Avant-propos
p. 9
Texte intégral
1La littérature relative au karst est immense et a suscité la création de nombreuses revues régulières. Il est vrai que les domaines karstiques couvrent d'immenses superficies des terres émergées que l’on estime à environ 20 %. Pourtant ce chiffre est bien discutable car beaucoup de terrains karstiques sont couverts par des manteaux détritiques diverses si bien que cette proportion est sans doute supérieure. Depuis quelques années de nouvelles recherches se sont intéressées à ces cryptokarsts car les scientifiques ont souvent une âme d’explorateur et sont toujours en quête de champs nouveaux d'investigation. En effet, les karstologues de ces dernières décennies, souvent des spéléologues, se sont surtout intéressés aux karsts de montagne les plus susceptibles de développer des réseaux atteignant des records de profondeur. Là, pensaient-ils, est la véritable aventure. Sans doute ont-ils raison du point de vue strictement sportif, mais l’exploration peut également s’effectuer à d’autres niveaux. Immense, en effet, demeure le champ d’investigation des karsts des régions climatiques dites extrêmes dans le sens où nous entendons par là des régions possédant des records de pluviométrie, de chaleur ou au contraire de sécheresse et de froid. Ces paramètres introduisent alors des processus particuliers ou bien des différences d’intensité dans les processus classiques de la karstification. Dès lors, les domaines des régions froides, polaires ou continentales, ou bien arides ou au contraire chauds et humides de la zone intertropicale offrent-ils des particularismes qui jusqu’à nos jours demeurent très faiblement ou relativement peu étudiés. Il n’y a pas si longtemps que l’on minimisait, par exemple, le développement des cavités spéléologiques sous les Tropiques. Avec les expéditions organisées en Papouasie-Nouvelle Guinée, à Madagascar, au Brésil, au Guatemala, au Mexique ou dans la cuvette du Congo, on sait désormais ce qu'il faut penser de ce jugement. En fait, l’ignorance de l’existence des réseaux spéléologiques dans ces régions tropicales venait essentiellement de l’absence d’exploration : si l'on ne cherche pas, on ne trouve pas. Cette évidence se retrouve pour les autres régions de la planète et en particulier pour celles qui n’ont guère été explorées. C’est particulièrement vrai pour les karsts des régions arides ou ceux des zones polaires. Pourtant le karstologue actuel ne doit pas ignorer que partout où il y a des affleurements carbonatés, il y a la possibilité de trouver des formes karstiques. Car, d’une part, le karst peut être hérité d’une paléo-période plus humide et d’autre part, avec le temps, même de maigres précipitations peuvent à terme générer des formes de dissolution. Les auteurs se sont donc attelés à décrire les karsts des régions froides (M. PULINA) qu’elles soient polaires (Spitzberg, Groenland) ou continentales (Sibérie) ou arides ou encore tropicales humides (J.-N. SALOMON). Une place de choix a été réservée au thermokarst, glaciokarst ou cryokarst, dans la mesure où, il ne s’agit pas de véritable processus de karstification (ici la fonte remplace le processus de dissolution). Mais les formes générées inscrites dans la glace sont très proches tout comme le fonctionnement. L’intérêt des études sur le glaciokarst est que l’on perçoit, en accéléré, ce qui se passe au cours de millénaires pour les roches carbonatées. Quant aux études des karsts tropicaux, elles ont le grand mérite d’attirer l’attention sur les spécificités actuelles de ces karsts lesquelles commencent à être bien connues. Mais il ne faut pas oublier que, dans le temps, elles ont pu être aussi celles qui ont pu marquer les paysages des régions tempérées. Ces derniers en gardent quelques traces même si ultérieurement elles ont été grandement oblitérées par l’intervention des influences climatiques froides et tempérées. L’intérêt de la présentation des karsts des régions climatiques extrêmes et de leurs principales caractéristiques par deux auteurs qui connaissent bien ces régions pour les avoir longtemps fréquentées, est de rappeler tout cela et de donner des clés d’interprétation quant à l’explication des paysages actuels.
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Forêts d’hier et de demain
50 ans de recherches en Aquitaine
Michel Arbez, Jean-Michel Carnus et Antoine Kremer (dir.)
2017