Chapitre I – La donne sociale et politico-économique
p. 139-148
Texte intégral
1. Les usagers de la société de l’information : consommateurs ou acteurs ?
Bien avant les TIC, le téléphone avait joué en son temps un rôle de vecteur de transformation des usages. Perçu dans les années 1970 comme signe de confort, sa fonction sociale n’a été prise en compte que beaucoup plus tard et sa vocation d’outil de communication ne s’est que lentement dégagée pour passer ensuite au premier plan et contribuer à déterminer une nouvelle relation de l’homme à l’éloignement et donc à l’espace1. Les analyses des effets de l’informatique vont dans le même sens et font apparaître une explosion des notions de durée et de localisation, d’autant que la technologie de pointe et les efforts réalisés en matière de miniaturisation ont conduit à considérer le bureau désormais transportable en maints endroits comme un objet nomade2. Dès les années 1970-1980, l’informatique a représenté un enjeu d’importance dans la recomposition des données économiques et politiques des nations sur le plan national et international.
L’intégration de pratiques nouvelles qu’induit l’utilisation des technologies de pointe suppose que l’on reconsidère des procédures de travail qui sont implantées dans nos modes de fonctionnement depuis des siècles. De la même manière que certains cadres ne peuvent diriger hors de la présence de leurs subordonnés, certains enseignants par exemple auront du mal à changer leurs habitudes de travail et à accepter l’idée d’une formation distante. Or, on le constate, la productivité en télétravail est généralement supérieure à celle d’un contexte traditionnel. Notre étude sur les pratiques des enseignants-chercheurs3 a nettement mis en évidence l’idée de résistance au changement due « aux pesanteurs des habitudes, des pratiques et des savoirs en place »4. C’est pourtant au prix d’une évolution des mentalités que l’Université du XXIe siècle se préparera à remplir ses objectifs de façon satisfaisante. Ces processus ne pourront s’installer que progressivement et dans la durée.
Le jeune âge des TIC rend leurs usages et leurs représentations peu faciles à analyser. Cependant la prise en compte des attentes et des besoins permet de se faire une idée plus précise de leur intégration par les publics. Le rapport Théry5 publié en 1994 estimait que les autoroutes de l’information n’auront de sens véritable que dans la mesure où elles favoriseront l’émergence des nouvelles valeurs de la société de la communication dans les rouages de l’économie et du social, c’est-à-dire où ils tendent à substituer à la société antérieure une société de responsabilité. Gilles Deleuze décrit la société contemporaine comme une « société de contrôle » reposant sur la diffusion du savoir et intervenant après la « société de contrainte » décrite par Louis Althusser. C’est donc dans une logique de l’usager que nous devons maintenant inscrire notre réflexion : peut-on considérer qu’il se situe dans une perspective essentiellement consumariste, encouragée par les politiques de marché dominantes, ou bien pouvons nous voir émerger une prise en charge de l’usager par lui-même, ce dernier devenant alors acteur ? Dans la problématique des publics, cette question aborde la notion de la situation de l’usager selon un axe fonctionnel : est-il témoin, consommateur ou acteur, est-il les trois à la fois ? Comment cet usager qui est aussi producteur se comporte-t-il dans son environnement de travail ?
Dans son analyse sur la logique de l’acteur dans l’organisation, Michel Crozier6 signale que « dans un contexte de rationalité limitée il décide de façon séquentielle et choisit pour chaque problème qu’il a à résoudre la première solution qui correspond pour lui à un seuil minimal de satisfaction ». Il souligne d’autre part l’importance de l’action même dans les processus de changement : « On croit trop facilement que le consensus est un préalable pour assurer le développement et la rénovation d’une organisation. Et on cherche à le créer en travaillant sur les motivations, c’est-à-dire l’affectivité du personnel. L’expérience montre pourtant qu’on n’obtient guère de résultats convaincants quand on prêche des attitudes et des valeurs consensuelles. Le consensus n’est pas un préalable à l’action. Il s’élabore dans l’action. »7
L’impulsion indispensable à une véritable action nécessite la prise en compte de deux facteurs : les mentalités et les motivations. Selon Georges Friedman8, loin d’être exclusivement dirigé par l’intérêt et les stimulants financiers, l’homme au travail est surtout un être social. Son attitude à l’égard des tâches et de leur rendement est fonction des relations psychologiques et sociales à l’intérieur des groupes de travail. La plupart des décideurs reconnaissent que la motivation de leurs collaborateurs est un facteur déterminant pour l’efficacité et la réussite de leurs entreprises. Les travaux d’Abraham Maslow9 ont mis en évidence l’importance des relations humaines et les besoins des hommes au travail. Sa théorie a trouvé une application pertinente dans le domaine du management et s’illustre par les deux pyramides des besoins et des motivations. Les besoins sont instinctifs et hiérarchisés : si les besoins du niveau inférieur ne sont pas satisfaits, l’individu ne ressent pas les besoins du niveau supérieur. Il y a lien de cause à effet entre besoin et motivation : plus le besoin est fort, plus la motivation pour le satisfaire est importante. Les besoins sociaux et personnels n’ayant pas de limites tangibles, ils sont une source de motivation permanente pour les individus. Le processus de changement doit être le fruit d’une élaboration collective, correspond à un désir d’accomplissement de la personne qui a également besoin de comprendre l’ensemble du processus auquel elle participe.
Dans son ouvrage L’invention au quotidien, Arts défaire, Michel de Certeau10 définissait déjà l’usager comme un sujet actif agissant aussi bien sur l’objet technique que sur la construction de son usage. Des études plus spécifiques sur la sociologie des usages en sciences de l’information et de la communication, ont montré la nécessité de replacer l’usager au cœur des processus d’appropriation des techniques. Pour Jacques Perriault11 l’usage et donc l’appropriation d’un nouvel outil se réalisent dans cette relation entre l’usager et la technique. Serge Proulx12 analyse les processus qualitatifs d’appropriation des usages : « À ces approches quantitatives tendant à réduire la compétence de l’usager à celle du consommateur passif, s’opposent les approches qualitatives qui s’articulent par exemple autour d’une sociologie des significations d’usage [...] orientée vers les rapports d’usage, c’est-à-dire la problématisation des usages dans le contexte des pratiques de vie quotidienne et/ou de dynamique de vie familiale des usagers. » Pour sa part, Joëlle Le Marec dans son étude sur les usages des cédéroms culturels13 dégage la notion de « projet d’usage » : il est impératif de prendre en compte les intentions des usagers à l’égard de la proposition d’utilisation de l’objet. Philippe Mallein14 s’intéresse dans ses travaux aux « significations d’usages » c’est-à-dire aux sens et aux valeurs que l’utilisateur attribue à l’objet technique.
Pierre Lévy rappelle fort justement qu’« une véritable intégration de l’informatique suppose l’abandon d’un habitus anthropologique plus que millénaire, ce qui ne peut se faire en quelques années... »15 Joël de Rosnay a analysé dans Le Macroscope les valeurs émergentes de la société contemporaine qui génèrent selon lui des mentalités nouvelles notamment dans le domaine du travail. À la hiérarchie institutionnelle, se substitue le respect d’une autorité fondée sur la compétence, à l’obéissance passive une implication dans le travail. Cette attitude est liée à la valorisation du travail collectif compris dans le respect des complémentarités et le sentiment d’interdépendance entre les hommes. Il s’agit donc d’une pensée basée sur une logique rompant avec les modalités traditionnelles de raisonnement. Il ajoute : « La nouvelle pensée se méfie de la raison et de la logique. »16 Ce qui nous évoque irrésistiblement Erasme, cet apôtre de la Folie, qui écrivait quelque 400 ans plus tôt : « Deux obstacles principaux empêchent de réussir aux affaires : l’hésitation qui trouble la clarté de l’esprit, et la crainte, qui montre le péril et détourne d’agir. La Folie en débarrasse à merveille ; mais peu de gens comprennent l’immense avantage qu’il y a à ne jamais hésiter et à tout oser. »17
L’éditeur concepteur de supports nouveaux se doit d’être attentif à la construction sociale des usages, tout en étant conscient que la logique de l’offre et celle de la demande interagissent. La prévision en matière d’usage ne saurait s’ériger en science exacte eu égard au nombre et à la complexité des paramètres en présence. La nouveauté engendre fatalement l’incertitude, mais cette dernière ne doit pas engager à l’inaction faute de quoi la sanction de l’échec économique et culturel ne saurait se faire attendre. C’est alors la notion de risque, mais de risque mesuré, c’est-à-dire de stratégie qui prend le relais. Selon Edgar Morin, la stratégie parvient à faire avancer dans l’aléatoire « elle permet d’utiliser les informations qui surviennent dans l’action, de les intégrer, de formuler soudain des schémas d’action et d’être apte à rassembler le maximum d’incertitude pour affronter l’incertain »18.
C’est à une véritable logique d’innovation que les éditeurs devront adhérer afin de pouvoir poursuivre leur mission.
2. La dialectique de l’innovation : changement ou résistance ?
L’innovation n’est pas seulement un mécanisme économique ou un processus technique, mais est avant tout un phénomène social puisqu’à travers elle, les individus et les sociétés expriment leur créativité, leurs besoins et désirs. L’économiste autrichien Joseph Alois Schumpeter (1883-1950) a été l’un des premiers théoriciens de l’innovation. Dans sa Théorie de l’évolution économique, publiée en 1912, il distingue cinq grandes catégories parmi les innovations : la fabrication d’un bien nouveau, l’introduction d’une méthode de production nouvelle, la conquête d’un nouveau débouché économique, la production d’une nouvelle source de matières premières ou de produits, la réalisation d’une nouvelle organisation interne ou externe à l’entreprise.
Norbert Alter, dans son ouvrage l’Innovation ordinaire s’est particulièrement intéressé à l’approche sociologique en étudiant les relations entre l’innovation et les pratiques sociales. Il met en valeur l’idée selon laquelle une invention ne devient véritablement innovation que si le corps social se l’approprie, si elle remporte l’adhésion d’un public. Cette analyse permet d’affirmer la relation étroite qui existe entre innovation et changement. La notion de changement inclut résistances et rejets, mais aussi une part d’inventivité, une autre façon de concevoir les choses : « L’innovation se fait toujours, au moins momentanément contre l’ordre, même si elle finit souvent par participer à une autre conception de l’ordre. »19 Patrice Flichy propose pour sa part une analyse critique des relations entre science et société dans une perspective socio-technique. Selon son analyse20, il existe de multiples manières pour les groupes sociaux de s’approprier une innovation dont l’origine peut être technique. L’auteur prône une anthropologie de la technique qui envisage la combinaison entre « cadre technique » et « cadre de fonctionnement ». Cela aboutit à la constitution d’un nouveau cadre socio-technique qui, loin d’éluder l’importance de l’imaginaire, inclut les représentations de l’objet technique et de ses usages tant chez les concepteurs que dans le public.
Si l’innovation consiste à produire, assimiler et exploiter avec succès la nouveauté dans les domaines économique et social, il faut noter que le terme innovation comporte une certaine ambiguïté puisqu’il désigne à la fois un processus et son résultat21. Dans sa première acception où le terme innovation est à comprendre comme processus d’innovation, on s’intéresse à ses conditions de conception et de production. Différentes étapes y conduisent et s’articulent entre elles : créativité, marketing, recherche et développement, conception, production et distribution. Loin d’être un processus linéaire et séquentiel, le processus d’innovation est un système d’interactions entre différentes fonctions et différents acteurs dont l’expérience et le savoir-faire se renforcent mutuellement et se combinent. Ceci explique l’importance de plus en plus grande donnée dans les entreprises aux mécanismes d’interactions internes : collaboration entre les différentes unités, association et participation des salariés à l’innovation organisationnelle. Les réseaux qui associent l’entreprise à son environnement ont un rôle tout aussi important, ainsi que la relation avec les utilisateurs, la prise en compte de la demande, l’anticipation des besoins du marché et de la société. Cela est à considérer au moins au même titre que la maîtrise des technologies. Le second sens du mot, l’innovation résultat, s’attache au produit, procédé ou service nouveau. Il faut alors distinguer l’innovation radicale ou de rupture et l’innovation progressive qui modifie par améliorations successives, les produits, procédés ou services.
L’entreprise innovante s’identifie à sa capacité à exercer des compétences stratégiques, capacités d’anticipation, à intégrer l’information technologique et des compétences organisationnelles qui comprennent le goût et la maîtrise du risque ainsi que l’aptitude à une coopération interne et externe, l’implication dans le changement. La recherche, le développement et l’utilisation des TIC sont des éléments clés de l’innovation, mais pour les incorporer, l’entreprise doit adapter ses méthodes d’organisation et de production, de gestion et de distribution. Dans cet ensemble d’opérations le rôle des ressources humaines revêt toute son importance.
Il paraît particulièrement pertinent d’appliquer ces réflexions au domaine particulier de l’édition électronique dont l’évolution dépend étroitement d’une bonne compréhension des enjeux stratégiques que représente l’adhésion aux dynamiques d’innovation. En nous appuyant sur la dimension stratégique développée par Peter Drucker dans son ouvrage Innovation et entrepreunariat22 nous pouvons explorer quelques pistes prospectives en matière d’innovation éditoriale23 :
– Innover dans l’offre des services existants :
Les services d’éditions en ligne, librairies et bibliothèques virtuelles vont encore s’étendre le dynamisme d’entreprises comme Amazon, BOL, Le Furet du Nord ou comme OOhOO ne laissent que peu de doutes à ce sujet et augurent d’un marché en pleine extension.
– Innover dans les processus de production des prestations :
La production numérique a encore des évolutions à opérer, en particulier le développement de l’hypermédiation avec une intégration plus performante de l’image (image 3D, image virtuelle, séquences vidéo), ainsi que celle du son qui pour l’instant est encore relativement peu exploité. D’autre part, les livres électroniques ou e-books, l’encre électronique sont des objets technologiques dont l’évolution est loin d’être terminée et qui sont vraisemblablement appelées à occuper une place notable sur le marché économique.
– Innover en créant des services radicalement nouveaux
Plus encore que les deux points précédents, c’est ce dernier aspect qui paraît présenter le plus de potentialités d’évolution pour les éditeurs notamment ceux qui relèvent des secteurs scientifiques, techniques et spécialisés. C’est en effet sur ce terrain que les éditeurs pourront le mieux se démarquer car il relève de leurs compétences spécifiques et la concurrence d’opérateurs de nature différente (constructeurs de matériels et de logiciels, entreprises de développement informatique par exemple) ne peut efficacement s’y exercer car leur déficit en matière de connaissance des contenus est important.
La conception et la régulation de systèmes d’information relève pleinement de l’activité éditoriale mais la notion de prestation de service n’est pas encore intégrée par la profession, alors que d’autres spécialistes de l’information tels les bibliothécaires et documentalistes ont franchi ce pas. Un besoin important se dégage en matière de veille technologique et veille informative. La push technologie peut s’adapter à la demande sélective des usagers. La gestion de bases de données de profils-clients, la fourniture de services d’intermédiation, l’animation de forums d’experts sont des fonctions à exploiter qui correspondent au segment des utilisateurs qui représentent un potentiel de croissance économique élevé. Cela ne doit pas nous faire perdre de vue la dimension symbolique de l’acte éditorial. Alors que notre univers est gouverné par le matérialisme et par la performance technique, les nouveaux médias et les réseaux nous offrent l’occasion de donner une nouvelle extension à notre patrimoine culturel, de lui donner d’autres formes et de lui faire emprunter d’autres voies.
3. Les politiques européennes en matière d’édition
La Commission Européenne témoigne depuis plusieurs années de l’intérêt qu’elle porte à l’édition, notamment en terme de stratégie culturelle et économique. Cette attention s’est concrétisée par un certain nombre d’études, dont le rapport Bangemann sur la société de l’Information, paru en 1994. L’étude Développements stratégiques de l’édition européenne à l’horizon de l’An 2000. Le challenge multimédia de l’Europe24 effectuée par Andersen Consulting est intégrée au programme Info 2000 qui se donnait pour objectif global de favoriser le passage de l’écrit à l’écran, avec pour points principaux la montée en puissance d’une industrie européenne multimédia de contenu assorti à un essor en matière de demande, le développement professionnel, social et culturel des citoyens de l’Europe, l’échange de connaissances entre utilisateurs, fournisseurs de produits multimédia et infrastructures cognitives. Dès l’entrée, l’étude indique l’ampleur de l’enjeu : « À mesure que nous évoluons vers une société de l’Information, la Commission Européenne, a souligné l’importance que revêt le développement d’une industrie de contenus puissante, basée sur la tradition historique de l’édition en Europe. »
Dans notre approche prospective, nous retiendrons ici parmi les différentes thèses avancées, celles qui nous paraissent les plus importantes quant au rôle émergeant de l’édition électronique et de ses professionnels dans la construction de la société de l’information. Les industries du contenu et en particulier l’édition sont un garant en ce qui concerne la qualité. L’édition électronique agit comme un pionnier en la matière et peut contribuer à réduire la surcharge générée par la surproduction informationnelle qui entraîne en outre une désorientation des usagers. Ces derniers attendent d’une part des prestations personnalisées correspondant à une philosophie de services qui porterait davantage l’attention sur le client que sur la production. D’autre part, des formats à valeur ajoutée prenant en compte les capacités techniques et conceptuelles du multimédia sont attendus. selon l’étude, cette valeur ajoutée repose sur trois dimensions technologiques : la disponibilité, la transparence et l’interactivité.
Négliger les atouts de l’édition électronique coûterait très cher. Les éditeurs doivent prendre conscience que bien que cette activité ne soit pas encore rentable, elle est nécessaire pour assurer la survie et le succès à long terme de leurs entreprises. Une attitude sceptique les amenant à différer leur engagement serait économiquement dangereuse, accroîtrait les coûts d’entrée et amoindrirait la clientèle potentielle. Ainsi que nous l’avons constaté, les éditeurs sont confrontés sur le marché de l’électronique à des concurrents puissants acteurs de différents secteurs d’activité : les services en ligne, les fabricants de matériel informatique et de logiciels, les opérateurs de télécommunications, de câbles et de satellites les agences de publicité, et les banques. Une action commune serait à mettre en place notamment dans les PME, afin de conserver l’autonomie entrepreneuriale. Les libraires, les organismes publics de diffusion, les opérateurs de télécommunications et les organismes de service public seraient les partenaires des éditeurs dans cette perspective.
Les recommandations portent essentiellement sur l’utilisation des compétences spécifiques des éditeurs, susceptibles de faire évoluer leur entreprise. Leur connaissance des communautés et la qualité de leur marque peuvent être utilisées comme levier stratégique. Devenant fournisseurs de service, ils auront à concevoir des produits offrant des avantages significatifs par rapport à la télévision et à la presse traditionnelle. Plus spécifiquement, les éditeurs économiques et les STM (Scientifiques, Techniques et Médicaux) devront rapidement acquérir des compétences pour répondre aux besoins.
La gestion de bases de données de profils-clients, la fourniture de services d’intermédiation, l’animation de forums d’experts sont les fonctions à exploiter qui paraissent le mieux correspondre au segment des utilisateurs qui représentent le potentiel de croissance économique le plus élevé. Ceci doit pouvoir s’envisager dans un esprit d’entente avec d’autres éditeurs du domaine et en externalisant les fonctions telles que les aspects techniques et la facturation. Sur le plan politique, les gouvernements nationaux doivent favoriser l’édition électronique par le biais d’une législation adaptée. Ceci amènera la Commission Européenne à coordonner les changements de réglementation afin de faciliter la mise en place d’un « réseau média » de qualité. Parmi les dispositions les plus récentes25, on peut citer la résolution du Parlement européen sur Les nouvelles frontières dans la production de livres : édition électronique et impression à la demande de février 2001. On y trouve des propositions d’actions pour soutenir la création littéraire et l’édition électronique en Europe. D’autres initiatives communautaires appuient les efforts de l’industrie de l’édition pour s’adapter à la nouvelle donne numérique. Le programme e Europe de la Commission européenne est destiné à inciter les pays de l’Union à exploiter au maximum les possibilités offertes par Internet et les TIC. Dans ce cadre, e Content encourage la production de contenus européens numériques.
L’édition électronique interactive (Interactive Electronic Publishing) est l’un des cinq principaux domaines pour la recherche et le développement technologique dans l’action 3 : Contenus multimédias et outils du programme IST26 (Information Society Technologies) de la Commission européenne. D’autre part, le programme de recherche Société de l’information conviviale expérimente, dans le domaine de l’édition électronique, des technologies facilitant, par exemple, la gestion des droits d’auteur et la vente d’œuvres littéraires en ligne.
En ce qui concerne les dispositions juridiques, le cadre réglementaire européen s’adapte aux évolutions technologiques. La directive de mai 2001 sur l’harmonisation des droits d’auteur et des droits voisins est destinée est destinée à donner aux auteurs et créateurs une meilleure possibilité de contrôle sur leurs droits, tout en prévoyant des dispositions particulières pour les établissements éducatifs et culturels.
S’il est très important que les instances européennes aient conscience de l’importance des enjeux que revêt le développement de l’édition électronique, on ne peut que souhaiter que les nombreuses études et recommandations qui ont été émises soient suivies de dispositions concrètes. Il est évident que les éditeurs se trouvent face à un véritable challenge : l’avenir de leurs entreprises s’inscrit dans le déploiement du numérique. Les États, via les ministères de la culture, de l’Éducation, de la recherche ont mis au point des dispositifs d’aide et de soutien afin de les encourager et de les protéger dans leurs initiatives. Il est indispensable que ces mesures soient développées et relayées par les institutions européennes.
Notes de bas de page
1 Richard LAURAIRE, Le Téléphone des ménages français, genèse et fonction d’un espace social immatériel. Paris : La Documentation française, 1987.
2 D’où le concept de bureau « objet nomade », évoqué dans ses travaux par D. ETTIGHOFFER. L’Entreprise virtuelle ou les nouveaux modes de travail. Paris : Éditions Odile Jacob, 1992.
3 Lise VIEIRA, « Les enseignants-chercheurs et l’information électronique. L’exemple des universités de Bordeaux » (avec N. Pinede). Bulletin des Bibliothèques de France. t. 42 n° 6, 1997. p. 62- 65.
4 Anne-Marie GUIMIER-SORBETS, Yves F LE COADIC, William TURNER, « Internet et les professionnels de l’information. Premières recherches », Documentaliste-Sciences de l’information. 1996, vol. 33, n° 1, p. 40.
5 Gérard THERY, Les autoroutes de l’information. Paris : La Documentation Française, 1994.
6 Michel CROZIER et E. FRIEDBERG, L’Acteur et le Système, les contraintes de l’action collective. Paris : Éditions du seuil, 1977. p. 54.
7 Michel CROZIER, L’Entreprise à l’écoute. Apprendre le management post-industriel. Paris : Interédition, 1989, p. 67.
8 Georges FRIEDMAN, Où va le travail humain ? Paris : Gallimard, 1963.
9 Abraham MASLOW, The further reachs of human nature. New York, Penguin Books, 1976.
10 Michel de CERTEAU, L’Invention au quotidien : 1. Arts de faire. Paris : UGE, 1980, 350 p. (Coll. 10/18).
11 Jacques Perriault, La logique de l’usage. Essai sur les machines à communiquer. Paris : Flammarion, 1989.
12 Serge PROULX, Les différentes problématiques de l’usage et de l’usager, sous la direction d’André Vitalis, Médias et nouvelles technologies. Pour une socio-politique des usages. Paris : Apogées, 1994.
13 J. DAVALLON, H. GOTTESDIENER, J. LE MAREC, Approche de la construction des usages de cédéroms culturels liés aux musées. Ministère de la Culture. Direction des Musées de France/Réunion des Musées nationaux. Paris, Janvier 1997.
14 Philippe MALLEIN, Yves TOUSSAINT, L’intégration Sociale des TIC : une Sociologie des usages. Technologies de l’information et société. Paris : Dunod, 1994.
15 Pierre LEVY, Les Technologies de l’intelligence. Paris : Éditions du seuil. p. 9.
16 Joel De ROSNAY, op. cit., p. 286.
17 ERASME, Éloge de la folie. Paris : Éditions Garnier, 1964. p. 36.
18 Edgar MORIN, science avec conscience. Paris : Éditions du seuil, 1990. (Coll. Points) p. 178.
19 Norbert ALTER, L’innovation ordinaire. Paris : PUF sociologies, 2000, p. 65.
20 Patrice FLICHY, L’innovation technique. Récents développements en Sciences Sociales : vers une nouvelle théorie de l’innovation. Paris : Éditions de la Découverte, 1995, 251 p.
21 Livre Vert Sur l’innovation. Commission européenne. 1995. p. 1.
22 Peter DRUCKER, Innovation et entrepreunariat. New York : Harper & Row, 1985, 277 p.
23 Hervé MATHÉ, Les innovations dans les services. Numéro spécial Les Echos : L’Art de la stratégie, jeudi 4 Mai 2000.
24 Développements statégiques de l’édition européenne à l’horizon de l’An 2000. Le challenge multimédia de l’Europe. Commission Européenne DG XIII/E. Andersen Consulting, 1996.
25 http://europa.eu.int/comm/culture/activities/book_digital_fr.htm
26 http://www.cordis.lu/ist/home.html
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