La perfection est-elle de ce monde ?
De l’utopie à la dystopie dans Animal Farm (1945) de George Orwell
p. 123-130
Texte intégral
I. Utopie et dystopie : genèse des mots, définition des concepts
1L’Utopia1 de Thomas More, parue à Louvain en 1516, a constitué un des plus grands succès littéraires du XVIe siècle européen : treize éditions latines, quatre anglaises, deux françaises, deux hollandaises, une allemande et une italienne en attestent. Dans cet ouvrage d’un genre nouveau, un monde imaginaire est créé qui permet de réfléchir à celui où nous vivons, questionnant ses propres fondements. Le narrateur, Raphaël Hythlodée, marin portugais (discret hommage aux découvertes maritimes menées à bien par les Portugais, surtout celle du Brésil en 1500), est le porte-parole de Thomas More, l’ami d’Érasme, celui dont le cardinal Reginald Pole (1500-1558) a pu dire, en s’adressant à ses concitoyens anglais : « You killed the best of Englishmen. » Grand humaniste, Thomas More connaissait l’œuvre de Platon2, éditée en latin par Marsile Ficin en 1484, mais probablement aussi les écrits de Joachim de Flore, particulièrement ceux ayant trait à la vie monastique, dont l’organisation a certainement inspiré celle de l’insula Utopia3.
2Nous donnerons ici au mot utopie le sens qui lui est généralement attribué au cours du XXe siècle, où il devient plus clairement relié à une structure socio-politique donnée, et moins à un genre littéraire, comme cela avait été le cas auparavant. Nous pensons bien évidemment au type de structure sociopolitique à caractère utopique comme celle qui s’est écroulée, en 1989, à Berlin, après une longue et douloureuse transmutation en dystopie.
3En effet, de nos jours les mots utopie et totalitarisme tendent à se répondre en écho, entraînant une forme de rejet commun, qui met entre parenthèses la réalité anthropologique sous-tendant l’élan utopique, à savoir la propension naturelle qu’a l’homme à se projeter dans un avenir qu’il revêt de ses rêves et de ses espérances (nous faisons référence au « principe espérance », au « paysage du souhait4 », chers à Ernst Bloch, à investir dans le présent ses projets pour le futur, afin que celui-ci puisse donner le jour à toutes ces possibilités encore en germe. Ces rêves peuvent à leur tour tourner au cauchemar, lorsque la vision future de l’Histoire se pare des couleurs de la fureur apocalyptique.
4En tous les cas, l’utopie, qu’elle soit littéraire ou ancrée dans une idéologie politique ou religieuse, porte en elle la semence de la subversion, celle d’un ordre établi, quel qu’il soit. À l’imperfection qui est notre lot, la construction utopique prétend substituer une forme de perfection, concept fantomatique bâti à partir d’éléments divers, pour la plupart religieux (le mythe du paradis perdu), mais aussi esthétiques, éthiques, jouant la plupart du temps avec des processus d’inversion par rapport au réel. La perfection n’étant pas de ce monde, cette mécanique terrifiante d’une beauté anormale glisse graduellement vers la monstruosité, suivant en cela un processus tout à fait paradoxal : en effet, en prétendant par définition se trouver nulle part, au-delà de l’historicité, elle finit par s’imposer partout, dans une volonté de tout contrôler dans les moindres détails, dans le but de s’assurer de la bonne pénétration du modèle qu’une minorité a choisi d’imposer.
5Mot polysémique, utopie dit bien l’inquiétude, l’insatisfaction propres à la condition humaine. En tentant de s’enraciner dans le réel, la pensée utopique se révèle un faux miroir, cruellement dérisoire, d’un au-delà promis comme étant la perfection même, une façon, hélas à la mesure humaine, de tenter de rapprocher le ciel de la terre, de défier les dieux lointains en les singeant de piètre manière. Elle porte en elle la violence du désespoir, de la frustration, la graine de son alter ego, la dystopie.
6Parmi bien d’autres, deux œuvres majeures du XXe siècle mettent en avant des formes de contre-utopie, Brave New World (1932) d’Aldous Huxley 1984 (1949) de George Orwell. Elles construisent une société imaginaire, où l’individu se fond dans la masse, y perdant son identité. L’ironie du titre du premier ouvrage prend tout son sens à mesure que le lecteur pénètre dans ce « monde meilleur » et que la société présentée apparaît comme inacceptable, tout comme celle proposée en 1984. Des hommes-robots, vidés de toute forme de pensée, traversent la vie comme des fantômes, soumis à un régime que l’on peut qualifier de totalitaire, une « utopie de l’ordre5 », selon les termes d’Ernst Bloch. Cependant, en créant cette société contre-utopique, Orwell se sert d’un modèle bien précis, ne se limitant pas à un récit fictionnel issu de sa seule imagination. Ce modèle (ou contre-modèle) est bien entendu celui que lui offre le communisme russe, face auquel Orwell pose le problème fondamental de la liberté, le plaçant au centre d’une œuvre devenue paradigmatique.
II. Animal Farm : un manifeste anti-totalitariste
7Écrit en 1944, mais publié en 1945, Animal Farm est en effet une des satires les plus connues contre le régime soviétique en particulier, et contre les régimes totalitaires en général. Leurs mécanismes pervers sont ici démontés par l’auteur, George Orwell, un social-démocrate6, membre du Parti Travailliste, qui participa à la guerre civile d’Espagne. Sa nouvelle relève du genre allégorique, les personnages principaux étant des animaux qui jouent le rôle des révolutionnaires bolcheviques. Ils prennent le pouvoir en expulsant les propriétaires et les travailleurs de la ferme où ils vivent et y installent un régime communautaire où « tous les animaux sont égaux » au départ, mais deviennent rapidement de plus en plus différents les uns des autres, à l’avantage de ce que l’on pourrait appeler une « classe dirigeante ». Celle-ci détourne les principes ayant fondé la communauté idéale, qui devait vivre et prospérer, pour en faire une société modelée à son profit. Nous assistons à la transformation de cette société, de l’utopie initiale qui l’avait fondée, en une contre-utopie, la minorité qui s’est emparée du pouvoir étant l’élément déterminant de cette transmutation.
8Dans le récit de celle-ci, Major, un verrat (boar), représenterait Marx et son Manifeste du Parti Communiste de 1848. En effet, il lance le mouvement de rébellion en racontant aux autres animaux un rêve prophétique, dans lequel la terre lui serait apparue délivrée des êtres humains. Autour de l’idée centrale de ce rêve, il bâtit un discours véhément, dénonçant la tyrannie de l’homme (« No animal in England is free. The life of an animal is misery and slavery : that is the plain truth » ; « Man is the only real enemy we have7 »). Au-delà du rêve, fondateur d’un nouvel ordre (« Major’s speech had given to the more intelligent animals on the farm a completely new outlook on life8 »), nous remarquons ici un autre élément fondamental, le discours-manifeste, qui se doit de détruire verbalement l’ancien ordre, en utilisant une argumentation à la logique approximative, qui porte en elle-même sa propre justification et ne permet aucun questionnement de la part du récepteur. Il s’agit d’une vérité que l’on prétend imposer sous une forme close, qu’il n’est pas question de remettre en cause. D’ailleurs, la légitimité du Manifeste ne semble-t-elle pas dépendre directement du degré de violence verbale mise en œuvre (« The only good human being is a dead one9 ») ? De toute manière, cette violence est présentée comme se trouvant d’avance légitimée par celle que la société humaine a toujours exercée sur les animaux.
9Poursuivant ce processus de simplification à l’extrême du sens, jusqu’à l’annuler, les phrases-maximes qui rythmeront le quotidien des animaux jouent un rôle de ressassement didactique, qui devra finir par provoquer une obéissance aveugle de la part du récepteur (« All men are enemies. All animals are comrades10 » ; « All animals are equal11 »).
III. Du rêve au cauchemar, de l’utopie à la dystopie
10Les deux personnages qui dirigent la société issue de ce rêve prophétique initial sont deux cochons, Snowball et Napoleon. Le premier représenterait Trotsky, le second Staline. Ils introduiront la corruption des principes premiers de la communauté, ceux que les animaux chantaient ensemble lorsqu’ils entonnaient l’hymne de la révolution, Beasts of England. Snowball-Trotsky, victime de sa volonté de préserver le rêve d’une société égalitaire, finit par être expulsé de la ferme et Napoleon-Staline prend les pleins pouvoirs, utilisant la peur et la propagande pour tenir les autres animaux sous sa férule. Il décide de créer une police politique, formée de jeunes chiens enlevés à leurs familles dès la petite enfance et entraînés pour la tâche qui leur a été assignée par le chef.
11Peu à peu, Napoleon change les Commandements mis en place au départ, pour s’octroyer de plus en plus d’avantages. En un mot, les animaux détenteurs du pouvoir ressemblent tous les jours davantage à ces humains contre lesquels ils avaient fait la révolution. La masse des animaux constituant le prolétariat n’a alors plus d’espoir d’accéder à une vie meilleure, qui semble réservée à la seule classe dirigeante. Celle-ci considère donc que l’utopie initiale tendant à la construction d’une société parfaite, annoncée par Major, se trouve réalisée. La faible conscience politique de ce même prolétariat est à maintes reprises soulignée par le narrateur omniscient comme étant responsable de la prise de pouvoir et de l’ascension sociale d’un groupe d’individus sans scrupules, une forme de nomenklatura.
12Nous nous devons de souligner ici le travail sur le langage, qui est particulièrement intéressant dans Animal Farm12, spécialement celui dont témoigne le discours du Ministre de la Propagande, Squealer, inspiré par le personnage de Molotov. Il est clair que la manipulation du langage permet de justifier et faire admettre le pouvoir absolu du dictateur (Napoleon ou un autre), mécanisme qu’Orwell a dénoncé à travers toute son œuvre. Le discours de propagande apparaît comme s’apparentant formellement à un discours baroque, telle est la complexité du style, le sens s’échappant à travers les méandres de la forme. Par ailleurs, l’argumentation est de type sophistique, le lexique s’agrégeant autour d’une isotopie de la peur. Les questions de rhétorique sont légion, les assertions n’admettent pas de contestation, les répétitions sont innombrables. Ce discours, étayé ici par de nombreuses statistiques, veut prouver que tout va de mieux en mieux dans la ferme et que la société utopique annoncée est en train de devenir une réalité palpable. Pour que ce discours ne puisse être contesté, la violence devient omniprésente, les exécutions de plus en plus nombreuses, comme si la construction utopique entraînait nécessairement la violence totalitaire.
13Face à elle, le prolétariat, représenté par Boxer, le cheval, loyal, travailleur, crédule, dont la devise « I will work harder13 » finit par lui être fatale, reste passif, dépassé par ce mécanisme pervers qui le broie inexorablement. Boxer représente en particulier le mouvement stakhanoviste, son nom semblant être un clin d’œil à la Révolution des Boxers en Chine, au début du XXe siècle, mouvement qui peut être considéré comme précurseur du communisme chinois.
14À la fin de la nouvelle, les animaux en viennent à se comporter comme les hommes, les imitant surtout dans leurs aspects les plus négatifs, comme l’abus d’alcool. Dans les dernières pages du récit, il n’est plus possible de distinguer les cochons des humains. Les Sept Commandements se résument maintenant à un seul : « All Animals Are Equal / But Some Animals Are More Equal Than Others14 ».
IV. De la déception à la déconstruction du modèle communiste
15À travers cette allégorie, Orwell souligne la trahison perpétrée contre le rêve socialiste par l’URSS, par l’intermédiaire du personnage de Staline, représenté dans la nouvelle par « Napoleon », qui devient « César » dans l’édition française. Le livre eut un succès immédiat dans les pays de langue anglaise et fut très vite traduit dans d’autres langues. Son titre original était Animal Farm : A Fairy Story, mais les Américains, avec leur remarquable sens des affaires, décidèrent de laisser tomber la seconde partie du titre, sous prétexte que l’on pourrait croire qu’il s’agissait d’une histoire pour enfants, et que le livre risquait donc de se vendre moins bien ! La forte charge d’ironie que la seconde partie du titre contenait est donc allègrement passée à la trappe
16La critique acerbe contre le régime communiste russe qu’Animal Farm est effectivement, eut tendance à devenir avec le temps un paradigme de celle qui pourrait être adressée à tous les régimes issus directement d’une période révolutionnaire. Orwell lui-même déclara qu’Animal Farm « was primarily a satire on the Russian revolution15 », mais que celle-ci pouvait s’appliquer à un champ plus large. Il déclara à ce propos que « the turning-point of the story was supposed to be when the pigs kept the milk and the apples for themselves16 ». Les Sept Commandements de l’Animalisme, qui devaient servir de fondement et de guide à la communauté d’Animal Farm, avaient ainsi été trahis, ce qui marquait le début d’un processus de destruction graduelle de la société utopique qui avait été construite en s’appuyant sur eux. Pour faire accepter ce changement radical, Napoleon utilisera ses chiens féroces, qui feront régner la terreur au sein de la communauté. La liberté de parole ne sera plus qu’un souvenir, et un bouc émissaire, Snowball, deviendra le seul responsable de tous les déboires des animaux. Ceux-ci ne se souviennent plus de leur vie précédente, leur mémoire a été effacée au profit d’une fausse mémoire, remplie de faux souvenirs que leurs gouvernants leur ont imposés. Ils ont ainsi perdu toutes leurs références antérieures (« they could no longer remember very clearly what conditions had been like before the Rebellion17 »), ils ne peuvent donc pas comparer la vie qu’ils mènent actuellement à celle qu’ils menaient auparavant. Or, nous savons que la perte de la mémoire collective est toujours un danger, ce qu’a maintes fois démontré, entre autres, Paul Ricœur dans l’ensemble de son œuvre.
17Le scénario du drame est donc bien en place, le piège se refermant sur ceux qui ont cru à la possibilité de réaliser leurs rêves, ou mieux, les rêves de quelques-uns d’entre eux. La soif de pouvoir étant inextinguible, elle mènera à toutes les transgressions possibles des lois en place, qu’elles portent le poids de l’Histoire ou qu’elles soient le fruit de nouvelles espérances d’une société meilleure. Le bien commun n’est devenu qu’un alibi, derrière lequel se cache l’intérêt de quelques individus.
18La vision du monde dont témoigne Animal Farm peut ainsi être qualifiée d’éminemment pessimiste : selon elle, aucune société ne peut atteindre la perfection, le socialisme communiste n’étant qu’une utopie parmi d’autres, une tentative ayant peut-être plus mal tourné que d’autres. Les révolutions seraient condamnées à être prises en main par des « Napoleon », des dictateurs qui dénaturent systématiquement leurs idéaux.
19À travers cette vision, il est clair qu’Orwell critique le marxisme, impossible selon lui à mettre en place dans le monde réel, utopie ayant coûté des milliers de vies humaines. Pour lui, l’utopie marxiste s’avère incapable de dépasser le stade théorique, la prise de pouvoir politique, quel qu’il soit, entraînant des formes plus ou moins graves de corruption. La tyrannie s’installe nécessairement, se maintenant grâce à l’utilisation de la terreur, qui peut aller jusqu’au crime. La manipulation de l’information, la propagande, permettent le lavage de cerveau nécessaire à faire oublier les espérances initiales et à se conformer au cauchemar qu’elles sont devenues. Elles permettent également le culte de la personnalité, capable de changer la vision du présent tout en transformant la mémoire du passé.
20Cependant, ce tragique processus n’est pas, loin s’en faut, l’exclusivité de l’utopie communiste ; George Orwell était bien conscient du fait qu’il est commun aux utopies politiques en général. Cependant, son expérience personnelle de la Guerre d’Espagne, où il fut confronté au fonctionnement des organisations d’inspiration marxiste, le rendit particulièrement sensible aux failles propres à ce courant politique. Il faut ajouter qu’Orwell rencontrera beaucoup de difficultés pour parvenir à publier son livre juste après la Deuxième Guerre Mondiale. En effet, le gouvernement anglais ne voyait pas d’un bon œil cette publication, car elle pouvait passer pour une attaque contre un pays allié.
V. Utopie, utopisme, dystopie
21Nous ne saurions terminer cette brève réflexion sans faire mention des déclarations d’Orwell lui-même sur l’utopie, car elles jettent une lumière particulièrement intéressante sur son œuvre. En effet, dans un article, daté de 1943 et intitulé « Why Socialists Don’t believe in Fun », il affirme : « All efforts to describe permanent happiness have been failures. Utopias […] have been common in literature of the past three or four hundred years but the “favourable” ones are invariably unappetising, and usually lacking in vitality as well18 ». Après avoir rangé les utopies littéraires de H.G. Wells dans cette catégorie-là, Orwell cite un écrivain catholique, dont il ne donne pas le nom, selon lequel « Utopias are now technically feasible and in consequence how to avoid Utopia has become a serious problem19 ». Et il poursuit : « All “favourable” Utopias seem to be alike in postulating perfection while being unable to suggest happiness. […] Jonathan Swift, one of the greatest imaginative writers who have ever lived, is no more successful in constructing a “favourable” Utopia than the others20 ».
22Ce n’est donc pas une société basée sur une utopie que le socialisme doit s’attacher à bâtir, car « the real objective of Socialism is not happiness […] the real objective of Socialism is human brotherhood21 ». Cette fraternité semble être, pour Orwell, l’objectif à atteindre pour rendre la société vivable, et vivante, ce que ne seraient pas, selon lui, les sociétés bâties sur des utopies qu’il appelle « favorables ».
23Nous voyons ainsi que, dans le cas d’Animal Farm, l’utopie se construit à partir d’une structure rationnelle (refus de conditions de vie inacceptables, de différences scandaleuses entre les groupes sociaux) autour de laquelle vont se cristalliser des microstructures imaginaires tendant à modifier le réel pour créer un ordre différent, prévu avec minutie. Lorsqu’elle dépasse le genre littéraire pour devenir un élan transformateur d’une société, pour le meilleur, et malheureusement bien souvent pour le pire, offrant un nouveau modèle constitutif de celle-ci, nous proposerions d’utiliser plutôt le mot utopisme. Si cette quête du bonheur terrestre s’avère destructrice de ce même bonheur, elle devient bien entendu une dystopie, comme dans l’exemple présenté ici. L’inversion des valeurs caractérise la dystopie, comme nous avons pu le constater, la morale en étant complètement absente (la moralité aussi, car, à la fin de la nouvelle, le mal est victorieux, le bien vaincu). C’est ainsi que, à la fin d’Animal Farm, regardant les cochons marcher comme des hommes, les autres animaux remarquent : « It was as though the world had turned upside-down22. » Parmi eux, seul Benjamin, le vieux singe (peut-être Orwell lui-même ?) sait clairement qu’il n’y a guère d’espoir, que rien ne change jamais :
24Only old Benjamin professed to remember every detail of his long life and to know that things never had been, nor ever could be much better or much worse – hunger, hardship, and disappointment being, so he said, the unalterable law of life23.
Notes de bas de page
1 Le mot utopia a été construit analogiquement à partir de racines grecques (ou-topos, non-lieu). Hors du temps et de l’espace, elle est la concrétisation, ici littéraire, d’un projet dessiné comme un négatif de la réalité telle qu’elle est.
2 Il faut toujours souligner ce que la pensée moderne doit à la pensée utopique de Platon, voir à ce sujet Vasco de Magalhães-Vilhena, Platão e a lenda socrática. A idealização de Sócrates e o utopismo político de Platão, Lisboa, Fundação Calouste Gulbenkian, 1988.
3 Voir à ce sujet F. E. Manuel et F.P. Manuel, Utopian thought in the Western World, Cambridge/ Mass, Harvard University Press, 1979.
4 E. Bloch, Le Principe Espérance, trad. F. Wuilmart, 3 vol., Paris, NRF Gallimard, coll. « Bibliothèque de philosophie », 1976-1991, t. 2, p. 470 ; voir aussi K. Mannheim, Ideologie und Utopie, Bonn, Cohen, coll. « Schriften zur Philosophie und Soziologie », 3, 1929.
5 E. Bloch Le Principe Espérance, op. cit., t. 2, p. 97 (à propos de La Cité du Soleil de Campanelle).
6 Orwell le dit lui-même dans l’essai « Why I write » [1947] : « every line of serious work I have written since 1936 has been written, directly or indirectly, against totalitarianism and for democratic socialism », soit : « dans le cadre d’un travail sérieux, chaque ligne que j’ai écrite depuis 1936 l’a été, directement ou indirectement, contre le totalitarisme et pour le socialisme démocratique » (http://www.animal-farm.8k.com/whyiwrite.htm).
7 G. Orwell, Animal Farm, New York, Harcourt, Brace and Company, 1946, p. 18. Soit : « Aucun animal n’est libre en Angleterre. Sa vie n’est que souffrance et esclavage : voilà la vérité » ; « L’Homme est le seul vrai ennemi que nous ayons ». C’est nous qui traduisons les citations en anglais.
8 Ibid., p. 25. Soit : « Le discours du Major avait donné aux animaux les plus intelligents de la ferme une vision complètement nouvelle de la vie ».
9 Ibid., p. 49. Soit : « Le seul être humain de qualité est un être humain mort ».
10 Ibid., p. 21. Soit : « Tous les hommes sont des ennemis. Tous les animaux sont des camarades ».
11 Ibid., p. 22. Soit : « Tous les animaux sont égaux ».
12 Dans 1984 (London, Penguin Books, 2000 [1949]), George Orwell insiste encore plus ouvertement sur les méfaits de la maîtrise du discours social par l’État.
13 G. Orwell, Animal Farm, op. cit., p. 53. Soit : « Je travaillerai plus dur ».
14 Ibid., p. 112. Soit : « Tous les Animaux Sont Égaux / Mais Certains Animaux Sont Plus Égaux Que D’Autres ».
15 Lettre à Dwight Macdonald du 5 décembre 1946, dans G. Orwell, A Life in Letters, éd. P. Davison, London, Harvill Secker, 2010, p. 334. Soit : « était avant tout une satire sur la Révolution Russe ».
16 Ibid. Soit : « le tournant de l’histoire devait être lorsque les porcs gardèrent le lait et les pommes pour eux seuls ».
17 G. Orwell, Animal Farm, op. cit., p. 89. Soit : « […] ils n’arrivaient plus à se rappeler très clairement quelles étaient leurs conditions de vie avant la Révolution ».
18 G. Orwell, « Why Socialists Don’t believe in Fun » [1943] : http://www.k-l.com/Orwell//site/work/essays/fun.html. Soit : « Tous les efforts pour décrire le bonheur permanent ont été vains. Les utopies […] ont été fréquentes dans la littérature des derniers quatre ou cinq cents ans, mais celles que l’on pourrait qualifier de « favorables » sont systématiquement peu appétissantes, et manquent généralement de vitalité ».
19 Ibid. Soit : « Les utopies sont maintenant techniquement réalisables, ce qui rend problématique de réussir à éviter l’utopie ».
20 Ibid. Soit : « Toutes les utopies “favorables” semblent également postuler la perfection, tout en étant incapables de suggérer le bonheur. […] Jonathan Swift, un des plus grands parmi les écrivains de fiction, ne réussit pas davantage que les autres à construire une utopie “favorable” ».
21 Ibid. Soit : « le vrai objectif du socialisme n’est pas le bonheur […] le vrai objectif du socialisme est la fraternité humaine »
22 G. Orwell, Animal Farm, op. cit., p. 122. Soit : « C’était comme si le monde était sens dessus-dessous. »
23 Ibid., p. 120. Soit : « Seul le vieux Benjamin déclarait se souvenir de chaque détail de sa longue vie et savoir que les choses n’avaient jamais été, ni ne seraient jamais, bien meilleures ou bien pires – la faim, les épreuves, la déception étant, selon lui, l’inaltérable loi de la vie. »
Auteur
Université Bordeaux Montaigne
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