L’urgence de la pensée 1historique : le devoir de mémoire et le devoir d’écrire dans le roman d’Ahmadou Kourouma
p. 173-186
Texte intégral
1Ahmadou Kourouma, s’expliquant à maintes reprises sur les raisons qui l’ont conduit à l’écriture, a toujours invoqué l’histoire. Il lui est alors apparu urgent de restituer un discours vrai, fût-ce en fiction, sur l’histoire du continent africain dont il a fait la matière première de ses récits. Suivant ses déclarations, il lui importait de « Témoigner, montrer que les gens nous trompaient, que la réalité qui nous était présentée n’était pas la vérité. [Il voulait] contredire, témoigner dans le sens de “contredire” [persuadé de ce] qu’en dénonçant [il arriverait] à contredire une réalité trompeuse2. »
2L’écrivain s’est posé, de la sorte, en auteur engagé, au sens où l’entendait Jean-Paul Sartre. En effet, ses romans ne démentent pas son désir de communiquer avec son lectorat, de solliciter leur mémoire collective par la peinture des mœurs politiques et traditionnelles des sociétés africaines. Il n’est donc guère étonnant de s’apercevoir qu’Ahmadou Kourouma a eu pour cible privilégiée le quotidien de l’Afrique : l’Afrique colonisée puis formellement élevée à la souveraineté ; l’Afrique postcoloniale des dictatures civiles et militaires ; et aujourd’hui l’Afrique des démocratures3. Le parti pris engagé est celui de la restitution de la « vérité », de la livraison d’un témoignage décisif. Aussi, quel rapport l’écriture de son œuvre entretient-elle avec l’historicité4 et quelles sont les modalités de la mise en écriture de ce rapport ?
3Le roman d’Ahmadou Kourouma se veut le produit, mais surtout le témoin de l’histoire, l’auteur s’imposant ainsi un devoir de mémoire. Il s’agira, dans un souci de compréhension de son projet, de considérer l’acte d’écriture comme un dialogue entre la conscience de l’histoire de l’écrivain et la représentation d’un aspect de la situation historique. Autrement dit, il sera question d’envisager non seulement les modalités suivant lesquelles la conscience historique que revendique Ahmadou Kourouma se traduit dans son écriture, mais également les sens construits qui, eux, découlent d’investissements calculés, parce que ordonnés à la production d’intrigues. On s’intéressera, dans cette perspective, à un pan de l’histoire africaine représentée dans ses trois derniers romans, En attendant le vote des bêtes sauvages, Allah n’est pas obligé et Quand on refuse on dit non, dans lesquels sont représentés le procès des autoritarismes postcoloniaux et leurs corollaires, à l’instar des guerres civiles et du phénomène des enfants-soldats.
4Analyser l’histoire politique telle que dépeinte par le romancier implique d’en effectuer une lecture socio-historique et socio-sémiotique. Les indices et signes répertoriés ne pourront s’éclairer qu’en regard de l’histoire des univers dépeints et surtout de l’imaginaire personnel de l’auteur qui influe incontestablement sur sa réappropriation de l’Histoire.
L’Afrique en procès ou le portrait d’un continent mutilé
5L’histoire de l’Afrique se dit par moments successifs correspondant à des phénomènes : la traite des esclaves, la colonisation, la décolonisation, les indépendances, la post-colonisation et, aujourd’hui, ce qu’il est convenu d’appeler la néo-colonisation. Ces différents phénomènes ont incontestablement marqué l’esprit des Africains et des différentes parties prenantes à l’histoire de l’Afrique. Cette dernière est aussi celle d’un continent qui souffre de son histoire que d’aucuns lui ont reniée, la tenant pour un espace a-historique5.
6Des penseurs africains au nombre desquels, l’un des plus célèbres, Cheick Anta Diop, se sont attachés à la restaurer par une « restitution de l’histoire africaine authentique, [par la] réconciliation des civilisations africaines avec l’histoire6 ». D’autres, à l’instar d’Ahmadou Kourouma et de certains écrivains de la première génération, s’étaient également imposé le devoir de rétablir cette histoire tronquée voire niée à partir de la fiction ou de la poésie, mobilisant, par ce biais, l’imaginaire collectif pour restructurer les représentations sociales et les mentalités des Africains et, par-delà eux, du monde. Ils partaient du principe que le discours vrai de ladite histoire devrait être dit par les Africains non sans les inciter à développer une conscience historique à même de les conduire à révéler une pensée vraie de l’histoire africaine7. L’objet était alors d’amener à « penser les sociétés africaines en regard de leur historicité propre8 ». Davantage que cela, il était question d’inviter les Africains à devenir les sujets de leur histoire.
7Ce devoir, l’auteur ivoirien l’a accompli dans l’ensemble de son œuvre romanesque en peignant cette histoire sous le mode de la fiction9 et parfois au-delà, au point de faire douter du caractère romanesque de certains romans tellement les faits de vérité y sont nombreux. De fait, comme l’a affirmé Michel de Certeau, « un évènement n’est pas ce qu’on peut voir ou savoir de lui, mais ce qu’il devient (et d’abord pour nous). Cette option ne se comprend que dans le risque, et non par l’observation10 ». En prenant ce parti, Ahmadou Kourouma cite les principaux protagonistes de l’histoire de l’Afrique à comparaître au tribunal de l’histoire. Dans cette logique, il procède à l’autopsie de la rencontre controversée de l’Afrique et de l’Occident11. Si l’Occident est le premier comptable d’une histoire généralement faite de sang, il reste qu’il ne saurait ad vitam aeternam être tenu comme seul responsable des malheurs de l’Afrique et de ses turpitudes. L’œuvre du romancier n’est pas seulement un procès à charge intenté à l’encontre de l’Occident. Elle se propose de passer le problème politique en Afrique au crible de la raison cartésienne. Aussi, présente-t-il devant les tribunaux à comparaître non seulement l’Occident mais aussi et davantage l’Afrique dont la culpabilité n’est pas moins pressentie dans son histoire malheureuse.
Le procès des dictatures et des dictateurs
8En attendant le vote des bêtes sauvages a pour cadre historique la période post-indépendance. Le récit met en scène certaines dictatures et certains dictateurs africains du XXe siècle. Le donsomona cathartique de Koyaga, personnage à travers lequel le lecteur informé peut aisément reconnaître le défunt Gnassingbé Eyadéma, qui a présidé aux rênes de la République du Togo pendant près de trois décennies, a servi de motif pour dépeindre des régimes autocratiques de tyrans de « l’Afrique des mille dictatures12 ». Jean-Bedel Bokassa, Mobutu Sese Seko, Sékou Touré, Hassan II et Houphouët-Boigny viennent compléter le tableau des prédateurs politiques qu’Ahmadou Kourouma peint en s’appuyant sur l’histoire événementielle d’un passé très récent.
9Le jeune promu parmi « les plus prestigieux des chefs d’État des quatre points cardinaux de l’Afrique liberticide13 », en choisissant d’aller s’éduquer14 auprès des « maîtres de l’absolutisme et du parti unique », fait découvrir au lecteur les sinuosités de la dictature à l’africaine. Le discours convoqué dans le cadre du récit relève du procès et se traduit par une rhétorique épidictique mobilisant généralement le blâme et très peu l’éloge. Il y transparaît également une dimension accusatrice et moralisante. Par-delà la condamnation d’hommes à qui l’auteur refuse l’honorabilité, le motif est de trouver les causes des tares sous lesquelles l’Afrique ploie.
10À la vérité, l’histoire de la seconde moitié du XXe siècle et des premières décennies du XXIe siècle de l’Afrique est jonchée de malheurs, de guerres et de misères de différents ordres de pays dans lesquels trônent des présidents providentiels, autant de figures sous lesquelles se loge l’arbitraire politique postcolonial en Afrique. Depuis son premier roman, Les soleils des indépendances, Ahmadou Kourouma s’est attaché à débusquer les auteurs de ces malheurs : la dictature et ses sbires, les dictateurs. Comme pour souligner la nécessité et l’urgence de les dénoncer, l’auteur prend explicitement le parti, dans Allah n’est pas obligé et Quand on refuse on dit non, de désigner les personnages-dictateurs par les vrais patronymes des personnalités qu’ils incarnent ; la frontière de la fiction est alors abolie.
11On est en droit de se demander s’il dépeint des personnages ou des personnalités qui constituent des figures de l’histoire de l’Afrique ainsi que leurs faits dans l’histoire, ou alors si en voulant les dire, il ne s’engage pas « à faire l’histoire15 ». Dans cette logique, Houphouët-Boigny, Khadafi, Sani Abacha, Compaoré, Eyadéma, Lassana Conté, tous ces « pères des nations16 » de « l’Afrique des dictatures barbares et liberticides17 » trônant à côté des « bandits de grands chemins18 » comme Samuel Doe, Charles Taylor, Prince Johnson, Robert Sékié, Koroma, sont campés dans un championnat de l’égocentrisme.
12Le répertoire des qualificatifs dont sont affublés les dictateurs représentés est, de ce point de vue, éloquent. Pour ne prendre que l’exemple du dictateur Houphouët-Boigny qui apparaît dans les trois romans de notre corpus, on observe que sa caractérisation se renforce au fil des récits. Il passe du dictateur rusé et « généreux comme le fondement d’une chèvre19 » au « dictateur roublard, sentencieux et multimilliardaire20 ». Les récits prennent la forme de véritables réquisitoires contre des hommes, des dictateurs qui ne savent faire qu’un jeu, le leur, au détriment du bien-être du plus grand nombre et sans respect de quelque éthique. En prenant cette option, l’auteur semble mobiliser des précautions oratoires que ne peut percevoir que le lecteur informé des faits de l’histoire qu’il convoque et des actes des hommes dont il s’inspire et/ou copie. Comment ne pas adhérer complètement au projet de l’auteur alors que la réalité historique rappelle des vérités qu’il a mises à nu dans sa fiction ? L’exagération qui peut empreindre les faits décrits dans les romans choisis pour l’analyse, en raison de leur littérarisation, peut même ne pas se percevoir comme telle ; la conscience du lecteur étant encore habitée par les images fortes et nombreuses assez récentes des exactions diverses commises dans des espaces de conflit21.
13À y regarder de près, pour la plupart, ces hommes, de grandes figures rentrées par la grande ou par la petite porte dans l’histoire de l’Afrique, ne peuvent supporter, dans les histoires d’Ahmadou Kourouma, le qualificatif de héros qui sied aux individus que l’on célèbre pour avoir marqué par leur personnalité et leurs actions l’histoire collective22. Ils auront marqué davantage l’histoire négativement. Or, il est de coutume de considérer le héros comme un personnage au caractère altruiste, qui agit toujours pour le bien commun. Le héros est un personnage de premier plan dont la singularité se mesure à son importance par rapport au dénouement de l’intrigue et à sa caractérisation que Philippe Hamon définit par quatre traits différentiels. La qualification lui permet de se démarquer des autres personnages par des attributs physiques et moraux qui participent à en faire un modèle. La distribution montre son importance au niveau du récit par les rôles actantiels qu’il est appelé à remplir. L’autonomie, si elle est réelle, affirme la grandeur du personnage et ses compétences tandis que la fonctionnalité montre les capacités du héros à accomplir des actions décisives même si elles ne connaissent pas toujours une fin heureuse.
Une gouvernance carnavalesque par le bas
14Les trois derniers romans de l’auteur s’arrêtent, par-delà l’intention affichée, sur la problématique de la gouvernance humaine en Afrique en s’intéressant aux différents protagonistes en action. Dans cette logique, ils établissent leurs différentes responsabilités. Les acteurs exogènes autant que les acteurs endogènes sont ainsi mis à l’index. Toutefois, on constate que la culpabilité des seconds supplante celle des premiers car ce sont eux qui, en fin de compte, sont comptables des différentes politiques menées dans leurs pays même lorsqu’elles sont imposées par le pouvoir occidental impérial23. En règle générale, ces politiques sont étroitement liées aux effets d’une dépendance politico-économique à l’égard de puissances occidentales. Au centre de ce système de gouvernance se trouve l’homme de pouvoir (celui qui est doté du pouvoir que lui octroie une qualité et l’exerce à cette fin) et l’homme du pouvoir (celui qui gravite autour du pouvoir, le sert et en tire des prébendes) à qui Ahmadou Kourouma prête une attention particulière. L’exercice du pouvoir est présenté par l’écrivain comme s’effectuant par le bas sur une vaste scène de théâtre. Les portraits de multiples dictateurs et chefs-belligérants ainsi que leurs actes et attitudes décrits dans les romans le démontrent amplement.
15Dans l’ensemble, ce sont des personnages confinés à la fois aux stades oral et anal24, mus qu’ils sont par la satisfaction de désirs primaires tels que le manger, le boire, le sexe ou encore cette envie irrépressible d’amasser des biens encore et toujours pour leurs seules personnes. C’est aussi ce qui en fait les meilleurs auxiliaires de l’expansion du pouvoir impérialiste. Aussi, même lorsque l’un d’eux manifeste quelque velléité de rébellion contre cet ordre dominant, bien souvent la raison de ses intérêts propres prend-elle le dessus au détriment de l’intérêt général. Leur collusion avec les forces impérialistes constitue la garantie de la sauvegarde de leur pouvoir. L’homme au totem caïman renonça ainsi à son nationalisme, une fois qu’il se rendit compte qu’il ne pouvait supporter une opposition aux « mercenaires des troupes françaises ». « De sa propre initiative, et dans son bon français, il [annonça] sa renonciation à ses illusions, rappela l’amitié éternelle de sa famille avec la France, le pays colonisateur. Haut et fort [proclama] son choix du libéralisme, du camp de la liberté25. »
16Il s’y investit si bien que « la France, l’Amérique et tout l’Occident le [désignèrent] comme fer de lance de la guerre froide, le leader en Afrique de l’ouest de la lutte anticommuniste26 ». De fait, comme il l’avoue à Koyaga alors qu’il lui livre le code du bon dictateur :
Dans la guerre froide qui régissait l’univers, le choix d’un camp était essentiel, un acte risqué, aussi risqué que prendre une femme pour épouse. Lui totem caïman, l’homme au chapeau mou, n’avait pas eu à exercer sa préférence. L’histoire lui avait imposé le camp du libéralisme, le meilleur choix27.
17Koyaga, lui, dictateur avéré, fut soutenu par l’Occident parce qu’il servait de rempart contre « le déferlement du communisme liberticide »28. Convoqué dans Allah n’est pas obligé sous son vrai patronyme, Eyadéma, le narrateur soutient que : « il [eut] une idée géniale, une idée mirifique » […] activement soutenue par les USA, la France, l’Angleterre et l’ONU » pour solutionner le conflit en Sierra Leone né du refus du bandit Foday Sankoh de se plier au verdict des élections. Il lui proposa « le poste de vice-président […] avec autorité sur toutes les mines que Foday Sankoh avait acquises avec les armes, avec autorité sur la Sierra Leone utile qu’il tenait déjà. C’est-à-dire un grand changement dans le changement sans changement »29. En somme, il a offert à un grand bandit une « amnistie générale ».
18Une fois assurés de pérenniser leur pouvoir, ces hommes d’État se comportent en prébendiers. Dès lors, on comprend aisément pourquoi le vieux président, Tiékoroni, prescrit en priorité au jeune promu dans le cercle des présidents africains, Koyaga, de se prémunir contre « la fâcheuse inclinaison en début de carrière à séparer la caisse de l’État de sa caisse personnelle30. » Lui-même s’est tellement employé à respecter cette règle qu’à la fin de sa vie, le narrateur affirme qu’il est devenu kleptomane.
19À la corruption de ces hommes, viennent se greffer la paranoïa et la mégalomanie qui en font des personnages curieux à la fois fascinants et répulsifs. En attendant le vote des bêtes sauvages, Allah n’est pas obligé et Quand on refuse on dit non en offrent des illustrations. Ces romans campent des personnages censés être du haut par opposition aux « gens d’en bas » mais qui ont davantage des manières d’agir de ces derniers. Ahmadou Kourouma s’inscrit, par cette stratégie d’écriture, dans la logique de Jean-François Bayart qui définit la politique africaine par le paradigme du bas. La politique du ventre31, suivant l’appréhension de Bayart, se caractérise par l’enrichissement et l’embourgeoisement d’individus qui n’ont aucun sens de l’intérêt public, mais sont obnubilés par l’assouvissement d’intérêts égoïstes strictement matériels. Le motif de la politique du ventre qui ordonne le mode des politiques africains en fait des bouffons amateurs de la politique dont l’art ne repose, en réalité, sur rien32. Même dans le cas où l’on prendrait pour mesure le modèle africain considéré, à tort ou à raison, comme celui de la communauté et du partage, ces zéhéros33 seraient toujours mis à l’index. À l’observation des personnages ubuesques campés dans En attendant le vote des bêtes sauvages, des barbares que l’on retrouve dans Allah n’est pas obligé ou encore des politiques mus par leurs propres intérêts représentés dans Quand on refuse on dit non, on serait tenté d’expliquer le retard qu’accusent les pays dont il s’est inspiré ou qu’il a copiés. De même, une raison serait trouvée aux tragédies que ces pays vivent par leur manque d’hommes héroïques capables de se distinguer par de hauts faits.
20L’histoire du politique telle que dépeinte s’apparente alors à ce que Jean-François Bayart a analysé dans la « théâtralisation du politique34 ». Sans verser véritablement dans la caricature, Quand on refuse on dit non, en copiant au plus près la réalité dont il est inspiré, représente des comédiens du pouvoir35. Les personnages qui font l’histoire de la Côte d’Ivoire rendue dans les pages de ce roman constituent des types qui se distinguent tous par leur capacité à porter atteinte aux valeurs positives. Les deux précédents romans de l’auteur n’échappent pas à ce même constat. Le choix d’Ahmadou Kourouma de faire dire l’histoire dans ses deux derniers romans par Birahima, sous le mode de l’anecdote, montre bien qu’il appréhende l’histoire fabriquée par ces hommes comme une vaste comédie où se jouent des partitions uniques pour des seuls intérêts personnels.
21Dans En attendant le vote des bêtes sauvages, Tiékoroni, le président de la République des Ébènes, souffre de la folie des grandeurs. Bossouma du Pays aux Deux Fleuves se fit « couronner empereur36 » devant le monde entier sans pouvoir respecter les obligations qu’impose cette étiquette. Son condisciple de la République du Grand Fleuve s’est proclamé « Père de l’authenticité37 ». Le souverain au totem chacal est persuadé que Allah l’a « placé sur le trône pour sauvegarder la monarchie38 » à tous les prix. Quant à Koyaga, il mène une politique « drastique », « émasculatrice » et « castratrice » aidé par ses lycaons.
22Dans Allah n’est pas obligé et dans Quand on refuse on dit non, on retrouve des figures identiques à travers les chefs de guerre qui sévissent au Libéria et en Sierra Leone ou les présidents qui se sont succédé au pouvoir en Côte d’Ivoire à la faveur des méandres de l’histoire. La superposition des faits rapportés dans les récits fait ressortir un invariant : l’envie irrépressible de ces différents hommes d’accéder au pouvoir et de le conserver. Peu importent les moyens mobilisés pour réaliser ce projet, la seule fin à atteindre devant les justifier. Les narrateurs s’attachent à le rendre dans des histoires où les procédés stylistiques relevant de l’exagération et de l’ironie ont une place privilégiée.
L’histoire des histoires d’Ahmadou Kourouma
23En s’intéressant d’aussi près et aussi profondément à l’histoire contemporaine, le romancier invite le lecteur à ne pas voir en celui que l’on nomme traditionnellement historien, le seul ayant la qualité et l’autorité nécessaires pour en parler. Par la même occasion, il fait la preuve que l’écriture de l’histoire relève de pratiques variées et de divers statuts. Seulement, l’aventure de l’Afrique dite par Ahmadou Kourouma, même si elle a une prétention au vrai39, ne peut être qu’une version de l’Histoire. Le mode de la fiction par lequel elle s’énonce le corrobore. En réalité, surtout si l’on s’en tient aux deux derniers romans de l’auteur, il est fort difficile de décloisonner, d’une part, la géographie de la fiction et celle de la réalité, et d’autre part, la géographie de l’Histoire et celle des histoires racontées. Aussi, la question fondamentale est-elle de savoir si on peut accorder du crédit à l’histoire proposée par l’écrivain, si on admet le principe irréfutable suivant lequel l’Histoire a une exigence de vérité ; à moins de considérer qu’il s’inscrit dans la lignée des historiens postmodernistes (Robert Berkhoffer, Joan Wallach Scott, Patrick Joyce, Frank Ankersmit, etc.) pour qui, du moment où l’histoire est passée, il n’y a que la fiction pour la retrouver et qu’à ce titre l’exigence de vérité ne constitue qu’une chimère40. L’histoire est alors tenue, du point de vue de ces penseurs, comme « une autre forme du conte41 », en quelque sorte un métarécit, en ce qu’elle n’est qu’une reconstruction orientée par la pensée des faits.
L’histoire spectacle : la reprise de l’idéologie dominante ?
24Ahmadou Kourouma, expliquant à Jacques Chevrier son intérêt pour l’écriture, a évoqué « l’ennui écrasant éprouvé à la lecture des mémoires et thèses de doctorat qui traitaient de l’Afrique42 ». Cet intérêt s’inscrivait dans la problématique de la dénonciation de la falsification de l’histoire africaine qui sous-tend en majorité les travaux des historiens africains. Dans cette logique, l’objet est souvent de fustiger une démarche à travers laquelle ladite histoire n’est présentée que sous ses aspects les moins glorieux. Il s’agit d’apporter un démenti à tous ceux qui ont voulu faire la preuve que l’Afrique n’avait pas d’histoire. Seulement, on pourrait croire que l’auteur a très vite perdu de vue sa mission puisque sa littérature regorge des travers que l’on a pu reprocher aux travaux de certains ethnologues et politistes occidentaux véhiculant une pensée dominante. Il faut dire que le continent africain, théâtre de véritables drames et désastres historiques, lui a fourni un matériau scripturaire abondant et intarissable, entre calamités naturelles et guerres civiles subséquentes à la politique de régimes dictatoriaux et arbitraires hérités des indépendances.
25Dès lors, que retenir, par exemple, d’une histoire des États post-indépendants si elle n’est figurée que sous le sceau de figures ubuesques voire pathologiques, d’hommes sans qualité43, sans dignité, sans convictions, sans consistance voire des anti-héros ? Quand on refuse on dit non en présente à travers les différents personnages que racontent Fanta et Birahima. Par ailleurs, les romans de Kourouma peuvent être lus en grande partie à partir de l’esthétique du grotesque qui serait appréhendée comme la clé algébrique des États indépendants africains. Seulement, les excès, tels qu’ils apparaissent dans ces écrits sont le propre du politique44. Ces excès, quels qu’ils soient (paranoïa ou dépendance prononcée pour les sciences occultes), sont des faits de vérité et ne constituent en rien une particularité africaine.
26En réalité, les faits ne sont pas que racontés, ils sont orientés ; l’ironie dont le lecteur est coutumier dans les récits d’Ahmadou Kourouma vient renforcer cet effet. Dans Quand on refuse on dit non, l’auteur a choisi de déléguer la narration à deux jeunes personnages, Fanta, dans le rôle de l’enseignante, et Birahima dans le rôle de l’apprenant. C’est à travers le tableau qu’ils offrent dans leur périple pour rejoindre Bouaké que l’histoire ivoirienne est narrée au moins en deux versions. Le parti pris de l’auteur apparaît à travers le lexique évaluatif mobilisé qui invite à s’arrêter sur un pays aux prises avec la tragédie à cause de ses hommes. Dès les premières pages, le ton est donné :
La République de Côte d’Ivoire est un État de la côte occidentale de l’Afrique. Elle est comme toutes les Républiques foutues de cette zone, démocratique dans quelques domaines mais pourrie jusqu’aux os par la corruption dans tous les autres45.
27Dans les deux romans qui précèdent, le discours n’est pas différent. On y retrouve le même lexique péjoratif dépeignant l’Afrique comme une terre maudite où rien de positif ne semble possible. Les tentatives de démocratisation des pays africains par le biais des conférences nationales sont ironisées, certes à dessein, sans pour autant que leur valeur première dont les dirigeants desdits pays n’ont pas saisi la quintessence soit mise en exergue. Ainsi, à travers le verbe de Birahima, « la conférence nationale, c’est la grande foire politique qu’on a organisée dans tous les pays africains vers 1994 au cours de laquelle chacun a raconté ce qui lui passait par la tête46 ». Quant à la guerre tribale, elle « signifie que les bandits des grands chemins se sont partagé le pays. Ils se sont partagé la richesse. Ils se sont partagé le territoire ; ils se sont partagé les hommes47 » ou encore « quand on est président et qu’on prépare les élections, se faire élire est un jeu d’enfant48 ».
28On ne peut manquer de s’interroger sur le silence observé par l’auteur sur d’autres figures marquantes de l’histoire dont l’Afrique peut s’enorgueillir car même si elles ne susciteraient pas toujours l’unanimité, elles peuvent être citées en exemples : Patrice Lumumba, Kwame Nkrumah, Thomas Sankara ou Mandela qui a été honoré à l’échelle planétaire de son vivant.
Que faut-il retenir de la vérité historique d’Ahmadou Kourouma ?
En son temps, Barbey d’Aurevilly a affirmé ceci :
Où les historiens s’arrêtent, ne sachant plus rien, les poètes apparaissent et devinent. Ils voient encore, quand les historiens ne voient plus. C’est l’imagination des poètes qui percent l’épaisseur de la tapisserie historique ou qui la retourne, pour regarder ce qui est derrière cette tapisserie fascinante ce qu’elle nous cache49.
29On peut y lire la délicatesse de l’entreprise du liage de l’esthétique qui sied au genre romanesque, en l’occurrence la vraisemblance, avec l’histoire dont les spécialistes disent qu’elle ne peut être constituée que de faits passés vrais et avérés. Le travail de l’historien se situe souvent dans un entre-deux objectif (l’objet de l’histoire) et subjectif (le sujet qui rapporte l’histoire) qui implique de sa part à la fois extériorité par rapport à l’objet de l’histoire et intériorité par son engagement dans le processus de connaissance. Cette perspective se retrouve dans la posture de l’écrivain ivoirien dans certaines de ses productions.
30Les trois romans de notre corpus contiennent des actes véridiques de l’histoire. On y voit bien que l’auteur a effectué un travail de documentation impressionnant. Les éléments de l’histoire et l’actualité historique sont repris, parfois fidèlement. Les textes constituent des documents au sens historique à partir desquels des événements de l’histoire peuvent être reconstitués. S’y retrouvent des noms des personnalités impliquées dans les événements rapportés, les lieux et les dates de leur déroulement de même que leurs déroulés proprement dits qui sont quelquefois livrés dans le détail. Quand on refuse on dit non, le roman inachevé de Kourouma, en est une illustration éloquente. Le mot « histoire » est convoqué explicitement dans le roman à maintes reprises au sens de la science qui raconte le passé. C’est ce qu’il faut comprendre de cette entrée en matière de Birahima pour la découverte de l’histoire de la République de Côte d’Ivoire :
J’apprendrai le programme de géographie et d’histoire du CEP, du brevet, du bac. Je serais instruit comme un bachelier. Je connaîtrais la Côte-d’Ivoire comme l’intérieur de la case de ma mère. Je comprendrais les raisons et les origines du conflit tribal qui crée des charniers partout en Côte d’Ivoire50.
31De fait, en convoquant la vérité historique, il en profite pour en donner sa version, revêtant, dans le même temps, la posture de l’analyste historico-politique. En se servant du prétexte de contage de « salades51 », de « balablabla52 » ou des « histoires marrantes53 », l’écrivain refait l’histoire sous le mode de l’anecdote. Dans Quand on refuse on dit non, l’auteur en est arrivé à une littérarisation superficielle des dérives politiques ivoiriennes. Il est facile de comprendre le projet de l’auteur qui, contrairement à celui d’écrivains comme Senghor ou Camara Laye, consiste à étaler les manquements pour inviter à leur comblement. Il pense, comme Achille Mbembé, que le péché de certains historiens africains est de se convaincre que :
[…] l’Afrique ne serait pas responsable des catastrophes qui lui arrivent. Le destin du continent dans le présent ne procèderait pas de choix libres et autonomes, mais de l’héritage d’une histoire imposée, marquée au fer par le viol, le crime et toutes sortes de conditionnalités54.
32L’évolution de l’histoire de l’Afrique, y compris la contemporaine, s’enracine inéluctablement dans la rencontre de ce continent avec l’Occident, tant et si bien que la tentation est souvent grande de le rendre comptable de tous les maux et travers dont souffre l’Afrique. Cette fuite en avant devient souvent pour l’Africain un passe-droit qui le dispense de solder ses propres comptes devant sa responsabilité dans l’histoire du délabrement de son continent. Du coup, il ne peut que voir l’autre dans le rôle du tisonnier. Dans les romans choisis pour l’étude, l’Africain est la cause de ses malheurs. Les dictateurs sont des Africains qui choisissent d’en être ; les guerres civiles, le phénomène des enfants-soldats sont encore les corollaires des mauvaises politiques menées par les mêmes Africains.
33Seulement, la relation de l’histoire dans le cadre du roman ne peut que se situer entre objectivité et subjectivité. L’exemple le plus pertinent nous en est fourni dans Quand on refuse on dit non lorsque Birahima reprend les faits historiques sous le mode de la blague, sous le prétexte de la restitution de la version de l’histoire que lui apprend Fanta. En usant des possibilités et des avantages de la polyphonie narrative, l’auteur se réserve le droit de mettre en perspective et surtout d’interroger les facettes de l’histoire de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique en général.
34En réalité, chaque roman de l’écrivain est une preuve testimoniale de l’histoire dont les théoriciens nous enseignent qu’elle ne peut exister sans la présence d’un sujet (un individu ou un groupe) qui se souvienne. Or Ahmadou Kourouma a été un sujet vivant, un témoin privilégié de l’histoire qui a alimenté ses écrits. Il s’est même autorisé à faire l’histoire du présent rompant du même coup avec la démarche historique qui fait du passé son matériau d’analyse fondamental. Mieux que tout livre d’histoire, l’entreprise de l’auteur dans ses deux derniers romans a introduit une didactique pour la compréhension des grandes crises politiques de l’Afrique de l’Ouest de ces trois dernières décennies. L’univers romanesque de Kourouma se révèle un matériau documentaire de premier choix, son écriture, loin de constituer une parturition consubstantielle au mouvement de son imagination, s’en révèle une où le souci réaliste prime sur l’habillage fictionnel. De fait, l’auteur ivoirien « [n’a voulu] servir l’histoire que dans la mesure où elle sert la vie55 ». Et, en cela, on peut comprendre le devoir auquel il s’est obligé en assumant la mission délicate de dire l’histoire par l’observation attentive des réalités contemporaines de son continent.
Conclusion
35Ahmadou Kourouma a souvent placé la caution de l’histoire comme préalable à l’exégèse de son œuvre, indiquant à ses critiques le fil d’Ariane pour l’analyser. C’est dire l’importance de la place de l’histoire dans son écriture. Il est évident que la dynamique de l’histoire constitue à la fois la trame de la production de cet auteur et le lien avec son lectorat. Il ne serait même pas incongru de classer ses romans sous le label historique. L’intrigue emprunte souvent, comme nous l’avons montré avec ses deux derniers romans, soit de manière allusive, soit directement, à des figures historiques connues et nommées en rapport avec un acte historique tout autant connu. En prenant le parti de réduire l’artifice, Kourouma met en exergue non seulement son histoire de l’Histoire mais permet également au lecteur informé de comprendre rapidement de quoi ou de qui il parle. De fait, dans son être littéraire au monde, il a choisi de planter le pieu historico-politique au centre de son univers ; ce qui le place entre l’ambition de l’historiographe politique et l’expression d’un génie de l’art narratif fécond.
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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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10.1080/13507486.2011.590185 :Edwards C., « Réalité ou fiction ? L’histoire à l’épreuve du postmodernisme », Revue Européenne d’Histoire, vol. 18, n° 4, 2011, p. 487-498.
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Notes de bas de page
1 En référence à l’essai de Maurice Kamto, L’urgence de la pensée. Réflexion sur une précondition du développement en Afrique, Yaoundé, Presses Universitaires d’Afrique, Africaine d’Édition et de Services, Mandara, 1993.
2 Ahmadou Kourouma à Tanella Boni, « Les “contre-dires” de l’Histoire », in Notre Librairie, Ahmadou Kourouma : l’héritage, Cahier spécial, n° 155-156, 2004, p. 222.
3 Il faut entendre par « démocratures », des pseudo-démocraties.
4 De manière rigoureuse, il conviendrait de parler d’historicité, le matériau dont se sert Ahmadou Kourouma dans son œuvre appartenant au présent ou à un passé assez récent. Toutefois, nous utiliserons, dans le cadre de cet article, le concept d’histoire pour rester fidèle à la pensée de l’auteur qui a posé la caution de l’histoire comme préalable à l’exégèse de son œuvre.
5 Cf. Hegel, La raison dans l’histoire. Introduction à la philosophie de l’histoire, Paris, UGE, 1965 ; ouvrage posthume constitué des notes de ses cours rassemblées par ses disciples.
6 C.-A. Diop, Civilisation ou barbarie, Paris, Présence Africaine, 1981, p. 10.
7 J.-F. Bayart est persuadé de ce que les Africains gagneraient à écrire leur histoire, logique qui restituerait à ladite histoire « sa propre intégrité », in L’État en Afrique. La politique du ventre, Paris, Fayard, 1989, p. 25.
8 J. Onana, « L’explication politique africaine et l’histoire : à propos de “l’historicité” des sociétés africaines », Social Science Information, vol. 46, n° 2, 2007, p. 278.
9 Ce recours à la fiction reste problématique en ce qu’il brouille la frontière entre réalité historique et fiction. Toutefois, en réinscrivant cette stratégie d’écriture dans le courant des historiens postmodernistes pour qui l’histoire est fiction, on comprend mieux le projet de l’écrivain.
10 M. de Certeau, La prise de parole et autres écrits politiques, Paris, Le Seuil, 1994, p. 51.
11 L’écrivain s’inscrit à la suite de penseurs comme Jean-François Bayart, Achille Mbembé ou Valentin Mudimbé qui pensent que l’histoire de l’Afrique ne saurait être lue en marge de celle de l’Occident.
12 A. Kourouma, En attendant le vote des bêtes sauvages, Paris, Le Seuil, 1998, p. 162.
13 A. Kourouma, id., p. 171.
14 Une actualité récente nous en a fourni un exemple lorsque Ali Bongo, fils du défunt président Omar Bongo du Gabon, qui, avant d’être investi officiellement comme président, a fait la tournée de certains présidents africains dont la longévité au pouvoir est souvent décriée.
15 Nous paraphrasons ici M. de Certeau qui pense que : « Vouloir se dire, c’est s’engager à faire l’histoire », op. cit., p. 67.
16 A. Kourouma, Allah n’est pas obligé, Paris, Le Seuil, 2000, p. 71.
17 A. Kourouma, id., p. 71.
18 A. Kourouma, id., p. 53.
19 A. Kourouma, op. cit., p. 191. Sa générosité n’est qu’une façade. Le comparatif scatologique qu’adjoint le narrateur au qualificatif généreux dénie immédiatement cette qualité au dictateur. En effet, l’anus de la chèvre est un exigu réduit d’où sont expulsées de minuscules fèces, c’est dire donc que Tiékéroni partage avec parcimonie.
20 A. Kourouma, op. cit., p. 16.
21 Allah n’est pas obligé et Quand on refuse on dit non prennent ainsi la forme de témoignage et de documentaire.
22 À moins de les considérer comme des héros négatifs, des anti-modèles qu’il convient de connaître pour ne pas les reproduire.
23 Comme le souligne à dessein J. Onana, op. cit., p. 295 : « La contestation du paradigme du joug ne fait pas seulement de l’Africain un sujet de l’histoire, elle en fait surtout le sujet primordial de sa propre histoire. »
24 Suivant la théorie de Freud, la sexualité infantile réunit quatre stades qui influent notablement sur la personnalité de l’individu à l’âge adulte. Le confinement aux stades oral et anal s’observe chez des individus concentrés sur la satisfaction des besoins primaires et la possessivité.
25 A. Kourouma, op. cit., p. 178.
26 A. Kourouma, id.
27 A. Kourouma, id., p. 190.
28 A. Kourouma, id, p. 270.
29 A. Kourouma, op. cit., p. 185.
30 A. Kourouma, op. cit., p. 181.
31 J.-F. Bayart, op. cit., p. 288.
32 Du moins, à considérer la politique telle que l’appréhendent les Occidentaux posés dès lors comme des modèles.
33 Vocable emprunté au titre du roman de Williams Sassine, Les zéhéros ne sont pas n’importe qui, Paris, Présence Africaine, 1985.
34 J.-F. Bayart, L’illusion identitaire, Paris, Fayard, 1996, p. 153.
35 En référence au titre de l’ouvrage de Françoise Giroud, La comédie du pouvoir, Paris, Fayard, 1977.
36 A. Kourouma, op. cit., p. 199.
37 A. Kourouma, op. cit., p. 228. Mobut Sese Seko, deuxième président de la République du Zaïre, a mené ce qu’il a appelé une « révolution culturelle » à travers cette fameuse authenticité, caractère premier qu’il exigeait à son peuple.
38 A. Kourouma, ibid., p. 247.
39 Même s’il s’est posé comme « le diseur de vérité », Kourouma a admis l’élasticité de l’acception de la réalité que pourrait constituer la « vérité » en ce que ceux qui l’invoquent pouvaient s’autoriser des libertés vis-à-vis d’elle. On ne saurait alors s’étonner qu’il ait prêté cette définition de la vérité à son personnage Tiékoroni, dans En attendant le vote des bêtes sauvages : « la vérité n’est très souvent qu’une seconde manière de redire un mensonge », op. cit., 1998, p. 184.
40 Le mélange que l’on retrouve dans les romans d’Ahmadou Kourouma des faits d’histoire attestés et des faits imaginés en est un indicateur.
41 C. Edwards, « Réalité ou fiction ? L’histoire à l’épreuve du postmodernisme », Revue Européenne d’Histoire, n° 18-4, 2011, p. 490.
42 Cf. Livret de l’archive sonore (album disque ARCL 14) consacrée à Ahmadou Kourouma, présentation de Jacques Chevrier, 1983, Paris, Radio France Internationale, Club des Lecteurs d’Expression Française (CLEF).
43 En référence du titre du roman de Robert Musil, L’homme sans qualités, Paris, Gallimard, Folio, 1978.
44 Tout récemment, en France, Sarkozy a fait les frais de ce que des analystes ont qualifié de désacralisation de la fonction présidentielle. Le principal reproche qui lui a été fait était d’être un président populiste et de s’adonner à la « politique spectacle ». Avant lui, d’autres ont été pris en défaut du fait de leurs agissements (Winston Churchill, Staline, Hitler).
45 A. Kourouma, op. cit., p. 11.
46 A. Kourouma, op. cit., p. 177.
47 A. Kourouma, ibid., p. 53.
48 A. Kourouma, op. cit., p. 105.
49 J. Barbey d’Aurevilly, cf. wwwinlibroveritas.net/lire/oeuvre20520.chapitre101107.html. Consulté le 15 décembre 2013.
50 A. Kourouma, op. cit., p. 41.
51 A. Kourouma, op. cit, p. 9.
52 A. Kourouma, ibid., p. 9.
53 A. Kourouma, op. cit., p. 118.
54 A. Mbembé, De la postcolonie. Essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine, Paris, Karthala, 2000, p. 20. Dans la même logique s’inscrivent des penseurs comme Jean-Godefroy Bidima, Anthony Appiah, Valentin Y. Mudimbe.
55 F. Nietzsche, La Seconde considération intempestive, Paris, Gallimard, 1990, p. 499.
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