Chapitre III. Le rôle de la doctrine
p. 187-217
Texte intégral
1Le droit maritime étant étroitement lié au commerce international, les grandes démarches doctrinales pour l’unification du droit, et du droit du commerce international en particulier, relèvent forcément d’un grand intérêt.
2L’intérêt doit être apprécié bien sûr, tout d’abord, par rapport à la méthode adoptée. Cela n’empêche cependant pas que le droit maritime se distingue par des démarches qui lui sont propres, lui restituant alors son rôle de précurseur des autres disciplines du droit. Une analyse du point de vue historique semble montrer que la plupart des initiatives modernes pour l’unification de ladite lex mercatoria suivent des modèles qui étaient déjà adoptées par l’ancienne lex maritima. Le besoin semble alors plutôt être, comme cela a été mis en évidence à l’issue de la publication des Principles of International Commercial Contracts de 1994 (PICC), celui d’une systématisation au niveau de la théorie générale du droit. Des essais dans cette direction ont été faits aussi par les tenants de la nouvelle lex mercatoria, mais une approche tout à fait nouvelle et révolutionnaire a été avancée récemment par rapport spécifiquement au droit maritime. Cette dernière construction doctrinale pose des avantages indiscutables par rapport à l’unification du droit maritime.
3Au demeurant, la méthode doctrinale pour l’unification ne doit pas être cantonnée au niveau d’une élaboration théorique n’ayant aucun rapport avec la pratique. Tout au contraire, le rôle de la doctrine est de constituer un « guide » pour tous les praticiens. Le plus souvent, ce rôle est quelque peu caché par le fait que la doctrine influence la pratique de façon indirecte, au niveau du background culturel, ou par le biais de grandes constructions doctrinales affirmées et reçues par le législateur ou par la jurisprudence. En d’autres termes, le rôle de la science du droit est bien sûr celui de le connaître, d’où l’importance de la méthode comparatiste, mais aussi et surtout de l’ordonner de façon systématique, en lui conférant la structure la plus adéquate pour qu’il puisse rejoindre ses finalités. Dans cette mise en ordre du droit réside aussi l’une des qualités de la doctrine qui peuvent être appréciées davantage du côté pratique, c’est-à-dire dans l’interprétation et dans l’application du droit. L’interprétation scientifique constitue alors le guide pour toute interprétation technique visant à l’application concrète des normes, pour que l’unité et la cohérence du système soient gardées. Dans la recherche qui nous concerne, cette expérience sera analysée du côté de 1’« interprétation uniforme » des Conventions internationales de droit maritime, et de l’unification doctrinale de certains concepts fondamentaux du droit maritime qui peuvent être tirés du droit uniforme (section 3).
4Mais, cette application pratique ne pourra être envisagée qu’après avoir montré d’une part l’éminence de la doctrine dans le processus d’unification (section 1) et d’autre part la méthode doctrinale généralement employée pour ce faire (section 2).
SECTION 1. LES PROJETS SPÉCIFIQUES DE LA DOCTRINE POUR L’UNIFICATION DU DROIT
5Lorsqu’on a abordé le thème de l’unification contractuelle, on a présenté les solutions de théorie générale proposées par la doctrine de ladite lex mercatoria. On a pu ainsi remarquer que certaines de ces théories sont particulièrement intéressantes du point de vue de l’unification du droit537. Cela est vrai tout d’abord en ce qui concerne la contestation du positivisme légaliste et de la conception de l’ordre juridique en tant que système complet et autonome.
6On a vu, en fait, que les théories modernes du droit envisagent l’existence de systèmes juridiques « ouverts »538, qui n’ont pas la prétention de donner les normes pouvant répondre à toute question concrète, mais qui laissent la réponse concrète au « jeu de leur interaction réciproque ». Cela dérive du succès qui semble caractériser de nos jours la théorie, élaborée par Santi Romano, de la pluralité des ordres juridiques. C’est ainsi que pour l’existence de tout système de droit, il suffit qu’il y ait la présence concurrente de trois éléments fondamentaux constitués par la communauté sociale, l’organisation de celle-ci en « institution » et le règlement normatif.
7Ces données de base ont conforte les thèses des tenants de l’existence d’un système de droit anational539 en complétant cette reconnaissance par la précision qu’il s’agirait alors d’un système « incomplet »540, qui nécessite donc l’interaction avec les ordres juridiques nationaux, mais qui demeure « originel » et spécifique, caractérisé par ses propres sources formelles. Parmi ces sources, les plus importantes sont les « principes généraux du droit », pour leur fonction de « paramètre de qualification juridique » du droit transnational541.
8Mais la recherche des principes généraux du droit transnational a aussi remis en marche le mouvement pour l’unification du droit par la découverte des « principes communs » aux différents ordres juridiques542. Cette recherche, menée sur la base des acquisitions de la doctrine comparatiste moderne, issues des Séminaires de Cornell543 a contribué tout d’abord à mettre en évidence le common core du droit commercial et, par la suite, à élaborer les principes généraux les plus indiqués pour surmonter les différences réelles qui subsistent effectivement.
9La méthode élaborée aux Séminaires de Cornell a été ensuite améliorée par le recours à la « comparaison fonctionnelle », par laquelle la recherche a été élargie à la réalité sociale, en prenant le départ des principes supérieurs économiques et sociaux selon une méthode déductive (from the top down), et non inductive comme dans l’approche factuelle (factual approach)544. C’est en fait cette nouvelle méthode qui a bien été suivie dans le récent essai d’unification doctrinale du droit du commerce international effectué par l’UNIDROIT, qui a adopté en 1994 les Principles of International Commercial Contracts (PICC)545.
10Cette démarche au niveau mondial a été doublée par une initiative identique au niveau européen. Suite à deux Résolutions du Parlement Européen du 26 mai 1989 et du 6 mai 1994, menée par une Commission présidée par M. Lando, ont enfin été adoptés les Principles of European Contract Law (PECL). Ce projet avait été introduit en vue de créer un droit privé unique, concernant soit les professionnels soit les consommateurs, et qui aurait éventuellement pu être inséré dans un code civil européen. Il s’en suit donc que cette démarche demeure une initiative d’unification régionale « omni compréhensive », dont le succès condamnerait l’avenir des PICC546.
11Le besoin de flexibilité du droit pour faire face aux instances du commerce international et lesdites acquisitions de théorie générale qui envisagent l’ordre juridique « ouvert » ont enfin conduit à une répétition de l’expérience des Restatements américains au niveau international, par des « listes ouvertes » de principes généraux, dont la mise à jour serait laissée à l’œuvre créatrice de la jurisprudence.
12On cantonnera l’approfondissement suivant auxdites initiatives seulement, en laissant de côté d’autres Projets européens comme le Common Core Project547 ou les travaux du Groupe Gandolfi. Le premier, en fait, n’est qu’une recherche, menée sur la base de la méthode du factual approach des Séminaires de Cornell, pour mettre en évidence les formants du droit privé européen, sans aucune autre implication téléologique548, tandis que le deuxième est visé à la création d’une « codification rigide », dont l’efficacité pour l’unification du droit maritime a été déjà suffisamment mise en doute.
§ 1. Les projets de l’UNIDROIT
13Il a bien été mis en évidence que l’UNIDROIT, nonobstant son caractère d’organisation non-interétatique, est quand même une organisation voulue et financée par les États, dans le but de poursuivre l’unification du droit privé. Cela signifie que toute démarche entreprise par cette organisation ne peut pas être reléguée au rang d’initiative tout à fait « privée », les États membres lui reconnaissant sûrement une autorité supérieure pour le fait de leur participation au moins « indirecte »549. Cela marque d’ailleurs la spécificité des initiatives menées sous l’égide de l’UNIDROIT, qui ont donc une meilleure probabilité de recevoir l’approbation étatique par rapport à celles qui sont issues d’organisations qui ne jouissent pas d’une telle nature juridique. En particulier, la différence doit être remarquée par rapport aux initiatives tout à fait privées comme celle relative aux PECL de la Commission dirigée par M. Landò, pour la rédaction des principes généraux du droit contractuel européen, ou le projet de code européen en élaboration par le Groupe de Travail de Pavia sous la direction de M. Gandolfi.
14L’UNIDROIT a tout d’abord envisage l’unification du droit du commerce international par des démarches visant à une « codification progressive » de celui-ci, fondée sur des démarches de droit international public. Ces projets furent menés tout d’abord sous l’initiative de la délégation française, lors de sa direction des travaux de l’UNIDROIT, et étaient inspirés des idées de l’éminent juriste René David, qui depuis 1960 avait développé la théorie desdites « opting out-provisions ». Selon René David, il fallait favoriser l’unification du droit par un transfert du law making power aux organisations internationales spécifiques compétentes et laisser aux États seulement la possibilité de ne pas accepter la discipline posée au niveau international, autrement obligatoire. Cela aurait été possible par un transfert de souveraineté législative à ces organisations lors de la ratification des conventions internationales les concernant et par la prévision de dispositions laissant la liberté aux États contractants de déclarer des restrictions, modifications ou rejet des principes et normes adoptés par l’organisation (opting out-provisions). D’ailleurs, ce modèle avait déjà été adopté dans certains domaines spécifiques, comme celui de la navigation aérienne, dans le Statut de l’International Civil Aviation Organisation (ICAO), du transport par chemin de fer dans le Statut du Central Office for International Transport by Rail (OCIT) et de la santé publique, dans le Statut de la World Health Organisation (WHO)550°. C’est ainsi que la délégation française proposa la constitution d’une convention internationale établissant une nouvelle organisation internationale, la « Union for jus commune » (UJC), pour l’adoption des textes portant le nouveau jus commune du commerce international551. Les idées de René David trouvèrent écho dans l’accord de principe de Clive Schmitthoff, qui rejeta pourtant l’idée d’une organisation nouvelle, envisageant le transfert de cette fonction à un Comité représentatif des cinq régions du monde établi au sein des structures de la CNUCED et de la CNUDCI, sur la base d’une Résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies établissant le nécessaire attribution de law making power552.
15Lesdites initiatives n’ont pas eu de succès et aucun instrument envisagé par cette méthode n’a été adopté. Cela est dû à la prise de conscience des inconvénients amenés par tout essai d’unification par la codification de droit international public, en tant que « méthode rigide ». De plus, il y avait le problème de la difficulté d’obtenir le transfert de souveraineté nécessaire pour la opting out procedure. Les États étant jaloux de leur pouvoir législatif, aucune démarche de ce genre n’était envisageable. Même en ce qui concerne les organisations jouissant de telles délégations de pouvoirs, parmi lesquelles il faut maintenant mentionner l’OMI suite à l’insertion de la procédure d’amendement par approbation tacite dans beaucoup de traités la concernant553, il faut remarquer qu’ils sont cantonnés rigoureusement au domaine des « standards techniques », aucune disposition n’étant donnée pour leur mise en œuvre, qui est laissée aux ordres juridiques étatiques.
16La méthode de la codification des principes généraux par lois types fut aussi écartée, par le fait que tout effort pour achever l’unification par ces instruments peut être contré par le refus de les adopter par les États ou par les modifications éventuellement apportées dans les législations étatiques554.
17C’est ainsi que la méthode a été proposée des informal approaches pour l’unification du droit du commerce international, par des démarches similaires à celles issues de l’expérience des Restatements américains, qui ont débouché dans l’adoption des Principes UNIDROIT en 1994 (PICC)555.
18L’abandon des démarches habituelles permettant la mise en place de binding rules, soit directement par le biais des conventions internationales soit indirectement par l’adoption législative des lois types, et le choix des Principes non binding ne donne aucune réponse par rapport à la question de l’existence d’un ordre juridique anational556, ni en ce qui concerne la méthode d’application des normes. Le Préambule aussi, qui indique les fonctions qui peuvent être jouées par les Principes, ne donne pas d’indications décisives à ce sujet. En particulier, le fait que l’une de ces fonctions soit celle de gouverner le contrat quand les parties l’ont directement prévu (when the parties have agreed that their contract be governed by them) ou quand les parties n’ont appelé aucun ordre juridique étatique pour régir leur rapport (when the parties have agreed that their contract be governed by general principles of law, the lex mercatoria or the like) ne donne aucune réponse à cette question. Les Principes pourraient en fait être appelés pour régir le contrat soit en tant que « loi applicable », envisageant ainsi l’existence de l’ordre juridique anational, ou en tant que simple renvoi à des règles choisies par les parties et soumises donc au respect des normes impératives de l’ordre juridique applicable557. La première possibilité est en fait supportée par les conceptions doctrinales de l’ordre juridique « ouvert »558, reconnaissant caractère de vrai « système de droit » à la lex mercatoria, qui peut donc jouer en tant que « loi applicable » au sens des articles 3 et 4 de la Convention de Rome de 1980559. Tout cela en tenant compte, cependant, que ces Principes ne sont pas la lex mercatoria elle même560, mais constituent seulement le résultat de l’effort de la meilleure doctrine pour tirer, des systèmes juridiques en vigueur, sur la base de la méthode de la « comparaison fonctionnelle », le common core du droit des contrats commerciaux, et pour créer aussi des règles et des principes nouveaux pour satisfaire les besoins du commerce international et faire face aux exigences de l’unification561. En ce qui concerne la méthode d’application des Principes, enfin, le Préambule prévoit aussi leur « application directe », en tant que « règles matérielles ». Cette disposition, qui suit les théories déjà élaborées en doctrine, n’est cependant donnée qu’au cas où il ne soit pas possible de trouver la norme dans la loi applicable, pour éviter l’application de la lex fori.
19Les Principes répondent à l’exigence pratique des arbitres et des juges qui devraient se confronter autrement avec des recherches difficiles et longues, selon la méthode de la comparaison fonctionnelle, pour établir les règles du droit transnational applicables562. Grâce à la mise en place de ces instruments par la doctrine, les praticiens peuvent maintenant se référer à des principes bien établis, l’ambiguïté de la consistance réelle de la lex mercatoria ne pouvant plus être invoquée563. C’est ainsi que cette démarche doctrinale tend à permettre aux arbitres et aux juges de puiser dans un ensemble de principes certains, pour arrêter la solution concrète la plus indiquée pour la question de droit concernée. Par ce procédé, serait ainsi exprimée la lex mercatoria, en tant que droit essentiellement prétorien564, expression de la law in action565.
20À vrai dire, les Principes UNIDROIT ne renoncent pas à la fonction traditionnelle de constituer une loi type pour les législations étatiques. Cette possibilité est en fait envisagée dans le Préambule. Il faut dire, cependant, que cette fonction est caractéristique de tous instruments négociés au niveau international et ne constitue pas le but principal de cette initiative566, qui se pose plutôt sur la voie tracée par les Restatements américains, sur lesquels il faut donc s’arrêter quelques instants.
21L’expérience des Restatements américains, créés en 1932 par l’American Law Association, a été à la base du Projet des Principes élaborés par l’UNIDROIT et les deux entreprises ont beaucoup d’éléments en commun.
22Les Restatements, comme il est dit par leur appellation, sont des recueils qui affirment le droit existant, sous la forme de black letter law, c’est-à-dire de véritables dispositions de loi567. Cela ne change pas la nature de ces instruments, qui demeurent non-binding, leur efficacité étant remise à l’adoption dans la pratique des tribunaux, fondée seulement sur le prestige de la source568.
23Mais, bien que les Restatements soient par définition des reaffirmations du droit déjà existant, il n’en reste pas moins que parfois l’œuvre de l’American Law Association est quand même « créatrice » de nouveau droit569. Il s’agit tout d’abord du cas où les rédacteurs, pour donner la solution d’un problème légal donné, suivent une décision isolée de la jurisprudence pour le fait qu’elle leur semble plus équitable que celle de la jurisprudence dominante. Une œuvre créatrice peut être entrevue aussi dans l’extrapolation d’une nouvelle black letter law de plusieurs décisions jurisprudentielles contrastantes. Enfin, les rédacteurs peuvent créer des nouvelles règles par analogie, pour des cas qui n’avaient pas encore été envisagés.
24Dans tous ces cas, les Restatements constituent une sorte de « de lege ferenda orientation », et ce phénomène a été décrit aussi comme une « gentle pushing » de la common law. Cette caractéristique est tout à fait commune avec les Principes UNIDROIT, qui sont issus de la comparaison fonctionnelle et qui tendent aussi à créer des nouvelles règles appropriées pour le commerce international, qui puissent devenir le nouveau jus commune570.
25Toutes ces similitudes ne doivent cependant pas faire oublier quelques différences fondamentales qui pourtant existent entre ces deux instruments juridiques. Les Restatements appartiennent quand même à un système juridique fondé sur la valeur juridique du précédent judiciaire en tant que contenant une prévision des décisions futures (stare decisis-doctrine). Dans ce sens, les Restatements étant largement une reproduction de la common law issue des case law des tribunaux américains, les black letter laws édictées ont forcement une valeur juridique supérieure par rapport aux Principes de l’UNIDROIT571, les tribunaux américains s’écartant des Restatements seulement dans le 2 % environ des cas572. Une autre différence fondamentale est constituée par le fait que les Principes UNIDROIT ont une vocation universelle et sont issus de la pratique juridique au niveau mondial, tandis que les Restatements demeurent naturellement une initiative régionale, au niveau des seuls États-Unis.
26Nonobstant le fait que les Principes UNIDROIT ne jouissent pas de la même autorité des Restatements, il n’en demeure pas moins que leur transformation, par exemple dans une convention internationale, n’est pas souhaitable notamment au regard des inconvénients de la codification rigide573. Il a pourtant été envisagé la création d’un « code mondial du commerce international », comprenant toutes les conventions de droit maritime le concernant, ainsi que les Principes UNIDROIT qui constitueraient cependant des règles supplétives et interprétatives, tout en gardant leur caractère et leur autonomie574. Une telle codification serait divisée par chapitres laissés à l’œuvre des organisations spécialisées intéressées, comme l’OMI en matière maritime, sur invitation de la CNUDCI575.
27Dans l’immédiat, une fonction concrète importante jouée par les Principes, prévue d’ailleurs dans le Préambule, est celle de contribuer à l’interprétation uniforme du droit issu des conventions internationales et à l’interprétation du droit national de façon conforme aux exigences d’unification et de certitude du droit du commerce international. La doctrine doit ici jouer son rôle de guide dans l’application des normes par la jurisprudence, dans le but de favoriser l’unification du droit en tant que law in action aussi.
§ 2. La « creeping codification »
28Les problèmes à l’origine du choix de l’UNIDROIT de suivre l’exemple des Restatements et d’adopter les PICC sous la forme d’une codification « souple », au lieu d’une codification « rigide », n’ont pas été complètement surmontés par la méthode employée. Les PICC demeurent en fait une liste rédigée sous la forme de black letter laws, à l’instar du modèle américain, ce qui engendre de toute façon une self-contained codification, c’est-à-dire une codification « fermée ». Bien qu’il ne s’agisse pas d’une vraie « codification rigide », les difficultés existent quand même pour le fait que la liste enfin approuvée par l’UNlDROIT a vocation à régir la matière du droit du commerce international de façon complète, ce qui n’est pas envisageable compte tenu du fait qu’il s’agit de régler un système « ouvert » et en évolution continue.
29Les Restatements avaient essayé de remédier à cette « rigidité » par certaines dispositions très générales, dont le contenu pouvait être rempli par les juges en restituant ainsi le dynamisme nécessaire au système, mais leur champ d’application est trop restreint576. Il s’agit plutôt, en fait, d’une insuffisance de la méthode elle-même, qui ne serait donc pas adaptée aux instances du phénomène auquel elle s’adresse.
30Le problème qui se pose est donc celui de concilier les besoins de la codification avec ceux de la flexibilité d’un système en évolution continue577 et la solution a alors été proposée en doctrine d’une nouvelle méthode, dite de la creeping codification578 . Cette nouvelle approche envisage la rédaction d’une open-end list, c’est-à-dire d’une liste « ouverte », dont le comblement est laissé à l’œuvre et à l’interaction réciproque de la jurisprudence, de la doctrine et de la pratique marchande579. La liste étant rédigée sous la forme de véritables dispositions législatives (black letter laws), toute disposition devrait porter une note qui mentionne les références doctrinales, jurisprudentielles, législatives, coutumières ou liées à la pratique marchande employées pour son élaboration, selon la méthode de la comparaison fonctionnelle. Dans cette liste, une attention particulière serait en fait réservée à l’observation de la réalité sociale, la pratique marchande jouant un rôle fondamental dans le droit du commerce international.
31Cette approche n’est pas restée théorique, puisque le travail ainsi envisagé a été effectivement entrepris et une liste a déjà été adoptée sur cette base. Cette liste « ouverte », dont l’inspirateur est M. Berger, est aujourd’hui gardée par le Center for Transnational Law de Munich (CENTRAL), qui se charge aussi de sa constante mise à jour.
32Bien que cette initiative soit une vraie « révolution », par rapport aux méthodes envisagées à l’époque contemporaine, pour la « codification » du droit du commerce international, il faut cependant rappeler que les « listes informelles » des principes de ladite lex mercatoria ou, plus précisément, de la lex maritima, avaient déjà caractérisé l’histoire du droit maritime. Il suffît pour cela de penser aux recueils les plus connus de l’antiquité, comme la Lex Rhodia (Nomos Rhodion nautikòs, viii-ix siècle), le Consulatu maris (xième-xivème siècle), ou les Rôles d’Oléran (xiiième siècle)580.
33En droit maritime, donc, ces démarches appartiennent à la réalité des choses acquises, dont cependant la mémoire a été perdue suite aux codifications nationales. C’est ainsi que le mouvement pour l’unification du droit maritime, commencé dès l’époque des codifications nationales, a été par quelqu’un qualifié de « réunification » de la lex maritima581.
34Compte tenu de cette spécification concernant le droit maritime, l’objection importante qu’on peut partager avec les tenants de la méthode de la creeping codification de la lex mercatoria par rapport aux rédacteurs des Principes UNIDROIT est sûrement celle de ne pas avoir tranché la question de l’existence d’un ordre juridique anational. Cela pose en fait des problèmes au niveau structurel, dont le réflexe sur la conception de la méthode d’application des normes doit être analysé sur la base d’une clarification doctrinale ultérieure.
SECTION 2. LA MÉTHODE DOCTRINALE POUR L’UNIFICATION DU DROIT MARITIME
35Le droit maritime a connu des « codifications souples » dans son histoire, constitués par des recueils de principes tirés des usages maritimes et constituant la lex maritima.
36Ces instruments, qui ont toujours été décrits comme des recueils d’« usages » ou de « coutumes ». Ils avaient un caractère général, de façon telle qu’on peut parler de recueils de véritables « principes généraux », sur la base de la distinction communément acceptée entre ces notions.
37Il n’en reste pas moins que ces instruments peuvent se rapprocher du concept de soft laws que la doctrine propose aujourd’hui comme méthode pour l’unification du droit du commerce international. Ils ont été insérés, dès l’époque de la codification, dans les ordres juridiques nationaux. C’est ainsi qu’on a pu, par rapport à l’unification du droit maritime, parler de « réunification internationale de la lex maritima »582, fragmentée dans les codifications « rigides » nationales.
38Mais si l’on observe bien le phénomène, notamment au regard de nos affirmations précédentes, on s’aperçoit que cette « unification », qui aurait existé lors de la lex maritima, si elle a réellement existé et dans l’étendue effectivement acquise, ne reposait pas sur les recueils eux-mêmes, mais sur les « principes généraux » insérés dans ces soft laws, ainsi que dans les autres éléments participant à la juridicité du droit maritime. Dans ce sens, on a observé que la recherche moderne dans ce terrain a identifié non seulement la « pluralité des formants », législatifs, jurisprudentiels et arbitraux, mais aussi l’importance de la réalité sociale, de la pratique marchande et de la nature des choses, selon la méthode de la comparaison fonctionnelle. 11 s’en suit que les listes de principes généraux, comme les modernes soft laws, restent des indices des sources formelles du droit maritime, dont la vraie nature demeure non écrite, les sources formelles étant pour la plupart des normes extra legem latae, puisant dans la coutume, la pratique marchande et la nature des choses.
39Si celle-ci est la vraie nature des principes généraux, il faut en tirer la conclusion que, en tant que sources qui sont nées non écrites, et dont la « codification souple » a été ensuite modifiée en « codification rigide », la méthode de codification choisie ne change pas leur nature juridique. Leur véritable essence doit donc toujours être trouvée selon la méthode de ladite comparaison fonctionnelle. Personne ne peut, en fait, se passer de reconnaître qu’il y a des principes communs et généraux du droit maritime dont les codifications, nationales et internationales, souples et rigides, ne constituent qu’un moyen d’assurer la connaissance, mais par rapport auxquels on ne doute pas qu’ils existent en dehors de la codification elle-même. La recherche et la mise en évidence des ce principes universels du droit maritime a occupé la doctrine de jadis aussi, surtout par l’œuvre de Brunetti583.
40Ce point éclairci, il semble donc que le droit maritime soit un terrain privilégié pour la recherche de ces principes. Il a tout d’abord fait l’objet des « codifications souples » puis, par la suite, des démarches d’unification par les conventions internationales, qui ont largement puisé dans la réalité socio-économique, sont intervenues.
41Mais cette note positive n’est pas encore conclusive, car si les principes peuvent être largement recherchés dans un complexe de matériel juridique déjà existant, il n’en reste pas moins qu’une réponse n’a pas été donnée du côté structurel et de théorie générale du droit maritime, pour en apprécier au moins son interaction avec les principes de droit commun et l’application concrète compte tenu des ordres juridiques nationaux. Il s’agit de répondre à la question souveraine de savoir si le droit maritime, dont le particularisme a bien sûr été accepté, a aussi une « autonomie » en tant qu’ordre juridique, ou si l’expérience maritime doit être cantonnée dans les limites des ordres juridiques étatiques. Au cas où l’existence d’un « ordre juridique maritime » était reconnue (§ 2), il faut aussi analyser l’interaction avec les autres systèmes de droit, ce qui concerne aussi la méthode d’application des normes (§ 1).
§ 1. Exposé de la thèse de « ordre juridique maritime général »
42Le droit maritime a récemment fait l’objet d’une construction doctrinale qui envisage l’existence d’un « ordre juridique maritime général »584.
43Cette conception doctrinale partage certains des éléments qu’on a vu par rapport aux thèses de la lex mercatoria, mais il propose aussi des nouveautés importantes.
44En ce qui concerne les éléments communs, il faut noter tout d’abord qu’elle est fondée sur la notion d’ordre juridique « ouvert »585, telle qu’on l’a appréciée dans les plus modernes théories développées par rapport au droit transnational.
45D’autres éléments d’évaluation peuvent être tirés de la méthode proposée pour mener la recherche scientifique conduisant à la construction de l’ordre juridique du doit maritime envisagé. Celle-ci doit débuter par un recueil de données qu’il faudra ensuite agencer. En ce qui nous concerne, comme l’objet de l’investigation est le droit maritime lui-même, les données qui doivent être analysées ne sont autre que les règles juridiques de droit maritime. Elles doivent alors toutes être appréciées en tant que « faits juridiques », selon la théorie de la digression des actes juridiques en faits juridiques proposée par M. S. Giannini586. Mais les faits juridiques qui font l’objet d’observation ne sont pas seulement constitués par les actes législatifs, l’analyse portant sur toute l’expérience juridique maritime, non limitée aux sources écrites. Une grande importance doit ainsi être réservée à la réalité socio-économique587.
46La méthode de recherche est comparatiste588. Elle rappelle de très près la méthode de la comparaison fonctionnelle. Cependant ici il y a un élément de nouveauté, puisque la comparaison doit également être menée, en droit maritime, au niveau historique. La méthode adoptée est alors celle de la comparaison « diachronique »589.
47Après avoir posé une première clarification sur la méthode scientifique adoptée, la doctrine « constructrice » de l’ordre juridique maritime général590 poursuit en affirmant que les données ainsi recueillies doivent être ensuite classées dans des groupes homogènes, desquels on tire par abstraction des « concepts » de droit, qui ensuite reçoivent une définition et enfin une dénomination. Il faut observer que les « concepts de droit maritime » auxquels on se réfère sont des concepts « concrets », puisqu’ils sont tirés de la pratique maritime internationale591. La doctrine poursuit ensuite la « construction » du système de droit maritime en tant qu’ordre juridique général, en analysant les rapports entre ces concepts, et en tirant de toutes ces données les règles du système, qui seront proposées aux praticiens592.
48Ainsi, selon cette conception, le droit maritime n’est pas seulement constitué par un groupe de règles abstraites, mais il est l’expression d’un ordre juridique fondé tout d’abord sur les relations sociales d’une communauté institutionnelle, telles qu’organisées selon le paramètre de juridicité commandé par cet ordre juridique593. Il s’agit, en fait, d’un ordre juridique concernant une communauté sociale spécifique, les communautés maritimes et portuaires594, qui est la base institutionnelle du système, selon la théorie de Santi Romano.
49Au sein de cet ordre juridique il y aurait une « translation continue » de l’expérience concrète de la pratique à la réglementation abstraite de la norme et de la coutume, puis de celles-ci à la pratique. Ce phénomène a été appelé le « cycle de la vie du droit maritime », qui constitue « l’expérience juridique maritime », au sein de laquelle on ne peut pas distinguer la juridicité d’une phase au détriment de la suivante, puisque le cycle doit être considéré comme un seul phénomène, comme l’expression de la pratique maritime internationale595.
50Cette thèse partage donc les acquisitions modernes de la théorie de la pluralité des ordres juridiques, et les nouvelles théories qui envisagent l’ordre juridique « ouvert » par rapport aux sources provenant d’autres systèmes de droit. Mais dans la mise en évidence de la nature et de la conception de la juridicité de cet ordre juridique réside un autre élément fondamental de distinction par rapport aux théories qu’on a analysées jusqu’à présent et qui consiste, enfin, dans sa qualité d’ordre « général ».
51L’ordre juridique maritime serait « général », dans la mesure où il servirait de normes d’autres ordres juridiques596, les transformant en normes de droit maritime par et pour son propre système de qualification. Celui-ci est alors constitué par sa « norme base » ou Grundnorm597 c’est-à-dire par le postulat fondamental qui pose le critère de qualification de toutes les normes du système. Cette conception n’est autre que celle développée par Hart en philosophie du droit598. Elle est en ligne directe avec celle développée par les tenants de la thèse de la pluralité des ordres juridiques599.
52Dans cette conception de « norme base », en tant que paramètre de juridicité de tout le système, réside probablement l’élément le plus caractéristique de toute la théorie600. En adoptant la théorie de la juridicité de Santi Romano, selon laquelle la normativité n’est que l’un des aspects de l’ordre juridique, la détermination de tout ce qui est droit maritime est faite découle de l’appartenance à l’ordre juridique maritime général601. Il s’en suit que la source de toute juridicité en droit maritime est la Grundnorm, qui consiste dans le postulat de la nécessité de favoriser et de donner exécution au commerce international maritime mondial602.
53Elle conduit ainsi à la création d’un ordre juridique maritime général et à une certaine uniformisation du droit maritime.
§2. Ordre juridique maritime général et unification du droit maritime
54L’effet de cette conception par rapport à l’unification du droit maritime doit être apprécié au niveau de la phase de la « concrétisation » ou « subjectivation » des normes, c’est-à-dire du passage de la norme abstraite à la norme concrète603. Cette phase dans laquelle la Grundnorm dicte la juridicité de toutes les normes concrètes sur la base de son paramètre, constitue un puissant élément d’unification du droit maritime604. Il a ainsi pu être pensé que cette construction doctrinale de l’ordre juridique maritime général « conspire » à la réalisation du projet de l’unification du droit maritime605, à travers la « fonction unificatrice » de l’interprétation scientifique606.
55En ce qui concerne la méthode d’application du droit, on a vu qu’une large partie de la doctrine de la lex mercatoria, après avoir reconnu l’existence d’un ordre juridique anational, applique encore les normes de celui-ci selon la méthode conflictuelle. La construction doctrinale de l’ordre juridique maritime en tant qu’ordre juridique « général » révolutionne, par contre, toute la matière notamment pour l’application des normes. La méthode conflictuelle n’a donc plus raison d’exister, le système étant ramené à l’unité de façon telle que tout le droit maritime appartient au même ordre juridique, dont ferait aussi partie le juge lorsqu’il applique ses normes. Dès lors, lorsque l’objet du rapport litigieux reçoit la qualification nécessaire par la Grundnorm, le juge est attiré dans la sphère de l’ordre juridique maritime, pour qu’il puisse l’appliquer et lui permettre de devenir law in action. L’ordre juridique maritime se sert en réalité de l’interaction avec les autres systèmes de droit pour achever le stade d’ordre juridique « complet ». Il s’agit donc d’un ordre juridique « ouvert », mais « complet », puisque toute norme nécessaire pour régler la vie du droit maritime acquiert, par la « norme base », la qualification de « droit maritime », et donc la juridicité au sein de cet ordre juridique de façon telle qu’aucune lacune n’est concevable607. La jurisprudence arbitrale ou étatique n’est alors qu’un moyen dont se sert cet ordre juridique pour l’une des phases nécessaires pour son existence, celle de l’application et de l’exécution de ses normes. Cette application ne peut qu’être directe : il s’agit de règles matérielles non au regard de l’ordre juridique étatique, mais par rapport à l’ordre juridique maritime général. La jurisprudence étant attirée dans sa sphère d’influence, elle doit appliquer le droit maritime directement dans cette nouvelle perspective « ordinamentale ».
56Quoi qu’il en soit, que l’on adopte l’une ou l’autre approche de cette théorie générale, il nous semble qu’au regard de l’application concrète des normes, il faudrait adopter la « voie directe ». Les principes généraux du droit maritime devraient être appliqués directement en tant que « règles matérielles ». En effet, la préférence accordée à une règle de droit devrait être fondée sur le critère de spécificité et sa portée réelle pourrait être syndiquée par la jurisprudence, sur les “guidelines” donnes par la doctrine. Ce serait l’application d’un « droit prétorien », dont la constante adéquation aux évolutions de la réalité des choses serait laissée à la flexibilité du système d’application du droit, dont le côté de law in action serait pour autant engendré.
57L’indication des principes généraux du droit maritime pourrait donc être faite par la doctrine par le biais d’un nouveau soft law, vraisemblablement constitué par une liste « ouverte », à l’instar de celle élaborée au sein du CENTRAL. Dans la mise au point de ces principes il serait quand même précieux d’adopter une élaboration de théorie générale comme celle qui envisage l’existence d’un « ordre juridique maritime général ». Cela serait important puisque ainsi la question de l’existence d’un autre « ordre juridique » serait ainsi tranchée, les PICC et les PECL ayant été critiqués pour ne pas avoir pris position sur ce point608 et parce qu’il y aurait un principe unificateur de base, fondé sur le principe de mise en œuvre du commerce maritime international lui-même. C’est ainsi que ces principes généraux du droit maritime pourraient mettre en œuvre l’« effet unificateur » d’une telle conception de l’ordre juridique maritime, par le biais d’une interprétation adéquate des sources du droit maritime, de façon telle que les antinomies du système puissent être ramenées à l’unité609. D’ailleurs une telle fonction a déjà été envisagée sur la base du préambule des PICC, pour favoriser l’internationalisme dans l’interprétation non seulement des instruments de droit uniforme, mais aussi des lois étatiques elles-mêmes610. Le succès obtenu par les PICC, dans cette fonction, notamment dans le cadre de l’arbitrage international, ainsi que dans la doctrine allemande et hollandaise611, laisse espérer pour l’avenir. En droit maritime, un recueil de principes fondé sur une doctrine de la théorie générale qui envisage l’existence d’un « ordre juridique maritime général » pourrait achever ce résultat. L’unification pourrait aussi être atteinte par l’interprétation des textes de droit national, en provoquant un rapprochement jurisprudentiel de disciplines différentes, dans la phase de leur application concrète et donc de la law in action. Mais l’efficacité de ces principes devrait être testée tout d’abord du côté de l’interprétation du droit maritime issu des conventions internationales.
58Si certains effets de cette démarche unificatrice pourraient être ramenés au phénomène de l’unification jurisprudentielle612, il n’en reste pas moins que la structure toute entière, où cette phase d’application du droit maritime est insérée, relèverait de la construction doctrinale, l’unification et l’interprétation du droit maritime devant être reconnus, enfin, comme l’œuvre de la doctrine et, donc, comme le résultat d’une élaboration scientifique.
SECTION 3. APPLICATIONS PRATIQUES DE LA SOLUTION DOCTRINALE POUR SURMONTER LES INCONVÉNIENTS DANS L’INTERPRÉTATION UNIFORME DES CONVENTIONS DE DROIT MARITIME
59Lorsqu’on à parlé des Principes généraux UNIDROIT, on a dit que l’une des fonctions pratiques qu’ils peuvent jouer dans l’immédiat est celle de favoriser l’interprétation uniforme du droit.
60Cela doit être apprécié soit du côté de l’interprétation des textes de droit uniforme, soit par rapport aux textes de droit interne. Il est important, en fait, que dans les domaines qui n’ont pas encore fait l’objet d’unification des règles de fond par les conventions internationales et où par rapport aux règles de droit interne applicables pour combler des lacunes éventuelles de celles-ci, l’interprétation des textes soit inspirée à l’« internationalisme », dans le sens que la discipline est appelée à régir un rapport de commerce international et doit se conformer aux exigences du droit international, représentées tout d’abord par le besoin de certitude et d’uniformité.
61Ce type d’interprétation peut être favorisé par la « méthode comparatiste », qui a déjà commencé à être employée quelque peu dans des matières spécifiques comme le droit maritime, où parfois les juges se réfèrent aux arrêts de la jurisprudence étrangère. Par rapport à ce phénomène, on a parlé d’« unification jurisprudentielle » et on a montré les démarches en présence et celles souhaitables pour favoriser la connaissance des arrêts des juges et des arbitres. Il n’en demeure pas moins que souvent la recherche de la solution à un problème juridique selon la méthode comparatiste entraîne des efforts remarquables, d’où l’intérêt pour les praticiens de pouvoir disposer d’un instrument comme celui prédisposé par l’UNIDROIT, issu de la compétence spécifique de savants reconnus au niveau mondial, suite à un travail de recherche mené durant de longues années sur échelle planétaire613.
62De façon plus générale, l’appréciation des Principes UNIDROIT, en tant que critère d’interprétation du droit interne, répond aux exigences de donner au cas concret la solution la plus indiquée en relation avec le contexte dans lequel le rapport de droit se pose. Comme il faut résoudre le cas concret de la manière la plus indiquée compte tenu de ce contexte, il est nécessaire que l’interprétation des normes concernant le commerce international doit tenir compte des exigences fondamentales de la communauté sociale agissant dans celui-ci et parmi lesquelles il y a l’unification de la discipline applicable. C’est donc sur la base de ce « critère téléologique » que le juge peut interpréter le droit interne notamment en tenant compte des Principes, quand des rapports de droit commerciaux internationaux sont concernés614. Cette approche, qui caractérise déjà la jurisprudence arbitrale, a été approuvée par la doctrine allemande moderne615.
63En ce qui concerne le droit maritime, l’interprétation des textes doit tenir compte non seulement des principes généraux et universels de droit du commerce international, mais aussi des autres principes spécifiques au droit maritime et dont la reconnaissance n’est pas du tout facile, puisqu’il n’y a pas eu dans ce domaine une démarche comme celle établie par l’UNIDROIT. Ces principes existent néanmoins et le problème de leur détermination se pose de la même façon qu’elle se posait par rapport au droit transnational avant la rédaction de la « codification souple » des PICC. Dans la recherche de ces principes il faut se servir donc des méthodes employées avec succès par l’UNIDROIT, tant sur la base de la « comparaison fonctionnelle », que « diachronique », pour tenir compte du côté historique. Le droit maritime demeure un terrain privilégié pour une telle recherche, puisque les démarches pour la codification rigide ont été menées largement en coopération avec les associations représentatives de la communauté sociale intéressée. Les textes uniformes et surtout leurs travaux préparatoires constituent des indices formidables des principes généraux du droit maritime. Mais, comme on l’a vu précédemment, la recherche et la « codification souple » des principes généraux du droit maritime devraient être menées sur la base d’un encadrement clair de théorie générale du droit. A ce propos, on a indiqué les avantages de la théorie qui envisage l’existence d’un « ordre juridique général », de telle sorte que l’interprétation puisse avoir une fonction réellement « unificatrice ».
64Les problèmes qui peuvent être observés par rapport aux traités diplomatiques pour l’unification, qui sont interprétés et appliqués de façon souvent différente dans les États membres, doivent être résolus pas le biais des conceptions doctrinales qui suggèrent l’interprétation uniforme et « unificatrice » sur la base des principes généraux du droit maritime. Il nous parait alors intéressant d’étayer nos propos par quelques exemples tels que la notion de “due diligence”, ou celle de “faute inexcusable”.
§ 1. Notion de « due diligence » et « diligence raisonnable »
65À cet égard, il y a eu des différences remarquables, dans les décisions des tribunaux, parmi les juridictions nationales, dont la cause à été identifiée dans la différence entre le texte français et celui anglais de l’article 3 § 1 des Règles de La Haye616. Le texte français parle en fait d’une « diligence raisonnable », tandis que celui anglais fait référence à la due diligence. Cette dernière expression a conduit certains tribunaux anglais, dans une affaire très connue617, à reconnaître la responsabilité de l’armateur transporteur pour des dommages procurés aux marchandises par l’innavigabilité du navire causée par la faute du réparateur auquel celui-ci avait été remis. Suite à cette solution, à la Conférence de Stockholm du CMI, une a été commandée à l’un des représentants de la Commission sur les clauses des connaissements, pour rechercher si l’interprétation issue de l’article 3 par la Chambre des Lords était en concordance avec la jurisprudence des autres pays. Le but de l’enquête était donc celui de rechercher s’il y avait des différences et, en cas de divergences, de tenter d’élaborer une règle interprétative uniforme618. La conclusion tirée de cette enquête, dans laquelle fut examinée l’interprétation donnée à cet article par les tribunaux de beaucoup d’États contractants, fut que l’article 3 n’avait pas donné lieu à des interprétations divergentes au sein des différents pays619. Le transporteur ne pouvait donc pas déléguer son obligation d’exercer une « diligence raisonnable » dans la mise du navire en état de navigabilité620.
66En réalité l’uniformité dans l’interprétation n’était pas acquise, alors que le rapport le laissait penser. En Allemagne, ainsi qu’en Suède, l’interprétation par les tribunaux de l’article 3 était fort différente de celle qui avait été donnée par la Chambre des Lords621. Si une interprétation allant dans le sens que l’armateur ne pouvait pas déléguer la « diligence raisonnable » qui tombait sur lui semblait avoir été affirmée, cela heurtait quand même avec toute la théorie des vices cachés. Cette interprétation était vivement contrastée par les délégués anglais à la Conférence de Stockholm du CMI, qui proposèrent un amendement pour éviter la responsabilité du transporteur quand il avait délégué le contrôle de la navigabilité à un chantier naval compétent622. Les supporteurs de l’amendement s’appuyaient, en fait, sur le principe de non responsabilité pour vice caché échappant à une diligence raisonnable623 pour affirmer que ce principe n’était plus respecté quand le transporteur était responsable à cause de certains vices dont il n’avait eu connaissance, parce que provenant de la faute d’un réparateur qu’il avait soigneusement choisi624. Cette thèse avait séduit les participants à la Conférence du CMI625 et le texte fut amendé selon la proposition anglaise626. Mais, enfin, les arguments exprimés par les représentants des Associations nationales de droit maritime contraires l’emportèrent définitivement lors de la Conférence diplomatique de Stockholm de 1967, où le texte du projet portant l’amendement britannique fut rejeté.
67Suite aux complexes vicissitudes vécues au plan de la rédaction internationale, constaté le bilan de la jurisprudence étatique des différents pays contractants, l’on peut en tirer la conclusion, pour favoriser l’interprétation uniforme dans ce domaine, que la diligence dont à l’article 3 ne peut pas être déléguée par le transporteur. Face aux remarques de ceux qui soutiennent que la reconnaissance de la responsabilité du transporteur bien qu’aucun reproche ne puisse lui être adressé dans le choix de la personne déléguée aux réparations (culpa in eligendo) reviendrait à adresser une « obligation de résultat » au transporteur, il faut par contre observer que la qualification de l’obligation du transporteur comme « obligation de moyen » demeure sur un plan distinct par rapport à la constatation que cette obligation doit être personnellement accomplie par le transporteur. Cette interprétation n’empêche donc pas que l’obligation du transporteur demeure une obligation de moyen et non de résultat. Le transporteur ne peut pas déléguer cette obligation, mais il lui suffit de satisfaire au standard de diligence requise.
§ 2. Unification doctrinale de la limitation de la responsabilité
68Lorsque la responsabilité est affirmée, le transporteur jouit néanmoins du bénéfice de la limitation de sa dette. Mais, quand le transporteur maritime est aussi un sujet visé par la LLMC, il peut en outre se prévaloir du système général de limitation de la responsabilité prévu par cette Convention.
69On peut remarquer que le transporteur jouira aisément du système général de limitation quand la LLMC est applicable, puisque celle-ci vise un certain nombre de sujets bénéficiaires. Il n’en va pas de même pour le droit italien, qui prévoit la limitation seulement au bénéfice de l’armateur. C’est ainsi que le besoin d’une interprétation uniforme de la discipline se fait sentir. Il nécessite une démarche doctrinale pour bien fonder la notion d’ « armateur » en droit maritime et la rallier à celle de « responsabilité »627. L’armateur est donc celui qui supporte les risques liés à l’exploitation du navire et qui doit par la suite bénéficier de la limitation de la responsabilité. Cette définition s’applique alors à ce que le droit italien qualifie d’armateur mais aussi, selon le droit anglo-saxon, à un ensemble de personnes qui peuvent être appelées en responsabilité et se prévaloir à une limitation de celle-ci. Cette solution de droit uniforme ne vaut que si tous les systèmes juridiques font référence au même phénomène juridique628. Sa responsabilité arrêtée, le transporteur aura donc toujours droit à la limitation de sa dette selon le système spécifique de limitation et, plus généralement, selon le système de la LLMC lorsqu’il entre parmi les sujets qui peuvent en bénéficier.
§ 3. La « faute inexcusable »
70Dans les deux cas, cependant, il ne sera pas admis au bénéfice « s’il est prouvé que le dommage résulte de son fait ou de son omission personnels, commis avec l’intention de provoquer un tel dommage, ou commis témérairement et avec conscience qu’un tel dommage en résulterait probablement »629.
71Surgit alors la question de savoir si on peut tirer du droit maritime en vigueur une notion commune de « faute inexcusable ». Face au problème de l’unification du droit maritime, il est clair que toute uniformité d’interprétation des concepts est fort souhaitable. Il faut donc essayer de mettre en place une interprétation la plus uniforme possible, pour que l’unité soit retrouvée en droit maritime630. Il y a pourtant certains auteurs qui ont dénié que cette expression ait la même teneur dans le système général et dans celui spécifique de limitation631.
72Cependant et dans les deux cas, la faute inexcusable est seule capable d’engager la responsabilité de son auteur. Après avoir dégagé les contours de cette notion (A), il nous appartiendra de démontrer qu’une certaine unification doctrinale est de mise (B).
A. Notion de « faute inexcusable »
73La notion de « faute inexcusable », développée par la jurisprudence française, dérive de la jurisprudence de droit du travail632 qui avait penché pour une interprétation in abstracto633, en considérant le comportement qu’aurait adopté le « bon entrepreneur de famille » placé dans les mêmes circonstances que l’auteur de la faute, pour voir si l’employeur s’y était tenu ou pas. Cette solution soulève le problème de l’« interprétation franco-française » des principes d’origine internationale et plus particulièrement des conventions internationales de droit maritime. Cela a provoqué l’« isolationnisme » de la jurisprudence française dont certains auteurs se plaignent par rapport à l’interprétation de l’article 4 de la LLMC, qui tendait à rendre « incassable » la limite de la responsabilité634. Il y avait, en fait, dans les pays anglo-saxons, une interprétation plus restrictive de l’exception prévue à l’article 4 au principe général de limitation de la responsabilité, sauf aux États-Unis, qui n’ont pas ratifié la LLMC et qui appliquent, comme cause de déchéance du droit à la limitation du shipowner, la owner’s privity or knowledge635 prévue dans la section 183 du 46 U.S.C636.
74Dans la comparaison entre jurisprudence américaine et française, on a constaté auparavant637 un phénomène d’unification jurisprudentielle. On a en fait observé la ressemblance de la jurisprudence française à la jurisprudence américaine de la constructive knowledge, telle qu’affirmée dans l’affaire du Linsee King638 et fondée sur un objective standard, in which the court ask not only what the owner actually knew but also what the shipowner should have known (éléments objectifs)639. Ces deux conditions aboutissent ainsi à dénier à l’armateur le bénéfice de la limitation de responsabilité non seulement sur la base de circonstances connues, mais aussi de celles qu’il aurait dû connaître.
75Mais à cette interprétation fondée pourtant sur des disciplines différentes pour sanctionner la responsabilité totale des armateurs dont l’image n’était souvent pas celle de l’impécuniosité, fait face aujourd’hui une tendance uniforme à réduire l’étendue de l’interprétation de la conduct barring the limitation. On peut remarquer cela soit sur la base de l’uniformité d’application de l’article 4 LLMC, par rapport aux pays contractants, soit en considération de la récente entrée en vigueur des nouveaux standards ISM en ce qui concerne les États-Unis, pour ne pas trop alourdir les conditions des armateurs américains face à leurs concurrents étrangers. Comme on l’a vu auparavant640 en observant la rigueur d’un Tribunal français dans la considération de l’absence des consignes d’organisation de travail et de sécurité en tant que cause de déchéance du droit à la limitation de la responsabilité de l’armateur, M Bonassies a soutenu que l’entrée en vigueur du code ISM, dont ces consignes constituent l’un des aspects majeurs (articles 7 et 8), ne pourra qu’inciter les juges à apprécier d’une façon encore plus sévère l’obligation des armateurs concernant les consignes de sécurité, non seulement pour la sécurité propre mais aussi pour celle due aux tiers641.
76Le soucis pour l’uniformité du droit maritime aboutit donc à l’espoir que l’interprétation de la faute de l’owner, surtout en ce qui concerne la théorie de la constructive knowledge, ou de la responsabilité fondée sur des éléments abstraits, se rallie à la construction de la faute « incassable » qui découle des travaux préparatoires de la LLMC, en vue aussi des rigoureux ISM Standards en vigueur depuis le premier juillet 2002. L’on peut ainsi remarquer l’exigence de rapprochement des régimes concernant la responsabilité de l’armateur, notamment pour des raisons économiques et dont la mise en œuvre concerne désormais le terrain de l’application de ces normes par la jurisprudence.
B. Unification doctrinale de la notion de « faute inexcusable »
77C’est ainsi qu’une interprétation uniforme de la notion de « faute inexcusable » doit être envisagée. Elle nous permettra de définir un concept universellement applicable en droit maritime. La difficulté dérive alors des divergences d’interprétation de l’article 4 de la LLMC. Mais elle se pose aussi par rapport aux différents domaines du droit maritime, notamment par rapport à la discipline de la déchéance du droit à la limitation de la responsabilité du transporteur et de l’armateur. Il reste cependant à vérifier si la faute inexcusable doit être appréciée selon les mêmes critères face au comportement de l’« armateur »642 ou du transporteur. On a vu, en fait, que cette question a déjà trouvé une réponse négative en doctrine643. Il faut alors vérifier si les conclusions sur le concept de conduct barring the right of limitation entre les juridictions américaines et française données pour les règles de l’article 4 de la LLMC sont valables aussi par rapport à la « faute inexcusable » du transporteur. Il faudra aussi savoir si les acquisitions récentes de la jurisprudence en matière de transport par rapport à la faute inexcusable peuvent être appliquées à l’armement.
78À notre avis, aucune distinction à ce sujet ne doit être admise, une interprétation uniforme de la faute inexcusable devant être affirmée en droit maritime. Toute interprétation contraire doit être ainsi rejetée, comme celle qui caractérise l’attitude de la jurisprudence française.
79La Cour de cassation française a, en fait, qualifié de « faute inexcusable du transporteur maritime » les fautes commises par ses préposés644, l’obligation du transporteur demeurant une « obligation de résultat »645, tandis que la faute inexcusable issue de l’article 4 de la LLMC n’a pas été interprétée de la même façon, la Cour de cassation ayant refusé646 d’assimiler la faute inexcusable du capitaine à celle de l’armateur.
80S’il est vrai que le transporteur demeure responsable des fautes commises par ses préposés, ainsi que par les contractants indépendants auxquels il aurait confié des opérations qui découlent de son obligation principale, tout cela concerne le rattachement de la responsabilité. Le bénéfice de la limitation de la responsabilité est reconnu à ces sujets responsables par les Règles de La Haye-Visby, qui prévoient aussi, aux articles 4.5 lettre e) et 4 bis alinéa 4, une cause de déchéance du bénéfice qui demeure tout à fait personnelle647. Mais, sur ce point, il faut préciser que la cause de déchéance est personnelle soit au regard des Règles de La Haye-Visby, soit au regard de la LLMC.
81De même, il faut affirmer que les nouvelles acquisitions en matière de faute inexcusable du transporteur doivent être également retenues pour l’armateur, dès lors qu’elles sont cohérentes et conformes aux instances du droit maritime.
82L’analyse de la jurisprudence française récente648 nous précise que l’exception à la limitation a été interprétée avec plus de rigueur qu’auparavant, en déniant la déchéance de la responsabilité dans une affaire inhérente à un contrat de transport. A notre avis, cette interprétation doit être entendue comme valable soit par rapport au transporteur, soit par rapport à l’armateur. En effet, il semble y avoir assez d’éléments pour admettre une interprétation uniforme de la faute inexcusable soit par rapport à l’armateur soit par rapport au transporteur. Deux raisons peuvent principalement justifier la légitimité de cet élargissement, l’une posant sur la cohérence des arrêts de la Cour de cassation et l’autre reposant sur des considérations politiques, sociales et économiques favorables à l’abandon de l’interprétation in abstracto de la faute inexcusable de l’armateur649.
83Ainsi, il apparaît tout d’abord que si la Cour de cassation n’a pas considéré la responsabilité de l’armateur de façon plus stricte que celle du transporteur en ce qui concerne l’étendue de la faute inexcusable par rapport au comportement d’autrui650, il n’y a pas de raison apparente pour que dans l’affaire Ethnos651 elle ait eu une attitude différente.
84Ensuite, il faut préciser que ce sont désormais des raisons économiques, puisant dans la globalisation de l’économie et dans la mondialisation de la concurrence, et des raisons d’harmonisation des règlements techniques visant la sécurité des navires, comme les nouveaux standards ISM, qui dictent l’abandon des conceptions pouvant alourdir les armateurs nationaux par rapport aux armements étrangers. La mondialisation de l’économie et de la concurrence ne peut pas tolérer des différences législatives importantes au regard de questions aussi importantes que celles touchant à la responsabilité. En d’autres termes, ce serait la nature même des choses qui réclamerait l’unité de la discipline. Pour cela, et dans le but de construire une interprétation uniforme, nous pensons que dans les différentes Conventions internationales de droit maritime analysées, la notion de faute inexcusable doit être appréciée selon une interprétation uniforme, dont l’étendue exacte doit être définie par l’œuvre conjointe de la jurisprudence et de la doctrine.
85Il y a en fait d’importantes questions à résoudre, dont la teneur dépend de la pratique du tribunal saisi, qui n’ont pas été réglées par des dispositions législatives spécifiques. C’est cet aspect qui nous préoccupera par la suite, notamment en ce qui concerne l’absence de tout débat lors des travaux préparatoires et celle de toute référence dans le texte de la LLMC, à la question de savoir à qui incombe la charge de la preuve. Cette question soulève un problème capital et des solutions complètement différentes ont été données par les pays de common et de civil law652. Emblématique à ce sujet est l’expérience des Tribunaux américains, devant lesquels les demandeurs doivent seulement prouver le lien de causalité entre le dommage subi et la faute du shipowner constituée par une négligence ou une condition d’innavigabilité du vaisseau653. La preuve de la fault or privity du shipowner654 ne doit pas être rapportée par eux, comme cela est le cas dans la plupart des pays de civil law dans l’application de la faute personnelle de l’article 1 de la convention de 1957, mais par le shipowner même655. Il doit alors prouver l’absence de cette cause de déchéance s’il veut bénéficier de la limitation. Il s’agit en réalité de rapporter une sorte de preuve négative656, une preuve « diabolique » comme elle a été souvent appelée dans la pratique du contentieux, nos tribunaux étant ainsi généralement mal à l’aise à la concevoir657.
Notes de bas de page
537 V., supra, Partie I, Titre II, Chapitre I, Section I, § 2.
538 “Si tende oramai ovunque ad abbandonare l’idea di un sistema di diritto che si presenti come logicamente completo e perfetto e quindi formalmente “chiuso”, ed a postulare in sua vece un sistema che sì trovi in uno stato di perenne sviluppo ed adeguamento, che sìa cioè “aperto” a nuove soluzioni eventualmente richieste per far fronte a problemi finora sconosciuti”, M. J. BONELL, op. cit.,p. 258.
539 V. B. GOLDMAN, précit. ; F. OSMAN, précit.
540 V. M. J. BONELL, précit. ; K. P. BERGER, précit.
541 “Within the complex process of developing an autonomous system of transnational commercial law, general principles of law perform an important “classifying function "with respect to the legal character and application of rules and standards contained in that system, [...] A new rule that is being discovered as an element of the lex mercatoria therefore always has to be harmonized with the general principles that form the basic pillars of transnational commercial law”, K. P. BERGER, op. cit., p. 222.
542 “L ‘idea di far rivivere l’antico ius commune che per secoli ha costituito une base giuridica unitaria in un’Europa politicamente divisa in una miriade di enti territoriali distinti e dotati di propri poteri ciascuno è vecchia quanto lo stesso movimento di unificazione. Considerata a lungo poco più di un’utopia e pertanto rimasta senza alcun seguito, ultimamente essa è stata autorevolmente riproposta come una reale esigenza di fronte ali attuale e per molti versi luti altro che soddisfacente situazione del diritto uniforme. In effetti, di seguilo al proliferare di convenzioni e di leggi uniformi aventi un campo d’azione estremamente circoscritto e frammentario, riferentisi cioè soltanto a specifici istituti o tipi contrattuali, il più delle volte senza neppure prevederne una regolamentazione esauriente, si avverte sempre di più il Insogno di disporre di un sistema normativo di principi e di concetti generali, cui potersi far capo per l’interpretazione e l’integrazione dei singoli prodotti di diritto uniforme”, M. J. BONELL, Unificazione del diritto, Enc. del dir., XLV, p. 727.
543 M. J. BONELL, Le regole oggettive, précit. p. 249 et 250.
544 “This objection is based on the restriction of the study to the technicalities of the formation of contracts, excluding other important legal problems of general contract law, such as the influence of mistakes, issues of representation, liability for damages etc. Limiting the research project to a small and pure technical field of general contract law was not only intended to ensure the feasibility of the project but was also due to a problematic understanding of the relationship of legal norms and general principles of law. For Schlesinger, a common core of legal principles contained in all major legal systems could only be developed “from the bottom up”. By that he meant an inductive approach, i.e. the development of solutions for concrete legal problems which could then serve as the basis for a general comprehensive system of rules, principles and standards. A deductive approach, i.e. the deriving of specific solutions for legal problems from general principles of law, was refuted by Schlesinger as an impermissible speculation [...] This view is apparently influenced by Schlesinger’s idea to start his research from a “factual approach”, i.e. from individual legal or factual problem solutions instead of superior social economic principles. The latter approach is chosen by the functional comparative methodology. [...] The difference between both approaches may only be of a marginal nature. However they provide an example of decisive weakness of a comparative law methodology that is based solely on individual cases. It fails to take into account the important interaction between legal axioms and individual norms, between legal principles and the law”, K. P. BERGER, op. cit., pp. 131 et 132.
545 “The UNIDROIT Working Group was aware of the fact that a comparative methodology that is limited to the analysis of isolated legal problems is not able to reflect a close interconnection and resemblance of different legal institutions and rules, thereby reducing the value of the method as a means to provide legitimacy to transnational law. Legal rules and principles, no matter how technical or mechanical their nature may be, can only be understood, analyzed, and applied in practice when they are seen in the context of the general principles of law on which they are based”, K. P. BERGER, ibid..
546 “The Lando project is not necessarily limited to international legal relationships. The drafters shared the general aversion to specific domestic statutes for international cases. This may be a feasible approach for the unification of contract law on the UE-level, where de notion of consumer protection has always played a pivotal role. However, this approach would mean the certain death for a world-wide restatement of international contract law”, K. P. BERGER, op. cit., p. 205.
547 V., supra, Partie I, Titre I, Chapitre III, § 2.
548 M. BUSSANI, “Integrative” Comparative Law Enterprises and the Inner Stratification of Legal Systems, précit., p. 89.
549 « UNIDROIT est une organisation internationale voulue par les États qui décident souverainement d’y adhérer et d’en financer les activités. J’ai le souvenir des réunions tenues annuellement au ministère français des affaires étrangères où étaient passées en revue les activités de l’organisation dans le but de donner des instructions au diplomate en poste à Rome qui représentait notre pays ou au membre français du Conseil de Direction. Je puis donc témoigner que les Principes de l’UNIDROIT, au cours des vingt années de leur élaboration, ont été étudiés, encouragés et approuvés avec le même soin que nous le faisons pour une convention internationale », J. P. BERAUDO, Harmonisation du droit des contrats : une perspective européenne. Rev. dr. unif., 2003-1/2, p. 138.
550 K. P. BERGER, op. cit., p. 135.
551 K. P. BERGER, op. cit., p. 136.
552 K. P. BERGER, op. cit., p. 137.
553 V., infra, Partie II, Titre I, Chapitre I, Section I.
554 “A model low is a “statutory text negotiated on the international plane and intended to he adopted in toto or in part and to supplement domestic law in all those States whom it may concern”. The adoption of the model law is therefore depending solely on the persuasive authority of those who have drafted it. There is thus an inherent risk in the model law technique: the unification efforts may he frustrated by the Stales’ refusal to adopt the law or by substantial modifications made by the legislatures who adopt it”, K. P. BERGER, op. cit., pp. 152 et 153.
555 V. ANNEXE A.
556 K. P. BERGER, op. cit., p. 153.
557 K. P. BERGER, op. cit., p. 178.
558 M. B. BONELL, précit. ; K. P. BERGER, op. cit.
559 Cette clarification doctrinale répond aux préoccupations de ceux qui craignent l’impossibilité de faire valoir l’application des Principes en tant que « loi applicable » devant les tribunaux étatiques. Cf. par exemple A. S. HARTKAMP, Modernisation and Harmonisation of Contract Law: Objectives, Methods and Scope, Rev. dr. unif., 2003-1/2, p. 87: “it is of the utmost importance that national and international instruments be adopted in order to make it clear that parties to an international contract arc permitted to choose a given set of Principles of contract law as the law applicable to their contract even in litigation before State courts”.
560 “The principles are an indication of the existence of transnational legal rule, they are therefore a possible source of the lex mercatoria, but should not be confused with the lex mercatoria”, K. P. BERGER, op. cit., p. 179.
561 K. P. BF.RGFR. op. cit., p. 146 et s.
562 K. P. BERGER, op. cit., p. 141 et s.
563 “In order to justify the application of a certain legal principle or rule of transnational law. international arbitrators may refer to a collection of the lex mercatoria developed by “neutral” scientists and practitioners instead of having to base their decisions on a single arbitral award which may suffer from an ideological or economic basis”, K. P. BERGER. op. cit., p. 143.
564 V., en ce sens, E. LOCQUIN. F. OSMAN et K. P. BERGER. précit.
565 “The generality of the principles and rules contained in the UNIDROIT Principles, the complex assessment process and the weighing of interests that is necessary for their proper application are by no means proof of a lack of practicability. Rather, they are indications for the quality of international commercial law as a “law in action” which is in a state of constant evolution through international practice. In the context of international commerce and trade, this important function is performed by international arbitrators striving to reach equitable and reasonable solutions for commercial disputes. It is through their decision-making that the UNIDROIT Principles “are filled into life”. This reflects the general experience that general principles of law and standards of conduct do not have legal effects in abstracto, but have to be integrated into a law-finding and norm-creation process. In the context of transnational commercial law, this is the functional comparative methodology and the institutional creation of the law”. K. P. BERGER, op. cit., p. 174.
566 K. P. BERGER, op. cit., p. 192.
567 M. J. BONELL, Unifcazione del diritto, precit., p. 727.
568 “In spite of this reproductive function, the principles and rules contained in the Restatement are formulated like black letter law in order to ensure a maximum degree of “clarity, brevity, consistency, uniformity and accessibility”. This however is only a question of wording and does not change the character of the Restatement as a mere reproduction of the common law of contracts, the practical validity of which depends entirely on the authority of the American Law Institute”, K. P. BERGER, op. cit., p. 121.
569 Cf. K. P. BERGER, op. cit., p. 122.
570 “This “gentle pushing” of transnational commercial contract law by the UNIDROIT Working Group did not happen in a legal vacuum without any methodical underpinnings. The functional comparative methodology is not simply a mere interpolation of the legal systems under review or a mere ascertainment of compromises. Rather, it is generally acknowledged that research based on a functional approach to the comparative method leads to a definition of rules and principles which are not to be found in the legal systems that are the subject of the research”, K. P. BERGER, op. cit., p. 155.
571 “The American common law of contracts is based on a long standing and generally acknowledged methodical framework created by the “stare decisis doctrine” and the “weight of authority test” while in the context of the UNIDROIT Principles, the very existence of the rules and principles reproduced therein is vividly disputed. In this respect it must be conceded that the American Restatements assume higher degree of authoritative force than the UNIDROIT Principles”, K. P. BERGER, op. cit., p. 156.
572 K. P. BERGER. op. cit., p. 121.
573 “Suggestions that the Principles should at some point in time he transformed into an international convention should be seen with utmost scepticism. Informal, not formalized codification of transnational commercial law is the order of the day”, K. P. BERGER, op. cit., p. 154.
574 J. P. BERAUDO, op. cit., p. 139.
575 J. P. BERAUDO, op. cit., p. 140.
576 K. P. BERGER, op. cit., p. 228.
577 K. P. BERGER, op. cit., p. 208.
578 “It has already been acknowledged that the idea of “creeping codification” through the drafting of lists of rules and principles of the lex mercatoria provide an escape out of the codification dilemma of transnational commercial law”, K. P. BERGER, op. cit., p. 210.
579 “It has already been emphasized in this study that it is one of the main tasks of scientific and practical research in the field of the lex mercatoria to avoid the creation of an inflexible, rigid and predetermined system that leaves no or only little room for the further development of this doctrine. This leads to a process of cross-fertilization between the decision-making work of international arbitral tribunals and the list. The list derives a substantial input from the case load of international arbitration, while international arbitrators may use the list and the comparative references contained therein to “discover” new rules or principles of this transnational legal commercial system. This means that the lists are never “completed” or “closed”. Although in its initial for a list may not contain the solution to a certain legal issue of transnational law, a later version may very well include a principle or rule that has been acknowledged in international arbitral or contract drafting practice. Here is the decisive advantage of this non-formalized codification procedure when compared to formalized approaches taken by the UNIDROIT Working Group and the Lando-Commission”, K. P. BERGER, op. cit., p. 219.
580 A. SCIALOJA. op. cit., p. 18 et s.
581 A. Von ZIEGLER, op. cit., p. 232.
582 A. Von ZIEGLER, ibid.
583 BRUNETTI, op. cit., pp. 13, 64, 264, 265. V. aussi G. RIGHETTI, Trattato, I. 1, précit., p. 57 et s. V., amplius. supra. Partie I, Titre I, Chapitre II, Section III, § 1.
584 Cf. E.. O. QUERCE Introduzione alla scienza giuridica marittima, Trieste, 1999. E. O. QUERCE Analisi del diritto marittimo. Trieste, 1999. E. O. QUERCI Evoluzione nel diritto marittimo. Trieste, 1999.
585 “Sotto il profilo diacronico, ciò che veramente conta, perché si abbia un ordinamento giuridico marittimo generale, è che i sistemi parziali (ad es. quelli statuali, nazionali, ed ora anche quello europeo comunitario) si unifichino nel sistema totale, e la formazione dei sistemi si svolga e si sostanzi attraverso principi generali di varia estensione e di differente provenienza, da quelli massimamente generali che fondano il sistema totale, a quelli di media generalità, che valgono ad identificare i sistemi parziali nei quali poi rientrano singoli istituti giuridici. Talché si viene delincando l’abbandono della figura di un ordinamento giuridico chiuso, fondalo su una concezione rigida della sovranità territoriale, ad una figura di ordinamento giuridico marittimo generale aperto, e comprensivo dei rapporti con i sistemi giuridici esterni ed interni”, E. O. QUERCE Analisi del diritto marittimo, précit., pp. 17 et 18.
586 “Se la conoscenza scientifica costituisce un sapere, e per ciò stesso si contrappone all’arte, che è un fare, tuttavia anche per sapere bisogna fare : e questo fare non può non essere ordinalo secondo regole, se vuole essere non già un fare empirico, ma un ‘attività che appunto conoscendo se medesima, può soltanto in questo modo stare alla pari della conoscenza scientifica. [...] Ma quali le regole per conseguire il risultato ? Quali cioè le regole dell’attività scientifica diretta a porre le regole dell’esperienza giuridica ? Non occorrono particolari sforzi di penetrazione per accorgersi che lutto si incentra, di può dire, sul dato, È la natura del dato che comanda il metodo (Scarpelli). Ora, se la materia del diritto marittimo sono le norme giuridiche, e quelle estratte dalla consuetudine e dagli usi marittimi, le norme a loro volta si atteggiano ad oggetto intelligibile e non sensibile. Per avere il dato, occorre, dunque, riferirsi agli alti digrediti infatti giuridici”, E. O. QUERCE op. cit., pp. 19, 20, 21. Sur le phénomène de la digression des actes juridiques en faits juridiques, v. M. S. GIANNINI : “La realtà effettiva in cui l’atto si concreta può essere presa in considerazione da altre norme, che prescindono dal suo essere realtà avente un autore (realtà voluta), e la assumono solo in quanto realtà avverata, ossia in quanto avente una storicità individua : essa è così qualificata non più come atto, ma come fatto, ai fini della produzione di effetti giuridici che interessano non l’autore dell’atto ma l’ordinamento”, M. S. GIANNINI. Diritto amministrativo. II, Milano, 1993, p. 89.
587 “Ma questi atti non sono soltanto gli atti legislativi che pongono il comando, ma anche le convenzioni internazionali, il novero sempre più complesso delle consuetudini marittime e degli usi sempre in incessante mutazione ed evoluzione. Tutti gli atti (fatti giuridici) nei quali il comando vive e, pertanto si mostra, costituiscono invero materia di osservazione”, E. O. QUERCI, op. cit., p. 21.
588 E. O. QUERCI, op. cit., p. 236.
589 “Di qui la necessità che il diritto marittimo antico, in quanto ricostruibile storicamente, lungi dall’essere un relitto inservibile, debba essere invece utilizzato, nelle somiglianze e nelle dissomiglianze, in sede di feconda strumentazione comparativa diacronica, non solo con il diritto marittimo moderno, ma anche con gli altri diritti moderni. Perché risulterebbe fatto dì una tutta stolidità il rinserrare porte ed occhi di fronte ad una sì ricca, fascinosa, gloriosa ed ardimentosa esperienza giurìdico economica, di cui è portatore in sommo grado il diritto marittimo antico”. E. O. QUERCI, op. cit., p. 73.
590 E. O. QUERCI, op. cit.
591 “La fondamentale novità della metodologia giuridica che governa il diritto marittimo risiede appunto nelle guise formative dei concetti giuridici [...] Il diritto marittimo segna così il trapasso dai concetti giuridici astratti ai concetti giuridici concreti [...] Quello che cambia è il procedimento formativo dei concetti giuridici, che scaturiscono dalla prassi economica marittima, dalla consuetudine, dagli usi e, talvolta, anche dal caso non reiterato”. E. O. QUERCE op. cit.,pp. 44 et 45.
592 “Costituiti cosi i concetti e ordinati ì fenomeni, sarà possibile sceverare i rapporti di concomitanza e di incompatibilità fra di essi, cioè le leggi che li governano. Queste leggi sono le regole dell ‘esperienza giuridica che la scienza ha lo scopo di offrire alla pratica, perché la pratica sappia comportarsi nell’applicazione dei comandi”, E. O. QUERCI, op. cit., p. 23.
593 “Contro ogni vuoto “normativismo” questo Koncretes Ordungsund Gestaltungsdenken attinge il diritto dalla naturale ed etica strutturalità della vita di una popolazione dedita ai traffici marittimi, all’emporialità, in tutte le sue variegate manifestazioni, e lo sviluppa come un concreto ordinamento dì vita di una comunità portuale-marittima. Di tal che il diritto marittimo, nella segnata concezione, non è affatto una somma di regole astratte, ma un organico ordinamento di vita, che trova la sua scaturigine e il suo contenuto non da considerazioni teleologiche di opportunità, bensi dalla stessa intrinseca regolarità di relazioni economiche, dall ‘identico ed omogeneo sostrato sociale, concepiti in funzione di una peculiare visione della sociétà dedita al lavoro, ai commerci, alla dinamica dei mercati di paesi remoti, al “contatto giuridico” con operatori economie ! giammai cogniti. In verità, con minori fumisterie retoriche e teoriche, diritto marittimo è ciò che gli operatori di remoti paesi e di difficili mercati riconoscono corne tale, e volendo esemplificare. esso è caratterizzato dai valori del coraggio indomito e dalla limpidezza e dalla trasparenza delle transazioni, che divengono addirittura l’espressione peculiare e storicamente caratterizzato di una comunità operante ed operosa portuale, non comparendo, con tale nettezza e significato, questi caratteri, nel diritto di ogni altro popolo”, E. O. QUERCI, op. cit., pp. 31 et 32
594 “Volendo cosi procedere coerentemente dalla scienza costruttiva del diritto marittimo, va eonsiderato che essa considera il diritto positiva come strumento concettuale ordinatore e conformatore della comunità marittima. portuale, emporiale, e lo sottopone a quella consapevole trattazione ricostruttivo-sistematica, che corrisponde poi alla sua vitale e strutturale essenza.[...] Le comunità marittime e portuali, cui reiteratamente si fa riferimento, dal punto di vista sociologico possono assumersi nella loro configurazione strutturale tipica delle formazioni sociali : le c. d. categorie di struttura sociologica, che pur essendo il risultato di un processo di astrazione, quindi, non potendo acogliere in sé nella pienezza e del tutlo esaurire il contenuto dei fenomeni sociali studiati, debbono rifletterne la peculiare storicità, la concreta esislenza nella dimensione delia durata storica, senza mai degradarli a casi di leggi valide al difuori del tempo (H. Freyer)”, E.. O. QUERCI. op. cit., pp. 34 et 35.
595 “si può agevolmente rilevare che il “ciclo della vita del diritto marittimo”, nel suo svolgimento diacronico e nella valutazione unitaria dei suoi fondamentali moment ! (prassi marittima internazionale, consuctudini, usi, convenzioni internazionali, legge). e nella contemplazione ed illuminazione in eut può versare lo “stileta”. viene ad integrare una vicenda che trova il suo motivo dominante, il ritmo delia sua articolata esislenza. in un continuo translare dalla coneretezza immediata dei giudizi operanti e delle statuizioni, che incidono sul piano délia vita marittima comune. alla astrattezza, alla generalità, alla tipicità della norma di legge. [...] V’ha una continua translatio, cioè, dal conereto della prassi all’ astratto della norma e dalla consuetudine alla prassi [...] Il suo accennato circolo, che non eostituisce proprio un procedimento lineare (per queste nozioni rinviasi al Carnelutti), nel quale, volendosi comprendere la natura e lo svolgimento, ogni momento non rimane occluso e concluso net conftni délimitativi di una impossibile autosuffieienza. ma si profila inscindibilmente connesso con gli altri che lo precedono e che lo seguono, in una significante relazione di mutuo e virtualmente illimitato condizionamento. [...] Costituirebbe veramente unfuor d’opera tentare ancora una volta, dalla prescelta angolazione, slagliare una configurazione della peculiare determinazione di uno di essi. indugiando cioè nella prospettazione di uno piuttosio che di un altro contenuto della volontà o in génère dell azione consapevole, del tratto autentieamente discretivo e decisivo, per il quale il momento giuridico si importe, si esprime, si estende. involgendolo tutto. nell’ambito di questa più ampia esperienza denominata appunto prassi marittima internazionale, nelle sue piii tecniche e fenomenicamente variegale epressioni attuative”. E. O. QUERCI, op. cit., p. 64 et s.
596 E. O. QUERCI, Analisi, précit, p. 160, 115.
597 E. O. QUERCI, op. cit., p. 87 et 88, 105.
598 Pour un approfondissement de cette conception du point de vue de la philisophie du droit v. HART, The concept of law, Londres, 1961.
599 Cf. SANTI ROMANO, S. M. GIANNINI, PIRAS, FALZEA, MODUGNO, GOLDMAN, OSMAN, BERGER.
600 “Nella sistemazione scientifica da noi offerta, la norma fondamentale si identifiai nel criterio supremo che permette di stabilire l’apportenenza di una norma all’ordinamento giuridico marittimo ; in altre parole, viene a coincidere con il fondamento di validità di lutte le norme del sistema : essa décide se una norma è diritto marittimo, se un’altra non è diritto marittimo”. E. O. QUERCI, Evoluzione, précit., p. 185.
601 E. O. QUERCI, op. cit., p. 125.
602 “La promozione, la sviluppo, il potenziamento. l’attuazione programmatica. l’esecuzione spedita. ognora possente di tutti gli strumenti, mettenti capo, in via immediata, mediata. diretta ed indiretta. statualmente, internazionalmente, al commercio marittimo, alla libera circolazione delle merci, rappresentano il vario, il plurale, ed articolato atteggiarsi della richiamata e cennata norma. Nave. infrastrutture, tiloli giuridici adempiono ad una funzione affatto mediate e servente nei confronti del ruolo fondamentale per l’economiu mondiale, ormai globalizzata nei suoi mercati e nei suoi traffici e in lutte le sue finali articolazioni, esplicato dal commercio marittimo internazionale. Questa è la monade a sé, il sostrato socio-economico, e la sua forma giuridica consiste nella c. d. norma fondamentale, che identifica l’ordinamento del diritto marittimo, costituendone I oggetto centrale ed avanzato, con l’ufficio di operare il coordinamento sostanziale e formule di lutte le altre norme fondamentali di rango però subordinato”. E. O. QUERCI, Analisi, précit., pp. 87 et 88.
603 Ce phénomène a fait l’objet d’études de la part d’éminents auteurs italiens, parmi lesquels E. BETTI, A. FALZEA, A. PIRAS et il est ainsi défini dans l’œuvre de E. O. QUERCI : “Per subbiettivizzuzione si intende quel professa in forza del quale la norma trasta du un modo di essere astratlo ad un modo di essere concreto, diventa cioè, in costanza di talune situazioni di fatto tipiche, che essa regola, contempla e prevede, comando attuale che a tali situazioni conferisce il significato giuridico e la legittimazione operativa alla concretizzazione dei rapport ! giuridici successivamente e consegueziariumente concretizzuti o concretizzabili”, E. O. QUERCI, Analisi, précit. p. 102.
604 “Allorché viene compiuto l’atto di commercio, la norma fondamentale, che esprime un effetto qualificatorio puro (Giannini M. S.), in ordine allo stesso, lo munisce e lo guarnisce di rigoroso formalisme) giuridico, segnando le posizioni di venditore, di compratorc, di nolcggiante, di noleggiatore, di vettore, di terzo destinalurio della polizza di carico etc. Inizia cosi a scalare ed a cascata il processo di concretizzazione e di costituzione delle varie e rispettive situazioni giuridiche soggettive. [ ...] Nel solco prefigurato, ogni disarticolazione, ogni discostamento, ogni aporia materiale e giuridica vengono sconfitti e possentemente riportali dalla norma superiore regolatrice sotto il principio ineludibile e sanzionatorio del formalismo giuridico, il quale riacquista, nella mondializzazione dei mercati e con l’impetuoso avvento della telematica e delle sue conseguenti straordinarie invenzioni di comunieazionc, ma anche delle sottostanti e perniciose sofisticazioni sovvertitrici, una ineliminabile operatività, ancora più imprescindibile ed indeclinabile. [...] a noi qui interessa, nella descrizione del fenomeno subiettivo, riferito alla norma monade reggente l’intero ordinamento, intesa come forza ideale che opera alla scopo di realizzare una certa conformazione equilibrutoria degli interessi economies ed umani esistenti in un data scenario, segnarne il ruolo fondamentale ed unificante, di dominio e di egemonia dei grandi, globalizzati ed internazionalizzati mercati dei traffici marittimi e della libera circolazione delle merci, dei capilali e delle navi”. E. O. QUERCI, Analisi, précit., pp. 103 et 104. (C’est nous qui soulignons).
605 “Il nostro discorso non mira, ma cospira al disegno possente ed organico dell ‘unificazione giuridica marittima”, .E. O. QUERCI, Analisi, précit., p. 81. “Il principio del formalismo giuridico ispiratore della costruzione dogmutieo-sistemulica dell’ordine giuridico murittimo agisce, in termini di unificazione, sia come principio di carattere materiale, sia in forza di una .norma fondamentale contenutistica, sia sulla scorta di una norma riguardata sotto un aspetto formate. Il principio del formalismo giuridico, infatti, vale come principio di unificazione, che prescinde dal contenuto specifico delle singole norme e che sia tale da poter giustificare, come unitaria, qualsiasis pecie di contenuto. Si può, quindi, discorrere di un principio di unità formale e materiale attuata attruverso una sistemuzione dei contenuti, a cui provvede lo strumento della concettuulizzuzione e della dogmatica marittime. Il diritto murittimo internuzionule è un tipico esempio di sistema basato sulla unificazione, attruverso un principio formule che segnu i confini dell’ordinamento sulla buse di criteri gnoseologici di qualificazione della varia fenomenologia giuridica, che viene posta dalle fonti del diritto e dall’ordinamento. L’unità del sistema giuridico murittimo viene così posta esteriormenle du un mero fatto formale, cioè individuata con l’esigenza di riunire le varie fonti di produzione del diritto marittimo, in modo che siano manifestazioni di una stessa identicu idea informatrice, estrinsecazioni di un identico principio ontologico, che, nella versione giuspositivistica da noi acculta, non può essere concepito come avulso dall’esperienza giuridica marittimo” E. O. QUERCI, Evoluzione, précit., pp. 208 et 209.
606 Il faudrait en fait distinguer entre l’interprétation « technique », qui est cantonnée à la phase de l’application du droit, et celle « scientifique » (E. O. QUERCI, Analisi, cit, p. 167, 170, 179,1 98), qui est opérée par la doctrine, dont la tâche est celle de ramener les normes concrètes à l’unité systématique : “l’atto interpretativo può essere configurato come il momento che sta a sostanziare ogni ulteriore attività costruttiva e sistematica, in quanto anche questa postula necessariamente una esplicazione dei motivi e dei principi normativi unitari ... nel che sta il pregio dell’opéra dell’attività scientifica del diritto marittimo, su cui abbiamo insistito in via soverchia, e più volte, che cospiri a costruire il diritto marittimo come un sistema giuridico completo, e a concepirlo in termini di unità, e con una hen delineata funzione unificante”, E. O. QUERCI. Evoluzione, précit., p. 37.
607 “La struttura compositiva dell ‘ordinamento giuridico marittimo internazionale, con l’intervento permanente e fluente delle sue plurime e coesistenti fonti, risulta sempre completa. Allora, può ben discorrersi che il problema delle lacune del diritto marittimo, come ha opportunamente messo in luce G. BRUNETTI, viene a ridursi a quello delle fonti e al corretto esercizio della descritta tecnica dell’interpretazione e della addilata ed invocata metodologia giuridica, che debbono osservare il giurista e la sua meritoria opera”, E. O. QUERCI, Analisi, précit., pp. 225 et 226.
608 K. P. BERGER, op. cit., p. 207.
609 “l’astuzia della tecnica dell interpretazione sta appunto nell ‘affermazione della completezza, dell ‘unità e dell autonomia del sistema giuridico marittimo, attraverso il rispetto de ! rilievo giuridico da assegnare, per la soluzione dei casi singoli, e per la disciplina delle varie ed in numeri fattispecie negoziali prospettate dal libera esplicarsi del commercio internazionale, alle plurime fond del diritto marittimo, e nello sconfiggere, ad esempio, il problema delle antinomie delle singole soluzioni promananti dalla disciplina e dal regolamento posti dalle varie e plurali fond”. E. O. QUERCI, Analisi, précit., p. 229.
610 “An internationally useful method of construction inspired by the UNIDROIT Principles would help to avoid frictions between transnational and domestic law, thereby bridging the gap between domestic legal Systems and the lex mereatoria”, K. P. BERGER, op. cit., p. 184.
611 Cf. K. P. BERGER, op. cit., pp. 189, 190, 191.
612 V., supra, Partie I, Titre II, Chapitre II.
613 K. P. BERGER, op. cit., pp. 142, 143, 185.
614 “There is a basic methodical substratum for the development of an international methodology of interpretation based on the UNIDROIT Principles. This view finds support in the general experience that the choice of the “correct” method of interpretation in an individual case is always based on a teleological evaluation of the possible results with a view to ensuring the acceptability of the solution within a given social order”, K. P. BERGER, op. cit., p. 188.
615 “German legal scholars have suggested that in international cases the Principles should be used to strive for a more adequate interpretation of the contract law of the German Civil Code”, K. P. BERGER, op. cit., p. 190.
616 « La Commission est arrivée à la conclusion que les efforts en vue d’arriver à une règle interprétative uniforme sur ce point se heurteront à une différence d’opinion fondamentale esquissée ei dessous, à savoir :
La Convention dans l’édition originale française d’une part et l’attitude de la loi Anglo-Saxonne de l’autre ». Rapport de la Commission sur les clauses des connaissements. Conférence de Stockholm du CMI de 1963, procès verbal p. 90. Publié in The Travaux Préparatoires of the Hague Rules, précit., p. 149.
617 Chambre des Lords, Muncaster Castle [1961] 1 Lloyd’s Report, p. 57.
618 « La Commission internationale m’a chargé de recueillir des renseignements au sujet de l’interprétation donnée dans les principaux États contractants à la disposition de l’article 3(1) de la Convention de 1924. Le but de cette enquête est notamment de rechercher si la décision en 1961 par la Chambre des Lords (The “Muncaster Castle” [1961], Lloyd’s Rep. pp. 57/91) est en concordance ou non avec la jurisprudence des autres pays. En cas de divergence, il pourrait être utile de tenter d’élaborer une règle interprétative permettant d’assurer l’uniformité du droit maritime sur ce point ». Rapport de M. Van RYN, chargé de l’étude, The Travaux Préparatoires of the Hague Rules, précit., p. 150.
619 « Conclusion. Sauf une légère réserve en ce qui concerne le droit suédois, il semble que dans tous les pays ci-dessus mentionnés, le transporteur soit considéré comme responsable des fautes ou négligences commises par les tiers (sociétés de surveillance, bureaux de classification, chantiers de réparation, etc.) auxquels il s’en remet pour la vérification de l’état du navire et pour l’exécution des réparations nécessaires. Il ne semble donc pas que l’article 3(1), ait donné lieu à des interprétations divergentes ». Conclusion du rapport de M RYN, ibid.,
620 En Italie ce principe avait été affirmé par la Cour de cassation par un arrêt du 20 mars 1959, Dir. mar., 1959, p. 359 et s. La Cour dit en fait que “il vettore è obbligato in proprio, prima e all ‘inizio del viaggio, ad usare la normale diligenza perché la nave sia apprestata in stato di navigabilità”. V. égal. S. M. CARBONE, qui tire de cet arrêt la conclusion que “il vettore non potrà invocare a propria difesa la circostanza di aver delagato ragionevolmente tali compiti a propri dipendenti o anche terzi nell’ambito delle cui competenze spécifiche rientrano alcune attività necessarie al fine di garantire la navigabilità della nave”, CARBONE, Le regole di responsabilità del vettore marittimo, dall’Aja ad Amburgo attraverso la giurisprudenza italiana précit., p. 51
621 La jurisprudence allemande n’avait pas été insérée dans le rapport de M. RYN : « Je voudrais signaler que, par suite d’un malentendu que je regrette vivement, il n’est pas fait mention dans mon rapport de l’état de la jurisprudence en Allemagne. Je le regrette d’autant plus que, suivant les renseignements que j’ai, la situation en Allemagne est assez différente de celle des autres pays puisque, si je ne me trompe et nos collègues allemands voudront bien rectifier si je commets une erreur - en Allemagne la jurisprudence admet une solution contraire à celle adoptée dans l’arrêt du “Muncaster Castle”. Elle considère que le transporteur n’est responsable que s’il a commis une faute dans la désignation de la société de classification ou du chantier de réparation auquel il s’est adressé. C’est seulement en cas de culpa in eligendo que le transporteur est responsable. Je m’excuse d’avoir dû ajouter oralement ce complément à mon rapport mais, étant donné qu’il s’agit d’une jurisprudence qui est précisément en sens opposé de la plupart des jurisprudences européennes, j ‘ a i voulu immédiatement signaler cette lacune de mon propre rapport à l’assemblée en m’excusant auprès de mes collègues allemands et auprès de la commission elle-même », The Travaux Préparatoires of the Hague Rules, précit., p. 156
622 Le principe à la base de l’amendement britannique fut refusé nettement par BERLINGIERI, représentant de l’Association de droit maritime de l’Italie, lors de la Conférence plénière du CMI à Stockholm : « Monsieur le Président, Messieurs, la délégation italienne a examiné avec beaucoup de soin pendant les deux derniers jours l’amendement anglais et elle est arrivée à la conclusion qu’elle ne peut pas appuyer cet amendement et que la décision du “Muncaster Castle” est très saine. La délégation italienne est d’avis que la proposition britannique, si elle était acceptée, romprait l’équilibre qui existe actuellement entre le transporteur et le propriétaire des marchandises. Suivant notre loi il y a une règle “in tort” suivant laquelle le commettant est uniquement responsable de ses fautes personnelles et des fautes de ses préposés alors qu’il n’est pas responsable des fautes d’un sous-traitant indépendant mais ce principe ne s’applique pas aux relations contractuelles, En matière de relation contractuelle le commettant est responsable non seulement de ses fautes personnelles et de ses préposés mais également des fautes de ses sous-traitants indépendants. La raison pour laquelle ce principe a été approuvé par notre loi est que le commettant est la personne qui prend soin d’une entreprise et qui jouit de tous les avantages que cette entreprise peut lui procurer et que, puisqu’elle bénéficie de tous ces avantages, elle doit subir les pertes et les dommages pouvant résulter de l’entreprise. C’est la raison pour laquelle elle doit être responsable même si elle a recours à un ou des sous-traitants indépendants. Il y a bien entendu quelques exceptions à ce principe dans la Convention de Bruxelles de 1924, le plus important concernant la non-responsabilité du transporteur pour des fautes commises dans l’administration du navire mais ceci est une exception et nous ne pouvons pas étendre davantage ce principe. Nous pensons que si la proposition britannique était acceptée, le propriétaire du navire pourrait en toutes circonstances échapper à sa responsabilité en ayant recours pour accomplir ses obligations à des sous-traitants indépendants au lieu de préposés. Il pourrait, par exemple, avoir recours à des sous-traitants indépendants pour effectuer l’arrimage à bord du navire et dans pareil cas il ne serait plus responsable. Avant de commencer le voyage il pourrait demander à un expert de la société de classification d’effectuer une visite à bord du navire afin de se rendre compte de la navigabilité du navire. Si cet expert déclare que ce navire est navigable alors, conformément à la proposition britannique, le propriétaire du navire n’encourra plus aucune responsabilité et nous estimons que cela est mauvais », The Travaux Préparatoires of the Hague Rules, précit., p. 170 et 171.
623 Art. 4 § 2 p).
624 Cet argument est cependant efficacement contrasté par le commentaire de l’amendement fait par le délégué français PRODROMIDES lors du débat à la Conférence plénière du CMI à Stockholm : « Il est bien évident que, pour pouvoir se prononcer sur la question, il faut savoir ce que la décision du “Muncaster Castle” a dit exactement. Nous ne l’avons pas sous les yeux. Nous l’avons tous étudiée mais nous ne l’avons pas très clairement à l’esprit. Si mes souvenirs sont exacts, la question se présentait de la façon suivante : vous savez que, d’après la Convention de Bruxelles, il y a deux cas d’exonération de responsabilité en faveur de l’armateur.
1° il n’est pas responsable en cas de vice caché du navire, un vice caché ayant échappé à sa due diligence. Dans tous les pays nous avons une jurisprudence à peu près unanime qui explique ce que l’on entend par vice caché : c’est l’article 4(2) de la Convention.
2° Puis vous avez l’article 4(1) qui dit que l’armateur n’est pas responsable en cas d’innavigabilité du navire mais à la condition qu’il ait exercé la due diligence qui est exigée par l’article 3 de la Convention, pour mettre son navire en état de bonne navigabilité avant le commencement du voyage et au départ du navire. Les deux notions sont cousines germaines mais constituent deux cas d’exonération. Or, Messieurs - et c’est un point sur lequel je me permets d’attirer tout particulièrement votre attention dans l’affaire du “Muncaster Castle”, les armateurs n’ont pas du tout placé la discussion sur le terrain du vice caché. S’ils ne l’ont pas fait c’est qu’ils ont estimé, au sens de la jurisprudence, qu’il ne s’agissait pas de vice caché. Si, dans le cas du “Muncaster Castle”, la défectuosité imputable au chantier pouvait constituer un vice caché il n’y aurait pas eu d’affaire du “Muncaster Castle”. L’armateur n’aurait pas été condamné.
L’armateur n’a pas opposé le vice caché mais l’innavigabilité. Il a prétendu ne pas être responsable parce que le navire était innavigable. Il a dit avoir exercé la due diligence en s’adressant à un chantier compétent. La Chambre des Lords - je résume en deux mots sa décision a dit : la due diligence n’est pas quelque chose de déléguable. La due diligence doit être exercée par vous-même.
Voilà, Messieurs, comment la question se présente. Par conséquent la décision du “Muncaster Castle” ne doit pas être considérée a priori comme quelque chose de catastrophique pour les armateurs. Si l’on se place sur le terrain du vice caché, l’armateur ne sera pas condamné. C’est seulement sur le terrain de l’autre cas d’exonération, l’innavigabilité du navire qu’il s’agit d’apprécier comment devra être interprétée la notion de due diligence. Messieurs, Le Doyen van Ryn s’est livré à une étude de droit comparé, et son rapport figure dans les documents que nous avons, sur ce que décident, soit les décisions de jurisprudence, soit les auteurs dans les différents pays. Vous avez alors vu que la quasi totalité des pays ont en cette matière une jurisprudence et une doctrine presque unanimes dans le sens de la décision du “Muncaster Castle” », The Travaux Préparatoires of the Hague Rules, précit., p. 173 et 174.
625 Pour l’amendement anglais avaient vote les délégations de Canada, Danemark, Finlande, Grande Bretagne, Grèce, Inde, Irlande, Japon, Pays Bas, Norvège, Suède. Contraires les délégations de Pologne, Yougoslavie, Belgique, mais surtout France et Italie qui ont insisté par des interventions qui ont été efficaces aussi en vue du rejet final de l’amendement par la Conférence diplomatique.
626 Texte de l’article ainsi qu’amendé: “Provided that if in circumstances in which it is proper to employ an independent contractor (including a Classification Society), the carrier has taken care to appoint one of repute as regards competence, the carrier shall not be deemed to have failed to exercise due diligence solely by reason of an act or omission on the part of such an independent contractor, his servants or agents (including any independent subcontractor and his servants or agents) in respect of the construction, repair or maintenance of the ship or any part thereof or of her equipment. Nothing contained in this proviso shall absolve the carrier from taking such precautions by way of supervision of inspection as may be reasonable in relation to any work carried out by such an independent contractor as aforesaid”.
627 V., infra, Partie II, Titre I, Chapitre II, Section III.
628 L’explication doctrinale du fondement de la responsabilité et de sa limitation peut favoriser l’interprétation de l’article 1 § 2 de la LLMC, mais tout élargissement du bénéfice hors du cercle de personnes traditionnellement engagés par les risques dérivant de l’exploitation du navire ne peut être ramené à aucune explication autre que le choix politique contingent. Il s’agit d’une méthode législative adoptée au § 3 pour étendre le bénéfice aux salvateurs suite au cas du Tojo Maru. Mais cette disposition ne trouve pas de fondement dans la logique à laquelle la doctrine avait ramené l’institution de la « limitation de la responsabilité du propriétaire de navire ». Cela justifie donc la critique adressée par certains auteurs à la méthode suivie pour l’élaboration du droit uniforme, cf. G. RIGHETTI : “Non v’è chi non veda che si va vieppiù ricadendo nel più lato e vieto empirismo, accomunandosi alla rinfusa [cioè prescindendo da qualsiasi imposlazione dogmatica o quanta meno concettuale, in base a mere considerazioni di opportunità o di convenienza e sull’affastellarsi di progetti, relazioni, osservazioni, proposte di modifica, inserzioni o decurtazioni motu proprio degli elerogenei gruppi di lavoro etc.] situazioni e criteri (non dicasi per carità principi !) diversi e. in definitiva, confondendo personae, res, actiones (e non soltanto crediti, debiti c responsabilità). Per uno scienziato del giure v’è veramente occasione di sconforto nell’osservare questo processo involutivo rispetto ai risultati acquisiti dalla più consapevole dottrina, evidenziabile negli strumenti uniformi elaborati dagli operatori di varia qualificazione al di fuori di ogni schema istituzionale : solo ci si può consolare constatandone realisticamente i vantaggi dal punto di vista pratico e dell’uniformità”, G. RIGHETTI, Trattato, tome 1.2, précit., p. 1416. Des critiques identiques avaient été adressées à la méthode employée dans la législation du droit uniforme par Antonio SCIALOJA.
629 Cf. art. 4 LLMC et article 4.5 lettre e) du Protocole de Visby de 1968 à la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 sur l’unification de certaines règles en matière de connaissement.
630 Cf. E. O. QUERCI, Analisi del diritto marittimo, op. cit., p. 229 : “L’astuzia della tecnica dell’interpretazione sta appunto nell’affermazione della completezza, dell’unità e dell ‘autonomia del sistema giuridico marittimo, attraverso il rispetto del rilievo giuridico da assegnare. per la soluzione dei singoli casi, e per la disciplina delle varie ed innumeri fattispecie negoziali prospettate dal libero esplicarsi del commercio marittimo internazionale, alle plurime fonti del diritto marittimo, e nello sconfiggere, ad esempio, il problema delle antinomie delle singole soluzioni promananti dalla disciplina e dal regolamento posti dalle plurime fonti”.
631 P. BONASS1ES, Rapport de synthèse, Actes de la 9ème journée Ripert, DMF, 2002, p. 1085.
632 Voir Cass., 15 juillet 1941, D. 1941, p. 117 : « La faute inexcusable s’entend d’une faute d’une exceptionnelle gravité, dérivant d’un acte ou d’une omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur, de l’absence de toute cause justificative et se distinguant par le défaut d’un élément intentionnel de la faute visée au § 1 de la loi du 9 avril 1898. ». Par cette loi, en fait, le législateur français avait inventé la « faute inexcusable », mais sans en donner une définition, voir I. CORBIER, La faute inexcusable de l’armateur ou du droit de l’armateur à limiter sa responsabilité, DMF, 2002, p. 403.
633 CORBIER, op. cit., p. 404.
634 A. VIALARD. L’évolution de la notion de faute inexcusable et la limitation, DMF. 2002. p. 581.
635 “Privity extends to those faults in which the owner actually participated, while knowledge includes those faults of which the owner has personal cognizance” C H. ALLEN, op. cit., p. 269.
636 Les USA n’ont pas ratifié la LLMC. Ils ne font pas partie des Règles de la Haye-Visby non plus, puisqu’ils n’ont ratifié que la Convention de Bruxelles du 25 août 1924. Il ne s’agit pas donc d’une véritable « faute inexcusable » chez eux, leur ordre juridique se rapportant à la notion de fault or privity du shipowner (46 U.S.C. sect. 183), qui est la même expression employée à l’article I de la Convention de 1957 sur la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires.
637 V., supra. Partie I, Titre II, Chapitre II, Section I, § I.
638 The Linsee King, 285 U.S. 502 (1932): “[...]The conditions on the morning in question could have been ascertained by Stover. if he had used reasonable diligence, and we think the evidence is adequate to support the finding that the negligence which caused the disaster was with his, and therefore with the owner’s, privity or knowledge”.
639 Cf. CH. ALLEN, op. cit., p. 271.
640 V., supra, Partie I, Titre II, Chapitre II.
641 C.A. Caen, 2 octobre 2001, navire Johanna Hendrika, DMF, 2001, p. 981, obs. P. BONASSIES.
642 Dans l’acception large de « celui qui supporte les risques de l’exploitation du navire » et donc qui jouit du bénéfice de la limitation.
643 P. BONASSIES, Rapport de synthèse. Actes de la 9ème journée Ripert, DMF, 2002, p. 1085.
644 Cf. Cass., 3 avril 2002, navire Stella Prima, DMF, 2002, p. 460 et s.
645 I. CORBIER, op. cit., p. 416.
646 Cass., 20 mai 1997, navire Johanna Hendrika, DMF, 1997, p. 976.
647 Cette conclusion peut aussi être tirée a contrario de la formulation de l’article 25 de la Convention de Varsovie sur le transport aérien tel qu’amendé par le Protocole de La Haye du 28 septembre 1955. Dans cet article, la limitation ne s’applique pas quand le dommage résulte d’un acte ou d’une omission du transporteur ou de ses préposés caractérisés par la faute inexcusable, pour autant que les préposés ont agi dans l’exercice de leurs fonctions. Le texte des Règles de La Haye-Visby n’a en effet pas été rédigé de cette façon. Il faudrait en tirer la conséquence que les rédacteurs n’ont pas eu l’intention d’imposer au transporteur maritime la déchéance du bénéfice de la limitation pour la faute inexcusable de ses préposés. Il est d’ailleurs compréhensible qu’il y ait cette différence entre ces deux Conventions, puisque l’une ne vise que le transport de marchandises, tandis que l’autre vise aussi la réparation des dommages corporels et en cas de décès des passagers. C’est ainsi que, lors du débat pour l’adoption de l’article 4, § 5 lettre e) des Règles de La Haye-Visby », le Doyen P. CHAUVEAU a attiré l’attention sur cette différence de base : « Je sais que l’on va peut-être me faire certaines objections, en me disant que la formule qu’on vous propose, la règle de la faute lourde, se trouve incluse dans d’autres conventions, qu’elle se trouve incluse notamment dans la Convention sur les passagers, qu’elle se trouve également incluse dans la Convention de Varsovie, et je ne cite que ces deux conventions. Mais je voudrais alors, tout de suite attirer votre attention sur ce point, c’est que dans la Convention sur les passagers, et je puis en dire de même dans la Convention de Varsovie, le dommage que l’on envisage est un dommage corporel, un dommage à l’intégrité physique des passagers et pour cette intégrité physique et pour ces dommages corporels, on se montre un peu plus sévère et l’on adopte éventuellement d’autres principes, c’est tout à fait normal. Il y a baucoup d’autres points sur lesquels votre Convention sur les passagers s’est écartée de la Convention de 1924. Pour n’être pas trop long, je ne veux pas y insister. Ici. dans la Convention de 1924, à la différence de la Convention de Varsovie, il n’est question que de dommages pouvant être éventuellement occasionnés à des marchandises. Quand nous en arrivons là, qu’est-ce que nous voyons en fin de compte se profiler derrière tout cela, une simple question d’assurance. Si vouz changez quelque chose, il va se trouver que ce ne seront plus les mêmes assureurs qui vont garantir le risque de dommage et vous allez être obligés d’adapter vos pratiques d’assurances à une nouvelle situation. C’est encore un point sur lequel vous allez singulièrement compliquer la question et en fin de compte, en votant cette modification, vous ouvrez la porle à des difficultés que nous ne sommes pas très capables de mesurer à l’heure actuelle et qui peuvent peut-être mener très loin », P. CHAUVEAU, Intervention au Comité sur les clauses des connaissements. Conférence du CMI de Stockholm, 11 juin 1963, procès verbal p. 163 et 164, The travaux préparatoires of the Hague Rules, précit., p. 621. V. égal., en jurisprudence, Cass. 7 janvier 1997, navire Teleghma, DMF, 1997, p. 237. obs. DELEBECQUE, qui affirme que seule la faute personnelle peut engendrer la déchéance de la limitation de la responsabilité du transporteur ; et P. BONASSIES, DMF, 1998, p. 822, qui cite aussi la jurisprudence anglaise : « Selon le juge Stejn, du Queen’s Bench, décision du 7 avril 1989, les différences existantes entre le texte des autres conventions internationales de transport d’une part et celui du Protocole de 1968 d’autre part, imposeraient de considérer que la seule faute personnelle du transporteur entraîne déchéance du droit à la limitation (Lloyd’s Reports 1989.2.185) ».
648 Cass. civ., 14 mai 2002, navire Ethnos, DMF, 2002, p. 628.
649 Cf., art. 4 LLMC.
650 La responsabilité totale du transporteur à cause de la faute inexcusable d'autrui ayant été affirmée contrairement à la volonté des rédacteurs, qui envisageaient la « faute inexcusable » en tant que cause de déchéance personnelle.
651 Cass. civ., 14 mai 2002, précit.
652 V., infra, Partie II, Titre I, Chapitre II, Section II, § 2, A.
653 Il s’agit de la “exoneration inquiry”, suite à laquelle, si la preuve n'est pas donnée par les claimants, le Tribunal ne procède pas ultérieurement, cf. C. II. ALLEN, op. cit., p. 266.
654 Celle là étant la cause de déchéance du droit à la limitation prévu pour le shipowner (46 U.S.C, sect. 183). Cette notion correspond à celle de « faute personnelle » de l’art. I Convention de Bruxelles de 1957.
655 “Limitation analysis”, ibid.
656 Le shipowner devra alors prouver “a cause of loss not involving privity (e.g. negligent navigation by a qualified watch officer, or elimination of all possible causes which would involve privity where the cause cannot he shown precisely” Kinsman Transit Co. (The MacGilvray Shiras), 380 U.S. 944 (1965). (C’est nous qui soulignons). Cf., aussi, A. J. RODRIGUEZ - P. A. C. JAFFE, An overview of U. S. law of shipowner’s limitation of liability. Dir. mar., 1992, pp. 646 et 647, où les auteurs parlent d'une preuve négative difficile à donner, ce qui conduit souvent les tribunaux à dénier la limitation.
657 Cf. RIGHETTI, op. cit., p. 1608 et s., p. 1647, 1648.
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