Tissage des liens avec l’au-delà : la relation avec la mort dans la culture mexicaine
p. 117-131
Texte intégral
Introduction
1Au XXIe siècle, les progrès scientifiques et techniques permettent d’avoir une meilleure qualité de vie et de rendre le passage vers la mort moins violent. Cependant, nos sociétés contemporaines semblent vouloir cacher l’évidence : nous sommes mortels. Crématoriums, columbariums et jardins du souvenir changent l’aspect des cimetières en enlevant leur caractère funéraire, comme si l’occultation des signes de la mort, phénomène inhérent à la nature humaine, pouvait changer la donne et calmer l’angoisse face à l’inconnu. Nous sommes obligés, de plus en plus, de vivre le deuil de façon solitaire et silencieuse, avec l’obligation de le surmonter le plus rapidement possible. La mort et son univers semblent être l’antithèse parfaite de la société actuelle, axée sur le culte du corps toujours jeune, quasi éternel, et l’accès rapide à un bonheur que seuls les objets de consommation peuvent fournir.
2Le Mexique n’échappe pas à cette réalité. Une bonne partie de la société mexicaine cherche aussi à cacher la mort, même si cette attitude renie un héritage de plusieurs siècles, voire de millénaires. Une attitude surtout visible dans les contextes urbains. À la campagne, certains rites et croyances ancestraux qui se perpétuent encore aujourd’hui montrent bien l’importance que les Mexicains attachent toujours à cette philosophie de vie qui leur vient des peuples amérindiens1. Attachement qui a persisté malgré les croyances chrétiennes imposées par les Espagnols.
3Parmi les peuples préhispaniques installés sur le territoire méso-améri-cain, ce sont les Mayas et les Aztèques qui, depuis toujours, ont eu une forte relation avec la mort. Pour eux, la vie sur terre est un essai, une préparation à la « vraie vie » qui les attend dans une autre dimension. Dans ce contexte, la mort physique est un passage obligé pour accéder à cette autre vie « éternelle ». Cette conception philosophique de l’existence humaine a sans doute contribué à l’acceptation de la religion catholique, imposée – de façon sanglante – par les Espagnols, aux différents groupes indigènes asservis.
4Dans un premier temps, j’essaierai d’expliquer comment le lien si particulier que les Mexicains entretiennent avec la mort s’est construit au long des siècles, à partir d’un syncrétisme culturel unique. Dans une deuxième partie, je montrerai les éléments les plus caractéristiques de ce lien et j’analyserai comment il se manifeste au sein de la société mexicaine contemporaine.
I. L’empreinte náhuatl dans les conceptions de la vie et de la mort
5Quelles traces reste-il de la conception de la mort des cultures préhispaniques ? Les visions philosophiques du monde des peuples originels du Mexique étaient diverses. Néanmoins, on constate qu’ils partageaient deux croyances : d’une part l’existence d’une vie pérenne et définitive dans un monde spirituel, d’autre part, l’absence de la notion morale de péché. En effet, les indigènes de l’Amérique préhispanique ne connaissaient pas le concept de « faute ». Dans leur monde, le « mal » comme entité morale n’existait pas, encore moins l’idée de péché, reliée au libre arbitre d’un être individuel2.
6Afin de mieux appréhender cette philosophie de vie, il est nécessaire d’approfondir ces deux notions. L’étude des rites funéraires dans la culture mexica est, en ce sens, essentielle à la compréhension aussi bien de la représentation du monde de l’au-delà, que des mécanismes régulateurs de la vie sociale. En effet, la culture mexica est celle qui a le plus influencé les traditions mexicaines contemporaines, en raison de la domination que les Mexicas exerçaient sur plusieurs peuples indigènes, comme l’illustre la carte ci-contre3 :

Source : Wikipédia [2013]
7Cette influence sur les pratiques religieuses et culturelles est restée presque intacte après la conquête espagnole, quand Cortés décida d’établir la capitale du royaume de la Nouvelle-Espagne sur les ruines de l’ancienne Tenochtitlan. Mais, quels étaient les aspects les plus remarquables de ces pratiques ancestrales liées à l’au-delà ? Pour les Mexicas, comme nous l’avons déjà évoqué, les notions de vie et de mort étaient indissociables car la mort libère l’esprit de la structure matérielle du corps devenue inutile. Comment rendre service aux dieux et à la « Mère de la Terre » (Tonantzin) avec un corps blessé, malade ou trop usé ? Se « débarrasser » du corps physique était, dans la logique mexica, un pas obligé pour accéder au monde divin.
8Ce passage, réservé aux êtres purs, est soumis à un système complexe uniquement compréhensible par les divinités. Mais il ne faut pas penser à l’idée chrétienne de « pureté », liée aux bonnes actions que chaque personne cumule tout au long de sa vie pour atteindre le ciel. La référence náhuatl de la pureté, c’est le bien-être social, le maintien d’un équilibre harmonieux dans la communauté. L’important c’est le groupe social et non l’individu ; celui-ci, inséré dans la société, ne peut pas faire ce que bon lui semble. Bouleverser l’équilibre du groupe est une faute majeure ; aussi chacun respecte-t-il les règles sociétales établies.
9Le concept moral de culpabilité est remplacé par une notion vague, mais très présente, de « honte ». Il est compliqué de définir cet état d’esprit parce qu’il ne correspond pas exactement à l’idée occidentale de la honte. Il s’agit d’une sensation d’échec face aux autres : ne pas répondre aux attentes de sa communauté, ne pas assumer son rôle social est humiliant. Il en résulte une réprobation sociale, accompagnée d’une sanction publique quand la violation des normes établies est avérée. Mais, en aucun cas, cette faute n’interfère sur le destin de la personne dans l’au-delà4.
10Une fois la mort physique survenue, la dernière demeure pour l’individu est déterminée par la façon dont il trouve la mort. Son sort ne dépend pas des actions, bonnes ou mauvaises, qu’il a accomplies au long de la vie, mais de la décision des dieux. Le « repos éternel » n’existe pas pour les Mexicas, les morts ont des tâches à accomplir dans l’au-delà ; à la différence du paradis chrétien, défini vaguement par rapport à la « vie » que les croyants pourront y mener, les Mexicas ont imaginé en détail les quatre demeures où ils continueront leur existence au service d’un dieu, selon le type de mort subie :
11le Tlalocan est le paradis de Tláloc, dieu de la pluie. C’est un endroit calme, reposant, où règne l’abondance. Tous ceux dont la mort est liée à l’élément aquatique y sont accueillis : les noyés, les personnes foudroyées par le tonnerre, les malades d’hydropisie, de la goutte, ceux qui souffrent de bubons ou de la gale et les enfants sacrifiés à Tláloc. Dans ce cadre paisible, plein de verdure et de terre fertile, les aliments ne manquent pas. Maïs, haricots et arbres fruitiers sont à la disposition des collaborateurs de Tláloc. Pour eux, la vie dans ce lieu est fort heureuse, toujours accompagnée de danses et de chants joyeux. Leur mission est d’aider Tláloc dans la production des différents types de pluie : celle qui permet d’abondantes récoltes, les déluges, la grêle... À la différence des autres morts, incinérés, ceux destinés à Tláloc sont enterrés, comme les graines, pour qu’ils puissent germer.
12L’Omeyocan, présidé par le dieu de la guerre Huitzilopochtli, est le paradis du soleil. Il accueille les morts au combat, les prisonniers sacrifiés, les marchands morts pendant leur voyage d’affaires et les femmes qui décèdent au cours de l’accouchement. Ces femmes inspirent un grand respect, leur mission d’enfanter étant considérée comme une bataille difficile. Dans ce paradis de joie perpétuelle, on fête le soleil avec de la musique, des chants et des danses. Les morts de l’Omeyocan reviennent dans le royaume des vivants, quatre ans après, transformés en oiseaux aux fines plumes multicolores. Atteindre l’Omeyocan est un privilège parce que, pour les Mexicas, la mort au combat est la plus prestigieuse qui soit et il n’y a rien de plus glorieux que de pouvoir accompagner le soleil tout au long du jour en se métamorphosant en oiseau.
13Pour tous ceux qui décèdent de mort naturelle ou de maladie, il y a le Mictlán, habité par Mictlantecuhtli et Mictacacíhuatl, seigneur et dame de la Mort. Ce lieu est décrit comme un endroit très sombre, sans fenêtres, d’où il est impossible de s’échapper. Avant d’y arriver, les âmes doivent faire un long voyage qui dure environ quatre ans. Les diverses étapes de cette odyssée sont précisées dans une peinture hiéroglyphique : le défunt commence par franchir l’Apanohuaya, la « grande rivière » ; cette épreuve étant difficile, il est aidé par un chien enterré à ses côtés. Une fois arrivée sur l’autre rive, la personne, dépourvue de tout vêtement, doit passer entre deux montagnes qui se referment constamment, les Tépetl Monamictia. Un peu plus loin, elle traverse le Cehuecáyan5, et ensuite affronte l’Itzehecáyan6 qui souffle sur huit garrigues au climat semi-aride7. En plus du chien, on place autour des morts quelques tissus, des fils colorés et du coton qu’ils offriront au dieu Mictlantecuhtli une fois arrivés au Mictlán, leur dernière demeure8.
14Le quatrième monde divin est le Chichihuacuauhco, destiné à celles et ceux qui meurent alors qu’ils ne sont encore que des enfants. Un arbre, dont les feuilles produisent du lait, est destiné à les nourrir. Selon les anciens, ces enfants reviendront sur terre lorsque l’humanité n’existera plus, recréant ainsi une nouvelle race d’hommes. Comme le signale l’historien León Portilla, il est important de remarquer que, pour les Mexicas, les enfants du Chichihuacuauhco vivent et mangent réellement, c’est-à-dire, en chair et en os. Et c’est avec leur corps physique qu’ils reviendront peupler la terre9.
15Si les missionnaires espagnols ont réussi à faire accepter le paradis chrétien par les peuples amérindiens, c’est grâce à la croyance, déjà existante chez eux, en une vie éternelle après la mort physique. Mais ils ont dû faire preuve d’imagination pour changer la perception sociale de la mort et les rites funéraires chers aux Mexicas.
II. La perception de la mort après la conquête espagnole
16Avec la conquête espagnole, la conception de la mort chez les peuples originels du Mexique s’est fortement modifiée. Ce n’est plus un état transitoire et nécessaire pour accéder à une vie plus pleine. Il s’agit d’une étape que l’on craint, car, dorénavant, le destin ne décide plus du sort de l’individu, mais ses propres actions. En conséquence, la mort, perçue depuis des siècles comme une « amie », comme une entité qui permettait l’évolution vers un état de vie supérieure, devient, avec le christianisme, un sujet empreint de peur et de châtiment.
17Il est difficile d’expliquer comment les Amérindiens ont assimilé les croyances chrétiennes imposées, ni à quel point ils ont été sincères dans leur acceptation, au mépris de leurs propres traditions. Il est clair, en tout cas, que, pendant l’époque coloniale espagnole, ce sont les rites catholiques qui priment ou, du moins, qui s’affichent publiquement en ce qui concerne les rites funéraires. Les indigènes conservent sans doute leurs rituels, qu’ils pratiquent en privé, dans l’intimité du foyer.
18Au-delà de l’apparition de la dualité paradis/enfer comme seul « futur » possible après la vie « mortelle », associée aux bonnes et mauvaises actions individuelles, la perception que les Mexicas ont désormais de la mort s’est grandement modifiée. Jusqu’au XVe siècle, la mort est considérée par les peuples amérindiens comme une figure de bonté qui protège et accompagne dans le transit vers une nouvelle vie. Mais, à partir du XVIe siècle et ce jusqu’à la deuxième moitié du XIXe, la mort, cause de douleur et de grand chagrin, est crainte. La place qu’elle occupait dans le monde précolombien est remplacée alors par celle de la Vierge Marie, « la bonne mère », dont la présence apporte désormais paix et réconfort face à une telle épreuve.
19Cette perception européanisée de la mort reste très présente dans la société du Nouveau Monde, même après l’indépendance, quand le Mexique se constitue comme État-nation. Alors que le processus de métissage social, cultuel et culturel s’est enclenché, peu après l’arrivée des Espagnols, la prise de conscience de ce syncrétisme ne se produit qu’à partir de l’indépendance du Mexique, en 1810, et sa revendication, après la révolution de 1910. C’est alors que les premiers gouvernements démocratiques cherchent à construire une identité nationale fondée sur le mélange de cultures10 et veulent notamment promouvoir la richesse de l’héritage préhispanique en valorisant les traditions populaires oubliées ou méprisées pendant la dictature du général Porfirio Díaz.
20Comme l’indique Octavio Paz, à partir d’une œuvre sociale très ambitieuse, les intellectuels mexicains (artistes, philosophes, écrivains) se sont tournés vers le peuple, qu’ils ont redécouvert et mis en avant. D’où l’émergence des arts populaires et des danses folkloriques. Il y a même une partie de la nouvelle littérature qui se tourne vers le passé indigène11. Les traditions ancestrales sortent donc de la clandestinité pour alimenter cette « identité nationale », que l’on veut consolider pendant la période postrévolutionnaire.
III. La fête des morts : une fête populaire
21À la fin du XIXe siècle, les gravures de José Guadalupe Posada et les textes d’Antonio Vanegas Arroyo, qui publient tous les deux dans l’hebdomadaire La Patria Ilustrada, annoncent les calaveras literarias (« squelettes littéraires »), qui parlent avec humour de la mort et marquent profondément la culture populaire12.
22C’est ainsi que la fête des morts, et plus largement la philosophie de la mort et de son univers, récupèrent, au moins partiellement, leur conception préhispanique et l’intègrent à la tradition religieuse de l’Espagne du XVe siècle. Les calaveras literarias conjurent la peur de la mort importée au Mexique avec la religion catholique. Ces versets humoristiques13, rédigés en octosyllabes et anonymes pour la plupart, sont accompagnés d’illustrations de personnages squelettiques. Ce sont des caricatures qui critiquent avec humour les frivolités et l’égoïsme des classes sociales privilégiées ainsi que les politiciens ambitieux et corrompus de l’époque. Cette manifestation de la mort est l’exemple même du métissage revendiqué : la mort est ici une présence démocratique, face à laquelle riches et pauvres, petits et grands, forts et faibles, sont égaux14.
La Catrina (« bourgeoise ») de Posada

23L’image de la mort qu’on voit à la page précédente, représentée en bourgeoise, reste très ancrée dans la culture populaire mexicaine. Le choix de son créateur n’a rien d’anodin. Dans la mesure où il s’agit de critiquer les privilèges des riches et des oligarques, il faut montrer que la mort ne fait pas de différence entre les personnes. Rien de mieux que d’associer son apparence à l’image des privilégiés, de l’habiller en bourgeoise. Le message est clair : la fortune, les protections ou les relations des personnes aisées ne les protègeront pas contre la mort.
24La Catrina de Posada garantit une justice sans faille, au moins de façon fictive, situation contraire à la réalité de la société mexicaine prérévolution-naire. Si les pouvoirs publics ne servent que les intérêts porfiristes15, cette mort bourgeoise est là pour montrer du doigt les injustices sociales et pour rappeler que, une fois le moment venu, il n’y a d’échappatoire possible pour personne. Tel est l’esprit de la calavera literaria anonyme qui s’intitule Calaveras del montón (Squelettes ordinaires), dont voici un verset :
Es calavera el inglés,
calavera, sí señor,
calavera fue el francés
y Fauré y Sadi Carnot16.
El chino, el americano,
el papa y los cardenales,
reyes, duques, concejales
y el jefe de la nación
en la tumba son iguales :
calaveras del montón.
25Ces vers disent que, être anglais, américain, français ou chinois n’est qu’une particularité sans intérêt ; que, être cardinal, roi, conseiller, duc, pape ou chef d’État ne sert à rien dans l’au-delà ; que, une fois la mort survenue, le même sort est réservé à tous. Si les calaveras literarias rendent une justice, au moins fictive, face aux inégalités sociales, elles le font en ironisant sur certains traits de la personnalité des figures publiques. Ces défauts sont ridiculisés de façon humoristique dans les versets et justifient la visite de la mort, qui emmène les « fautifs » avec elle17.
26Le retour à cette tradition coïncide avec le succès de la pièce Don Juan Tenorio de José Zorrilla, présentée au Mexique à partir de 1861, pendant la période de la fête des morts18. Aussi, depuis cette date, a-t-on pris l’habitude de jouer la pièce de théâtre de la fin d’octobre au début de novembre : elle donne une vision picaresque de la vie mexicaine, une vie qui permet de « pécher » sans remords et de ne se repentir qu’au dernier moment de son existence, pour gagner le pardon divin. Cynisme que les calaveras literarias ne pardonnent pas19.
27La progressive dédramatisation de la mort dans la culture mexicaine a amené à une perception sociale festive, humoristique et parfois irrévérente de ce passage incontournable vers l’au-delà (vu par d’autres cultures de façon plus grave et plus rigoriste). On pourrait être tenté de penser que les Mexicains se moquent de la mort, qu’ils ne la craignent pas. Cela signifierait tout simplement que le rapport ambigu et paradoxal entre la mort et la culture mexicaine n’a pas été bien appréhendé. La peur de la mort existe chez les Mexicains, mais c’est plutôt parce qu’ils grandissent avec elle, qu’elle se fond et se confond avec d’autres traditions où la mort, ou plus précisément les morts sont mis à l’honneur.
IV. Les symboles distinctifs d’une fête particulière
28Avant d’explorer les symboles distinctifs des traditions mexicaines liées à la mort, il me semble important d’insister sur la présence familière, au Mexique, de la mort au quotidien. S’il arrive parfois qu’on y fasse allusion dans un contexte tragique, c’est justement pour l’éloigner ou pour qu’elle ne s’approche pas trop près. Le fait de ridiculiser la mort n’a d’autre objectif que de prendre sa revanche sur un fait qui, tôt ou tard, sera inévitable. Ce n’est pas par hasard si, au Mexique, bon nombre de proverbes parlent de la mort ou qu’il existe une liste interminable de termes pour la nommer : la pelée, la squelettique, la chauve, la pâle, la démocratique, l’aspiratrice, la bien-aimée, la dame du voile, madame os, l’heure de l’heure, la libératrice... On la craint, mais on la côtoie ; on se moque d’elle, mais on l’exalte.
29La fête des morts, avec ses autels érigés dans les maisons et dans certains espaces publics, constitue le moment culminant de cette célébration. L’élaboration des autels caractérise la relation particulière des Amérindiens avec la mort. Cette pratique, qui a résisté aux Espagnols dans une grande partie du territoire conquis, a fini par s’imposer à eux. Pendant la période préhispanique, les Mexicas consacraient le Tzompantli (l’autel) à la déesse Coatlicue, Mère des dieux, celle qui peut tout faire et défaire. Il n’est donc pas étonnant que les Espagnols aient substitué à cette figure féminine celle de la Sainte Vierge, mère de Dieu (comme Coatlicue), mais aussi mère des humbles. Les Espagnols considéraient que les rituels pratiqués par les indigènes étaient barbares et nécrophiles. Aussi ont-ils remplacé les objets païens par des éléments catholiques ou en tout cas plus « occidentaux ». D’où l’apparition des croix, des bougies, d’images du Christ et des saints, d’objets, d’aliments qui n’existaient pas en Amérique, preuve du métissage culturel achevé.
30Par ailleurs, il faut mentionner un certain nombre d’éléments significatifs présents sur les autels des morts. Le cempazúchitl, par exemple, aux couleurs jaune et orange, est la fleur traditionnelle des morts. Elle symbolise la lumière du soleil. Avec son odeur particulière, la fleur de cempazúchitl sert, ainsi que les bougies, à guider les défunts qui rendent « visite » aux vivants. Le papier de soie, violet pour les chrétiens et orange pour les Mexicas, indique, lui aussi, le deuil. Les photos des morts20, leurs boissons favorites et leurs mets préférés sont destinés à les recevoir avec l’honneur et le respect qu’ils méritent. Quand on le peut, on place devant l’autel un chemin de verdure et de fleurs qu’empruntera l’âme du défunt. On brûle du copal (encens) pour purifier l’environnement et pour éloigner les mauvais esprits21.
31Les têtes de mort en sucre, souvent présentes sur les autels, sont un autre exemple de reprise et de réinterprétation espagnoles d’un culte indigène. À l’aire préhispanique, les Amérindiens posaient sur l’autel des rangées de crânes d’hommes qu’ils avaient sacrifiés pour vénérer les dieux. À ces crânes, ils ajoutaient la représentation du seigneur des enfers et des morts : Mictlantecuhtli. Les indigènes ayant opposé une résistance farouche à la suppression de ce rituel, les crânes ont donc été remplacés par des têtes de mort en sucre22.
32Si, pendant la période coloniale, les têtes de mort en sucre ont été utilisées uniquement comme élément « décoratif » sur les autels, elles ont progressivement fait partie du rituel lié à la fête des morts. À cette occasion, les Mexicains ont pris l’habitude de donner des crânes en sucre aux personnes qu’ils affectionnent. Sur les crânes, on fait inscrire le prénom de la personne à qui ils sont offerts, preuve du dynamisme culturel de cette tradition. Rien de macabre dans ce geste : les Mexicains se moquent tout simplement de la mort et se donnent l’illusion de l’avoir trompée, au moins de façon passagère. Le prénom sur la tête de mort en sucre revient à dire que nous sommes toujours dans ce monde, et non pas dans l’autre.
33Le dynamisme culturel des crânes en sucre est associé au caractère symbolique de la brioche du mort, el pan de muerto, substitut d’une préparation mexica à base d’amarante, qui représentait les personnes sacrifiées aux dieux, les cœurs humains que les Précolombiens arrachaient à leurs victimes. L’introduction du blé dans le Nouveau Monde a permis l’utilisation du pain dans l’alimentation des peuples amérindiens et dans les rites funéraires. Le pan de muerto, avec sa forme en boule simulant le crâne des hommes sacrifiés, est posé sur l’autel ; sa véritable importance consiste à le partager avec la famille et les amis au cours de la fête des morts (fête particulièrement festive).
V. Célébration des morts
34Le caractère – en apparence moqueur et irrespectueux – de cette tradition, ne signifie pas que les Mexicains cherchent à défier la mort. Le passé préhispanique, très prégnant, fait que les Mexicains acceptent la mort comme inévitable, comme une conséquence implicite de la vie. C’est pour cette raison qu’il vaut mieux être dans les « bonnes grâces » du monde de l’au-delà et considérer comme naturelle cette coexistence entre la vie et la mort. Dans son introduction à l’ouvrage Día de muertos : serenidad ritual (2002), Margarita de Orellana montre bien la juxtaposition et la coexistence du rire, symbole de la vie et de la mort ; elle estime que la célébration des morts est de fait une prolongation de la vie pour celles et ceux qui ne sont plus de ce monde et dont on exalte le souvenir.
35Le culte de la mort, en tant que manifestation collective, est une élaboration symbolique liée à la religion, à la conception du monde et de sa dynamique. Le culte des morts, dans sa dimension individuelle, spécifique, permet de maintenir la cohésion familiale, tribale ou ethnique. La fête des morts est surtout un hommage rendu aux ancêtres, à la lignée ; elle sert de lien avec les origines. Les morts appartiennent à la terre, au monde des ténèbres, mais on peut entrer en contact avec eux en les honorant pendant quelques jours, hommage qui est indissociable de la mort.
36Même éphémère, le lien instauré entre les morts et les vivants pendant la fête des morts est indissoluble et éternel. En l’absence d’autel, la visite au cimetière remplit le même objectif, à savoir, maintenir le lien avec le passé. Mais ces visites ne sont pas empreintes de « tristesse », comme c’est le cas à la Toussaint, en France23, ou dans d’autres pays européens. Au Mexique, c’est une fête : les tombeaux sont embellis par des fleurs aux couleurs vives ; on y dépose les plats préférés de la personne décédée et ses boissons favorites. Les mariachis et autres musiciens traditionnels parcourent les allées du cimetière et offrent leur service pour interpréter des chansons joyeuses ou celles préférées des défunts. Lorsque les familles ne disposent que de maigres ressources, la musique est enregistrée. Musique et respect s’associent allégrement dans un moment qui reste solennel.
VI. Relation paradoxale des Mexicains avec la mort
37L’attitude festive et joyeuse des Mexicains face à la mort peut surprendre, particulièrement pendant la fête des morts, mais cette perception est trompeuse. En effet, malgré la joie qui entoure cette célébration, que ce soit au Mexique ou ailleurs, la mort est toujours celle qui tue, celle qui guette. La seule différence est que, dans les pays occidentaux, penser à la mort est un cauchemar : cela rappelle la caducité de la vie24. Les Mexicains, au contraire, caressent la mort, la célèbrent, parlent d’elle constamment, l’appellent pour qu’elle n’arrive pas « sans prévenir ».
38Les Mexicains, dès leur plus jeune âge, sont confrontés à la mort ou, du moins, à son image : visites au cimetière avec la famille, organisation et préparation de l’autel d’un proche, échange de têtes de mort en sucre, pain de mort, « crânes littéraires »... Tout cela contribue, quand on est enfant, à mieux comprendre que la mort fait partie du cycle de la vie. Mais ce n’est pas une préparation à la mort ou, en tout cas, pas à sa propre mort. Il s’agit plutôt de pouvoir parler d’elle, de conjurer la peur qu’elle inspire. Quand les Mexicains parlent de la mort, il ne s’agit pas d’une réflexion philosophique, ils l’évoquent sur le ton de la plaisanterie, pour faire des blagues ou pour la défier.
39Dans la culture populaire mexicaine, ce sont les hommes qui affichent une attitude provocante vis-à-vis de la mort. Ce n’est pas qu’ils se croient tout-puissants pour pouvoir échapper à la fin qui, tôt ou tard, arrivera. C’est plutôt qu’ils considèrent que cette attitude leur sert de protection, de bouclier contre l’angoisse que suppose le fait de ne plus être, de ne plus exister. D’ailleurs, parmi les chansons mexicaines postrévolutionnaires, certaines montrent clairement cette provocation : par exemple La muerte, composée par Tomás Méndez. Le rythme et la musique (trompettes et guitares du mariachi) sont très enjoués, et on a du mal à imaginer que les sifflements et les cris joyeux de l’interprète, dès le début de la chanson, sont un message qu’il adresse à la mort. Les paroles renvoient aussi à une image atypique de la mort. Dans le premier couplet, celle-ci se présente parée de mille couleurs, loin de l’apparence lugubre qu’on lui donne le plus souvent. Le chanteur s’adresse directement à la mort, il la tutoie et lui attribue l’une de ses multiples appellations au Mexique : « Ven dame un beso pelona », c’est-à-dire : « toi, la chauve, donne-moi un baiser ». Or, le baiser de la mort est mortel, et pourtant, c’est ce qu’on lui demande, pour bien lui montrer qu’on est immunisé contre ses effets.
40La chanson se poursuit dans la même tonalité jusqu’à la fin, à la fois puissante et insolente. Ainsi, par exemple, le couplet et le refrain suivants :
Estrofa : | Couplet : |
Estribillo : | Refrain : |
41Le couplet nous présente un Mexicain « typique », un homme qui n’a peur de rien, surtout pas de la mort, parce qu’il est bien conscient qu’elle fait partie de la condition humaine, et ce depuis le début de son existence. Si la mort dort, elle peut se réveiller à n’importe quel moment. Le refrain insiste bien sur cette idée, car finalement, nous savons tous qu’un jour ou l’autre nous mourrons. C’est une certitude. Par conséquent, il est plus logique d’avoir peur de la vie, une vie remplie de situations inattendues, complexes, difficiles, parfois inquiétantes, au point de bouleverser notre âme et de nous empêcher de trouver la paix nécessaire pour mourir.
42Hélas, ce n’est qu’une image sécurisante qu’on souhaite envoyer aux autres, parce que, au Mexique comme ailleurs, la mort est bien réelle et toujours présente d’une façon ou d’une autre, dans la vie quotidienne. Mais on essaye de se rassurer, de s’envelopper dans une armure et d’occulter la réalité en pensant que la mort est là pour autrui et non pour soi.
43Comme nulle part, deux visions paradoxales de la mort coexistent dans le Mexique actuel. La mort « amie », avec qui on peut rire, héritage de la période préhispanique, et la mort qui fait peur, un legs de la période coloniale. La présence plus ou moins marquée de chacune de ces deux visions dépend beaucoup du milieu social dont on parle. Les traditions et les rites décrits sont plutôt représentatifs des classes sociales modestes du Mexique, pour lesquelles la vie en famille occupe une place très importante. De plus, ces festivités constituent l’une des rares distractions auxquelles les couches populaires ont accès. Les classes sociales aisées et, de plus en plus, la classe moyenne, – qui essaye d’imiter le style de vie de la classe bourgeoise –, ne se reconnaissent pas, ou très peu, dans de telles manifestations culturelles. Ces traditions ne correspondent pas, en effet, au modèle de vie qu’elles souhaitent mener, ni à l’individualisme qui les caractérise de plus en plus. Par ailleurs, les couches plus aisées ont d’autres moyens pour s’épanouir : le cinéma, le théâtre, les concerts, les vacances, etc.
44Une autre nuance à apporter dans la relation que les Mexicains entretiennent avec la mort se trouve dans les manifestations culturelles en ville et à la campagne. Dans le monde rural, la façon de concevoir la mort est encore très liée aux croyances ancestrales. Les rituels utilisés pour exprimer son attachement à la figure emblématique de la mort sont imprégnés d’une grande solennité ; un code protocolaire assez rigide et une profusion de compositions, textures et couleurs, accompagnent toutes les célébrations25. Dans le monde urbain, il y a aussi une grande variété de formes et de couleurs, mais l’élément religieux est absent des rituels. Le sens de la célébration dans les villes est plus festif, informel et ludique.
45Cette différence entre les contextes rural et urbain peut s’expliquer : après la révolution mexicaine, à force de privilégier le passé préhispanique sur l’héritage espagnol, les différents gouvernements ont donné ce caractère laïc aux rites réalisés en ville, qui, depuis, sont devenus une manifestation plus culturelle que cultuelle. Depuis plus de cent ans, la fête des morts dans les villes se caractérise par un « débordement » de saveurs et de couleurs dans les pains et les friandises, particulièrement les têtes de mort en sucre. La profusion des sucreries n’existe pas dans les célébrations à la campagne, notamment les crânes en sucre sur les autels. Crânes et squelettes se trouvent seulement dans la culture populaire citadine ; leur intégration dans l’imaginaire national de la fête des morts ne fait pas l’unanimité : elle est considérée tantôt comme naturelle, tantôt comme artificielle.
Conclusion
46À partir des éléments donnés jusqu’ici, est-il possible d’affirmer que les Mexicains entretiennent une relation « privilégiée » avec la mort ? Certainement pas, surtout si nous considérons son caractère égalitaire, tant apprécié au Mexique. Il s’agit d’une relation qui, dans la culture populaire, entretient la cohésion d’une identité nationale construite il y a à peine un siècle. Elle permet de se distinguer du reste du monde.
47Dans ce lien, il y a deux aspects qu’il me semble important de retenir. Le premier est sa fonction de promoteur de cohésion sociale. Les rites et pratiques des Mexicains autour de la mort permettent de dynamiser les relations à l’intérieur des groupes sociaux et entre eux, grâce à la vénération des proches déjà partis et à la diffusion des différents rituels. Ces pratiques aident à contrer un individualisme de plus en plus envahissant.
48Le deuxième aspect repose sur son dynamisme culturel. Les modes utilisés pour faire face à la mort ont des origines diverses, plus anciennes ou plus modernes, mais tous coexistent dans le Mexique actuel. Les offrandes des hommes aux dieux mexicas côtoient les calaveras de Posada et les chansons évocatrices d’une mort qui « ne fait pas peur ».
49Toutefois, si le XXe siècle a vu surgir de nouvelles manifestations liées à la mort, grâce au dynamisme de la culture mexicaine, certains faits sociaux, en réponse à une inégalité sociale blessante, ont donné lieu à une nouvelle subculture de la mort. Il s’agit d’une autre mort, plus sombre, plus triste, mais malheureusement de plus en plus visible. Comme l’indique à juste titre Alfonso Alfaro26, la criminalité marginalisée du Mexique, qui ne cesse de s’étendre, a fait émerger une esthétique particulière autour de la mort. Il s’agit d’une nouvelle « lyrique » populaire dans laquelle on exalte l’argent facile et les plaisirs éphémères qu’il accorde. Ce ne sont plus les corridos révolutionnaires, mais des narco-corridos, histoires qui magnifient l’illégalité et la violence meurtrière.
50La familiarité avec la mort n’a rien de comique ici, puisque c’est une mort qu’on donne et qu’on reçoit à tout moment, liée aux mafias de la drogue. Comme les ancêtres préhispaniques, les plus jeunes générations considèrent la vie sur terre comme une étape éphémère, mais pas pour les mêmes raisons. Face au manque d’opportunités et de perspectives d’avenir, le monde des mafias de la drogue attire par l’accès rapide à un style de vie prospère qui, depuis quelques décennies, semblait être réservé aux élites. Les jeunes ont besoin de croire à ce bonheur rapide, même si le gage est leur propre mort. Il ne s’agit plus d’une mort joyeuse, mais elle est de plus en plus présente au Mexique. Une mort que les Mexicains n’arrivent pas, ou plus, désormais, à tromper.
Notes de bas de page
1 Il n’est donc pas étonnant que la revue Artes de México (Arts du Mexique) ait déjà consacré deux numéros à la discussion de cette manifestation culturelle. Le premier, Serenidad Ritual (2002), avec l’objectif d’analyser les célébrations de la fête des morts qui ont lieu dans différentes régions du Mexique ; et le deuxième, Risa y Calavera (2003), plus orienté sur la discussion des mutations que cette tradition a connues pendant la période postrévolutionnaire.
2 P. Johansson, « Miquiztlatzontequiliztli. La muerte como punición o redención de una falta », Estudios de Cultura Náhuatl, vol. 41, Mexico, Universidad Nacional Autónoma de México (UNAM) / Instituto de investigaciones históricas, 2010, p. 94.
3 L’influence mexica sur les civilisations voisines s’est étendue sur mille kilomètres environ, entre Mexico-Tenochtitlan et Xoconochco (Soconusco).
4 Afin d’éviter une digression peu utile dans le cadre de cet exposé, nous laisserons de côté les cas des condamnés à mort, subordonnés à un système de punition très complexe. Pour simplifier, il suffit de retenir deux idées : la mort imposée aux condamnés a pour but de les purifier et non de les punir pour leur action fautive. Leur sort dans l’au-delà est lié à la divinité concernée par la faute commise.
5 Les huit collines de la neige éternelle.
6 Le vent mordant.
7 M. L. Portilla, De Teotihuacán a Los Aztecas : Antología de Fuentes e Interpretaciones Históricas, Mexico, UNAM, 1983, p. 534-535.
8 D. Heyden, « La muerte del tlahtoani. Costumbres funerarias en el México antiguo », dans Estudios de Cultura Náhuatl, vol. 27, Mexico, UNAM / Instituto de investigaciones históricas, 1997, p. 103.
9 M. L. Portilla, De Teotihuacán a Los Aztecas, op. cit., p. 534.
10 L’exemple le plus frappant de cette revendication est donné par le président Manuel Ávila Camacho (1940-1946), qui construit son programme politique sur la devise de l’« Unité nationale ».
11 O. Paz, El laberinto de la soledad. Postdata y Vuelta a El laberinto de la soledad, Mexico, Fondo de cultura económica, 1992, p. 63-64.
12 R. Barajas Durán, Posada, mito y mitote. La caricatura política de José Guadalupe Posada y Manuel Alfonso Manilla, Mexico, Fondo de cultura económica, 2009.
13 Les « squelettes littéraires », popularisés à l’aube du XXe siècle, ne sont pas complètement innovants. Des écrits satiriques, généralement anonymes, existaient déjà au XVIIe siècle. Ils étaient utilisés par les Créoles et les Métis pour manifester leur désaccord avec les autorités espagnoles. À l’époque, on les connaissait sous le nom de « pasquinades ».
14 La mort comme personnage « égalitaire » n’est pas une idée complètement nouvelle. Le memento mori (« souviens-toi que tu mourras ») est un genre artistique qui existe bien avant le XIXe siècle. Son but est de rappeler à l’homme qu’il est mortel et que ses activités et intérêts terrestres ne sont qu’une banalité. La danse macabre du Moyen Âge est un des exemples les plus célèbres, mais on peut aussi mentionner la vanité, en tant que représentation picturale, ou le transi (pièce sculptée qui montre le défunt de façon réaliste, nu, voire en putréfaction), dans l’art funéraire de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance.
15 C’est-à-dire tout ce qui est relatif à Porfirio Díaz, aussi bien ses partisans que sa politique. Porfirio Díaz a été président du Mexique pour la première fois de 1876 à 1880. Pendant le mandat de son successeur, qu’il avait fait élire, Díaz dirigeait le pays « derrière le rideau ». Il est revenu au pouvoir de 1884 à 1910, jusqu’à ce qu’éclate la révolution. Cette période de l’histoire mexicaine est aussi connue sous le nom de « Porfiriat ».
16 La mention de ces deux personnages, Fauré et Sadi Carnot, montre l’influence et l’attachement de la société mexicaine, pendant la dictature du général Díaz, à la culture française. Une culture à laquelle seuls les riches aristocrates, privilégiés du Porfiriat, avaient accès.
17 Les calaveras literarias ont trouvé ainsi leur place dans la fête des morts au Mexique et permettent, une fois par an, de critiquer les politiciens de façon humoristique. Mais ce qui est le plus intéressant est son évolution au fil du temps. Depuis plusieurs décennies, ces versets sont utilisés aussi pour exalter les qualités d’un proche, pour lui rendre hommage et lui prodiguer de l’affection.
18 Notimex, Don Juan Tenorio en el Teatro de la Ciudad, Milenio, édition électronique, Mexico, 1er novembre 2011 (http://www.milenio.com/cdb/docnoticias2011/028373b9ee11826622d9d250c49a2f29, consulté le 9 février 2013).
19 F. De la Guerra, « Literatura y tradición en las calaveras », Machetearte, periódico satírico y de combate, vol. 1415, Mexico, 31 octobre 2008 (http://machetearte.com/machetes2/1415/doc8.htm, consulté le 4 février 2013).
20 La présence des photos du défunt sur les autels indique un changement de sens dans cette manifestation culturelle : il ne s’agit plus d’une offrande aux dieux, mais une façon de rendre hommage à la personne concernée. Ce changement concerne les autels élaborés en milieu urbain, car, dans les communautés rurales, les photos sont encore absentes.
21 M. Gómez et J. Delgado, Ritos y mitos de la muerte en México y otras culturas, Mexico, Grupo editorial Tomo, 2002.
22 Depuis quelques décennies, on en trouve même en chocolat ou en amarante, plante très connue depuis l’époque des Aztèques.
23 Strictement parlant, l’équivalent en France serait le 2 novembre, le jour des morts. Pourtant, depuis plusieurs années, la distinction entre ces deux événements s’est effacée.
24 P. Westheim, « Temor a la muerte. Angustia de vivir », Artes de México : Día de muertos II, risa y calavera, n° 67, Mexico, Artes de México y del Mundo, 2003, p. 33.
25 M. De Orellana, « La muerte sonriente », Artes de México : Día de muertos II, risa y calavera, n° 67, Mexico, Artes de México y del mundo, 2003, p. 6.
26 A. Alfaro, « La muerte sin calaveras », Artes de México : Día de muertos II, risa y calavera, n° 67, Mexico, Artes de México y del mundo, 2003, p. 71.
Auteur
Doctorant en civilisation hispano-américaine
Université de Limoges
Job Avalos Romero prépare une thèse sur l’intégration des migrants latino-américains arrivés en France pendant les trois dernières décennies. Il est membre du laboratoire FRED (Francophonies, éducation et diversité). Contact : jobavro@yahoo.com.
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