Avant-propos
p. 9-11
Texte intégral
1Cet ouvrage est la mise en forme et l’amplification d’un cours que je professe depuis plusieurs années dans diverses Universités du Sud de la France au niveau du DEA ou du DESS. Il visait un double but. Le premier était d’introduire des étudiants qui n’étaient pas juristes et qui ne se destinaient pas aux professions juridiques, à une discipline qui joue un rôle important dans le monde musulman voisin. Il fallait donc décrire les grandes lignes du droit classique en expliquant la terminologie et il n’était pas question de pousser trop loin le détail juridique. Le second but était d’amener les étudiants à “problématiser” un corps de doctrines donné comme monolithique et immuable, c’est-à-dire à mieux comprendre sa formation, son évolution, sa diversité, sa situation actuelle et le rôle qu’il joue dans les débats contemporains.
2En réécrivant mon cours, j’ai dû naturellement mettre largement à contribution les auteurs qui ont travaillé aussi bien sur le droit musulman que sur l’histoire et la sociologie des pays islamiques, effectuant une démarche, explicitée dans le chapitre premier, qui est celle de l’historien anthropologue. Bien sûr, je suis plus à l’aise dans certains chapitres que dans d’autres. Evidemment je n’ai pas tout vu, ni tout lu. Qui le pourrait ? D’ailleurs il n’était pas nécessaire de trop en dire pour un manuel. J’espère cependant avoir vu l’essentiel et n’avoir pas écrit cet ouvrage trop tôt. Mais, ayant fini par comprendre que le scrupule de compétence ne cesse de croître avec le temps, en même temps que diminue la prétention d’avoir quelque chose à dire, il fallait se décider à écrire, pendant qu’il me restait encore quelque immodestie.
3Dans ce travail de réécriture, j’ai cherché à serrer de plus près les textes arabes, anciens et modernes, quelques-uns du moins, d’abord dans le but d’introduire l’étudiant à la lecture des sources, mais surtout pour refléter une mentalité, un esprit, y compris dans son état moderne. On ne saurait exposer le droit musulman en se fondant uniquement sur les textes anciens, ni sur les travaux (fort utiles !) des orientalistes de la précédente génération, encore moins sur les plus récents, trop portés sur la spéculation. Il m’a semblé nécessaire de faire droit aux auteurs musulmans contemporains, même si je ne peux prétendre bien les connaître, ni les connaître tous.
4J’ai cru aussi devoir accorder à l’histoire du droit musulman la place qu’elle méritait, la moitié de l’ensemble. C’est une discipline essentielle, sans laquelle on est condamné à ne rien comprendre non seulement à la doctrine ancienne, mais encore à la situation actuelle. La partie historique, ayant pris de plus en plus d’ampleur, j’ai résolu, avec l’accord du directeur des Presses Universitaires d’Aix-Marseille, M. Garcin, que je remercie au passage, de la publier six mois avant l’autre en un premier tome. On remarquera que je me suis efforcé d’entrer réellement dans l’histoire du droit musulman, dans la complexité de l’histoire des dynasties et des auteurs, et que j’ai refusé d’en rester à des généralités sur le “fixisme” du droit musulman. C’est le travail de Henri Laoust (Les schismes dans l’islam) qui m’a servi de modèle, et je reconnais volontiers ma dette à l’égard de ce grand orientaliste français.
5La partie juridique formera le tome II Étant donné que je n’ai aucun a priori positiviste ou laïciste sur la nature de ce qui est juridique, je me suis efforcé d’aborder toutes les matières, c’est-à-dire les fondements méthodologiques (usûl) du droit musulman, et toutes ses branches (furû’), lesquelles comprennent aussi le culte, le califat, le jihâd et le droit pénal. Le droit musulman, le fiqh, c’est tout cela, et il n’est pas limité au seul droit privé. Dans le même esprit, j’ai voulu donner une idée de la diversité des positions des écoles (ou des rites) juridiques. En regard des doctrines dominantes (hanéfite et malékite), j’ai évoqué les principales divergences des autres rites sunnites et, dans une bien moindre mesure, chiites et ibadite. Je me suis efforcé encore de ne pas négliger la pratique : j’ai essayé de donner une idée de l’application diversifiée du droit musulman dans le monde arabe, hier et aujourd’hui, et dans quelques unes des régions que je connais un peu ou sur lesquelles j’ai fait des lectures. Ici, vu l’immensité du sujet, je ne pouvais songer qu’à indiquer quelques pistes. Je sais bien que parler de “l’application du droit musulman” peut paraître une démarche trop classique, voire désuète pour certains anthropologues. Je renvoie sur ce sujet à mon introduction.
6L’étudiant ne doit pas s’attendre à trouver dans ce travail autre chose qu’un guide pour ses premiers pas. Il doit très vite fournir sa part de recherches, de trouvailles, de réflexions personnelles. Je lui recommanderais deux choses. La première, c’est de ne pas chercher à trouver dans le droit musulman les preuves de la supériorité ou de l’infériorité de l’islam : l’esprit militant est ce qui se fait de mieux pour rendre aveugle et sourd au bon sens scientifique le plus élémentaire. La seconde est de se méfier des résumés, aussi excellents soient-ils, qu’ils soient traduits de l’arabe ou faits en français, et d’abord de l’ouvrage qu’il tient en mains. Il devra leur préférer la lecture des grands textes sources qu’il lui faudra comprendre à la lumière de l’histoire, de l’anthropologie, de la sociologie religieuse, etc. Il devra surtout comparer avec ce qui s’est fait dans d’autres civilisations, cela est la clef, à mon sens, d’une bonne compréhension de ce qu’est le droit musulman. Des bibliographies choisies l’aideront dans ses premières recherches.
7Aix-en-Provence, janvier 2000
8P.S. Il est certain que cet ouvrage comporte des erreurs, des lacunes et des points de vue discutables. En vue d’une nouvelle édition corrigée, je serais très heureux de recevoir les remarques de ceux qui me liront, en particulier des étudiants. J’en tiendrai le plus grand compte. Merci donc de m’écrire à l’IREMAM, 3-5 avenue Pasteur, 13617 Aix-en-Provence Cedex 1.
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Droit musulman
Ce livre est cité par
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- El Krirh, Khatima. (2022) El principio de la doble incriminación en la cooperación judicial internacional. La traducción de los delitos Ḥudūd del árabe al español. Anaquel de Estudios Árabes. DOI: 10.5209/anqe.78613
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