La violence et le sacré : l’unité du style huysmansien
p. 77-89
Texte intégral
1Que la littérature décadente ait cultivé la violence de l’écriture jusqu’à en faire un cri, et souvent d’anathème, n’est pas une nouveauté. Du maître Baudelaire jusqu’aux invectives de Bloy à la veille de la première Guerre Mondiale, en passant par le Huysmans d’À rebours, toute la littérature fin de siècle crache1 sur le « panmuflisme2 » du xixe siècle bourgeois, à n’en plus pouvoir. Chez Huysmans même, la chose a été repérée depuis longtemps et identifiée comme une constante de l’œuvre, qu’on considère la production antérieure à la conversion de 1892 ou celle qui s’ensuivit, plus marquée par l’influence du christianisme. Or, justement, le grand étonnement de la critique est d’observer que le retour de l’écrivain à la religion, contre toute attente, ne change rien à la violence de son écriture. Comparant l’un des premiers et le dernier opus : Les Sœurs Vatard et Les Foules de Lourdes, Jean-Pierre Vilcot parlait il y a presque trente ans d’une « écriture du saccage3 », d’un jeu de massacre4 maintenu jusqu’à l’encontre des pèlerins rencontrés à la grotte, tandis que Brigitte Cabirol soulignait encore l’ambivalence et la persistance, dans cet ouvrage, d’une vitupération qui ne serait que tendresse inversée5. D’une certaine façon, loin d’atténuer sa cruauté et sa virulence, la conversion de Huysmans, si elle changeât rien à son écriture, aurait plutôt eu tendance à l’exacerber. Mais il est curieux que l’on ne se soit pas interrogé plus avant sur les raisons de ce paradoxe pour se cantonner au constat du scandale, ou à l’ébauche d’une explication réduite au rapprochement des deux extrêmes. Car il faut bien qu’il y ait quelque chose dans le catholicisme huysmansien qui ne s’accommode pas de cette « tiédeur6 » qui va, selon lui, de pair avec la pratique et la foi de ses coreligionnaires. Et n’est-ce pas alors cet absolu, cette haine viscérale et sans compromission du siècle, que la conversion, loin d’entamer, ne fait que transformer et même embraser, la transfigurant en la faisant passer au creuset de la sacralisation ? Peut-être même peut-on y voir le noyau, le cœur de cette unité du style huysmansien si prompt à « fusionner les contraires7 » ? Parti d’une rhétorique de l’excès, Huysmans ne fait sans doute que métamorphoser l’imprécation en prophétie, pour finalement renverser le cri de violence en chant de douleur.
La rhétorique de l’excès : à rebours de l’éloge
2Constatant l’impossibilité d’un relevé exhaustif des jeux de massacre chez Huysmans, Jean-Pierre Vilcot prenait comme point de départ un passage fameux d’À rebours qui proposait, selon lui, une des « expressions les plus fortes d’une véritable haine du siècle et de la vie8 ». On peut aussi repartir de là, et observer cet extrait du chapitre xiii pour constater combien les choses sont d’emblée plus ambiguës qu’elles ne pourraient le paraître. Il s’agit d’une scène dans laquelle des Esseintes contemple avec dégoût des enfants dont un particulièrement va attirer son regard et son mépris :
Il concentrait son attention sur eux quand un autre, plus petit, parut, sordide à voir ; il avait des cheveux de varech remplis de sable, deux bulles vertes au-dessous du nez, des lèvres dégoûtantes, entourées de crasse blanche par du fromage à la pie écrasé sur du pain et semé de ciboule verte9.
On peut évidemment voir là « le langage que prend chez Huysmans l’horreur des autres et celle de la vie10 », comme on peut voir dans la conclusion du passage proclamant la « folie de procréer des gosses11 » une conversion au malthusianisme12. Mais on peut aussi aller plus loin en observant comment est amenée cette clausule. Pour commencer, les marmots se mettent à se battre, ce qui ranime l’intérêt assoupi de Des Esseintes :
L’intérêt qu’il prit à ce combat détournait ses pensées de son mal ; devant l’acharnement de ces méchants mômes, il songea à la cruelle et abominable loi de la lutte pour l’existence, et bien que ces enfants fussent ignobles, il ne put s’empêcher de s’intéresser à leur sort et de croire que mieux eût valu pour eux que leur mère n’eût point mis bas13.
Drôle de charité que celle-là, certes, qui prend les oripeaux de la condescendance. Mais si elle s’exprime avec les mots du darwinisme, il faut bien aussi constater qu’elle ne doit pas seulement au pessimisme schopenhauerien14 : elle retrouve la grande tradition biblique et sapientiale du tædium vitæ et de la vanité, celle de Job et de l’Ecclésiaste, celle de ľImitation de Jésus-Christ15. Car somme toute, la dernière sentence n’est ici qu’une reformulation naturaliste et plaisante, dans sa scandaleuse provocation, d’un fameux passage du dixième chapitre de Job : « Pourquoi m’avez-vous tiré du sein de ma mère », s’écrie le prophète, « Plût à Dieu que j’eusse été consumé ! aucun œil ne m’aurait vu16. » La description de l’enfance qui s’ensuit surenchérit sur l’horreur de la vie que dénonçait également l’homme de Hus (vii, -1-6) et se présente comme une condamnation de l’existence que n’aurait pas reniée le Qohéleth, dont elle retrouve bien des accents :
En effet, c’était de la gourme, des coliques et des fièvres, des rougeoles et des gifles dès le premier âge ; des coups de bottes et des travaux abêtissants, vers les treize ans ; des duperies de femmes, des maladies et des cocuages dès l’âge d’homme ; c’était aussi, vers le déclin, des infirmités et des agonies, dans un dépôt de mendicité ou dans un hospice17.
3Ce raccourci pessimiste qui formule la « misérable condition de l’homme18 » après la « dégoûtation de l’existence19 » aboutit finalement à une idée déjà préalablement développée au chapitre VII, la clameur douloureuse de l’Imitation : « C’est vraiment une misère que de vivre sur la terre20 ! » C’est dire, donc, que ce que l’on pourrait attribuer ici à la méchanceté et au sarcasme les plus noirs s’accommode d’emblée, et peut-être même s’inspire, du christianisme le plus orthodoxe. Au fond, la violence verbale propre à une certaine tradition chrétienne, Huysmans ne peut qu’aller y puiser, d’ emblée, même avant la conversion.
4Mais la violence de Huysmans, qu’elle s’attaque aux enfants, aux femmes ou à toute autre cible a effectivement toujours eu tendance à la caricature agressive, jouant de l’animalisation et de la monstruosité. On peut dire, cependant, que son pessimisme n’a fait que rencontrer une certaine tradition sapientiale propre à renforcer encore sa misogynie et son ennui de vivre par sa radicalité et la légitimation qu’elle lui offrait.
5À rebours en offre un autre très bel exemple, de même que l’ensemble des textes de critique esthétique. Qu’on songe en effet à la parabole d’Auguste Langlois, au chapitre VI, pur et simple retournement du précepte évangélique de la charité qui voit des Esseintes se mettre en train de créer un criminel en accoutumant un jeune garçon rencontré dans la rue aux plaisirs des maisons closes dont il lui ouvre les portes, prévoyant de lui supprimer une fois l’habitude prise la petite rente qu’il lui octroie d’abord, de façon à le réduire au vol, et peut-être à l’assassinat, pour satisfaire ses désirs : « Retourne chez ton père dont la main est inactive et le démange », lui dit-il, « et rappelle-toi cette parole quasi évangélique : Fais aux autres ce que tu ne veux pas qu’ils te fassent ; avec cette maxime tu iras loin21. » La formule livre un des sens du titre du roman : il s’agit bien de prendre la morale chrétienne à l’envers, et en particulier Mt vii, 12. Façon de dire que, néanmoins, ce n’est pas n’importe quelle tradition que rejoint le prince du dandysme, et avec lui son auteur : non pas celle de l’amour évangélique, mais, dans un premier temps, celle du Dieu de colère auquel en appelle la célèbre prière finale, désireuse de voir à nouveau s’abattre sur le monde le bras armé du Dieu de l’Ancien Testament22. Chez Huysmans, la violence du propos est toujours condamnation et appel à la destruction : elle se fonde, la justification en moins, sur le même souffle que celui de la voix des prophètes vétéro-testamentaires.
6Mieux encore de la critique d’art, lieu par excellence de l’exécration huysmansienne. On y retrouve la même violence fondée sur l’intransigeance et le désir d’absolu, le même sectarisme esthétique que chez Bloy, avant même toute conversion à un quelconque catholicisme. Comparons ainsi les premiers et les derniers textes, L’Art moderne et De tout. En 1883, l’exercice d’éreintement des artistes les plus en vogue du moment ne diffère presque en rien de celui des peintres recensés vingt ans plus tard comme ayant réalisé les plus mauvais portraits de l’Enfant-Jésus. Du Pauvre Pêcheur de Puvis de Chavannes, on nous disait ainsi :
Devant cette toile, je hausse les épaules, agacé par cette singerie de grandeur biblique, obtenue par le sacrifice de la couleur au gravé des contours dont les angles s’accusent avec une gaucherie affectée de primitif23...
Et l’on voit bien alors qu’il s’agit de pousser par l’hyperbole, au plus loin qu’il est possible, le plaisir du sacrilège, non seulement par l’emploi de ce terme de registre bas qui sent son Tertullien : « singerie », mais surtout par le retournement ironique du mot « sacrifice » réduit à son acception la plus prosaïque. On pourrait en dire autant du jugement porté sur un Christ de Jean-Jacques Henner dans Le Voltaire du 30 mai 1879 :
Quant au Christ couché, mieux vaut n’en point parler. Ce cadavre blanc a traîné partout...
7Là encore, le scandale réside dans la réduction du corps du Christ à un cadavre qui équivaut à la négation de la Résurrection. Dans « Les Noëls du Louvre », n’est-ce pas du même plaisir transgressif qu’il s’agit lorsque l’on nous invite à voir dans un tableau de Bianchi un Jésus qui n’est que « une pelote de graisse articulée, un poupon au sourire inexpressif, un gamin comme un autre, saisi juste au moment où il ne crie pas24 », et dans celui de Lorenzo di Credi un Enfant dont les doigts sont « des chipolatas, de petites saucisses échaudées devenues blanches25. » Il n’y a donc pas que les femmes et les enfants qui soient l’objet de ces attaques systématiquement réductrices et dont le propre est la déshumanisation (encore qu’il s’agisse ici du Jésulus, et plus loin et souvent de la Vierge). Surtout, il ne faudrait pas imaginer qu’elles seraient le propre de l’écrivain d’avant la conversion : seulement d’un propos l’autre, c’est le critère esthétique du jugement qui a changé, non la façon de formuler le jugement lui-même.
Imprécation et prophétie : de la haine du siècle à l’Apocalypse
8L’imprécation et la vocifération demeurent donc, sans guère varier d’objet mais en changeant de motivation. L’autre grand thème de la plainte huysmansienne : le monde dans lequel il vit plus encore que les individus qui le peuplent, connaît la même évolution. Qu’on s’en tienne à ce que François Livi appelle la prophétie de menace26, ou qu’on élargisse la définition, on constate en tout cas une certaine permanence de l’inspiration, mais également de l’écriture elle-même. Partant du constat que « la vie est intolérable », Huysmans, comme ses personnages, est en quête d’un havre presque dès le début de sa carrière, et cette quête s’accompagne d’une condamnation, d’une dénonciation du monde partant à vau-l’eau, de mises en garde aussi contre la folie des temps modernes. Les exemples seraient ici trop nombreux et nous nous contenterons d’en emprunter quelques uns à la correspondance comme à l’œuvre. Celui avec qui il échange le plus spontanément sur ce thème est évidemment Léon Bloy, lequel, de son côté, n’est pas en reste. Ainsi lui écrit-il, au moment de leur amitié et de la préparation d’En rade :
Ah ! Bloy ! Je suis plein de rage, prêt à vomir à pleins pots avec vous, sur la salauderie contemporaine – nous aurions de bien bonnes journées à passer ensemble – ce serait quand même, en dépit du dépotoir pécuniaire où une diabolique providence nous plonge, comme des mouillettes dans un œuf, un havre de quelques secondes, une rade provisoire, mais réelle – une halte contre les poursuites de la grande muflerie27.
C’est la même idée, cette fois sur le mode déceptif, dix ans plus tard, dans une lettre à Gustave Boucher, pour dire le beau rêve envolé d’une retraite définitive dans un monastère :
Je me sens éboulé. C’est l’avenir plus noir qu’avant, l’illusion d’un havre foutu. Dire qu’il ne restera rien debout, dans ce salaud de temps28 !
9Mais la prophétie ne s’arrête pas forcément au constat d’un présent détestable, se plaisant au contraire à prévoir l’avenir le plus noir et à déconstruire toutes les certitudes. Ainsi l’histoire et l’actualité sont-elles investies des signes d’une imminente Apocalypse, dont l’écrivain se fait fort de devenir l’exégète, sur un mode aussi virulent que Bloy, mais d’une façon toujours beaucoup moins sérieuse, sur le ton de la moquerie. Et pour constater à quel point ce ton de raillerie ne change pas, il n’est que d’essayer de dater deux extraits épistolaires comme les suivants :
Les événements qui s’accélèrent si étrangement, avec cette épouvantable Chine qui entre en branle, laissent singulièrement inquiets ceux qui, comme nous, ne croient absolument dans la marche du monde qu’au contact et aux volontés du Seigneur. Va-t-il nous laisser rouler jusqu’au fond du cloaque – se priver lui-même, de la facilité qui lui restait de compenser l’équilibre détruit en mettant dans le plateau de la balance les mortifications et les prières de vrais ordres, les trappes, les Chartreux, les Carmélites, les calvairiennes et les Clarisses. Alors c’est la fin de tout : c’est le triomphe fulgurant – bien que passager – du démon29,
pour commencer, et enfin :
L’exposition bat ici son plein. Il n’y pas à dire, c’est amusant [...] Ce qui est curieux, c’est la physionomie de la foule. Il y a comme un je-menfoutisme, un chassé d’ennuis ; tout le monde rigole – j’ai vu déjà ces joies voulues de grandes fêtes – et ça me donne l’idée que des cataclysmes vont venir.
En 1878, Paris était comme cela – C’est inquiétant – d’autant que le salaud de sous-officier qui régit l’Allemagne est bigrement menaçant pour l’instant, avec ses accolades à l’Humbert30.
Hormis le contexte, qui permet d’associer l’un aux événements chinois de l’année 1900 et à la préparation de la loi sur les Congrégations quand l’autre renvoie à l’Exposition des Indépendants de 1889, comment savoir que le premier est le second chronologiquement ? Comment distinguer, même, le plus ancien d’autres textes de la même nature qui, en 1900, parlerons d’une autre Exposition, l’Exposition universelle, à peu près dans les mêmes termes ? D’une certaine façon, la première lettre citée nous donne la clé : il n’y a somme toute rien de changé d’une date à l’autre, hormis le point de vue de Huysmans qui parle désormais en catholique convaincu concevant le monde comme le champ élu de la bataille entre Dieu et le diable. Stylistiquement, la thématique apocalyptique des cataclysmes et autres fléaux redoutés, annoncés et finalement désirés par la voix prophétique n’a fait que se charger d’une dimension religieuse dont elle était dépourvue au départ. Ainsi de la haine de Paris, par exemple, véritable Babylone des temps modernes dont l’observation des excipits romanesques permet de constater qu’elle ne connaît guère de variation de traitement, autrement que celui que nous venons de signaler. Entre les descriptions d’À rebours et Là-bas, et celles qui concluent la trilogie ou ponctuent la correspondance de la fin du siècle, la similarité est plus qu’évidente. Désespoir aigri de Des Esseintes constatant que tout est par terre :
Les bourgeois bâfraient de même qu’à Clamart sur leurs genoux, dans du papier, sous les ruines grandioses de l’Église qui étaient devenues un lieu de rendez-vous, un amas de décombres, souillées par d’inqualifiables quolibets et de scandaleuses gaudrioles [...] – Dans deux jours, je serai à Paris ; allons, fit-il, tout est bien fini ; comme un raz de marée, les vagues de la médiocrité humaine montent jusqu’au ciel et elles vont engloutir le refuge dont j’ouvre, malgré moi, les digues31,
où la violence s’exprime essentiellement par le lexique (caractérisation adjectivale, termes péjoratifs) et l’image du déluge, mais encore annonce désabusée du bourgeoisisme triomphant à la fin de Là-bas dans l’échange entre les deux principaux personnages :
– Tout cela est fort bien, grogna [Des Hermies] ; mais ce siècle se fiche absolument du Christ en gloire ; il contamine le surnaturel et vomit l’au-delà. Alors, comment espérer en l’avenir, comment s’imaginer qu’ils seront propres, les gosses issus des fétides bourgeois de ce sale temps ? Élevés de la sorte, je me demande ce qu’ils feront dans la vie, ceux-là ?
– Ils feront, comme leurs pères, comme leurs mères, répondit Durtal ; ils s’empliront les tripes et ils se vidangeront l’âme par le bas-ventre !,
où, en plus des précédents procédés, se révèle pleinement le principe de l’oxymore naturaliste, qui consiste, autant que faire se peut, à exprimer les réalités les plus abstraites et les plus spirituelles par les images les plus concrètes et les plus matérielles, en faisant se rencontrer registre bas et registre haut. Une fois converti, l’auteur n’agira pas autrement. Ainsi la charge sur laquelle s’achève En route met-elle en œuvre la même violence contre un groupe restreint représentant synecdochiquement la totalité d’une population honnie et vouée aux gémonies :
Il était de retour à Paris.
– Si ceux-là, reprit-il, pensant à ces écrivains qu’il lui serait sans doute difficile de ne pas revoir, si ceux-là savaient combien ils sont inférieurs au dernier des convers ! s’ils pouvaient s’imaginer combien l’ébriété divine d’un porcher de la Trappe m’intéresse plus que toutes leurs conversations et que tous leurs livres32 !
Intéressant exemple : la topique est toujours la même, et les modalités de l’attaque ne varient guère. Ce n’est que l’ajout d’un motif proprement biblique et religieux : l’ivresse, mais non de vin (qu’on trouve par exemple chez Isaïe33) qui change du tout au tout la tonalité de l’ensemble et fait regarder aussi autrement cette condamnation des livres et de leur vanité, comme un trait de lucidité non plus seulement pessimiste, mais sapiential. Travaillé de l’intérieur, le style de l’écrivain, fidèle à lui-même, se pare ainsi d’une totale nouveauté.
10Et de même dans L’Oblat, pour ne rien dire de La Cathédrale : obligé par la loi sur les Congrégations de rentrer, encore une fois, dans la capitale, Durtal ne peut s’empêcher de retrouver les accents qui étaient déjà les siens dans Là-bas. Et tremblant, avouant sa tristesse, le voici qui vilipende encore une fois ceux qui n’existent pas encore :
Au lieu d’une propriété paisible, je vais retrouver les boîtes à dominos d’une maison commune, avec menace, en dessus et en dessous, de femmes s’hystérisant sur des pianos et de mioches roulant avec fracas des chaises pendant l’après-midi et hurlant, sans qu’on se résolve à les étrangler, pendant la nuit34...
Même misogynie, même haine des enfants que dans Marthe, Les Soeurs Vatard ou À rebours, mais immédiatement atténuée par le retour à la charité et à la prière, puisqu’il est question d’expier par ces embarras ses propres péchés (« tendons le dos ») et finalement de s’oublier soi-même :
Ah ! mon cher Seigneur, donnez-nous la grâce de ne pas nous marchander ainsi, de nous omettre une fois pour toutes, de vivre enfin, n’importe où, pourvu que ce soit loin de nous-mêmes et près de Vous !
11Alliance de Baudelaire et de saint Paul (2 Co v, 6 sqq. : « pendant que nous sommes dans ce corps, nous voyageons loin du Seigneur »), voilà qui résume parfaitement le Huysmans converti : il s’agit certes d’écrire conformément à sa foi nouvelle, mais aussi de ne rien céder à une piété qui le ferait verser dans la littérature lénifiante. Foin donc des bons sentiments, et maintien de cette cruauté qui parut si déplacée à certains lecteurs catholiques, de même aussi que de cette violence du verbe destinée à restituer la violence du monde. On le voit, sa dénonciation d’un monde pourri et croulant ne fait que s’accommoder d’une nouvelle lecture en rencontrant le discours de la religion. Et dès lors, portant depuis toujours le fer dans la plaie, s’attaquant à ses contemporains comme à son siècle, il est normal que Huysmans ait finalement fait de la douleur le thème majeur de sa littérature, ou, plus exactement, qu’il ait fait de l’attention portée à la souffrance, qui était sien depuis toujours, le support d’une réflexion sur la Douleur qui n’a d’équivalent que chez Léon Bloy.
Chant de douleur : désenchantement ou réenchantement ?
12Sans doute, l’œuvre à laquelle on pense le plus spontanément lorsqu’il s’agit de répondre à la question de la place de la Douleur chez Huysmans est son hagiographie de Sainte Lydwine de Schiedam, où la violence verbale fait écho à la violence infligée au corps même de la sainte. Mais une comparaison moins attendue peut dans un premier temps montrer davantage la persévérance de l’écrivain dans son être, c’est-à-dire dans son style. On a beaucoup glosé en effet les descriptions des Foules de Lourdes, et en particulier de ces pèlerins descendant ou remontant dans les trains qui les amènent dans la cité mariale, pages il est vrai on ne peut plus marquer par le rabaissement grotesque. Mais ne rappellent-elles pas, précisément celle de Sac au dos proposant le tableau, non des trains emmenant avec eux les conscrits mais convoyant les soldats malades hors de Châlons dont s’approchent les Prussiens :
On eût dit une Cour des Miracles roulante ; les estropiés sautaient à pieds joints, ceux dont les intestins brûlaient les arrosaient de lampées de cognac, les borgnes ouvraient les yeux, les fiévreux cabriolaient, les gorges malades beuglaient et pintaient, c’était inouï35 !
On reste certes ici en deçà de l’imagerie évangélique, dans une évocation fondée sur la figure de ľadunaton qui la rend particulièrement saisissante. Mais ce sera précisément le principe de l’œuvre de 1906, lorsqu’elle fera de Lourdes le lieu même de la mise en pratique des Evangiles et nous montrera
ce tas de l’Armorique qui vermille dans les rues et sur le pont, des estropiats et des manchots, des enfants déformés, aux membres interrompus, des vieillards dont les goitres pendent pareils à d’énormes poires, des vieilles femmes qui claudiquent, appuyées sur leurs potences, des aveugles avec des prunelles en blanc d’œuf36...
13Il est saisissant de voir à quel point les deux passages se ressemblent, sans aucune concession apparente pour ce qu’on appellerait aujourd’hui la bien-pensance ou le politiquement correct, conservant une véhémence, une violence à l’égard des individus décrits qui ne semble pas avoir changée. Il faut simplement ajouter qu’elle répond cette fois à l’actualisation de la parole biblique, de ce miracle annoncé par Isaïe et réalisé par le Christ en Mt xi, 5 : « Des aveugles voient, des boiteux marchent, des lépreux sont guéris, des sourds entendent, des morts ressuscitent, des pauvres sont évangélisés. » L’adunaton, l’antithèse est ici la figure du miracle, même si elle y renvoie davantage sur le mode de l’allusion (le verbe « claudiquer » étant un latinisme calquant la Vulgate37) que de la pure et simple réécriture, comme ce sera le cas ailleurs dans l’ouvrage38. Mais on constate surtout que les mêmes vocables se retrouvent pour construire d’un côté une vision carnavalesque et de l’autre un tableau évangélique : estropiés / estropiats, gorges / goitres, borgnes / aveugles. Dans les deux cas, la violence de l’écriture est produite par une rhétorique de l’excès visant à créer l’impression de la monstruosité : dans un cas, cependant, ce matérialisme, cette attirance vers le bas corporel s’interprète d’un point de vue satirique, de l’autre comme une volonté de produire le plus grand écart possible entre les souffrances physiques et la piété à l’œuvre à Lourdes d’une part, mais également la grandeur du miracle d’autre part. Style illuminé de l’intérieur alors que celui-là, dans la mesure où les mêmes procédés, la même écriture, se chargent d’une lumière nouvelle sans réellement changer d’apparence, retournée peut-être comme un gant dans un à rebours d’un autre ordre.
14Ajoutons cependant que cette transformation se justifie d’un changement de visée après la conversion, l’auteur ayant découvert une justification à la souffrance et à la misère que dénonçait jusque là son pessimisme, la loi de la substitution révélée par l’abbé Boullan lui permettant d’affirmer que « rien, pas même une migraine, n’est perdu39. » À partir d’En route, Huysmans continue à dire la violence : celle de la vie de Lydwine, celle de l’expulsion des moines de Ligugé, celle des maladies vues à Lourdes, et de la dire avec la même véhémence, mais une véhémence fondamentalement rénovée. Certain que le chrétien n’a d’autre destin que de parfaire ce qui manque à la Passion du Christ, selon saint Paul40, Huysmans l’est aussi de la légitimité de la littérature : si l’écrivain sert à quelque chose, c’est-à-dire la vérité de la foi, mais sans faire le sacrifice du style, c’est-à-dire sans jamais cesser d’être lui-même41. Et son style est fait de cette passion qui dit également, dans le même emportement, l’amour et la haine. On comprend alors tout à la fois comment il parvient à tenir en même temps le fil de la compassion et celui de la cruauté. On comprend cette omniprésence de la Douleur allégorisée, comme aussi la persistance de la satire, dans L’Oblat par exemple. Mais on n’aboutit pas pour autant à une « écriture sainte ». Sans doute Jean-Pierre Vilcot avait-il raison de définir la conception huysmansienne de la sainteté comme anti-corporelle et anti-humaine : la vie de sainte Lydwine, les critiques picturales des Trois Primitifs prouvent assez qu’il s’agit d’une aspiration à l’anéantissement du corps. Mais elle passe par une écriture qui, au contraire, ne cesse de rappeler sa dimension la plus charnelle et la plus incarnée, la plus naturaliste. Enfer corporel peut-être, mais qui pousse l’essence du style huysmansien à son paroxysme, comme dans les descriptions des malades de Lourdes ou du martyre de sainte Lydwine, de sa mort aussi :
[...] l’agonie commença ; elle dura de sept heures du matin à quatre heures du soir ; les vomissements la déracinaient et la jetaient, brisée, sur le carreau ; elle rendait, avec des matières verdâtres, le fiel à pleine bouche ; Baudouin n’avait que le temps de vider la cuvette au-dehors et de la rapporter42.
Fondée sur l’hyperbole, la violence de cette peinture s’appuie sur le rabaissement corporel et matériel jusqu’à l’excès : même vocabulaire naturaliste que toujours, à ceci près que certains vocables, comme « vomissement » et plus encore « fiel », se chargent d’une portée évangélique qui contribue à faire de cette agonie le comble d’une passion à l’imitation du Christ que n’étaient certes pas les fins tragiques de Marthe ou des sœurs Vatard.
Conclusion
15Parler de la violence de l’écriture huysmansienne, c’est donc parler de l’essence même de cette écriture et du principal constituant d’un style que l’évolution de l’auteur n’a finalement pas entamé. Aussi peut-on dire que l’analyse de Jean-Pierre Vilcot avait très largement l’intuition de cette unité lorsqu’il affirmait :
La conversion de Huysmans n’a pas modifié cet état de malaise, de mésentente avec soi, avec autrui, avec le monde. Elle en fait apparaître toutefois plus nettement certaines racines, dans un dévoilement aidé par les condamnations de saint Paul contre la chair auxquels Huysmans a particulièrement prêté attention dans le catholicisme de son temps, ainsi qu’aux prophéties apocalyptiques de La Salette43...
16Mais il convient d’ajouter que la lecture huysmansienne de saint Paul a davantage été attentive à l’idée de l’imitation de la Passion qu’à toute autre chose, et que c’est cette violence là qui transfigure celle de l’écriture après En route, dans une œuvre qui demeure un « univers d’horreur44 » mais dont on peut estimer qu’elle relève toujours, davantage que d’un entêtement à faire, d’un véritable plaisir d’écrire45.
17La Rochelle
Notes de bas de page
1 Voir à ce sujet les travaux de Jean de Palacio, et en particulier le chapitre consacré à la « poétique du crachat » dans Figures et formes de la décadence, Paris, Séguier, 2e série, 2000, p. 167-189, ainsi que l’article « Un brelan de tortionnaires (Émile Goudeau, Laurent Tailhade, Léon Bloy) » dans les Cahiers de littérature française, Paris, L’Harmattan, n° 3, juin 2006, p. 111-122.
2 La correspondance de Huysmans et Bloy fait grand usage de ce terme qu’affectionne chacun des deux écrivains (voir notamment les lettres publiées par Daniel Habrekorn dans Correspondance à trois : L. Bloy, J.-K. Huysmans, Villiers de l’Isle-Adam, Vanves, Thot, 1987). Le mot de « panmuflisme » se trouve chez Huysmans, notamment dans une lettre du 12 mars 1888 à Verlaine : « Puis, il me semble que dans ce colossal Empire du Panmuflisme où nous vivons, nous sommes quelques uns d’égarés, croyant à l’art, et que nous devrions nous serrer un peu les coudes, car sans cela, nous ne sommes faits pour vivre avec personne. Quelle singulière époque tout de même ! » (Lettres inédites de Verlaine a Cazals, éd. G. Zayed, Genève, Droz, 1957, p. 114).
3 « Mais au-delà de ces motivations [...], un sentiment plus profond est à l’origine de cette écriture du saccage : une nausée de l’existence, un "vomissement"... » (J.-P. Vilcot, « Huysmans et les autres : jeux d’écriture, jeux de massacre », Revue des sciences humaines [RSH], n° 170-171, avril-septembre 1978, Paris, Corti, p. 93.
4 Notons seulement au passage que l’expression qui donne son titre à l’article de J.-P. Vilcot est précisément l’objet, dans son contexte, d’un jeu de mots et qu’il convient d’ajouter son complément au substantif : « il y avait, ici et là, des huttes encombrées de gens, haussés sur la pointe de leurs bottines, appuyés sur les épaules les uns des autres, cherchant à voir, par les créneaux des têtes, des massacres d’innocents, des poupées costumées en paysans, en mariées, en princes, qu’on abattait à coups de balles » (Les Sœurs Vatard, ch. 5, cité sur Éditions de la Bohème, Saâcy-sur-Marne, coll. Les Sillons littéraires, 1997, p. 53). C’est nous qui soulignons.
5 B. Cabirol, « Tendresse et vitupération dans Les Foules de Lourdes », Huysmans : entre grâce et péché, sous la dir. d’A. Vircondelet, Université catholique de Paris, Cultures et christianisme 3, Paris, Beauchesne, 1995, p. 149-171.
6 Les preuves de ce perpétuel vomissement des tièdes (Ap III, 16) abondent. Citons seulement ce passage d’En route (éd. Dominique Millet-Gérard, Paris, Gallimard, Folio, 1996, p. 102) : « Si j’admets le Catholicisme, je ne puis le concevoir tiède et flottant, continuellement réchauffé par le bain-marie d’un faux zèle. Je ne veux pas de compromis et de trêves, d’alternances de débauches et de communions, de relais libertins et pieux, non, tout ou rien ; se muer de fond en comble ou ne rien changer ! » Le passage se situe juste avant la conversion de Durtal.
7 Voir G. Peylet, J.-K. Huysmans : la double quête. Vers une vision synthétique de l’œuvre, Paris, L’Harmattan, 2000, p. 268 : « Bipolaire, cet imaginaire se développe à chaque étape autour de la structure de l’antithèse, mais nous avons vu aussi une autre tendance profonde de cet imaginaire qui tend à passer de l’antithèse à l’oxymore, à la fusion des contraires. »
8 J.-P. Vilcot, op. cit., p. 94.
9 J.-K. Huysmans, À rebours, éd. Marc Fumaroli, Paris, Gallimard, Folio, 1977, rééd. 1992, p. 281.
10 J.-P. Vilcot, op. cit., p. 94.
11 À rebours, éd. cit., p. 283.
12 J.-P. Vilcot, op. cit., p. 94 : « [...] des Esseintes, partisan convaincu des manoeuvres abortives et des thèses de Malthus... »
13 À rebours, éd. cit., p. 282.
14 Sur Huysmans et Schopenhauer, voir notamment Alain Roger, « Huysmans et Schopenhauer », Huysmans : une esthétique de la décadence, Actes du colloque de Bâle, Mulhouse et Colmar des 5, 6 et 7 novembre 1984, organisé par A. Guyaux, C. Heck et R. Kopp, Genève, Slatkine, 1987, p. 83-94 et Françoise Gaillard, « Seul le pire arrive. Schopenhauer à la lecture d’À vau-l’eau », Huysmans a côté et au-delà, Actes du colloque de Cerisy-La-Salle, éd. J.-P Bertrand, S. Duran et F. Grauby, Leuven-Paris, Peeters-Vrin, coll. Accents, 2001, p. 65-84.
15 Sur Huysmans et ľImitation, voir notre article « La réception de ľImitation chez quelques écrivains catholiques », dans les Actes du colloque : Le Livre de Sagesse II : supports, médiations, usages, organisé à Metz les 13,14 et 15 septembre 2006, éd N. Brucker, Peter Lang, 2007, p. 91-114.
16 Jb x, 18 : « Quare de vulva eduxisti me : / Qui utinam consumptus essem, ne oculus me videret ! » Rappelons que le chapitre s’ouvrait sur cette plainte : « Mon âme a du dégoût pour ma vie... » (Tædet animam meam vitæ meæ...)
17 À rebours, éd. cit., p. 283.
18 Ibid. : « Sous prétexte de liberté et de progrès, la Société avait encore découvert le moyen d’aggraver la misérable condition de l’homme... »
19 Ibid., p. 227 : « Sous le ciel bas, dans l’air mou, les murs des maisons ont des sueurs noires et leurs soupiraux fétident ; la dégoûtation de l’existence s’accentue et le spleen écrase ; les semailles d’ordures que chacun a dans l’âme éclosent ; des besoins de sales ribotes agitent les gens austères et, dans le cerveau des gens considérés, des désirs de forçats vont naître. »
20 L’Imitation de Jésus-Christ, I, xxii, 10 : Vere miseria est vivere super terram.
21 À rebours, éd. cit., p. 166.
22 Ibid. : « Est-ce que, pour montrer une bonne fois qu’il existait, le terrible Dieu de la Genèse et le pâle Décloué du Golgotha n’allaient point ranimer les cataclysmes éteints, les pluies de flammes qui consumèrent les cités jadis réprouvées et les villes mortes ? Est-ce que cette fange allait continuer à couler et à couvrir de sa pestilence ce vieux monde où ne poussaient plus que des semailles d’iniquités et des moissons d’opprobres ? »
23 J.-K. Huysmans, L’Art moderne, « L’Exposition de 1881 », Paris, Charpentier, 1883, p. 179. Le tableau intitulé Le Pauvre Pêcheur (1881, 155, 5 x 192, 5) est conservé au Musée d’Orsay. Sur les rapports entre Huysmans et Puvis de Chavannes, voir A. Guyaux, « Huysmans et Puvis de Chavannes », Huysmans e l’immaginario décadente, Fasano, 1992, p. 187-200.
24 J.-K. Huysmans, De tout, Paris, Stock, 1902, p. 138.
25 Ibid.
26 F. livi, J.-K. Huysmans : À rebours et l’esprit décadent, ch. IX : « Polémistes, prophètes et mystiques », Paris, Nizet, 3e éd. revue et augmentée, 1991, p. 192, note 3 : « L’on distingue la prophétie de prédestination, la prophétie de prescience et la prophétie de menace (ou de promesse) : celle-ci est de loin la plus familière aux hommes de lettres qui arpentent l’Écriture. »
27 : R. Baldick, La Vie de Joris-Karl Huysmans, Paris, Denoël, 1958, rééd. 1975, p. 125. La lettre citée daterait d’août 1884.
28 Correspondance avec Gustave Boucher, lettre du 26 décembre 1894, Bulletin de la Société Huysmans, n° 64, 1975, p. 23.
29 Lettre inédite du 11 juillet 1900 à Charles Rivière, conservée à Notre-Dame d’Igny.
30 Lettres inédites à Arij Prins (1885-1907), publiées et annotées par Louis Gillet, Genève, Droz, 1977, p. 166.
31 À rebours, éâ. cit., p. 348-349.
32 En route, éd. cit., p. 524.
33 Voir par exemple Is xxix, 9 : « Soyez frappez de stupeur et admirez, soyez flottants et vacillants ; enivrez-vous, mais non de vin ; chancelez, mais non par l’ivresse » (Obstupescite et admiramini ; Fluctuate et vacillate ; Inebriamini, et non a vino ; Movemini, et non ab ebrietate).
34 L’Oblat, éd. Denise Cogny, Saint-Cyr-sur-Loire, Christian Pirot, 1992, p. 424.
35 Sac au dos, Toulouse, Éditions Ombres, Petite Bibliothèque des Ombres, 1994, p. 23.
36 Les Foules de Lourdes, Paris, Plon, 1926, p. 38.
37 Mt xi, 5 : Cæci vident, claudi ambulant, leprosi mundantur, surdi audiunt, mortui resurgunt, pauperes evangelizantur.
38 On trouve par exemple : « On amenait des malades de très loin et les aveugles voyaient et les perclus marchaient, après avoir bu de l’eau puisée dans la fontaine » (Les Foules de Lourdes, éd. cit., p. 9) ; « l’on n’a jamais vu la thérapeutique suggestive guérir, ainsi que cela se passe à Lourdes, des maladies de poitrine et des maladies de foie, des cancers et des lupus ; on ne l’a jamais vue rendre les yeux aux aveugles et l’ouïe aux sourds » (p. 160) ; « elle redresse des pieds bots, rend la vue aux aveugles et l’ouïe aux sourds... » (p. 235), etc.
39 Lettre à la princesse Bibesco du 13 mars 1900, publiée dans Les Étapes de Dehival dans les voies de l’amour, Paris, Gabriel Beauchesne, p. 224. Propagée par Boullan, cette doctrine est reprise au moment de la rédaction de Sainte Lydwine : « Très certainement, l’humanité est régie par deux lois que son insouciance ignore : loi de solidarité dans le mal, loi de réversibilité dans le bien ; solidarité en Adam, réversibilité en Notre-Seigneur. Autrement dit, chacun est jusqu’à un certain point responsable des fautes des autres, et doit aussi jusqu’à un certain point les expier... » (ibid.)
40 Voir Col I, 24, texte très souvent cité par Huysmans et reformulé dans la lettre citée ci-dessus : « [...] et Jésus, à son tour, veut que certaines héritent de cette succession de son sacrifice et achèvent ce qui manque à sa passion, comme dit saint Paul [...] Ces âmes qu’il a choisies pour l’imiter en le continuant, sont donc en quelque sorte des miroirs de sa douloureuse face [...] Il s’agit tout bonnement d’offrir sa suite de la Passion à Dieu » (Les Étapes de Dehival, éd. cit., p. 124).
41 Réponse de Huysmans à une lettre de Forain, 24 février 1901 : « Vous pouvez bien penser, c’est que si Dieu vous a ramené à Lui, comme Il a fait pour moi, c’est pour que nous Lui soyons, selon la mesure de nos pauvres forces, utiles. Il vous en donnera donc, ainsi qu’à moi, les moyens. Nous ne pouvons lui être de quelque utilité qu’en art ; par conséquent Il nous aidera et nous mettra à même d’accomplir notre œuvre de reconnaissance et d’expiation » (Pierre Ladoué, Retour à la pratique religieuse : Jean-Louis Forain, Bruxelles, 1957, p. 9).
42 Sainte Lydwine de Schiedam, Paris, Maren Sell, 1989, p. 248.
43 J.-P. Vilcot, op. cit., p. 95.
44 Ibid., p. 98 : « un univers d’horreur, illuminé çà et là. »
45 B. Cabirol, op. cit., p. 151 : « Les Foules de Lourdes, en effet, sont l’aboutissement d’un entêtement à faire plus que du plaisir d’écrire. »
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