L’expression de la violence dans la musique sacrée baroque
p. 87-100
Texte intégral
1À l’époque baroque, le répertoire sacré, à l’instar du répertoire profane, est animé de sentiments ou de passions plus ou moins violentes : joie, deuil, souffrance, tristesse… La violence, fruit de la colère divine ou de la colère des hommes, est partout présente dans le récit biblique comme dans la littérature hagiographique. Depuis l’épisode de l’expulsion du Jardin d’Eden, l’Ancien Testament n’est qu’une longue alternance d’alliances avec Dieu et de révoltes contre Lui, de châtiments, d’actes brutaux et violents, de rédemption, d’agressivité, de meurtres, persécution, repentance et rédemption : meurtre originel, celui d’Abel par son frère Caïn pour une question de jalousie, le déluge universel pour punir la terre qui « s’était remplie de violence » ; lors de la sortie d’Égypte, Dieu fait mourir tous les premiers nés égyptiens ; le Deutéronome (chapitre 13, verset 6) punit de mort tous ceux qui adoreraient d’autres dieux que le Dieu d’Israël… À plusieurs reprises, la Bible lance de violents anathèmes contre les peuples étrangers au mieux à éviter, sinon à massacrer. Le livre de Josué est exemplaire à cet égard : sur l’ordre de Dieu, les Hébreux prennent possession de la terre promise en exterminant les Cananéens qui y habitent. Dans le Nouveau Testament, le cycle de la violence continue et structure le texte autour de deux épisodes fondamentaux pour le chrétien : le sacrifice et la mort de Jésus sur la croix, « folie pour les Hommes », et la vision terrible de la fin des Temps et du Jugement dernier révélés à l’apôtre Jean.
2La lecture de ces récits ponctue dans un certain ordre le calendrier liturgique. Outre la simple célébration de la messe qui fait souvenir du sacrifice du Christ, la période du Carême qui culmine dans la Semaine Sainte avec la commémoration de la Passion du Christ se base sur les récits les plus violents propice à la composition d’œuvres en rapport avec le caractère sombre de ces commémorations qui nous ramènent à nos propres misères humaines. Les funérailles de personnages importants ou le grand office des morts sont également d’autres occasions pour les compositeurs de méditer sur la vanité de l’existence et l’inéluctabilité de la mort, lutte tragique perdue d’avance. Toutes ces sources d’inspiration, intrinsèquement dramatiques, s’adaptent idéalement à l’esprit théâtral qui anime l’art sacré baroque sous l’influence dominante de l’Italie. Vers 1636, dans son Harmonie universelle, Marin Mersenne remarque à propos des Italiens : « ils observent plusieurs choses dans leurs récits, dont les nostres sont privez, parce qu’ils représentent tant qu’ils peuvent les passions & les affections de l’ame & de l’esprit /… / au lieu que nos François se contentent de flatter l’oreille, & de plaire par leurs mignardises sans se soucier d’exciter les passions de leurs auditeurs, suivant le sujet et l’intention de la lettre ».
3Or, la place de la musique dans le domaine sacré a été à l’origine de discussions rémanentes, depuis les débuts du christianisme. À plus forte raison, tout changement au sein de l’Église suscitant invariablement l’opposition des plus conservateurs de ses membres, l’introduction d’une esthétique musicale prenant en compte les affects ne se fait jamais sans heurts. Ainsi, l’Église gallicane du XVIIe siècle accueille tardivement le nouveau style italien et à des degrés divers, selon les clergés locaux. À l’instar des arts visuels, le baroque musical se caractérise par la mise en valeur des oppositions et la recherche des contrastes sonores, la diversification timbrale grâce au mélange dialogué des instruments et des voix, la richesse ornementale qui fait écho aux brillants intérieurs d’église.
4Quelle place la violence occupe-t-elle dans la rhétorique musicale des passions ? Quels sont les sujets violents de prédilection dans le répertoire sacré et dans quels cadres formels s’insèrent-ils ? On se demandera si cette violence peut véritablement s’exprimer sur le plan de la technique musicale et par quels procédés.
Musique et sacré : le corps et l’âme
5Les passions violentes, engendrées par des sentiments tels que la colère, la jalousie, le désir de vengeance, vont émouvoir à leur tour les affects de ceux qui en sont les victimes ou les spectateurs : stupeur, douleur, crainte, remords etc. Les passions et leurs effets constituent une vaste problématique, selon une optique dualiste du corps et de l’âme, l’un en tant que siège des sens, l’autre en tant que siège de la raison. La relation même entre musique et sacré se situe au cœur de cette problématique et, pour cette raison, ne va pas de soi : la musique touche les sens et le sacré s’adresse à l’âme ; cela a toujours été un dilemme pour les autorités religieuses et a débouché sur des conflits qui ont contribué à alimenter le cycle des violences communautaires, comme en témoigne la destruction des orgues dans les églises béarnaises par les protestants, lors des guerres de religion. Depuis le Moyen Âge, la pensée chrétienne a été influencée par les courants platoniciens et aristotéliciens ; elle s’est appuyée sur eux tantôt pour condamner ou restreindre l’usage de la musique, tantôt pour l’approuver.
6Les sévères critiques de Platon contre la tragédie à cause de ses effets néfastes sur l’âme des spectateurs ont favorisé les positions très conservatrices d’une partie du clergé. Platon n’hésite pas à exclure le poète de la cité ! Ceux qui avaient une approche plus libérale, pouvaient s’appuyer sur Aristote qui estimait bénéfique la poésie à condition que le poète – auquel on assimile le compositeur musicien – créât sous le contrôle de l’âme. Même Platon assouplissait son point de vue s’il s’agissait de composer des hymnes aux dieux ou des éloges à des personnages vertueux. Ces hésitations face au plaisir ambigu ressenti à l’écoute de belles cantilènes se retrouvent dans les confessions de Saint Augustin qui avoue perdre facilement le contrôle de la raison et céder aux larmes lorsque ses sens sont séduits par la beauté d’une musique, même s’il s’agit de vocalises sans paroles, donc sans aucun message religieux défini, ce qui empire son sentiment de culpabilité. Cependant, ballotté entre plaisir et connaissance, il penche malgré tout pour l’usage du chant qui, par sa beauté, peut élever les esprits plus faibles à la piété1.
7Dès le XVe siècle, les références antiques s’enrichissent dans les cours princières italiennes par la redécouverte de l’art oratoire de Cicéron et de Quintilien ; la connaissance des passions est désormais considérée comme indispensable à la rhétorique et un bon discours ne pourra être persuasif que s’il émeut à la fois l’orateur et l’auditoire. Cicéron considérait toutefois comme fondamental que l’orateur fût un homme de bien. À propos de l’art oratoire sacré, le jésuite espagnol Valentín de Céspedes (1595-1668) déclare dans sa satire Treze por dozena :
Es menester que entiendan que es verdad que el predicador es un representante a lo divino y debe serlo, y sólo se distingue del farsante en las materias que trata, en la forma muy poco2.
8La place respective à accorder aux sens et à la raison occupe les réflexions de tous les théoriciens de la musique depuis Boèce pour qui les deux facultés doivent présider ensemble au jugement de la musique ; les critiques contre les musiciens y dominent : ils sont considérés régulièrement trop esclaves de l’ouïe au détriment de la raison. La décrétale Docta sanctorum du pape Jean XXII en 1325 contre les complications rythmiques dans le répertoire sacré de son temps est à replacer dans ce courant d’opinion. Au sein de cette confrontation séculaire entre judicium rationis et judicium aurium, on assiste cependant à une évolution progressive vers la dignification de l’ouïe, aux côtés de la raison ; le discours convenu sur la musique en tant que science du nombre cède de plus en plus d’espace au jugement des sens, même si ceux-ci restent soumis à la raison, comme en témoignent les écrits du savant Johannes Tinctoris, notamment dans son traité de 1475, Complexus effectuum musices3. L’irruption de la sensualité, donc de la sollicitation du corps, fait peur ; pour les moralisateurs religieux, elle risque d’entraîner dans l’irrationnel incontrôlable. La préséance de la musique vocale sur le répertoire instrumental jusqu’au XVIe siècle est une des conséquences de cette attitude ; en effet, l’expression la plus pure de la rationalité humaine est la parole, véhicule de la pensée.
9Sous l’influence des idées humanistes, les mentalités changent peu à peu. Marsile Ficin associe la musique à sa réflexion sur la fureur poétique ou le désir humain de beauté4. Si les spéculations symboliques plus ou moins énigmatiques demeurent encore, les compositeurs développent ponctuellement le figuralisme sensible, à partir des idées ou des mots importants du texte chanté. Le caractère général sombre des paroles est également de plus en plus pris en compte par la matière musicale, au niveau du choix des modes plutôt mineurs et de l’introduction de certaines dissonances, qui restent encore très discrètes et en accord avec les lois du contrepoint.
10L’importance croissante donnée à la rhétorique et à l’art de persuader en flattant les sens favorise une conception théâtrale dans tous les domaines artistiques, notamment la musique sacrée, pourtant toujours plus conservatrice. Dès le début du XVIe siècle, Erasme constate non sans colère : « on accourt de partout dans la maison de Dieu, comme on irait au théâtre, pour la délectation des oreilles »5. Au milieu du XVIe siècle, l’évêque romain Cirillo Franco critique les polyphonies mondaines et décadentes qu’on entend dans les églises et établit un parallèle avec Michel-Ange et ses fameux nus de la Chapelle Sixtine qui seraient davantage à leur place, selon lui, dans une loggia de quelque riche villa6. En bon humaniste, il appelle de ses vœux une nouvelle musique qui, à l’imitation de l’art des anciens Grecs, pourrait émouvoir les fidèles et leur inspirer le repentir, la piété ou la joie, une musique qui susciterait des affetti en rapport avec les paroles et le contexte liturgique. Charles Borromée conseille à son vicaire de commander au compositeur Nicolà Vicentino des messes faisant appel au mode chromatique ; ce mode, récemment reconstitué à partir des auteurs grecs, est porteur d’un grand potentiel expressif qui sera constamment exploité dans le madrigal vénitien7, puis dans tout le répertoire baroque. Autour des camerate florentines de Bardi et des Alterati, des musiciens et des théoriciens comme Vincenzo Galilei et Girolamo Mei, collaborateur du philologue Pier Vettori, relisent attentivement les textes anciens pour comprendre et analyser les puissants effets psychologiques et éthiques que produisait sur les spectateurs le théâtre combiné à la musique.
11Durant la Contre-Réforme, appliquée avec zèle en Italie, en Espagne et dans les contrées germaniques de la catholicité, un esprit de reconquête souffle sur toutes les formes d’« hérésie », auxquelles appartient la religion réformée. Cet esprit militant recourt volontiers à la théâtralité, dans ou en dehors de la liturgie et sous de nombreux aspects ; il englobe certes l’art oratoire de la prédication, mais aussi la musique, la mise en scène, les déplacements dans l’espace architectural et les divers éléments de décoration dans un même but : produire un effet de catharsis sur les fidèles, les édifier et les maintenir dans la « vraie Foi »8.
12Après les recherches de Joachim Burmeister (Musica poetica, 1606), la pensée théorique musicale connaît de nouveaux développements avec, en 1618, le Compendium musicae de René Descartes9, où sont abordés les rapports entre les divers éléments constitutifs d’un fragment musical et les passions qu’ils suscitent ; puis en 1649, dans son fameux Traité des passions10, Descartes approfondit les aspects physiologiques des passions sur le corps. Mais c’est surtout le jésuite allemand Athanasius Kircher (1601-1680) qui, dans sa Musurgia universalis publiée à Rome en 165011, développe le concept de rhétorique musicale. Selon une méthode inspirée par la Figurenlehre, théorie des figures, il analyse des passages exemplaires de l’oratorio Jephté de Giacomo Carissimi12, compositeur qu’il admire pour son art du récitatif et sa manière de traduire les diverses passions. Kircher dont la pensée servira de modèle à de nombreux théoriciens européens ultérieurs, fait appel à la terminologie propre à la rhétorique pour expliquer les moyens musicaux convoqués, comme nous le verrons plus avant.
13Sur le plan des réalisations musicales, Jacopo Peri, Giulio Caccini, Emilio Cavalieri et Claudio Monteverdi sont tous conscients d’être les artisans d’une nouvelle esthétique, particulièrement dans leur élaboration du « recitar cantando ». Dès 1605, dans la préface à son 5e livre de madrigaux, Monteverdi distingue clairement l’ancien style des polyphonistes, la prima prattica, et le nouveau style, la seconda prattica, utilisé par les modernes et beaucoup plus riche de possibilités, tous répertoires confondus. Déjà en 1600, à l’époque où sont créées l’Euridice de Peri, celle de Caccini et la Rappresentazione di anima e di corpo de Cavalieri, le conservateur Giovanni Maria Artusi (1540-1613), farouche adversaire de Monteverdi, s’exclame : « les sens sont devenus fous ! »13. Le XVIIe siècle signe paradoxalement l’autonomie du sonore sur la parole.
14En 1706, le bénédictin français Jean Le Cerf de la Viéville (1677-1748) critique la liturgie de son temps, trop influencée à son goût par l’opéra : « Le jubé est paré de l’opéra en habit de ville qui exécute comme pour s’essayer pour se disposer aux personnages que ces messieurs joueront une heure après. Et cette église est si bien l’Église de l’Opéra que ceux qui ne vont point à l’un, s’en consolent en allant à Vêpres en l’autre où ils le retrouvent à meilleur marché »14. L’unité stylistique entre musique sacrée et profane devient une évidence en France dans les dernières décennies du XVIIe siècle. Il suffit de se référer aux œuvres de Lully ou de Marc-Antoine Charpentier. Si ce n’était des paroles en latin, l’auditeur confondrait aisément le passage d’un motet avec un extrait de tragédie lyrique…
Les compositeurs de musique sacrée et les thèmes violents
15Les compositeurs de musique sacrée dépendent étroitement des exigences liturgiques et esthétiques exprimées par le clergé aux ordres duquel ils sont soumis. Les œuvres reposant sur des sujets d’inspiration violente se développent dans des genres paraliturgiques à la terminologie hésitante, comme le motet dialogué, ou l’oratorio en Italie15 Comme nous l’avons dit, la période de Carême qui culmine dans le triduum pascal est la plus favorable à l’exécution de telles pièces, en particulier dans le cadre des Leçons de ténèbres, très courues au XVIIe siècle. L’objectif est d’inspirer le repentir pour les péchés commis, la compassion aux souffrances du Christ, de sa mère ou d’autres martyrs, la crainte de la mort et de la damnation éternelle, la conscience de la vanité humaine. Par delà l’édification religieuse des fidèles, ces cérémonies ou concerts spirituels typiques de la religiosité baroque visent à ranimer, à travers l’émotion artistique, la ferveur de la pratique et à éloigner tout relâchement ou tentation de suivre d’autres courants religieux. Lors d’un séjour à Rome en 1639, le violiste André Maugars (1580-1645)16 décrit d’une manière assez détaillée, mais sans citer d’œuvres précises, la musique entendue les vendredis de Carême à l’église du Crocifisso où Carissimi a plusieurs fois dirigé des ensembles musicaux lors de cérémonies similaires17. L’inspiration liturgique du maître italien correspond bien à ce type de cadre cérémoniel, que ce soit dans son oratorio Judicium extremum tiré de l’évangile du lundi de la première semaine de Carême ou dans Jonas qui fait écho à la leçon du lundi de la deuxième semaine de Carême. Dans ces œuvres comme dans le tragique Jephté, admiré par Kircher, Carissimi cherche à frapper les sens des fidèles et à leur inspirer la crainte du Jugement dernier et de l’Enfer, dans le sillage des Exercices spirituels d’Ignace de Loyola18, fondateur de la Compagnie de Jésus. Les paroles exaltent les mérites de l’obéissance à Dieu jusqu’à la mort, à travers l’exemple de Jephté qui se résout à tuer sa fille unique par fidélité à sa promesse faite à Dieu. De ses dévotions musicales au Crocifisso, Maugars retient que chaque soliste « exprimait parfaitement la force des mots », en alternance avec un groupe concertant d’instrumentistes. Disciple français de Carissimi, à une époque où, en France, le goût italien devient politiquement incorrect, Marc-Antoine Charpentier s’illustrera dans la même veine dramatique que son maître ; le verset « Judex crederis » de son Te Deum, inspiré également de l’Apocalypse et du Jugement Dernier, appartient clairement à l’esthétique italienne.
16Puisant encore dans les évocations menaçantes du Jugement dernier et de la damnation éternelle, l’Office des morts contient des textes censés mettre en garde le fidèle s’il ne se repent pas, comme la fameuse séquence Dies irae (Jour de colère) à laquelle appartient le verset Recordare. Tous ces textes se prêtent à des descriptions musicales suggestives, pour peu que l’occasion cérémonielle ou les commanditaires soient importants ; cependant, un tel cadre liturgique est beaucoup plus contraignant pour le compositeur que le genre de l’oratorio, indépendant de toute structure rituelle extérieure.
17D’autres épisodes, en particulier de l’Ancien Testament riche en récits tragiques, ont fourni des sujets de choix aux compositeurs pour des œuvres en rapport avec ce style religieux théâtral parti d’Italie : le sacrifice d’Abraham (voir Marc-Antoine Charpentier), la mort de Saul et Jonathas (idem), certains psaumes comme le n° 51 Miserere19 ou le n° 109 Dixit Dominus20, les Lamentations de Jérémie sur la destruction de Jérusalem par Nabuchodonosor qu’on récite lors des Leçons des Ténèbres (voir l’interprétation qu’en donnent Carlo Gesualdo, Marc Antoine Charpentier, François Couperin). Le chant de douleur si expressif O vos omnes21 appartient aussi aux Leçons des Ténèbres, ainsi que la séquence Stabat Mater très en faveur grâce à une dévotion mariale croissante22 (cette séquence a inspiré Pier Luigi da Palestrina et les Scarlatti père et fils).
L’expression musicale de la violence
18Le choix des paramètres musicaux se fait en fonction des affects recherchés, selon des conventions couramment admises. Or, la musique est le plus abstrait de tous les arts ; lorsqu’elle devient le véhicule d’un contenu expressif précis, il est très difficile, voire impossible de décrire les émotions ressenties à l’audition sans faire des analogies avec d’autres types de sensations, notamment visuelles. C’est donc par des analogies plus ou moins attendues que pour « peindre » les passions violentes, réaliser la mimêsis, le musicien va établir sa « palette » sonore en choisissant la qualité des sons (hauteur, timbre, nuances, combinaisons vocales et instrumentales), le cadre temporel général (mesure, mouvement), les aspects rythmiques particuliers (pulsation de base, appuis sur les temps forts ou en syncope, cellules rythmiques caractéristiques), contours mélodiques (mouvements conjoints ou disjoints, structure, présence d’éléments répétitifs ou contrastés), modalité et agencements harmoniques (couleurs mineures ou majeures, dissonances expressives, contrastes en clair-obscur), aspect et densité de la texture (contrapuntique ou harmonique, accords chargés, plus sobres ou même creux pour certains effets), nuances et accents23. S’il s’agit d’une œuvre vocale, la mise en musique de la parole représente à la fois le moyen le plus évident de clarifier le sens pour l’auditeur, mais aussi une grande contrainte pour le compositeur, tiraillé entre expression libre des idées et respect de la prosodie.
19Sur le chemin de la théorisation qui succède à l’expérimentation, les proches de la Camerata fiorentina du comte Bardi abordent dans leurs recherches la riforma melodrammatica et le problème de l’expressivité musicale, comme en témoignent certaines de leurs préfaces24. Dans ce cadre-là, Giacopo Peri conçoit le genre nouveau du récitatif pour la musique de Dafne (1597, musique perdue) : « Le plaisir et la stupeur, qui saisirent l’âme des auditeurs devant ce spectacle si nouveau, ne se peut exprimer », rapporte Marco Gagliano25.
20En 1600, dans l’introduction de ce qu’on peut considérer comme les premiers opéra et oratorio de l’histoire, la fameuse Rappresentatione di anima e di corpo, son collègue Emilio dei Cavalieri explique par quels artifices techniques émouvoir intensément le public :
Il passar da uno affetto all’altro contrario, come dal mesto all’allegro, dal feroce al mite e simili, conmove grandamente. Quando si è canato un poco a solo, è bene far cantar i cori, & variare spesso i tuoni; e che canti hora soprano, hora basso, hora contralto, hora tenore; & che l’arie e le musiche non siino simili, ma variate con Molto proportioni, cioè triple, sestuple, e di binario, & e adornate di echi e d’interventioni più che si può26.
21Les méthodes d’accompagnement qui paraissent en Italie au début du XVIIe siècle, puis ailleurs en Europe, contiennent également quelques conseils sur le style musical à choisir en fonction des paroles. Avec l’avènement du récitatif et de la monodie accompagné, le rôle de l’accompagnateur ou continuiste devient essentiel pour choisir des harmonies, un toucher, un rythme et un style instrumental en accord avec les paroles chantées et leur contenu expressif. L’art de l’improvisation étant une forme de composition extemporanée, l’accompagnateur participe fortement à la création de l’œuvre. Pour cette raison, il doit préalablement se pénétrer du sens des paroles pour que son accompagnement participe le mieux possible à la peinture des passions :
Dove sono parole, bisogna vestirle di quell’armonia conuenevole, che faccia, ò dimostri quell’affeto27.
22À la fin du siècle, le maître de viole français Jean Rousseau insiste sur l’importance pour l’accompagnateur d’entrer, par sa manière de jouer, dans l’esprit de la pièce :
Ce Jeu [de l’accompagnement] demande encore beaucoup d’esprit et d’application, parce qu’il faut connoistre sur le champ, et distinguer les differents mouvemens qu’il faut prendre, et les passions qu’il faut exprimer ; et c’est ce qu’on appelle ordinairement entrer dans l’esprit de la Piece28.
23La qualité de l’interprétation entre aussi en ligne de compte : même si l’auteur de la musique prend garde de faire appel à toutes les figures musicales nécessaires pour émouvoir son auditoire, la pleine réussite des objectifs poursuivis dépend beaucoup de l’intelligence de l’interprète sur les choix stylistiques dont la musique a besoin pour prendre réellement vie et exercer son pouvoir sur les sens de l’auditoire. Voici les conseils donnés aux chanteurs par Emilio dei Cavalieri, toujours dans la préface à la Rappresentatione di anima e di corpo (1600), on y notera l’importance accordée aux mouvements du corps pour émouvoir les affects :
Il cantante canti con affetto, piano e forte, senza passaggi, & in particolare che esprima bene le parole, che sia intense, & le accompagni con gesti & motivi non solamente i mani, ma di passi ancora, che sono aiuti molto efficaci a muovere l’affetto29.
24Les compositeurs de cette époque commencent à se préoccuper davantage de la couleur instrumentale et Cavalieri étend à l’instrumentation son souci de respecter les affects du récit, ce qui est alors une attitude très moderne :
Il Signor Emilio lauderebbe mutare stromenti conforme all’affetto del recitante30.
25À l’exemple italien et en partie grâce à Charpentier, disciple de Carissimi, le répertoire religieux français intègre progressivement le style théâtral italien, surtout à travers le motet. L’introduction de ce style en France ouvre un champ de polémiques qui dureront presqu’un siècle, entre partisans et détracteurs. Voici, appliqué à la musique d’orchestre, comment décrit ce style et le jeu instrumental afférent l’abbé Raguenet, fervent admirateur de la musique italienne au début du XVIIIe siècle31 :
Comme les Italiens sont beaucoup plus vifs que les François, ils sont bien plus sensibles qu’eux aux passions, et les expriment aussi bien plus vivement dans toutes leurs productions ; s’il faut faire une symphonie qui exprime la tempête, la fureur, ils en impriment si bien le caractère dans leurs Airs, que souvent la réalité n’agit pas plus fortement sur l’ame ; tout y est si vif, si aigu, si perçant, si impétueux et si remuant, que l’imagination, les sens, l’ame, et le corps même en sont entraînez d’un commun transport ; on ne peut se défendre de suivre la rapidité de ces mouvemens ; une symphonie de Furies agite l’ame, la renverse, la culbute malgré elle ; le Joüeur de violon qui l’éxécute ne peut s’empêcher d’en être transporté et d’en prendre la fureur, il tourmente son violon, son corps, il n’est plus maître de lui-même, il s’agite comme un possédé, il ne sauroit faire autrement.
26Joachim Burmeister, le premier à appliquer systématiquement les figures rhétoriques à la musique, désigne cette démarche pathopoeia (action de susciter des passions violentes par l’introduction de chromatismes étrangers) et hypotypose (peinture des passions)32. Ce processus de rationalisation de phénomènes relevant de la sensation, loin d’être paradoxal lorsqu’on sait l’opposition radicale entre ce qui obéit au jugement supérieur de la raison (judicium rationis) et à celui des sens, est relié aux préoccupations centrales des musiciens depuis Boèce d’allier plaisir des sens et contrôle de l’esprit. René Descartes (1596- 1650) s’intéresse à la peinture des passions dans son Compendium musicae ou abrégé de musique (1618) et y détermine les finalités de la musique – qui sont d’exciter diverses passions – et les moyens pour y arriver33 ; c’est cette recherche sur la musique qui lui a d’ailleurs donné l’idée de se pencher sur les passions de l’âme quelques années plus tard :
[p. 445] Sa fin est de plaire et d’exciter en nous diverses passions ; car il est certain qu’on peut composer des airs qui seront tout ensemble tristes et agréables ; et il ne faut pas trouver étrange que la musique soit capable de si différents effets, puisque les élégies même et les tragédies nous plaisent d’autant plus que plus elles excitent en nous de compassion et de douleur et qu’elles nous touchent davantage.
Les moyens pour cette fin, c’est-à-dire les propriétés du son les plus remarquables, sont deux : savoir, ses différences considérées par rapport au temps ou à la durée, et par rapport à la force ou à l’intensité du son considéré en tant que grave ou aigu /… /.
[p. 452] Pour ce qui regarde les différentes passions que la musique peut exciter en nous par la seule variété des mesures, je dis en général qu’une mesure lente produit en nous des passions lentes, telles que peuvent être la langueur, la tristesse, la crainte et l’orgueil, etc. ; et que la mesure prompte, au contraire, fait naître des passions promptes et plus vives, comme est la gaieté et la joie, et cetera.
27À côté du tempo, les nuances aussi sont mises à contribution ; ainsi, selon Sébastien de Brossard (1655-1730)34 la nuance fortissimo « veut dire très fort, avec beaucoup de vehemence, pour exprimer quelque passion outrée ». Athanasius Kircher35 développe encore davantage les théories sur la rhétorique musicale calquées sur celle du discours déclamé, mais en donnant au pathos un rôle de premier plan36. Selon sa nomenclature, les passions associées à des épisodes violents comprennent les figures suivantes37 :
le silence (pausis) : lorsqu’il s’agit de soupirs en croche (fusa) ou en doubles croches (semifusa), ces silences expriment une âme gémissante et soupirante38 ;
la répétition (anaphora) servant à exprimer l’énergie, comme cela arrive souvent dans les passions assez violentes de l’âme, dans la fureur, le mépris39 ;
une progression harmonique ascendante (climax) « pour les affects de l’amour divin et des désirs de la patrie céleste »40 ;
le complexe (complexus), passage harmonique dont les voix semblent conspirer entre elles pour exprimer les sentiments de machination41.
l’opposition (antitheton), une période harmonique servant à exprimer des sentiments opposés,
un mouvement ascendant (anabasis) figurant l’exaltation ou les réalités supérieures42 ;
la fuga, technique très courante, propre à illustrer la fuite ou des actions successives43.
28Sébastien de Brossard distingue la Fuga pathetica « ou passionnée, propre pour exprimer quelque passion, sur tout la douleur, et cetera. Elle se fait ordinairement dans le genre Diatonico-Chromatique, et cetera. Car il y a une infinité d’autres Fugues »44.
29À côté de ces figures nouvellement conçues, le caractère modal devient un paramètre très important, au service de la rhétorique des passions, en poussant les conséquences beaucoup plus loin que ne l’avaient fait les théoriciens de la musique depuis le Moyen Âge, pourtant familiers de l’ethos des modes défini dans les écrits grecs. Parmi beaucoup d’autres, Marc-Antoine Charpentier, après Jean Rousseau et avant Jean-Philippe Rameau ou Johann Mattheson, explique l’utilité de ce qu’il nomme « l’énergie des modes » et en dresse une synthèse dans ses Regles de composition (1690)45 :
Pourquoy Les Transpositions de Modes
La seconde et principale Raison, c’est pour l’expression des differentes passions, a quoy la differente Énergie des Modes est tres propre.
Énergie des Modes |
Do majeur Gay et guerier |
Do mineur Obscur et Triste |
Ré majeur Joyeux et tres Guerier |
Mi majeur Querelleux et Criard |
Mib majeur Cruel et Dur |
Mib mineur Horrible Affreux |
Fa majeur furieux et Emporté |
Fa mineur Obscur et Plaintif |
Sib mineur Obscur et terrible |
Si majeur Dur et Plaintif |
Si mineure Solitaire et melancolique |
Le maître de musique des Jésuites parisiens ajoute en résumé46 :
Bon choix des mouuements et des Modes conuenables a la passion qu’on ueut representer, La Musique ne peut manquer d’etre aussi belle que bonne.
30À l’époque révolutionnaire, la théorie des passions qui aura inspiré un grand nombre de musiciens, est battue en brèche sous le feu des remises en question radicales des nouvelles générations contemporaines de Michel Paul Guy de Chabanon47.
Conclusion
31La musique « pathétique » ne peut traduire que par pure convention ou analogie les éléments violents contenus dans le texte qu’elle illustre, associée à la voix ou non ; imiter la colère, décrire la souffrance, peindre la torture, la douleur ou la peur impliquent des choix sonores suffisamment explicites dans un contexte culturel donné. Ces choix sonores vont susciter des affetti par le tempo général, la modalité mineure, l’utilisation de motifs rythmiques particuliers, les registres graves ou aigus, les dynamiques, les contrastes abrupts entre consonances et dissonances, harmonies majeures et mineures entre écriture harmonique et contrapuntique, l’intervention de certains timbres vocaux ou instrumentaux, les modes de jeu détaché ou lié, les oppositions d’effectifs. Mais, si à cette thématique violente basée sur des sujets religieux, est substituée une thématique violente d’origine profane, telle que peut en renfermer un livret d’opéra, les procédés musicaux resteront les mêmes pour traduire des faits différents. L’idéal d’austérité stylistique dans le répertoire religieux qu’ont illustré magnifiquement les compositeurs de la prima prattica comme Josquin des Près, Palestrina ou Victoria n’a pas résisté au souffle puissant de la seconda prattica, malgré la permanence de conservatismes, surtout en relation avec le cadre liturgique strict de la messe. Certes, le genre le plus théâtral et propice au déploiement de passions violentes qu’est l’oratorio ne s’est pas acclimaté en France ; cependant, dans le répertoire du grand motet versaillais qui se perpétue jusqu’à la Révolution, ainsi que dans les œuvres au programme du Concert spirituel inauguré en 1725 par Anne Danican Philidor, plaisir des sens et passions ont pu enfin rimer avec salut de l’âme.
Notes de bas de page
1 10e livre des Confessions, trad. Louis de Mondadon, présentation André Mandouze, Paris, Pierre Horay, 1982, coll. Points, paragraphe 33 (49).
2 Cité par Luis Robledo, « Le sermon comme représentation : théâtralité et musicalité dans la rhétorique sacrée espagnole de la Contre-Réforme », Musica Rhetoricans, sous la direction de F. Malhomme, Paris, PUPS, coll. Musiques/Écritures, série Études, 2002, p. 139, n° 6.
3 Scriptorum de musica medii aevi nova series a Gerbertina altera, 4 vol., éd. Edmond de Coussemaker (Paris, Durand, 1864-76 ; reprint ed., Hildesheim, Olms, 1963), 4 : 191- 200, http://www.chmtl.indiana.edu/tml/15th/TINCOM1_TEXT.html ; voir aussi Christopher Page, “Reading and Reminiscence : Tinctoris on the Beauty of Music”, Journal of the American Musicological Society, vol. 49, n° 1 (Spring, 1996), p. 1-31.
4 Cf. Myriam Jacquemier, « Les Académies au XVIe siècle », Les outils de la connaissance, in Enseignement et formation intellectuelle en Europe entre 1453 et 1715, Jean-Claude Colbus, Brigitte Hébert (éds.), Université de Saint-Étienne, 2006, p. 228-229.
5 Erasme, Paris, Robert Laffont, coll. Bouquins, p. 408.
6 Cité par Lewis C. Lockwood, Pope Marcellus Mass by Giovanni Pierluigi Da Palestrina ; an authoritative score, analysis, views and comments, Norton Critical Scores, New York, Norton, 1975, documents, p. 13.
7 Cité par Lewis C. Lockwood, op. cit., documents, p. 21.
8 Cf. Anne Surgers, « Une image unifiée, un regard captif : le décor du théâtre jésuite dans les traités du F. Andrea Pozzo s.j. (1642-1709) », Plaire et instruire : le spectacle dans les collèges de l’ancien régime, éd. Anne Piéjus, actes du colloque de Paris, Bibliothèque Nationale de France, 17-19 novembre 2005, p. 85-98.
9 Nouvelle traduction par Frédéric de Buzon, Paris, 1987.
10 Les Passions de l’âme, introduction et notes pas Genevière Rodis-Lewis, Paris, Librairie Philosophique J. Vrin, 1994.
11 Musurgia universalis sive ars magna consoni et dissoni, t. 1 : Haeredum Francisci Corbelletti et t. 2 : Ludovici Grignani ; cf. Raphaëlle Legrand, « Athanasius Kircher et Giacomo Carissimi : statut et usage de la figure de rhétorique musicale à Rome en 1650 », Florence Malhomme, éd., Musica Rhetoricans, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2002, p. 173-187.
12 1605-1674.
13 Cité par Jean et Brigitte Massin, Histoire de la musique occidentale, Paris, Fayard, 1987, col. Les Indispensables de la Musique, p. 368 ; L’Artusi overo delle imperfettioni della moderna musica, Venise, I 1600, II 1603 ; L’ombre de Monteverdi : la querelle de la nouvelle musique, 1600-1638 : « L’Artusi, ou Des imperfections de la musique moderne » de Giovanni Artusi, 1600 / présentation générale, Xavier Bisaro et Pierre-Henry Frangne ; traduction et annotation, Xavier Bisaro, Giuliano Chiello, P.-H. Frangne, « Aesthetica », Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2008.
14 Comparaison de la musique italienne et de la musique française, Bruxelles, François Foppens, 1704-1706, 3e partie, p. 188-189.
15 Sébastien de Brossard définit ainsi l’oratorio dans son Dictionnaire de musique (1703) : « C’est une espèce d’opéra spirituel, ou un tissu de dialogues, de récits, de duos, de trios, de ritournelles, de grands chœurs, etc., dont le sujet est pris ou de l’Écriture ou de l’histoire de quelque saint ou sainte. Ou bien c’est une allégorie sur quelqu’un des mystères de la religion ou quelque point de morale, etc. La musique en doit être enrichie de tout ce que l’art a de plus fin et de plus recherché. Les paroles sont presque toujours latines et tirées pour l’ordinaire de l’Écriture sainte. Il y en a beaucoup dont les paroles sont en italien et l’on pourrait en faire en français. »
16 Réponse faite à un curieux sur le sentiment de la musique d’Italie, escrite à Rome le premier octobre 1639, voir édition moderne en anglais, Readings in the History of Music in Performance, 1/ Carol MacClintock, 1979, 2/ First Midland Book Édition, 1982, p. 119.
17 Ces liturgies se tenaient dans l’après-midi, entre trois et six heures.
18 1491-1556 ; ces exercices ont été autorisés par Rome en 1548.
19 Repentance du roi David après le meurtre organisé d’Urie le Hittite, époux de Bethsabée dont il était tombé amoureux. Gregorio Allegri (1582-1652) a composé un Miserere très renommé.
20 Ex. éloquent du v. 6 : Judicabit in nationibus, implebit ruinas, conquassabit capita in terra multorum : Il exercera son jugement parmi les nations, il les couvrira de ruines ; il fracassera de nombreuses têtes sur toute la terre (trad. : Marie-Bernadette Dufourcet ; ex. : Dixit Dominus d’Antonio Vivaldi, 1678-1741).
21 3e Leçon pour le Mercredi saint, Lamed ; la mystique chrétienne transpose volontiers ce chant dans la bouche de la Pietà, se lamentant sur la mort de son Fils.
22 En partie en réaction contre les courants protestants. Il existe plus de deux cents compositions sur ce texte entre les XVIe et XVIIIe siècles.
23 Cf. Michel D. Calvocoressi, « Esquisse d’une esthétique de la musique à programme », in Sammelbände der Internaionalen Musikgesellschaft, 9. Jahrg., H. 3 (Apr.-Jun., 1908), p. 424-438.
24 Cf. Marie-Bernadette Dufourcet, « Riforma melodrammatica et harmonie des sphères », in Anne Surgers (éd. et trad.), La Pellegrina et les Intermèdes : Florence, 1589, textes originaux de Aby Warburg et Bastiano de Rossi, Vijon, Lampsaque, 2009, coll. Le Studiolo-Essais, Présentation de la Musique.
25 Préface à sa propre version de Dafne, éditée en 1608 : « Il piacere e lo stupore che partorì negli animi degl’uditori questo nuovo spettacolo non si può esprimere », Angelo Solerti, Le origini del melodramma, Turin, Fratelli Bocca, Milan-Rome-Florence, 1903, p. 81.
26 Angelo Solerti, Le origini del melodramma, Turin, Fratelli Bocca, Milan-Rome-Florence, 1903, p. 6. Trad. : passer d’un affect à l’autre contraire, comme du triste au gai, du féroce au doux et similaires, émeut beaucoup. Lorsqu’on a chanté un peu en solo, il est bon de faire chanter les chœurs et de varier souvent les tons ; que chantent tantôt le soprano, tantôt la basse, tantôt le contralto, tantôt le ténor ; que les airs et les musiques ne soient pas semblables, mais variés avec beaucoup de proportions, à savoir ternaires, sextuples, binaires et le plus possible ornés d’échos et d’interventions.
27 Agostino Agazzari, Del Sonare Sopra’l Basso Con Tutti Li Stromenti E Dell’ Uso Loro Nel Conserto. Siena, Domenico Falcini, 1607, http://www.bassus-generalis.org, éd. Bernhard Lang, 2003, p. 5 : « là où il y a des paroles, il est nécessaire de les revêtir de l’harmonie qui convienne pour produire ou manifester l’affect correspondant ». Le traité d’Agazzari est considéré comme le premier du genre.
28 1687, Traité de la viole, Paris, C. Ballard, chapitre IV, Du jeu de l’accompagnement, p. 66.
29 « Que le chanteur chante avec affect, doux et fort, sans passages virtuoses, et surtout qu’il exprime bien les paroles, qu’elles soient intenses, et qu’il les accompagne de gestes et d’expressions non seulement avec les mains, mais encore avec des pas, qui sont des aides très efficaces pour émouvoir l’affect », Angelo Solerti, Le origini del melodramma, Turin, Fratelli Bocca, Milan-Rome-Florence, 1903, p. 5, trad. Marie-Bernadette Dufourcet.
30 « Le Sieur Emilio louerait les changements d’instruments selon l’affect du récitant », Angelo Solerti, op. cit., p. 6.
31 Paralele des Italiens et des François en ce qui regarde la Musique et les Opéra, Paris, Jean Moreau, 1702, p. 42-44.
32 Dans son traité Musica poetica, 1606, voir Joachim Burmeister, Musica Poetica (14606), trad. et étude scientifique par Agathe Sueur et Pascal Dubreuil, Wavre, Mardaga, 2007, col. AMICUS, I, p. 156-159.
33 Œuvres de Descartes, éd. Victor Cousin, Paris, F. G. Levrault, 1824, vol. 5, p. 445-503.
34 Dictionnaire de Musique, Paris, Christophe Ballard, 1703.
35 1601-1680. Kircher était rattaché au Collège germanique de Rome où Carissimi était maître de chapelle. Voir Raphaëlle Legrand, « Athanasius Kircher et Giacomo Carissimi : statut et usage de la figure de rhétorique musicale à Rome en 1650 », in Musica Rhetoricans, p. 173-187.
36 Au XVIIe siècle, passion a le même sens que pathos, « differentes agitations de l’ame selon les divers objets qui se presentent à ses sens », Dictionnaire universel, t. III, La Haye et Rotterdam, Arnout et Reinier Leers, 1690 ; t. I, livre V, p. 366 et surtout t. II, livre VIII, p. 141ss ; p. 142 : les diverses affections provoquées par la musique, propriétés des modes.
37 Ibid., p. 144, § VII et VIII : les figures et leurs explications : à côté de l’amour, de la joie et d’autres sentiments positifs, Kircher aborde la haine, la fureur, le deuil, la plainte, la tristesse.
38 P. 144 : « Ad hanc revocari potest /… / sive suspiratio, dum per pausas fusas, aut semifusas, quae et ideo suspiria vocantur, gementis et suspirantis animae affectus exprimimus ».
39 P. 144 : « Dicitur anabasis sive repetitio, cum ad energiam exprimendam una periodus saepius exprimitur, adhibeturque saepe in passionibus vehementioribus animi, ferociae, contemptus, uti videte est in illa cantilena nota : Ad Arma, Ad Arma, etc. »
40 P. 145 : « Vocatur Climax sive gradatio, estque periodus harmonica gradatim ascendens adhiberique solet, in affectibus Amoris divini et desideriis patriae coelestis ».
41 P. 145 : « Complexus est periodus harmonica, qua voces quasi in unum si conspirare videntur, adhiverique solet in affectibus machinationum ».
42 P. 145 : « Anabasis, sive Ascensio est periodus harmonica, quia exaltationem, ascensionem vel res altas et eminentes exprimimus ».
43 P. 145 : « Verbis fugam indicantibus apta /… / servit quoqu actionibus successivis exprimendis, cujus quidem omnium frequentissimus usus est ».
44 Dictionnaire de Musique, Paris, Christophe Ballard, 1703.
45 Marc-Antoine Charpentier, « Règles de composition de Mr Charpentier », in Catherine Cessac, Marc-Antoine Charpentier, Paris, Fayard, 1988, p. 456 ; Lillian M. Ruff, “M.A. Charpentier’s ‘Regles de Composition”, The Consort 14 (1967), p. 256-270.
46 f.15r.
47 Lucie Desjardins, Le corps parlant, Savoirs et représentation des passions au XVIIe siècle, Les Presses de l’université de Laval, L’Harmattan, 2000, p. 215.
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