Chapitre II. La Responsabilité
p. 257-344
Texte intégral
1Le droit uniforme a élaboré des disciplines à la fois générales et spéciales relativement à la question de la limitation de la responsabilité.
2Si les systèmes de limitation peuvent être multiples, il y a pourtant une certaine uniformité acquise dans le principe de la limitation de la responsabilité du « propriétaire de navires »781.
3Ces systèmes, bien qu’ils soient caractérisés par des différences parfois importantes, se réfèrent toujours, au fond, à ce principe commun, qui représente en fait une institution fondamentale du droit maritime.
4Ce principe caractérise en effet un certain nombre de conventions internationales visant à l’unification du droit dans ce domaine.
5Même si les rédacteurs de ces conventions internationales se sont référés aux « principes généraux » du droit maritime, certains aspects de la matière restent encore affectés par une carence absolue d’uniformité en l’état actuel du droit positif. L’exemple le plus emblématique de ce problème est constitué par l’identification des sujets bénéficiaires de la limitation de la responsabilité, ce qui entraîne, du coté passif de l’obligation en réparation, la préalable identification de ceux qui doivent supporter les risques de l’exploitation du navire et doivent, par là, en être fait responsables.
6Le lien entre le droit à la limitation de la responsabilité et le critère de rattachement de celle-ci à celui qui bénéficie de cette limitation est évident. Quel sens aurait une norme qui prévoirait une limitation de responsabilité pour une personne qui ne serait pas responsable du fait dommageable ?
7Le critère de rattachement de la responsabilité est généralement « subjectif » et personnel, c’est-à-dire fondé sur la faute personnelle. Cependant, il y a des cas de responsabilité dite « objective » où l’on ne peut adresser aucun reproche au sujet qui est pourtant rendu responsable par la loi (responsabilité ex lege). La question est alors celle de savoir quels sont les critères de rattachement de la responsabilité.
8On dira que ce critère est constitué par le principe général selon lequel chacun répond des conséquences du risque créé par sa propre activité782. L’activité maritime qui nous préoccupe, étant l’exploitation du navire, le risque ne devrait donc en principe n’être supporté que par l’exploitant, c’est-à-dire l’armateur783.
9Pourtant les textes traditionnels visent la responsabilité du propriétaire de navires tout court, bien que celui-ci puisse, en réalité, ne pas être l’exploitant du navire.
10Originairement, depuis l’Ordonnance de la Marine de 1681, la limitation de la responsabilité était prévue seulement pour le propriétaire du navire, qui était responsable pour les faits du capitaine784.
11Ce système méconnaissait la pratique du commerce maritime moderne, selon laquelle le propriétaire gérait de moins en moins le navire, en le faisant exploiter par autrui à travers des contrats d’affrètement. Ces contrats font partie, dans la doctrine traditionnelle785, d’une catégorie générale de contrat dont le contenu dépend des obligations réciproques concordées entre les parties, mais qui a toujours pour objet le navire et son exploitation. On distingue alors entre des contrats différents, qui vont de l’affrètement au voyage, dans lequel la gestion nautique et commerciale est entièrement sous la dépendance du fréteur et dans lequel l’affréteur n’est donc certainement pas armateur, au contrat de time charter786, dans lequel le fréteur conserve la gestion nautique alors que la gestion commerciale passe à l’affréteur (ces deux types contractuels étant regroupés en droit anglais sous la notion de charters without demise). Il y a aussi le contrat d’affrètement à coque nue, (charter with demise) où l’affréteur prend le navire armé et équipé seulement du point de vue matériel sans équipage, lequel sera choisi par lui et restera sous son autorité787. Dans le cas du time charter ou dans celui du contrat d’affrètement à coque nue, on parle habituellement d’affréteur-armateur. Dans la dernière hypothèse, l’affréteur a, en fait, soit la gestion nautique soit la gestion commerciale du navire788 et en est donc sans doute armateur789. Dans le time charter, la qualité d’armateur qui lui est généralement reconnue est justifiée puisqu’il est le vrai exploitant commercial du navire, le fréteur se désintéressant de savoir comment l’affréteur utilise le navire pendant la durée du contrat790. Mais il y a d’autres cas dans lesquels l’armateur est une personne différente du propriétaire. Il s’agit par exemple de l’usufruitier du navire ou de celui qui est chargé de la gestion du navire par les copropriétaires, dit aussi armateur - gérant791.
12Les qualités d’armateur et de propriétaire pouvant ainsi être distinctes, le problème se pose alors de justifier la résistance du rattachement de la responsabilité, soit pour les délits et quasi délits des gens de l’équipage soit pour les contrats stipulés par le capitaine, au propriétaire du navire ayant cédé à autrui l’exploitation du navire. Cela est encore plus vrai pour ce qui concerne les contrats stipulés par le capitaine dans les limites de ses mentions, qui rattachent leurs effets à l’armateur dont il est mandataire et avec lequel il est étroitement lié par le rapport de représentation792.
13On a essayé de justifier, en doctrine, la responsabilité du propriétaire face aux faits des gens de l’équipage en tant que ceux-ci seraient les préposés du premier selon la théorie de la responsabilité objective. Le propriétaire serait ainsi le responsable des dommages causés par sa propre chose puisque il tire les avantages économiques de celle-ci (ubi commoda ibi incommoda). Mais le propriétaire profite de ces avantages en tant qu’armateur exploitant le navire. Lorsque ces deux qualités ne sont pas réunies dans la même personne, c’est l’armateur qui devrait supporter le risque de sa propre activité d’exploitation du navire. A moins qu’on ne veuille voir ces avantages dans le prix que le propriétaire tire de la cession de l’exploitation du navire à autrui793, il n’y a pas de justification rationnelle dans le rattachement de la responsabilité à celui-ci quand il n’est pas l’armateur794.
14La raison est alors tout simplement dans quelques données de fait. Premièrement il y a une raison historique pour laquelle l’ancien droit maritime avait visé la responsabilité exclusive des propriétaires des navires, qui les exploitent normalement795. Deuxièmement parce que, l’acte de francisation étant au nom du propriétaire, les tiers ne connaissent que celui-ci, qui serait alors une sorte d’armateur putatif responsable à leurs yeux des suites de l’exploitation du navire796.
15Ce problème a été résolu en droit italien par la publicité de la qualité d’armateur797 (déclaration d’armateur), en absence de laquelle le propriétaire est présumé être l’armateur798 et est donc assujetti à la responsabilité qui lui incombe. Faute d’une pareille norme, le navire appartenant au « propriétaire » est censé garantir les obligations d’autrui (l’armateur) et, employant les mots utilisées par la doctrine pandectiste allemande799, le patrimoine du propriétaire est ainsi constitué en garantie (Haftung) pour satisfaire les créditeurs maritimes des obligations de l’armateur, qui, seul, est partie au rapport obligatoire subjectif (débiteur ou Schuldner). Cela découle en droit français et en droit anglo-saxon des textes qui visent expressément la responsabilité des propriétaires de navires envers les tiers endommagés par le navire. En droit français, d’ailleurs, leur est reconnu le droit à l’action récursoire à l’encontre de l’armateur exploitant, en tant que vrai commettant de l’équipage.
16De la même façon, le navire appartenant au propriétaire est l’objet des privilèges maritimes. Le propriétaire est ainsi grevé des charges réelles sur son patrimoine par conséquence des actes de tiers (armateur ou gens du navire préposés de celui-ci), ce qui ne serait pas concevable en droit commun800.
17Celle-ci étant la conception doctrinale française et anglo-saxonne, qu’en est-il du droit uniforme visant l’unification du droit maritime dans ce domaine ?
18En droit uniforme, la convention de Bruxelles de 1924 sur l’unification de certaines règles sur la limitation de la responsabilité des propriétaires de navire élargissait le bénéfice à l’armateur non propriétaire et à l’affréteur principal, sans distinguer entre les types d’affrètement.
19La convention de Bruxelles de 1957 l’a encore élargie à l’affréteur, à l’armateur et à l’armateur gérant (article 6.2). Ici aussi l’affréteur est cité sans faire aucune différence entre les types d’affrètement.
20Dans la Convention on Limitation of Liability for Maritime Claims de 1976 (LLMC), l’affréteur est cité, une fois de plus, sans distinguer selon qu’il soit affréteur - armateur ou affréteur simple, et la liste des bénéficiaires est encore élargie, mais le système a désormais changé. Le sujet traité expressément par les rédacteurs, depuis le titre de la Convention, n’est plus la limitation de la responsabilité du coté passif de l’obligation, mais plutôt du coté actif, relativement à la limitation de certaines créances maritimes, dans le but de donner une limite aux risques qu’un certain nombre de personnes supportent en relation à l’exploitation du navire, pour en favoriser l’assurance à des primes raisonnables. Dans la liste des bénéficiaires de la limitation on trouve aussi le navire, comme dans la version de 1957801. Cela constitue l’un des compromis entre les différentes cultures juridiques de common et de civil law, concernant les procédures d’actio in rem connues dans l’Admirality Jurisdiction.
21Bien qu’en réalité on ait douté802 que le but poursuivi soit réellement celui de créer un système fondé sur une assurance équilibrée des risques de l’exploitation commerciale du navire « de mer »803 plutôt qu’un bénéfice accordé à la classe des armateurs, les travaux préparatoires de la LLMC font plusieurs fois renvoi à ce concept, en soulignant l’importance de la prime d’assurance sur le montant du fret804. La relation entre le système prévu par cette dernière convention et le marché des assurances est d’ailleurs renforcée par une résolution adoptée le 25 novembre 1999 par l’Assemblée de l’OMI805 , dans laquelle il était recommandé aux shipowners d’assurer eux-mêmes leur responsabilité.
22On peut remarquer que le nombre de sujets qui bénéficient de la limitation de la responsabilité a été élargi à une liste de personnes énumérées dans l’article 1 LLMC et qu’on a voulu sauvegarder d’une responsabilité illimitée face aux risques économiques de la navigation. Si du coté passif de l’obligation en réparation on a la liste fournie par la LLMC visant les bénéficiaires, du coté actif on en a une autre, visant les créances assujetties à limitation806. Le système de limitation - celle du propriétaire de navires - a donc été techniquement renversé du coté passif au côté actif, qui tient compte de la limitation des créances maritimes.
23Mais la limitation, qu’elle vise le coté actif (l’intérêt du créancier) ou passif (l’étendue de la responsabilité du débiteur), concerne au fond toujours le même rapport obligatoire. Il s’agit des deux « faces de la même médaille », la limitation de la créance emportant la diminution corrélative de la dette du débiteur et la limitation de sa responsabilité par conséquence807.
24Si la limitation des créances est toujours une limitation de la responsabilité, on peut se demander s’il convient de sauvegarder les principes généraux que la doctrine traditionnelle avait identifiés ou si ce nouveau système, constituant aujourd’hui le droit uniforme dans ce domaine, doit être considéré comme quelque chose de différent.
25La réflexion est en effet nécessaire en vue de l’unification du droit maritime dans ce domaine. Une ligne de pensée claire est le point de départ de toute législation et interprétation uniforme. Si la réponse est positive, on ne devra pas alors s’arrêter à la limitation des créances, mais il faudra considérer au fond le critère sur la base duquel doit être rattachée la responsabilité, son fondement étant le risque créé par l’exploitation du navire. Le critère de rattachement de la responsabilité à celui qui doit supporter le risque de l’exploitation du navire, c’est-à-dire à l’armateur, peut alors constituer l’un des principes fondamentaux auxquels on aura recours en cas de doutes interprétatifs.
26L’article 1 de la LLMC qui vise le seul affréteur avait posé des problèmes d’interprétation. Il était en fait possible, sur la base de la lettre du texte, de faire valoir la limitation par l’un des bénéficiaires, affréteur non armateur, même à l’encontre de l’armateur. Faute d’une interdiction par la lettre de la convention la solution devait être trouvée dans les principes généraux régissant la LLMC. Ne serait-il pas contraire à l’esprit de l’institution même de la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires d’admettre cette limitation à l’encontre de l’armateur, qui est celui auquel les rédacteurs de la règle, vue la coexistence usuelle des qualités de propriétaire et d’armateur à l’époque dans laquelle ils légiféraient, avaient songé en premier ? Si tel était le cas, serait ainsi justifiée la réduction de la notion d’affréteur au sein de la LLMC au seul affréteur - armateur, l’affréteur au voyage808 ne pouvant donc bénéficier de la limitation809.
27Cette solution est celle qui peut être donnée en rattachant la LLMC à une construction doctrinale cohérente du concept de la responsabilité et du principe général de sa limitation, fondée d’ailleurs sur la méthode comparatiste fonctionnelle et diachronique. Certains juristes affirment d’ailleurs que le nouveau traité est, par contre, complètement détaché de ceux-ci.
28On a en fait observé à maintes reprises que cet instrument répondrait plutôt aux critères de l’assurance du risque et aux critères d’économicité de l’activité de transport maritime (auquel serait pragmatiquement reconduite l’exploitation du navire) qu’aux données fondamentales de la responsabilité telles qu’on peut les tirer de la doctrine traditionnelle. Avec la maîtrise des risques de l’exploitation du navire on poursuivrait alors la réalisation de la baisse des primes d’assurance et par là on pourrait favoriser le commerce maritime en général, et ce également au bénéfice des chargeurs. La règle de la tradition étant, au contraire, exclusivement prévue au bénéfice des propriétaires (constituant la classe armatorielle), cela a bientôt conduit une partie de la doctrine à dénier, peut être trop rapidement, qu’il s’agisse d’une « convention sur la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires »810 .
29Mais on peut alors se demander comment la limitation de la responsabilité peut être considérée en tant que droit, séparément du critère de rattachement de cette responsabilité. Le droit à la limitation ne peut exister que corrélativement à l’existence de ce qu’il faut limiter, c’est-à-dire la responsabilité, dont les critères de rattachement identifient aussi les sujets susceptibles d’être bénéficiaires du droit à la limitation. Il y a une correspondance nécessaire entre les bénéficiaires de ce droit et les sujets auxquels la loi rattache la responsabilité, les premiers pouvant à la limite être seulement une partie des derniers, selon le choix du législateur.
30Cependant et si la réponse réside dans le fait que le système uniforme produit par la LLMC visant à l’unification du droit maritime dans ce domaine est désormais détaché de la question de la qualité de l’exploitant du navire et découle de principes nouveaux comme ceux qu’on peut tirer de l’assurance maritime, il faudra tout de même rechercher et classer ces nouveaux principes, pour regrouper conceptuellement les cas prévus par la convention811. Faute de cette opération scientifique, toute énumération de cas prévue par la LLMC deviendrait purement taxonomique, ce qui empêcherait la création d’un vrai système de droit dont les inévitables lacunes pourraient être comblée grâce à une interprétation uniforme.
31Cela ayant été arrêté pour le système général de limitation, il faut rappeler qu’il existe des systèmes spécifiques qui ont été créés par le législateur de droit uniforme, surtout dans le but de protéger l’environnement marin. Il faudra alors en analyser les rapports avec le système général, en étudiant dans un premier temps la question de la limitation de la responsabilité en général (section 1), puis dans un deuxième temps celle des propriétaires de navires (section 2). À ce titre, il conviendra enfin de préciser les contours de la notion de propriétaire de navires (section 3).
SECTION 1. L’INSTITUTION DE LA LIMITATION DE LA RESPONSABILITÉ
32La limitation de la responsabilité de l’armateur est une institution très ancienne du droit maritime.
33Elle était pourtant inconnue au droit romain812, dans lequel, pour la plupart de la doctrine, l’exercitor navis répondait avec tous ses biens aux dettes qui résultaient de son activité.
34L’institution s’est développée probablement à partir de l’époque « associative » du droit maritime, c’est-à-dire au Moyen Age, quand plusieurs personnes participaient ensemble à l’aventure maritime et en partageaient les risques. Il s’agissait le plus souvent des commerçants eux-mêmes, qui embarquaient pour accompagner leurs marchandises813. Après, ils se faisaient remplacer par une personne à bord du navire qui songeait à leurs intérêts. Ce n’est que plus tard que cette tâche a été laissée au capitaine du navire. Mais ce dernier n’était pas toujours le propriétaire du navire. Ainsi, en cas d’incident, sa responsabilité pouvait-elle être pleinement engagée ? C’est alors le problème de la limitation de la responsabilité qui s’était posé (§ 1) et se pose encore aujourd’hui (§ 2).
§ 1. Un ancien débat : limitation de la responsabilité ou limitation de la dette ?
35Le débat sur la nature juridique de la limitation de responsabilité occupe depuis longtemps la doctrine.
36Bien que la réponse soit subordonnée au régime juridique applicable, des remarques d’ordre général s’imposent pour éclaircir les termes d’une dispute qui, peut-être, aurait pu être évitée.
37Premièrement il faut rappeler que ceux qui ont soutenu la thèse de la « limitation de la dette » ont bien fait attention de préciser qu’il s’agissait de la dette globale du propriétaire de navire. C’est ainsi que s’était exprimé, par exemple, le législateur italien lors de la Relation au Code de la navigation (n. 153), où il avait précisé son refus volontaire de reproduire la Convention de Bruxelles de 1924 sur la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires. En observant la mise en œuvre de la limitation814, on peut remarquer qu’il n’y a pas une limitation des dettes singulièrement considérées. Un plafond est établi pour la satisfaction des créditeurs alors que les créances privilégiées gardent leur rang, certaines d’entre elles étant satisfaites en entier tandis que d’autres ne seront même pas prises en compte.
38Ainsi les termes de limitation de responsabilité et de limitation de la dette apparaissent réciproques et complémentaires (A). Ils doivent cependant être distingués (B).
A. Réciprocité et complémentarité des deux concepts
39En observant la véritable essence de la responsabilité et celle de la dette, on remarque leur complémentarité.
40S’il est bien vrai qu’on peut être responsable sans pour autant être débiteur d’une obligation, on peut aussi être débiteur sans être responsable815.
41L’étendue de la responsabilité pouvant être plus large que celle de la dette816, cela n’empêche pas que les deux concepts sont réciproques, toute limitation de la dette globale du débiteur emportant une limitation de sa responsabilité et toute limitation de la responsabilité entraînant une limitation de la dette totale de celui-ci.
42Il s’agit au fond toujours du même phénomène, qu’on l’appelle limitation de la dette globale ou limitation de la responsabilité.
43Cependant une distinction peut être entrevue.
B. L’espace restant pour une distinction
44Depuis l’évolution du droit uniforme, la nécessité d’une convergence des concepts et des notions pour poursuivre l’unification du droit maritime et son interprétation uniforme, a réduit l’intérêt pratique de cette distinction qui demeure purement doctrinale.
45Les textes de droit uniforme parlent toujours de « limitation de la responsabilité du propriétaire de navire ». Face à un intitulé qui reste le même, le droit uniforme a pourtant réglé la question dans les Conventions internationales de façon tout à fait différente, en prévoyant des systèmes de limitation fortement distincts.
46Cependant, le but visé par ces systèmes étant au fond identique puisqu’il tend à accorder aux armateurs un bénéfice face aux intérêts de leurs créditeurs, on peut se conformer à l’expression « limitation de la responsabilité » et ce dans un souci d’uniformité. Précisons tout de même que nous avons bien conscience qu’il s’agit d’une notion qui regroupe des disciplines techniquement différentes.
§ 2. Intérêt actuel de la distinction
47L’intérêt actuel de la distinction est définitivement compromis par une réglementation récente en droit uniforme, qui ne vise plus la limitation de la responsabilité du coté passif de l’obligation, mais qui concerne la limitation des créances du coté actif (A).
48Il faut tout de même se demander s’il y a un espace qui reste pour une construction doctrinale du concept de limitation de la responsabilité dans le domaine du droit maritime (B).
A. La solution pragmatique de la convention de Londres de 1976 sur la limitation des créances maritimes
49Le système mis en place par la dernière Convention internationale visant la matière (LLMC) est fondé sur la limitation des créances maritimes.
50Le débiteur de l’obligation n’est plus au centre du système, qui concerne expressément les intérêts des créditeurs, dont les créances demeurent limitées. Ces créances font l’objet d’une liste, qui représente d’une façon taxonomique les situations assujetties à la discipline prévue par la Convention817.
51L’intérêt pratique de la discipline est la baisse des primes d’assurance, par l’établissement des limites « incassables », dont peut aussi se prévaloir 1 assureur818.
52Est-il le signe d’un abandon de la thématique concernée par tous les instruments précédents visant l’institution de la limitation de la responsabilité ?
B. L’espace restant pour une construction doctrinale du concept général de limitation de la responsabilité dans le domaine du droit maritime
53Bien que certains auteurs aient parlé de la LLMC comme une Convention internationale qui n’est pas une « Convention sur la limitation de la responsabilité du propriétaire de navires », il faut bien se garder des conclusions trop hâtives.
54La LLMC limite certes créances maritimes, mais parle aussi expressément de « limitation de la responsabilité », soit lorsqu’elle vise les bénéficiaires de la discipline819, soit lorsqu’elle pose les limites820, soit encore lorsqu’elle prévoit la mise en œuvre de la limitation par la constitution d’un fonds821. Elle affirme même que la « limitation de la responsabilité » peut être invoquée sans le fonds de limitation822. Il ne faut donc pas être trop pressés de se libérer d’une notion qui a si fortement caractérisé le droit maritime et qui est encore prégnante.
55Il faudra ainsi mettre en évidence les raisons qui justifient la survivance de cette notion, puis il sera important d’aller voir le rôle qu’elle joue dans le droit positif en vigueur. À l’issue de cette analyse, on se posera la question de la construction doctrinale moderne qui doit être donnée à cette notion de « limitation de la responsabilité du propriétaire de navires » qu’on a ainsi décidé de maintenir.
56Cette analyse suppose également une étude des critères de rattachement de la responsabilité, dans laquelle il faudra approcher la problématique inhérente à la notion de « propriétaire de navire », telle que posée en droit uniforme.
SECTION 2. LA LIMITATION DE LA RESPONSABILITÉ DES PROPRIÉTAIRES DE NAVIRES DANS LE DROIT UNIFORME
57Ce sujet, qui est l’un des plus importants du droit maritime du coté des intérêts des armateurs, a fait l’objet de plusieurs conventions internationales visant l’unification du droit maritime.
58À chaque fois, les conférences diplomatiques qui devaient approuver les conventions ont été précédées de travaux préparatoires minutieux. Cette tâche a tout d’abord été entreprise grâce au travail du CMI, qui a élaboré le brouillon des conventions de Bruxelles de 1924 et de 1957, et ensuite grâce au travail coordonné du CMI et du Legal Committee de l’OMI (à l’époque OMCI), qui a abouti à la rédaction de la LLMC de 1976.
59Les méthodes adoptées dans les conventions concernées étant tout à fait différentes, il est opportun de brièvement examiner séparément les différents systèmes possibles de limitation (§ 1) avant d’en apprécier l’application concrète qui en a été faite par les rédacteurs du droit uniforme (§ 2).
§ 1. Les systèmes de limitation de la responsabilité
60Il y a une pluralité de méthodes dans lesquelles la limitation de la responsabilité peut être mise en œuvre et chaque convention a adopté celle paraissant à l’époque de son édification la plus appropriée.
61En dehors des conventions internationales, on a aussi des systèmes nationaux et « d’unification régionale », comme les instruments qui se posent au niveau fédéral aux États-Unis et dans lesquels ces méthodes ont été mélangées. Aux États-Unis c’est le cas par exemple de la Limitation of vessel owner’s liability, 46 U.S.C. shipping sections 181 - 196, dont on examinera brièvement le traits principaux.
62La plus ancienne de ces méthodes consiste en l’abandon en nature de la « fortune de mer » (A). Avec cette expression, on se référait au navire et au fret en tant que patrimoine sur lequel les créditeurs maritimes avaient droit de se satisfaire à l’exclusion des autres biens du débiteur, dont la responsabilité était ainsi limitée. Il restait à expliquer pourquoi le propriétaire était fait responsable pour les obligations dérivant des fautes ou des contrats passés par le capitaine, quand celui-ci était au service d’un affréteur. En ce qui concerne l’affréteur, pour lequel la limitation a été ensuite élargie, le seul intérêt de celui-ci dans la « fortune de mer » était constitué par le droit au fret. Le navire assujetti à l’abandon, puisque faisant partie du patrimoine du propriétaire, aurait à la limite dû être constitué en garantie (Haftung) pour satisfaire les créditeurs maritimes des obligations de l’affréteur-armateur, qui, seul, était partie au rapport obligatoire subjectif (débiteur ou Schuldner)823.
63Le patrimoine du propriétaire a été par contre attaqué de façon directe, cela ayant été expliqué dans différentes manières824.
64Les insuffisances de ce système, dans lequel les victimes pouvaient se voir dépourvues de tout droit en réparation lorsque le seul bien sur lequel elles auraient pu se satisfaire avait coulé au fond de la mer, ont conduit à l’adoption des systèmes ad valorem, proposant une somme correspondante à la valeur du navire, et tarifaires ou forfaitaires, dans lesquels le navire est pris seulement en tant que paramètre sur lequel est calculé le montant d’un fonds, auquel est limitée la responsabilité des débiteurs concernés par le droit uniforme.
65Il y a donc eu abandon du système de la « fortune de mer » (A), au profit de celui dit « ad valorem » (B) ou des systèmes mixtes (C).
A. Le système de l’abandon de la « fortune de mer »
66Le système de l’Ordonnance de la Marine de 1681825 a été repris après, sous la même formulation, par l’article 216 du code de commerce français826 et par l’article 311 de l’ancien code de commerce italien.
67Les raisons de ce système étaient liées à la réalité du commerce maritime à l’époque dans laquelle il a été adopté827. Il s’agissait d’un commerce où le propriétaire exploitait lui même son navire, parfois en des formes associatives, dans lesquelles les marchands réunissaient leurs énergies économiques pour former une expédition maritime, à laquelle ils confiaient leur marchandises, qui constituaient alors toutes ensemble la « fortune de mer ». Ces marchands, très souvent, accompagnaient leurs marchandises sur le navire jusqu’à destination828, à cause de leur méfiance envers le capitaine qui, loin du propriétaire du navire, dans l’immensité de la mer, sans possibilité d’une communication immédiate avec ce dernier, aurait pu les vendre dans n’importe quel port en simulant après une avarie commune ou, pire, aurait pu disparaître avec tout le vaisseau. Cette méfiance devait ainsi conduire le propriétaire du navire à pouvoir limiter sa responsabilité envers les dettes notamment pour celles découlant des contrats stipulés par le capitaine au profit de l’expédition maritime et pour toute autre responsabilité découlant de l’exploitation du navire qui n’était pas imputable à sa faute personnelle.
68Il s’agit d’un système qui vise l’abandon en nature de la « fortune de mer » en tant qu’objet de l’aventure maritime (dont encore on conserve le souvenir dans l’expression « expédition maritime ») aux créditeurs maritimes, pour éviter un risque supérieur au patrimoine investi.
69Il n’en va pas de même dans les autres systèmes.
B. Les systèmes « ad valorem » et tarifaires
70Selon le Professeur Righetti829, le système « ad valorem » est celui dans lequel la responsabilité est fixée en une somme correspondante à la valeur du navire et de ses accessoires.
71Dans ce système, la satisfaction du créditeur ne portera donc pas sur la res « navire » comme dans l’abandon en nature, mais sur une somme correspondante à sa valeur.
72Tel qu’il vient d’être décrit, ce système ne fut adopté que par le Royaume Uni en 1733 et fut définitivement abandonné et substitué avec le Merchant Shipping Act de 1862, qui établit un système forfaitaire.
73Un système ad valorem « corrigé » est par contre utilisé par le code de la navigation italien, qui constitue dans ce domaine une exception soit par rapport aux autres systèmes nationaux soit aux conventions de droit uniformes dans le domaine visé, auxquelles, en fait, l’Italie ne participe pas830.
74Le système forfaitaire, ou tarifaire, calculé sur le tonnage831 du navire et avec une limite de base832 a été adopté par les codifications uniformes les plus récentes (convention de Bruxelles de 1957 et LLMC de 1976). Ici aussi le mode de calcul peut varier, mais le système reste le même, avec une indemnisation forfaitaire de l’endommagé, calculée normalement sur la base du tonnage du navire.
75Après avoir envisagé l’étude de ces deux systèmes, il faut préciser ce qu’il en est des systèmes mixtes.
C. Les systèmes mixtes
76Le premier système de droit uniforme, la convention de Bruxelles de 1924 sur l’unification de certaines règles sur la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires, est considéré comme un système mixte833, car il emploie une limitation ad valorem pour quelques espèces d’obligations et une limitation tarifaire pour d’autres.
77Un autre système mixte, dont l’importance à l’heure actuelle du droit positif est majeure par rapport au précédent, est celui adopté par les États-Unis.
78Les États-Unis, comme l’Italie, n’ont pas ratifié les conventions de droit uniforme dans le domaine visé. Les États-Unis ne participent pas non plus à la CLC 1969 sur la responsabilité du propriétaire du navire pour pollution par hydrocarbures. Leur système de limitation est constitué par le Limited Liability of Shipowners Act de 1851, modifié en 1935 et 1936. Le système est mixte en ce sens que le shipowner et le demise-tharterer834 - seuls bénéficiaires de la limitation - peuvent choisir entre le système ad valorem835 ou celui de l’abandon836.
79Il faut remarquer que, sauf en cas de mort ou lésions corporelles, le système américain se réfère, comme l’italien, aux obligations survenues au cours du voyage, qui sont toutes réunies pour être satisfaites sur un fonds unique837. En cas de mort ou lésions corporelles, un montant de 420 dollars par tonne doit de toute façon être garanti pour les victimes838.
80Ce qui caractérise davantage le droit américain dans le domaine visé est, cependant, l’approche critique envers l’institution de la limitation de la responsabilité. Pour cette raison, entre 1953 et 1966, sur 166 demandes de limitation, le bénéfice a été accordé à 63 cas seulement839. Il s’agit d’ailleurs d’une approche qui concerne les tribunaux français aussi, dans leur interprétation de la « faute inexcusable », qui emmène le système judiciaire français à dénier le bénéfice de la limitation aux armateurs, dont l’image n’est souvent pas celle de l’impécuniosité, dans un certain « isolationnisme juridique »840 dans le domaine visé, par rapport à l’interprétation uniforme qui devrait, selon les travaux préparatoires, être donnée au texte de l’article 4 de la LLMC841. On a cependant observé, à ce propos, que les démarches jurisprudentielles les plus récentes tendent, par contre, à rapprocher, au niveau de la law in action, les disciplines légales différentes, dans une sorte de creeping uniform interpretation842.
§ 2. Les conventions internationales sur l’unification du droit maritime dans le domaine de la responsabilité
81Il nous faut maintenant examiner les systèmes qui ont été adoptés par les différentes conventions pour l’unification du droit maritime dans le domaine de la responsabilité.
82Dans cette analyse, on s’occupera tout d’abord des conventions ayant pour but direct l’unification des règles concernant la limitation de la responsabilité du propriétaire du navire et, particulièrement, du dernier instrument uniforme visant la limitation des créances maritimes. Puis, on examinera les conventions qui concernent cette limitation d’une façon indirecte, ayant pour but l’unification de ces règles dans le domaine spécifique de la pollution, qui constitue l’un des risques les plus graves de l’exploitation du navire, entraînant la responsabilité du propriétaire.
83Cette analyse suppose l’existence de deux groupes qui règlent au fond la même question concernant la limitation de la responsabilité. Le premier groupe, alors, vise un système général de limitation de la responsabilité, applicable chaque fois que les conditions d’application des conventions du deuxième groupe ne sont pas remplies. Par conséquent, les conventions de ce deuxième groupe s’appliquent dans un domaine plus restreint et constituent un véritable système spécifique. Ce système s’applique immédiatement dès lors que les conditions sont remplies et évince l’application du système général.
84Ce système trouve notamment une illustration avec les conventions sur la préservation de l’environnement dans le milieu marin et est aussi reconnu dans le texte de la convention de 1982 sur le droit de la mer843, dont l’article 237 concerne les rapports avec les autres conventions dans ce domaine et pose ainsi une lex specialis par rapport à l’article 311, visant les rapports entre la convention et les autres traités internationaux. En préservant les obligations contractées par les États dans des accords précédents, l’article 237 dispose dans son alinéa 2 que ces obligations doivent être exécutées d’une façon compatible avec les principes généraux et les objectifs de la convention sur le droit de la mer, référence faite à la douzième partie de la convention, spécifiquement dédiée à la préservation du milieu marin. Cette spécificité est aussi exprimée par rapport aux conventions futures dans ce domaine, qui devront respecter les principes généraux de la convention (alinéa 1). On a d’ailleurs pu interpréter cet article de la convention de Montego Bay comme la règle lui conférant la qualité de convention-cadre dans le milieu de la préservation de l’environnement marin844, qui impose le respect de ses principes soit aux accords futurs soit dans l’exécution des obligations précédemment contractées, constituant ainsi une source permanente d’unification du droit et d’interprétation uniforme dans le domaine concerné. De plus, la convention se réfère aux « règles et standards généralement acceptés établis par l’organisation internationale compétente ou par une conférence diplomatique »845 en tant que critère de conformité des législations nationales à sa propre réglementation. Par ce renvoi elle se réfère alors, sans doute, aux conventions internationales qui comptent un nombre considérable d’États contractants, comme les principaux traités sur l’unification du droit dans le domaine concerné.
85La convention sur le droit de la mer constitue sans aucun doute l’un des plus grands instruments internationaux de l’histoire. Elle élargit à tous les pays contractants846 l’application des règles issues des principaux traités sur l’unification du droit pour la préservation du milieu marin, à travers la combinaison du disposé de son article 237 et dudit critère d’appréciation de la conformité des dispositions nationales à sa propre réglementation. Cela constitue l’un des instruments les plus puissants pour l’unification du droit et l’interprétation uniforme dans le domaine concerné.
A. Système général de limitation
86Différentes conventions devront ici être successivement étudiées. Il s’agit de la Convention de Bruxelles de 1924 (1) et de celle de 1957 (2) ainsi que de la Convention de Londres de 1976 (3).
1. La convention de Bruxelles de 1924 sur la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires
87Le premier instrument de droit uniforme dans ce domaine a été la convention internationale de Bruxelles du 25 août 1924 sur l’unification de certaines règles concernant la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires.
88Entrée en vigueur le 2 juin 1931, elle ne compte aujourd’hui que neuf États contractants847.
89Son système est mixte et il n’est que le résultat d’un compromis entre les différentes cultures juridiques de common et civil law participant à sa rédaction848.
90Les bénéficiaires de la limitation étaient le propriétaire du navire, l’armateur - non propriétaire et l’affréteur principal. La limitation concernait trois catégories d’obligations, dont le montant de la responsabilité était calculé sur la base d’un système ad valorem pour la première et d’un système forfaitaire pour les autres.
91Cette convention a vite été substituée par d’autres instruments internationaux, comme la convention de Bruxelles de 1957 et la LLMC de 1976, modifiée ensuite par le Protocole de 1996.
2. La convention de Bruxelles de 1957 sur la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires
92La convention de Bruxelles du 10 octobre 1957 sur la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires849 applique une limitation de la responsabilité résultant des créances énumérées dans son article l850 selon un système tarifaire, régi par l’article 3851, qui vise la constitution d’un fonds de limitation.
93Une partie du fonds est réservée exclusivement aux obligations qui résultent de la mort ou des lésions corporelles. Mais si cette partie du fonds est insuffisante pour réparer tels dommages, les victimes pourront se satisfaire sur l’éventuel solde impayé de la partie du fonds prévue pour les dommages matériels (spill over)852.
94Le bénéfice de la limitation est étendu à une pluralité de parties - y compris l’actio in rem contre le navire lui même ou « elle-même » selon le pronom anglais employé « her »853 - et la déchéance de celui-ci est prévue en cas de fault or privity, expression qui est traduite dans le texte français en « faute personnelle »854 et qui vise une simple négligence (faute simple).
95Pour les États qui sont contractant à cette convention, et seulement dans les rapports entre eux, elle abroge la convention de 1924855.
3. La convention de Londres de 1976 sur la limitation des créances maritimes (LLMC)
96Ayant eu connaissance de la volonté de l’OMCI de réviser la convention de Bruxelles de 1957 sur la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires, le CMI avait formé, en février 1972, un sous-comité International pour l’étude de la question. Le 21 juin 1973, à la 19ème session du Legal Committee de l’OMCI, le président du sous-comité M. Rein avait offert à celui-ci l’assistance du CMI, dont le Legal Committee a bien voulu profiter.
97Le sous-comité international du CMI a alors rédigé deux textes, l’un pour l’amendement de la convention de 1957 - Mini Draft - et l’autre en vue de l’éventuelle rédaction d’une convention nouvelle - Maxi Draft -.
98Bien que le sous-comité ait décidé de présenter comme document officiel à la Conférence de Hambourg du CMI, prévue pour le mois d’avril 1974 seulement le Mini Draft, il avait remarqué que ce texte était trop restreint pour une conférence qui était ouverte à toute nouvelle proposition de la part des associations nationales participantes. Ainsi il a été décidé qu’un Working Paper, dans la forme d’un Maxi Draft, devait aussi être allégué au Chairman’s Report, pour en souligner les solutions préférées par le sous-comité, au cas où l’on ait voulu substituer la convention de 1957 par une nouvelle convention.
99Ce texte a ainsi été pris comme Working Paper par le Legal Committee de l’OMCI, à sa 23ème session des 3 à 7 janvier 1974 dédiée à la révision de la convention de Bruxelles de 1957. Six ans après son entrée en vigueur, le 31 mai 1968, cette convention avait déjà causé des problèmes pour son application et les montants de sommes constituant la limite de la responsabilité avaient déjà été fortement érodées par l’inflation856 . Il fallait réagir contre une tendance de plusieurs juridictions à ne pas appliquer la convention en s’appuyant sur la faute personnelle - fault or privity - ) du propriétaire, qui était une notion trop vague857 et emmenait trop souvent a dénier le bénéfice de la limitation, avec préjudice sur les primes pour l’assurance de la responsabilité.
100Dans ce contexte, le nouveau concept reconnu au sein de la 23ème session du Legal Committee a été celui de la liaison entre les limites de la responsabilité des propriétaires de navires et l’assurance de cette responsabilité à des primes raisonnables, cela au bénéfice non seulement des armateurs, mais aussi des chargeurs et de l’économie du transport par mer en général858. Il était ainsi décidé de rédiger sur la base de ces principes une nouvelle convention, la Convention on Limitation of Liability for Maritime Claims (LLMC), qui a été approuvée à la Conférence diplomatique de Londres des 1 à 19 novembre 1976 convoquée par l’OMCI.
101La LLMC est entrée en vigueur le 1 décembre 1986, quand les conditions posées par l’article 17859 pour son entrée en vigueur ont été remplies.
102Aujourd’hui, elle compte 41 pays contractants860 et elle constitue ainsi le système général de limitation en droit uniforme, en prévoyant que dans les relations entre les États qui en sont parties elle remplace et abroge les conventions de 1924 et de 1957861.
103Les personnes en droit de limiter leur responsabilité conformément à sa discipline sont, premièrement, le propriétaire, l’affréteur - charterer -, l’armateur - manager - et l’armateur gérant - operator862 - d’un navire de mer - sea-going ship - . L’affréteur est donc visé par la LLMC, comme par les conventions précédentes, sans distinction entre les différents types d’affrètement, ce qui pose un problème d’interprétation qui peut se résoudre grâce à une construction doctrinale susceptible de dégager des énumérations taxonomiques de la LLMC un ensemble de principes fondamentaux auxquels faire recours en cas de difficultés d’interprétation. Toutes ces personnes sont réunies dans l’expression « propriétaire de navire », qui est la traduction de l’expression shipowner qu’on trouve dans le texte anglais863.
104L’article 1 cite expressément le « navire de mer » - sea-going ship -et cela a donné lieu à certaines discussions lors des travaux préparatoires de la convention. La formule est usuelle en droit anglais où elle n’a jamais causé de problèmes et elle était constante dans les conventions précédentes, de 1924 et de 1957. Par cette expression, on veut dire que la réglementation ne s’applique pas à la navigation dans les eaux intérieures, qui est réglée par une autre convention sur le plan international864 et, souvent, par des législations nationales spécifiques865. Mais cette expression avait créé des problèmes aux États qui ont un vaste réseau d’eaux intérieures (notamment les pays Scandinaves, les États-Unis, la Russie et d’autres) pour lesquels se posait la question du régime applicable aux navires qui sont employés soit dans ces espaces soit dans la haute mer. La question a été résolue par une disposition866, dans le domaine du champ d’application de la convention, qui permet aux États contractants de discipliner différemment, selon leur propre loi interne, le régime de responsabilité face aux navires qui sont destinés à la navigation sur les voies d’eaux intérieures en vertu de la législation de l’État dont le navire porte le pavillon867.
105D’un coté le nouveau système est fondé sur une limite de la responsabilité qui n’est « cassable » qu’en raison d’une faute dolosive du bénéficiaire ou d’une faute grave868, constituant ceux-ci des cas tout à fait exceptionnels, la règle générale étant le droit à la limitation, dans le but de permettre l’assurance de cette responsabilité à des primes raisonnables. La connaissance exacte du risque, objet de l’assurance, à travers un système de limitation de la responsabilité dans lequel les limites peuvent être écartées seulement à cause d’une faute grave ou dolosive, qui libère d’ailleurs l’assureur de sa prestation, est une condition essentielle pour parvenir à une baisse des primes. D’un autre coté, le montant de cette limite incassable, doit être aussi haut que le marché actuel des assurances le permet, pourvu que les intérêts des victimes soient aussi sauvegardés.
106Bien que fondée sur l’assurance de la responsabilité, la nouvelle convention ne prévoit pas un système d’assurance obligatoire, mais l’assemblée de l’OMI a quand même adopté une résolution, le 25 novembre 1999, dans laquelle elle recommande à tous les shipowners d’assurer leur responsabilité conformément aux limites prévues dans la convention869.
107Étant fondé, selon certains juristes, sur le principe de l’assurance des risques de la navigation, plutôt que sur le concept de la responsabilité pour exploitation du navire, ce système permet alors d’élargir le bénéfice à d’autres catégories de personnes. C’est ainsi, notamment, que la liste des bénéficiaires de la limitation a été élargie aux assistants870. Le bénéfice est aussi expressément accordé aux assistants qui n’agissent d’aucun navire ou qui agissent sur le navire qu’ils assistent871. Ce système est en effet envisageable en vue d’éviter des injustices telles que celle subie par le propriétaire du navire dans l’affaire Tojo Maru872 , dans lequel il n’avait pas pu bénéficier de la limitation parce que le dommage était survenu après l’intervention d’une équipe d’assistance sur le navire assisté, la convention de 1957 prévoyant le bénéfice seulement pour les dommages causés par « la négligence ou la faute de toute personne se trouvant à bord du navire, dont le propriétaire est responsable »873 . En outre, le droit à la limitation est aussi prévu pour l’assureur874 qui couvre la responsabilité à l’égard des créances soumises à la limitation conformément aux règles de la convention, cela pour éviter des solutions jurisprudentielles telles que ces arrêts des Cours américaines qui avaient reconnu ce droit au shipowner mais non pas à son assureur, en condamnant celui-ci à payer la somme entière du dommage cause aux victimes875.
108L’étendue de la responsabilité assujettie à la limitation correspond à celle qui peut faire l’objet d’assurance, la faute intentionnelle ou inexcusable de l’assuré libérant l’assureur de son obligation876. La faute dolosive ou inexcusable du propriétaire assuré déplafonne sa responsabilité, mais libère l’assureur de son obligation de paiement de l’obligation et les victimes ne pourront pas alors se prévaloir de la solvabilité de la compagnie d’assurance877. Cette conclusion, au détriment de l’intérêt des victimes, est d’ailleurs la conséquence du fonctionnement de l’assurance, en tant qu’instrument visant le rapport entre compagnie et assuré. Le rapport entre tiers endommagé et responsable assuré, qui est obligé en réparation en force de la loi, demeure distinct de celui entre assuré et assureur, dont le premier rapport ne peut constituer qu’un fait permettant à l’assuré de se prévaloir du contrat d’assurance, en prétendant être garanti par la compagnie d’assurance. Même dans les cas exceptionnels où la loi prévoit que les tiers endommagés peuvent proposer une « action directe » envers l’assureur, il n’e demeure pas moins que, si la loi ne prévoit pas autrement, l’assureur peut toujours refuser sa prestation sur la base du contrat avec l’assuré878. Les limites apparaissent donc vraiment « incassables » du point de vue de l’assureur, dans le but général de la baisse des primes d’assurances qui peut dériver de la détermination exacte et certaine du risque assuré.
109La LLMC, comme la convention de 1957, vise aussi la responsabilité résultant d’une action formée contre le navire lui même879. Elle est assujettie aux mêmes dispositions prévues pour la « responsabilité du propriétaire de navire ». Il s’agit d’une disposition visant le système de l’Admirality jurisdiction, qui prévoit les actiones in rem.
110L’élargissement de la discipline à d’autres catégories de personnes, qui n’entrent pas dans le schéma de la limitation de la responsabilité des propriétaires connus par la doctrine traditionnelle, est-il une raison suffisante pour soutenir que la LLMC est inspirée par des principes tout à fait différents ?
111Une analyse détaillée semble montrer qu’en réalité on ne peut pas voir, entre le système de la LLMC et ses précédents, une rupture des concepts qui sont à la base de la réglementation dans le domaine visé. Il s’agit plutôt de certaines dispositions épisodiques, établies par souci de remédier à des injustices qui s’étaient produites avec les instruments précédents.
112C’est ainsi que la volonté de remédier à l’affaire Toju Maru a conduit à l’attribution du bénéfice même aux assistants n’agissant d’aucun navire880.
113Le cas des Tribunaux américains, qui avaient condamné en réparation les assureurs en entier, en méconnaissant le principe général selon lequel l’assureur n’est pas directement responsable881 envers le tiers du fait de son assuré, son rapport contractuel demeurant tout à fait distinct du rapport extra-contractuel entre assuré et victime ayant donné lieu à l’obligation en réparation882 , a conduit à l’attribution du droit à la limitation à l’assureur883.
114On ne saurait cependant voir dans cette approche, une rupture avec la réglementation précédente. N’oublions pas que, même au sein des travaux préparatoires, la LLMC était née avec un propos seulement modifïcatif de la convention de 1957 - Mini Draft -. D’ailleurs, encore plus criante serait une rupture avec toute la conception dont la doctrine, même dans les indiscutables difficultés et contradictions dans lesquelles elle est tombée, avait enrichi l’institution de la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires. Pourquoi abandonner un chemin tracé par des siècles de droit maritime, quand il fallait désormais seulement prendre conscience des nouvelles formes d’exploitation des navires et y rattacher la responsabilité d’une façon rationnelle, pour en choisir un autre tout nouveau sans aucune tradition, les mœurs ayant une importance si forte dans ce domaine ?
115Les principes qui sont au fond du système n’ont pas change et la doctrine doit poursuivre dans son opération clarificatrice des critères de rattachement de la responsabilité dans ce domaine. Par cette recherche, doivent être identifiés les bénéficiaires du droit à la limitation aussi. Il y a, en fait, une correspondance nécessaire entre le rattachement de la responsabilité dans le chef de certains sujets et l’attribution du bénéfice de la limitation. S’il est vrai qu’on peut bien sûr être responsable sans jouir de ce bénéfice, il n’en reste pas moins qu’il n’aurait aucun sens d’attribuer le bénéfice à quelqu’un dont la responsabilité ne soit pas mise en jeu selon lesdits critères de rattachement.
116Lorsqu’on aura établi les critères de rattachement de la responsabilité, par lesquels la catégorie des sujets bénéficiaires de la limitation aussi pourra être plus facilement identifiée, le nom par lequel on les appellera sera tout à fait indifférent, soit « propriétaire de navire » ou « shipowner », les expressions ayant toujours la même signification au fond. Ils ne restent que de pures formes verbales qui puissent être remplies de n’importe quelle signification, et toujours différente selon la norme où cette notion est insérée884.
117En ce qui concerne le champ d’application de la convention, ultérieurement à l’article dont on a déjà parlé et qui permet aux États contractants de réglementer différemment le régime de limitation de la responsabilité qui s’applique aux « bateaux destinés à la navigation sur des voies d’eau intérieures »885, l’article 15 prévoit le même droit par rapport aux navires d’une jauge inférieure à 300 tonnes886.
118Lors des travaux préparatoires il a longuement été disputé pour savoir si la forme de l’exclusion du champ d’application de la convention était la plus correcte ou s’il aurait mieux valu en prévoir la réserve dans le Protocole de signature887.
119La forme finalement adoptée a été celle proposée par le Legal Committee dans sa 28ème session, qui était le texte de base des discussions à la conférence diplomatique. Il s’agit d’une disposition qui autorise chaque État contractant à régler différemment, par sa propre loi interne, les catégories visées avec la précision que l’État qui se prévaut de ce droit devra communiquer au dépositaire de la convention le régime qui sera alors applicable. Le régime uniforme dans ces cas est alors supplétif, dans le sens qu’il peut être dérogé par les États mais, en absence d’une telle dérogation et de sa communication au dépositaire, il s’applique de plein droit.
120L’article 15 § 1 autorise tout État contractant à exclure totalement ou partiellement du bénéfice de la Convention toute personne qui n’a pas sa résidence habituelle ou son siège principal dans l’un des États contractants, ou dont le navire en raison duquel elle veut limiter sa responsabilité ou dont elle veut obtenir la libération ne bat pas le pavillon de l’un des États contractants.
121Enfin le droit à déroger à la convention est reconnu aux États membres par rapport aux créances nées d’événements dans lesquels les intérêts d’aucune personne ressortissante d’un pays contractant ne sont en cause888 et par rapport aux navires construits ou adaptes pour les opérations de forage, lorsqu’ils effectuent ces opérations889.
122Une exclusion explicite est par contre prévue pour les aéroglisseurs et les plates-formes flottantes destinées à l’exploration ou à l’exploitation du fond marin et du sous-sol890.
123Le droit uniforme montre ainsi sa première limite. Les lacunes qui en résultent seront alors comblées selon les différentes méthodes du droit international privé, dont on privilégie, normalement, la méthode conflictuelle, en laissant tous ces rapports à la loi applicable par le jeu des règles de conflit du juge saisi. Il n’est pas pour autant certain que cette méthode soit la plus correcte, spécialement quand il y a quelque règle matérielle directement applicable891.
124La LLMC visant directement la limitation des créances maritimes, il faut se demander quelles sont les créances soumises à la limitation, ce qui est arrêté par l’article 2 de la Convention.
125L’article 2 vise une énumération de créances « quel que soit le titre de la responsabilité dont elles découlent à la charge du débiteur ». La Convention se désintéresse du fondement de la responsabilité du coté passif de l’obligation, en visant seulement une détermination taxonomique des créances soumises à la limitation prévue aux articles 6 et 7 suivants.
126Cependant, cela ne justifie pas l’abandon de cette recherche de la part de la doctrine, le coté actif et celui passif de l’obligation étant les deux faces de la même médaille. Il s’agit en fait, de toute façon, de la responsabilité qui découle du rapport, contractuel ou extracontractuel, entre le créancier et son débiteur892 .
127Le premier cas prévu - lettre a) - est celui des créances pour mort, lésion corporelles, pertes et dommages à tous biens. Les mots « pertes et dommages » sont tirés des mêmes expressions employées dans la Convention de 1957 - article 1 - et dans la Convention sur les privilèges et hypothèques maritimes de 1967, visant des dommages et des pertes dans le sens physique. Dans la Convention de 1957, ce qui est limité, c’est la responsabilité du propriétaire et des autres bénéficiaires pour les créances qui résultent de mort, lésion corporelles, pertes et dommages. Ici c’est directement la créance qui est limitée. Techniquement, le système est différent, mais il n’y a personne qui ne voit que cette réglementation correspond parfaitement à la première, puisque limiter une créance signifie aussi, du coté passif, limiter la responsabilité du débiteur face à cette créance.
128L’article 2 a) se réfère à « tout autre préjudice en résultant », visant ainsi chaque « dommage conséquent », matériel ou non893.
129Dans la Convention de 1957, la connexité, entre les « pertes ou dommages » et le navire, était représentée par une description géographique894. Au sein de la Conférence de Hambourg, le CMI a examiné ce texte et a déterminé certaines lacunes en ce qui concerne principalement le fait que la responsabilité pour un dommage survenu hors du navire peut être limité seulement si l’acte duquel elle dérive est survenu sur le navire ou, dans le cas contraire, s’il se rapportait à la navigation ou à l’administration du navire ou à d’autres cas spécifiques895. Il a ainsi été décidé de prévoir une disposition plus générale, qui puisse viser même les dommages survenus hors du navire, mais en relation directe avec son exploitation896. L’expression correspond à celle employée dans la Convention de 1967 sur les privilèges897. On y trouve rajoutés seulement les termes « à bord du navire ». Les créances ainsi identifiées seront donc à la fois limitées au sens de la LLMC et privilégiées au sens de la Convention sur les privilèges et hypothèques maritimes de 1967898.
130Ensuite, on trouve des créances pour dommages non matériels899, tels les préjudices résultant d’un retard dans le transport de la cargaison, des passagers ou de leurs bagages900, et les préjudices résultant de l’atteinte à tout droit de source extra contractuelle et survenus en relation directe avec l’exploitation du navire ou avec des opérations d’assistance ou de sauvetage901, cette dernière norme étant « the main rule of limitation for abstract loss, i. e. not resulting from concrete damage »902.
131L’article 2 prévoit aussi les créances pour renflouement ou destruction, ou pour les mesures aptes à rendre inoffensifs l’épave ou la cargaison903.
132Le souci de conformité avec la CLC, qui prévoit une pareille disposition, a poussé le CMI à insérer le cas des créances pour les mesures prises afin de prévenir ou de réduire un dommage pour lequel la personne responsable peut limiter sa responsabilité conformément à la Convention, et pour les dommages ultérieurement causés par ces mesures904.
133Il est intéressant d’observer ici le curieux débat auquel avait donné lieu cette disposition au sein de l’OMCI et de la conférence diplomatique905. Plusieurs délégations étaient en fait préoccupées que la formulation originaire de l’article ne soit pas assez claire dans le sens que le « propriétaire du navire » responsable ne pouvait pas bénéficier lui aussi de cette disposition pour les mesures qu’il aurait pris dans le but de prévenir ou réduire le dommage cause par son navire. On a alors ajouté l’expression « par une personne autre que la personne responsable ».
134Mais comment serait il concevable qu’un système prévoit la limitation de la créance d’un sujet envers lui même ? Comment peut on être créanciers de soi même ?
135La raison pour laquelle on est arrivé à de telles hésitations réside dans la distinction, dont on a déjà parlé, entre schuld et haftung, de telle façon qu’il peut y avoir une responsabilité sans dette. Par cette voie, on arrive à envisager une subjection réelle, commandée par la loi, d’une partie du patrimoine d’une personne, qui est ainsi l’objet d’une vraie séparation réelle de la personne qui en est titulaire, destinée à satisfaire la dette d’autrui, pour des créances dont l’ordre juridique a décidé de promouvoir ainsi la tutelle. Cette séparation réelle qui était représentée en droit allemand par le Seevermogen est aussi au fond de l’institution de l’actio in rem anglo-saxonne, distincte de l’actio in personam906.
136Un système de telle sorte semble avoir été matérialisé, à notre avis, dans la CLC, qui apparaît en fait fondée sur la simple subjection réelle du patrimoine du propriétaire du navire à la satisfaction des endommagés, hors d’une quelconque recherche de la responsabilité selon les critères de rattachement usuellement fondés sur la faute ou sur la théorie moderne du risque d’entreprise, la responsabilité étant totalement « canalisée » sur le propriétaire, comme il a été ensuite confirmé par le protocole de 1992.
137Dans le système de la CLC, on n’a pas de souci à reconnaître que, pour autant qu’elles sont raisonnables, les dépenses encourues et les sacrifices consentis volontairement par le propriétaire, aux fins d’éviter ou de réduire la pollution, lui confèrent sur le fond des droits équivalents à ceux des autres créanciers.
138La LLMC ne s’éloigne pas de cette conception réelle de la responsabilité patrimoniale qui est, au fond, une solution pragmatique, face aux efforts de la doctrine de développer une conception moderne de responsabilité personnelle selon des critères de rattachement qui seraient aptes à la société moderne.
139Le fonds apparaît, dans la LLMC, comme une sorte de patrimoine réel séparé et l’hésitation dont on a parlé en est le signe le plus évident. Cela amène inévitablement la fragmentation juridique des situations de fait concrètes, qui doivent alors être réglées cas par cas.
140Hors d’un système qui rattache la responsabilité aux seuls sujets débiteurs, fondé sur une théorie générale qui lie le plan objectif, de la subjection du patrimoine - Haftung - avec celui subjectif, du titulaire du patrimoine attaqué - Schuld -, il a fallu spécifier les sujets dont le patrimoine peut être assujetti à la satisfaction des intérêts d’autrui et qui peuvent donc constituer le fonds de limitation907.
141Si parfois cette responsabilité a été « canalisée » sur le propriétaire du navire, comme dans la CLC, ou dans la HNS, il faut alors remarquer que ce système ne répond pas aux instances de justice dans le partage des risques dans les sociétés modernes. Si l’on adhère à la thèse de ceux qui affirment que le propriétaire n’a pas le droit de recours envers l’armateur908, celui-ci, qui a le véritable contrôle du risque, est déchargé de toute responsabilité. Mais il s’agirait alors, à notre avis, d’une sorte de responsabilité sans dette du propriétaire - Haftung909 - et sans droit de recours envers l’armateur-débiteur. Les conséquences au niveau de la réparation du dommage sont atténuées par l’effet de l’assurance obligatoire imposée au propriétaire, mais du coté de la fonction de la prévention des risques, cette allocation exclusive de la responsabilité sur le propriétaire à l’exclusion de l’armateur n’est pas satisfaisante. Cela n’a pas manqué de soulever des réactions à l’issue des désastres pétroliers les plus récents, dont on a eu des répercussions même à la Conférence du CMI de Vancouver, où il a été proposé de modifier les dispositions de la CLC, telle que modifiée par le Protocole de 1992, concernant la « canalisation » de la responsabilité.
142Les instances les plus modernes aux États-Unis visent, en fait, la question du risk sharing et de la shared liability comme instrument de prévention des dommages et de distribution sociale des charges financières destinées à une telle prévention910. La nouvelle politique du secteur devrait ainsi inspirer le rattachement de la responsabilité par des critères de justice, économie et partage des risques, c’est-à-dire par une sorte de responsabilité solidaire de plusieurs sujets, même si elle n’est pas nécessairement paritaire entre eux. Cela permettrait d’étaler les coûts financiers de mise en place des mesures pour prévenir les dommages sur un nombre majeur de sujets selon un principe de “social welfare”.
143Mais tout cela suppose d’envisager la création d’un système fondé sur une nouvelle théorie de la responsabilité, dont le rattachement est visé par ces nouveaux principes. Le but que l’on propose tend à relier le plan objectif de la responsabilité patrimoniale à celui subjectif de la dette, de telle façon qu’il y ait toujours une correspondance entre ces deux aspects tout à fait complémentaires.
144Ainsi sera finalement éliminé tout attentat au patrimoine du propriétaire du navire, sans droit de recours envers le véritable débiteur, hors des cas où la responsabilité lui est rattachée sur le plan de la dette, à cause d’une obligation contractuelle, délictuelle ou, enfin, selon les critères établis par la loi selon les principes de risque d’entreprise, ou partage des coûts financiers pour la prévention des risques parmi les sujets dont l’activité participe de la création de ces risques et selon une distribution qui respecte aussi des critères inspirés du “social welfare”.
145Il faut donc parvenir à cette clarification doctrinale de la responsabilité dans sa double nature personnelle - de la dette, Schuld - et réelle - Haftung -, pour identifier les critères sur la base desquels ces deux plans distincts peuvent être reliés.
146Ayant analysé la liste des créances soumises à la limitation, on va maintenant s’occuper de celles visées par l’article 3, qui concerne les créances exclues de la limitation.
147Cet article prévoit tout d’abord l’exclusion pour toute créance du chef d’assistance, de sauvetage, ou de contribution en avarie commune. Sont ensuite exclues de la limitation les créances des préposés du propriétaire du navire ou de l’assistant dont les fonctions se rattachent au service du navire ou aux opérations d’assistance ou de sauvetage ainsi que les créances de leurs héritiers, ayants cause ou autres personnes fondées à former de telles créances si, selon la loi régissant le contrat d’engagement, le propriétaire du navire ou l’assistant n’est pas en droit de limiter sa responsabilité relativement à ces créances ou si, selon cette loi, il ne peut le faire qu’à concurrence d’un montant supérieur à celui prévu à l’article 6911.
148Ici aussi on a donc une limite du système uniforme, les rapports devant être disciplinés en faisant recours à une autre méthode. Celle-ci pourra être la méthode conflictuelle, à laquelle se réfère directement la LLMC relativement aux créances des préposés du propriétaire ou de l’assistant, qui fait renvoi à la loi qui régit le contrat d’engagement, évidemment selon les règles de conflit du juge du for.
149En ce qui concerne les méthodes alternatives en droit international privé, notamment celle matérielle, on a ici l’un des exemples les plus frappants dans le cas des avaries communes qui sont par contre soumises aux Règles de York et Anvers, issues de la pratique et constituant l’un des plus importants instruments d’unification par le biais des usages, leur autorité découlant de la presque constante insertion dans les contrats912.
150L’exclusion est enfin prévue pour les créances pour dommages qui rentrent dans le domaine de la CLC, ou des conventions en matière de responsabilité pour dommages nucléaires, ces dispositions913 déterminant donc l’écart du système général de limitation quand les rapports sont soumis à l’un des systèmes spécifiques.
151En ce qui concerne la conduite supprimant la limitation, on a déjà dit que l’article 4 vise un système rendant la limitation « incassable », la déchéance du bénéfice n’étant prévue qu’en cas de faute dolosive ou inexcusable.
152Ce qui frappe, cependant, dans la lecture des travaux préparatoires, c’est l’absence de tout débat et de toute référence, dans le texte de la LLMC, à la question du « fardeau » de la preuve, qui est un problème capital, dont on a eu des solutions complètement différentes données dans les pays de common et de civil law.
153Emblématique à ce sujet est l’expérience des Tribunaux américains, devant lesquels les demandeurs doivent seulement prouver le lien de causalité entre le dommage subi et la faute du shipowner, constituée par une négligence ou une condition d’innavigabilité du vaisseau914. La preuve de la fault or privity du shipowner915 ne doit pas être donnée par eux, comme dans la plupart des pays de civil law, dans l’application de la faute personnelle de l’article 1 de la Convention de 1957, mais par le shipowner lui-même916, qui doit prouver l’absence de cette cause de déchéance, s’il veut bénéficier de la limitation. Il s’agirait d’une sorte de preuve négative à donner917, une preuve « diabolique » comme elle a été souvent appelée dans la pratique du contentieux, nos tribunaux étant ainsi généralement mal à l’aise à la concevoir918.
154Les rédacteurs ont prévu deux limitations différentes, l’une pour les créances résultant de la mort ou des lésions corporelles des passagers d’un navire formulées par toute personne transportée sur ce navire ou pour le compte de cette personne en vertu d’un contrat de transport de passager ou qui, avec le consentement du transporteur, accompagne un véhicule ou des animaux vivants faisant l’objet d’un contrat de transport de marchandises919, l’autre concernant la limite générale identifiée de façon négative920.
155Ainsi, dans l’article 7 de la LLMC, concernant les créances des passagers, a été prévu le même montant en unités de compte921 que dans de la Convention d’Athènes de 1974 sur le transport de passagers, multiplié par le nombre de personnes que le navire est autorisé à transporter conformément à son certificat. Mais en plus, la LLMC a fixé une limite maximum de 25 millions d’unités de compte.
156La LLMC finissait ainsi par influencer les rapports visés par la convention d’Athènes, le transporteur bénéficiant de la LLMC pouvant se prévaloir de cette limite maximale de responsabilité, alors que la Convention d’Athènes vise la responsabilité du transporteur face à la mort et aux lésions personnelles des passagers seulement pour faute ou négligence. Étant prévu le montant de 46.666 unités de compte à multiplier pour le nombre de passagers, cette limite signifiait que cette somme n’était plus entièrement disponible pour chacun quand le navire était autorisé à transporter plus que 535 passagers. Les conséquences devenaient encore plus graves à la suite du Protocole de la Convention d’Athènes de 1990, qui élevait la somme de 46.666 à 175.000 unités de compte, la compensation globale n’étant plus disponible que seulement pour 142 passagers922.
157Cela a conduit à la modification de l’article 7 de la LLMC par le Protocole de 1996, qui a conformé la limite à celle prévue par la convention d’Athènes modifiée par le Protocole de 1990, qui est donc de 175.000 unités de compte, et a enlevé la limite maximale de responsabilité pour éviter les problèmes mis en évidence auparavant.
158Mais existait-il vraiment un danger pour que le transporteur puisse se prévaloir aussi de la limite prévue par la LLMC ?
159Si le transporteur-armateur peut bien sûr invoquer la norme concernant l’armement, les conventions qui visent la limitation de la responsabilité du transporteur devraient par contre être considérées en tant que normes spécifiques qui dérogent à la réglementation générale. Par conséquent, quand un propriétaire de navire, armateur de celui-ci, est aussi transporteur, la limitation de sa responsabilité devrait être appréciée seulement selon les dispositions visant le transport. De toute façon, ledit Protocole à la Convention d’Athènes a évité que la discipline prévue pour l’armement en général puisse nuire aux droits des passagers.
160S’il s’agit d’un transport de marchandises dangereuses ou nocives, le critère de spécificité veut que le rapport de droit soit régi par une convention internationale encore plus spécifique - la HNS, qui cependant n’est pas encore entrée en vigueur -.
161La différence de traitement juridique de ces situations, qui visent des rapports spécifiques, est alors pleinement justifiée et il n’y a aucune raison d’unifier ce qui doit rationnellement demeurer distinct. Il s’agit plutôt de garantir un rapport correct de primauté des normes juridiques sur la base du critère de spécificité.
162L’article 6 de la LLMC prévoit un système d’échelle visant un montant par tonne de jauge brute décroissant par rapport au tonnage du navire. Ce montant est supérieur s’il concerne les créances pour mort ou lésion corporelles par rapport aux autres créances. En outre, si le montant calculé par mort ou lésions corporelles est insuffisant, le montant calculé pour les autres créances est aussi disponible pour les satisfaire (spill over)923.
163Il ne doit pas y avoir, par contre, la constitution nécessaire d’un fonds global unique.
164Les débiteurs du fonds, dont la constitution par l’un bénéficie d’ailleurs aux autres puisque les créditeurs ne peuvent agir qu’à l’encontre du fonds924, ne sont pas obligés de lui fournir un montant correspondant à la somme des limites prévues pour dommages matériels et personnels, quand il n’y a qu’une espèce de dommage. Cela n’empêche pas, en outre, qu’en cas de survenance d’une créance pour dommages aux personnes les débiteurs doivent constituer un autre fonds pour les satisfaire. Il peut donc y avoir la constitution de plusieurs fonds925.
165Soit l’article 6, soit l’article 7 de la LLMC visent la limitation pour toutes les créances nées du même événement926.
166La révision des limites de l’article 6, au sein de la Conférence pour le Protocole de 1996 de la LLMC, a été influencée par l’idée de rendre cette discipline conforme à celle prévue par la nouvelle convention sur le transport de substances nocives et dangereuses, qu’on allait approuver en même temps.
167La HNS de 1996 vise, en fait, la responsabilité du shipowner face aux effets dommageables du transport de telles substances. Cette volonté de coordination entre les deux conventions a abouti à rajouter à l’article 18 de la LLMC la disposition explicite du droit pour chaque État contractant de se réserver d’exclure de l’application de la LLMC les créances pour dommages prévues par la HNS.
168En ce qui concerne le montant de la limitation prévu par l’article 6, il a été augmenté soit par la hausse du tonnage minimum sur la base duquel celui-ci est calculé, soit par l’augmentation des unités de compte par tonne. Mais la disposition la plus importante dans ce domaine est celle qui vise le système d’amendement des limites, puisque celui prévu par la LLMC927 n’avait pas été appliqué, l’inflation ayant ainsi érodé la valeur des montants établis en 1976.
169La nouvelle norme du Protocole de 1996 fixe le même système de procédure pour la révision des montants qui a été prévu dans l’article 8 § 7 du Protocole de 1990 à la Convention d’Athènes et dans l’article 15 § 7 du Protocole de 1992 à la CLC.
170Il s’agit d’une procédure qui vise un système d’approbation tacite928, par les États contractants du Protocole, après la notification par l’OMI des amendements approuvés au sein du Legal Committee, sur demande d’au moins la moitié des États contractants de la LLMC telle que modifiée par le Protocole de 1996929 , par une majorité de deux tiers de ces États présents aux votes et pourvu qu’ils représentent au moins la moitié de la totalité des États contractants du Protocole de 1996930.
171Cette procédure avait soulevé, lors de sa première utilisation par l’OMI, des doutes sur sa légitimité en droit international. Ces doutes avaient cependant été résolus par le fait qu’il s’agissait d’une procédure visant des questions purement techniques, dans le but d’accélérer la révision des montants dans le cadre des finalités poursuivies par la Convention, pour assurer une compensation adéquate aux victimes.
172Il y a eu donc, dans ce domaine spécifique, une uniformisation importante, le but poursuivi étant de rendre plus facile cette procédure face au problème de la constante perte de valeur des montants des limites en raison de l’inflation.
173Le Protocole prévoit aussi un § 3 bis à rajouter à l’article 15, visant la liberté pour les États de prévoir des limites supérieures à ceux de l’article 7 pour dommages corporels. Cette disposition, établie au profit des victimes, brise l’uniformité acquise dans le domaine concerné.
174En outre le souci de coordination avec la Salvage Convention, et en particulier son article 14, visant l’indemnité spéciale duc à l’assistant pour la prévention ou limitation des dommages à l’environnement marin, a conduit à prévoir l’exclusion de cette créance du droit à la limitation (art. 3 a).
175Le Protocole de 1996 n’est pas encore entré en vigueur, faute des dix ratifications requises par son article 11931. Aujourd’hui il ne compte, en fait, que seulement neuf États contractants932.
176Après cette analyse détaillée du système général de limitation, on peut essayer de faire une synthèse sur l’état actuel du droit positif dans le domaine visé.
177Sans tenir compte du fait que, par la dernière convention internationale, la matière ait été renversée du côté actif de l’obligation, la théorie reste pourtant la même et la doctrine est censée continuer son œuvre de clarification sur le rattachement de la responsabilité pour l’exploitation du navire et sa limitation, dans le but de l’application et de l’interprétation uniforme de la LLMC.
178On a vu ainsi que le rattachement de la responsabilité doit être trouvé, sur le plan subjectif, en force d’une obligation contractuelle, délictuelle ou, enfin, selon les critères établis par la loi selon les principes de risques d’entreprise, partage des coûts financiers pour la prévention des événements dommageables parmi les sujets dont l’activité participe de la création des risques les concernant et selon une distribution qui respecte aussi des critères inspirés du “social welfare”.
179Il faut donc parvenir à cette clarification doctrinale de la responsabilité dans sa double nature personnelle, entre le débiteur et le créditeur - Schuld -, et réelle - Haftung -, pour identifier les critères sur la base desquels ces deux aspects puissent être reliés. Les cas de responsabilité sans dette, dans lesquels le rattachement de la responsabilité ne peut pas être expliqué autrement qu’en tant que « garantie pour la dette d’autrui », doivent donc être cantonnés dans des hypothèses tout à fait exceptionnelles, dans lesquelles le propriétaire exécuté aura, quand même, le droit à l’action récursoire à l’encontre du débiteur.
180Cette étude générale du système de limitation de responsabilité étant tracée, il nous appartient de dire un mot des systèmes spécifiques.
B. Systèmes spécifiques de limitation
181La responsabilité du propriétaire de navire est aussi visée par des conventions spécifiques introduites dans le domaine de la lutte contre la pollution et du transport de marchandises nocives ou potentiellement dangereuses.
182Notre recherche va alors analyser les systèmes adoptés, pour en tirer des principes de base sur lesquels on puisse fonder une doctrine de la « responsabilité » et de sa « limitation » pour dommages provenant de l’exploitation du navire, qui puisse valoir aussi dans ces domaines spécifiques.
183Si les principes généraux qui inspirent cette doctrine sont alors envisageables en tant que principes universellement acceptés, on pourra y fonder un processus pour une unification réelle du droit maritime dans le domaine concerné, qui puisse conduire avec succès à l’interprétation uniforme de celui-ci.
184La responsabilité du propriétaire ou de l’armateur du navire peut, aussi, naître d’un contrat, comme le contrat de transport par exemple. Compte tenu de l’importance du contrat de transport en droit maritime, la responsabilité du transporteur face aux dommages subis par les marchandises ou par les passagers transportés est visée par plusieurs Conventions internationales dont on s’occupera dans un chapitre autonome consacré aux transports par mer933.
185Cette analyse suppose l’étude successive de différents systèmes et conventions.
1. Système « CLC - FC »
186Dans le domaine de la pollution par hydrocarbures, il faut tout d’abord citer le système spécifique constitué par la CLC (Civil Liability Convention) de 1969 et la FUND Convention de 1971.
187La première concerne la responsabilité civile du propriétaire de navire pour les dommages provoqués par pollution par persistent oil934.
188La deuxième prévoit la constitution d’un fonds international complémentaire (FIPOL) au cas où l’indemnité prévue par la CLC est insuffisante ou ne peut pas être obtenue.
189Les deux conventions ont été amendées en 1992 par deux protocoles entrés en vigueur le 30 mai 1996, auxquels ont adhéré la plupart des États contractants.
190En prévoyant une dénonciation obligatoire des Conventions précédentes935, le régime de 1992 s’impose aujourd’hui comme le droit uniforme dans le domaine visé936.
191La CLC fut approuvée à la suite du désastre du Torrey Canion en 1967, qui avait provoqué une pollution massive des côtes anglaises et françaises. Sur l’initiative surtout des gouvernements de ces pays durement frappés par le désastre écologique, l’agence spécialisée des Nations Unies, OMCI, était appelée pour la première fois à s’occuper d’une question visant l’unification du droit privé maritime dans un domaine qui concernait la responsabilité du propriétaire de navire. Vu la difficulté de la matière, le Legal Committee de l’OMCI a bien accepté l’aide du CMI, qui lui fournit sa compétence en droit privé. On voyait ainsi s’ériger la naissance de la coopération entre ces deux organisations internationales, l’une ayant caractère interétatique et l’autre ayant nature juridique privée. D’ailleurs cette étape signifiait l’abandon graduel de la part du CMI de son rôle, jusqu’à ce moment là principal, dans l’unification du droit maritime, puisque depuis cet épisode les Nations Unies, par la CNUCED et par l’agence spécialisée en matière de droit maritime (OMI), ont pris la place du CMI dans le promotion de l’unification en droit maritime.
192La CLC de 1969 est entrée en vigueur le 15 juin 1975 et la FUND Convention de 1971 le 16 octobre 1978. Les textes amendés par les protocoles de 1992 sont entrés en vigueur le 30 mai 1996.
193La version originale de la FUND Convention de 1971 a cessé d’être en vigueur le 24 mai 2002, suite au nombre de dénonciations, obligatoires pour les États parties au Protocole de 1992937.
194Le « système » FUND - CLC ’92 a fait l’objet d’un amendement adopté le 18 octobre 2000, visant les montants des limites, qui est entré en vigueur le 1er novembre 2003 selon la procédure d’acceptation tacite prévue par les protocoles de 1992938.
195Le système CLC est, ainsi que celui de la LLMC, fondé sur l’assurance du risque. Ici cependant, l’assurance est obligatoire939 et le certificat d’assurance doit être porté à bord du navire940 pour chaque navire transportant plus que 2000 tonnes de pétrole.
196Il est aussi prévu le recours à l’action directe contre l’assureur par le tiers endommagé et le droit à la limitation au profit de l’assureur, ainsi que son droit à se prévaloir des exceptions qui pourraient être soulevées par le propriétaire941.
197Le montant de la limitation est établi par l’article 5 de façon forfaitaire et avec une limite maximale942. Le propriétaire pour en bénéficier doit constituer un fonds d’un montant égal à la somme totale qui représente la limite de sa responsabilité, devant la Cour ou l’autorité compétente de l’État où l’accident a causé le dommage ou des mesures préventives ont été prises pour en minimiser les conséquences, dont les Tribunaux constituent d’ailleurs la juridiction exclusive pour connaître des demandes en réparation943.
198La déchéance du bénéfice de la limitation est prévue, dans la CLC de 1969, en cas de faute personnelle - fault or privity -, comme dans la convention de Bruxelles de 1957. Le Protocole de Londres de 1984 a ensuite substitué la faute dolosive ou inexcusable à la « faute personnelle » comme cause de déchéance du droit à la limitation944, conformant ainsi cette discipline à celle de la LLMC et pour les mêmes raisons, fondées sur le principe de la connaissance exacte du risque assuré.
199À l’instar de la LLMC, le bénéfice de la limitation est attribué à l’assureur expressément par la convention945. On peut alors remarquer que, même sous l’ancien article 5 de la CLC de 1969 visant la faute personnelle il était ainsi exclu pour l’assureur un risque supérieur aux montants prévus par l’article 5, même dans les cas où le propriétaire serait déchu de son droit, cela dans le but d’obtenir des primes d’assurance raisonnables.
200La constitution du fonds empêche aux créditeurs de faire valoir leurs droits sur les autres biens du propriétaire, comme dans la LLMC946.
201La convention vise directement la responsabilité, en la rattachant au propriétaire du navire947, dont l’article 1 § 3 de la Convention nous donne la définition948. Le texte anglais parle de “owner”, qui constitue généralement un terme plus large que le terme français de « propriétaire », visant aussi celui qui a la possession du navire ou la disponibilité physique sur la base de n’importe quel contrat. Mais il apparaît évident, depuis la teneur de l’article 1 § 3, que les rédacteurs ont voulu se référer au propriétaire de navire dans le vrai sens du mot. Si les termes « propriétaire de navire » ou « owner » ne visent alors que le propriétaire et non les autres situations dans lesquelles un sujet a la disponibilité du navire ou en est armateur, le propriétaire est ainsi rendu responsable pour ces types de dommages bien que l’exploitation du navire ait été cédée à un autre sujet.
202Selon la théorie de la responsabilité qui rattache celle-ci au sujet qui a créé un risque par sa propre activité, le vrai débiteur - schuldner - devrait être par contre l’armateur. Le propriétaire semble être responsable en tant que débiteur et non en tant que simple « responsable en garantie » pour la dette de l’armateur exploitant le navire949.
203Envers les tiers, le propriétaire garde cependant le droit à l’action récursoirc950, mais celle-ci serait alors prévue seulement pour la partie de responsabilité qui leur soit éventuellement allouée en tant que co-débiteurs solidaires.
204La Convention de 1969 n’interdisait pas de façon expresse aux tiers endommagés de saisir directement les autres débiteurs solidaires et une doctrine avait alors soutenu que l’armateur et ses préposés demeurent responsables selon le droit commun951.
205Cette analyse contestait le principe dit de la « canalisation » de la responsabilité sur le propriétaire, la CLC ne visant, en réalité, aucune « responsabilité exclusive » à son égard. Dans l’affaire du désastre de l’Amoco Cadiz, en fait, il avait été reconnu le droit des tiers endommagés d’agir à l’encontre de l’armateur et de ses préposés, en responsabilité extracontractuel le, sur la base du droit commun952.
206Mais si l’armateur et ses préposés ne pouvaient pas ainsi bénéficier du droit à la limitation spécifique prévu par la CLC, ils n’étaient non plus en droit de se prévaloir des limites prévues par la LLMC, puisque l’article 3 b) de celle-ci exclu son application « aux créances pour dommages dus à la pollution par les hydrocarbures au sens de la Convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures en date du 29 novembre 1969, ou de tout amendement ou de tout protocole à celle-ci qui est en vigueur »953 . Cette conclusion était encore plus frappante pour le fait que la CLC prévoyait que ni les préposés ni les agents du propriétaire ne pouvaient être assignés en réparation directement par les tiers endommagés.954
207C’est ainsi que le Protocole de 1992 modifiant la CLC, a réformé ce dernier article et a éclairci ce point précis grâce à une disposition spécifique. La liste des personnes envers lesquelles aucune action ne peut être intentée par les tiers endommagés a été élargie au pilote, à tout affréteur, armateur ou armateur-gérant du navire, au sauveteur, à toute personne prenant mesure de sauvegarde, ainsi que leurs préposés et mandataires.
208De ce fait, la responsabilité est effectivement « canalisée » sur le propriétaire. Il sera dans tous les cas responsable sauf s’il prouve que le dommage a été provoqué par l’une des causes énumérées dans l’alinéa 2 de l’article III.
209Après acquittement de sa dette en résolution de sa mise en cause, le propriétaire aura le droit d’exercer l’action récursoire contre les tiers955. Mais pourra-t-il l’exercer contre les éventuels débiteurs solidaires, y compris l’armateur, énumérés dans l’article III, § 4 de la CLC telle qu’amendée par le Protocole de 1992 ? Ceux-ci jouissent-ils d’une exonération de responsabilité erga omnes ?
210Si l’on adhère à la thèse de M. Righetti956 et de la doctrine dominante, qui voit dans la CLC une discipline rattachant sur la base d’une obligation ex lege la responsabilité au propriétaire de navire en tant que dette de celui-ci pour la réparation des dommages dus à la pollution, il s’agirait plutôt d’un droit de recours envers le co-débiteur. Dès lors, le propriétaire qui s’est exécuté pourrait-il valablement exercer un recours contre ses co-débiteurs qui ne pouvaient pas être assignés directement par les tiers endommagés ? En doctrine le concept de « canalisation » de la responsabilité a été parfois interprété comme exonérant les autres sujets potentiellement responsables957. À notre avis cette interprétation n’est pas correcte, puisque l’article III § 4 de la CLC, modifié par le Protocole de 1992, interdit l’introduction des demandes en réparation contre les sujets mentionnés mais « sous réserve de la disposition du § 5 », selon lequel « aucune disposition de la présente Convention ne porte atteinte aux droits de recours du propriétaire contre les tiers ». Ainsi cette canalisation ne jouerait qu’envers les tiers, ne touchant nullement les rapports internes entre co-débiteurs. Le propriétaire aurait donc droit à l’action récursoire à l’encontre des autres co-débiteurs, sur la base des principes de droit commun de répartition de la responsabilité parmi les débiteurs solidaires958.
211Celle-ci apparaît d’ailleurs la solution souhaitable, les dispositions actuelles sur la canalisation n’ayant pas été jugées satisfaisantes au cours de la récente Conférence de Vancouver du CMI, où la délégation française du « Groupe de travail pour étudier l’adéquation du régime international d’indemnisation mis en place par la Convention de 1992 sur la responsabilité civile et la Convention de 1992 portant création du Fonds » a proposé de modifier celles qui excluent la possibilité de faire valoir des demandes d’indemnisation contre un certain nombre de parties, comme par exemple contre l’affréteur959.
212Cependant, une question reste encore douteuse. C’est celle concernant le titre du rattachement de la responsabilité extra-contractuelle dans le chef du propriétaire du navire. S’il est indéniable que l’ordre juridique peut rattacher sur la base d’un critère purement objectif l’obligation de réparation, il n’en demeure pas moins que le sujet qui en est ainsi grevé et qui en doit supporter le coût, doit être identifié sur la base de certains critères objectifs.
213Il s’agit ainsi de fonder la notion moderne de « responsabilité » sur la base de critères de rattachement qui répondent aux instances de la communauté sociale constituant la base institutionnelle de l’ordre juridique considéré. Le critère qui se fonde sur le comportement fautif de l’agent a été depuis longtemps dépassé, notamment à la suite des risques amenés par les activités productives industrielles, dont il a été estimé inéquitable de faire supporter les conséquences dommageables aux tiers. Tout d’abord le concept de faute lui même a été rapporté au respect de paramètres objectifs -standards de sécurité -, sans aucune considération d’« éthique-individuelle »960. Cette théorie était encore liée à la conception qui considère par « règle générale », que le coût des événements dommageables doit être supporté par l’endommagé lui-même, sauf s’ils sont provoqués par des comportements d’autrui contraires aux règles de droit et qui fonderaient alors sa faute et justifieraient sa sanction.
214Aujourd’hui on assiste au développement de théories solidaristes de la responsabilité961, fondées sur le principe de « justice sociale » de l’indemnisation des victimes. Les conséquences dommageables sont ainsi rattachées objectivement à l’entrepreneur dont l’activité économique a provoqué le dommage, sur la base du principe que celui qui tire les avantages de cette activité doit aussi en supporter les risques : “ubi commoda ibi incommoda”. Dans cette conception il est bien envisageable que les sujets qui doivent supporter ce risque « objectif » puissent s’assurer pour la responsabilité civile.
215Mais il y a aussi d’autres théories qui arrivent à envisager dans les règles concernant les critères de rattachement de la responsabilité un système d’« allocation des ressources, de façon à augmenter la richesse totale du système économique »962. Dans ce sens, la responsabilité aurait d’abord une fonction de prévention963, devant être rattachée sur la base de critères concernant à la fois le contrôle effectif sur les risques, l’incitation effective à prendre les mesures de sauvegarde dans le chef de ceux-ci et l’allocation la meilleure des ressources dans le marché (social welfare).
216Celui-ci étant le cadre théorique de la question, il faut maintenant chercher à ramener les critères de rattachement de la responsabilité dans le chef du propriétaire du navire sous l’une desdites fonctions. Cette remarque, qui renvoie à des considérations d’ordre économique peut-être complexe, vise à mettre en évidence que, lorsque cette recherche n’aboutit à aucun résultat, la responsabilité du propriétaire du navire pourrait être considérée en tant que simple responsabilité en garantie (Haftung), en lui reconnaissant ainsi le droit de recours envers les vrais débiteurs pour la totalité du montant payé. D’emblée, en fait, l’on dirait qu’aucun contrôle sur le risque ne peut être reconnu dans le chef du propriétaire, quand il n’exploite pas lui même son navire. D’ailleurs, dans ce cas, ce n’est même pas lui qui jouit des revenues de l’activité du transport. Il reste, bien sûr, le fait que le propriétaire, assujetti à la canalisation de la responsabilité envers les tiers endommagés, sera intéressé à équiper le navire avec les meilleurs standards de sécurité, mais cela revient à allouer des charges sur le secteur armatoriel, déjà affecté par le phénomène de la baisse des frets à cause de la concurrence des navires sous pavillon de complaisance. Dans le marché pétrolier, cette allocation des risques et des ressources ne parait pas satisfaisante, puisque les compagnies pétrolières, supportant toujours le même risque, ne sont pas encouragées à affréter des navires plus surs moyennant une différence sur le fret. Ces sont d’ailleurs des considérations de ce genre qui sont à la base des critiques de la Communauté Européenne au système CLC-FC et des récentes réflexions sur les propos de reforme de l’OPA aux États-Unis964.
217Le Protocole de 1992 à la CLC, entré en vigueur le 30 mai 1996, lie aujourd’hui cent treize États constituant plus des 90 % du tonnage mondial965. Puisque la version originale de la CLC concerne quarante-deux États contractants, qui ne représentent que 3.59 % du tonnage mondial, la CLC amendée par le Protocole de 1992 peut donc être considérée comme le texte principal en droit uniforme dans le domaine visé, ayant désormais dépassé celle-ci dans les rapports internationaux. La Fund Convention de 1971 ayant cessé d’être en vigueur, faute du nombre d’États contractants nécessaire, le système uniforme visant la responsabilité pour pollution par hydrocarbures est aujourd’hui constitué par le système CLC- FC de 1992.
2. L’étendue des dommages indemnisables par le système « CLC-FC » : l’indemnisation des dommages écologiques par le « FIPOL »
218L’on a bien remarqué que, quant à l’indemnisation des dommages par pollution par hydrocarbures provoqués par les navires, il faut parler d’un système de règles composé par la CLC et la FC de 1992.
219On a dit précédemment que la CLC concerne la responsabilité du propriétaire du navire pour les dommages provoqués par une fuite de persistent oil.
220En 1992, le « dommage par pollution »966 a été étendu à tout dommage provoqué par une telle fuite, « étant entendu que les indemnités versées au titre de l’altération de l’environnement autres que le manque à gagner dû à cette altération seront limitées au coût des mesures raisonnables de remise en état qui ont été effectivement prises ou qui le seront ». En outre, le Protocole de 1992 vise « le coût des mesures de sauvegarde et les autres préjudices ou dommages causés par ces mesures ».
221Si les dommages concernés par la Convention sont tous des dommages économiques, la question est alors celle de savoir s’il peut aussi y avoir une réparation pour les dommages « écologiques », soufferts par l’État victime d’un accident polluant.
222La réponse positive à la question posée doit être donnée sur la base de quelques éléments tirés des textes internationaux et de la doctrine et jurisprudence qui viennent de s’affirmer dans ce domaine.
223Tout d’abord, la Convention sur le droit de la mer de 1982 ne permet plus de considérer en tant que res nullius l’environnement marin et sa bio-masse dans les espaces où l’État exerce ses droits souverains, zone économique exclusive et plateau continental inclus967. L’on peut en fait tirer de plusieurs dispositions de la Convention de 1982, dont d’ailleurs les articles 235 alinéas 2 et 3 et l’article 235 n’excluent pas la réparation du dommage écologique, « des nouvelles règles concernant la responsabilité en droit international »968 .
224Au niveau européen aussi la question du dommage environnemental a bien été prise en compte dans le « Livre Blanc sur la responsabilité environnementale » présenté par la Commission le 9 février 2000. Il y est affirmé notamment le principe du « pollueur-payeur », qui prévoit que « la réparation du dommage écologique par l’auteur des dommages devrait se traduire par un degré de prévention et de précaution accru »969.
225Aux États-Unis, le dommage écologique est bien connu et sa réparation a été prévue par le CERCLA de 1980, puis par le OPA de 1990. C’est ainsi que le Gouvernement des États-Unis, les États américains et les tribus indiennes, constitués en trusteeship, ont droit à l’indemnisation des dépenses qu’ils ont encourues à cause des hydrocarbures dispersés970.
226En Italie aussi le droit à l’indemnisation du dommage à l’environnement a été reconnu par loi à l’État dès les années 1980971 « sans pour autant préciser que l’argent doit être utilisé pour le but précis de remise en état »972.
227Il y aurait ainsi assez d’éléments pour affirmer que le droit à la réparation du dommage écologique est désormais reconnu autant que la réparation de la lésion d’un « bien collectif », dont l’État est titulaire et dont il est bien censé prétendre l’indemnisation sous l’empire du système CLC-FC ’92, le FIPOL pouvant alors être le vecteur naturel dans le cadre des espaces maritimes de la notion de « développement durable » permettant de protéger l’environnement pour les générations futures973.
228La question est d’autant plus importante pour le fait que le système créé en 1992 élargit le champ d’application du droit uniforme aux dommages provoqués par pollution, survenus dans la zone économique exclusive.
229Il conviendrait, en conclusion, que dans le cadre du système CLC-FC les pays contractants garantissent au FIPOL les ressources nécessaires pour faire face aux demandes en réparation des dommages écologiques dont les États ont souffert974.
3. La Convention « HNS » de 1996 (SNPD)
230Une convention qui n’est pas encore entrée en vigueur975, mais qui contient un système de responsabilité du propriétaire du navire tout à fait similaire à celui de la CLC, est la Convention internationale du 3 mai 1996 sur la responsabilité et l’indemnisation pour les dommages liés au transport par mer des substances nocives et potentiellement dangereuses (SNPD), plus connue sous l’acronyme anglais HNS976.
231La responsabilité est rattachée au propriétaire du navire par une disposition très proche de l’article 3 de la CLC977.
232La Convention a d’ailleurs repris les mêmes dispositions sur la « canalisation de la responsabilité » que la CLC modifiée par le Protocole de 1992978, d’où il s’ensuit que nos observations demeurent valables à la différence qu’ici il est prévu expressément que ladite « canalisation » ne touche pas au droit de recours du propriétaire contre l’armateur-débiteur979.
233Les limites de la responsabilité sont fixées similairement à la LLMC, selon le tonnage du navire980, mais il y a aussi une limite maximale de responsabilité981.
234La déchéance du bénéfice de la limitation est prévue en cas de faute dolosive ou inexcusable, comme dans la LLMC982 et dans la CLC, amendée par le Protocole de 1984. Pour se prévaloir du bénéfice, le propriétaire doit, comme dans la CLC, constituer un fonds qui est établi sur le modèle des dispositions de la LLMC.
235Comme dans la CLC, l’établissement d’une assurance obligatoire est imposé au propriétaire du navire.
236L’assureur peut lui aussi constituer le fonds, dont il bénéficie, si le propriétaire n’est pas en droit de le faire en ayant commis le fait qui a produit le dommage avec faute dolosive ou inexcusable.
237Le système est donc, ici aussi, fondé sur l’assurance du risque et sur le contrôle des primes d’assurance. Il semble s’inspirer des principes fondamentaux de la CLC, même si, en ce qui concerne la canalisation de la responsabilité sur le propriétaire, comme on l’a dit, il n’y a plus aucun doute que celle-ci ne joue pas dans l’éventuelle action récursoire du propriétaire contre l’armateur et ses préposés. Pour assurer la coordination entre les deux conventions, les rédacteurs de la HNS ont exclu son application dans les cas de pollution visés par la CLC983.
238Le système demeure ainsi fondé sur une distinction entre deux niveaux, comme celui de la CLC, qui était complété par la Fund Convention de 1971, visant le fonds international complémentaire pour les dommages dont la réparation dépasse les limites dont le propriétaire peut bénéficier. La responsabilité limitée du propriétaire n’étant pas suffisante pour réparer les dommages, un fonds complémentaire va alors intervenir984 pour payer ces dommages liés au transport des substances nocives ou dangereuses.
239Le souci de coordonner la HNS avec la LLMC a conduit à l’introduction, dans l’article 18 de la LLMC tel qu’amendé par le Protocole de 1996, du droit pour chaque État contractant de se réserver d’exclure de l’application de la LLMC les créances pour dommages prévues par la HNS. Les deux instruments pourraient en fait concourir à réglementer la même question de droit, puisque la LLMC, ainsi que les autres conventions visant le système général de limitation, n’exclut pas de son champ d’application les demandes d’indemnisation pour dommages causés par des substances nocives ou dangereuses au sens de la HNS985. Cela entraîne deux types de problèmes, le premier concernant le rapport entre la LLMC et la HNS au sein de l’ordre juridique de l’État qui est partie aux deux conventions en même temps, et l’autre visant le rapport de cet État envers les États tiers parties à la LLMC. Le premier devra alors être résolu sur la base du critère de spécificité, la HNS prévalant sur la LLMC, qui demeure alors, en tant que système général, une discipline résiduelle qui pourra être appelée à combler les lacunes éventuelles du système spécifique. Le rapport avec les États tiers sera par contre régi par le principe fondamental du droit international pacta sunt servanda, inséré d’ailleurs dans le texte de la HNS986.
4. La « NUCLEAR Convention »
240Enfin, une autre discipline spécifique visant la responsabilité du propriétaire de navires est celle concernant le transport par mer des substances nucléaires : Convention relating to Civil Liability in the Field of Maritime Carriage of Nuclear Material (NUCLEAR) de 1971, qui exonère de la responsabilité toute autre personne que les exploitants des installations nucléaires.
241La HNS exclut d’ailleurs de son application les dommages causes par certaines substances radioactives987.
242La LLMC exclut aussi de son champ d’application les créances soumises à toute convention internationale ou législation nationale régissant ou interdisant la limitation de la responsabilité pour dommages nucléaires, ainsi que toute créance pour dommages nucléaires formée contre le propriétaire d’un navire nucléaire988.
5. La « Bunker Convention » (BC)
243Le 23 mars 2001, une nouvelle convention a enfin été adoptée sous les auspices de l’OMI dans le domaine de la responsabilité pour pollution par hydrocarbures.
244Il s’agit de la International Convention on Civil Liability for Bunker Oil Pollution Damage (BC), modelée sur le type de la CLC de 1969, qui retient le système de l’assurance obligatoire par le propriétaire du navire, ainsi que l’action directe envers l’assureur.
245N’ayant pas obtenu les ratifications nécessaires, elle n’est pas encore entrée en vigueur989.
246La nécessité de cette convention, visant la pollution par les réservoirs des navires, avait déjà été soulevée lors de la Conférence diplomatique de 1969, qui avait abouti à l’approbation de la CLC. A l’époque, les préoccupations principales visaient cependant l’éventualité de désastres comme celui du Torrey Canion et la CLC ne concerna, alors, qu’un tel type d’accidents. La pollution par réservoir de navire fut alors prévue par des lois internes, comme celle du Royaume Uni et celle des États-Unis990.
247« Propriétaire de navire » ou shipowner, aux termes de cette convention, n’est pas le seul propriétaire comme dans le système CLC - FC ou dans celui de la HNS, revenant ainsi à la notion qu’on avait déjà rencontré dans le système général de limitation991 et visant le propriétaire, l’affréteur, l’armateur et l’armateur gérant du navire992.
248L’assurance obligatoire est prévue, par contre, pour le seul propriétaire effectif (registered owner), revenant ainsi à l’un des éléments fondamentaux des conventions spécifiques sur la pollution par hydrocarbures et sur le transport de marchandises nocives et potentiellement dangereuses. Doit-on pour autant se demander si le propriétaire doit constituer et payer l’assurance aussi pour le risque couru par d’autres responsables ? Et lorsqu’il existe d’autres couvertures d’assurances, notamment par les autres sujets qui rentrent dans la notion shipowner, quel sera alors le partage de la responsabilité de chacun face au droit à la limitation prévu pour le shipowner et pour l’assureur ?
249Ce sont des questions qui ont visé l’approche doctrinale de cette discipline993.
250Faute d’un système de canalisation objective de la responsabilité, le ou les sujets responsables selon les critères généraux de rattachement de la responsabilité supporteront les conséquences dommageables de leur propre activité, chacun en proportion de leur contribution personnelle au dommage, leur responsabilité pouvant demeurer limitée selon la volonté de la loi. La BC doit en fait être considérée comme un élément de rupture avec ce principe de canalisation, et le rattachement de la responsabilité au shipowner ne doit pas être interprété en tant qu’attribution objective des conséquences dommageables à toutes les personnes comprises dans cette notion selon la lettre de la convention, puisque le texte de la convention spécifie ce n’est que si plusieurs personnes sont responsables que leur responsabilité sera solidaire994.
251Cette interprétation répond, je crois, aux doutes de ceux995 qui ont pensé que la BC envisage un rattachement de la responsabilité selon une solidarité du coté passif de l’obligation concernant toutes les personnes comprises dans le terme “shipowner”, propriétaire de navire, à l’instar de l’OPA des États-Unis ou, encore plus, du CERCLA, qui rattache la responsabilité à une multiplicité de personnes qui sont ainsi rendues toutes responsables solidairement.
252Mais si on ne doit pas voir dans le système BC le rattachement d’une responsabilité solidaire aux personnes qui composent la notion de shipowner selon la lettre de la Convention, il peut y avoir plusieurs responsables selon le droit commun, ce qui est confirmé par le droit du shipowner à exercer l’action récursoire qui lui est reconnue indépendamment de la convention996. C’est d’ailleurs pour cette raison que la Conférence approuvant la BC a adopté une recommandation pour que les États prévoient des immunités pour certaines catégories de personnes, qui seraient autrement responsables pour le tout997. Il est facile alors de voir que cette recommandation brise l’uniformité acquise par le biais de la Convention, chaque État étant alors, lors de sa mise en œuvre, à l’abri de ses lobbies internes. Seulement les personnes auxquelles la responsabilité doit être rattachée selon les critères généraux qu’on est en train de tirer du droit commun et du droit uniforme, dans un approfondissement doctrinal du fondement de la conception moderne de la responsabilité, devraient payer les dommages en réparation, tout autre sujet n’étant pas responsable hors de ces principes, sauf disposition législative contraire998.
253L’assurance obligatoire en particulier ne doit alors être considérée autrement que comme un instrument en faveur des tiers endommagés, n’ayant rien à voir avec le rattachement de la responsabilité au fond de la question de droit visée, car l’obligation de la compagnie d’assurance est une obligation contractuelle envers l’assuré, l’action directe de l’endommagé prévue par la Convention n’apportant aucune modification à la nature juridique de cette obligation, qui demeure distincte de celle de l’assuré999. L’obligation de l’assureur a donc une source tout à fait distincte de celle de l’assuré, c’est-à-dire le contrat d’assurance. L’assureur ne peut être tenu que pour le montant établi au sein du contrat, qui devrait correspondre au maximum, dans la logique de la BC ainsi que de toutes les conventions de droit uniforme empruntées au principe de l’assurance du risque à des primes raisonnables, au montant de la limite maximale de la responsabilité ainsi que limitée par ces conventions. Une somme supérieure pourra être réclamée seulement par le tiers endommagé soit s’il prouve la cause de déchéance envers l’une des personnes qui peuvent bénéficier de la limitation de la responsabilité soit s’il prouve qu’elle doit être rattachée à une autre personne ne jouissant pas d’un tel bénéfice. Dans les deux cas, la demande devra être adressée directement au sujet assuré, pour la somme complète dans la première hypothèse, car la cause de déchéance du droit à la limitation est la même qui cause la déchéance de la couverture de l’assurance en droit français et italien1000 et risque de l’être en droit anglais aussi1001, auquel sont emprunté la plupart des formulaires d’assurance maritime. Dans le deuxième cas, lorsque le responsable est assuré, la demande pourra lui être adressée pour le montant qui excède la limite de la couverture d’assurance.
254La CLC de 1992 couvre toutes les pertes provenant d’un pétrolier, tandis que la BC concerne les pertes du réservoir de tout autre navire. Bien que la définition de “pollution damage” soit la même1002, celle de “ship” est complètement différente et correspond à celle qu’on trouve dans la HNS1003. Les deux instruments demeurent ainsi mutuellement exclusifs, car la CLC de 1992 couvre toutes les fuites d’hydrocarbures provenant des pétroliers, tandis que la BC s’applique à chaque fuite des soutes d’un navire autre qu’un pétrolier1004.
255Mais il est important de remarquer qu’en ce qui concerne la limitation, la BC ne pose pas une règle propre à elle-même, en s’appuyant sur les limites prévus par la loi applicable, qu’elle soit une loi nationale ou internationale1005.
256La BC ne visant donc pas directement le droit à la limitation de la responsabilité et renvoyant à la loi applicable, il est alors fondamental d’en apprécier les rapports avec les conventions qui constituent le système général de limitation. Relativement au rapport avec la LLMC, expressément citée par l’article 6, on a remarqué que certaines des conséquences dommageables d’une fuite des soutes, autant que de n’importe quel accident provoquant la pollution par hydrocarbures, peuvent rentrer dans les créances prévues par l’article 2 de la LLMC1006.
257Quand la créance dérive des mesures prises pour prévenir ou réduire un dommage il faut cependant rappeler que la personne responsable ne peut pas invoquer cette créance contre le fonds de limitation, selon la disposition de la LLMC1007. Cela serait alors en contradiction avec les dispositions de la CLC et de la HNS, qui prévoient cette possibilité en faveur du propriétaire. Mais ce qu’on oublie, dans cette analyse, c’est encore une fois le fait que dans le système de la CLC et HNS, qui prévoient la « canalisation » de la responsabilité, celle-ci lui est rattachée par la loi d’une façon purement objective, hors même du concept de « risque d’entreprise ». Il est ainsi bien justifié, dans ce système, que le propriétaire ainsi « rendu responsable » puisse faire valoir ses propres créances, pour les mesures prises afin de prévenir ou de réduire les dommages, contre le fonds de limitation. Puisque la responsabilité est automatiquement canalisée sur lui, il n’est pas en fait le vrai débiteur dans le rapport subjectif - schuldner -, étant par contre rendu, à notre avis, responsable par la loi - haftung - pour l’obligation d’autrui.
258Mais ce qui est le plus frappant c’est que les créances pour altération de l’environnement autres que le manque à gagner, dont l’indemnisation est limitée par la BC comme par la CLC au coût des mesures raisonnables de remise en état effectivement prises ou qui le seront, ne rentrent pas dans la liste de l’article 2 de la LLMC et la responsabilité du shipowner face à de tels dommages, qui constituent une grande partie de ceux qui peuvent être provoqués par une fuite des soutes, demeure donc illimitée, sauf s’il existe un régime de limitation applicable autre que celui de la LLMC1008.
259Avec la loi applicable aux questions de droit concernant la limitation de la responsabilité qui devrait dans une approche de droit uniforme découler de l’application de la LLMC, on arriverait au résultat gênant selon lequel le « propriétaire du navire » ne peut pas, face aux créances pour altération de l’environnement autres que le manque à gagner, jouir d’une quelconque limitation de responsabilité, à l’opposé de ce qui découle du système CLC ou HNS.
260La question se pose ainsi de savoir quelle est l’unification du droit maritime dans ce domaine.
261La législation uniforme nous montre ainsi tous les inconvénients de ses carences doctrinales. Dans le système de la CLC et dans celui de la HNS, le but pratique d’assurer une indemnisation aux endommagés par pollution, qui devrait être poursuivi par le biais d’un instrument d’assurance, a été malheureusement confondu avec le rattachement de la responsabilité au fond, la canalisation de la responsabilité sur le propriétaire ayant enfin abouti, selon une large partie de la doctrine, à une exonération légale au bénéfice des vrais responsables-débiteurs1009. Ce système, critiqué par les États-Unis et par la Commission européenne à l’issue du désastre de l’Erika1010, a alors été abandonné dans la Bunker Convention, au sein de laquelle on a cru pouvoir renvoyer au système général de limitation, dont la structure désormais taxonomique, se révèle incapable de limiter les créances dérivant des formes de dommages originairement non prévues. Le renvoi pour droit à la limitation, est d’ailleurs fait de façon vague à la loi applicable, avec le résultat que personne ne peut savoir, finalement, quelle sera la limitation, ni même s’il y aura une limitation1011. Le principe de la limitation, qui devrait être l’un des principes généraux du droit maritime, est ainsi devenu aléatoire par l’application d’un droit uniforme, les conséquences se retournant inévitablement sur les primes d’assurances, même si le texte de la BC Convention prévoit une limite pour la couverture d’assurance, dont on est absolument pas sûr que la loi applicable respectera le montant.
262Dans cette « marée noire », il n’y a donc pas à se féliciter de l’état actuel de l’unification acquise par le droit uniforme dans ce domaine1012.
§ 3. Systèmes de limitation et loi applicable
263Face aux systèmes de droit uniforme, il y a d’autres normes qui sont censées combler ses lacunes ou régir entièrement les rapports de droit qui n’entrent pas dans le champ d’application des conventions de droit uniforme.
264Parmi ces normes qui constituent la loi applicable dans ce cas, il y a des systèmes qui relèvent encore d’un plan supérieur au système national. Il s’agit des normes qui ont un niveau fédéral, au sein des États qui ont une telle structure de droit public par exemple, ou un niveau interétatique régional, comme le système communautaire.
265On réunira ces deux typologies dans une notion unique de « systèmes d’unification régionale du droit » qui se distinguent donc de ceux qu’on vient d’analyser car ces derniers ont une vocation à l’unification globale, découlant de leur nature de conventions multilatérales ouvertes à la signature de tous les États.
266Ensuite, on analysera les critères de détermination de la loi applicable tels que proposés soit par la méthode conflictuelle soit par celle matérielle, en passant par les thèmes préalables constitués par le choix de la juridiction à saisir et les réactions possibles à un tel choix quand cela peut influencer la décision de la question au fond.
A. Systèmes d’unification régionaux
267Parmi les systèmes d’unification régionale du droit maritime, on a choisi de limiter la recherche exclusivement à ceux des États-Unis (2) et de la Communauté Européenne (1) pour deux raisons fondamentales. La première est que ces deux modèles tous seuls sont fortement représentatifs, concernant les deux blocs économiques les plus puissants du globe. Ils constituent d’ailleurs un terrain privilégié pour l’élaboration du droit dans ce domaine, tout en représentant un moteur politique et économique pour atteindre une unification au niveau mondial. Le deuxième réside dans le fait qu’élargir l’analyse à d’autres réalités nous emmènerait trop loin des finalités pratiques auxquelles cette recherche s’adresse.
1. Le système de la Communauté Européenne
268Le droit communautaire ne s’occupe pas de la limitation de la responsabilité du propriétaire de navire en général.
269Aucun système général de limitation n’existant au sein de la Communauté, chaque État membre adopte son modèle, ce qui pose nombre de différences parmi les États communautaires.
270La Communauté européenne, comme on l’a partiellement observé auparavant, dicte par contre quelques dispositions communes sur la limitation de la responsabilité dans le domaine de la pollution par hydrocarbures.
271Par rapport à la responsabilité du propriétaire par pollution, on peut brièvement observer les traits fondamentaux du régime développé dans l’ordre juridique communautaire, en tant que « système d’unification régional du droit ».
272Suite au désastre de l’Erika le 12 décembre 1999 sur les côtes françaises et à celui du pétrolier Prestige le 13 novembre 2002 devant les côtes espagnoles, la Communauté européenne a adopté une série de mesures sur le thème de la sécurité maritime, dont notamment un règlement1013 imposant aux propriétaires de s’assurer que leurs pétroliers d’un poids égal ou supérieur à 5000 tonnes, lorsqu’ils entrent dans un port ou dans un terminal en mer relevant de la juridiction d'un État membre, quel que soit le pavillon sous lequel ils naviguent, ou, en tout cas, des pétroliers battant le pavillon d’un État membre, soient munis d’une double coque. Il s’agit d’ailleurs d’une réglementation visant un plan d’introduction accélérée dans l’ordre juridique des États membres des prescriptions en matière de double coque ou de normes de conception équivalentes à celles de la convention MARPOL 73/781014.
273Ces mesures avaient d’ailleurs été introduites par l’OMI à la suite de l’Oil Pollution Act des États-Unis (OPA). Par cette loi, les États-Unis avaient imposé unilatéralement des exigences de double coque tant pour les pétroliers neufs que pour ceux existants, par le biais de limites d’âge (à partir de 2005 entre 23 et 30 ans) et d'échéances (2010 et 2015) pour l'abandon des pétroliers à simple coque.
274La Commission européenne, préoccupée de l’éventualité que les flottes vétustes bannies des eaux américaines à partir de 2005 se reversent dans l’Espace Économique Européen, en augmentant le risque de pollution déjà élevé1015, avait d’ailleurs adressé en 2000 au Conseil et au Parlement une communication, proposant l’application au sein de la Communauté européenne d’un calendrier d’abandon progressif similaire à celui adopte par les États-Unis et conseillant d’encourager fortement toute initiative éventuelle au plan international (OMI) en vue d'adopter un tel calendrier accéléré1016.
275Après le désastre du pétrolier Prestige, navire à coque simple de 26 ans d’âge, la Commission adressa une autre communication au Conseil1017 et au Parlement, pour une mise en place accélérée des mesures prévues à la suite du naufrage de l’Erika. Parmi ces mesures, on peut rappeler la règle spécifique visant le droit d’inspection et d’immobilisation du navire par l’État du port1018.
276À l’issue du désastre de l’Erika, la Commission avait aussi proposé la création d’un fonds supplémentaire européen d’indemnisation des victimes des dommages par pollution par hydrocarbures (COPE)1019, et d’une Agence européenne de la sécurité maritime1020 chargée de soutenir l’action de la Commission et des États membres dans l’application et le contrôle de la législation communautaire.
277La Commission de la Communauté Européenne estime que le domaine de la prévention de la pollution maritime est fondamental, puisque quatre-vingt-dix pour cent des échanges économiques avec les pays tiers sont fait par le biais des transports maritimes1021. Le rôle de la communauté dans le domaine de la pollution par transports maritimes, ainsi que dans le domaine des transports maritimes est toutefois secondaire, la matière relevant du droit international et des accords multilatéraux promus pour la plupart par les Nations Unies à travers son Agence spécialisée, c’est-à-dire l’OMI.
278C’est pour cela que la Commission a adressé au Conseil une recommandation en vue de l’adhésion de la Communauté à l’OMI1022, à la suite de laquelle l’Union européenne sera ainsi directement en mesure de peser de tout son poids dans l’élaboration et l’adoption de règles internationales plus strictes en matière de sécurité maritime.
279L’OMI et d’autres organisations internationales développent le droit international en la matière par le biais de Conventions internationales, mais aussi par des actes de nature différente, comme des recommandations, des guidelines ou des codes de conduite. Ces sources n’ayant pas une valeur normative immédiate, elles constituent pourtant des systèmes d’unification ou d’harmonisation du droit maritime plus souples, devant être reçus dans les ordres juridiques nationaux pour pouvoir devenir efficaces.
280Toutes ces sources constituent la variété multiforme du droit international maritime, dont l’essence n’est donc pas constituée seulement par les traités, qui demeurent néanmoins la source la plus rigide.
281La Communauté Européenne, en tant qu’organisation régionale, capable de former des actes normatifs obligatoires pour les États membres, joue en pratique un rôle très important en ce qui concerne la mise en œuvre de cette pluralité des sources d’origine internationale et dans le comblement des lacunes de celui ci1023.
2. Le système des États-Unis
282On a déjà parlé du système américain en tant qu’exemple de système de limitation mixte1024.
283À la suite de la partition dans laquelle on a décidé de proposer l’analyse du sujet, le système américain apparaît emprunté lui aussi à la distinction entre une discipline visant la limitation de la responsabilité en général et une autre donnée dans des domaines spécifiques.
284Ainsi, le système général de limitation aux États-Unis est constitué par le Limitation Act de 1851, amendé en 1935, en 1936 et en 1984, codifié au sein du US Code.
285On a déjà examiné les éléments principaux de cette discipline, dont la règle qui concerne le droit à la limitation de l’owner a été codifiée au 46 U.S.C. Sect. 183. On rappellera ici seulement que ce système prévoit une extension du bénéfice seulement à l’affréteur à coque nue1025, restant ainsi exclus soit l’affréteur au voyage, soit le time charterer1026, soit les autres cas que l’on fait normalement rentrer dans la notion française d’armateur gérant - manager and operator of the ship1027-.
286Le système de limitation est, on l’a vu, mixte. Il peut y avoir soit la prestation par le propriétaire d’une garantie financière correspondante au montant auquel la responsabilité est limitée et qui est constitué par la valeur du navire à la fin du voyage, soit l’abandon de celui-ci à un trustee.
287Le système a alors l’inconvénient que, le navire pouvant être gravement endommagé ou coulé, ce montant pourrait se réduire à zéro.
288Par rapport aux lésions corporelles et au cas de créances pour mort provoquées par un « navire de mer »1028, l’amendement de 1935 a prévu, au cas où le montant dérivant de la limitation est insuffisant à satisfaire les victimes, une extension supplémentaire de la limite à 60 $ par tonne, élevée à 420 $ par l’amendement de 1984 aujourd’hui en vigueur1029.
289Mais l’élément le plus critique est donné par la cause de déchéance du bénéfice pour privity or knowledge de 1’owner, qui conduit le plus souvent à la perte du bénéfice surtout à cause de la tendance à suivre la théorie de la constructive knowledgement élaborée dans l’affaire du Linsee King en 1932 et aujourd’hui critiquée après l’entrée en vigueur du Code ISM, à la suite duquel le propriétaire de navire aux États-Unis est encore plus exposé au risque de déchéance du bénéfice1030.
290Face à ce système, qui constitue le système général de limitation aux États-Unis, il y a aussi des systèmes spécifiques de limitation de la responsabilité, donnés surtout dans le domaine de la lutte contre la pollution.
291Par rapport au problème de la pollution par transport marin d’hydrocarbures et de substances nocives et potentiellement dangereuses, les États-Unis ont, au niveau fédéral, une position rigide qui leur est propre et qui est représentée par deux instruments législatifs importants : l’Oil Pollution Act de 1990 (OPA 1990) et par le Comprehensive Environnemental Response, Compensation and Liability Act de 1980 (CERCLA 1980).
292Le système de l’OPA 1990 est construit, comme celui CLC-FC, sur deux niveaux d’indemnisation, l’un à la charge du shipping sector, l’autre visant un fonds complémentaire financé par les compagnies pétrolières, l’Oil Spill Liability Trust Fund (OSLTF), au cas où le premier niveau d’indemnisation ne serait pas suffisant.
293Ce qui marque cependant la profonde différence de l’OPA 1990 par rapport au système CLC-FC, c’est la construction doctrinale sur la base de laquelle la responsabilité pour les dommages par pollution est rattachée au shipping sector, expression avec laquelle le droit américain se réfère au propriétaire, à l’armateur-gérant et à l’affréteur coque nue1031, c’est-à-dire aux personnes qui sont rassemblées dans la notion d’« owner or operator »1032.
294Le système de « canalisation » de la responsabilité sur la personne du propriétaire du navire n’a pas été accepté aux États-Unis, qui gardent donc un système alternatif à celui de la CLC-FC. L’OPA rattache la responsabilité solidairement à tous les sujets visés1033, qui jouissent tout de même du bénéfice de la limitation de leur responsabilité selon un système tarifaire1034.
295La cause de déchéance du bénéfice est constituée par la « gross negligence or wilfull misconduct »1035, le « wilfull misconduct » constituant d’ailleurs la cause de déchéance de la couverture d’assurance, selon la pratique des formulaires en droit anglais1036 tandis que la « gross negligence » pourrait provoquer une telle déchéance seulement au cas où elle puisse être qualifiée comme « faute inexcusable », au moins en droit français1037. Mais la déchéance du bénéfice est prévue même à cause de la violation, par l’un des responsables solidaires ou par son représentant ou préposé, des normes fédérales en matière de sûreté, construction ou gestion1038, ou par faute ou refus personnel d’un des responsables pour certaines obligations spécifiques d’information et coopération1039.
296En ce qui concerne l’étendue de l’indemnisation qui est reconnue par l’OPA, cet instrument sanctionne le droit à la réparation pour les dépenses correspondantes au coût de remise en état et pour les dommages soufferts. Parmi ceux-ci, tout d’abord il y a les dommages « aux ressources naturelles »1040, dont le droit à l’indemnisation est reconnu au Gouvernement des États-Unis, des États américains ou des Agences publiques. Le droit à la réparation du dommage écologique a donc été affirmé clairement dans le OPA ’90, mais il s’agit d’ailleurs d’un poste qui était bien connu déjà avant cette loi, étant sanctionné par une loi visant à la protection de l’environnement qui date de 1980. Cette position des États-Unis a été citée à titre d’exemple pour l’admissibilité de la réparation du dommage écologique en tant que « dommage à un bien collectif », dont l’État est le représentant.
297Le système élaboré par le législateur américain dans le CERCLA est constitué premièrement par un rattachement de la responsabilité à un large nombre de sujets1041.
298Cette responsabilité élargie solidairement constitue la plus grande expression législative de la théorie favorable à un système dit du sharing risk, ou de la shared liability.
299Il y a en fait deux méthodes pour réduire les risques de dommages par pollution, l’une constituée par les encouragements à prendre des mesures pour faire face à ces risques, l’autre par le partage parmi plusieurs sujets du risque d’en supporter les conséquences dommageables.
300La façon la plus efficace de pousser quelqu’un à supporter le coût des mesures pour prévenir de tels dommages consiste dans la « canalisation » de la responsabilité sur une personne ayant un pouvoir de « contrôle du risque » tel qu’elle pourrait agir, avec son comportement, sur la probabilité que l’événement dommageable arrive. Plus ce sujet sera sûr qu’il devra supporter entièrement les conséquences de l’événement, plus il sera amené à prendre des mesures pour éviter que le fait dommageable arrive. Son comportement sera alors autant plus efficace si ce sujet a le total « contrôle du risque ».
301Cependant, cela n’est pas le cas dans la plupart des activités maritimes qui provoquent le risque de pollution massive des eaux et des espaces marins. Le phénomène a bien été étudié en ce qui concerne le secteur de la pollution par hydrocarbures, où on a relevé l’existence d’une vrai « oil supply chain », ou chaîne de fourniture d’hydrocarbures, qui relie l’industrie pétrolière, les armateurs et les consommateurs1042.
302Cette analyse a conduit à la conclusion que, les consommateurs étant la « maille faible » de la chaîne, leurs comportements individuels n’ayant pas d’incidence significative sur les décisions des deux autres catégories, le contrôle sur le risque est étalé sur le « cargo sector » et sur le « shipping sector ».
303Il arrive alors que le problème de la « canalisation » soit constitué par le fait que, si le sujet rendu responsable est fortement poussé à prendre des mesures pour éviter le dommage, il y en aura d’autres qui, par contre, bien qu’ayant un contrôle sur ce risque, n’auront aucune raison économique d’en faire autant.
304À titre d’illustration, on a donné l’exemple du secteur de l’industrie pétrolière qui, ne supportant que le coût des taxes pour contribution au fonds complémentaire d’indemnisation, a tout intérêt économique à affréter les navires de transport sur la seule base du meilleur fret, sans souci des conditions de sûreté du transport, les conséquences dommageables d’un éventuel incident étant entièrement supportées par le « shipping sector »1043. L’industrie pétrolière ayant un contrôle considérable sur le risque, la solution la meilleure pour réduire le risque serait alors de rattacher la responsabilité à ce secteur, pour le pousser a contribuer aux mesures de prévention1044.
305Étant la raison théorique à la base de la doctrine du « sharing risk » et de la « shared liability », cette solution n’a pas été adoptée par le OPA, qui cantonne plutôt le risque au sein du « shipping sector », la responsabilité ayant été rattachée au propriétaire, à l’armateur-gérant et à l’affréteur coque nue.
306Dans le CERCLA le rattachement est par contre beaucoup plus élargi. Mais ce système en court des critiques dans les problèmes qui dérivent de l’action collective qui peut être exercée par les victimes envers tous les sujets responsables. La meilleure façon d’en profiter économiquement sera, en fait, pour chacun d’entre eux, d’économiser sur les mesures de prévention en attendant qu’elles soient prises par les autres1045.
307Ainsi le niveau d’efficacité de la « shared liability » comme instrument de prévention des dommages diminue par rapport au nombre des sujets qui sont rendus solidairement responsables.
308Le « shipping sector » est visé, dans le CERCLA, par la même notion de « owner or operator » qu’on a vu au sein de l’OPA1046, soit pour le propriétaire, l’armateur-gérant et l’affréteur coque nue, mais au cas où il y ait un contrat de transport, cette notion comprend aussi le transporteur1047. Les sujets responsables bénéficient d’une limitation de leur responsabilité calculée sur la base d’un système tarifaire1048, dont la cause de déchéance est représentée par les comportements correspondants à la faute dolosive ou inexcusable représentés par les concepts désormais connus de « willful misconduct or willful negligence within the privity or knowledge of such person »1049, les concepts de « privity or knowledge » se référant évidemment aux cas de responsabilité pour les faits d’autrui et à ceux du commettant pour les faits des préposés. Le législateur américain dans les cas de « vicarious liability » (responsabilité pour les faits d’autrui), autorise quand même le responsable à jouir du bénéfice de la limitation de la responsabilité si les actes dommageables fautifs des préposés sont arrivés sans qu’il y ait aucune participation tant réelle - actual participation - que psychologique - personal cognizance -de sa part1050.
309Il est prévu que le « owner or operator » de chaque navire doit constituer et maintenir une « evidence of financial responsibility », c’est-à-dire une preuve de garantie financière correspondante au montant de la responsabilité limitée, qui peut être établie aussi par le biais d’assurances ou d’autres instruments financiers de garantie approuvés par le CERCLA1051.
310Le CERCLA prévoit l’action directe des victimes contre l’assureur et précise que celui-ci n’est responsable que dans la limite prévue dans la police d’assurance1052. Cette dernière disposition nous montre encore une fois l’attitude taxonomique de la législation anglo-saxonne, cette solution étant en fait déjà implicite dans la nature juridique même des obligations de l’assureur, qui ont leur source uniquement dans le contrat et dont la responsabilité demeure donc distincte de celle extra-contractuelle de l’assuré.
311Le CERCLA prévoit aussi une « actio in rem » sur le navire, qui est l’objet d’un privilège maritime spécifique1053.
312À l’instar de la HNS enfin, le CERCLA prévoit un fonds complémentaire - The Hazardous Substance Superfund - constitué, parallèlement à l’« Oil Spill Liability Trust Fund » (OSLTF), par des taxes sur le commerce des produits concernés1054.
313Du coté des dommages indemnisables, le CERCLA se réfère aux dommages aux ressources naturelles, dont il donne une définition très étendue1055, qui a été ensuite adoptée aussi par l’OPA. À la lecture de la loi, il semble envisageable que les dommages dont on peut demander la réparation ne sont pas seulement ceux qui correspondent au coût de remise en état des ressources endommagées1056, mais aussi ceux relatifs au dommage écologique lui même.
314On le voit donc, les deux grands systèmes d’unification régionaux divergent dans la mise en œuvre des systèmes de limitation de responsabilité. Il n’en demeure pas moins que dans les deux cas ces systèmes devront tenir compte de la loi applicable au litige pour régler cette question de responsabilité.
B. La détermination de la loi applicable
315Le domaine visé est, comme on a pu bien l’observer au cours de toute l’analyse qui précède, caractérisé par des fortes différences de discipline.
316Cela conduit à l’existence d’autant de conflits de lois, dont chaque partie intéressée par un contentieux aura intérêt à bien profiter et risque de conduire à la pratique du « forum shopping », avec toutes les conséquences auxquelles on peut s’attendre en termes soit de la multiplication du contentieux, soit de fragmentation ultérieure de l’unité du droit maritime.
317Face à cette pratique, on connaît bien la réaction élaborée par les pays anglo-saxons dite des « anti suit injunctions », qui consiste à sanctionner, même avec des injonctions « in personam » qui peuvent aller jusqu’à l’arrestation physique de la personne contre laquelle elles sont infligées, toute violation des droits du défendeur en l’attirant devant une juridiction étrangère avec intention frauduleuse1057, cette injonction ne pouvant cependant pas être déclarée au cas où le for étranger est le « natural forum ».
318En droit américain, on observe que, la législation en matière de limitation de la responsabilité étant de nature processuelle, selon l’avis de la Cour Suprême1058, les « anti suit injunctions » dans le domaine visé ont une efficacité seulement interne et non internationale1059.
319Une affaire pourra donc être portée devant les tribunaux de plusieurs pays simultanément et la mise en œuvre des décisions sera ensuite remise à la loi de chaque État concerné1060.
320En ce qui concerne la détermination de la loi applicable, on rappellera la distinction des méthodes en droit international privé1061. La méthode traditionnelle est la méthode dite « conflictuelle », qui précise que les rapports seront réglés par la loi à laquelle renvoient les règles de conflit de lois du juge saisi. Mais il y a aussi une autre méthode dite de la « voie directe », par laquelle les règles matérielles seraient appelées à régler directement le fond de la question donnée, sans passer par les règles de conflit du juge saisi. Le droit uniforme constitue lui aussi une expression de cette méthode, puisque il règle directement des questions de fait données sans passer par la règle de conflit du juge saisi.
321Mais, comme on l’a vu auparavant1062, il y a d’autres sources qui concourent à composer cette méthode dont, dans le domaine donné, les usages et les pratiques du commerce international et, surtout, les principes généraux du droit maritime. Selon la méthode que nous avons proposé1063 il faudra alors toujours privilégier l’une de ces sources matérielles, dont la recherche doit être menée selon la méthode de la « comparaison fonctionnelle diachronique ».
322Le renvoi par la méthode conflictuelle au droit étatique demeure, dans cette conception doctrinale, tout à fait résiduel. La question des lacunes du droit elle-même est ainsi ramenée au domaine des sources du droit maritime. Ayant envisagé l’existence d’un ordre juridique « ouvert » et « général », celui-ci serait en fait toujours complet par définition, le seul problème étant alors celui d’en identifier les normes selon la méthode de la « comparaison fonctionnelle diachronique ».
323Il y a pourtant au moins un cas dans lequel la loi nationale sera quand même appelée pour combler des lacunes : quand une telle solution soit commandée par le traité lui-même.
324De plus, parfois c’est la convention qui renvoie à la loi nationale applicable. On peut remarquer qu’il s’agit alors de dispositions ayant le caractère de « règles de conflit », qui, étant incorporées au traité, atteignent la valeur normative de celui-ci et constituent un exemple de règles de conflit issues du droit international. Il s’agit par exemple de l’article 10, § 3 de la LLMC, qui dispose que « les règles de procédure concernant l’application du présent article sont régies par la législation nationale de l’État partie dans lequel l’action est intentée »1064. Mais on peut citer aussi l’article 11, § 2 : « un fonds peut être constitué, soit en consignant la somme, soit en fournissant une garantie acceptable en vertu de la législation de l’État partie dans lequel le fonds est constitué, et considérée comme adéquate par le tribunal ou par toute autre autorité compétente »1065 ; et surtout de l’article 14 de la même convention, qui précise que : « sous réserve des dispositions du présent chapitre, les règles relatives à la constitution et à la répartition d’un fonds de limitation, ainsi que toutes règles de procédure en rapport avec elles, sont régies par la loi de l’État Partie dans lequel le fonds est constitué »1066
325D’autres fois, le renvoi est fait à la loi nationale applicable tout court, renvoyant ainsi aux règles de conflit du juge saisi1067.
326Mais on peut envisager des lacunes pour la solution desquelles la convention ne pose aucune règle, ou en a posé quelques unes très vagues qui ne permettent pas de se référer exclusivement aux règles de conflit mais qui laissent ouverte toute autre solution pour identifier la loi applicable1068. Dans ces cas, le recours à la méthode matérielle réapparaît comme la solution la plus plausible selon le critère de spécificité, puisqu’elle dicte la règle qui est censée discipliner directement la question visée.
327C’est d’ailleurs ainsi que doit être résolu le problème de la « loi applicable » hors du champ d’application de la convention, privilégiant toujours les solutions matérielles. Un exemple emblématique est celui de la loi applicable aux contributions en avarie commune qui, exclues du champ d’application de la LLMC1069, seront réglées par les Règles de York et d’Anvers plus aisément qu’en faisant recours aux règles de conflit du juge saisi.
328Cela n’empêche que dans certaines situations déterminées la méthode conflictuelle soit appelée à combler des lacunes du droit uniforme ou à régler des cas donnés, quand on estime que celle-ci est la plus indiquée, en l’absence de toute autre règle matérielle directement applicable. C’est ce qui paraît avoir été pensé par les rédacteurs de la LLMC lors de l’exclusion de toute référence aux « pilotes » dans le texte de la convention, en se référant dans les pourparlers des travaux préparatoires exclusivement aux loi nationales. Mais cette indication aussi n’est pas décisive, l’interprète étant libre de chercher des solutions plus conformes à la réalité des choses maritimes, les travaux préparatoires ne constituant pas une source déterminante dans l’interprétation du texte au sein duquel elles ont été données.1070
329L’étude du droit de la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires en droit maritime venant ainsi d’être envisagée, il convient à présent de se pencher plus précisément sur la notion même de « propriétaire de navire de mer ».
SECTION 3. LA NOTION DE « PROPRIÉTAIRE DE NAVIRE DE MER »
330À la notion de « propriétaire de navire de mer » on attache, dans les conventions internationales visant la limitation de la responsabilité, plusieurs catégories de personnes.
331Cette notion vise le propriétaire ainsi que, parfois, l’« armateur », l’« armateur gérant » et l’« affréteur ». C’est le cas, on l’a vu, dans le système général de limitation de la LLMC et dans le système spécifique de la BC Convention.
332Mais en quoi se distinguent ces catégories ? Quelle est la raison pour laquelle elles sont toutes soumises au même bénéfice de la limitation de la responsabilité et réunies dans une même acception par les conventions internationales ?
333Ce sont des questions fondamentales du point de vue « passif », c’est-à-dire du débiteur de l’obligation, dont la responsabilité est limitée par la discipline uniforme.
334En l’absence d’une doctrine sur laquelle fonder la théorie de la limitation de la responsabilité en droit uniforme, la solution retenue par la LLMC a été la détermination taxonomique des créances assujetties à limitation et des débiteurs bénéficiaires1071.
335Malgré cette taxonomie pragmatique du législateur de droit uniforme, est il possible d’en tirer des principes généraux valables dans ce domaine qui puissent former la base d’une théorie doctrinale fondée sur les exigences modernes ?
336La réponse n’est pas facile, mais pourtant elle fait partie de la contribution à l’unification du droit maritime que la doctrine doit donner dans le sens de la complémentarité des méthodes proposées. Il s’agit de la nécessité d’une construction claire du concept de la responsabilité dans ce domaine et du principe général du droit à la limitation qui s’ensuit. Cette tâche conduit tout d’abord à l’identification des critères sur la base desquels doit être rattachée la responsabilité pour les risques de l’exploitation du navire, ce qui conduit à la détermination du sujet passif de l’obligation - schuldner - . Mais on a vu que parfois le droit maritime rend responsable aussi celui qui n’est pas la partie passive de l’obligation, mais un autre sujet, c’est-à-dire le propriétaire du navire. Cela peut arriver en cas de mise à disposition du navire pour la satisfaction de créances disposant d’un privilège maritime. Dans ce cas, c’est la loi qui commande l’assujettissement du patrimoine du propriétaire à ces créances, en fonction de garantie - Haftung -. Le propriétaire est ainsi rendu responsable avec son bien pour satisfaire ces créances, sans pour autant qu’il soit débiteur. Il s’agit de certaines situations qu’il faut considérer comme exceptionnelles et sur lesquelles on reviendra quand on parlera de la « garantie » en droit maritime et dans lesquelles cependant le droit à la limitation est aussi justifié, parce qu’on peut bien être responsable même sans être obligé sur le plan passif d’une obligation, contractuelle ou extracontractuelle1072. Il n’en demeure pas moins que le propriétaire, ayant souffert l’exécution sur le navire pour la dette d’autrui, aura le droit d’exercer l’action récursoire à rencontre du véritable débiteur de l’obligation.
337Étant comme on le voit primordiale pour la mise en jeu de la responsabilité, cette notion de « propriétaire de navire de mer » doit être envisagée dans les différents systèmes de droit (§ 1) avant de préciser quels sont les contours qui lui sont reconnus en droit uniforme (§ 2).
§ 1. La notion dans les différents systèmes de droit
338Le droit uniforme ayant été fortement marqué par la conception anglo-saxonne de shipowner1073, on s’occupera, ici seulement des conceptions visées dans le système de droit français (A) et dans le système italien (B), qui sont marqués par une profonde différence.
A. Le droit français
339Le chapitre VII de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967, modifié après la ratification par la France de la LLMC, précise dans son intitulé la responsabilité du « propriétaire du navire ». L’article 58 prévoit le droit à la limitation de la responsabilité du propriétaire, mais la règle est ensuite étendue à l’affréteur, l’armateur, l’armateur gérant, au capitaine ou à leurs autres préposés nautiques ou terrestres agissant dans l’exercice de leurs fonctions1074. On a donc un alignement de la loi interne sur le droit uniforme1075.
340En établissant seulement un règlement pour le propriétaire responsable, qui est ensuite attaché à d’autres sujets qui peuvent bénéficier des mêmes dispositions prévues dans le chapitre, notamment le bénéfice de la limitation au cas où leur responsabilité est engagée, cette loi ne dit rien en ce qui concerne le système de rattachement de la responsabilité.
341L’affréteur est celui qui paye le fret au fréteur dans le cadre d’un quelconque contrat d’affrètement.
342La notion d’« armateur » découle de celle d’armement, retenue comme un « ensemble des opérations qui constituent l’exploitation du navire »1076. Ainsi l’armateur n’est, en droit français, que l’exploitant du navire, l’usufruitier du navire, l’affréteur qui a loué le navire pour l’exploiter à son profit1077. En ce qui concerne l’armateur gérant, on peut citer le cas du quirataire chargé de l’administration courante du navire en copropriété1078, ou le copropriétaire gérant tout court.
343La doctrine française n’a pas manqué de remarquer que le Code de commerce reliait l’exploitation commerciale du navire au propriétaire, ne prévoyant pas le cas où cette exploitation serait exercée par autrui1079, à cause de la coexistence habituelle de la qualité d’armateur et de propriétaire dans la même personne.
344Que reste-t-il alors d’une notion d’armateur distinguée de celle de propriétaire telle qu’elle apparaît clairement de cette discipline ?
345L’exploitation du navire par un sujet autre que le propriétaire est en réalité bien possible, ses manifestations les plus communes consistant dans l’affrètement à temps1080, mais surtout dans l’affrètement coque nue. Même si une certaine doctrine dénie qu’il s’agisse d’une exploitation au sens strict du terme de la part de l’affréteur, du moment que le seul fait d’équiper et d’armer le navire du point de vue matériel constituerait déjà une exploitation commerciale du navire1081, dans ces cas on parle quand même couramment d’« armateur-affréteur ». Les dispositions visant l’exploitation du navire devraient alors s’appliquer à celui-ci, plutôt qu’au propriétaire.
346C’est ainsi que la législation française, en cohérence avec l’évolution du droit uniforme1082 a élargi le bénéfice de la limitation à l’affréteur, à l’armateur, à l’armateur-gérant ainsi qu’au capitaine ou à leurs autres préposés nautiques ou terrestres agissant dans l’exercice de leurs fonctions1083. Mais le système reste emprunté sur la limitation de la responsabilité du « propriétaire du navire », qui constitue d’ailleurs l’intitulé du chapitre VII de la loi 67-5 de 19671084, selon l’appellation traditionnelle dérivant de l’Ordonnance de la Marine. La limitation de la responsabilité de celui-ci, qui est élargie aussi aux autres sujets mentionnés auparavant, est maintenant représentée par le système de la LLMC de 1976, que la France a ratifié et sur la base de laquelle la loi de 1967 a été modifiée en 19841085.
347L’affréteur est donc cité comme bénéficiaire du droit à la limitation de la responsabilité bien qu’il ne soit pas armateur. Il est fait remarquer que si parfois on a vu que le droit uniforme réunit tous les sujets bénéficiaires dans la notion « propriétaire de navire »1086, le droit interne français garde, par contre, la distinction parmi ces notions1087.
348Le problème qui se pose alors est celui de la possibilité de faire valoir le droit à la limitation aussi dans les rapports réciproques entre bénéficiaires.
349Si en droit uniforme plusieurs sujets sont réunis sous une catégorie subjective unique qui bénéficie de la limitation, cela rendant plus difficilement envisageable que le droit à la limitation puisse être réclamé par les uns envers les autres1088, la distinction des notions en droit interne rend une telle éventualité bien plus vraisemblable dans la conception française. Pour cela un auteur français, en rappelant la distinction en droit français entre les différents types d’affrètement selon les possibles démembrements de la gestion du navire1089, a essayé de ramener la catégorie des affréteurs bénéficiaires à une notion restreinte à ceux qui participent de la gestion, l’objectif poursuivi étant de permettre « à tous ceux qui participent à l’exploitation du navire de limiter leur responsabilité à des montants assurables ».
350Mais cela ne revient-il pas à les ramener alors à la notion de « armateur » comme sujet qui exploite le navire et qui doit en supporter les risques ? Il n’en est rien puisque seul l’« armateur » est le sujet passif de l’obligation (Schuldner) et, par conséquent, le droit à la limitation doit être prévu à son avantage. C’est ainsi que le propriétaire du navire, quand il a cédé l’exploitation de celui-ci à l’armateur, ne pourrait être tenu responsable qu’en garantie pour les dettes de celui-ci, mais dans des cas tout à fait exceptionnels.
351La notion de propriétaire de navire ayant été appréhendée en droit français il reste à voir si la conception italienne est identique.
B. La notion italienne d’armateur
352Le code de la navigation italien intitule son article 274 « responsabilité de l’armateur ».
353L’encadrement juridique du code est, sous cet aspect, fortement marqué par l’empreinte doctrinale d’Antonio Scialoja, inspirateur de la législation de 1942.
354Ainsi, on ne peut reprocher à la partie du code dédiée à la responsabilité de l’armateur et à sa limitation (« limitation de la dette de l’armateur », art. 275) un manque de clarté scientifique. Le système italien, aujourd’hui encore en vigueur puisque l’Italie n’est partie à aucune des Conventions internationales dans ce domaine, est fondé sur une identification claire des critères de rattachement de la responsabilité au débiteur.
355Sur cette base a été élaborée la notion italienne d’« armateur », à la suite d’une « théorie générale de l’exploitation du navire », qui a amené à bien le distinguer de la notion de « propriétaire ».
356L’armateur, en tant qu’exploitant du navire, supporte le risque de cette activité selon le critère de rattachement de la responsabilité, fondé sur la notion de « risque d’entreprise ». C’est en fait l’intitulé même du titre III du livre II qui est appelé « sur l’entreprise de navigation ». Bien que cette notion n’ait rien à voir avec celle d’entreprise commerciale dont au livre V du code civil, qui remonte à la même époque que celui de la navigation, soit 1942, on ne peut qu’observer que ce terme, qui se réfère tout simplement à l’exploitation du navire, ramène au principe général de risque d’entreprise, qui doit régir le rattachement de la responsabilité pour l’activité de la navigation.
357L’armateur est ainsi le seul responsable, à l’exclusion du propriétaire, pour les faits de l’équipage et pour les obligations contractées par le capitaine pour les besoins du navire et de l’expédition. Celui-ci jouit d’ailleurs du bénéfice de la limitation de sa responsabilité1090 face à toutes les obligations nées au cours du voyage et pour les besoins de l’expédition, même celles qui découlent de son propre fait, sauf si il a commis une faute dolosive ou faute « lourde », c’est-à-dire une faute proche de celle « inexcusable » de la tradition juridique française.
358Le droit à la limitation a été ainsi prévu au bénéfice d’un seul sujet, identifié avec une correspondance exacte entre le coté passif de l’obligation -débiteur, schuldner - et l’ayant droit à la limitation. Ces deux aspects sont donc réunis dans la notion italienne d’« armateur », qui est soit débiteur-responsable soit bénéficiaire du droit à la limitation de la responsabilité.
359Il y a pourtant des exceptions à la théorie, dans lesquelles le propriétaire est responsable alors qu’il n’est pas exploitant du navire. Il s’agissait, pour Scialoja, d’exceptions fâcheuses, dont on trouvait des traces dans la tradition des privilèges maritimes, en tant que iura in rem, mais qui devaient ainsi garder le rang d’exceptions à une théorie forgée sur des bases solides et claires.
360À la suite de l’adhésion de l’Italie au système de la CLC et spécifiquement au Protocole du 19921091, qui est entré en vigueur pour l’Italie le 16 septembre 2000, le système a subi une exception ultérieure et tout à fait remarquable.
361L’existence de telles exceptions ne manque pas de créer des problèmes, puisque le système italien n’est pas préparé à faire face aux hypothèses pratiques qui ne rentrent pas dans le schéma de son encadrement doctrinal, le propriétaire éventuellement appelé en réparation ne pouvant pas se retourner vers aucune disposition du Code qui prévoie le droit à la limitation à son bénéfice aussi1092.
362Le système italien est complété par un régime de « publicité de la qualité d’armateur », par lequel celle-ci apparaît dans le registre naval1093, ce qui satisfait les instances de respect du principe d’apparence1094.
363On le voit donc, des divergences sont à noter quant à la conception française et italienne de la notion de « propriétaire de navire ». Toutefois, une certaine unification s’impose. Elle passe par l’appréhension de cette notion par le droit uniforme.
§ 2. La notion retenue en droit uniforme
364Le droit uniforme n’est pas construit sur une théorie de l’« exploitation du navire » à laquelle on pourrait valablement rattacher la responsabilité et sa limitation1095.
365Que ce soit l’Ordonnance de la Marine, l’ancien code de commerce français, soit la Convention de Bruxelles de 1924, ou celle de 1957, ou encore l’ensemble des lois nationales qui s’y réfèrent et la CLC de 1969 sur la responsabilité par pollution par hydrocarbures, tous ces textes visent le « propriétaire du navire ».
366Mais le propriétaire, comme on l’a remarqué, peut ne pas être engagé au niveau de l’obligation. Il peut être obligé de soumettre son patrimoine en fonction de la garantie pour une obligation qu’il ne doit pas, le vrai débiteur étant un affréteur du navire. Depuis l’époque où le propriétaire gérait lui même son navire et en assumait les risques, l’exploitation et la responsabilité pour les risques qui en découlent sont passées de plus en plus dans le chef d’un autre sujet, qui emploie le navire sur la base d’un contrat d’affrètement. Dans ces cas, où il y a une dissociation entre les qualités de propriétaire et d’armateur, seul ce dernier doit supporter les charges de son activité. L’armateur est donc le seul sujet passif des obligations qui concernent l’exploitation du navire, le propriétaire pouvant seulement être appelé en garantie pour celles-ci, par le biais des actiones in rem contre le navire. Mais il s’agit toujours de responsabilité sans dette, pour laquelle le propriétaire pourra ensuite se retourner envers l’armateur par l’action récursoire.
367Le dernier instrument uniforme (LLMC) renverse le système du coté passif de l’obligation à celui actif des créances. On a pu cependant remarquer que la LLMC ne peut pas être considérée comme un élément de rupture absolue avec le système précédent, dont elle est une continuation. Il faut donc continuer à parler de limitation de la responsabilité, bien que le système de la LLMC vise une limitation des créances. Il en découle l’intérêt actuel de la notion de « propriétaire de navire » au sein de la LLMC aussi, en tant que notion par le biais de laquelle on reconnaît le sujet qui est en droit de limiter sa responsabilité selon la convention.
368On a déjà remarqué que la LLMC concède ce bénéfice aussi à l’assistant, en brisant ainsi l’unité conceptuelle qui parait avoir jusqu’à présent caractérisé l’institution de la « limitation de la responsabilité du propriétaire de navire », mais cette disposition, on l’a dit, est plutôt le résultat d’une réaction aux injustices créées par la pratique judiciaire instaurée sous la Convention de 1957 que le signe d’une rupture avec l’institution de la limitation telle que conçue par la tradition. La même chose peut être affirmée par rapport à l’assureur.
369Il faut donc continuer à parler de « limitation de la responsabilité du propriétaire de navire » en reliant cependant cette formule aux instances qui rattachent la responsabilité au niveau subjectif de l’obligation, au seul sujet qui exploite effectivement le navire. Puisque l’armateur est le seul responsable en cas de dissociation des deux qualités, le propriétaire pourrait être responsable seulement en garantie, en gardant ainsi le droit à l’action récursoire à l’encontre du débiteur. Il n’en reste pas moins que le droit au bénéfice de la limitation est quand même justifié dans le chef du propriétaire aussi, puisqu’on peut être responsables sans être, pour autant, débiteurs.
370Il est alors intéressant d’observer que selon certains auteurs le législateur uniforme, lorsqu’il a « canalisé » sur le propriétaire du navire la responsabilité pour dommages par pollution par hydrocarbures, a rattaché la responsabilité à celui-ci non en garantie de la dette de celui qui exploite le navire (armateur), mais directement, en tant que véritable sujet passif de l’obligation, le propriétaire n’ayant pas d’action récursoire à l’encontre de l’armateur et de ses préposés1096. Cette solution est d’autant plus « bizarre » que l’on ne comprend pas vraiment quel est le critère sur la base duquel ce rattachement a été établi de façon directe et exclusive, les instances les plus modernes développées aux États-Unis dans la matière étant visées à l’établissement de ladite shared liability, parmi ces parties de la oil supply chain qui aient un contrôle sur les risques de pollution. La « canalisation » a été, enfin, critiquée par la Communauté européenne aussi, à l’issue des derniers désastres pétroliers dans les eaux de la Communauté.
371Il nous faut donc préciser que s’il existe une carence d’unité doctrinale relativement à la notion de propriétaire de navire telle que retenue par le droit uniforme (A), il n’en demeure pas moins que cette notion permet une extension de la responsabilité du propriétaire et de sa limitation (B).
A. La carence d’unité doctrinale suite aux différentes « cultures juridiques » concernées par le procédé d’unification
372Le droit uniforme examiné témoigne d’une forte carence doctrinale qui découle surtout d’un mélange de concepts, qui sont le résultat d’un compromis entre les deux cultures de civil law et de common law1097.
373C’est ainsi que, en honneur de l’actio in rem, le navire est rendu responsable lui-même, ou elle-même, « herself »1098.
374Dans un système où la responsabilité est rattachée à la chose1099 et où le niveau du droit substantiel est mélangé avec celui de la procédure, il est difficile de rappeler les données fondamentales de la responsabilité1100. Il est clair que la responsabilité personnelle débouche sur une responsabilité patrimoniale, c’est-à-dire portant sur les biens du débiteur qui est rendu responsable par la loi ou par une loi privée telle un contrat. Du plan subjectif on passe alors au plan objectif, en vue de la satisfaction des intérêts des créditeurs sur les biens du débiteur. La procédure exécutive visant les biens du débiteur, et non plus la personne comme dans le droit ancien, il est clair que l’intérêt final du créditeur est toujours représenté par une satisfaction in rem. D’où le pragmatisme d’un procédé raccourci qui vise, au lieu de son propriétaire, la chose elle-même dans la phase réservée à la définition du droit substantiel, c’est-à-dire qui vise le fond de la question. Mais ce pragmatisme gêne la théorie de la responsabilité telle qu’elle est conçue en droit civil continental1101, qui connaît seulement l’actio in personam, c’est-à-dire une action visant à se satisfaire sur les biens d’une personne autre que celle obligée et donc responsable en garantie de sa dette.
375Avec un tel exemple, il ne faut pas s’étonner non plus du rattachement de la responsabilité au propriétaire par l’Ordonnance de la Marine de Colbert, qui posait un mélange entre le plan actif de l’obligation, que la doctrine allemande distingue dans les deux situations de Glaube (crédit) et Schuld (débit), et celui objectif représenté par la « garantie patrimoniale » ou Haftung et au sein duquel le propriétaire était ainsi rendu responsable d’une dette d’autrui bien qu’il ait cédé la gestion nautique et commerciale à un affréteur1102.
B. La responsabilité des préposés et l’extension de la limitation à d’autres sujets
376Il faut mettre en évidence que, lorsqu’on parle de la responsabilité de l’« armateur », il y a deux situations différentes à ne pas confondre, à savoir d’une part que le propriétaire est responsable en réalité directement, notamment quand il s’agit des obligations contractuelles du capitaine ayant agi pour son compte et en son nom sur la base d’un rapport de représentation, et d’autre part qu’il l’est indirectement, étant rendu responsable du comportement de ses préposés dans l’exercice de leurs fonctions, ce dernier délimitant alors la sphère du risque d’entreprise engageant l’armateur.
377Dans la première hypothèse, la responsabilité est rattachée directement au propriétaire, les effets juridiques des contrats stipulés par le capitaine se rattachant automatiquement à l’armateur sur la base d’un rapport de représentation (responsabilité directe).
378Dans le deuxième cas, on a par contre la vicarious liability du shipowner, ou « responsabilité pour le fait d’autrui ». Seulement dans ce cas le préposé sera lui aussi responsable, sauf, si l’on adhère à la thèse de ceux qui dénient même le droit de recours du propriétaire envers eux1103, dans les cas de la responsabilité « canalisée » sur le propriétaire comme on l’a vu dans la CLC amendée par le Protocole de 1992 et dans la HNS. Se pose alors le problème du droit à la limitation de sa responsabilité dite aussi responsabilité vicaire.
379En droit uniforme, on a cru pouvoir résoudre ce problème à travers l’élargissement de la notion de shipowner à une série d’autres personnes, dont la responsabilité pourrait être mise en jeu. C’est ainsi que, au sein des travaux préparatoires de la LLMC on est arrivé à une proposition, par le CMI, d’un texte dans lequel la notion de shipowner a été élargie jusqu’à comprendre des personnes qui n’ont rien à voir avec le concept de responsabilité pour exploitation du navire : “The term shipowner shall include the owner, charterer, manager and operator of a seagoing ship, and any person rendering service in direct connection with the navigation, [management, or the loading, stowing or discharging] of the ship ”1104
380Avec cette définition, on a rattaché à la notion de shipowner toute une série de personnes qui n’ont rien à voir avec la responsabilité de celui qui exploite le navire. Il suffit de penser que, en tant qu’exemple de « person rendering service in direct connection with the navigation », le CMI cite les pilotes, que le shipowner soit responsable pour eux ou non (pilotage obligatoire)1105.
381Ce texte n’a pas été approuvé et la notion de propriétaire de navire au sens de la LLMC est restée celle de la Convention de Bruxelles de 19571106 visant le propriétaire, l’affréteur, l’armateur et l’armateur gérant.
382Un problème particulièrement sérieux a cependant continué à se poser par rapport au pilotage obligatoire. Cela est arrivé, au sein des travaux préparatoires, dans la rédaction du § 4 de l’article 1 LLMC, concernant le droit à la limitation dont peuvent bénéficier les personnes dont les faits, négligences et fautes entraînent la responsabilité du « propriétaire du navire » ou de l’assistant. Le texte proposé par le Legal Committee de l’OMCI à sa 25ème session prévoyait aussi ce privilège pour les pilotes au cas où ils seraient responsables à la place du « propriétaire du navire »1107, ce qui concerne surtout le pilotage obligatoire. Le « propriétaire du navire » ne devant pas être responsable du fait du pilote dans ce cas1108, le bénéfice avait ainsi été expressément prévu au profit du pilote lui même, dont la responsabilité demeure indépendante de celle du propriétaire du navire.
383Il y a pourtant des législations nationales dans lesquelles le « propriétaire » est, tout de même, rendu responsable du comportement du pilote même dans ces cas1109. Dans ces législations, le « propriétaire » est en droit de limiter sa responsabilité pour les faits du pilote et celui-ci peut bénéficier de la même limitation grâce à la disposition générale de l’article 1 §4 de la LLMC1110.
384Le renvoi spécifique au cas du pilote a enfin été enlevé, ayant été remarqué, de toute façon, au cours des travaux préparatoires, que ce cas, comme celui des autres préposés du « propriétaire du navire », n’est pas affecté par la Convention, le droit national pouvant prévoir des limites des responsabilités plus favorables1111. Il s’agit ici d’une reconnaissance explicite du rôle complémentaire de la méthode conflictuelle en droit uniforme.
385Bien que la solution finale accordée au problème des pilotes ait enfin abouti au renvoi à la loi applicable selon les règles de conflit du juge saisi, tous les travaux préparatoires ont montré une tendance à faire converger cette catégorie vers la notion de « propriétaire de navire » (shipowner), pour garder au moins l’image d’un système de limitation de la responsabilité de celui-ci. En faisant cela, et en voulant en même temps élargir la liste des bénéficiaires de la limitation, on a abouti à faire entrer dans cette notion des catégories qui n’avaient aucune raison de s’y rattacher. On peut bien voir donc que la notion qui avait été adoptée à la Conférence du CMI de Hambourg sort de la « limitation de la responsabilité du shipowner », ainsi que traditionnellement conçue. On ne voit pas comment cette notion pourrait comprendre des sujets autres que ceux qui doivent supporter la responsabilité de l’exploitation du navire selon les critères de rattachement qu’on a tiré de la théorie du risque d’entreprise.
386Le bénéfice de la limitation voulant être adressé aux sujets responsables, il s’en suit que cette catégorie est plus large que celle des débiteurs-responsables. Néanmoins, il faut bien avoir présents à l’esprit les critères de rattachement de la responsabilité à ces derniers, ce qui conduit tout d’abord à la construction doctrinale de la notion d’« armateur », qui devrait se substituer à celle de « propriétaire de navire » (shipowner).
387De toute façon, le bénéfice peut être élargi seulement à ceux qui peuvent être appelés en responsabilité pour la dette de l’« armateur », dans des cas tout à fait exceptionnels de Haftung (le propriétaire du navire)1112.
388L’élargissement de la notion de « propriétaire de navire », c’est-à-dire shipowner, hors d’une claire construction doctrinale aboutit donc à la création d’une catégorie qui ressemble à un « contenant vide », qui peut être rempli par n’importe quel contenu, faute d’une unité conceptuelle dans laquelle inclure les sujets à réunir dans cette catégorie, cette carence doctrinale aboutit à l’absence de toute unification substantielle dans le domaine visé.
389On a l’impression qu’en droit uniforme les rédacteurs aient fait trop souvent abstraction des concepts généraux auxquels rattacher les dispositions normatives qu’ils allaient créer. Il y a, en fait, un système général de limitation qui demeure séparé d’une théorie générale de la responsabilité pour exploitation du navire. La discipline ne vise alors que le « droit » à la limitation, en l’attribuant à des catégories de personnes identifiées à la suite d’un choix tout à fait politique, résultat d’un compromis entre les différentes délégations participant aux travaux préparatoires.
390Tout cela donne un caractère « arbitraire » à la réglementation qui en découle, qui apparaît dépourvue d’une base doctrinale solide et dont devient difficile toute interprétation uniforme, en l’absence des principes généraux auxquels rattacher la signification concrète des normes1113.
391Si le système de droit uniforme de la LLMC est désormais fondé sur l’assurance et sur la logique de faveur des baisses de primes, la limitation devrait être accordée à ceux dont la responsabilité assurée, pour l’activité d’exploitation du navire, puisse être engagée d’une façon directe ou indirecte et qui devraient d’ailleurs en supporter les charges d’assurance1114. L’attribution du bénéfice à tout autre sujet, dont la responsabilité n’engage pas celle des assurés, sort de cette logique et devrait donc être autrement justifiée. De toute façon, il ne s’agirait pas d’une responsabilité concernant proprement l’« exploitation du navire » et qui ne devrait donc pas être attirée dans le champ d’application de cette discipline spécifique.
CONCLUSION DU CHAPITRE II
392Au cours de ce long chapitre, l’analyse des systèmes abstraits de limitation et de leur application en droit positif, avec une attention spécifique réservée au domaine du droit uniforme et d’unification régionale de la Communauté Européenne et à celui des États-Unis, nous a conduit à la conclusion que, bien que les systèmes en vigueur en droit positif diffèrent sous l’aspect du rattachement de la responsabilité elle-même, il faut de toute façon continuer à parler d’une institution générale de la « limitation de la responsabilité du propriétaire de navire », en rattachant celle-ci à des critères solides d’identification du sujet « responsable-débiteur », en continuation avec une conception doctrinale qui dérive d’une longue tradition maritime. Il s’agit de définir, une fois pour toutes, une notion claire de la catégorie qui doit supporter le risque de l’activité d’exploitation du navire, qu’on a suggéré d’appeler « armateur » pour ne pas le confondre avec le propriétaire du navire.
393Le choix de rattacher la responsabilité à d’autres sujets, en les rendant aussi débiteurs pour les dommages dérivant de l’activité d’exploitation maritime, constitue un choix qui répond aux instances des sociétés modernes, inspirées des théories « solidaristes » de la responsabilité. Les risques devraient ainsi être alloués selon des critères pouvant favoriser la sécurité, mais aussi l’équilibre du point de vue économique.
394Cela est plus évident par rapport à la responsabilité pour pollution. La Communauté européenne a critiqué la « canalisation » de la responsabilité sur le propriétaire du navire opérée par le Protocole de 1992 à la CLC et les États-Unis sont allés encore plus loin, car le fait que le secteur armatoriel soit celui qui supporte le risque de ces dommages provoques par l’activité de transport, sur la base des dispositions de la OPA, a conduit les études américaines les plus récentes à mettre en évidence que les chargeurs, ne supportant aucune responsabilité pour ces dommages, sont amenés à affréter les navires sur la seule base du fret, sans aucune attention pour la qualité des navires face aux risques de sécurité des transports. Le secteur armatoriel, déjà grevé par une baisse pathologique des frets, dérivant de la concurrence sauvage surtout au niveau du transport pétrolier, supporte tout seul le coût pour les mesures de prévention du risque de pollution, ce qui implique un effet négatif sur sa compétitivité. Les compagnies pétrolières étant engagées toujours pour le même montant de contribution au FIPOL, elles n’auront en fait aucun intérêt à améliorer les standards de sécurité, dont la charge reste aux armateurs. Voilà que cette législation qui « canalise » la responsabilité sur les armateurs pénalise économiquement ceux qui prennent les mesures pour réduire le risque d’accident, puisque leur fret perd en compétitivité par rapport aux concurrents. Le rattachement de la responsabilité heurtant les principes du marché, il en découle que cette législation ne crée pas un bon niveau d’encouragements à réduire les risques d’accident, ni un bon équilibre économique dans la répartition des risques et des richesses.
395C’est ainsi que les instances américaines les plus modernes, surtout dans le domaine du transport pétrolier, mais aussi dans celui de substances nocives ou potentiellement dangereuses, proposent la réforme du système sur la base d’une « shared liability », qui atteigne aussi les chargeurs-compagnies pétrolières et dont le partage parmi les responsables soit inspiré aussi à des critères de « social welfare » (CERCLA).
396L’encadrement correct de la discipline du rattachement de la responsabilité et de la limitation de celle-ci dépend d’une appréciation concrète des valeurs juridiques dont on veut assurer la tutelle - cela découlant des instances politiques et sociales contingentes des sociétés modernes - soit de l’analyse du bilan que cette discipline crée par l’allocation des coûts de prévention et l’encouragement effectif et efficace à réduire le risque de dommage. Cela relève de la tâche de la doctrine, qui, seule, peut inspirer des projets de discipline qui répondent à ces instances et qui peuvent conduire à une unification législative sur la base de ces principes.
397Dans le « cycle de la vie du droit maritime », les principes généraux régissant le rattachement de la responsabilité manifestent une tendance à l’évolution qui correspond au développement de la société maritime vers la reconnaissance de nouvelles valeurs, comme celle de la protection de l’environnement. Cette dernière n’étant qu’une manifestation de la valeur « supérieure » et « immanente » de la sécurité, les nouveaux critères de rattachement de la responsabilité trouvent justification et fondement juridique au sein de l’« ordre juridique maritime général ». L’évolution de la conscience sociale des pays maritimes et de la pratique maritime internationale elle-même nous montrera si certaines tendances actuelles sont le symptôme de la naissance d’un principe général du droit maritime, consistant dans une « shared liability », selon une nouvelle élaboration des critères de rattachement.
398À présent, le rôle de la doctrine reste souverain dans l’interprétation des textes de droit uniforme, comme on l’a vu en ce qui concerne l’interprétation uniforme de la notion de « propriétaire de navire » ou shipowner, qu’on a proposé de substituer avec le mot « armateur ». La doctrine doit conduire aussi à la recherche de la loi applicable quand aucun droit uniforme ne peut être invoqué, ou quand il s’agit d’en combler les lacunes. À ce propos, on a remarqué que la doctrine qui envisage l’existence de l’« ordre juridique maritime général » ramène le problème du comblement des lacunes au domaine de l’application des sources de droit maritime, qui serait par définition un système de droit « ouvert » et « complet ». L’identification des sources de cet ordre juridique, dont la recherche doit être menée selon la méthode de la comparaison fonctionnelle et diachronique, conduit à l’application des « principes généraux du droit maritime », sources à caractère général, dont l’application par la méthode de la « voie directe », en tant que règles matérielles, favorise l’unification du droit maritime.
399Toutefois, à propos du rattachement de la responsabilité fondé sur les nouveaux principes du droit maritime, il n’en reste pas moins que celle-ci peut être rattachée aussi en garantie pour la dette d’autrui. Ces cas demeurent tout à fait exceptionnels et donnent droit à l’action récursoire, à l’encontre du véritable débiteur, pour la totalité du montant payé. Le droit maritime élève au rang de responsable en garantie le propriétaire du navire, dans certains cas assez nombreux, sur la base d’une fonction de garantie du navire lui-même issue de la tradition et sur la base du « principe d’apparence », le seul propriétaire résultant des registres navals, en l’absence d’une publicité généralisée de la qualité d’armateur à l’instar de celle italienne.
Notes de bas de page
781 Dans les conventions de droit uniforme, on parle de « propriétaire » de navire en suivant la tradition française dérivant de l’Ordonnance de la Marine de Colbert, qui a ensuite influencé les premières conventions de 1924 et de 1957, qui visent encore le propriétaire dans leur titre, bien que les sujets bénéficiant de la limitation sont plus nombreux. En doctrine le débat sur la limitation de la responsabilité a été influencé par celui sur la notion même d’exploitation du navire. Ce dernier concernait l’identification des sujets qui doivent supporter les risques de l’exploitation du navire sur la base du concept d’imputation légale du risque d’entreprise. C’est ainsi que l’exploitant du navire, qui peut ne pas être le propriétaire, mais qui s’identifie sous la notion plus large d’« armateur » est celui qui doit supporter le risque de l’ « entreprise maritime » et, donc, devrait bénéficier de la discipline sur la limitation de la responsabilité. Même si la navigation organisée par l’armateur n’est pas nécessairement une entreprise commerciale, on ne peut pas nier que l’exploitation du navire emmène un risque, que G. RIGHETTI fait rentrer dans la notion la plus étendue de « risque d’entreprise », dans le but de son « imputation juridique », G. RIGHETTI, Trattato di dir : mar., 1.2, précit., p. 1457. Mais l’identification des sujets qui entrent dans cette catégorie, réunissant les personnes supportant les risques de l’exploitation du navire, ne peut se faire qu’à la suite de l’identification spécifique des critères de rattachement de la responsabilité, dont le « risque d’entreprise » demeure l’un des paramètres fondamentaux. Suite à l’identification claire et uniforme de ces critères, il y aura l’unification de la catégorie identifiant le responsable pour les risques dérivant de l’exploitation du navire, qu’on veuille l’appeler « armateur » selon une appellation plus spécifique, ou « shipowner » ou « propriétaire de navire de mer » à l’instar des disciplines de droit uniforme. Celles-ci, en fait, sont restées liées à la tradition maritime originaire, mais l’appellation « propriétaire », dans ces cas, ne vise plus le propriétaire tout court comme à l’époque où tout risque était rattaché à celui-ci en tant que seul exploitant du navire. Par l’expression « shipowner » ou « propriétaire de navire de mer », on devra alors entendre cette catégorie plus large identifiée par les critères de rattachement de la responsabilité, qu’on va identifier dans la suite.
782 V., pour cette notion de responsabilité liée au « risque », G. RIGHETTI, op. cit., p. 1441 et s. Le risque est constitué par la possibilité qu’il arrive un dommage que la loi rattache à un sujet (dommage qualifié). Le critère de rattachement est établi par la loi, tant que l’on peut dire que « on n’est pas responsable, mais on l’est fait par la loi ». Ainsi le critère de rattachement est établi par la loi, et « ici le problème juridique se confond avec celui éthique et politique », ibid., p. 1450. La faute personnelle n’est que l’un des critères de rattachement. Il existe des cas où la responsabilité est rattachée à un sujet de façon objective (ex lege), visant une responsabilité « indirecte », comme celle du fait d’autrui. Les défenseurs de la théorie de la responsabilité subjective ont justifié de plusieurs façons ce rattachement (culpa in eligendo. culpa in vigilando etc.), en s’appuyant sur l’art. 27 de la Constitution prévoyant que « la responsabilité pénale est personnelle » (cf. arrêt de la Cour constitutionnelle italienne du 13 décembre 1988 n. 1085, Cass. pen., 1989, p. 758). Mais il ne s’agit que d’un escamotage pour justifier, par le biais d’une supposée participation subjective au fait dommageable, des cas de responsabilité « objective », puisque la responsabilité est parfois rattachée sans qu’il n’y ait aucune considération du comportement du sujet. La nécessité de trouver un critère de rattachement de cette responsabilité a alors emmené la doctrine à élaborer la théorie moderne de la « responsabilité pour risque d’entreprise », qui n’est qu’une spécialisation de la théorie traditionnelle de l’ubi commoda ibi incommoda (Cf. D. 17.149 : ex qua persona quis lucrum facit, eius factum praestare debet).
783 V., pour une définition d’armement et armateur. R. RODIERE - E. du PONTAVICE, Droit maritime, Dalloz, Paris, 1997, p. 213 : « armement c’est l’ensemble des opérations qui constituent l’exploitation du navire ; armer le navire c’est alors l’exploiter et l’armateur en est l’exploitant ».
784 Liv. II, titre VIII, art. 2 : « Les propriétaires de navires seront responsables des faits du maistre ; mais ils en demeureront déchargés en abandonnant leur bastiment et le fret ».
785 La doctrine française a été, au début, fortement influencée par les commentateurs de l’Ordonnance de la Marine de 1681 Valin et Pothier, qui ont attaché, sur la base du texte de l’Ordonnance, l’affrètement à un louage de chose, cf. VALIN, Commentaire sur l’Ordonnance de la Marine du mois d’août 1681, L. III, Paris, 1840, t. I et 3, préambules ; POTHIER, Des louages maritimes : Traité de la charte partie, article préliminaire, n. 5 : « ce contrat, de quelque manière qu’il se fasse, étant un véritable contrat de louage ». Le code de commerce a ensuite absorbé ce contrat d’affrètement, tel que défini dans l’Ordonnance, dans son article 273 « Toute convention pour louage d’un vaisseau, appelée charte-partie, affrètement ou nolissement, doit être rédigée par écrit. Elle énonce : le nom et le tonnage du vaisseau, le nom du capitaine, les noms du fréteur et de l’affréteur, le lieu et le temps convenus pour la charge et la décharge, le prix du fret ou nolis, si l’affrètement est total ou partiel, l’indemnité convenue pour le cas de retard » (c’est nous qui soulignons). Cf. le commentaire au code de commerce de L. DE VALROGER, Commentaire du II livre du code de commerce, Paris, 1883, p. 189 et s. où l’auteur soutien la thèse qu’il faut bien se garder de voir dans ce louage d’un vaisseau une simple locatio rei : « quand on loue un navire nu et non armé à quelqu’un qui se charge de l’armer et de l’exploiter pour son compte on peut dire sans doute qu’il n’y a qu’un louage de chose. Mais c’est là un cas tout à fait exceptionnel. En général, on loue le navire armé, monté de son équipage, en vue d’un service déterminé, de telle sorte que, comme le dit Pothier, il y a à la fois louage de chose et d’industrie ». Ensuite il identifie dans la désignation du navire l’un des éléments le plus importants du contrat d’affrètement en tant que louage d’un vaisseau, et cite une affaire qui avait fait monter à l’honneur de la chronique de l’époque notre ville et l’histoire de son aimé prince : « Lors de la malheureuse expédition de l’archiduc Maximilien au Mexique, la Compagnie transatlantique s’était engagée, envers lui, à transporter, moyennant un prix déterminé, douze cents volontaires autrichiens de Trieste à Vera Cruz. Le Tribunal de la Seine, sur la demande de l’Enregistrement, a jugé qu’un pareil traité, bien que qualifié charte - partie ne contenait réellement qu’un louage d’industrie et non un louage d’un vaisseau dans les termes de l’article 273, puisque le navire sur lequel devait avoir lieu le transport n’était pas désigné », ibid., p. 190, n. 666. En 1926 c’est D. DANJON qui, dans son Traité de droit maritime, (D. DANJON, Traité de droit maritime, Paris, Recueil Sirey, 1926, II tome, p. 500 et s.) aborde la matière en ce termes « Rien de plus confus, de plus obscur, que la nature juridique de l’affrètement en droit français », ibid., n° 744. Il rappelle ensuite la distinction faite par un arrêt du Tribunal de l’Empire Allemand du 2 mars 1901, (Rev. Int. Dr. Mar, XVII, 1902, p. 157), entre trois contrats sous le nom de « affrètement » : locatio navis, locatio navis et operarum magistri et nauticorum, locatio operis vehendarum mercium, comme donnant un résumé intéressant des doctrines qui avaient cours en Angleterre et en Allemagne sur la nature juridique du contrat d’affrètement, seules à en avoir tenté l’analyse, au contraire de la reprochée doctrine française de l’époque, ibid.. De cette distinction, que G. RIGHETTI, in Trattato di diritto marittimo, tome II, Milano, 1987, p. 413 définit une reconstruction arbitraire de la locatio-conductio romaine faite par la doctrine pandectiste allemande et en France par Savigny qui en fut un éminent représentant, D. DANJON tire sa distinction entre location de chose (affrètement de navire coque nue), contrat mixte de location de chose (navire) et sous-location de services (de l’équipage) (affrètement à temps, qui vient de la pratique anglaise des time charters, et où le fréteur et l’affréteur auraient en même temps la qualité d’armateur, chacun dans sa sphère) et contrat de transport (affrètement au voyage). L’Auteur reconnaît ensuite que ce dernier est le plus fréquent « et c’est ce que suppose la loi maritime, parce que c’est là le mode normal d’exercice de l’industrie des armateurs, qui sont les rouliers de la mer ». La désignation du navire, selon cet Auteur, ne changerait en rien la nature juridique du contrat, qui reste un contrat de louage d’ouvrage, dont le but est le transport des marchandises chargées, comme le choix du siège au théâtre ne transforme pas le contrat en location de chose en privant le spectateur du « droit d’applaudir ou de siffler les artistes, ce droit qu’à la porte on achète en entrant », bien qu’on parle souvent de louage d’une place dans ces cas. Il faut ainsi voir au fond, l’économie du contrat que les parties ont voulu stipuler. La désignation du navire dans les contrats d’affrètement transport ne serait que le résultat d’un usage traditionnel, puisque « les affréteurs n’attachent pas une importance particulière au choix du navire », ibid., p. 516... « l’affrètement, quand il a pour objet direct un transport de marchandises à effectuer par les soins du fréteur, est purement et simplement un contrat de transport », ibid., p. 518. Cette doctrine de l’affrètement transport est soutenue aussi par G. RIPERT : « le propriétaire du navire qui embarque des marchandises appartenant à autrui est un transporteur. Le contrat qu’il passe est dénommé affrètement. Il est d’une nature douteuse, car le Code de commerce le présente comme le louage du navire. Il peut porter sur le navire entier ou sur une partie, il est dit affrètement total ou partiel. Il est fait pour un voyage déterminé, mais le prix en est fixé soit d’après le voyage, soit d’après le temps de sa durée : affrètement au voyage et à temps », G. RIPERT, Droit maritime, 1952, Paris, Dalloz, tome II, p. 239 et s. L’auteur distingue l’expression affrètement à temps, qui viserait seulement une façon de calculer le fret, de la notion de time charter dont il garde le nom anglais. Le Doyen Ripert est le plus critique antagoniste de la conception de l’affrètement louage, selon la quelle « le contrat d’affrètement se présenterait dans nos lois comme un mélange de louage de chose et de louage de services, mélange dont aucun juriste n’est capable de doser les proportions, mais où domine l’idée de louage de chose », ibid., p. 243. Pour lui l’affrètement est un contrat d’entreprise de transport par mer. Il arrive aux mêmes conclusions que D. Danjon quant à la désignation du navire, qui n’emporterait nullement un louage. Ainsi, le fréteur est carrément dit transporteur, armateur du navire, et l’affréteur est dit aussi chargeur. V., pour la thèse qui voit dans l’affrètement un contrat de transport en Italie, G. RIGHETTI, op. cit., tome II, p. 399 et s.
Il y a pourtant une doctrine, contrastée par cet auteur, qui continue à voir dans le contrat d’affrètement, à temps et au voyage, des types de contrats différents du contrat de transport. Il s’agit de la doctrine dite separatiste ou autonomiste, représentée en Italie surtout par S. SPASIANO (Cf. S. SPASIANO, Il noleggio di nave o di aeromobile, in Studi in memoria di Tullio Ascarelli, IV, Milano, 1969, p. 2259 et s.), mais qui a été suivie par d’autres juristes comme F. A. QUERCI (Cf. F. A. QUERCI, Diritto della navigazione, Padova, 1989, p. 402) et M. L. CORBINO (Cf. M. L. CORBINO, I contratti di utilizzazione della nave e dell’aeromobile, Padova, 1978, p. 85 et s.). Tous distinguent l’armateur du transporteur et l’entreprise de navigation de l’entreprise de transport.
Cette théorie semble être supportée par la systématisation du code de la navigation italien, qui distingue trois types contractuels : la location, l’affrètement à temps ou au voyage et le transport de chose déterminée ou en cargaison totale et partielle.
La construction de l’affrètement - transport est fortement critiquée aussi par R. RODIERE, qui fonde la nouvelle législation française de 1966 sur la différence entre affrètement et transport, l’un visant le navire, l’autre concernant une cargaison, R. RODIERE, op. cit., p. 23.
Cet auteur partage ainsi certains aspects de la doctrine séparatiste italienne mais, au fond, a créé un système différent par rapport à celui du code italien, en prévoyant une catégorie générale d’affrètement, au sein de laquelle on trouve les types de l’affrètement au voyage, l’affrètement à temps, l’affrètement à coque nue (chapitres II, III et IV de la loi n° 66-420 du 18 juin 1966), distinguée du contrat de transport qui vise seulement une marchandise déterminée (Art. 15) ou des personnes (Art. 34).
C’est ainsi que le Doyen Rodière a critiqué la codification nationale italienne en ce qui concerne sa conception de l’affrètement au voyage, qui serait absorbé dans la notion de « contrat de transport d’une cargaison en partie ou en totalité » (articles 439 et s.), où, en fait, on traite aussi des staries et surestaries, qui « n’existent que dans l’affrètement au voyage », R. RODIERE, Code de la navigation de l’Italie, Paris, 1967, p 30.
La loi française, issue d’une conception doctrinale discutable et ayant une structure qui contraste avec la plus claire théorie développée tant par R. Rodière que par D. Danjon et connue dans la tradition anglo - saxonne, suivie aujourd’hui par G. Righetti et par la doctrine unitaire italienne, c’est-à-dire celle de l’affrètement transport, a au moins le mérite de bien spécifier, dans le décret, les obligations des parties, qui sont assez conformes à celles qu’on trouve, dans la pratique des charterparties, cf. G. RIGHETTI, op. cit., tome II, p. 422. Le pragmatisme caractérise par contre la doctrine anglaise, où les auteurs reconnaissent que, dans la plupart des cas, les charterparties sont des contrats de transport maritime de choses, sauf dans les cas où il y ait demise, dans lesquels il y a une vrai location. Ces auteurs distinguent les situations qui dérivent d’un contrat de charterparty (la charte partie) de celles qui n’y trouvent pas origine, en étant documentées seulement par le bill of lading (connaissement). Tandis que les premières sont soumises aux obligations contractuelles découlant des pratiques des formulaires, les secondes sont réglées par le Carriage of sea Act, qui reproduit la réglementation impérative des Règles de la Haye.
786 On emploie cette expression anglaise pour un souci d’uniformité. Elle est d’ailleurs reprise dans la classification faite par R. Rodière, inspirateur de la nouvelle législation française de 1966, qui la distinguait ainsi du contrat d’affrètement à temps du code de commerce. Ce dernier contrat représentait, à son avis, un affrètement au voyage dont le calcul du fret était fait sur la base du temps mis à exécuter le voyage. Ainsi « le time charter ne se distingue pas fondamentalement par les modalités particulières du calcul du fret, mais par le fait que le navire est mis à la disposition de l’affréteur non pour un voyage ou plusieurs voyages définis, mais pour une durée donnée et que sa gestion commerciale passe à l’affréteur » R. RODIERE, op. cit., p. 52.
787 Cf. R. RODIERE, op. cit., p. 16.
788 C’est pour cette raison que en droit américain, en matière de Shipowner vicarious liability for fault of agents and employees « It’s well established that the master and crew of a vessel under demise charter are servants of the charterer and not of the owner. Under such circumstances the owner is not vicariously liable for torts committed by the crew » C. H. ALLEN, Limitation of liability, J.M.L.C., vol. 31, n° 2, 2000, p. 268. Le système arrive donc à la même conclusion que le droit italien, mais sans une théorie de l’exploitation du navire et du rattachement de la responsabilité sur la base du risque créé par celui qui exploite « l’armateur ». Cette notion ainsi développée en doctrine est inconnue au droit américain, qui comprend en fait plusieurs personnes sous le terme owner (le propriétaire restant, on l’a vu, owner même s’il y ait eu demise) et pose sa réglementation d’une façon tout à fait concrète et pragmatique.
789 Si normalement l’affréteur coque nue est l’armateur du navire, il y a pourtant un cas récent où la Cour d’appel de Versailles a déduit, du fait que le contrat d’affrètement prévoyait que pendant la durée de la convention 50 % des bénéfices nets résultant de l’exploitation des navires soient versées au fréteur, qu’il y avait une « communauté d’intérêts » entre le fréteur et l’affréteur. La Cour envisageait l’existence d’une « société de fait entre le fréteur et l’affréteur pour l’exploitation des navires ». Cela revient à reconnaître la qualité d’armateur à cette société de fait, ce qui avait pour conséquence que le fréteur est solidairement responsable des dettes des navires. Cette thèse est quelque peu audacieuse dans la mesure où elle envisage l’existence d’une société de fait qui élève au rang d’armateurs à la fois le fréteur et l’affréteur. Elle peut pourtant être justifiée sur la base de la théorie la plus moderne sur les contrats d’affrètement, qui renvoie à la liberté conventionnelle des parties. Mais toute la logique de cette construction tombe, quand la Cour de Versailles avoue que le fréteur est responsable (solidairement) lorsqu’il n’a pas prouvé que les contrats d’affrètement avaient été publiés, ce qui nous ramène tout simplement à la question de la tutelle de la confiance des tiers de bonne foi. Dans ce sens alors, il n’était pas question de soulever l’existence d’une société de fait, tout créancier pouvant s’en tenir au principe d’apparence, pour réclamer la responsabilité du fréteur au moins en garantie (haftung) pour la dette d’autrui, cf. C.A. Versailles, 2 mai 2002, Navires Cernavoda et Oltina, DMF, 2002, p. 864, note Ph. DELEBECQUE.
790 V., en ce qui concerne les critères pour la reconnaissance de la qualité d’armateur, G. RIGHETTI op. cit., p. 1402 et s.
Il y a pourtant des auteurs qui considèrent le time charter, à l’instar du voyage charter, un contrat de transport, ce qui semble ainsi emmener à la conclusion que le fréteur est armateur, cf. F. BERLINGIERI, Il noleggio, Dir. mar., 1983, p. 108 et s. ; G. ROMANELLI, Il trasporto, ibid., p. 120 et s.
791 Mais dans ce dernier cas la gestion est faite, en réalité, pour le compte des copropriétaires, dont il semble alors correct que la responsabilité soit mise en jeu.
792 V., en ce sens, D. DANJON, op. cit., p. 255 : « ce qu’il faut expliquer c’est comment le propriétaire non armateur est représenté et obligé contractuellement par un capitaine qui peut être ne le connaît même pas ».
793 C’est la conclusion à laquelle arrive, par contre, pour justifier la persistance du rattachement de la responsabilité au propriétaire, bien que cela constitue, en réalité, une injustice quand le navire est exploité par autrui, D. DANJON, ibid., p. 259
794 Cette conclusion est celle retenue par la doctrine italienne qui a emmené à la distinction nette dans le code de la navigation entre propriétaire et armateur, et ensuite au rattachement de la responsabilité au seul armateur en tant qu’exploitant du navire, cf. A. SCIALOJA, précit. Le premier texte visant la responsabilité exclusive de l’armateur face au propriétaire pour l’exploitation du navire est identifié par G. RIGHETTI dans l’article 86 du Projet de 1861 du Conseil de Gênes pour l’étude et la réforme des lois sur la marine marchande, dont la rationnelle construction doctrinale aurait été oubliée dans l’ancien Code de commerce italien pour suivre la conception erronée du Code de commerce français, emprunté à l’Ordonnance de la Marine, G. RIGHETTI, op. cit., p. 1389.
795 D. DANJON, ibid, p. 256.
796 D. DANJON, ibid., p. 257.
797 Cf. art. 265 C. nav. sur la « dichiarazione di armatore » ; art. 271 C. nav. qui précise le régime de publicité de celle ci par transcription dans les registres et, pour les navires majeurs, par annotation sur l’acte de nationalité aussi.
798 Cf. art. 272 C. nav. qui prévoit qu’en l’absence de déclaration d’armateur correctement publiée, le propriétaire est présumé être l’armateur jusqu’à preuve contraire.
799 On veut ainsi franchir les frontières du droit national italien, auquel M. Righetti élargit les concepts fondamentaux de la théorie pandectiste, cf. G. RIGHETTI op. cit., tome I.2, p. 1613 ; V., amplius, E. BETTI, Teoria generale delle obbligazioni, II, Milano, 1953, p. 28 et s. ; C. GANGI, Debito e responsabilità nel vigente diritto tedesco, Riv. it. scienze giuridiche, 1916, p. 255. On va donc envisager une valeur absolue des principes généraux tirés de celle-ci, valables dans tout ordre juridique en tant qu’expression de la théorie générale du droit, créatrice des principes indispensables pour forger une doctrine commune.
800 Cf. D. DANJON, », ibid., p. 258. Il est intéressant d’observer d’ailleurs, que les privilèges maritimes, vrai iura in rem, constituent une exception au système italien qui rattache la responsabilité à l’armateur en tant qu’exploitant du navire et tirent leur autorité de la Convention internationale de 1926, qui a été ratifiée par l’Italie aussi.
801 Cf. art. 1, n° 5, LLMC (« the vassel herself » où le navire est visé par le pronom her tel qu’un sujet animé, selon une expression typique du droit anglo - saxon) quand l’action est portée contre celui-ci, dans la conception anglaise des actiones in rem.
802 Ce doute est exprimé notamment par G. RIGHETTI, op. cit., p. 1570 et s. où l’auteur estime que si le système était vraiment fondé sur le marché des assurances, la limitation de la responsabilité aurait dû être prévue en relation aux fluctuations de celui-ci. M. Righetti rappelle que, où on a établi cette relation, on a généralement prévu aussi une assurance obligatoire pour la responsabilité, ce qui n’est pas arrivé dans ce domaine. Contra on peut citer les observations du représentant du gouvernement belge M. BENTEIN auprès de la Conférence diplomatique convoquée par l’IMCO dans le cadre des travaux préparatoires de la LLMC « his delegation would favour the inclusion of a special clause providing for the limitation amounts to be brought into line with cost-of-living increases, if the units of account System proved inadequate for that purpose. In conclusion his delegation saw no need to provide for a compulsory Insurance System, as had been proposed by some counties”, The Travaux préparatoires of the LLMC Convention, 1976 and of the Protocol of the 1996, CMI, Anvers, 2000, p. 26. La necessité de tenir compte des fluctuations du marché des assurances était d’ailleurs reconnue même au sein du Legal Committee de l’IMCO au cours des travaux préparatoires de la LLMC, à sa 28ème session, n. 73 : “The general feeling of the Committee was that whatever the limits chosen, it was essential that there should be some arrangement for periodic and easy review of the figures and for rapid application of any revised figures in order to keep abreast of developments in the world’s Insurance market and to take account of fluctuation of monetary value owing to inflation and other factors, thus ensuring that the figures in the Convention did not become obsolete and unsatisfactory through economic and other developments”, ibid., p. 153.
803 Les textes en anglais des conventions visent les « sea going ships », expression traduite dans les textes français en « navires de mer ».
804 IMCO Legal Commette, Twenty-third Session, 3-7 January 1974, Introduction, “...The earlier concept of limitation held that a shipowner should be able to free himself from liabilities which exceeded his total interest in a venture subject to marine perils. The more modern view is that a shipowner should be able to free himself from liabilities which exceed amounts coverable by insurance at reasonable coasts”, The Travaux préparatoires LLMC, précit., p. 15.
On a ensuite souligné plusieurs fois, aux cours des travaux, l’importance de fonder ceux-ci sur une analyse du marché des assurances.
805 RESOLUTION A.898(21), adopted on 25 November 1999, Guidelines on Shipowners’ Responsibilities in respect of Maritime Claims, in Travaux préparatoires of LLMC Convention, précit, p. 640.
806 Cf. art. 2 LLMC.
807 Pour quelques éclaircissements sur la différence entre limitation de la dette et limitation de la responsabilité et sur l’espace qui réside pour la distinction doctrinale v. infra Section I, § 2, lettre B.
808 Il est en fait reconnu par la doctrine dominante que dans l’affrètement au voyage c’est le fréteur qui est armateur, non l’affréteur, ce type d’affrètement étant le plus proche du contrat de transport, auquel il est en fait assimilé.
809 Cette solution, proposée par un auteur français, est dans le tracé de la doctrine sur la limitation de la responsabilité du propriétaire des navires, en rattachant la responsabilité à l’exploitation du navire, et donc interprétant ainsi l’élargissement opéré par la LLMC des sujets bénéficiaires de la limitation. Cet auteur récupère le démembrement en types de la notion française d’affrètement, excluant l’affréteur au voyage du bénéfice puisque il n’est pas un affréteur - armateur : « l’esprit de LLMC devrait donc écarter la limitation lorsque le dommage est imputable à l’affréteur au voyage, et l’appliquer dans les autres cas envisagés (dommage imputable à l’affréteur à coque nue ou à l’affréteur à temps), quand bien même LLMC ne distingue pas entre les différents types d’affrètement » G. GAUTIER, La limitation joue-t-elle pour les dommages subis par le navire ?, DMF, 2002, p. 1032.
810 Cf. G. GAUTIER, op. cit., p. 1027 : « LLMC n’est pas une convention sur la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires. Le titre a changé. Le contenu aussi. ». Il est curieux ici d’observer que à cette conclusion arrive le même auteur qui avait envisagé la réduction de la catégorie d’affréteurs visée par la LLMC aux seuls affréteurs armateurs en tant qu’exploitant le navire.
811 Une exception au principe de la liaison entre responsabilité du coté passif et le droit à la limitation peut en fait consister dans l’octroi à l’assureur du bénéfice, puisqu’il ne fait partie d’aucun rapport obligatoire avec l’endommagé. L’assureur est obligé par le contrat qu’il a stipulé avec l’assuré, étant contractuellement responsable envers lui en cas de refus injustifié de payement au tiers endommagé. Mais la disposition dérive, en fait, d’un malentendu. Le rapport entre assureur et assuré demeurant tout à fait distinct de celui entre assuré et tiers endommagé, l’assureur ne pourra jamais être assigné en réparation par le tiers, par une action directe, pour un montant supérieur à celui dont il s’est obligé à indemniser l’assuré. La disposition est ainsi tout à fait superflue, la règle pouvant être tirée aisément du droit commun. Elle est trompeuse car elle mélange dans une même discipline deux rapports qui sont complètement distincts, celui contractuel entre assuré et assureur et celui extracontractuel entre assuré et tiers endommagé.
812 A. BRUNETTI, Diritto marittimo privato italiano, I, p. 110 e 162 ; R. RODIERE, Traité général de droit marittime, L’armement, p. 601 ; G. RIGHETTI, Trattato di diritto marittimo, I - 2, Milano, 1987, p. 1562.
813 Il ne faut pourtant pas tirer la conclusion que les marchands se confondaient avec les armateurs-propriétaires des navires auxquels ils confiaient leurs marchandises : « Il semble bien, du moins à travers des récits en vérité juridiquement imprécis, qu’il existât encore, au moins suivant certaines pratiques, des formes d’exploitation dans lesquelles armateurs et marchands étaient aussi distincts qu’aujourd’hui » R. RODIERE, op. cit.. p. 9 ; V., aussi, C. VIVANTE, La polizza di carico, Milano, 1881, p. 5 et s.
814 Pour une analyse de la dispute doctrinale sur la base de la mise en œuvre de la limitation v. M. FOSCHINI, La limitazione del debito dell’armatore nella sua attuazione, Milano, 1974, p. 4 et s.
815 Il s’agit cependant d’exceptions, dans lesquelles la responsabilité est exclue par la loi, cf. E. BETTI, op. cit., p. 50 et s. ; C. GANG1, op. cit., p. 266.
816 Le critère de rattachement de la responsabilité est posé par la loi et peut soit correspondre à un rattachement au sujet passif de l’obligation, selon le concept élaboré par la doctrine pandectiste de schuldner, soit être indépendant de celui-ci, la responsabilité du sujet visé étant alors seulement en « garantie », comme haftung.
817 Art. 2 LLMC.
818 Art. 1, § 6 LLMC.
819 Art. 1 LLMC.
820 LLMC, Chap. II, portant l’intitulé « limitation de la responsabilité ».
821 LLMC, Chap. III, portant l’intitulé « le fonds de limitation ».
822 Art. 10 LLMC.
823 On se réfère, dans le texte, aux concepts élaborés par la doctrine allemande, que M. RIGHETTI cite dans son traité comme un « patrimoine acquis par la science juridique nationale », cf. G. RIGHETTI, op. cit., p. 1613. Il s’agit en fait du problème, très important, qui vise le rattachement de la responsabilité pour exploitation du navire, soit pour les délits et quasi délits des gens de l’équipage soit pour les contrats stipulés par le capitaine. Il y a ici une difficulté pour justifier la responsabilité du propriétaire non armateur quand le navire est exploité par autrui. Cela est d’autant plus vrai en ce qui concerne les contrats stipulés par le capitaine dans les limites de ses mentions, qui rattachent leurs effets à l’armateur dont il est mandataire (rapport de représentation).
824 V., en ce sens, D. DANJON : « ce qu’il faut expliquer c’est comment le propriétaire non armateur est représenté et obligé contractuellement par un capitaine qui peut être ne le connaît même pas », D. DANJON, op. cit., p. 255. On a justifié la responsabilité du propriétaire face aux faits des gens de l’équipage dès lors que ceux-ci seraient ses préposés, selon la théorie de la responsabilité objective. Le propriétaire serait ainsi responsable des dommages causés par sa propre chose, puisqu’il en tire des avantages économiques. Mais quand le propriétaire ne profite pas de ces avantages parce qu’il n’est pas armateur exploitant le navire, c’est ce dernier qui devrait supporter le risque de sa propre activité Comme on a dit auparavant, la responsabilité est rattachée au propriétaire pour une raison historique, l’ancien droit maritime ayant visé la responsabilité du propriétaire du fait que les navires étaient toujours exploités par eux, et pour une raison pratique, parce que, l’acte de francisation étant au nom du propriétaire, les tiers ne connaissent que celui-ci, qui serait alors une sorte de armateur putatif responsable à leurs yeux des suites de l’exploitation du navire, ce qui devrait conduire, cependant, au rattachement de la responsabilité seulement en garantie (Haftung) ; cf. D. DANJON, op. cit., p. 256 et s.
825 « Les propriétaires des navires sont responsables des faits du capitaine, mais ils en demeureront déchargés abandonnant leur bâtiment et leur fret ».
826 Cf. art. 216 C. com. : « Tout propriétaire de navire est civilement responsable des faits du capitaine pour ce qui est relatif au navire et à l’expédition. La responsabilité cesse par l’abandon du navire et du fret ». Cet article a été abrogé par la loi n. 67-5 du 4 janvier 1967, qui a introduit le système de la LLMC (art. 58 et s.).
827 V., en ce sens, H. de RICHEMENT, L‘affréteur d’espace peut il bénéficier de la limitation ?, DMF, 2002, p. 1011 et s. où l’auteur tire les fondements de cette institution, en premier lieu, de la méfiance envers le capitaine et, ensuite, de l’idée de fortune de mer.
828 V., pour un approfondissement historique, C. VIVANTE, op. cit., p. 5 et s.
829 G. RIGHETTI, op. cit., p. 1574.
830 Le système italien est établi par les articles 274 et s. du code de la navigation, visant la responsabilité de l’armateur et sa limitation. Le système est fondé sur la doctrine de l’exploitation du navire telle que proposée par A. SCIALOJA, qui avait inspiré la rédaction du code. La notion d’armateur est bien claire dans sa doctrine. Il est « celui qui exploite le navire » et qui doit donc en supporter le risque. Cette notion est donc bien distincte de celle de propriétaire. Dans le cas d’affrètement à coque nue et dans les autres contrats d’affrètement où l’affréteur engage le capitaine et l’équipage, éléments qui constituent « déjà un suffisant indice de l’assomption de la qualité d’armateur » (G. RIGHETTI, op. cit., p. 1404), c’est l’affréteur qui est armateur et non le propriétaire. En absence de la « déclaration d’armateur », il est présumé que le propriétaire est l’armateur, sauf preuve contraire (article 272, C. nav.). L’armateur est responsable « pour les faits de l’équipage et pour les obligations contractées par le capitaine du navire en relation au navire et à la navigation » (art. 274, al. 1, C. nav.). La limitation de la responsabilité de l’armateur est prévue par l’article 275 C. nav., lequel vise les obligations relatives « à chaque voyage » sauf s’il y a « faute lourde ou du dol » personnels de l’armateur (V., sur la difficulté de la notion de « voyage » dans la navigation maritime moderne, G. RIGHETTI, ibid., p. 1579, qui remarque que sur ce point aussi la législation italienne diffère de celle de beaucoup d’autres systèmes juridiques nationaux et du droit uniforme, qui visent normalement la limitation pour chaque « accident » de la navigation). Le système est dit ad valorem « corrigé », parce que « l’armateur peut limiter la dette totale à une somme égale à la valeur du navire et au montant du fret et de toute autre revenue du voyage (art. 275, al. 1, C. nav.), mais cette valeur du navire est celle que le navire avait au moment dans lequel la limitation est demandée et pas après la fin du voyage, en tout cas ne devant pas être ni inférieure à 1/5 ni supérieure à 2/5 de la valeur du navire au début du voyage » (art. 276, al. 1. C. nav.), cf. G. RIGHETTI, ibid, p. 1576.
831 Le tonnage du navire est prévu dans l’art, .3 § 7 de la convention de Bruxelles de 1957 :
« Pour l’application de cette Convention, le tonnage sera calculé comme suit :
- pour les navires à vapeur ou autres navires à propulsion mécanique, le tonnage net augmenté du volume qui, à raison de l’espace occupé par les appareils de force motrice, a été déduit du tonnage brut en vue de déterminer le tonnage net ;
- pour tous autres navires, le tonnage net ».
Dans la LLMC de 1976 le tonnage est, par contre, le tonnage brut calculé conformément aux Tonnage Mesurement Rules de l’Annexe I de la International Convention on Tonnage Mesurement of Ships de 1969.
Sur les effects de ce changement dans la mesuration du tonnage v. Legal Committee, 28th session, n. 64 : “It was observed that to calculate tonnage in accordance with the rules of the International Convention on Tonnage Measurement of Ships, 1969 would introduce standard measurement rules for all ships. It was further noted that the change from the liability ton as used in the 1957 Convention to the gross ton of the 1969 Convention would increase the tonnage of ships taken into account when calculating the limitation amount, and that this would produce a particularly marked effect in the case of certain types of small ships”, The travaux préparatoires of the LLMC, précit., p. 152.
832 Dans la convention de Bruxelles de 1957, cette limite de base est prévue par l’art. 3 § 5 et se réfère au tonnage minimum : « Pour déterminer la limite de la responsabilité d’un propriétaire de navire, conformément aux dispositions du présent article, tout navire de moins de 300 tonneaux de jauge sera assimilé à un navire de ce tonnage ».
Dans la LLMC de 1976 la limite de base est par contre constituée par le montant correspondant au premier niveau prévu par l’art. 6, qui fixe à .333.000 unités de compte (le DTS tel que défini par le Fonds monétaire international, v. art. 8) la limite de la responsabilité pour chaque navire ne dépassant pas 500 tonneaux de jauge brute calculée conformément aux règles de jaugeage prévues dans l’Annexe 1 de la convention internationale de 1969 sur le jaugeage des navires.
833 G. RIGHETTI, op. cit., tome 1.2, p. 1568.
834 “The charterer of any vessel, in case he shall man, victual, and navigate such vessel al his own expense, or by his own procurement, shall be deemed the owner of such vessel within the meaning of the provisions relating to the limitation of liability of the owners of vessels ; and such vessel, when so chartered, shall be liable in the same manner as if navigated by the owner thereof”, cf. 46 U.S.C. section 186.
835 La demande de limitation de la responsabilité doit être adressée dans les six mois suivant la demande en réparation, et doit être proposée devant la Cour du district compétent. Pour ce faire “the owner (a) shall deposit with the court, for the benefit of claimants, a sum equal to the amount or value of the interest of such owner in the vessel and freight, or approved security therefor, and in addition such sums, or approved security therefor, as the court may front time to time fix as necessary to carry out the provisions of section 183 of this Appendix”, cf. 46 U. S. C. section 185 case a) système ad valorem.
836 Ce système consiste dans le transfert “to a trustee to be appointed by the Court his interest in the vessel and freight together with sums, or approved security there for, as the Court may from time to time fix as necessary to carry out the provisions of section 183 of this appendix...”. cf. 46 U.S.C. section 185 case b), système de l’abandon).
Cette distinction en deux systèmes est faite par G. RIGHETTI, op. cit., tome 1.2, p. 1589.
837 Cf. A. J. RODRIGUEZ P. A. C. JAFFE, An overview of U.S, law of shipowner’s limitation of liability, Dir. mar., 1992, p. 638.
838 “The liability of the owner of any vessel, whether American or foreign, for any embezzlement, loss, or destruction by any person of any property, goods, or merchandise shipped or put on board of such vessel, or for any loss, damage, or forfeiture, done, occasioned, or incurred, without the privity or knowledge of such owner or owners, shall not, except the cases provided for in subsection (b) of this section, exceed the amount or value of the interest of such vessel, and her freight then pending”, 46 U.S.C. section 183 a). “In the case of seagoing vessel, if the amount of the owner’s liability as limited under subsection (a) of this section is insufficient to pay all loss in full, and the portion of such amount applicable to the payment of losses in respect of loss of life or bodily injury is less than $ 420 per ton of such vessel’s tonnage, such portion shall be increased to an amount equal to $ 420 per ton, to be available only for the payment of losses in respect of loss of life or bodily injury. If such portion so increased is insufficient to pay such losses in full, they shall be paid there from in proportion to their respective amounts”, 46 U.S.C. section 183 b).
839 Cf. M.L.A. Report, C. H. ALLEN, op. cit., p. 263.
840 A. VIALARD, L’évolution de la faute inexcusable et la limitation, DMF, 2002, p. 581.
841 Cf. art. 4 LLMC : “a person shall not be entitled to limit his liability if it is proved that the loss resulted from his personal act or omission, committed with the intent to cause such loss, or recklessly and with knowledge that such loss will probably result”, d’après l’intention des rédacteurs manifestée dans les travaux préparatoires, The Travaux préparatoires LLMC, précit, p. 121 et s. L’interprétation uniforme qui devrait être assurée de cet article est celle qui envisage-un système « incassable », en substituant à l’expression de l’article 1 de la convention de-Bruxelles de 1957 « faute personnelle » (ou « actual fault or privity » dans le texte anglais) qui visait une simple négligence de la part du propriétaire du navire comme cause de déchéance du droit à la limitation. Les rédacteurs ont ainsi estimé que “The employer, who is vicariously liable for his servants, needs protection also in cases where he is only guilty of simple negligence, particularly because the courts in some countries are inclined to institute a standard of diligence in the operation of ships which is unrealistically high” [...] “In the view of the Committee the right of limitation should not be forfeited only because the person liable has acted with intent to cause some sort of a loss or recklessly and with the knowledge that some sort of a loss would probably occur” (cf. CMI Hamburg Conference, Second report of the chairman, ibid). Cette interpretation presque incassable du droit à la limitation était compensée par la hausse des limites sur la base d’une couverture d’assurance fondée sur un calcul sûr du risque, puisque “the judicial interpretation in some States had deprived the 1957 fault and privity provision of its intended meaning and function, thus creating uncertainly as to the extent of liability to be covered with consequential difficulty in obtaining insurance cover, even for losses normally subject to limitation”, cf. IMCO Legal Committee, Twenty-eighth session, ibid., p. 124.
842 V., supra, Partie I, Titre II, Chapitre II, Section I, § 1.
843 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Montego Bay, 1982.
844 T.TREVES Il nuovo diritto del mare e le convenzioni internazionali sulla protezione dell’ambiente marino, Dir. mar., 1999, p. 222.
845 Cf., par exemple, art. 211, al. 5, Convention de Montego Bay, précit.
846 V. ANNEXE C.1.
847 Belgique, Brésil, République Dominicaine, Hongrie, Madagascar, Pologne, Portugal, Espagne et Turquie (V., pour plus de détails, ANNEXE B.3). Il faut aussi remarquer que la Belgique, la République Dominicaine, le Madagascar, la Pologne, le Portugal et l’Espagne font aussi partie de la convention de Bruxelles de 1957 sur la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires sans avoir dénoncé la convention de 1924. L’Espagne, la Pologne, la Belgique et la Turquie sont aussi parties à la LLMC de 1976. L’art. 17 § 4 de la LLMC résout, pour les États qui en sont parties, les problèmes dérivant des rapports entre ces conventions en permettant la substitution de ces conventions avec la LLMC : « S’agissant des relations entre les États qui ratifient, acceptent, approuvent la présente Convention ou qui y adhèrent, la présente Convention remplace et abroge la Convention internationale sur la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires de mer, faite à Bruxelles le 10 octobre 1957 et la Convention internationale pour l’unification de certaines règles concernant la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires de mer, signée à Bruxelles le 25 août 1924 ».
848 Ce système a été défini comme un véritable « cocktail » par G. GAUTIER, reprenant une expression de A. VIALARD ; G. GAUTIER, La limitation joue-t-elle pour les dommages subis par le navire ?, DMF, 2002, p. 1025.
849 V. ANNEXE B.9.a.
850 Art. 1 al. 1er, qui vise les créances qui résultent de l’une des causes suivantes :
« a. Mort ou lésions corporelles de toute personne se trouvant à bord pour être transportée, et pertes ou dommages de tous biens se trouvant à bord du navire ;
b. Mort ou lésions corporelles de toute autre personne sur terre ou sur l’eau, pertes ou dommages à tous autres bien ou atteintes à tous droits causés par le fait, la négligence ou la faute de toute personne se trouvant à bord du navire, dont le propriétaire est responsable ; pourvu que, dans ce dernier cas, le fait, la négligence ou la faute se rapportent à la navigation, à l’administration du navire, au chargement, au transport ou au déchargement de la cargaison, à l’embarquement, au transport ou au débarquement des passagers ;
c. Toute obligation ou responsabilité imposée par une loi relative à l’enlèvement des épaves et se rapportant au renflouement, à l’enlèvement ou à la destruction d’un navire coulé, échoué ou abandonné (y compris tout ce qui se trouve à bord), ainsi que toute obligation ou responsabilité résultant des dommages causés par un navire de mer aux ouvrages d’art des ports, bassins et voies navigables ».
851 Art. 3 al. 1er : « Les montants auxquels le propriétaire d’un navire peut limiter sa responsabilité dans les cas prévus à l’article premier sont :
a. Au cas où l’événement n’a donné lieu qu’à des dommages matériels, une somme totale de 1000 francs par tonneau de jauge du navire ;
b. Au cas où l’événement n’a donné lieu qu’à des dommages corporels, une somme totale de 3100 francs par tonneau de jauge du navire ;
c. Au cas où l’événement a donné lieu à la fois à des dommages corporels et à des dommages matériels, une somme totale de 3100 francs par tonneau de jauge du navire, dont une première partie de 2100 francs par tonneau de jauge sera exclusivement affectée au règlement des créances du chef de dommages corporels, et dont une seconde partie de 1000 francs par tonneau de jauge du navire sera affectée au paiement des créances du chef de dommages matériels ; toutefois, lorsque la première partie est insuffisante pour payer intégralement les créances du chef de dommages corporels, le solde impayé de celles-ci viendra en concurrence avec les créances du chef de dommages matériels pour être payé par la seconde partie du fonds ».
852 Art. 3 alinéa 1er.
853 « Art. 6 :
(1) Dans la présente Convention, la responsabilité du propriétaire du navire inclut la responsabilité du navire lui-même.
(2) Sous réserve du § (3) du présent article, les dispositions de cette Convention seront applicables à l’affréteur, à l’armateur, à l’armateur-gérant, ainsi qu’aux capitaine, membres de l’équipage et autres préposés du propriétaire, de l’affréteur, de l’armateur, ou de l’armateur-gérant, agissant dans l’exercice de leurs fonctions, de la même manière qu’elles s’appliquent au propriétaire lui-même, sans que le montant global de la responsabilité limitée du propriétaire et de toutes ces autres personnes du chef de dommages corporels et matériels, résultant d’un même événement, puisse excéder les montants fixés conformément à l’article 3 de la présente Convention. ».
854 Art. 1, al. 1er : « Le propriétaire d’un navire de mer peut limiter sa responsabilité au montant déterminé par l’article 3 de la présente Convention pour les créances qui résultent de l’une des causes suivantes, à moins que l’événement donnant naissance à la créance ait été causé par la faute personnelle du propriétaire :[...] ».
855 « La présente Convention remplace et abroge, pour les relations entre les États qui la ratifient ou y adhèrent, la Convention internationale pour l’unification de certaines règles concernant la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires de mer, signée à Bruxelles, le 25 août 1924 » (Art. 16).
856 IMCO Legal Committee, 28th session, n. 63 : “It was generally accepted that inflation had seriously eroded the real value of the limitation amounts established in Article 3 of the 1957 Convention : 1,000 Poincaré francs for each ship’s ton for property damage and 3,100 Poincaré francs per ton for personal claims. These figures were considered to be now worth about half of their real value in 1957. It was therefore generally agreed that these figures would require to be substantially increased if the limitation amounts in the new Convention were to be higher in real value than they were when the 1957 Convention was adopted”, The Travaux préparatoires of the LLMC Convention, précit., p. 152.
857 “Because simple negligence is a vague conception, judges may be tempted to, and sometimes do, find negligence because they feel that limitation of liability is inequitable in the particular case”, Hamburg Conference, Second Report of the Chairman, p. 408, The Travaux préparatoires of the LLMC Convention, précit., p. 122.
858 “10 earlier concept of limitation held that a shipowner should be able to free himself from liabilities which exceeded his total interest in a venture subject to marine perils. The more modern view is that a shipowner should be able to free himself from liabilities which exceed amounts coverable by insurance at reasonable costs. It was thought to be in the general interest that shipowners should be able to meet claims up to those amounts and that procedures should be established to facilitate the settlement of claims. Additionally, it was thought that, with respect to the economy of sea transport, it was important to take into account the costs of insurance not for shipowners alone, but the totality of insurance costs for sea carriage, including insurance costs for shippers of cargo”. IMCO Legal Committee, 23rd session, 3 - 7 January 1974, p. 3, The Travaux préparatoires of the LLMC Convention, précit., p. 15.
859 « La présente Convention entre en vigueur le premier jour du mois qui suit l’expiration d’une période d’un an à compter de la date à laquelle douze États soit l’ont signée sans réserve quant à la ratification, l’acceptation ou l’approbation, soit ont déposé un instrument approprié de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion ».
860 V., aussi, pour le nombre des pays adhérents par rapport au tonnage mondial au 31 mars 2006, ANNEXE D.l.
861 Art. 17 § 4 LLMC.
862 Art. 1 § 2 LLMC.
863 Pour des remarques complémentaires sur ce sujet et sur la notion adoptée en droit uniforme de « propriétaire de navire de mer » cf., infra. Section 3, § 2.
864 Il s’agit de la Convention relating to the Limitation of Liability of Owners of Inland Navigation Vessels (CLN) of the United Nation Commission for Europe de 1973.
865 C’est le cas par exemple de la France, où les transports par eaux intérieures sont assimilés aux transports terrestres.
866 Cf. art. 15, § 2, lettre a), LLMC.
867 La qualification du navire comme « navire de mer » ou « navire destiné à la navigation sur les voies d’eau intérieures » selon la loi de l’État du pavillon, étant celui où le navire est enregistré, s’impose soit sur le plan du droit international, soit à la suite de la lecture des travaux préparatoires de la LLMC, les délégations de la Hollande, de l’URSS et de la France ayant bien mis en lumière cet aspect, cf. Diplomatic conference of London, 2 November 1976, Summary Record of the Second Meeting, Committee of the Whole, p. 224 et 225, The travaux préparatoires of the LLMC, précit., p. 343 et s. Il faut quand même observer que cette disposition est contraire à la conception traditionnelle de la spécificité des transports maritimes, selon laquelle « le caractère maritime de la navigation se détermine, non d’après le navire, mais d’après le lieu où elle s’exerce ; c’est parce que le transport a lieu par mer qu’il connaît un régime juridique propre », G. RIPERT, op. cit., p. 248.
868 Art. 4 LLMC : « Une personne responsable n’est pas en droit de limiter sa responsabilité s’il est prouvé que le dommage résulte de son fait ou de son omission personnels, commis avec l’intention de provoquer un tel dommage, ou commis témérairement et avec conscience qu’un tel dommage en résulterait probablement ».
869 Guidelines on Shipowners, Resolution A/898(21), précit.
870 Art. 1 § 1 LLMC. La définition d’assistant est donnée par le § 3 « toute personne fournissant des services en relation directe avec les opérations d’assistance ou de sauvetage ».
871 Art. 6 § 4 LLMC : « Les limites de la responsabilité de tout assistant n’agissant pas à partir d’un navire, ou de tout assistant agissant uniquement à bord du navire auquel ou à l’égard duquel il fournit des services d’assistance ou de sauvetage, sont calculées selon une jauge de 1500 tonneaux ». Le CMI était aussi unanimement d’accord en fait sur la nécessité d’élargir le droit à la limitation aux assistant n’opérant pas d’un navire, comme par exemple d’un hélicoptère, cf. Hamburg Draft Convention, Introductory Report to IMCO, p. 396, The Travaux préparatoires of the LLMC Convention, précit., p. 48.
872 The Tojo Maru, Lloyds Rep., 1971. 1, p. 341.
873 Art. 1, § 1, lettre b), Convention de Bruxelles de 1957 sur la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires.
874 Art. 1. § 6, LLMC.
875 The Cushing Case. 1954 AMC, p. 387.
876 En France cette règle constitue exclusion légale, cf. art. L. 172-13 Code des Assurances.
877 C. HUBNER, L’assureur peut-il invoquer la limitation de responsabilité ?, DMF, 2002, p. 1037.
878 Parfois la loi prévoit que l’assureur ne peut pas se prévaloir envers les tiers endommagés des exceptions qui dérivent du contrat d’assurance. V., en droit italien, l’art. 18 de la loi n. 990 de 1969 sur l’assurance obligatoire de la responsabilité pour les dommages dérivant de la circulation routière, qui reconnaît l’action directe de l’endommagé contre l’assureur, dans la limite du montant assuré sans que celui-ci puisse soulever aucune exception sur la base du contrat d’assurance, sauf l’action récursoire envers l’assuré. Cette loi s’applique aussi aux bateaux dont le tonnage ne dépasse pas 25 tonnes et avec moteur supérieur à 3 HP. En droit maritime, l’action directe est prévue par l’art. 7 § 8 de la CLC. Aux États-Unis, pour le rattachement de la responsabilité de l’assureur sur la base seulement du contrat d’assurance et la valeur face aux tiers endommagés des stipulations qui apparaissent dans la police d’assurance par rapport au montant assuré, cf. Aff. Crown Zollerbach Corp. c. Ingram Industries, Inc., 783 F.2d 1296, 1986 AMC 1471 (5th Cir.).
879 Art. 1 § 5 LLMC.
880 Dans ce cas aussi quand même, le but final de la disposition était de protéger le propriétaire du navire qui avait été jugé responsable des faits de ses préposés assistants le navire en péril. Seulement il a fallu élargir la discipline d’une façon plus générale aux assistants qui n’agissent d’aucun navire potentiellement détachée de la responsabilité du propriétaire de navire. C’est le cas, par exemple, des assistants qui agissent de manière autonome d’un hélicoptère.
881 Sauf si l’action directe envers lui est commandée par la loi applicable ou est reconnue par le juge du for saisi.
882 Ce principe, qui peut être tiré aisément du droit commun, inspire d’ailleurs des dispositions spécifiques de la codification américaine, par exemple dans le domaine de la limitation de la responsabilité dans le transport de substances nocives ou dangereuses, comme le CERCLA, cf. sect. 108, 46 U.S.C. 9608, lettre d :
“Limitations of Guarantor Liability
(1) Total liability. -- The total liability of any guarantor in a direct action suit brought under this section shall be limited to the aggregate amount of the monetary limits of the policy of insurance, guarantee, surety bond, letter of credit, or similar instrument obtained from the guarantor by the person subject to liability under section 107 for the purpose of satisfying the requirement for evidence of financial responsibility.
(2) Other liability. -- Nothing in this subsection shall be construed to limit any other State or Federal statutory, contractual, or common law liability of a guarantor, including, but not limited to, the liability of such guarantor for bad faith either in negotiating or in failing to negotiate the settlement of any claim. Nothing in this subsection shall be construed, interpreted, or applied to diminish the liability of any person under section 107 of this Act or other applicable law”. (Ce § 108 (d) a été ainsi amendé par le PL 99-499).
Cette législation qui procède de façon taxonomique, sans un encadrement doctrinal général, est à la base de la difficulté des tribunaux de régler les cas qui ne sont pas expressément prévus par la loi.
883 Art. 1, § 6, LLMC.
884 Dans les textes de droit uniforme il parait, en fait, y avoir deux notions différentes se rattachant aux expressions « propriétaire de navire » et « propriétaire ».
Avec la première, au sein de la LLMC, on se réfère au propriétaire, à l’affréteur, l’armateur et l’armateur-gérant d’un navire de mer et au sein de la Bunker Convention 2001, on ne vise plus l’affréteur en général mais spécifiquement l’affréteur coque nue, excluant ainsi l’affréteur au voyage qui, généralement n’est pas armateur mais un simple chargeur.
Avec la seconde expression on se réfère par contre, au sein de la CLC et de la HNS aux personnes au nom desquelles le navire est immatriculé ou, à défaut d’immatriculation, aux personnes qui en sont propriétaires.
Il apparaît ainsi que ces expressions, « propriétaire de navire » et « propriétaire », ne désignent pas la même notion.
Si celle sous-tendue par l’expression « propriétaire » est claire, il reste alors à identifier l’autre, pour comprendre quel est le lien qui regroupe la liste des personnes qui sont réunies dans la même notion de « propriétaire de navire ». A notre avis ce lien est constitué par le fait que tous sont des armateurs selon la doctrine italienne formulée par Scialoja et profondément liée au rattachement de la responsabilité sur la base du risque créé (théorie moderne du risque d’entreprise). La notion « propriétaire de navire » correspond alors à celle d’« armateur » élaborée par la doctrine italienne et cela constitue un point de départ important pour une réflexion sur les critères de rattachement de la responsabilité qui doivent être à la base du droit maritime moderne.
885 Art. 15, § 2, lettre a), LLMC.
886 Art. 15, § 2, lettre b), LLMC.
887 Ce système aurait été le plus correct techniquement selon l’avis des délégations française et anglaise, cf. The Travaux préparatoires of the LLMC Convention, précit., p. 352 et 353. Il s’agit en outre du système adopté dans le protocole de signature de la convention de 1957 :
« (1) Tout État pourra, lors de la signature, de la ratification ou de l’adhésion à la présente Convention, formuler les réserves prévues au § (2). Aucune autre réserve à la présente Convention ne sera recevable.
(2) Les réserves suivantes seront seules recevables :
a. Réserve du droit d’exclure l’application de l’article premier, § (1) (c) ;
b. Réserve du droit de régler par la loi nationale le système de limitation de responsabilité applicable aux navires de moins de 300 tonneaux de jauge ;
c. Réserve du droit de donner effet à la présente Convention, soit en lui donnant force de loi, soit en incluant dans la législation nationale les dispositions de la présente Convention sous une forme appropriée à cette législation ».
La délégation italienne préférait par contre l’exclusion directe du champ d’application de la convention du régime applicable aux navires de petit tonnage.
888 Art. 15, § 3, LLMC. Ce § avait été proposé par la délégation japonaise, Document LEG/CONF.5/C. I/WP.49/Rev. 1, The Travaux préparatoires of the LLMC Convention, précit., p. 359.
889 Cf. Art. 15, § 4, LLMC : au cas où l’État en question dispose une limite supérieure à celle de la convention ou devienne partie d’une convention internationale spécifique.
890 Art. 15, § 5, LLMC.
891 Cf., supra, Partie I, Titre II.
892 Rapport dont demeure exclu, comme on a déjà vu, l’assureur, au moins qu’il ne se soit pas obligé personnellement envers le tiers.
893 Celle-ci étant l’interprétation du texte donnée par les rédacteurs au sein de la conférence de Hambourg, cf. The Travaux préparatoires of the LLMC Convention, précit., p. 62. Le texte anglais parle de “claims in respect of loss of life or personal injury or loss of or damage to property...and consequential loss resulting therefrom”.
894 « pertes ou dommages de tous biens se trouvant à bord du navire », Art. 1, a).
895 « pourvu que le fait, la négligence ou la faute se rapportent à la navigation, à l’administration du navire, au chargement, au transport ou au déchargement de la cargaison, à l’embarquement, au transport ou au débarquement des passagers », Art. 1, b) de la Convention de Bruxelles de 1957.
896 « [...] survenus à bord du navire ou en relation directe avec l’exploitation de celui-ci ou avec des opérations d’assistance ou de sauvetage, ainsi que pour tout autre préjudice en résultant », Art. 2, a) LLMC.
897 “ [...] occurring in direct connection with the operation of the vessel”.
898 Cf. Conférence de Hambourg, Text and Commentary, p. 400, The Travaux préparatoires of the LLMC Convention, précit., p. 62.
899 C’est sur cet aspect en particulier qu’insistent les rédacteurs au sein de la Conférence de Hambourg, ibid., p. 65 et 69.
900 Art. 2, b), LLMC.
901 Art. 2, c), LLMC.
902 Conférence de Hambourg, Text and Commentary, ibid., p. 402.
903 Art. 2, d) et e), LLMC.
904 Art. 2, f), LLMC.
905 The Travaux préparatoires of the LLMC Convention, précit., p. 78 et s.
906 V. G. RIGHETTI, op. cit., tome 1.2. p. 1614.
907 Art. 1 LLMC.
908 Cf., infra, Partie II, Titre I, Chapitre II, Section II, § 2, B.
909 Parce qu’il semble difficile que la responsabilité puisse lui être rattachée en tant que Schuld sur la base des critères élaborés par la doctrine moderne. À ce sujet cf., amplius, infra, B - Le système CLC-FC.
910 Cf. I. KIM, Introducing oil cargo liability in the Oil Pollution Act of 1990, JLMC, vol. 33, n. 2, p. 179 et s.
911 Art. 6, e) LLMC.
912 V., supra, Partie I, Titre II. Chapitre I.
913 Art. 6, b), c)et d), LLMC.
914 Il s’agit de la “exoneration inquiry”, suite à laquelle, si la preuve n’est pas donnée par les claimants, le Tribunal ne procède pas ultérieurement, cf. C. H. ALLEN, op. cit., p. 266.
915 Celle là étant la cause de déchéance du droit à la limitation prévu pour le shipowner (46 U.S.C. sect. 183). Cette notion correspond à celle de « faute personnelle » de l’article 1 de la Convention de Bruxelles de 1957.
916 “Limitation analysis”, ibid..
917 Le shipowner devra alors prouver “a cause of loss not involving privity (e.g. negligent navigation by a qualified watch officer, or elimination of all possible causes which would involve privity where the cause cannot be shown precisely” Kinsman Transit Co. (The MacGilvray Shiras), 380 U.S. 944 (1965), (C’est nous qui soulignons). Cf. aussi A. J. RODRIGUEZ P. A. C. JAFFE, An overview of U. S. law of shipowner’s limitation of liability. Dir. mar., 1992, pp. 646 et 647, où les auteurs parlent d’une preuve négative difficile à donner, ce qui conduit souvent les tribunaux à dénier la limitation.
918 Cf. G. RIGHETTI, op. cit., tome I.2, p. 1608 et s., p. 1647, 1648.
919 Art. 7 LLMC visant la limite applicable aux créances des passagers.
920 Art. 6 LLMC, visant tous les cas qui ne rentrent pas dans ceux de l’art. 7.
921 Il s’agit de l’unité de compte telle que définie par l’art. 8 LLMC, qui se réfère au DTS pour les États qui font partie du FMI et, pour les autres, à une unité monétaire correspondante à 65 milligrammes et demie d’or au titre de 900 millièmes de fin. Cette unité de compte est aussi prévue au sein de la Convention d’Athènes de 1974 (PAL) telle qu’amendée par l’art. 2 du Protocole de 1976, de la Convention de Bruxelles de 1924 sur le connaissement telle qu’amendée par l’art. 2.2 du Protocole de 1979, et enfin au sein de la CLC de 1969 telle qu’amendée par l’art. 6.4 du Protocole de 1992.
922 V. le texte du document présenté par la délégation allemande à la 27ème session de l’IMCO, LEG 70/5/3, The Travaux préparatoires of the LLMC Convention, précit., p. 491.
923 Il s’agit d’un « one way spill over » car il est prévu seulement au bénéfice des créances pour lésions corporelles, le montant prévu pour celles-ci n’étant pas disponible pour satisfaire des éventuelles créances pour dommages visant les biens, quand le montant les concernant ne soit pas suffisant.
924 Art. 13 LLMC.
925 C’est la conclusion à laquelle on arrive en lisant les travaux préparatoires de la convention et, en particulier, l’intervention de la délégation du Royaume Uni à la Conférence diplomatique de Londres : “Lord Diplock (United Kingdom) said that the same problem had arisen under the 1957 Convention and was covered by Article 13(3). The essence of a limitation fund was that it was a bar to other actions ; but if a personal injury claim was later made against a person who had set up a fund for property claims, that would not - under Article 13(3) - be a bar to the constitution of a second fund”, The Travaux préparatoires of the LLMC Convention, précit., p. 299.
926 Cela marque aussi une différence avec le système italien, où la limitation est prévue pour chaque « voyage », dont la notion est un peu vague et crée des problèmes d’interprétation.
927 Art. 21 LLMC : « Révision des montants de limitation et de l’unité de compte ou de l’unité monétaire
1. Nonobstant les dispositions de l’article 20, une conférence ayant pour seul objet de réviser les montants fixés aux articles 6 et 7 et au § 2 de l’article 8, ou de remplacer l’une ou l’autre ou l’une et l’autre des deux unités définies aux paragraphes 1 et 2 de l’article 8 par d’autres unités, est convoquée par l’Organisation conformément aux paragraphes 2 et 3 du présent article. La révision des montants n’est faite qu’à la suite d’une modification sensible de leur valeur réelle.
2. L’Organisation convoque la Conférence à la demande du quart au moins des États Parties.
3. La décision de réviser les montants ou de remplacer les unités par d’autres unités est prise à la majorité des deux tiers des États Parties présents et votants à cette conférence.
4. Tout État qui dépose son instrument de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion à la Convention après l’entrée en vigueur d’un amendement applique la Convention telle que modifiée ».
928 Art. 8 § 7 du Protocole de 1996 à la LLMC : « Tout amendement adopté conformément au § 4 est notifié par l’Organisation à tous les États contractants. L’amendement est réputé avoir été accepté à l’expiration d’un délai de dix-huit mois après la date de sa notification, à moins que, durant cette période, un quart au moins des États qui étaient des États contractants au moment de l’adoption de l’amendement ne fassent savoir au Secrétaire général qu’ils ne l’acceptent pas, auquel cas l’amendement est rejeté et n’a pas d’effet ».
Une procédure dans le but de rendre plus facile la revision des montants avait aussi été proposée au sein de la rédaction de l’art. 21 de la LLMC, Document LEG/CONF.5/C.1/WP.67 : “Article 21. § 6. after entry into force of an amendment a contracting party which has accepted the amendment is entitled to apply the amended convention vis-à-vis vessels and nationals of a party which has not accepted the amendment. Any State becoming a party to the convention after entry into force of an amendment shall apply the convention as amended”.
Plusieurs délégations (France, URSS, Pologne etc.) étaient fortement contraires à cette disposition, soutenant qu’elle était contraire aux principes de droit international, en obligeant des États à des engagements sans qu’il les aient expressément acceptés, en particulier contre l’article 40 § 4 de la convention de Vienne de 1969 : « L’accord portant amendement ne lie pas les États qui sont déjà parties au traité et qui ne deviennent pas parties à cet accord ; l’alinéa b) du § 4 de l’article 30 s’applique à l’égard de ces États ». Ainsi elle ne fut pas approuvée par la Conférence diplomatique.
929 Art. 8 du Protocole, § 1 : “upon the request of at least one half, hut in no case less than six, of the stales parties to this protocol, any proposal to amend the limits specified in article 6, paragraph 1, article 7, paragraph 1, and article 8, paragraph 2 of the convention as amended by this protocol shall be circulated by the secretary-general to all members of the organization and to all contracting states”.
930 Art. 8 du Protocole, paragraphes 2, 3, et 4 : “2. any amendment proposed and circulated as above shall be submitted to the legal committee of the organization (the legal committee) for consideration at a date at least six months after the date of its circulation.
3. all contracting states to the convention as amended by this protocol, whether or not members of the organization, shall be entitled to participate in the proceedings of the legal committee for the consideration and adoption of amendments.
4. amendments shall be adopted by a two-thirds majority of the contracting states to the convention as amended by this protocol present and voting in the legal committee expanded as provided for in paragraph 3, on condition that at least one half of the contracting states to the convention as amended by this protocol shall be present at the time of voting”.
931 La phase des ratifications constitue, en fait, l’une des limites à l’unification du droit maritime. V., infra, Partie II, Titre II, Chapitre II, Section I.
932 Royaume Uni, Finlande, Allemagne, Norvège, Russie, Australie, Tonga, Danemark et Sierra Leone.
933 V., infra, Partie II. Titre II, Chapitre I.
934 Art. 1, § 4, CLC amendé par le Protocole de 1992 : « Hydrocarbures signifie tous les hydrocarbures minéraux persistants, notamment le pétrole brut, le fuel-oil, l’huile diesel lourde et l’huile de graissage, qu’ils soient transportés à bord d’un navire en tant que cargaison ou dans les soutes de ce navire ».
935 Selon laquelle les pays contractants des Protocoles de 1992 ne sont plus parties à la CLC de 1969 et à la FUND Convention de 1971 à partir du 16 mai 1998.
936 Le Protocole de 1992 à la FUND Convention lie le 88.92 % du tonnage mondial ; la CLC telle qu’amendée par le Protocole de 1992 le 94.41 %, Summary of Status of Conventions as at 30 june 2006, ANNEXE D.1.
937 Sur les derniers développements en matière de régime international d’indemnisation par le FIPOL, v. M. JACOBSSON, Le régime international d’indemnisation des victimes des marées noires en pleine évolution, DMF, 2004, p. 793.
938 Art. 15 § 7 du Protocole de 1992 à la CLC.
939 Art. 7 § 1 : « Le propriétaire d’un navire immatriculé dans un État contractant et transportant plus de 2000 tonnes d’hydrocarbures en vrac en tant que cargaison est tenu de souscrire une assurance ou autre garantie financière, telle que cautionnement bancaire ou certificat délivré par un fonds international d’indemnisation, d’un montant fixé par application des limites de responsabilité prévues à l’article V. § 1, pour couvrir sa responsabilité pour dommage par pollution conformément aux dispositions de la présente Convention ».
940 Art. 7 § 2 : « Un certificat attestant qu’une assurance ou autre garantie financière est en cours de validité conformément aux dispositions de la présente Convention est délivré à chaque navire après que l’autorité compétente de l’État contractant s’est assurée que le navire satisfait aux prescriptions du § 1. Lorsqu’il s’agit d’un navire immatriculé dans un État contractant, ce certificat est délivré ou visé par l’autorité compétente de l’État d’immatriculation du navire ; lorsqu’il s’agit d’un navire non immatriculé dans un État contractant, le certificat peut être délivré ou visé par l’autorité compétente de tout État contractant. Le certificat doit être conforme au modèle joint en annexe et comporter les renseignements suivants :
a) nom du navire et port d’immatriculation ;
b) nom et lieu du principal établissement du propriétaire ;
c) type de garantie ;
d) nom et lieu du principal établissement de l’assureur ou autre personne accordant la garantie et, le cas échéant, lieu de l’établissement auprès duquel l’assurance ou la garantie a été souscrite ;
e) la période de validité du certificat, qui ne saurait excéder celle de l’assurance ou de la garantie ».
941 Art. 7, § 8. CLC telle qu’amendée par le Protocole de 1992 : « Toute demande en réparation de dommages dus à la pollution peut être formée directement contre l’assureur ou la personne dont émane la garantie financière couvrant la responsabilité du propriétaire pour les dommages par pollution. Dans un tel cas, le défendeur peut, même lorsque le propriétaire n’est pas en droit de limiter sa responsabilité conformément à l’article V. § 2, se prévaloir des limites de responsabilité prévues à l’article V. § 1. Le défendeur peut en outre se prévaloir des moyens de défense que le propriétaire serait lui-même fondé à invoquer, excepté ceux tirés de la faillite ou mise en liquidation du propriétaire. Le défendeur peut de surcroît se prévaloir du fait que les dommages par pollution résultent d’une faute intentionnelle du propriétaire lui-même, mais il ne peut se prévaloir d’aucun des autres moyens de défense qu’il aurait pu être fondé à invoquer dans une action intentée par le propriétaire contre lui. Le défendeur peut dans tous les cas obliger le propriétaire à se joindre à la procédure ».
On remarque ici la discipline législative d’une question de droit dont le rapport juridique demeure distinct de celui inhérent au responsable du dommage, l’assureur n’étant jamais obligé pour un montant supérieur à celui assuré, sa responsabilité découlant exclusivement du contrat d’assurance. Pour une discipline législative analogue voir le CERCLA des USA, sect. 108, le problème étant arrivé devant les tribunaux américains qui n’avaient pas reconnu ce principe d’ordre général et avaient condamné les assureurs à payer le montant en réparation par entier, en leur déniant la limitation de la responsabilité assignée au débiteur principal, cf. The Cushing case, 1954, précit.
942 Art. 5, § 1, CLC amendé par le Protocole de 1992 : « Le propriétaire d’un navire est en droit de limiter sa responsabilité aux termes de la présente Convention à un montant total par événement calculé comme suit :
a) 3 millions d’unités de compte pour un navire dont la jauge ne dépasse pas 5000 unités ;
b) pour un navire dont la jauge dépasse ce nombre d’unités, pour chaque unité de jauge supplémentaire, 420 unités de compte en sus du montant mentionné à l’alinéa a) ; étant entendu toutefois que le montant total ne pourra en aucun cas excéder 59,7 millions d’unités de compte ».
943 Art. 9 amendé par le Protocole de 1992 : « 1. Lorsqu’un événement a causé un dommage par pollution sur le territoire, y compris la mer territoriale, ou dans une zone telle que définie à l’article II, d’un ou de plusieurs États contractants, ou que des mesures de sauvegarde ont été prises pour prévenir ou atténuer tout dommage par pollution sur ce territoire, y compris la mer territoriale, ou dans une telle zone, il ne peut être présenté de demande d’indemnisation que devant les tribunaux de ce ou de ces États contractants. Avis doit être donné au défendeur, dans un délai raisonnable, de l’introduction de telles demandes
2. Chaque État contractant veille à ce que ses tribunaux aient compétence pour connaître de telles actions en réparation.
3. Après la constitution du fonds conformément aux dispositions de l’article V, les tribunaux de l’État où le fonds est constitué sont seuls compétents pour statuer sur toutes questions de répartition et de distribution du fonds ».
Sur l’importance de cette disposition et de l’article suivant visant la reconnaissance des jugements dans les autres États contractants en relation aux autres normes internationales sur la juridiction, v. aussi partie I, chapitre préliminaire Section 1, § 1, lettre B.
944 Art. 5 § 2 CLC amendée : « Le propriétaire n’est pas en droit de limiter sa responsabilité aux termes de la présente Convention s’il est prouvé que le dommage par pollution résulte de son fait ou de son omission personnels, commis avec l’intention de provoquer un tel dommage, ou commis témérairement et avec conscience qu’un tel dommage en résulterait probablement ».
945 Art. 5 § 11 CLC.
946 Art. 6, qui correspond à l’art. 13 de la LLMC : « 1. Lorsque, après l’événement, le propriétaire a constitué un fonds en application de l’article V et est en droit de limiter sa responsabilité, a) aucun droit à indemnisation pour dommages par pollution résultant de l’événement ne peut être exercé sur d’autres biens du propriétaire, b) le tribunal ou autre autorité compétente de tout État contractant ordonne la libération du navire ou autre bien appartenant au propriétaire, saisi à la suite d’une demande en réparations pour les dommages par pollution causés par le même événement, et agit de même à l’égard de toute caution ou autre garantie déposée en vue d’éviter une telle saisie.
2. Les dispositions précédentes ne s’appliquent toutefois que si le demandeur a accès au tribunal qui contrôle le fonds et si le fonds peut effectivement être utilisé pour couvrir sa demande ». En ce qui concerne la libération du navire ou de tout autre bien saisi, ou de la garantie donnée pour éviter la saisie, la LLMC pose, quand même quelque condition complémentaire visant un rattachement concret du fonds avec l’État de la saisie ou au lieu où l’accident s’est passé.
947 Art. 3 § 1 : « Le propriétaire du navire au moment d’un événement ou, si l’événement consiste en une succession de faits, au moment du premier de ces faits, est responsable de tout dommage par pollution causé par le navire et résultant de l’événement, sauf dans les cas prévus aux paragraphes 2 et 3 du présent article ».
948 « Propriétaire signifie la personne ou les personnes au nom de laquelle ou desquelles le navire est immatriculé ou, à défaut d’immatriculation, la personne ou les personnes dont le navire est la propriété. Toutefois, dans le cas de navires qui sont propriété d’un État et exploités par une compagnie qui, dans cet État, est enregistrée comme étant l’exploitant des navires, l’expression « propriétaire » désigne cette compagnie ».
949 Cf. l’opinion de G. RIGHETTI, tome I.2, précit, p. 1531.
950 Art. 3 § 5.
951 G. RIGHETTI, op. cit., tome I.2, p. 1541 ; voir aussi, dans le même sens et avec les mêmes arguments, LEFEBVRE, D’OVIDIO, PESCATORE, Manuale di diritto della navigazione, Milano, 2000. p. 376, qui oublient cependant les amendements des Protocoles de 1992, ces arguments étant par contre bien justifiés par rapport à l’ouvrage de Righetti qui est précédent à la réforme.
952 Affaire Amoco Cadiz, Dir. mar., 1985, p. 904.
953 Le texte de l’art. 3 b) a été ainsi formulé, à l’écart d’un renvoi direct aux créances prévues par la CLC, pour l’opposition des pays qui ne sont pas partie à la CLC (USA, Canada etc.) et qui adoptent un autre système de responsabilité pour les dommages par hydrocarbures. Ainsi leur législation spécifique a été aussi sauvegardée dans ce domaine. Dans le cas des USA et du Canada, de toute façon, on observe que le problème ne se pose pas puisqu’ils n’ont pas ratifié la LLMC.
954 Art. 3, § 4. CLC de 1969.
955 Art. 3, §5, CLC de 1992.
956 Cf. G. RIGHETTI, tome I.2, précit, p. 1542.
957 Cf., par exemple, M. REMOND-GOUILLOUD, Quel avenir pour les Conventions de Bruxelles sur l’indemnisation des marées noires ?, DMF, 1993, p. 271 : « [...] tout responsable potentiel peut ainsi trouver protection contre la responsabilité édictée par la Convention ».
958 Sur les critères de répartition de la réparation parmi les responsables sans faute et les autres co-débiteurs cf. M. ORLANDI, La responsabilità solidale, Milano, 1993, p. 285 et s. En particulier, la faute, qui n’est pas considérée pour le rattachement de la responsabilité envers les sujets endommagés (rapports externes), relèverait par contre dans le calcul du partage de la réparation parmi les co-débiteurs (rapports internes). V., aussi, Cass. it., du 15 janv. 1979, n. 300, Giust. civ. mass., 1979, p. 140.
959 Cf. M. JACOBSSON, op. cit., p. 805.
960 C. SALVI, Responsabilità extraeontrattuale (dir.vig.), vol. XXXIX, p. 1192.
961 C. SALVI, op. cit., p. 1193 et s.
962 C. SALVI, op. cit., p. 1195.
963 C. SALVI, op. cit., p. 1196 et s.
964 V., infra, Partie II, Titre I, Chapitre II, Section II, § 3.
965 V. ANNEXE D.1.
966 Art. 2 § 3 du Protocole de Londres du 27 novembre 1992 à la CLC de 1969.
967 Cf. A. PIQUEMAL, L’indemnisation des dommages écologiques par le FIPOL, Espaces et ressources maritimes. 2001, p. 129 : « A cet égard la « juridiction fonctionnelle » de cet État côtier, reconnue par la Convention des Nations-Unies sur le droit de la mer, notamment pour les ressources de la ZEE et du plateau continental, de même que les droits de juridiction pour la protection du milieu marin dans ces zones, illustre l’effacement en ce domaine, du concept de « res nullius ». Comme il n’est pas question, dans ces zones sous juridiction nationale, d’appliquer la notion de « res communis » réservée aux ressources de la zone internationale des fonds marins, l’État côtier peut donc prétendre à réparation en cas de dommage au milieu marin, sur lequel il exerce ses compétences, réceptacle de ses ressources naturelles maritimes, notamment biologiques ».
968 Cf. A. PIQUEMAL, loc. cit., qui cite au soutien de cette thèse les articles 192, 194, 211, 220, 221, 226, 229 et 235 de la Convention sur le droit de la mer, pour mettre en évidence l’évolution du droit international de la mer dû au souci de la communauté internationale de prévenir la pollution du milieu marin et donc d’éviter tout dommage écologique.
969 A. PIQUEMAL, op. cit., p. 133. Il s’agit du phénomène de 1’ « internalisation des coûts environnementaux » dès lors que « les coûts de prévention et de restauration de la pollution sont directement pris en charge par les parties responsables des dommages, au lieu d’être supportés par la société en général ». Livre Blanc de la Commission des Communautés Européennes, COM (2000) 66 final, du 9 février 2000.
970 Il faut d’ailleurs rappeler que l’indemnisation des dommages aux ressources naturelles, due à un trusteeship, composé d’agences gouvernementales fédérales et étatiques ainsi que des représentants des tribus indiennes, chargé de la remise en état des lieux, ont rejoint des chiffres astronomiques, comme le témoignent les 900 millions de dollars de l’affaire Exxon Valdez. Cf. Chao WU, La Convention internationale du 3 mai 1996 sur la responsabilité et l’indemnisation pour les dommages liés au transport par mer des substances nocives et potentiellement dangereuses, AFDI, 1997, p. 735.
971 Le droit de l’État en réparation du dommage à l’environnement avait en fait été prévu par l’article 21 de la loi n° 979 de 1982 « Legge sulla difesa del mare » et ensuite confirmé par l’article 18 de la loi n° 349 du 8 juillet 1986.
972 Chao WU, op. cit., p. 735. V., aussi, M. GRIGOLI, Il problema della sicurezza nella sfera nautica, Milano, 1989, p. 37 et s.
973 Cf. A. PIQUEMAL, op. cit., p. 139.
974 Cf. A. PIQUEMAL, op. cit., p. 151.
975 En ce qui concerne la politique de la CE, il faut rappeler une Décision du 18 novembre 2002, autorisant les États membres à ratifier ou adhérer, dans l’intérêt de la Communauté européenne la Convention HNS de 1996.
976 International Convention on Liability and Compensation for Damage in Connection with the Carriage of Hazardous and Noxious Substances by Sea (UNS de 1996).
977 Art. 7, § 1 : “Except as provided in paragraphs 2 and 3, the owner at the time of an incident shall be liable for damage caused by any hazardous and noxious substances in connection with their carriage by sea on board the ship, provided that if an incident consists of a series of occurrences having the same origin the liability shall attach to the owner at the time of the first of such occurrences”.
978 Art. 7 § 5 : “Subject to paragraph 6, no claim for compensation for damage under this Convention or otherwise may be mode against :
a) the servants or agents of the owner or the members of the crew ;
b) the pilot or any other person who, without being a member of the crew, performs services for the ship ;
c) any charterer (howsoever described, including a bareboat charterer), manager or operator of the ship ;
(d) any person performing salvage operations with the consent of the owner or on the instructions of a competent public authority ;
(e) any person taking preventive measures ; and
(f) the servants or agents of persons mentioned in (c), (d) and (e) ;
unless the damage resulted from their personal act or omission, committed with the intent to cause such damage, or recklessly and with knowledge that such damage would probably result” (C’est nous qui soulignons).
979 Art. 7, § 6, HNS.
980 Le tonnage est calculé, à l’instar de la LLMC, par renvoi à la Convention de 1969 : “For the purpose of this article the ship’s tonnage shall be the gross tonnage calculated in accordance with the tonnage measurement regulations contained in Annex I of the International Convention on Tonnage Measurement of Ships, 1969”. (art. 9, § 10, HNS).
981 Art. 9, § 1 et 2, HNS : “The owner of a ship shall be entitled to limit liability under this Convention in respect of any one incident to an aggregate amount calculated as follows :
a) 10 million units of account for a ship not exceeding 2,000 units of tonnage ; and
b) for a ship with a tonnage in excess thereof, the following amount in addition to that mentioned in (a) :
for each unit of tonnage from 2,001 to 50,000 units of tonnage, 1,500 units of account
for each unit of tonnage in excess of 50,000 units of tonnage, 360 units of account
provided, however, that this aggregate amount shall not in any event exceed 100 million units of account”.
982 Art. 9, § 2, HNS : “The owner shall not be entitled to limit liability under this Convention if it is proved that the damage resulted from the personal act or omission of the owner, committed with the intent to cause such damage, or recklessly and with knowledge that such damage would probably result”.
983 Art. 4, § 3, a), HNS : “This Convention shall not apply :
a) to pollution damage as defined in the International Convention on Civil Liability for Oil Pollution Damage, 1969, as amended, whether or not compensation is payable in respect of it under that Convention ;”
984 Chap. III, HNS.
985 Cf. Chao WU, op. cit., p. 740.
986 Art. 42, HNS : “This Convention shall supersede any convention in force or open for signature, ratification or accession at the date on which this Convention is opened for signature, but only to the extent that such convention would be in conflict with it ; however, nothing in this article shall affect the obligations of States Parties to States not party to this Convention arising under such convention”.
987 Art. 4, § 3, b), HNS : “damage caused by a radioactive material of class 7 either in the International Maritime Dangerous Goods Code, as amended, or in appendix B of the Code of Safe Practice for Solid Bulk Cargoes, as amended”.
988 Art. 3, c) et d) LLMC : « c) créances soumises à toute convention internationale ou législation nationale régissant ou interdisant la limitation de la responsabilité pour dommages nucléaires ; d) créances pour dommages nucléaires formées contre le propriétaire d’un navire nucléaire ; ».
989 En ce qui concerne la politique communautaire sur ce sujet, il faut rappeler la décision 2002/762 du Conseil, du 19 septembre 2002, autorisant les États membres à signer et à ratifier, dans l’intérêt de la Communauté européenne, la convention internationale de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute (Convention “Hydrocarbures de soute”), ou à y adhérer.
990 Oil Pollution Act 1990, 33 U.S.C. §§ 2701-2761 ; 26 U.S.C. §§ 4611, 9509.
991 Art. 6 § 2 de la Convention de Bruxelles de 1957 et art. 1 § 2 LLMC.
992 Le shipowner est le “owner. including the registered owner, bareboat charterer, manager and operator of the ship”. “Pollution damage caused by ship’s bunkers is directly linked to the operation of the ship and therefore it would be more appropriate for liability to attach to the party responsible for the day to day operation of the ship (i.e. operator, manager, charterer)”, Chao WU. Liability and compensation for bunker pollution, JMLC, 2002, vol. 33, n. 5, p. 558.
993 Cf. Chao WU, Liability and compensation for bunker pollution, précit., p. 559 et s.
994 “Except as provided in paragraphs 3 and 4, the shipowner at the time of an incident shall be liable for pollution damage caused by any bunker oil on board or originating from the ship, provided that, if an incident consists of a series of occurrences having the same origin, the liability shall attach to the shipowner at the time of the first of such occurrences.
2. Where more than one person is liable in accordance with paragraph 1, their liability shall be joint and several”, art. 3, § 1 et 2, BC (c’est nous qui soulignons).
995 Chao WU, Liability and compensation for bunker pollution, précit., p. 558.
996 “Nothing in this Convention shall prejudice any right of recourse of the shipowner which exists independently of this Convention”, art. 3, § 6, BC.
997 Il s’agit des “responder immunity”, cf. Chao WU, Liability and compensation for bunker pollution, précit, p. 560.
998 Comme celles qu’on a vu viser la responsabilité du propriétaire en garantie d’une dette d’autrui (haftung), dont on trouve aussi trace dans les privilèges maritimes sur le navire et dans la saisie conservatoire prévue par la Convention de Bruxelles de 1952.
999 Art. 7, § 10, BC : “Any claim for compensation for pollution damage may be brought directly against the insurer or other person providing financial security for the registered owner’s liability for pollution damage. In such a case the defendant may invoke the defences (other than bankruptcy or winding up of the shipowner) which the shipowner would have been entitled to invoke, including limitation pursuant to article 6. Furthermore, even if the shipowner is not entitled to limitation of liability according to article 6, the defendant may limit liability to an amount equal to the amount of the insurance or other financial security required to be maintained in accordance with paragraph I. Moreover, the defendant may invoke the defence that the pollution damage resulted from the wilful misconduct of the shipowner, but the defendant shall not invoke any other defence which the defendant might have been entitled to invoke in proceedings brought by the shipowner against the defendant. The defendant shall in any event have the right to require the shipowner to be joined in the proceedings”.
Ici aussi, comme dans la plupart des conventions de droit uniforme, le droit à limiter sa responsabilité est prévu par la Convention, même si ce droit découle en fait déjà de la nature juridique de l’obligation de l’assureur, qui demeure contractuelle.
1000 En droit français l’art. L. 172-13 du Code des Assurances libère l’assureur de son obligation en garantie en cas de faute intentionnelle ou inexcusable de l’assuré. En droit italien, l’art. 1900 du code civil libère l’assureur de son obligation en cas de dol ou de faute lourde de l’assuré.
1001 La cause de déchéance du droit à limitation est très proche du concept de « wilful misconduct » en droit anglais des assurances, de telle façon que si le propriétaire perd son droit de limitation, il risque de perdre aussi sa couverture d’assurance.
1002 “Pollution damage » means :
(a) loss or damage caused outside the ship by contamination resulting from the escape or discharge of bunker oil from the ship, wherever such escape or discharge may occur, provided that compensation for impairment of the environment other than loss of profit from such impairment shall be limited to costs of reasonable measures of reinstatement actually undertaken or to be undertaken ; and
(b) the costs of preventive measures and further loss or damage caused by preventive measures”.
Cette définition est la même dans l’art. 1, § 6, CLC de 1992 et dans l’art. 1, § 9, BC.
1003 “« Ship » means any seagoing vessel and seaborne craft, of any type whatsoever”, art. 1, § 1, BC et art. 1, § 1, HNS.
1004 Cf. Chao WU, Liability and compensation for bunker pollution, précit., p. 556.
1005 Art. 6 “Nothing in this Convention shall affect the right of the shipowner and the person or persons providing insurance or other financial security to limit liability under any applicable national or international regime, such as the Convention on Limitation of Liability for Maritime Claims, 1976, as amended”
1006 Chao WU, Liability and compensation for bunker pollution, précit, p. 562 et 563 : “Based on the experience with CLC and FC, the following claims may arise in an oil spill incident : cleanup costs and other removal measures ; property damage and consequential loss ; pure economic loss ; restoration of damaged environment. Cleanup cost and removal measures may be covered by category d)[..] The costs of replacing a boat damaged or oiled by a bunker spill, as well as any financial loss as consequence of its unavailability for use are covered in category a). Pure economic loss includes any loss of earnings as a result of the contaminated environment. Tipically, in the wake of a spill, earnings are lost by the operators of hotels and restaurants, when tourists avoid the polluted beaches. Claims of this type /.../ may only fall into category c) [...] However, at common law, a physical attachement is traditionally prerequisite to recovery of economic losses. Thus, although the BC admits recoverability of claims of this type, they may not be subject to limitation under the LLMC”.
1007 Art. 2, f), LLMC.
1008 “The BC follows the example of the CLC ’92 by restricting the recoverability of environmental damage to costs of restoring the damaged environment. This type of cost, which may appear to fall into the category of claims in f). i. e., measures to minimize loss, will not be limitable, as the environmental damage itself is not listed as a loss in the LLMC. Thus, except for property damage and consequential loss, much of the pollution damage for which a shipowner may be held liable under the BC may not be limitable under the 1976 Limitation Convention”, CHAO WU, op. cit., p. 564.
1009 Sauf le droit de recours qui est reconnu au propriétaire par l’art. 7 § 6 de la HNS. A notre avis, par contre, l’action recoursoire contre l’armateur doit être reconnue au propriétaire aussi dans la discipline de la CLC, puisqu’il serait chargé d’une responsabilité sans dette. Le Groupe de travail établi lors de la Conférence de Vancouver du CMI a d’aillleurs étudié « une proposition de la délégation française de modifier les dispositions actuelles sur la canalisation de la responsabilité, qui excluent la possibilité de faire valoir des demandes d’indemnisation contre un certain nombre de parties, comme par exemple contre l’affréteur », cf. M. JACOBSSON, op. cit., p. 805.
1010 Les mêmes critiques ont été adressées au système international par la Commission européenne à l’issue du naufrage du pétrolier Prestige : « La Commission estime que certains aspects du régime international en matière de responsabilité et d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures doivent être réexaminés. Un meilleur équilibre doit être recherché entre la responsabilité des acteurs concernés par le transport maritime de pétrole et une application plus stricte du principe du pollueur payeur. Puisque de telles modifications impliquent nécessairement une initiative au niveau international, l’action et le soutien des États membres sont essentiels. À ce propos, les États membres devraient notamment soutenir les propositions visant à restreindre le droit des armateurs à limiter leur responsabilité financière dans les cas où l’accident est dû à une faute de leur part, et les propositions visant à supprimer de facto l’immunité d’autres intervenants « clés », notamment l’affréteur, l’exploitant ou le gestionnaire du navire face aux demandes d’indemnisation autres que les recours introduits par l’armateur enregistré », Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur le renforcement de la sécurité maritime suite au naufrage du pétrolier Prestige, COM/2002/0681 final, Celex n. 52002DC0681.
1011 Le droit chinois ne prévoit pas, par exemple, un droit à la limitation de la responsabilité.
1012 Pour donner une idée du niveau d’insatisfaction par rapport au droit uniforme en vigueur dans ce domaine, on rappelle que la Commission européenne a adressé le 9 avril 2002 une Recommandation au Conseil, en vue de l’adhésion de la Communauté européenne à l’OMI. Cela permettrait que l’Union européenne soit directement en mesure de peser de tout son poids dans l’élaboration et l’adoption de règles internationales plus strictes en matière de sécurité maritime. En particulier le but poursuivi par la Commission européenne sera alors celui de l’adoption de certaines modifications essentielles des conventions internationales régissant la responsabilité et l’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, cf. Communication de la Commission, COM/2002/0681 final.
1013 Règlement (CE) n. 417/2002 du Parlement européen et du Conseil du 18 février 2002 relatif à l’introduction accélérée des dispositions en matière de double coque ou de normes de conception équivalentes pour les pétroliers à simple coque, et abrogeant le règlement (CE) n. 2978/1994 du Conseil, Celex n° 32002R0417.
1014 Il s’agit en particulier de la règle 13G de l’annexe I de MARPOL 73/78, telle que révisée en 2001 par la résolution MEPC 95(46) et la règle 13F, afin de réduire les risques de pollution accidentelle des eaux européennes par les hydrocarbures. Par cette résolution de l’OMI, qui entre en vigueur le 1er septembre 2002, il est introduit un nouveau programme de retrait accéléré des pétroliers à simple coque, les nouvelles échéances auxquelles les pétroliers doivent se conformer à la règle 13F de l’annexe I de MARPOL 73/78, dépendent de la taille et de l’âge du navire. Similairement il en est ainsi prévu par l’art. 4 du Règlement 417/2002.
Un nouveau amendement de l’art. 13G de l’annexe I de la MARPOL a été adopté lors de la 50ème session du MEPC, en décembre 2003.
Selon cet amendement le programme de retrait a été encore accéléré, la date limite ayant été avancée pour les pétroliers de catégorie 1 au 2005 (au lieu que 2007) et pour les autres au 2010 au lieu que 2015.
Cet amendement devrait entrer en vigueur le 5 avril 2005, sous la procédure d’acceptation tacite. Cf. site Internet de l’OMI : http://www.imo.org/home.asp, le 10 décembre 2003 : IMO meeting adopts accelerated single-hull tanker phase-out, new regulation on carriage of heavy fuel oil. Marine Environment Protection Committee (MEPC) 50th session : 1 and 4 December 2003.
1015 Cf. Communication au Parlement européen et au Conseil sur la sécurité maritime du transport pétrolier, COM/2000/0142 final. La Commission européenne cite aussi la ville de Trieste, comme exposée au risque par pollution, car étant le 4ème port de l’Union pour trafic d’hydrocarbures : « La structure des échanges est essentiellement régie par la situation géographique des ports et des raffineries, étant donné que celles-ci reçoivent la totalité du pétrole brut importé et fournissent les produits pétroliers. Les plus grands ports pétroliers de l’Union sont Rotterdam (qui traite chaque année 100,8 millions de tonnes de pétrole brut), Marseille (48,3 mio t), Le Havre (37,0 mio t), Trieste (35,7 mio t) et Wilhelmshaven (32.6 mio t) » (point 1 lettre c).
1016 Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur la sécurité maritime du transport pétrolier, COM/2000/0142 final.
1017 Communication de la Commission au Conseil, COM/2002/0681 final, Celex n. 52002DC0681.
1018 Directive (CE) n° 21/1995, du Conseil du 19 juin 1995, sur le contrôle par l’État du port, J.O.C.E.., n° L 157 du 7 juillet 1995, p. 1, modifiée par la Directive (CE) n° 42/1998 de la Commission du 19 juin 1998. ayant pour objet « de contribuer à une diminution radicale des transports maritimes inférieurs aux normes naviguant dans les eaux relevant de la juridiction des États membres :
- en faisant mieux respecter la législation internationale et la législation communautaire pertinente régissant la sécurité maritime, la protection du milieu marin et les conditions de vie et de travail à bord et applicable aux navires de tous pavillons,
- en établissant des critères communs imposant un contrôle des navires par l’État du port et en uniformisant les procédures d’inspection et d’immobilisation, compte tenu des engagements pris par les autorités maritimes des États membres dans le cadre du mémorandum d’entente de Paris sur le contrôle des navires par l’État du port ».
La directive 95/21/CE. a été modifiée par la directive 2001/106 du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 2001, J.O.C.E., n° L 19 du 22 janv. 2002, p. 17.
1019 COM/2002/0802 final du 6 décembre 2000. La Commission avait proposé un plafond de l’indemnisation globale a I milliard d’euros, alors que la limite actuelle est de 185 millions d’euros, mais le Conseil n’a pas suivi cette proposition, préférant promouvoir la création d’un fonds similaire au niveau international.
1020 Règlement (CE) n. 1406/2002 du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2002 instituant une Agence européenne pour la sécurité maritime, J.O.C.E., L 208 du 5.8.2002, p. 1.
1021 Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur un deuxième train de mesures communautaires en matière de sécurité maritime suite au naufrage du pétrolier ERIKA, COM/2000/0802 final, Celex n° 52000DC0802. Dans le premier point, en fait, la Commission rappelle l’importance du trafic maritime pour le commerce de la Communauté européenne : « La sécurité du trafic maritime dans les eaux européennes constitue un enjeu capital : 90 % du commerce entre l’Union européenne et les pays tiers est effectué par voie maritime. Les risques d’accident liés à la concentration du trafic le long des principales voies maritimes européennes sont particulièrement élevés dans certaines zones de convergence, telles que les détroits du Pas-de-Calais ou de Gibraltar. Par ailleurs, les conséquences environnementales d’un accident en mer, susceptible d’intervenir même en dehors des zones de forte concentration de trafic (comme cela a été le cas lors du naufrage de l’Erika), peuvent être désastreuses pour l’économie et l’environnement des États membres concernés ».
1022 Recommandation (CE) du 9 avril 2002 au Conseil en vue de l’adhésion de la CE à l’OMI. En particulier le but poursuivi par la CE au sein de l’OMI sera celui de l’adoption de certaines modifications essentielles des conventions internationales régissant la responsabilité et l’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, cf. l’arrêté de la communication de la Commission COM/2002/0681 final.
1023 Cf. Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, COM/2002/0539, ANNEXE 2, 1.5 :
« Prévention de la pollution liée aux transports maritimes. Eu égard aux dispositions internationales, la législation communautaire régissant les transports maritimes et les aspects connexes ayant trait à la sécurité et à l’environnement repose sur quatre principes essentiels. Pour ce qui est de l’Organisation maritime internationale (OMI), la législation communautaire peut :
* garantir une application et une mise en oeuvre harmonisées des réglementations de l’OMI dans l’UE, par exemple en ce qui concerne le contrôle par l’État du port ;
* renforcer la législation internationale au niveau communautaire, pour ce qui est par exemple des installations de réception des déchets dans les ports ;
* combler les lacunes de la législation de l’OMI, par exemple en ce qui concerne le commerce intérieur ;
* accélérer la mise en oeuvre de la législation internationale, pour ce qui est par exemple des pétroliers à double coque. Étant donné le caractère international de la navigation maritime, il est généralement jugé préférable que la législation soit adoptée au niveau mondial. Si toutefois les dispositions internationales ne répondent pas aux exigences de l’UE en matière de sécurité maritime et de protection de l’environnement, des dispositions communautaires spécifiques seront envisagées. Les principaux instruments communautaires exerçant une influence sur la protection du milieu marin et s’appliquant aux navires mouillant dans des ports communautaires sont la directive relative aux exigences imposées aux navires transportant des marchandises dangereuses, la directive sur le contrôle par l’État du port et la directive concernant les installations de réception portuaires destinées à réduite les déversements de déchets en mer par les navires, ainsi que le règlement relatif au retrait progressif des pétroliers à simple coque.
Par ailleurs, d’autres dispositions en matière de sécurité maritime visant à renforcer la sécurité en général jouent également un rôle dans ce domaine. À la suite du naufrage du pétrolier Erika, en décembre 1999, la Commission a présenté une série de propositions concernant l’amélioration de la surveillance des sociétés de classification, l’établissement d’un système d’information et de surveillance renforçant et remplaçant les exigences imposées jusqu’ici aux navires transportant des substances dangereuses, un système d’indemnisation complémentaire en faveur des victimes de marées noires et une Agence européenne pour la sécurité maritime et la prévention de la pollution par les navires. L’agence jouera un rôle important dans la surveillance des aspects ayant trait à la sécurité des transports dans les eaux européennes, notamment en cas d’accidents susceptibles d’entraîner la pollution du milieu marin et des zones côtières ».
1024 V., supra. Partie II, Titre I, Chapitre II. Section II, § 1, C.
1025 46 U.S.C. 186 : “The charterer of any vessel, in case he shall man, victual, and navigate such vessel at his own expense, or by his own procurement, shall he deemed the owner of such vessel within the meaning of the provisions of title 48 of the Revised Statutes relating to the limitation of the liability of the owners of vessels ; and such vessel, when so chartered, shall be liable in the same manner as if navigated by the owner thereof”.
1026 On adopte, comme l’a fait le Doyen Ripert, l’expression originale en anglais puisque avec « affrètement à temps » on a parfois confondu le type contractuel considéré avec celui au voyage dont le temps était pris en considération pour le calcul du fret.
1027 Cf. A. J. RODRIGUEZ, P. A. JAFFE. op. cit., p. 631, qui citent aussi la jurisprudence au soutien de l’exclusion du time charter du bénéfice de la limitation, en particulier tant l’affaire du Torrey Canion, 281 F. supp. 181 (S.D.N.Y. 1968), modified, 409 F.2d 1013 (2d Cir. 1969) que de l’Amoco Cadiz, 467 F Supp. 181, 1979 AMC 1017 (N.D. III. 1979).
1028 À noter que la législation américaine prévoit une différentiation de discipline selon la qualité de sea going ships ou de inland navigation ships seulement dans ce cas.
1029 Cf. 46 U.S.C. 183 :“[...] (b) Seagoing vessels ; fosses not covered in full.
In the case of any seagoing vessel, if the amount of the owner’s liability as limited under subsection (a) of this section is insufficient to pay all fosses in full, and the portion of such amount applicable to the payment of losses in respect of loss of life or bodily injury is less than $ 420 per ton of such vessel’s tonnage, such portion shall be increased to an amount equal to $ 420 per ton, to be available only for the payment of fosses in respect of loss of life or bodily injury. If such portion so increased is insufficient to pay such fosses in full, they shall be paid therefrom in proportion to their respective amounts”.
1030 Pour une comparaison avec la jurisprudence française de la “faute inexcusable” et pour nos observations sur une certaine convergence d’interprétation de la normative entre tribunaux américains et français cf. supra Partie I, Titre II, Chapitre II, Section I, § I et Partie II, Titre I, Chapitre II, Section II, § 1, C.
1031 Cf. 33 U.S.C. Sec. 2701 (32) : “responsible party means the following : (A) Vessels.- In the case of a vessel, any person owning, operating, or demise chartering the vessel”.
1032 Cf. 33 U.S.C. Sec. 2701 (26) : “« owner or operator » means, in the case of a vessel, any person owning, operating, or chartering by demise the vessel”.
1033 Cf. 33 U.S.C. Sec. 2702 : “(a) in general. Notwithstanding any other provision or rule of law, and subject to the provisions of this Act, each responsible party for a vessel or a facility from which oil is discharged, or which poses the substantial threat of a discharge of oil, into or upon the navigable waters or adjoining shorelines or the exclusive economic zone is liable for the removal costs and damages specified in subsection (b) of this section that result from such incident”.
1034 33 U.S.C. Sec. 2704 c), 1.
1035 33 U.S.C. Sec. 2704 c), 1, A).
1036 Cf. WU, La Convention internationale du 3 mai 1996 sur la responsabilité et l’indemnisation pour les dommages liés au transport par mer des substances nocives et potentiellement dangereuses, précit., p. 742.
1037 Art. L. 172-13 Code des Assurances, qui libère l’assureur de son obligation de garantie en cas de faute intentionnelle ou inexcusable de l’assuré. V., aussi, C. HUBNER, L ‘assureur peut il invoquer la limitation de la responsabilité ?, DMF, 2002, p. 1037.
1038 33 U.S.C. Sect. 2704 c). 1, B).
1039 33 U.S.C. Sect. 2704 c), 2,.
1040 33 U.S.C Sect. 2702 b). 2, A : “Natural resources - Damages for injury to, destruction of loss of or loss of use of natural resources, including the reasonable costs of assessing the damage, wich shall be recoverable by a United States trustee, a State trustee, an Indian tribe trustee, or a foreign trustee”.
1041 CERCLA sect. 107 (42 U.S.C. 9607) : “(a) Nolwithstanding any other provision or rule of law, and subject only to the defenses set forth in subsection (b) of this section--
(1) the owner and operator of a vessel or a facility,
[§107(a)(1) amended by PL 99-499]
(2) any person who at the time of disposal of any hazardous substance owned or operated any facility at which such hazardous substances were disposed of,
(3) any person who by contract, agreement, or otherwise arranged for disposal or treatment, or arranged with a transporter for transport for disposal or treatment. of hazardous substances owned or possessed by such person, by any other party or entity, at any facility or incineration vessel owned or operated by another party or entity and containing such hazardous substances, and
[§107(a)(3) amended by PL 99-499]
(4) any person who accepts or accepted any hazardous substances for transport to disposal or treatment facilities, incineration vessels or sites selected by such person, front which there is a release, or a threatened release which causes the incurrence of response coats, of a hazardous substance, shall be liable”.
1042 Cf. I. KIM, Introducing oil cargo liability in the Oil Pollution Act of 1990, JLMC, vol. 33, n. 2, p. 181.
1043 I. KIM, ibid., p. 187. L’auteur remarque aussi que c’est en réalité l’industrie du pétrole qui contrôle les armateurs, puisque les navires pétroliers ne sont destinés qu’à ce type de commerce. Ils sont donc dépendants de celui-ci et en compétition réciproque entre eux : “because tank vessels are designed for only one trade, the tank vessel industry is integrated in the chain of oil supply and dominated by the cargo sector, that is, by the industry it serves. Precisely because the market for tank vessel is close to perfectly competitive, the oil industry can exercise control over the tank vessel industry in general, and control over oil pollution risks in particular”
1044 Ceci est le système qui est théoriquement le plus valable dans le but de réduire le risque de dommages par pollution. Il a été adopté au sein du Canadian Arctic Waters Pollution Prevention Act de 1970 et de la législation de certains États américains comme ceux de New York, Washington, Oregon et Californie. Cependant il n’a pas été adopté dans le OPA, qui concerne le niveau fédéral et dans les États pétroliers des comme le Texas et la Louisiane, à cause des lobbies des compagnies pétrolières.
1045 “The problem of collective action, that any responsible party can expect the free ride on the greater precautions of the others, erodes incentives associated with cost sharing among multiple responsible parties. Wile the total oil pollution costs of all the responsible parties could be reduced as a consequence of the grater precaution of a responsible party, the oil pollution costs of that party would be increased by the costs of its precautions. Indeed, in such a context, the way for a responsible party to benefit best front lower oil pollution costs enabled by the precautions of others is to reduce its own precautions costs, increasing thereby the total oil pollution risk, and the total oil pollution costs for all”., I. KIM, op. cit., p. 189 et 190.
1046 CERCLA, sect. 101 (20) [42 U.S.C. 9601] “The term "owner or operator" means, in the case of a vessel, any person owning, operating, or chartering by demise, such vessel” [§101(20)(A) amended by PL 99-499].
1047 “In the case of a hazardous substance which has been accepted for transportation by a common or contract carrier and except as provided in section 107(a)(3) or (4) of this Act, (i) the term "owner or operator" shall mean such common carrier or other bona fide for hire carrier acting as an independent contractor during such transportation” [§I0I(20)(B) amended by PL 99-499].
1048 CERCLA, sect. 107, c), (1) [§107(c)(1)(A) amended by PL 99-499]. Codifié au 42 U.S.C. 9607 (c)(l).
1049 CERCLA, sect. 107, c), (2), codifié au 42 U.S.C. 9607, c), 2) : “Notwithstanding the limitations in paragraph (I) of this subsection, the liability of an owner or operator or other responsible person under this section shall be the full and total costs of response and damages, if (A)(i) the release or threat of release of a hazardous substance was the result of willful misconduct or willful negligence within the privity or knowledge of such person, or (ii) the primary cause of the release was a violation (within the privity or knowledge of such person) of applicable safety, construction, or operating standards or regulations ; or (B) such person fails or refuses to provide all reasonable cooperation and assistance requested by a responsible public official in connection with response activities under the national contingency plan with respect to regulated carriers subject to the provisions of title 49 of the United States Code or vessels subject to the provisions of title 33 or 46 of the United States Code, subparagraph (A)(ii) of this paragraph shall be deemed to refer to Federal standards or regulations”.
1050 Cf. sur ce point C. H. ALLEN, Limitation of liability, cit, p. 268 et 269. L’auteur reconnaît que le législateur américain ne donne pas beaucoup d’indices pour bien identifier cette notion de privity or knowledge : “Unfortunatly, Congress expended no effort in the legislation in providing guidance on what it intended by those terms. It is common to attribute the oversight to the novelty of the corporate from of enterprise organization in 1851, but congress was no more enlightening when it incorporated those same terms into CERCLA over a century later... Early decisions seeking to define the bounds of privity or knowledge concluded that : “personal participation of the owner in some fault, or act or negligence, causing or contributing to the loss, or some personal knowledge or means of knowledge, of which he is bound to avail himself of a contemplated loss, or of a condition of things likely to produce or contribute to the loss, without adopting appropriate means to prevent it” [In re Guggenheim (the Trillora II), 76 F. Supp. 50, 1948 AMC 132]...Thus privity extends to those faults in which the owner actually participated, while knowledge includes those faults of which the owner had personal cognizance”, C. H. ALLEN, ibid..
1051 CERCLA Sect. 108, a), 1 [42 U.S.C. 9608(a)] Financial Responsibility : “Financial responsibility may be established by any one, or any combination, of the following : insurance, guarantee, surety bond, or qualification as a self-insurer”.
1052 CERCLA Sect. 108, d) [42 U.S.C. 9608, d)] : “(d) Limitations of Guarantor Liability. (1) Total liability. – The total liability of any guarantor in a direct action suit brought under this section shall be limited to the aggregate amount of the monetary limits of the policy of insurance, guarantee, surety bond, letter of credit, or similar instrument obtained from the guarantor by the person subject to liability under section 107 for the purpose of satisfying the requirement for evidence of financial responsibility”.
1053 CERCLA Sect. 107, m) [42 U.S.C. 9607m)] : “Maritime Lien. All costs and damages for which the owner or operator of a vessel is liable under subsection (a)(1) with respect to a release or threatened release from such vessel shall constitute a maritime lien in favor of the United States on such vessel. Such costs may be recovered in an action in rem in the district court of the United States for the district in which the vessel may be found. Nothing in this subsection shall affect the right of the United States to bring an action against the owner or operator of such vessel in any court of competent jurisdiction to recover such costs”.
1054 26 U.S.C. 4611.
1055 CERCLA Sect. 101 [42 U.S.C. 9601] (16) : “The term "natural resources" means land, fish, wildlife, biota, air, water, ground water, drinking water supplies, and other such resources belonging to, managed by, held in trust by, appertaining to, or otherwise controlled by the United States (including the resources of the fishery conservation zone established by the Magnuson Fishery Conservation and Management Act of 1976), any State or local government, any foreign government, any Indian Tribe, or, if such resources are subject to a trust restriction on alienation, any member of an Indian Tribe”.
1056 CERCLA Sect. 107, a), 3 : “A) all costs of removal or remedial action incurred by the United States Government or a State or an Indian tribe not inconsistent with the national contingency plan ;
(B) any other necessary costs of response incurred by any other person consistent with the national contingency plan ;
(C) damages for injury to, destruction of, or loss of natural resources, including the reasonable costs of assessing such injury, destruction, or loss resulting from such a release ; and
(D) the costs of any health assessment or health effects study carried out under section 104(i)”. L’étendue de l’indemnisation des dommages par le OSLTF semble par contre être moins étendue, cf. CERCLA Sect. 111b) :
“[§111(b)(2) added by PL 99-499]
(c) Uses of the Fund under subsection (a) of this section include–
(1) The costs of assessing both short-term and long-term injury to, destruction of or loss of any natural resources resulting from a release of a hazardous substance.
[§111(c)(1) amended by PL 99-499]
(2) The costs of Federal or State or Indian tribe efforts in the restoration, rehabilitation, or replacement or acquiring the equivalent of any natural resources injured, destroyed, or lost as a result of a release of a hazardous substance.
[§111(c)(2) amended by PL 99-499]
(3) Subject to such amounts as are provided in appropriation Acts, the costs of a program to identify, investigate, and take enforcement and abatement action against releases of hazardous substances [...]”.
1057 V., pour approfondissement, S. CLAVEL, Anti – suit injunctions et arbitrage, DMF, 2001, p. 675 et s. Il faut, en fait, rappeler que cette doctrine concernant ces injonctions est liée à celle du forum non conveniens, puisque « les juridictions anglaises ne se déclareront for non conveniens que s’il est établi qu’une autre juridiction est le natural forum : Spiliada Maritime Corp. c. Consulex, 1986, 3 All E.R. 843 ; 1987 AC 460 ».
1058 Thèse élaborée lors de l’affaire du Titanic : Ocean Steam Navigation c. Mellor, 233 US 718 (1914).
1059 Cf. A. J. RODRIGUEZ P. A. C. JAFFE, op. cit., p. 649.
1060 Bloomfield Steamship Co., 227 F. Supp. 615, 1964 AMC 1563 (E.D. La. 1964), 363 F.2d 872 (5th Cir. 1966), cert. denied, 386 US 913 (1967), dans lequel l’affaire avait été portée à la connaissance des tribunaux aux USA, en France et en Angleterre.
1061 V., supra. Introduction.
1062 V., supra, Partie I, Titre II.
1063 V., supra. Partie I, Titre II, Chapitre III, Section II.
1064 C’est nous qui soulignons.
1065 C’est nous qui soulignons.
1066 C’est nous qui soulignons.
1067 Cf. art. 12, § 3, LLMC : « Le droit de subrogation prévu au § 2 peut aussi être exercé par des personnes autres que celles ci-dessus mentionnées, pour toute somme qu’elles auraient versée à titre de réparation, mais seulement dans la mesure où une telle subrogation est autorisée par la loi nationale applicable » ; art. 3, lettre e), LLMC, qui exclut de son champ d’application les « créances des préposés du propriétaire du navire ou de l’assistant dont les fonctions se rattachent au service du navire ou aux opérations d’assistance ou de sauvetage ainsi qu’aux créances de leurs héritiers, ayants cause ou autres personnes fondées à former de telles créances si, selon la loi régissant le contrat d’engagement conclu entre le propriétaire du navire ou l’assistant et les préposes, le propriétaire du navire ou l’assistant n’est pas en droit de limiter sa responsabilité relativement à ces créances ou si, selon cette loi, il ne peut le faire qu’à concurrence d’un montant supérieur à celui prévu à l’article 6 », (C’est nous qui soulignons).
1068 Cf. art. 3, § 6, BC. “Nothing in this Convention shall prejudice any right of recourse of the shipowner which exists independently of this Convention”.
1069 Cf. art. 3, lettre a), LLMC
1070 Voir dans ce sens l’art. 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969, qui relègue les travaux préparatoires au rôle de source complémentaire d’interprétation.
1071 V., .supra, Partie II, Titre I, Chapitre II, Section II, § 2, A, 3.
1072 Cf., sur ce point, la législation italienne, qui fonde la responsabilité et le droit au bénéfice de la limitation sur la « théorie de l’exploitation du navire » et ne permet pas au propriétaire de limiter sa responsabilité à l’instar de l’armateur, sauf dans la norme d’origine internationale de la CLC. Seul remède, face à la demande en réparation à l’encontre du propriétaire, est l’actio interrogatoria de l’art. 488 Reg. nav. mar., avec laquelle il peut demander à l’armateur s’il veut exercer son droit à la limitation en vue de l’action récursoire que le propriétaire exercera contre lui.
1073 V. infra Partie II, Titre II, Chapitre II, Section II, § 2.
1074 Cf., art. 69 loi n° 67-5 du 3 janv. 1967.
1075 Ibid.
1076 R. RODIERE, E. du PONTAVICE, Droit maritime, Dalloz, 12ème éd., 1977, n° 233.
1077 V., en ce sens, D. DANJON, op. cit., p. 250 et s., qui réunit ces situations dans la notion du « gérant qui a été chargé par les propriétaires de diriger l’exploitation du navire ».
1078 La notion correspondante en droit anglo-saxon est operator, cf. art. 1 LLMC Mais la notion en droit britannique est plus large de celle en droit français et vise, d’un coté purement pragmatique, la situation de celui qui gère de fait le navire sur la base d’un quelconque titre contractuel.
1079 D. DANJON, ibid., n° 254. Cela découle de la teneur du Code de commerce à cause de la coexistence habituelle de la qualité d’armateur et de propriétaire dans la même personne ; cf., par exemple, art. 216 ancien C. com. : « tout propriétaire est responsable des faits du capitaine et tenu des engagements contractés par ce dernier, pour ce qui est relatif au navire et à l’expédition » (c’est nous qui soulignons) ; ainsi que de l’Ordonnance de 1681 (liv. II, titre VIII, art. 2 : « Les propriétaires de navires seront responsables des faits du maistre ; mais ils en demeureront déchargés en abandonnant leur bastiment et le fret », L. De VALROGER, op. cit., tome 1, p. 276 ; (c’est nous qui soulignons). Cf. aussi D. DANJON, op. cit., tome II, n° 629.
À l’art. 216 de l’ancien Code commerce français était inspiré aussi l’ancien Code de commerce italien (Art. 491). Aujourd’hui, le droit italien, constitué par le Code de la navigation, est complètement différent et inspiré d’une profonde révision doctrinale de la matière, qu’on ira analyser de suite dans le texte.
1080 Cela est contesté par ceux qui estiment que l’affrètement à temps aussi est un contrat de transport, au sein duquel le fréteur étant le transporteur il serait donc aussi armateur du navire, cf. F. BERLINGIERI, G. ROMANELLI, précit.
1081 D. DANJON, ibid.
1082 Cf., Conv. De Bruxelles de 1924 et de 1957.
1083 Art. 69 Loi n° 67-5 du 3 janv. 1967. JORF du 4 janv. 1967, en vigueur depuis le 4 fév. 1968 : « Les dispositions du présent chapitre s'appliquent à l'affréteur, à l'armateur, à l'armateur-gérant ainsi qu’au capitaine ou à leurs autres préposés nautiques ou terrestres agissant dans l’exercice de leurs fonctions de la même manière qu’au propriétaire lui-même.
Le capitaine et les autres membres de l'équipage peuvent invoquer ces dispositions, même lorsqu'ils ont commis une faute personnelle.
Si le propriétaire du navire, l'affréteur, l'armateur ou l'armateur-gérant est le capitaine ou un membre de l'équipage, la disposition de l'alinéa précédent ne s'applique qu’aux fautes qu'il a commises dans l'exercice de ses fonctions de capitaine ou de membre de l'équipage ».
1084 « Chapitre VII : Responsabilité du propriétaire du navire
Le propriétaire d’un navire peut, même envers l'État et dans les conditions ci-après énoncées, limiter sa responsabilité envers des cocontractants ou des tiers si les dommages se sont produits à bord du navire ou s’ils sont en relation directe avec la navigation ou l’utilisation du navire.
Il peut, dans les mêmes conditions, limiter sa responsabilité pour les mesures prises afin de prévenir ou de réduire les dommages mentionnés à l’alinéa précédent, ou pour les dommages causés par ces mesures.
Il n'est pas en droit de limiter sa responsabilité s'il est prouvé que le dommage résulte de son fait ou de son omission personnels, commis avec l'intention de provoquer un tel dommage ou commis témérairement et avec conscience qu’un tel dommage en résulterait probablement » ; cf. art. 58 loi n° 67-5 du 3 janv. 1967, JORF du 4 janv. 1967, en vigueur depuis le 4 fév. 1968, modifié par la loi n° 84-1151 du 21 déc. 1984 art. 1, JORF du 22 déc. 1984, en vigueur depuis le 1er déc. 1986.
1085 Loi n° 84-1151 du 21 déc. 1984, JORF du 22 déc. 1984, en vigueur depuis le 1er déc. 1986.
1086 En droit uniforme, toutes les situations prévues dans l’art. 1 LLMC, qui correspondent à celles de l’art. 69 de la loi du 3 janvier 1967, sont réunies dans la notion de « propriétaire de navire ».
1087 L’art. 69 de la loi de 1967 dispose en fait que « les dispositions du présent chapitre s’appliquent à l’affréteur, armateur, armateur gérant... » sauvegardant ainsi la distinction entre ces notions.
1088 On a connaissance d’une seule affaire, en fait, concernant ce sujet et visant le refus par une Cour anglaise du bénéfice de la limitation à l’affréteur au voyage vis-à-vis de l’armateur, cf. Aff. Aegean Sea, citée par G. GAUTIER, op. cit., p. 1030.
1089 G. GAUTIER, ibid., p. 1031 et s. : « l’affréteur coque nue a la gestion nautique et commerciale. C’est un armateur qui participe à l’exploitation du navire, là où le fréteur n’y participe pas. L’affréteur à temps a la gestion commerciale du navire. Lui aussi participe à l’exploitation du navire. L’affréteur au voyage n’a ni la gestion nautique ni la gestion commerciale. C’est en réalité un chargeur ».
1090 L’art. 275 parle de « limitation de la dette », mais il faut entendre cette expression en tant que se référant à la dette globale, constituant donc une limitation de la responsabilité. Celle-ci est en fait l’opinion de la doctrine largement dominante, cf. M. FOSCHINI, La limitazione del debito dell ‘armatore nella sua attuazione, Milano, 1974, p. 11 et s.
1091 L’adhésion remontant au 16 septembre 1999.
1092 Le droit à la limitation au bénéfice du propriétaire dérive seulement de la discipline spécifique de la CLC. Aucune disposition générale sur la limitation de la responsabilité du propriétaire n’existe par contre dans le Code de la navigation, sauf un remède de droit processuel, c'est-à-dire l’actio interrogatoria prévue par l’art. 488 du Règlement d’exécution du Code, par laquelle le propriétaire assigné peut demander au juge un délai dans lequel l’armateur déclare s’il veut se prévaloir du droit à la limitation, en prévision de la possible action recoursoire future du propriétaire.
1093 Cf. art. 271 C. nav. ; V., aussi, F. BERLINGIERI, Armatore ed esercente di aeromobile, Dir. mar., 1986, p. 272 et s. qui critique cette distinction et estime, sur la base de l’expérience du droit uniforme, que la distinction entre propriété et exploitation aurait une importance seulement dans le rapport interne entre le propriétaire et son cocontractant, ce qui serait confirmé aussi par les peu nombreuses déclarations d’armateur. V., contra, G. RIGHETTI, op. cit., tome I.2, p. 1418 et 1419, qui insiste sur l’importance du fondement doctrinal de la responsabilité tel que développé au sein du Code de la navigation.
1094 V., pour un approfondissement sur l’importance de ce principe dans la tutelle de tiers de bonne foi, A. FALZEA, op. cit., p. 682 et s.
1095 Si l’on regarde les différences doctrinales parmi les divers pays sur le sujet, on peut bien comprendre d’où vient l’impossibilité, en droit uniforme, d’une théorie de l’exploitation du navire. Il y a, dans ce domaine, l’une des difficultés les plus fortes au niveau doctrinal, pour ramener à l’unité, dans les différentes expériences juridiques, les contrats d’affrètement et le concept d’exploitation du navire.
1096 V., sur le rattachement de la responsabilité au propriétaire de navire en tant que débiteur, G. RIGHETTI, Trattato, I.2, précit., p. 1542 ; V., sur le concept de “canalisation” de la responsabilité comme exonérant les autres sujets potentiellement responsables, M. REMOND-GOUILLOUD, op. cit., p. 271 et amplius, supra, Partie II, Titre I, Chapitre II, Section II, § 2, B.
1097 Ce mélange et l’imprécision du langage adopté, dans lequel on parle de « shipowner » en visant un nombre très élevé de situations différentes, et de « propriétaire » en dehors d’une doctrine qui fonde la responsabilité sur l’exploitation du navire, est vivement contestée par A. SCIALOJA in Cenni storici esegeticie critici intorno alla qualifica di armatore, Riv. dir. nav., 1937, I, p. 258. V., aussi, G. RIGHETTI, op. cit., tome I.2, p. 1416, qui critique fortement le travail du législateur uniforme pour un manque de structure doctrinale dans sa codification, qui serait seulement le résultat d’une superposition de projets, observations, propositions effectuées motu proprio par chacun des groupes de travail, dans un mélange sine ratione de actiones, personae, res, etc.
1098 Cf. art. 1.5 LLMC, art. 6.1 Convention de Bruxelles de 1957.
1099 Cf. C. GANGI, qui parle de « responsabilité de la chose », C. GANGI, op. cit., p. 278. V., contra, E. BETTI, op. cit., p. 45 et s., qui insiste sur le fait que la responsabilité ne peut que tomber sur une personne et non sur une chose. C. GANGI montre d’ailleurs d’avoir conscience de telles critiques, soulevées aussi par SCHREIBER, mais il considère qu’il s’agit de différence seulement formelle, les deux conceptions étant substantiellement égales, puisqu’enfin c’est toujours la chose qui est attaquée, cf. C. GANGI, op. cit., p. 280.
1100 Celle-ci ne peut se rattacher, en réalité, qu’à une personne, cf. E. BETTI, op. cit., p. 46 : “è il proprietario della cosa (rispettivamente, il titolare del patrimonio) o in genere l’avente diritto (reale) su di essa quegli che risponde, non la cosa stessa o il patrimonio [quasi elevato a soggetto di diritto come nelle fondazioni] : risponde, in quanto rischia di perdere in tutto o in parte, in dipendenza da un determinato evento, il suo avere giuridico della cosa (o rispettivamente del palrimonio)”.
1101 Cf. G. RIGHETTI, op. cit., tome 1.2. p. 1441 et s.
1102 Cf. G. RIGHETTI ibid., p 1390 et s., où l’auteur explique la théorie de A. SCIALOJA sur l’exploitation du navire et la responsabilité de l’armateur en tant que exercitor navis face au propriétaire, qui ne devrait être soumis à cette responsabilité que dans le cas où il serait dominus et exercitor en même temps.
1103 Cf., par exemple, M. REMOND-GOUILLOUD, op. cit., p. 270 : « a) les préposés, équipage, ou préposés terrestres, doivent clairement échapper ici à toute responsabilité. A supposer que, leur surface financière leur permettant de faire face aux demandes, leur mise en cause ne soit pas purement vexatoire, la sanction de leur négligence relève, soit de leurs relations avec leur employeur, soit du droit pénal. Le principe même d’une responsabilité civile, survivance des temps où le capitaine répondait sur sa fortune personnelle des malheurs de l’expédition, paraît ici anachronique. On en dira autant du pilote, dans la mesure où sa responsabilité s’efface derrière celle du navire ; et, pour la même raison, de la personne qui accomplit des actes de sauvetage « avec l’accord du propriétaire ou sur instructions d’une autorité publique compétente », agissant sous le contrôle d’un donneur d’ordre qui repondra d’elle (art. III § 4/b, d, f) ».
A notre avis, comme on l’a déjà dit, cette interprétation ne peut pas être acceptée, tout d’abord parce qu’elle heurte le principe d’interprétation littérale du texte et deuxièmement parce qu’elle est contraire aux principes généraux en matière de responsabilité du commettant pour le fait des préposés, qui présuppose l’obligation dans le chef du préposé lui-même, qui est donc potentiellement soumis à l’action recoursoire du commettant exécuté. Le fait que dans la pratique l’entreprise n’exerce pas ce droit ne modifie pas la question en droit : “l’accertamento della responsabilità del primo presuppone e coinvolge quella del secondo, ponendo in capo al dipendente la spada di Damocle dell ‘azione di regresso”, cf. C. SALVI, op. cit., p. 1243.
1104 Working Paper in the form of a draft international convention on the limitation of the liability for maritime claims (annex to the second report of the chairman of the CMI International Sub-Committee), article 1 § 2 DOCUMENT LIMIT- 19/II-74, The Travaux préparatoires of the LLMC Convention, précit., ANNEX I, p. 423.
La version définitive du texte du Sous-comité International enfin approuvée par la Conférence de Hambourg du CMI a purgé le brouillon des mots indiquées en crochet et les a substituées avec les mots « or management » : “The term shipowner shall include the owner, charterer, manager and operator of a seagoing ship, and any person rendering service in direct connection with the navigation, or management of the ship”.
1105 Introducery Report to IMCO de la Hamhurg Draft Convention, p. 394 : “The inclusion of the words “in direct connection with the navigation. . .of the ship” means that pilots can always limit their liability whether the shipowner is responsible for them or not (compulsory pilotage)”.
1106 Cette notion si vaste de “propriétaire de navire de mer” (shipowner) a ensuite été écartée par le Legal Committee de l’IMCO dans sa 25ème session, Report, p. 2 : “A majority of the Committee did not favour defining the term shipowner to include a “person rendering service in direct connexion with the navigation or management of the ship”, considering the language in paragraph 2 too broad. Travelling ship repairers, tank cleaners, husbanding agents and others who might be involved in some aspects of “management” fell into a vague category which should not. in the general view of the Committee, be embraced in the term “shipowne” for limitation purposes”.
Ainsi, dans le texte final adopté par la conférence diplomatique de Londres de 1976, la notion de shipowner correspond a celle de la Convention de Bruxelles de 1957, visant « le propriétaire, l’affréteur, l’armateur et l’armateur gérant » (“owner, charterer, manager and operator of the sea-going ship”).
1107 “if any claims set out in article 2 are made against any person for whose act, neglect or default the shipowner or salvor is responsible, or against any person having provided pilotage service to the ship, [to the extent that the pilot is held liable in lieu of the shipowner,] such person shall be entitled to avail himself of the limitation of liability provided for in this convention.”
1108 C’est ainsi qu’en droit américain, par exemple, le droit à la limitation n’étant prévu que pour la direct shipowner’s liability for own faults et pour la shipowner vicarious liability for faults of agents and employees (responsabilité pour fait d’autrui), la limitation est donc écartée pour faute du pilote dans le pilotage obligatoire, la responsabilité du shipowner ne pouvant pas être engagée car “the master servant relationship necessary for imposing vicarious liability is lacking” cf. C. H. ALLEN. Limitation of Liability, précit.. p. 267 et 268.
1109 En droit italien aussi la limitation n’est prévue que dans le cas où la responsabilité de l’armateur est engagée, mais la doctrine semble arriver à des solutions opposées à celle américaine, la faute du pilote n’exonérant pas le capitaine de son obligation de superviser les manœuvres du navire, celui-ci étant toujours libre de ne pas suivre les conseils du pilote. Par la faute du capitaine, la responsabilité de l’armateur est alors engagée pour le rapport de préposition sur la base duquel le premier agit, cf. G. RIGHETTI, Trattato, tome I.2, précit., p. 1515.
La clarification la plus nette sur la question visée semble encore être celle donnée par D. DANJON, qui reconnaît que la question se rattache à celle de savoir quel est le rôle du capitaine qui a pris un pilote. Si normalement, envers les tiers, l’armateur est toujours responsable des fautes du pilote puisque « même lorsque son ministère est obligatoire, dévient temporairement, lui aussi, l’employé ou préposé de l’armateur » cette solution ayant enfin été consacrée en matière d’abordage par la Convention internationale de Bruxelles du 23 septembre 1910 (Art. 5), il en reste tout de même quelques solutions contraires. En Angleterre, avant la loi sur la marine marchande de 1894 et la loi modificative de 1913, en Allemagne et au Portugal le capitaine est temporairement dépossédé du commandement par le pilote dans le cas de pilotage obligatoire, l’armateur n’étant pas responsable des fautes du pilote, à l’opposé que dans les autres pays maritimes. La conception anglo-allemande est critiquée par D. DANJON puisqu’elle « laisse sans recours effectif les victimes d’une faute qui a été commise dans un service accompli au profit de l’armateur », cf. D. DANJON, dans son Traité de droit maritime, précit., tome II, n° 613 et p. 240 et s.
En ce qui concerne la responsabilité du capitaine selon le droit commun envers l’armateur, l’auteur avoue, quand même, que la différence se réduit à une question de preuve : « en Angleterre et en Allemagne, ce serait à l’armateur à prouver une faute commise par le capitaine dans ses rapports avec le pilote ; en France et dans les autres pays, c’est au capitaine de prouver la faute du pilote pour dégager sa responsabilité », D. DANJON, op. cit., p. 217.
Le shipowner est aussi toujours responsable pour le fait du pilote en Nouvelle Zélande, cf. DOC.
LEG/CONF.5/4/add.3 à la conférence diplomatique de Londres, The Travaux préparatoires of the LLMC Convention, précit., p. 51.
1110 Au cas où cet État est partie à la LLMC.
1111 M. Rein (observateur du CMI à la conférence de Londres) avait dit, en fait, au sein du premier meeting du Committee of the Whole : “national laws could set a liability limit lower than that of the Convention for pilots and other servants” Summary Record, p. 228, The Travaux preparatoires of the LLMC Convention, précit., p. 53.
1112 Le rattachement de la responsabilité en tant que Schuld au propriétaire, quand il n’est pas armateur, doit être justifié sur la base de certains critères de rattachements issus de la théorie moderne de la responsabilité, hors desquels il s’agit tout simplement de responsabilité sans dette. Dans cette problématique, s’insère la responsabilité du propriétaire selon la CLC de 1992, qui serait, selon certains auteurs, l’expression d’un système spécifique canalisant la responsabilité sur le propriétaire par voie de Schuld (cf. G. RIGHETTI, op. cit.). En réalité, l’action récursoire du propriétaire, ainsi que la difficulté de concilier sa responsabilité par voie de Schuld avec les théories modernes de ladite shared liability nous amènent à estimer qu’il s’agit plutôt d’une responsabilité en garantie (Haftung), donnant droit de recours pour la totalité du montant payé, cf. US CERCLA.
1113 La carence d’une théorie générale, sur la base de laquelle on puisse avoir clair le critère d’attribution de la responsabilité, conduit inévitablement à une difficulté dans l’individuation concrète des sujets bénéficiaires du droit à la limitation. On trouve trace de cette difficulté dans le introducery Report to IMCO de la Hamburg Draft Convention, p. 394 et 396. le droit à la limitation ayant été séparé de la responsabilité soit directe soit indirecte de l’exploitant du navire (shipowner’s direct and vicarious liability). Le texte sur la base duquel on définit le shipowner aussi comme “any person rendering service in direct connection with the navigation, or management of the ship” a en fait posé la difficulté concrète d’identification de ces personnes : “The word “management”, which is also used in Article I, § I (b) of the 1957 Convention, is more difficult to construe in the light of the solutions favoured by the Conference. It is quite clear that loading, stowing and discharge fall outside the scope of the term. It is equally clear that a ship repairer who renders service to the ship whilst it is out of commission (lying al the yard, etc.) cannot limit his liability pursuant to this provision. On the other hand, travelling ship repairers rendering service whilst the ship is in operation are covered by the words “in direct connection with the management of the ship”. The term “management” may not be the best expression of the thought which lies behind it, but it is strongly felt by a majority in the CMI that the term “navigation” alone is too narrow”.
1114 Les Guidelines on ship owners responsibilities in respect of maritime claims recommandent, en fait, la stipulation d’un contrat assurance aux propriétaires et aux exploitants commerciaux non propriétaires du navire “the owner of a sea-going ship, or any other organization or person who or which has assumed responsibility for the operation of such a ship”, cf. I MO RESOLUTION A. 898(21), adoptée le 25 novembre 1999, art. 1.4.
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