de production », effectuée par des étudiants de master première année en multimédia.
Présentation matérielle
Les environnements multimédias sont proposés sous la forme de plateformes Web classiques. Ils proposent un ensemble de moyens et services qui constitue un système d’information partagé dès la page d’accueil. Les environnements ont choisi comme support un site Internet, ce qui semble être un choix évident pour un service d’outil de communication en ligne.
Titre, année de sortie
Le titre se trouve traditionnellement en haut à gauche de la page, souvent sous la forme d’un logo. Ce choix n’est certes pas original, mais cet emplacement du logo semble être une sorte de règle implicite. L’année de sortie n’apparaît que très rarement, ce qui représente un manque car il est intéressant de savoir si un outil ou un espace est récent.
Pour unr-paca.fr, les informations sur la production sont visibles en bas de page. Le titre « mon bureau virtuel » est défini en haut à gauche et au centre, dans les zones les plus visibles. L’année de sortie de cet espace est également placée en bas de page.
L’instance de production
Les instances de production sont variées : de Microsoft49 à Open Stratégies50 en passant par Telefun51, toute la gamme des points de vue des utilisateurs constitués en public est généralement représentée. Ces choix sont liés à l’interprétation de l’environnement final, qui les engage les uns vis-à-vis des autres (« proposeurs »– utilisateurs). De plus, les critères de prédéfinition des utilisateurs peuvent varier considérablement selon les finalités de l’instance de production (une agence Web, un groupe, un ensemble d’universités, des particuliers...). Globalement, le besoin de la notion d’utilisateur-membre est très différent selon le niveau auquel s’exerce l’activité institutionnelle de l’E3C : on n’est pas membre de skyrock.com comme on est membre du BV de unr-paca.fr.
Ligne éditoriale, objectif
Globalement, l’affichage de la ligne éditoriale et des objectifs n’est pas systématique. Toutefois, a minima, on trouvera par exemple la présentation des moyens qui permettent de situer les groupes de discussion sur différents sujets ou d’en créer. 11 y a donc peu d’unité, car une ligne éditoriale s’adresse généralement à un public spécifique. Lorsqu’elle existe, elle s’adapte à la cible : certains utilisent un langage familier, de la rue, pour s’adresser aux moins de 30 ans, alors que d’autres restent neutres, avec un langage simple et « compréhensible » de tous, car l’espace cible le tout public.
En revanche, le BV de unr-paca.fr, quant à lui, utilise un langage plus technique, car il est destiné aux étudiants et aux enseignants de la région PACA et la ligne éditoriale est complète. Elle propose, sur une page d’accueil, un résumé de type publicitaire sur le sujet développé dans l’espace. De plus, une rubrique « Axe du projet » définit en détail les objectifs du site :
le partage : le partage d’informations et la collaboration se font par la mise en place de groupes rassemblant des utilisateurs authentifiés ;
la sécurité : chaque utilisateur crée un ou plusieurs groupes (ouverts ou fermés) et détermine les droits d’accès à ses propres informations. L’administrateur du groupe définit les droits d’accès pour les objets appartenant au groupe. Enfin, en cas de virus, de vol ou de détérioration de matériel, le fait de posséder une copie en ligne assure la sauvegarde et la récupération des données.
Conditions d’utilisation
Généralement, il est nécessaire de s’être préalablement inscrit dans un E3C, avant de pouvoir avoir accès à son espace. Le BV n’est accessible que si l’on est étudiant ou enseignant dans une université de PACA.
Les modalités d’inscription varient du formulaire simple et « convivial », qui offre le choix de l’interface, du nom, de la description... au compte MSN52 mais, dans tous les cas, une bonne connaissance de l’outil informatique est souhaitée.
Le système d’identification peut être un frein et peut dissuader un utilisateur potentiel, en revanche, cette identification donne le statut de membre et garantit l’appartenance à un groupe.
Cette description du contexte de production montre que la comparaison de la présentation globale de la première page de chaque espace fait ressortir des éléments positifs, pour l’usager et d’autres pouvant gêner ou bloquer l’internaute dans la suite de son cheminement. Dans le cas du BV de unr-paca.fr, la place du titre et du logo est toujours la même et ne gêne pas la lecture, a priori de la page. Ce positionnement implicite donne à cette première page, une caractéristique, un repère, pour ce type d’espace.
Si certains concepts sont décrits à partir de dimensions telles que haut-bas, dedans-dehors, devant-derrière, dessus-dessous, etc., c’est que notre expérience du monde est essentiellement vécue en rapport avec l’espace et la gravité (Lakoff & Johnson, 1985) ; il nous est donc indispensable d’en tenir compte dans la construction des E3C.
De même, la ligne éditoriale n’apparaît que sur le BV de unr-paca.fr, ce qui semble intéresser l’internaute car les objectifs sont explicites. En revanche, dans le cadre des conditions d’utilisation, on peut se rendre compte que l’inscription préalable sur le site ou l’installation de plug-in, ou encore le niveau de connaissances informatiques posent parfois des problèmes en fonction de la « cible » visée.
En ce qui concerne les conditions d’utilisation, il est impossible de savoir à l’avance lesquelles choisir car on ne connaît jamais la résolution d’écran, les logiciels disponibles et les capacités de nos internautes. Toutefois, il existe certaines solutions pour rendre l’espace esthétiquement compatible avec n’importe quelle résolution d’écran.
Avec toutes les précautions d’usage quant à la précision des chiffres suivants et après recoupement de plusieurs sources, la moyenne des utilisateurs du Web utilise une résolution d’écran de 800 x 600 et en 65 536 couleurs. Mais écrire pour la moyenne n’est pas tout ; il reste les 45 % autres internautes qui deviennent de plus en plus nombreux. Il faut bien admettre qu’en 640, la composition de la page est un peu étriquée, mais on rencontre de plus en plus de sites qui sont conçus en 600 pixels de large pour être vus en 800 x 600 ou plus. Le reste de la largeur étant un arrière-plan neutre, la page reste alors toujours bien lisible quelle que soit la résolution.
Le choix de la langue, les conditions d’utilisation, la présentation générale et la ligne éditoriale, le nom lui-même et sa place sur la page sont autant d’éléments à prendre en compte pour « tenir » l’étudiant-internaute dans l’espace 3C. L’ère du zapping est fortement liée à la capacité de lecture sélective des usagers, qui, lorsqu’ils n’ont pas d’accroche (au sens journalistique du terme), ne se sentent pas obligés de poursuivre leur chemin.
Les contenus et savoirs
Dans un second temps, il est nécessaire de « décortiquer » la présentation des contenus à travers leur mode de structuration c’est-à-dire le type d’arborescence privilégié, le découpage thématique choisi, la place et les proportions de l’élément central et des éléments périphériques. Mais il semble aussi opportun de positionner le traitement des sources d’information :
Est-ce une énonciation directe ou déléguée, y a-t-il des interventions ?
Y a-t-il des citations à utiliser ou à mettre en avant ?
Quelles sont les références bibliographiques ou sitographiques, apparaissent-elles dans l’espace ?
Enfin dans cette partie de l’analyse, il s’agit de définir la construction des mondes et de s’interroger sur le type de monde (factuel, fictionnel ou virtuel) et des relations à créer entre ces mondes (emboîtement, glissement, confrontation, monde dominant...).
Pour poursuivre avec le même exemple, les résultats ci-après présentent les critères analysés pour cette variable.
Mode de structuration des contenus
■ Arborescence, découpage thématique
Les arborescences classent bien les différentes thématiques des groupes existants. L’information est structurée et peut, parfois, être un peu trop découpée, ce qui réduit la lisibilité des menus et donc leur efficacité.
Pour l’ unr-paca.fr, l’arborescence possède un niveau de profondeur à partir de la page d’accueil. Il y a plusieurs rubriques expliquant le projet de bureau virtuel (histoire, acteurs, actualités...). Le découpage thématique est clair, il permet de naviguer simplement et de trouver rapidement une information.
Les E3C mettent donc en œuvre une structuration simple et respectent la règle des trois clics : en trois clics on trouve ce que l’on cherche, c’est-à-dire qu’il n’y a généralement que trois niveaux d’avancée dans l’arborescence.
■ Élément central
Généralement, les E3C ont pour élément central la partie droite de l’écran, dans laquelle se trouve le thème proposé. Cette position, avec les informations à droite, est la plus courante et on peut penser que tout espace voulant être simple et ne pas dérouter les internautes, devrait conserver cette structure. C’est le cas de l’unr-paca.fr, dans lequel l’élément central de la page est représenté par la partie droite de l’E3C : on y visualise les informations du thème que l’on aura préalablement choisi sur le menu.
Traitement des sources d’information
■ Type d’énonciation
Globalement, l’énonciation utilisée est le vouvoiement. Les E3C s’adressent à nous et utilisent un langage simple pour interpeller par les questions posées. Les questions posées font réfléchir sur l’utilité et l’usage que l’on a de l’espace et s’adressent directement aux utilisateurs. Ce type d’énonciation semble être le plus adapté car la communication directe avec les utilisateurs favorise la confiance.
C’est le cas de Vunr-paca.fr dans lequel l’énonciation est directe, la source provient de l’environnement lui-même et a pour vocation d’expliquer l’objectif du bureau virtuel, son utilisation. Le langage employé est soutenu, ce qui semble logique dans un domaine pédagogique.
■ Citations, interventions
Globalement, aucune citation et intervention ne sont présentes sauf sur Vunr-paca.fr où l’on trouve des citations de compte rendu sur le développement du projet « bureau virtuel ».
■ Références bibliographiques et sitographiques
Des liens vers des partenaires sont présents dans tous les espaces analysés (sites institutionnels, sites partenaires, universités). Les liens existent aussi vers les instances de production. Par exemple, lorsque l’instance est Microsoft, on trouvera des liens vers les autres sites et outils de l’éditeur.
En retour, la plupart des partenaires mettent également des liens vers les espaces, ce qui permet d’améliorer le référencement de l’espace et sa visibilité.
construction des mondes
■ Type factuel, fictionnel et virtuel
Globalement, différents types de mondes sont présents. Le premier, factuel, est celui du portail ou de la page d’accueil. Il présente les options disponibles pour chercher des autres groupes. Le deuxième monde est celui du groupe d’appartenance. Il est virtuel et se présente sous la forme d’une interface composée de différents outils. Ces outils sont utilisés pour communiquer et échanger des informations avec les autres membres de son groupe. Les deux mondes sont semblables, ils ont la même apparence, cela évite que l’utilisateur soit perdu et ainsi il n’est pas déstabilisé par une navigation différente.
Dans l’ unr-paca.fr, deux types de mondes sont présents. Le premier, le site du bureau virtuel, est factuel et son contenu se rapporte au projet du bureau et ses objectifs. Le second, le bureau virtuel lui-même, en tant qu’outil, est aussi factuel.
Généralement, la plupart des E3C relèvent du monde factuel, tandis que leurs produits (blog, bureau virtuel ou groupe) peuvent être aussi de type fictionnel ou virtuel. Cela dépend des contenus des utilisateurs. Les E3C sont à la fois informatifs et donc liés au monde factuel, mais ils peuvent aussi avoir des espaces propres, spécifiques et donc appartenir aux mondes fictionnels et virtuels.
Relation entre ces mondes
La transition entre les deux mondes se fait par emboîtement car on doit passer par le premier pour arriver au second. La transition se passe de manière inaperçue, le deuxième monde peut être assimilé à une rubrique du portail principal. L’emboîtement entre ces deux mondes se fait donc aisément, il suffit généralement de s’identifier pour passer de l’entrée à l’espace de travail. Chaque relation étudiée se concrétise par un passage entre un monde factuel (portail, site, groupe) et fictionnel (espace). Les E3C procèdent tous à une circulation entre le monde factuel et fictionnel en fonction des connaissances véhiculées.
L’arborescence, le découpage thématique, et la structuration des contenus permettent de faire le lien entre l’idée que l’on se fait des connaissances à transmettre et comment en faciliter l’accessibilité. Ainsi, il semble nécessaire de mettre en place deux types de scénario : un, lié à la structuration des contenus dans le site ; l’autre, lié à la pédagogie. Pour exemple, si les choix pédagogiques se fondent sur une formation à distance modulaire, il faudra réfléchir en amont sur la présentation de ces modules, puis de chacun d’eux mais aussi sur chaque cours, travaux liés à ces modules et donc imaginer les cheminements possibles voire potentiels des internautes-apprenants. C’est aussi, à partir de ces étapes, que se détermine le choix d’une partie centrale ou non et de son positionnement sur le site. Comme nous le verrons dans la dimension perceptive, la visualité des informations est prégnante sur la toile comme en matière de presse écrite. La une des journaux ne se construit pas de manière aléatoire ; la page d’accueil d’un site non plus. C’est à partir d’elle que l’on doit faire passer le message essentiel, l’idée de partage des connaissances et de communauté de pratique.
La raison essentielle de la découpe du contenu en petites pages de dimension réduite réside dans le temps de chargement, bien que l’ADSL aujourd’hui, le rende plus aisé. Ce temps doit être raisonnable, pour le confort de l’internaute, sachant qu’il comprend non seulement le texte de la page mais aussi les images, le son et les autres animations.
D’autre part, des petits morceaux d’information semblent plus adaptés à la lecture sur un écran d’ordinateur que la vision partielle d’un long document. En effet, la mémoire immédiate et la synthèse instantanée de l’esprit humain autrement nommée « ellipse informationnelle » (Agostinelli, 2006) ne supportent pas des pages Web très longues. Elles sont déstabilisantes car elles nécessitent le défilement vertical et l’obligation de se rappeler les informations ainsi disparues de l’écran. La mémoire à court terme comprend entre quatre à sept petits éléments d’information.
En outre, cette découpe de l’information en petites unités logiques, associée à une structure rationnelle, facilite grandement la navigation et la recherche de l’information souhaitée.
Le découpage de l’information en petits morceaux, organisés de façon uniforme, est particulièrement adapté aux présentations Web et donc aux E3C car :
peu d’utilisateurs passeront leur temps à lire de longs passages de texte sur l’écran. À la lecture en ligne, ils préféreront souvent enregistrer les longs documents ou même les imprimer ;
le découpage de l’information en petites unités et le système hypertexte font bon ménage. En effet, en cliquant sur un lien, l’internaute s’attend généralement à trouver un autre morceau d’information liée et complémentaire à la précédente et non un livre complet. Mais il ne s’agit pas non plus de pratiquer la subdivision abusive. « Cliquer sur un lien » pour ne trouver que quelques mots ou un petit paragraphe peut se révéler frustrant pour l’utilisateur et le distraire du véritable contenu. On utilisera alors plutôt (mais sans en abuser) les petites fenêtres pop-up ;
une forme uniformisée du découpage et de la présentation crée une identité au site. Cette cohérence permettra très vite aux internautes d’acquérir une certaine expérience pour leurs recherches et autres explorations, voire de prévoir comment une nouvelle section de l’espace sera organisée. Vous aurez alors créé « un espace où l’on se sent à l’aise », ce qui est une des clés essentielles des communautés de pratique.
Ce découpage de l’information doit cependant être adapté au sujet traité ainsi qu’à la logique d’organisation du site et au confort de l’internaute-apprenant. C’est la nature du contenu qui suggère le meilleur moyen de subdiviser et d’organiser l’information. Ainsi, dans certains cas, des pages plus longues seront néanmoins nécessaires pour traiter complètement un sujet sans brouiller l’internaute par une découpe intempestive de celui-ci. C’est particulièrement vrai lorsque l’on souhaite que l’utilisateur puisse imprimer ou enregistrer un sujet déterminé en une seule étape.
C’est aussi en ce sens que le type d’énonciation rentre en jeu. Sans reprendre ici les différents éléments de la théorie de l’énonciation (cf. Bally, 1932 ; Benveniste, 1966-1974 ; Culioli, 1978 ; Sechehaye, 1926), rappelons cependant que l’énoncé est un phénomène variable lié à l’activité de langage en situation dans un « je-ici-maintenant ». Il est relié à un contexte et il fournit le sens en fonction de la compréhension et de l’interprétation. Autrement dit, c’est un construit de l’énonciateur en fonction de sa situation spatio-temporelle, des co-énonciateurs auxquels il s’adresse et du message qu’il veut faire passer. Ainsi, les énoncés ne sont pas toujours construits en fonction de critères syntaxiques. Le type d’énonciation nous intéresse donc au titre de la pragmatique, en termes d’actes de parole (Austin, 1962 ; Searle, 1972), lorsqu’on traite le langage associé à son utilisation et à l’action. Il s’agit alors de faire la distinction entre acte locutoire, illocutoire et perlocutoire pour marquer, faire agir ou non l’internaute. Si le premier concerne la production d’un énoncé selon des règles linguistiques, le second met l’accent sur l’intention de l’énonciateur en fonction du type d’information contenue dans l’énoncé (déclaration, promesse, interdiction...), enfin, le troisième concerne l’effet produit par l’énoncé sur le co-énonciateur ou sur ses actes. Dans les E3C on ne peut faire l’économie de cette notion d’énonciation dans la mesure où c’est à partir des indices de celle-ci que l’internaute-apprenant va agir. Ces indices sont appelés embrayeurs. Ils renvoient, soit aux actants, soit aux circonstances de l’énonciation.
Les premiers se réfèrent à l’énonciateur ou au destinataire, et sont appelés embrayeurs subjectifs ou embrayeurs personnels.
Les seconds se réfèrent aux circonstances de l’énonciation, circonstances de lieu (ils sont alors appelés embrayeurs spatiaux ou embrayeurs locatifs), ou circonstances de temps (ils sont alors appelés embrayeurs temporels).
Ainsi, lorsque l’on crée un E3C, doit-on choisir entre le tutoiement, le vouvoiement, entre parler de soi à la première personne, à la forme impersonnelle ou plurielle, mais entre des verbes à l’impératif, au présent, au conditionnel pour interpeller, apostropher, interroger ou non l’internaute.
Enfin, et selon la détermination de la cible, il peut être nécessaire de construire des mondes dans lesquels les internautes-apprenants vont se reconnaître et déambuler aisément. Il en est ainsi d’un monde virtuel, créé artificiellement par un programme informatique et hébergeant une communauté d’utilisateurs présents sous forme d’avatars et pouvant s’y déplacer et y interagir. La représentation de ce monde et de ses habitants est en deux ou en trois dimensions.
Ce monde peut simuler le monde réel, avec ses lois physiques telles que la gravité, le temps, le climat, la géographie. Les lois humaines peuvent également être reproduites. La communication entre les utilisateurs se fait le plus souvent sous forme de texte. On retrouve la plupart du temps des mondes virtuels dans les jeux en ligne massivement multijoueurs (mmog53 de l’anglais massively multiplayer online game) comme Second Life54, The Sims Online55, et particulièrement dans les mmorpg (massive multiplayer online rôle playing games) comme EverQuest56, ou World of Warcraft57.
Des E3C de ce genre sont encore peu mis en ligne, ne serait-ce que par les répercussions technologiques que cela implique et ne s’adaptent, pour l’heure, le plus souvent qu’à des tranches d’âge allant de 5 à 12 ans. Ainsi, l’internaute met en œuvre un processus de spatialisation qui montre bien qu’internet peut être considéré comme un espace. Cette compréhension du dispositif en termes d’espace constitue une première forme de métaphore, un premier processus de métaphorisation car la métaphore n’est pas seulement une figure de rhétorique, un ornement littéraire ou stylistique. Plus fondamentalement, la métaphore est un mécanisme cognitif essentiel qui permet de comprendre une réalité dans les termes d’une autre et donc aussi d’interpréter un phénomène nouveau avec un cadre de référence cognitif déjà établi : « L’essence d’une métaphore est qu’elle permet de comprendre quelque chose (et d’en faire l’expérience) en termes de quelque chose d’autre » (Lakoff & Johnson, 1985). C’est en ce sens et pour ces raisons que l’on doit concevoir les « mondes » à créer dans les E3C.
Mais cet espace peut encore être nommé, désigné et donc organisé. Intervient ici un second processus de métaphorisation qui met en jeu des métaphores structurelles : celles-ci constituent un cadre cognitif d’interprétation et d’organisation topo fonctionnel du dispositif (Lakoff & Johnson, 1985). Ces espaces se voient dès lors « naturellement » désignés par des métaphores qui toutes, renvoient à un espace particulier comme le campus virtuel, la classe virtuelle. L’espace orienté initialement prend alors la forme d’un espace particulier, connu, celle du campus et l’espace virtuel se structurera comme tel, en reproduisant les fonctions et les espaces correspondants, même les choix lexicaux seront ceux du même champ sémantique (bibliothèque, salle de séminaire...). C’est cette imbrication qui détermine les relations entre les mondes, entre les rubriques ou modules constituant l’ensemble de l’espace.
La dimension perceptive
Elle prend toute son importance à travers ses modalités de représentation.
D’abord, il faut souligner que la combinaison de texte, image et son dans un même hyperdocument oblige le concepteur d’E3C, à classer et même à formuler l’information de façon tout à fait particulière, qui ne peut être ni linéaire, ni cumulative comme c’est généralement le cas pour les supports traditionnels. L’information doit être ordonnée et présentée de manière à permettre à l’usager final d’y accéder selon un principe modulaire et complémentaire, sous forme d’unités à la fois autonomes et interconnectables qui permettent une lecture dynamique, multifocale et à entrées variables. Force est de constater que cette non-linéarité et cette modularité semblent constituer, justement, un format tout à fait approprié pour recueillir et présenter le plus adéquatement possible le type d’informations propre aux E3C.
Les modalités de représentation s’observent à travers :
l’importance relative des différentes modalités verbales, auditives et visuelles (texte, image fixe/animée, son, musique). Quelle est la modalité prépondérante ? Pourquoi ? Quel équilibre ?
la nature de chaque modalité (texte d’auteur ou graphiques, photographie, diapositives, vidéogramme, animations...). On s’interroge ici sur la prégnance des modalités, absence de texte, modalité sonore forte, centralisation sur l’image fixe ou animée...
Comme pour les tableaux précédant, les exemples qui suivent sont issus de travaux d’étudiants du Master première année en multimédia dans le cadre de l’analyse sémiopragmatique du BV unr-paca.fr.
Il est à noter, comme le montrent les analyses ci-après, que dans la plupart des espaces l’image a une valeur illustrative ou de repérage et que le texte prédomine.
Les modalités de représentation
Les textes sont courts et clairs, les images descriptives sont en rapport avec le texte. Il existe une forte cohérence dans les médias et lorsqu’on constate l’absence de certains médias (sons, vidéo...), on constate aussi une diminution de cohérence de l’espace.
Dans le BV, nous constatons une prédominance du texte, ainsi que des icônes et des publicités pour les images. Chaque modalité se complète les unes aux autres, ce qui permet un certain dynamisme de la page.
L’aide est très compréhensible, une combinaison de textes avec des animations claires explique simplement et rapidement l’utilisation des différents outils. Les espaces de partage de connaissances ont une majorité de texte, parfois en surabondance ou raisonnablement (bureau virtuel). Il s’agit de doser cette modalité afin d’éviter de dissuader l’internaute avec trop de texte (trop d’information tue l’information).
Les images sont une modalité secondaire qui vient en complément du texte et garantit un certain esthétisme.
Nature des médias
Généralement on retrouve un texte explicatif simple et clair sur les outils de l’espace pour faciliter l’utilisation. Lorsque les images (ou graphiques) sont présentes, elles sont simples, sous forme d’icônes qui symbolisent un thème pour faciliter la perception et la recherche, elles sont souvent accompagnés d’hypertexte. Si les graphiques, les icônes semblent être un bon moyen de synthétiser et illustrer les informations, nous avons constaté quelques fois, une incohérence des icônes associée à une trop grande quantité de texte brut. Les animations flash à but pédagogique sont le meilleur moyen pour expliquer clairement l’utilisation du produit. Le texte est explicatif et descriptif du projet, de l’historique, etc. Il est long et la cible est très restreinte (professeur et développeurs du projet, partenaires, institutions).
Les textes ont un objectif informatif ou représentent des liens vers des sous-parties (bureau virtuel). Les images présentes illustrent les propos et sont complémentaires.
Ces deux modalités seront essentielles et doivent être travaillées en termes d’omniprésence pour permettre à l’utilisateur de naviguer plus aisément, de comprendre et d’utiliser facilement les outils.
L’image s’analyse à travers le traitement de la visualité qui est constituée du découpage de l’écran, de la profondeur, de la valeur accordée aux images (indice, symbole, icône), mais aussi de la fonction des images (design, instrument, information). L’image a une valeur indiciaire lorsqu’elle inscrit une relation de causalité avec ce qui est représenté. Elle a une valeur d’icône lorsqu’elle entretient une relation de similarité et une valeur symbolique, lorsqu’il s’agit d’une relation arbitraire et conventionnelle.
Image et visualité
Dans le BV, le découpage de l’écran s’effectue en trois parties : le bandeau, le menu et le contenu. L’image a une causalité directe avec le sujet car elle représente une utilisatrice du produit et les logos des partenaires. Il convient d’éviter que chaque page ait une structuration propre. Elles doivent être identiques pour ne pas dérouter le lecteur, utilisation de constantes de navigations. Il est aussi important de respecter la « règle » : menu de navigation en haut et menu d’outils en bas.
Il n’y a pas d’icônes en dehors des icônes de fonctionnalités habituelles, pas de symboles, les images ont une fonction de design uniquement. Les E3C doivent donner une majorité d’indices, c’est-à-dire des images explicitant le contenu. Elles ont pour fonction d’être esthétiques mais aussi informatives. La présence d’images et d’animations est indispensable à la clarté d’un espace et à son identification, elles sont là pour que l’on « s’anime ».
L’image, considérée comme un langage visuel composé de différents signes, s’exprime. Elle véhicule un discours. C’est un outil d’expression et de communication, comme tout texte écrit. Nous pouvons appliquer les mêmes théories pour l’image que dans une étude littéraire. Quel est l’objectif de l’image ? Tout d’abord, l’image décrit. Son atout est son caractère visuel grâce auquel elle exprime ce que les mots ne disent pas. Par exemple, la photo et le schéma font comprendre aux lecteurs ce que l’écriture ne peut pas montrer. Juxtaposer certaines images qui s’opposent accentue leur différence. L’image raconte également une histoire. Des images séquentielles peuvent avoir ainsi une fonction narrative ou descriptive. D’autre part, l’image incite à l’action. Elle joue sur l’émotion, elle tend vers l’imaginaire. Et l’image, au même titre qu’un objet réel, constitue un objet pour notre perception. Aussi l’image réside-t-elle au cœur des processus qui mènent de la perception à la cognition, de l’image perceptive à l’image mentale.
Textes à lire, à entendre
S’il semble important d’analyser la nature des textes, (menu, explication, texte d’auteur), leur statut (légende, indice, effet esthétique) et leur rôle (explication, illustrations, aide), il n’en demeure pas moins important d’en maîtriser les aspects ergonomiques en termes de lisibilité.
Il convient de prendre en compte le fait que les informations écrites sont moins faciles à lire sur un écran que sur papier (25 % de temps de lecture supplémentaire). Ainsi, le texte devra être suffisamment aéré et clair.
Le texte devra être structuré à l’aide de paragraphes et de titres de différents niveaux, afin d’en faciliter la lecture. Les éléments d’informations doivent être hiérarchisés par niveau d’importance. Les éléments les plus importants doivent figurer en haut de page.
Dans le BV unr-paca.fr, le menu est lisible, on constate un respect des styles de la charte graphique (entre les degrés d’importance) ce qui apporte une certaine cohérence à l’espace. Concernant le contenu, la couleur de police est appropriée et lisible, mais la page manque d’aération. Un effet de bloc apparaît. Le texte a uniquement un rôle explicatif.
Dans les E3C, les textes doivent être lisibles et clairs. Ils sont explicatifs ou pointent vers d’autres parties internes ou externes à l’espace. Des textes courts se révèlent être plus efficaces que de longs paragraphes, comme dans le bureau virtuel. Les polices utilisées se doivent d’être claires et différenciables selon le niveau de l’information, ce qui n’est pas le cas. Il est fondamental de porter une attention particulière à l’utilisation des polices, en cohérence avec la charte graphique, afin que l’aspect visuel soit agréable.
Comme indiqué dans l’exemple ci-dessus, le choix de la typographie dans ces espaces est d’une grande importance et n’a plus rien à voir avec la typographie de la PAO. D’abord, les deux supports d’information sont très différents et chacun possède ses avantages et ses inconvénients. Ensuite, l’ordre des processus n’est pas le même. Dans les industries graphiques, on imprime d’abord, on distribue ensuite : l’imprimeur, ou son commanditaire, est maître de la présentation du produit imprimé. Sur le Web, c’est l’inverse : on distribue d’abord (via Internet), on affiche ensuite. L’internaute, et le système informatique qu’il utilise, influent sur la présentation des pages Web reçues. Enfin, la transmission des données via Internet est limitée par le débit du réseau, débit généralement faible, et souvent irrégulier.
Il en résulte que la typographie du Web souffre de contraintes qui n’existent pas pour la typographie classique sur papier. Toutefois, un certain nombre d’éléments est réglable, comme la nature de la police, le corps (la taille) des caractères, la couleur des caractères, le style (normal, italique, gras, et gras italique), les effets (souligné, barré, indice, exposant). Précisons néanmoins ce qui fait défaut : la largeur et la graisse (l’épaisseur) des caractères ne sont pas réglables ; le crénage (la distance entre les caractères), la distance entre les mots et l’interlignage (la distance entre les lignes de texte) ne sont pas réglables ; sept tailles de caractères seulement sont disponibles ; le téléchargement des polices avec la page Web est impossible.
En matière de polices de caractères, on ne connaît pas l’équipement de l’internaute moyen, mais on est à peu près sûr de la présence de celles qui sont apportées par le système d’exploitation, et par le navigateur Internet Explorer ; rares sont en effet les utilisateurs qui vont dans le dossier « polices » de leur système pour supprimer un fichier qui leur déplaît. Nous savons d’ailleurs qu’il existe onze polices que l’éditeur Microsoft conseille d’utiliser dans les pages Web, et que Ton peut télécharger gratuitement sur son site.
En revanche, le domaine colorimétrique d’un moniteur est généralement considéré comme plus étendu que celui de l’offset classique, en particulier dans le vert. Il est déterminé par les caractéristiques des luminophores émettant les trois couleurs RVB de base. De même, sur l’écran d’un moniteur, on peut en théorie afficher 16 millions de couleurs différentes. En pratique, tout dépend de la manière dont est équipé l’internaute en matière de carte graphique et le nombre de ceux dont la carte graphique est réglée sur une profondeur de couleur d’un octet (palette de 256 couleurs) est inférieur à 10 % et ne cesse de décroître.
Mais il y a autant de façons d’afficher la même couleur qu’il y a d’ordinateurs et la seule défense consiste à soigner les contrastes au moins autant que les couleurs elles-mêmes, pour assurer une certaine homogénéité de reproduction des pages créées dans les E3C, entre les différentes machines des internautes.
1• Le son : bruits, voix, musiques
Il s’agit ici de donner vie aux E3C et aux applications multimédias en leur apportant ce qui leur fait souvent défaut : le son !
Les champs d’application sont nombreux :
messages d’accueil vocaux et guidage de l’internaute.
commentaires, messages et spots publicitaires,
identité sonore, jingles et musiques personnalisées...
On s’appliquera dans ce cadre à analyser le type d’espace sonore construit interne ou externe à la scène. Dans les E3C par exemple, on privilégie la plupart du temps la mise en place de visioconférences dans lesquelles l’espace sonore se construit en même temps que se construit la situation de communication. Aussi est-il important d’en déterminer à l’avance l’influence sur celle-ci. Y compris lorsque l’on décide de monter des exemples audiovisuels, pour contextualiser les connaissances, il est essentiel de s’interroger sur la construction de la sonorisation. Doit-on conserver ou non le son propre à la scène, à la situation ou doit-on intégrer une voix off pour pointer des éléments fondamentaux pour la communication des connaissances ? Cette question centrale du choix de l’espace sonore le plus adapté interagit avec le degré d’audibilité, les effets sonores et avec l’écoute elle-même. Si l’audibilité se règle par des systèmes autonomes de volume liés directement aux appareils, l’écoute, elle, se trouve directement liée à la situation de communication des connaissances. Quel type d’écoute et quelle valeur d’écoute privilégier dans ces espaces ? Le son, au sens large, doit parfois être perçu comme un indice et susciter une attention particulière. Ici sa valeur de ponctuation ou de focalisation peut être pointée par un son ou une voix, voire par une musique. À d’autres moments, l’écoute est de type causal, c’est-à-dire très nettement liée à une action de l’internaute-apprenant. Là aussi, le choix repose non seulement sur la valeur de focalisation, ou de vectorisation du son selon l’importance que l’on doit accorder à l’action de l’internaute. Ce fut le cas pendant longtemps des logiciels dans lesquels, les cris de joie pouvaient marquer une réussite et inversement, où encore une voix nous invitait à recommencer l’action non réussie. Plus personne n’ignore que le Web est aujourd’hui un véritable média, au même titre que la télévision, et que, comme elle, il se doit de diffuser un son de qualité, même si la valeur d’écoute n’est autre que l’accompagnement ou l’ambiance.
Relation entre les modalités sensorielles
Du texte à l’image, de l’image au son ou du texte au son, des relations complémentaires, contradictoires ou redondantes sont mises en œuvre dans les E3C.
Il peut n’y avoir aucune complémentarité quand les images n’ont aucun rapport avec le contenu et ne sont là que pour animer un écran. C’est souvent le cas des publicités intempestives animant les espaces pour des contreparties financières. Cela est aussi le cas des espaces presque exclusivement centrés sur le texte. Lorsque l’image existe, elle illustre ou apporte une précision technique par rapport au texte et inversement, le texte explicite parfois l’image comme le fait la légende. Le texte a alors pour fonction d’ancrer l’image, la photo, par rapport à l’environnement. La réalité vue à travers l’image renvoie au texte. C’est, en fait, donner les éléments abstraits de l’information. La légende doit renvoyer au message du texte et révéler des informations non lues dans l’image.
Elle a aussi une fonction relais lorsqu’il s’agit de donner l’intentionnalité du support, renvoyer à l’intentionnel (derrière la photo) que l’on a en tant que publieur. C’est ce qui permet le positionnement du support.
La dimension esthétique
Elle s’attache à définir le style visuel et sonore et plus précisément le style des écrans, le style graphique et le style sonore, comme le montre l’exemple de commentaires ci-dessous, tirés de l’analyse du BV unr-paca.fr.
Un quart de la surface est utilisé pour le menu, le reste étant pour le contenu et le bandeau. L’architecture permet une bonne lisibilité, il n’y a pas de concentration de textes grâce à une bonne aération.
Le style des écrans du BV rappelle celui des tableaux : les pages paraissent très découpées, carrées. Cette structure de page n’est pas très originale, elle donne un côté organisé et sérieux qu’il n’est pas toujours nécessaire d’utiliser dans les espaces spécifiques même si cela est plus utile globalement dans l’espace en général. Pour intégrer de la convivialité, on peut utiliser des formes plus arrondies pour rendre les espaces plus agréables et « ludiques ».
Le style graphique du BV est sobre, lisible et sans excès. Il reste plutôt neutre ce qui est compréhensible dans un domaine éducatif et professionnel. Toutefois, il demeure un peu terne, neutre. On n’y trouve pas beaucoup d’originalité, les couleurs sont basiques et plutôt froides. L’objectif des E3C est de proposer une interface agréable et chaleureuse, il est préférable d’utiliser des couleurs plus chaudes et un graphisme plus vivant, voire dynamique. Quant au style sonore, il n’y en a pas. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’en faut pas. Le style de son à utiliser doit être adaptatif voire courts et légers, et simples à désactiver.
La répétition est un facteur unificateur important dans tout espace de communication des connaissances. Un document sans style semble désorganisé et incohérent, compliquant la tâche du lecteur, alors que la répétition des couleurs, des fonds, des typographies et du positionnement des éléments dans la page provoque l’effet inverse. Le style d’écrans est donc déterminant, par la forme carrée ou en arche, en L renversé, mais aussi par sa profondeur, son fond...
Il est important d’utiliser le même fond de page (couleur ou trame) sur l’ensemble du cours. Pour les plus expérimentés, ce fond peut varier d’un chapitre à l’autre à condition de respecter le même esprit. Les choix typographiques ne doivent pas changer et la police de caractère, le corps et la couleur affectés au texte principal seront constants sur l’ensemble du cours. Les titres, sous-titres, notes et légendes feront chacun l’objet d’un choix maintenu sur l’ensemble du document.
L’utilisateur va s’adapter plus rapidement au cours si le positionnement et le style des boutons de navigation, des symboles et autres éléments répétitifs tels que l’accès à des fichiers audio ou vidéo est systématique.
Le style des éléments visuels ou sonores utilisés peut lui aussi renforcer ou affaiblir la cohérence d’un espace. C’est ainsi qu’il y a perte de cohérence quand, par exemple, un point est illustré dans un chapitre par un dessin humoristique alors qu’un point complémentaire est accompagné d’une photo à la page suivante. Toutefois, l’aspect général du cours doit correspondre à son contenu. L’utilisation d’une même gamme de couleurs sur l’ensemble du cours crée des liens invisibles entre les écrans et les pages. Couleur, graphisme, typographie et mise en page sont les paramètres qui permettent de dégager une ambiance ou un ton dans le cadre des E3C.
L’identité visuelle exprime, grâce à un style graphique propre à l’espace, les valeurs, l’activité et les ambitions de celui-ci. C’est ce qui aboutit à créer ce qu’on appelle le « design général » c’est-à-dire l’enveloppe graphique qui met en valeur le contenu de vos pages. Il en est de même pour le style sonore qui le plus souvent n’est pas intégré aux E3C qui mettent davantage l’accent sur le contenu que sur la forme identitaire sonore de l’espace.
La dimension pragmatique
Elle est constituée de la navigation et de l’interactivité de l’espace.
Navigation
C’est le type de parcours, d’accès, d’outils de consultation. Sans aucune explicitation de la structure de l’ensemble d’unités d’information, l’internaute construit, partiellement au moins, et en temps réel selon sa propre curiosité, son intérêt, le cheminement qu’il choisit. Il est donc nécessaire d’anticiper, toujours au regard des objectifs de l’E3C, une logique de « visite », de navigation. Chaque utilisation donne lieu à une succession d’accès à l’information dont Tordre constitue une des actualisations possibles. À chaque point, à chaque écran, plusieurs autres écrans sont possibles. Il s’agit d’une vision partielle car il est rare de pouvoir accéder à la totalité de l’information et des pages (navigation a priori) : contrairement aux premiers logiciels et hypermédias qui constituaient des systèmes fermés, l’E3C est un système multi-utilisateur et multi-auteur, ouvert et infini.
L’axe de construction, de déploiement, de ce type d’espace serait donc de Tordre du paradigme dont on sait qu’il renvoie à un mode d’organisation in absentia (Peraya, 1999). C’est dans ce sens que ces espaces produisent une forme de virtualisation et c’est en cela qu’il faut avoir une représentation a priori (plan d’un site) et une représentation a posteriori des trajets réalisés (historique). Dans les espaces communs de communication des connaissances, on passe de la vision d’un écran à celle d’un autre, sans connaître la structure, a priori, du réseau ou de l’hypermédia. L’utilisateur accède à une vision toujours partielle, morcelée et « a structurée » de la somme d’informations qu’il pourrait atteindre. Chaque « clic » ouvre en effet un nouveau fichier, apporte une nouvelle « page » qui succède à la précédente et la remplace. Les pages se substituent donc l’une à l’autre dans l’ordre chronologique de leur apparition à l’écran dont rend compte partiellement l’historique auquel l’utilisateur peut avoir accès dans son browser (Peraya, 1999).
L’ordre chronologique doit donc faire l’objet d’une visualisation structurée en fonction des objectifs de l’E3C, avec des marqueurs d’appartenance statutaire, thématiques ou hiérarchiques, bref, avec des repères permettant à l’usager de s’orienter.
Le but est de fournir à l’usager l’information qu’il souhaite en un minimum d’étapes et donc un minimum de temps. Pour autant que des normes strictes existent en la matière, on parle de la « règle des trois clics » selon laquelle toute information de votre site doit être disponible en maximum trois clics de souris. Il faut donc hiérarchiser l’information selon une structure efficiente pour minimiser la navigation vers l’information.
Globalement, la navigation dans le BV se révèle être simple du fait de la structuration efficace de l’espace. Les différents thèmes sont explicites, ce qui permet à l’internaute de s’y retrouver facilement.
Il y a simplement un menu et pas de sous-niveaux. L’accès à l’information est donc rapide et simple. Il en est de même à l’intérieur du bureau virtuel, dans lequel la navigation entre les différents outils et leur utilisation est efficace.
Les E3C doivent proposer des navigations simples et intuitives, qui permettent à l’internaute d’avoir facilement accès à l’information. Une structuration des données trop poussées peut cependant être un frein à une navigation qui devient alors plus complexe et fastidieuse. Il convient de veiller à ce que la navigation soit simple et efficace, afin que les internautes ne soient pas perdus et passent aisément d’un thème à un autre.
L’exemple ci-dessus montre et décrit un espace à configuration linéaire mais il existe aujourd’hui trois autres types de structuration :
Structure séquentielle
Le moyen le plus simple d’organiser l’information est la façon séquentielle. C’est en quelque sorte le retour au livre avec sa narration linéaire de chapitre en chapitre.
Les narrations, les lignes du temps ou autres exposés nécessitant un ordre logique se prêtent à ce genre de structure ainsi que les thèmes progressant du général au particulier. La structure séquentielle est aussi particulièrement adaptée aux sites d’apprentissage ou tutoriaux où le passage à une page suivante requiert des pré requis exposés à la page précédente.
Cependant, cette structure séquentielle ne sera utilisée que pour des petits sites (ou des parties de sites plus grands) car de longues séquences narratives ou explicatives nécessiteront souvent une structure plus sophistiquée pour rester compréhensives.
Structure hiérarchisée
La structure hiérarchisée est une des meilleures façons d’organiser des blocs d’information complexes. Ce schéma d’organisation s’adapte particulièrement bien au site Web car les différents thèmes dépendent ainsi d’une seule et unique page, soit la page d’accueil. En outre, les utilisateurs sont souvent familiarisés avec les diagrammes hiérarchisés comme les organigrammes et trouveront la métaphore facilement compréhensible pour les aider dans leur navigation.
Cette organisation hiérarchisée en blocs d’information indépendants nécessite cependant un gros travail d’analyse préalable du contenu (notions prérequises, doublons d’information...) car cette structure hiérarchisée ne sera efficiente que si l’information est soigneusement organisée.
Structure en réseau
Ces minis Webs fonctionnent bien pour des petits sites destinés à des utilisateurs hautement qualifiés en quête d’enrichissement ou de perfectionnement plutôt qu’à la compréhension basique d’un sujet. Ce type de structure exploite la pleine puissance des liens vers des informations à l’intérieur du site et vers des informations situées dans d’autres sites de la toile. Cette structure en réseau se révèle cependant ardue à mettre en place et finalement peu pratique, surtout pour les internautes novices dans le sujet traité.
Toutefois, rares sont les visiteurs qui suivront à la lettre le schéma de la structure effectuée et ils retrouveront bien vite leurs habitudes de navigation propres au Web soit de façon libre et non linéaire.
L’objectif sera de maintenir une hiérarchisation équilibrée qui aidera l’accès rapide à l’information et une compréhension intuitive de la façon dont les éléments sont organisés.
Les outils de navigations sont aussi indispensables à la circulation dans ces espaces que les panneaux de circulation du réseau routier. Ces outils de navigation se présentent par des liens sous forme de texte ou seront plus agréablement conçus sous forme de petites images, boutons, icônes ou barres d’information, comme nous l’avons vu plus haut. Ces outils de navigation qui se retrouvent de pages en pages contribuent aussi à créer l’identité graphique de site.
Quelques principes généralement adoptés par tous les concepteurs de site semblent se dégager. Les utilisateurs d’un site doivent toujours être capables de revenir à tout moment vers la page d’accueil ou vers les principaux points de navigation. Chaque page d’un site comporte donc un lien vers cette page d’accueil. De plus, si le sens du contenu global y invite, on prévoira des possibilités de retour à la page précédente ou d’avancement à la page suivante.
Les barres qui proposent de multiples choix dans un espace réduit ont de nombreux adeptes car elles peuvent ainsi servir d’en-tête de page et donner une forte cohérence visuelle au site. Mais d’autres préféreront l’usage de frames ou de tableaux.
Sur le plan des pratiques, on observe ainsi que le parcours est la résultante d’une double dynamique, celle des contenus proposés et celle de l’utilisateur, dont la confrontation induit des modalités d’activité qui dépendent autant des contenus eux-mêmes que de leur appréhension et de leur valorisation par l’utilisateur. Loin de « surfer » au gré des hyperliens, l’internaute construit, au sein d’un vaste espace hypertextuel, des zones restreintes de familiarité qui constituent l’essentiel de ses pratiques sur le Web.
Interactivité
Difficile de dresser la liste de l’ensemble des outils permettant d’ajouter de l’interactivité à un espace tant les possibilités sont étendues. Toutefois, les grandes lignes se dégagent à travers les caractéristiques des zones interactives, les outils d’aide, de repérage, de paramétrage et de traitement.
Dans le cadre de l’interactivité simple, nous pouvons classer les outils ne nécessitant pas le déploiement de logiciel particulier ou de connaissances techniques particulières au-delà du langage HTML, comme :
le lien messagerie, existant sur bon nombre de sites car il est le plus simple et le plus rapide à mettre en œuvre. Le visiteur clique sur un lien lui permettant d’envoyer un message à une personne, ou à une structure pour faire part de son avis ou poser une question ;
le formulaire, qui permet de collecter une information normalisée, facilitant son traitement informatique ultérieur. Ils constituent la base d’une réelle interactivité entre le visiteur et le site ou l’espace.
L’interactivité élaborée est souvent une combinaison complexe utilisant les outils décrits précédemment. Il s’agit, ici, de mettre en ligne un agenda interactif, un questionnaire, d’un clip en direct, d’une boîte à lettres. À ce type de combinaison s’ajoutent des outils complémentaires favorisant la participation des visiteurs à la vie du site (forum de discussion « modéré » ou non), la liste de diffusion, les sondages, le chat (discussion en direct). Ce type d’outil, très prisé par les internautes les plus jeunes, permet d’engager la conversation entre plusieurs personnes, par l’envoi de messages texte qui défileront en temps réel sur l’écran de l’internaute connecté. Les messages ne sont pas conservés très longtemps par le serveur, et Ton peut rapprocher ce type d’outil d’une discussion téléphonique. À l’heure actuelle le blog, associé à ces espaces, ou encore le système MSN (logiciel de messagerie instantanée) sont aussi des outils proches des internautes-apprenants.
Considérée, aujourd’hui comme l’essentiel de l’interactivité, la personnalisation d’un site fait appel aux dernières techniques informatiques et marketing et peut s’appliquer aux E3C. Grâce à la collecte d’information sur l’utilisateur, le site affiche un contenu qui s’adapte au profil du visiteur.
La personnalisation peut revêtir des aspects très divers, comme par exemple, l’affichage de raccourcis des rubriques fréquemment visitées par l’utilisateur, l’affichage des news sur les sujets préférés de l’utilisateur, la modification des couleurs, du son ou du design du site en fonction des goûts de l’utilisateur, les alertes e-mail ou visuelles, envoyées à l’utilisateur suite à la parution d’une information susceptible de l’intéresser, l’affichage de messages personnalisés reprenant des informations issues du profil de l’utilisateur (exemple : « bon anniversaire Mme X » s’affichant le jour J). Cette personnalisation est fondamentale dans le cadre des E3C, afin d’individualiser ou au moins de reconnaître le travail de chacun dans un environnement collaboratif. Certains espaces intègrent des groupwares pour gérer des projets collaboratifs et utilisent parfois des logiciels comme MSProject pour maintenir le lien nécessaire à l’élaboration et la conception de projets « éducatifs ». C’est le cas de certains étudiants de master professionnels qui gèrent à distance un projet appelé « réalisation collective », dans laquelle six à huit étudiants ont pour consigne de créer une agence Web 100 % en ligne.
L’interactivité et la personnalisation des espaces sont sans aucun doute les nouveaux enjeux de l’évolution des espaces communs de communication des connaissances. L’implication des utilisateurs des services mis à disposition est la seule manière de prendre la mesure des besoins et des attentes de chacun.
L’exemple ci-après montre l’écart d’interactivité entre les espaces spécifiques des E3C :
Globalement, le portail se contente d’une interactivité basique. En effet, hormis les liens hypertextes, aucune interaction n’est proposée. Dans un groupe ou un espace spécifique, on y trouve beaucoup d’interaction : on peut ajouter des documents, images, discuter, envoyer des mails. L’interaction y est donc maximale.
Le BV unr-paca.fr possède des liens vers le bureau virtuel ainsi qu’une section de téléchargement. Il n’y a pas beaucoup d’interactivité mais le bureau virtuel propose l’utilisation de ses outils de communication et d’échange, ce qui rend le bureau très interactif.
De plus, le BV ne possède pas beaucoup d’interactivité dans leur processus de création d’outil. Lui, offre une certaine personnalisation du blog et a dans son site des éléments dynamiques tels que l’évolution instantanée des créations de blogs.
L’E3C est interactif quant à la création d’un espace privé. En effet, les ambiances et thèmes graphiques sont personnalisables, tout comme logiquement le contenu des espaces privés. La personnalisation ou l’intégration d’éléments dynamiques permettant l’évolution instantanée d’un blog ou autre outil permet aussi de s’approprier l’espace de façon plus pertinente.
Le contexte de réception
Il s’agit ici de porter à la connaissance des internautes l’ensemble des récompenses, prix, distinctions ou reconnaissance institutionnelle que l’espace a pu recevoir afin de l’autopromouvoir et de montrer l’intérêt de cet espace que ce soit au plan de l’originalité, de la qualité, la facilité d’utilisation, la disponibilité et l’importance de l’espace.
De même, il est important d’intégrer les E3C à la logique « du marché » pour sa promotion, sa régulation et sa reconnaissance auprès des internautes-apprenants à venir. S’agissant de communauté de pratique, cela passe par une rubrique « revue de presse », critiques ou par les commentaires et critiques des E3C.
Comme le montrent les résultats de l’analyse du BV, c’est une des dimensions les moins travaillées dans ces types d’espace, mais qui demande une attention particulière pour l’image, l’identité des espaces communs de communication des connaissances. En effet, en dehors des trois universités de la région PACA, aucune autre institution, distinction, prix ou récompense obtenu dans le cadre de la création de cet espace n’apparaît. Pas de revue de presse, de commentaires ou de critiques. Sans revenir sur la notion de membre déjà développée précédemment dans cet ouvrage, est-il besoin de rappeler l’importance de voir apparaître ces éléments de distinction dans le cadre d’une communauté de partage ?
Choix des outils relationnels : du zapping à la relation collaborative
Au-delà des différentes dimensions dont nous avons besoin pour créer des espaces communs de communication des connaissances, le nerf de la guerre demeure l’accès à l’information.
Force est de constater que pour créer un E3C avec un accès à l’information qui donne entière satisfaction à ses utilisateurs, il est nécessaire de définir une stratégie claire et précise d’accès à cette information, de mettre en place une gestion efficace et performante de celle-ci et de considérer tous les besoins. Cet accès peut prendre différentes formes et regrouper plusieurs initiatives au sein d’un même espace : mise en place d’une plateforme de recherche, d’un portail, de processus d’apprentissage... C’est la stratégie qui positionne clairement ces différentes initiatives les unes par rapport aux autres. Ainsi les E3C peuvent reposer sur tout ou partie de quatre fonctions : recherche, exploration/ navigation, diffusion et collaboration.
Il est tout aussi important de poser les questions suivantes :
Doit-on personnaliser l’accès à l’information ? Comment ?
Faut-il considérer uniquement l’information « publique » ou non ?
Faut-il tenir uniquement compte de l’information générale, utile à tout le monde ou faut-il « spécialiser » ?
Faut-il se restreindre à l’information dite de référence ou bien peut-on élargir aux informations en cours d’élaboration, comme celles contenues par exemple dans les plateformes de travail collaboratif ?
Pour gérer l’information dans les E3C de manière efficace et performante, il est indispensable de proposer à l’indexation, de l’information actualisée et valide, d’associer des éléments de contexte à chaque information quelle que soit sa provenance, de gérer de manière homogène et transversale les droits d’accès et de faire respecter les règles de confidentialité de l’information.
Toutefois, considérer tous les besoins ne se limite pas aux seuls utilisateurs finaux, mais touche également les « responsables de contenu » qui souhaitent valoriser leurs informations, les knowledge managers (en charge de la gestion des connaissances et de l’information) qui souhaitent avoir une vision des flux d’informations au sein de l’espace, les enseignants qui souhaitent valoriser leur enseignement.
De ce point de vue, l’accès à l’information n’est pas une simple plateforme technologique, c’est un espace mis à la disposition de « clients » avec des profils dits de connaissances, des exigences et des besoins différents.
Dès lors, quels sont les outils facilitant l’accès à l’information ?
La notion de travail collaboratif implique celle de communication, de collaboration et de partage de connaissances. La connaissance va émerger des interactions et des réflexions menées par des groupes d’individus.
Les E3C, en permettant une communication « tous-tous », et surtout au-delà des limites de nos frontières, ouvrent de nouvelles voies de collaboration et d’accès à la connaissance. Les outils favorisant l’accès de chacun à la connaissance des autres vont augmenter les capacités individuelles. Ces va-et-vient entre l’individuel et le collectif produisent une optimisation de l’intelligence collective, inséparable de la composition des connaissances de chacun de ses membres. Cet accès est donc essentiel à l’évolution individuelle et collective. Pour développer les E3C, il semble donc intéressant de connaître les différents outils qui permettent un accès facile à l’information.
La première catégorie d’outils facilitant l’accès à l’information regroupe les outils de représentation et de modélisation des données, les normes et standards (formats d’enregistrement de données, formats de documents, langages de définition de type XML...), les outils de cartographie de l’information (arbres de connaissances, cartographie dynamique des membres d’un réseau, arbre des forums58), le Web sémantique.
La deuxième catégorie concerne les outils de recherche de données, comme les moteurs de recherche, les agents et outils de veille automatique.
D’autres outils facilitent la communication, c’est-à-dire le partage et la confrontation des informations et réflexions qui en découlent, entre les individus au sein de communautés de pratique. Ainsi, pour les E3C, doit-on s’intéresser aux outils favorisant la communication électronique (messages électroniques ou mails, chats, forums de discussion électronique (news group), forums projets, foires aux questions (FAQ), logiciels peer-to-peer de messagerie instantanée, tableaux blancs et systèmes de visioconférence à 1, 2, 3 ou 4 personnes), mais aussi aux outils de collaboration utilisés pour la gestion des mails (Microsoft Exchange), la gestion du temps et des ressources (Microsoft Project Server), la centralisation et le partage de documents (SharePoint) et, comme nous en avons déjà parlé, la technologie Wiki.
Comme nous le disions plus haut, le choix de ces outils dépend non seulement de la stratégie et des objectifs liés au développement des E3C mais aussi des besoins de chacun des membres constitutifs de cette communauté de pratique en devenir. Aussi doit-on choisir, sélectionner et interrelier plusieurs de ces technologies pour construire des E3C pertinents et performants.
En guise de conclusion
À la fois, synergie entre plusieurs champs disciplinaires et évolution des modes de penser et d’usage des nouvelles technologies, les Espaces Communs de Communication des Connaissances sont naturellement aujourd’hui au centre de toutes les attentions et tous les débats qui questionnent les conditions de production, de circulation et d’appropriation des connaissances.
Depuis la fin des années quatre-vingt, l’évolution des technologies d’information et de communication a progressivement imposé les aspects collaboratifs et à distance du partage des informations et des connaissances. L’usage des réseaux et des situations de communications médiatisées s’est banalisé au point que tous les domaines et tous les publics sont concernés. La communication communautaire et à distance bouleverse le rapport personnel et collectif aux connaissances scientifiques, expertes ou quotidiennes. En quelque sorte, la connaissance est devenue « l’affaire » de tous.
Toutefois, pour ne pas devenir des zélateurs non éclairés des E3C, il convient de ne pas oublier que la production de connaissances et de savoirs n’est pas une « chose » naturelle mais le résultat d’un processus et d’une dynamique qui ne sont pas spontanés. C’est ce que cet ouvrage a cherché à montrer.
Les espaces communs de communication des connaissances, sans vouloir en faire une définition qui enfermerait ou réduirait ce concept mouvant, englobent tous les lieux de stockage, de partage, de circulation et d’échange de connaissances sur les différents types de réseaux informatiques. Le terme d’E3C, comme celui d’ENT, doit être entendu de façon large et s’applique aux dispositifs existants et à venir comme les espaces publics de l’Internet (certains sites « éducatifs » internet) et les espaces privés de l’Internet (les environnements numériques de travail), certains intranets et plates-formes d’enseignement à distance.
L’utilisation des E3C est particulièrement intéressante pour les situations de communication. Ils permettent de proposer aux individus des situations « ouvertes » ; c’est-à-dire, une présentation non linéaire et non hiérarchique de l’information qu’ils doivent structurer et modifier. Ainsi, l’utilisateur se retrouve en situation de questionnement dans des situations incitatives avec des consignes et des contraintes. C’est la diversité de ces espaces et la cohérence de leur articulation qui permettent aux utilisateurs de prendre peu à peu davantage d’autonomie.
L’accès aux outils de commande facilite la navigation par la convivialité et la flexibilité qu’ils offrent. Les utilisateurs peuvent explorer différentes situations ou exemples et consulter simultanément des documents, etc.
Cependant, la plupart des utilisateurs considèrent le Web et les E3C comme difficile à utiliser, à tel point que « surfer » est considéré comme un loisir...
Il y a quelques années, C. Moore59 dressait un tableau catastrophique : « Sur le site web IBM, la fonction la plus populaire était le bouton de recherche, parce que personne n’arrivait à naviguer [...] la seconde fonction la plus populaire était le bouton d’aide, parce que la fonction de recherche n’était pas opérationnelle. » Ces effets pour le moins négatifs résultent généralement du peu de temps accordé à l’identification des besoins des utilisateurs finaux, de la prise en compte des caractéristiques de ces derniers, de l’identification et de l’analyse des tâches à réaliser et d’une méconnaissance de leurs environnements de consultation (Bastien, Leulier & Scapin, 1998).
C’est en ce sens qu’il est important de travailler le « design » des E3C en s’appuyant sur des principes ergonomiques simples tels que l’homogénéité de présentation et l’accès rapide aux pages les plus fréquemment utilisées. L’utilisateur demande à un E3C qu’il réponde à ses questions. Comme nous l’avons vu, sa qualité dépend de plusieurs critères :
son utilité : l’internaute attend que l’espace lui fournisse le service répondant directement à son besoin ;
sa lisibilité : les pages doivent être claires, faciles à comprendre et rapides à afficher. Le contenu doit être adapté à la lecture à l’écran et au média Web ;
sa navigation : la structure de l’espace doit répondre à la logique de l’utilisateur, s’appuyant sur ses besoins et non sur l’organisation interne du dispositif ;
son objectivité et son pragmatisme : l’information doit être présentée sans parti pris ni effet de marketing. Elle doit être exploitable concrètement ;
sa réactivité : l’utilisateur voit dans le Web et l’E3C un moyen de gagner du temps. Il s’attend à une réponse rapide.
L’observation du comportement de l’utilisateur ou mieux encore, le test d’utilisabilité, permet d’évaluer objectivement la qualité de l’expérience utilisateur : a-t-il pu réaliser correctement les tâches prévues ? C’est l’occasion de voir l’internaute-apprenant en situation et d’observer les problèmes qu’il rencontre, les questions qu’il se pose et les services qu’il apprécie ou non. Ces différentes observations vont permettre aux équipes de conception d’améliorer la facilité d’utilisation du site. Garantissant une expérience utilisateur de meilleure qualité, ces équipes optimisent la fréquentation et l’efficacité de l’espace créé.
Quant à la logique de la conception ou à son processus, la pluridisciplinarité permet de l’appréhender comme une activité mixte scientifique/ technique, humaine et organisationnelle/sociale. On en retiendra la place de l’individu en tant que personne apprenante et agissante et le rôle des acteurs de la conception dans les E3C.
L’évolution aujourd’hui est de proposer des modèles sociotechniques intégrant les multiples facettes de la conception et s’adaptant aux évolutions permanentes de la société. Pour parler des activités de conception nous utilisons volontiers le cadre de la « résolution de problème », l’évolution actuelle dans ce domaine, nous amenant à parler de projet de conception d’environnement.
Une conséquence de cette complexité est que la résolution de ces problèmes requiert de mettre en commun des compétences multiples, ce qui nécessite des collaborations au sein d’une même équipe.
La conception des E3C a connu d’importantes évolutions sociotechniques et sociocognitives depuis ces vingt dernières années. Les activités collectives de conception ont pris une place majeure dans le processus de développement des E3C. Sous la pression conjuguée des facteurs temps, qualité et coût, sont apparues des rationalisations de la conception dont l’objectif est de favoriser la conception simultanée et intégrée des espaces et de leurs méthodes et procédés de développement.
Nous nous rendons compte, ici, que la participation des utilisateurs à la conception est une pratique dont la nécessité se confirme. Les nouvelles organisations de la conception induisent de profondes transformations du processus de développement des E3C, et en particulier, accroissent les activités de coopération entre les partenaires en rassemblant autour du projet des personnes de statut et d’expertise souvent inégaux, porteurs de logiques d’actions hétérogènes (Terssac & Friedberg, 1996). C’est à ce prix que les E3C trouveront les fondements de leur utilisation et de leur utilisabilité.
L’obstacle le plus important à l’utilisation des E3C n’est donc pas constitué des exigences en matière de connaissances, mais aussi de l’acceptation des objectifs de l’espace par les individus. Sans acceptation des intentions de l’espace, celui-ci ne peut obtenir la mobilisation nécessaire à sa pérennisation sur le Web, quelle que soit la qualité des informations ou les connaissances proposées.
Si l’on considère l’importance de l’adhésion des membres de l’espace pour concrétiser sa durabilité, les individus doivent d’abord en comprendre les enjeux et le rôle de leurs choix d’utilisateur sur l’espace. Il est donc important d’informer les membres de l’E3C quant aux possibilités offertes à la fois techniques et informationnelles. Il convient ainsi de proposer des outils qui permettent une prise de décision informée, fournissant aux membres des modèles d’usages simples afin de les habiliter à interpréter leur espace et finalement à influer sur celui-ci. Un tel espace combine les connaissances proposées aux perspectives individuelles afin de permettre les interactions entre le groupe et le membre, et la compréhension des conséquences collectives des actions effectuées. L’objectif de l’adhésion à l’E3C n’est pas d’appartenir à un espace, mais de changer la façon de se l’approprier. Au-delà des modèles combinant données, information et connaissance, à l’origine des E3C ; aujourd’hui, ces espaces adoptent des modèles plus opérationnels : données, information, communication et action qui dépassent l’intention didactique ou informative pour s’engager sur la voie de la prise de décision collectivement élaborée.
Pour autant, nous avons tous besoin de comprendre comment mieux piloter ces « outils rhétoriques ». Dans ces processus, on évoque souvent la conversation comme source de connaissance mais il faut se méfier de l’immédiateté, car la connaissance et l’apprentissage se construisent dans le temps. Il faut comprendre où l’on se situe dans l’accès à la connaissance car les modalités de coopération, nous l’avons vu, ne sont pas nécessairement vertueuses ou apprenantes, elles génèrent aussi beaucoup de « bruit ».
La connaissance n’est pas non plus un simple contenu, comme on pourrait le penser des bibliothèques numériques, mais le plus souvent un chemin, un parcours pour la connaissance.
À cet égard, les E3C permettent de construire un environnement qui inverse les approches traditionnelles qui partent d’une base de connaissances scientifiques et stables, pour ensuite créer un modèle pédagogique d’usage et enfin ajouter une interface utilisateur. Partant de la définition des priorités des membres de la communauté ciblée, on conçoit une interface et établit des modèles s’adaptant à celle-ci afin de proposer les informations qui aident les internautes dans leur activité de navigation dans l’espace mais aussi dans les connaissances proposées. Dès lors, les questions pratiques que l’on rencontre lorsqu’on veut promouvoir un espace de communication des connaissances sont de savoir à quel niveau de l’activité cognitive et/ou à quel niveau de pratique interviennent les outils ? Comment naviguer, s’informer et apprendre à l’intérieur des « limites » d’un E3C, tout en préservant son niveau d’exigence cognitif et tout en apportant des données, informations ou connaissances favorables aux attentes de la collectivité et sa qualité de fonctionnement ?
L’avenir de ces espaces commun de communication des connaissances est dans l’approfondissement de l’adaptabilité, de la souplesse et de la personnalisation de ces derniers. Ils doivent offrir la possibilité d’intégrer par une simple action, un blog, un Wiki, un e-portfolio quel que soit l’utilisateur. Il s’agit d’en faire un espace communautaire sur le Web, totalement personnalisable, avec des espaces de stockage et des espaces évolutifs de qualité. Les apports de la communauté d’utilisateurs et de leurs usages doivent être pris en compte régulièrement, pour assurer une évolution plus fine et plus proche des besoins de chacun. Il s’agit aussi, désormais, de s’attarder sur les espaces communs de communication des connaissances informels comme MSN, dont la finalité ne semble pas liée au domaine qui nous intéresse mais qui, depuis quelques années, se révèle être un espace particulier de co-construction des connaissances. En effet, que ce soit par détournement ou par adaptation, il existe depuis peu des communautés d’élèves qui partagent, collaborent et réalisent ensemble les devoirs. Il semble d’ailleurs, suite à une série d’observations empiriques, que cette forme de collaboration suscite non seulement l’adhésion, le partage et la collaboration entre plusieurs membres de la communauté mais aussi la compréhension des mécanismes d’exécution des exercices et au-delà de la compréhension des cours et de l’intégration des connaissances. Quelles dimensions faut-il, dans ce cas, valoriser ? Quels schémas de médiation suivent les utilisateurs apprenants dans cette construction ? Comment révéler les intérêts didactiques, s’il y en a ? Qu’est-ce qui fait de cet espace intime un espace public de partage ? Comment décrire cet espace de communauté de pratiques ?
En fait, un autre livre pourrait peut-être répondre à toutes les questions posées ici, mais pour d’autres espaces communs de communication des connaissances, plus informels, plus ouverts et interfacés de façon plus intuitive, plus personnelle.
Notes de bas de page
48 http://bv2.unr-paca.fr/
49 http://www.microsoft.com/france/
50 http://www.open-strategies.com
51 http://www.skyrock.com
52 http://fr.msn.com/ MicroSoft Network, couramment appelé MSN par abus de langage est un logiciel client (Windows Live Messenger) lié au service de messagerie instantanée propriétaire (utilisable gratuitement) produit par Microsoft.
53 http://www.mondespersistants.com/mmorpg/
54 Jeu vidéo édité par Linden Lab en 2003. Il propose aux participants de mener une seconde vie dans laquelle, il est possible de modeler l’apparence de son personnage, d’acquérir des biens, de fonder des communautés ou vendre ses productions au sein du jeu. À propos de Second Life et de ses possibilités, le lecteur lira avec intérêt la thèse de Bonfils (2007).
55 http://www.ea.com/official/thesims/thesimsonline/us/nai/index.jsp
56 http://eq.jeuxonline.info/
57 http://www.wow-europe.com/fr/
58 Lorsque la communauté croît en dimension, il est nécessaire de répartir les discussions sur des forums thématiques distincts. Afin de garder la vision globale de l’ensemble, Tela Botanica a développé une représentation graphique de la communauté des forums sous forme d’un arbre dont les attributs (position et longueur des branches, couleur des feuilles) sont indexés sur les caractéristiques des forums (nombre de messages, date de création du forum, nombre de personnes...).
59 IBM Internet Operations – New-York Times, 30 août 1999.
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Espaces communs de communication de connaissances : E3C
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