Chapitre II. Vers l’obligation de réparation principale et intégrale des « fonds-marchandises »
L’aboutissement d’une logique environnementale d’indemnisation
p. 313-438
Texte intégral
1819. Si le FIPOL1 a permis une amélioration sensible de l’indemnisation des victimes de pollutions maritimes, force est de constater, à l’aune des récents événements, qu’il offre peu de résistance face aux pollutions majeures ; il se dérobe même, s’agissant du préjudice écologique pur2. En ce sens, l’actuel dispositif conventionnel ne saurait emporter une complète et entière adhésion. Dès lors, ne faudrait-il pas admettre que la garantie indemnitaire, sous sa forme actuelle, pourrait n’avoir constitué qu’« une étape sur le chemin d’une progression continue vers plus de sécurité »3. En effet, lorsque certains dommages deviennent trop lourds, certains accidents trop fréquents, la réparation intégrale ne doit-elle pas être érigée au rang d’« exigence sociale4 ? »
2820. Ne conviendrait-il pas alors, ainsi que le suggèrent certains auteurs, de « définir en dehors de toute responsabilité civile le concept de réparation pure et exempte de toute idée répressive »5. En d’autres termes, il s’agirait d’extirper l’indemnisation des victimes du domaine de la responsabilité6, dont on a par ailleurs constaté l’état moribond. Partant du constat qu’un fonds peut attendre que la justice soit rendue, à la différence des victimes, on s’orienterait donc vers une logique autonome par rapport à la responsabilité. On soulignera que l’exigence d’une responsabilité comme préalable nécessaire à la prise en charge par une collectivité a déjà disparu dans des secteurs importants. En notre matière, il s’agirait d’étudier la possibilité de mettre en place une « garantie sociale »7 face aux pollutions maritimes, fussent-elles majeures. Plus pratiquement, cela pourrait consister à étudier la possibilité de créer un fonds qui puisse jouer un rôle de « dispositif de premier secours »8, c’est-à-dire qui soit en mesure d’indemniser immédiatement les victimes. Mais, l’une des particularités de ce fonds, serait de s’attacher à établir systématiquement la responsabilité de chacun des intervenants du transport maritime par le biais d’actions récursoires9. Il devrait également s’attacher à prévoir la prise en charge du dommage écologique ; la victime la plus immédiate d’une pollution marine n’est-elle pas l’environnement ?
3821. Pour mener à bien cette réflexion devant conduire à la création d’un nouveau mécanisme indemnitaire, que nous proposons de baptiser Super-Fonds, il peut être intéressant d’utiliser une métaphore susceptible d’en préciser chacune des étapes. Cette métaphore est celle d’un chantier de restauration d’un édifice menaçant ruine, ce dernier ayant pour nous les traits de l’actuel dispositif conventionnel CLC/ FIPOL. Après avoir dressé un état des lieux, c’est-à-dire recensé les obstacles actuels à la réalisation d’une véritable logique environnementale de l’indemnisation (Section 1), il conviendra de s’atteler au gros œuvre, en d’autres termes d’envisager les modalités concrètes de sa réalisation (Section 2). Viendra enfin le temps des finitions puisqu’elles devront faire aboutir cette logique environnementale d’indemnisation, en d’autres termes permettre la reconnaissance d’un droit autonome à réparation pour l’environnement victime d’une pollution (Section 3).
SECTION 1. LES OBSTACLES ACTUELS À LA RÉALISATION D’UNE LOGIQUE ENVIRONNEMENTALE DE L’INDEMNISATION
4822. « Parce que la connaissance du droit positif n’a de sens que si elle débouche sur sa critique, sur la dénonciation de ses malfaçons et de ses erreurs »10, il s’agit ici de recenser tout ce qui fait obstacle à la réalisation d’une logique environnementale de l’indemnisation. Du terme obstacle défini comme « ce qui s’oppose à l’action, à l’obtention d’un résultat »11, nous retiendrons une acception large. Les barrières sont, non seulement, idéologiques : l’utilisation des fonds d’indemnisation encourage une banalisation des risques (§ 1), mais encore pratiques : les fonds marins pour l’heure conduisent à un plafonnement de la réparation (§ 2), ils sont soumis à un certain nombre d’aléas (§ 3).
§ 1. La banalisation du risque induite par la mécanique du fonds
5823. Il est souvent reproché aux fonds de « banaliser le risque »12, en d’autres termes de le rendre négligeable en le faisant entrer dans les mœurs sociales. Toutefois, relever ce que le langage commun assimilerait volontiers à une « tendance », ne présenterait guère d’intérêt, si l’on ne prenait pas soin d’identifier son profil. A l’examen, ce n’est pas une, mais deux formes de banalisation du risque qu’il convient de relever : d’une part, celle attachée à la dilution de la charge de réparation (A), d’autre part, celle fondée sur l’exclusion du risque écologique pur (B). Entre elles, des caractéristiques communes : celle de rentrer en conflit avec une politique de prévention, celle de heurter les exigences de la justice13 ; mais aussi une divergence notable : tandis que la première ne rentre jamais en conflit en tant que telle avec une politique d’indemnisation de la victime14, la seconde l’affecte directement.
A. La dilution de la charge de réparation
6824. « Le passage progressif d’une idéologie de la résignation à une idéologie de la réparation »15 s’inscrit assurément dans un mouvement de valorisation de la personne humaine. Face aux malheurs, il n’est plus toléré de laisser une personne sans secours. La fatalité cessant, une collectivité doit indemniser non plus au titre d’un quelconque principe de responsabilité, mais plus sûrement au nom d’un principe de solidarité. La mécanique du fonds, parfaitement étrangère aux théories classiques de responsabilité, permet de faire peser la charge afférente à un risque sur le milieu professionnel qui en est la cause16. A travers les fonds marins d’indemnisation qu’il s’agisse du FIPOL ou du Fonds SNPD, c’est l’industrie du monde entier qui exprime sa solidarité face aux dommages de pollution »17.
7825. Ce changement de postulat mérite attention. Il y a, en effet, entre la responsabilité civile et l’indemnisation automatique, dont la technique du fonds constitue la représentation la plus aboutie, une différence essentielle. La seconde technique de réparation n’exige plus que la survenance du dommage soit imputée à l’activité personnelle d’une personne. Nul n’est besoin, dès lors, de s’employer à rechercher le responsable dont l’activité a été à l’origine du dommage. Appelé à se fondre dans la masse des débiteurs potentiels, ce dernier, si tant est qu’il soit identifié, est appelé à l’instar des autres membres de sa communauté à prendre sa juste part dans le financement collectif, en acquittant sa cotisation ou sa redevance. Sa contribution annuelle au fonds ne saurait être majorée du fait que ses produits auraient été impliqués dans un accident de pollution. Elle procèdera invariablement d’une combinaison de deux données : les quantités de produits importés par l’État dont il est ressortissant, d’une part, l’importance des dommages à propos desquels le fonds est intervenu au cours de l’année écoulée, d’autre part.
8826. Ainsi preuve est faite que les fonds ne procèdent pas à une évaluation individualisée du risque créé par chaque membre, mais raisonnent sur des taux forfaitaires18. Ils ne sauraient pas plus exercer un quelconque contrôle sur la diligence des cotisants, ni même rappeler à l’ordre une entreprise dont les pratiques d’exploitation seraient déficientes. Parce que les charges de réparation sont réparties sur un ensemble, les potentiels agents fautifs ne seront guère incités à prendre plus de précaution19. « Diluée, la charge n’impressionne plus »20. Chacun verse sa dîme sans y prêter plus attention. Chaque payeur en vient à considérer que son versement est insignifiant, et, pour les plus cyniques d’entre eux, que cette aumône leur tient lieu de « permis de polluer »21.
9827. La morale ne saurait être une priorité dans un système qui ambitionne seulement de collecter, répartir et redistribuer en vue de gérer un risque. Le philosophe Paul Ricoeur note que « la substitution de l’idée de risque à celle de faute aboutit paradoxalement à une totale déresponsabilisation »22 ; il est de l’essence de ce système de renoncer à toute velléité répressive, dans le cadre strict de l’indemnisation23 au moins. Si la dilution de la charge est une première forme de banalisation du risque au sein des fonds marins d’indemnisation, il en existe une seconde. Celle-ci est fondée sur l’exclusion du dommage écologique pur de l’assiette de la réparation.
B. L’exclusion du dommage écologique pur de l’assiette de la réparation
10828. Ecarter un risque de l’assiette des dommages réparables, c’est le considérer comme négligeable car insuffisamment digne d’intérêt pour mériter une protection. A l’évidence, pareille politique législative ne peut laisser insensible celui qui se voit délesté d’un fardeau. Or précisément, la décision du FIPOL d’exclure de l’assiette des dommages réparables le « risque écologique pur »24, c’est-à-dire « celui subi par l’environnement lui-même »25, ne conduit-elle pas à introduire une autre forme de banalisation ?
11829. Pour convaincre de cela, il importe d’être particulièrement méthodique et critique. Il convient d’abord de mettre en balance l’incertitude scientifique de l’atteinte avec les dangers qui s’attachent à la non-reconnaissance d’un droit autonome à réparation pour le dommage écologique pur (1). Il convient, ensuite, parce que cela pourrait s’analyser par un fait justificatif de la banalisation de ce risque de mesurer les obstacles juridiques à la prise en compte du « préjudice écologique pur » (2).
1. De l’incertitude scientifique de l’atteinte aux dangers de la non-reconnaissance d’un droit autonome à réparation pour le dommage écologique pur
12830. Discipline juridique à part entière, le droit de l’environnement est aussi considéré comme une « science-frontière »26. Situé aux confins de plusieurs disciplines juridiques27, il entretient nécessairement des rapports avec les Sciences dites dures28. La référence aux différentes études scientifiques diligentées au lendemain des catastrophes pétrolières s’avère incontournable lorsqu’on aborde le problème de la réparation du dommage écologique. Cela participe de l’évaluation du dommage, préalable nécessaire à toute indemnisation.
13831. Or, pour l’heure, les différentes études, loin du catastrophisme ambiant véhiculé sur l’instant par les médias, invitent à l’optimisme. Aux Shetlands, quelques jours après que 80 000 tonnes de pétrole brut léger se soient échappées des cuves du Braer, les plages environnantes étaient propres, l’air pur. Le grand brassage de l’eau par les tempêtes avait permis de disperser la cargaison, éloignant tout spectre de désastre écologique. C’est à une conclusion tout aussi positive qu’aboutissait un organisme américain dans un important rapport intitulé Oil in the Ocean, The Short Term and Long Term impact of a spill29commandé au lendemain de la catastrophe de l’Exxon Valdez. Prenant appui, entre autres, sur le déversement majeur de l’Amoco Cadiz, l’auteur soulignait que l’atteinte à l’environnement avait été modeste et de durée relativement courte. Dans les cas les plus graves, le pétrole était resté présent dans l’environnement côtier et marin généralement moins de 10 ans après l’événement ; Le principal impact écologique se produisant au moment de l’accident et pendant les quatre mois suivants. Bien que durement touchées à court terme, la faune et la flore dotées d’une faculté d’auto-régénération30 finissaient par se reconstituer rapidement.
14832. A l’aune de ces études scientifiques, il paraît donc exister un décalage sensible entre la perception du public et les faits, s’agissant des désastres écologiques impliquant les hydrocarbures. Pour l’heure, les propos alarmistes d’une faune irréversiblement affectée par la pollution se sont systématiquement révélés non fondés. Cela ne saurait être démenti par des études plus récentes. En effet, dans leurs conclusions sur la marée noire provoquée par l’Erika31, les scientifiques soulignent que si certains organismes ont été durement touchés, comme les oursins32, ou les oiseaux33, « l’écosystème devrait pouvoir rebondir assez rapidement » ; tout risque d’atteinte à la biodiversité34 paraissant définitivement écarté35.
15833. Les experts de l’ITOPF36 mandatés par le FIPOL pour un avis quant aux mesures de restauration de la flore et de la faune qu’il conviendrait de prendre, insistent également sur la capacité du milieu marin naturel, habitué à subir de multiples agressions, à se reconstituer de lui-même37. C’est sur ces considérations que se sont fondés les juges américains dans l’affaire de l’Amoco Cadiz pour refuser l’indemnisation des effets de la pollution sur le milieu marin, note le Pr G. Viney38. En rendant pareille conclusion, le scientifique s’attaque à ce que le juriste considère comme une caractéristique essentielle du dommage réparable : sa certitude39. Or, à l’évidence entre ces deux hommes de l’art, il existe, en règle générale du moins, une différence majeure d’appréciation. Le premier n’acceptant de considérer le dommage que sur la durée40, le second l’appréhendant, le plus souvent, sur l’instant. Pourtant, force est d’admettre que le temps de l’homme de sciences et de celui de loi finissent, bien malgré eux, par se rejoindre. A la célérité du phénomène d’auto-régénération du milieu naturel, répond en écho la lenteur de la justice. Peut-on espérer synchronie plus parfaite ? En tout état de cause, elle est une manne inespérée pour les juges saisis du dossier de l’Amoco-Cadiz, trop heureux de pouvoir se débarrasser de ce préjudice encombrant pour l’époque, même aux États-Unis « berceau de l’environnement »41.
16834. Or, à y regarder de plus près, ce n’est pas tant sur des considérations de droit pur que plus sûrement de pur fait que les juges fondent leur décision. Celle-ci est, en effet, arrêtée après qu’ait été constatée la résorption42 du dommage entre la survenance du fait générateur de pollution et le prononcé du jugement. On saisit mieux l’enjeu qui s’attache aux délais de procédure. Encore faut-il qu’ils soient suffisamment longs pour permettre à la nature de faire son office. Dès lors, ce que le néophyte qualifiera volontiers d’heureux hasard, pourra être requalifié par l’expert comme un arrangement savamment orchestré par les potentiels responsables, dussent-ils pour cela recourir à quelques manœuvres dilatoires43.
17835. En définitive, on est fondé à se demander si la décision consistant à reporter dans le temps l’appréciation d’un préjudice actuel dont on sait par expérience qu’il est amené à disparaître44, n’est pas finalement motivée par le souci de créer un faux-semblant de réparation propre à rassurer les esprits crédules. Reconnaître qu’on n’a jamais entendu réparer ce type de dommage serait à n’en pas douter plus conforme à la réalité. Sans nous lancer dans un anthropomorphisme forcené, il peut être tentant ici d’opérer un rapprochement avec le droit du dommage corporel. Si la fixation de l’indemnité due au titre de l’incapacité permanente ne peut être envisagée qu’après la consolidation du dommage, l’absence de séquelles ne donnant pas lieu au versement d’une indemnité puisque le dommage a cessé d’exister ; l’incapacité temporaire fait également l’objet d’une indemnisation à part entière45
18836. Précisément, cette incapacité temporaire de l’environnement à rendre des services existe. Et cela les scientifiques ne sauraient le nier. En refusant de la prendre en compte au titre de l’indemnisation, le juge paraît renoncer à dire le droit. Ne se dessaisit-il pas implicitement de sa prérogative de juger pour se soumettre à l’appréciation d’un nouvel ordre juridique46, celui constitué par la communauté scientifique ? En outre, alors même qu’il existerait une certaine forme de tolérance du milieu marin à l’égard des hydrocarbures, d’origine minérale47, on ne saurait écarter le risque d’un déversement massif de matières radioactives ou de substances nocives et potentiellement dangereuses48.
19837. A suivre le raisonnement précédent, à l’inutilité de la réparation pour cause d’auto-régénération dans la première hypothèse pourrait se substituer, dans la seconde, son inanité pour cause d’irréversibilité, puisque précisément doit être considéré comme irréversible le dommage dont « les effets sur l’environnement ne peuvent être réparés par la nature ou par des mesures techniques »49. Dès lors serait-il encore raisonnable d’exiger du pollueur une quelconque indemnisation50 ? Certes, l’évocation d’une vision apocalyptique d’un « Tchernobyl ou Bhopal marins »51 dans le cadre de cette recherche, si elle n’avait que pour unique objectif de succomber aux charmes cathodiques d’un catastrophisme ambiant n’offrirait que peu d’intérêt. Aussi, c’est ailleurs qu’il convient d’en rechercher une justification. Considérer le dommage écologique comme temporaire ou irréversible paraît en définitive participer d’une même démarche, celle tendant à nier l’existence du dommage écologique pur ».
20838. Or pareille ignorance est fondamentalement dangereuse. Les réflexions de Hans Jonas fussent-elles philosophiques devraient inciter les juristes à mieux considérer ce dommage particulier. Pour cet auteur, « la nature est l’objet de la responsabilité des hommes dont les actions doivent être compatibles avec la permanence d’une vie authentique humaine sur terre52. Partant de là, ce ne sont plus seulement les atteintes aux intérêts des générations présentes qui doivent être prises en compte, mais aussi les possibilités d’atteinte aux intérêts des générations futures. Dans un concept de développement durable, les atteintes à l’homme ne se distinguent plus des atteintes à la nature et le service des intérêts humains oblige à préserver ce qui l’entoure, ce qu’exprime la reconnaissance du préjudice écologique pur53 ».
21839. Si ces considérations d’inspiration quasi-métaphysiques soulignent la capacité préventive de la réparation, elles ne doivent pas pour autant conduire à occulter sa capacité normative. Car, à bien y réfléchir, « cette prise en compte du préjudice écologique a moins pour objet immédiat d’assurer la réparation du dommage parfois insusceptible de toute réparation que d’inciter les agents économiques à adopter de nouveaux comportements »54.
22840. Dès lors comment ne pas considérer que « seule la prise en compte progressive des dommages écologiques dans les systèmes d’indemnisation puisse mettre les pollueurs en face de leurs véritables responsabilités, et ainsi conférer un prix véritable à la sécurité maritime ? »55. Ainsi la reconnaissance du préjudice écologique paraît pouvoir œuvrer très directement à la moralisation du secteur du transport maritime de matières dangereuses56. Les intérêts du shipping n’ont-ils pas déjà fait connaître leur crainte de devoir faire face à une « marée de demandes spéculatives »57.
23841. A tout le moins, l’idéal dans l’absolu pour être « en conformité avec la conscience environnementale »58, serait que la réparation revête côté responsable un caractère de sanction et côté victime un caractère de compensation59, car l’indemnité accordée au titre de la diminution en valeur ne saurait être réparatrice de la valeur perdue, mais seulement compensatrice. Si tant est qu’on admette au terme de ces développements la nécessité de prévoir l’indemnisation du préjudice écologique pur, encore convient-il de s’attacher à mesurer les obstacles juridiques à sa prise en compte.
2. Les obstacles juridiques à la prise en compte du préjudice écologique pur
24842 C’est à partir de la définition même du dommage écologique pur qu’il convient de raisonner pour mettre en exergue les difficultés inhérentes à la réparation de ce préjudice. Les rédacteurs des conventions pétrolières ayant décidé d’écarter ce dommage de l’indemnisation, ils ne sauraient avoir pris le soin de le définir. Sans doute cette désaffection gagne-t-elle pour être mieux comprise à être replacée dans son époque, dans le contexte de la crise énergétique des années 1970. Nul doute qu’alors le législateur était plus réceptif aux intérêts économiques qu’écologiques.
25843 Face à tant d’indifférence, la doctrine s’est, elle, attachée à proposer des définitions du dommage écologique pur. De l’avis du Pr F. Caballero, il s’agit du « dommage causé directement au milieu pris en tant que tel, indépendamment de ses répercussions sur les personnes et sur les biens »60. La définition du Pr M. Drago vient ajouter une précision dans la mesure où elle apporte un éclairage sur l’agent à l’origine du dommage : le dommage écologique est celui « causé aux personnes ou aux choses par le milieu dans lequel elles vivent »61. Cette dernière définition est reprise par le Pr M. Rémond-Gouilloud62 à une nuance près. Selon cet auteur, la préposition « par » est équivoque, il faut lui préférer une formule plus explicite telle que « par l’intermédiaire ». L’introduction de cette nuance se justifie par la nécessité de souligner que le milieu en cas de pollution marine n’est, en définitive, qu’un simple vecteur ou instrument du dommage, sans en être à proprement parler la cause directe. Le milieu est par lui-même l’origine du dommage en présence de catastrophes naturelles, orages, inondations. Toutefois, s’agissant d’événements que l’on peut qualifier de force majeure, ils ne peuvent se rattacher à la recherche d’une responsabilité proprement dite. Plus récemment, le dommage écologique pur a été qualifié comme celui subi par l’environnement lui-même, indépendamment de la lésion directe d’un intérêt humain63.
26844. Si les définitions sont diverses et variées, force est d’admettre qu’elles se complètent l’une l’autre. Une constante émerge toutefois : le milieu est susceptible d’être victime d’une agression. Dès lors, la question de son droit à réparation se pose légitimement. Toutefois « Dame nature » ne pouvant se prévaloir de la qualité de sujet de droit est irrémédiablement réduite à l’état d’objet ou de chose, pour reprendre la terminologie juridique propre au droit des biens. Cette chose a toutefois un statut particulier : tantôt res nullius, tantôt res communis. Si pour la première, l’appropriation s’effectue par voie d’occupation, la seconde est, par nature, réfractaire à toute idée d’appropriation64, faute de pouvoir revendiquer la qualité de bien. En dépit de ce « double visage », les ressources naturelles n’en conservent pas moins une caractéristique commune : celle d’être dépourvues de maître65. Est-ce à dire qu’elles seraient pour autant sans droit ? C’est à pareille conclusion que parviennent les juges américains dans l’affaire de l’Amoco Cadiz, en observant qu’aucune personne publique ou privée n’est habilitée à demander réparation du préjudice écologique à sa place, faute d’intérêt direct et personnel à agir66.
27845. Confronté à un juge américain qui faisait la sourde oreille, fallait-il pour espérer meilleure écoute s’adresser à un Pr de droit américain ? A lire la thèse développée par Charles Stones67, on pourrait légitimement le penser. Selon cet auteur, il convient d’admettre que les éléments de la nature sont eux-mêmes sujets de droit, et qu’à ce titre, ils peuvent engager des actions pour demander réparation de dommages qu’ils auraient eux-mêmes subis ; les éventuels dommages et intérêts ne devant bénéficier qu’à eux seuls68... Le moins que l’on puisse dire c’est que le FIPOL, réputé pour sa rigueur juridique ou plus sûrement financière, ne s’est pas laissé séduire par cette nouvelle demanderesse « Dame nature ». D’un naturel conservateur, la faiblesse de ses ressources aidant, il ne saurait tolérer aucun écart. Ainsi que le constate le Pr G. Viney, « l’objection la plus impressionnante contre l’indemnisation du dommage écologique pur tient au fait qu’infligé à l’environnement lui-même, il ne présente pas un caractère personnel ». Or, le FIPOL à l’instar du droit français ne consent à appréhender les phénomènes nuisibles qu’à travers leurs répercussions sur les personnes. « Il ne reconnaît en principe qu’à la personne lésée le droit de demander réparation du dommage dont elle se prévaut »69.
28846. Le FIPOL, pour asseoir sa politique d’exclusion du préjudice écologique pur, peut compter sur un autre argument. Partant du constat que la juste réparation d’un préjudice passe nécessairement par son évaluation, ne pas pouvoir l’évaluer, c’est en définitive renoncer, par avance, à toute forme de réparation. Or, précisément, si en matière de remise en état, il n’y a pas a priori de difficultés d’évaluation, la mesure du dommage étant égale au coût des mesures de restauration70, il en va autrement en présence de dommages écologiques stricto sensu. La nature, valeur « hors cours », sans équivalent, répugne à se laisser appréhender par l’argent. Elle paraît réfractaire à toute idée d’estimation71. Ainsi, toute comparaison avec une atteinte qui toucherait des formes végétales ou animales exploitées par l’homme paraît d’emblée proscrite. Or, et c’est là le plus grand des dangers, « de l’inévaluable à l’inexistant, il n’y a qu’un pas aisément et fréquemment franchi par notre société marchande »72.
29847. Pareille analyse, bien que perverse, ne saurait suffire à justifier que l’indemnisation soit d’emblée rejetée73. Elle permet de franchir un cap : l’indemnisation du préjudice écologique ne serait pas tant une question de principe que de méthode, mais aussi sans doute de moyens. Car, à bien y réfléchir, toutes ces choses qui a priori n’ont pas de prix, peuvent s’en voir attribuer un, celui que les juges leur auront souverainement fixé. Ce raisonnement n’est pas en soi nouveau. Il a déjà été utilisé pour faire accéder certains préjudices, comme le préjudice moral, au rang des préjudices indemnisables. Dès lors, on est fondé à se demander si la résolution adoptée en 1980 par le FIPOL et consistant à n’indemniser que les seuls préjudices économiquement quantifiables, est encore opérante pour écarter le préjudice écologique pur de l’assiette des dommages réparables ? Et nul doute que cette forme de banalisation du risque doit, à l’instar du plafonnement de la réparation être vue comme un obstacle à la réalisation d’une logique environnementale de l’indemnisation.
§ 2. Le plafonnement de la réparation
30848. En vertu des Conventions portant création d’un fonds marin, qu’il s’agisse de la Convention FIPOL ou SNPD, seule une somme limitée est disponible pour couvrir les demandes d’indemnisation. Dès lors, pour satisfaire au mieux chacune d’entre elles, il convient en cas d’insuffisance manifeste de l’enveloppe, de procéder à une répartition au marc le franc. Si l’on admet, faute de mieux, le caractère équitable de la démarche de répartition, on ne saurait cautionner le principe d’une réparation limitée. Lorsqu’elle est prévue par un fonds d’indemnisation, la limitation de la réparation ne saurait, en effet, se prévaloir d’un quelconque cousinage avec le sacro-saint principe de limitation inhérent au droit maritime. Aussi, c’est nécessairement ailleurs qu’il convient de rechercher une possible justification au plafonnement (A), convaincue pour notre part que ce principe critiquable doit nécessairement être remis en cause (B).
A. Recherche d’une possible justification au plafonnement
31849. Rechercher au nom de quoi, de quel principe, de quelle nécessité, les Fonds marins d’indemnisation ne consentent à accorder qu’une réparation limitée, n’est-ce pas déjà en soi tenter de justifier l’injustifiable aux yeux des victimes de pollutions marines ? Pourtant, à bien y regarder, une réflexion, en ce sens s’avère indispensable. Ainsi que le note le Pr A. Vialard « la limitation de réparation constitue pour l’heure le socle du couple conventionnel CLC/ FIPOL »74.
32850. Si l’on a déjà montré que la limitation dans la Convention CLC pouvait, à la rigueur se justifier par le cadre maritime de l’activité de l’entrepreneur, pareil raisonnement n’est pas transposable pour les Fonds SNPD ou FIPOL. C’est par conséquent davantage dans le mécanisme du fonds lui-même qu’il convient de rechercher un début d’explication à sa présence. Cette option semble, du reste, corroborée par les écrits de Mme M.-E. ROUJOU DE BOUBEE75. Cet auteur constate, en effet, que la nécessité de limiter le montant des réparations se fait particulièrement ressentir dans le cadre d’une réparation collectivisée. Ce serait une concession nécessaire pour que soit offerte aux victimes une certaine sécurité. En effet, « l’introduction d’une telle mesure empêcherait que ne soit compromis l’équilibre financier des organismes collectifs eu égard à la capacité limitée d’absorption du corps social76 ».
33851. Cette analyse semble approuvée par la doctrine. Les limites de la dilution de la charge des dommages seraient avant tout de nature économique77. Le Pr G. Viney observe que « l’indemnisation des dommages des victimes ne saurait dépasser un certain seuil, au-delà duquel le système risque d’entraver trop gravement le dynamisme économique »78. Le Pr M. Rémond-Gouilloud résume ce réflexe juridique par une maxime des temps modernes « qui dit fonds, dit plafond »79. « L’affectation d’une somme à la couverture d’un risque implique que cette somme soit définie, c’est-à-dire plafonnée80. La nécessité d’une telle mesure ne saurait supporter l’ombre d’une quelconque discussion, puisque classée au rang des « évidences ». Pour que la charge puisse être répartie sur le groupe, il faut qu’elle puisse être évaluée donc limitée. Ainsi, si l’on en croit la doctrine, la présence de la limitation serait une « modalité de fonctionnement du fonds »81. Même ainsi justifié, le principe du plafonnement de la réparation reste critiquable, et à ce titre il gagne à être remis en cause.
B. Vers une nécessaire remise en cause du plafonnement
34852. « La généralisation du plafonnement légal des indemnités peut-elle conduire à un compromis satisfaisant entre l’aspiration indemnitaire des victimes et les impératifs de gestion collective du risque »82 ? Répondre par l’affirmative à cette question serait admettre que la technique du plafonnement, inadmissible lorsqu’il s’agit de responsabilité objective, nous l’avons démontré, puisse se justifier en présence d’un mécanisme collectif d’indemnisation. A l’aune des récentes pollutions maritimes majeures, pareille conclusion paraît d’emblée fortement critiquable. Dès lors, on est tout naturellement fondé à se demander si l’idée de limitation ne doit pas, là aussi, être remise en cause. Pour convaincre de cela, il convient d’abord de montrer en quoi cette modalité particulière de fonctionnement fondée sur la maîtrise des coûts de l’indemnisation est critiquable en son principe (1) et, surtout, pourquoi elle ne répond pas à un quelconque impératif de gestion collective du risque (2).
1. Une modalité de fonctionnement du fonds critiquable en son principe
35853. Cette modalité particulière de fonctionnement du fonds peut être critiquée tant ratione materiae (a), que ratione personae (b).
a) Critique ratione materiae
36854. En inscrivant la limitation de l’indemnisation parmi les modalités de fonctionnement du fonds, le législateur marque sa volonté d’introduire dans le système d’indemnisation un mécanisme de maîtrise des risques. Le plafonnement de la réparation est un rouage essentiel dans ce mécanisme. Ce dispositif de limitation, à la différence de celui qui opère dans le fonds constitué par le propriétaire, consacre une atteinte définitive aux droits des victimes de pollution83. En effet, situé hors du cadre de la responsabilité, on ne saurait compter sur la découverte d’une quelconque faute pour faire céder le verrou posé par le principe de limitation.
37855. Sans doute un exemple chiffré, emprunté à la récente actualité, rend-il mieux compte du caractère inique de la solution. Compte tenu du plafond actuel du FIPOL pour la catastrophe du Prestige, soit 171 millions d’euros, et du coût estimé des dommages résultant du naufrage, soit un milliard d’euros, il apparaît d’ores et déjà que les victimes en « seront pour leur poche », bien que n’ayant rien à se reprocher »84.
38856. Se trouverait-il matière à les rassurer dans l’évocation du sort réservé à celles de l’Erika ? Ces dernières n’ont-elles pas vu leurs créances éligibles passer de 50 à 80 %, pour finalement atteindre 100 %, le 25 avril 2003 ? Pareille progression dans l’indemnisation s’explique par l’application de la règle selon laquelle si les demandes atteignent un montant supérieur au plafond d’indemnisation, il est appliqué un prorata au marc le franc entre les demandeurs sur la base des créances éligibles au Fonds, les victimes se trouvant dès lors placées sur un pied d’égalité. Ce dispositif est motivé par le souci de gérer les fonds disponibles dans l’attente de l’arrivée du délai de prescription. Le taux de recouvrement de 100 % doit être apprécié à sa juste valeur. Il n’a été atteint qu’au prix de transactions, de concessions dont on peut légitimement douter du caractère réciproque, eu égard à l’inégalité des rapports de force en présence85.
39857. Plus encore, le caractère inacceptable de la méthode trouve un point d’orgue dans l’évocation de l’affaire du Prestige. Ce taux, d’apparence idéale, risque de ne jamais être atteint dans ce nouveau contentieux. En effet, le 7 mai 2003, le FIPOL a annoncé, au vu des estimations des dommages présentés par la France, l’Espagne, et dans une moindre mesure le Portugal, que les victimes, les deux États et leurs collectivités locales comprises, ne devraient être indemnisés qu’à hauteur de 15 % environ des demandes86. Ce pourcentage a été revu à la hausse le 18 octobre 2005, le FIPOL ayant décidé de porter le taux de paiement des indemnités à 30 % des demandes recevables.
40858 Pour tenter de justifier cette décision du Comité exécutif, inique mais somme toute conforme à l’actuel fonctionnement du FIPOL et prise d’un commun accord par les États signataires de la Convention, Monsieur M. Jacobsson, administrateur du FIPOL, a fait valoir deux arguments devant la Commission d’enquête Priou. D’une part, à la différence de celle de l’Erika, la catastrophe du Prestige a affecté plusieurs États : l’Espagne87, le Portugal de manière plus limitée, la France. D’autre part, ces États n’ont ni renoncé à leur propre créance, ni même consenti à se porter créanciers de dernier rang.
41859. Faut-il alors conclure, à l’instar du Pr C. Radé que « mieux vaut une mauvaise réparation que pas de réparation du tout ?"88 Les victimes ne paraissent pas convaincues de cela ; sans compter que le temps risque d’avoir un impact incongru sur l’assiette de la réparation. Car si, à l’origine, le plafond fixé correspond à des normes objectives, évaluations maximales, au pire, moyennes des dommages susceptibles d’être causés par un accident correspondant au risque couvert, cette appréciation ne vaut qu’à l’instant où elle a été effectuée. Et l’on peut douter de la réelle capacité du mécanisme de révision quinquennale introduit par le FIPOL à venir enrayer « l’impact incongru des fluctuations internationales de la monnaie de compte »89.
42860. Quoique regrettable, l’enchaînement des catastrophes de l’Erika et du Prestige aura eu le triste mérite d’illustrer cela. Un exemple chiffré permettra de rendre compte au mieux de ce phénomène. Tandis qu’en 1999, 184 millions d’euros étaient alloués aux victimes de l’Erika, celles du Prestige compte tenu des « errements du système monétaire » devraient se contenter de 171,5 millions d’euros. Et cela, alors même que la nature de l’accident et les coûts des traitements de la pollution seraient très nettement supérieurs à ceux enregistrés lors de la première catastrophe.
43861. Figée aux termes d’une convention internationale, l’assiette de la réparation se trouve très vite rognée par la dépréciation monétaire. Au bout de quelques années, le plafond admis par la Communauté internationale est vidé de sa substance. L’érosion monétaire, les soubresauts incontrôlés du système des changes ôtent toute signification à une évaluation internationale au-delà de quelques années. La critique du plafonnement de la réparation au sein du fonds ne saurait être envisagée uniquement ratione materiae ; elle doit aussi l’être d’un point de vue ratione personae.
b) Critique ratione personae
44862. La transaction, conçue comme un mode alternatif de règlement des litiges a pour effet de placer les protagonistes dans un rapport contractuel avec le FIPOL. Dès lors, la modalité de fonctionnement du FIPOL que constitue la limitation peut être envisagée tant à l’égard de ses débiteurs que de ses créanciers. Côté débiteurs, la limitation intéresse, en premier lieu, les financeurs du FIPOL. Alimenté par les taxes perçues sur les quantités d’hydrocarbures transportés par voie maritime, le FIPOL sollicite les grandes compagnies pétrolières. A leur endroit, assujettis à une dette par essence plafonnée, la limitation apparaît, comme une forme déguisée de soutien dont on est naturellement fondé à critiquer le bien-fondé, eu égard aux énormes profits réalisés par ces industries. En effet, une condamnation à une réparation intégrale ne saurait suffire à venir perturber outre mesure l’exercice de cette activité en raison du mode particulier de financement du fonds. Les fonds marins sont alimentés par des taxes perçues sur chaque tonne de pétrole transportée par voie maritime. Etant donné que près de deux milliards de tonnes de pétrole circulent sur les mers ; les taxes en question ramenées au prix du litre, deviennent parfaitement supportables. Cela se vérifie d’autant, que ces charges sont, en définitive, répercutées en bout de chaînes sur les consommateurs.
45863. Côté créanciers, la limitation intéresse les victimes de pollutions. Comment justifier à leur endroit, une amputation de leur droit à indemnisation. Au nom de quoi pratiquerait-on une ponction périodique sur les biens et revenus des populations littorales ?90 Le trafic pétrolier par voie maritime étant un trafic profitable à l’ensemble de la Communauté internationale, le coût des accidents et incidents susceptibles d’en résulter doit être répercuté sur la communauté internationale toute entière, et non pas seulement sur une fraction de celle-ci, à savoir les populations riveraines des principales grandes routes maritimes. Cette suppression du plafond se justifierait d’autant que cet aménagement de l’indemnisation ne constitue pas un impératif de gestion collective du risque.
2. Un aménagement de l’indemnisation non constitutif d’un impératif de gestion collective
46864. On admet traditionnellement que la limitation au sein des mécanismes collectifs d’indemnisation conditionne l’efficacité, et plus encore la viabilité du système. Cela participerait, nous dit-on, d’une évidence. L’évidence serait-elle susceptible de paralyser toute démonstration contraire ? Assurément non. Les industries contributrices au fonds seraient mal venues à invoquer de quelconques « impératifs budgétaires »91, comme ceux tenant à la nécessité d’anticiper les pertes, lorsque l’économie des régions littorales, gravement affectée par des pollutions successives aurait été placée devant le fait accompli. La réparation intégrale répond à une exigence d’équité92, d’autant plus vitale que notre société n’accepte plus aussi facilement qu’auparavant que l’on puisse incriminer le destin. A tout le moins, il y a à l’origine de ces maux une responsabilité morale, si ce n’est juridique.
47865. Quand bien même pareils mécanismes d’indemnisation auraient eu jadis pour principal objectif de faire surgir du néant une possibilité de réparation, on ne saurait aujourd’hui se satisfaire d’une réparation forfaitaire. Il pourrait exister, là aussi, un même besoin impérieux d’instaurer un système de réparation intégrale du préjudice subi93. L’apparition récente de mécanismes d’indemnisation collectifs, emportant une réparation intégrale de certains dommages spéciaux, paraît de nature à conforter cela. Bien qu’empruntés au droit positif français, ces exemples semblent attester de la capacité des mécanismes d’indemnisation collectifs à fournir une réparation intégrale. Ainsi la loi Badinter du 5 juillet 1985 relative à l’indemnisation des victimes de la circulation, malgré les craintes exprimées quant à son effet inflationniste, a refusé de remettre en cause la règle de réparation intégrale des préjudices personnels ou matériels des victimes d’accidents de la circulation94. Les réformes de la responsabilité du fait des produits défectueux ou des prestataires de service n’ont pas plus porté atteinte à un principe fermement défendu au nom de la tradition juridique nationale de préservation des droits acquis par les consommateurs95. Enfin, on notera que les fonds d’indemnisation relatifs aux drames du sang contaminé, de l’amiante96, ou bien encore des victimes d’attentats97 ont eux aussi retenu le principe d’une réparation intégrale.
48866. Ainsi la réparation intégrale paraît s’inscrire dans une logique. L’indemnité forfaitaire, parce qu’elle n’a pas le caractère de dommages et intérêts mais celle de secours pour ne pas dire d’aumône, est appelée à s’effacer pour laisser place à une véritable logique d’indemnisation. Toutefois, la mise en place de cette dernière pourrait encore être perturbée du fait de l’existence de possibles aléas dans la mise en œuvre des fonds marins.
§ 3. Les possibles aléas dans la mise en œuvre des fonds marins
49867. En qualité de mécanismes d’indemnisation d’abord, les fonds sont appelés à être opérationnels dans certaines hypothèses préalablement définies par le législateur international. A l’inverse, dans d’autres, plus rares, ils ne sauraient l’être car autorisés par la Convention à se prévaloir d’une cause d’exonération (A). En qualité d’organes internationaux de résolution des litiges par des moyens extra-judiciaires ensuite, les Fonds marins sont exposés à de multiples pressions. Quoiqu’ils s’en défendent, ils en exercent aussi parfois. Ces pratiques parasitaires se présentent comme autant de dissonances dans la réparation, comme autant de possibles manifestations de partialité (B). En qualité de sujets de droit interne enfin, lorsqu’ils sont assignés devant une juridiction nationale par un plaignant, les fonds marins sont soumis à la loi du for. Or, des divergences d’interprétation peuvent occasionner des turbulences dans la réparation (C).
A. L’absence de réparation : les possibles causes d’exonération des fonds
50868. Il convient d’emblée de l’admettre, les hypothèses dans lesquelles les fonds marins seront exonérés de leur obligation d’indemnisation ont été conçues de façon restrictive par le législateur. Rares exceptions à l’intervention quasi-généralisée du fonds, elles sont essentiellement au nombre de deux : la première concerne l’acte de guerre (1), la seconde l’hypothèse où le demandeur ne sera pas parvenu à établir que le dommage résulte d’un ou plusieurs navires (2), l’hypothèse de négligence contributive de la victime appelant, quant à elle, un traitement particulier (3).
1. L’acte de guerre
51869. Sous cette appellation générique, sont, en réalité, regroupées plusieurs hypothèses. Sont visés non seulement les dommages résultant d’un acte de guerre, d’hostilités, d’une guerre civile ou d’une insurrection, mais aussi ceux résultant de fuites ou rejet de substances provenant d’un navire de guerre appartenant à un État, ou exploité par lui et affecté exclusivement, au moment de l’événement, à un service non commercial d’État98. Parce que ce cas d’exonération présente la particularité d’être commun à la Convention CLC et à la Convention portant création du FIPOL, il n’appellera pas de plus amples commentaires à la différence du suivant, celui d’une source de pollution inconnue.
2. La source de pollution inconnue
52870. Le Fonds est exonéré de son obligation d’indemnisation, « si le demandeur ne peut prouver que le dommage est dû à un événement mettant en cause un ou plusieurs navires »99. En d’autres termes, cela signifie que le Fonds ne sera pas mis à contribution toutes les fois que la source de pollution sera demeurée inconnue. Cette cause d’exonération est, pour l’essentiel, commune au FIPOL et au Fonds SNPD. La formulation de ladite exonération laisse clairement entendre que les Fonds n’auront vocation à intervenir qu’en présence d’une nappe provenant d’un100, voire de plusieurs navires101, étant toutefois exclue l’hypothèse de rejet opérationnel. Dès lors, si une nappe est apparue sur la surface de la mer sans que son origine puisse être déterminée, on ne saurait exiger l’intervention du fonds puisque, a priori, cette nappe pourrait aussi bien provenir d’un navire, d’une plate-forme de forage ou d’une usine proche102.
53871. Les rédacteurs des conventions mettent donc à la charge des victimes le soin de rapporter l’existence d’un lien de causalité entre l’événement mettant en cause un ou plusieurs navires et le dommage. En exigeant que le lien entre le dommage et l’événement soit rapporté, nul doute que les rédacteurs ont souhaité verrouiller encore davantage les demandes d’indemnisation adressées aux fonds. En effet alors même qu’il ne serait pas exigé des demandeurs qu’ils prouvent de quel navire provient la fuite, ils doivent encore prouver que cette fuite est liée à un événement, à un fait, ayant occasionné un déversement. Toutefois, l’ajout de la mention « avec une probabilité raisonnable », par les rédacteurs de la Convention SNPD, pourrait être de nature à assouplir cette rigueur probatoire. Le Pr P. Bonassies103 note que cet assouplissement pourrait s’avérer particulièrement opportun en présence de dommages impliquant des conteneurs échoués sur un rivage et dont on peinerait à établir l’identité du transporteur maritime à qui ils avaient été confiés. Dans un tel scénario, il existe, en effet, une probabilité raisonnable pour que l’événement ait mis en cause un ou plusieurs navires, le fonds ne pouvant dès lors se dérober à son obligation de prise en charge de la réparation. Quid de la réparation en présence d’une négligence contributive de la victime ?
2. La négligence contributive de la victime
54872. La négligence contributive de la victime est un fait pris en considération par le droit pour apprécier son droit à indemnisation104. Les Conventions portant création des fonds lui consacrent des dispositions particulières. La formulation de cette cause d’exonération est classique. « Si le fonds prouve que le dommage résulte en totalité ou en partie soit du fait que la personne qui l’a subi a agi ou omis d’agir dans l’intention de causer un dommage, soit de la négligence de cette personne, il peut être exonéré intégralement ou partiellement de son obligation d’indemniser cette personne »105.
55873. La portée de ce cas exonération doit être relativisée à un double titre. En premier lieu, le FIPOL ne peut l’opposer qu’aux seules victimes fautives à l’origine du dommage et non aux autres. En second lieu, ledit article ne dispense pas le FIPOL de prendre en charge les frais de mesures de sauvegarde exposés par la victime fut-elle fautive. Les opérations de nettoyage en mer et à terre occasionnées par le naufrage du Prestige, l’évacuation des hydrocarbures collectés, devraient donner lieu à d’importantes demandes d’indemnisation de la part du Gouvernement espagnol. Eu égard à sa gestion de la crise particulièrement désastreuse, il serait tout à fait légitime que le FIPOL invoquât à son profit cette cause d’exonération pour refuser d’indemniser partiellement au moins, l’État espagnol106. Toutefois, cela est sans compter avec des considérations politiques, lesquelles sont susceptibles de faire obstacle à une application rigoureuse de la Convention portant création du FIPOL. Les aléas dans la mise en œuvre des fonds marins ne visent pas seulement les hypothèses d’absence de réparation. Ils englobent aussi toute dissonance dans la réparation, et au premier chef certaines causes de partialité.
B. Les dissonances dans la réparation : les possibles causes de partialité
56874. Quoiqu’elles s’en défendent, certaines parties, appelées à jouer un rôle-pivot dans la procédure particulière d’indemnisation du FIPOL peuvent exercer des pressions en vue d’obtenir une solution conforme à leurs attentes. Ces critiques visent essentiellement les États parties aux Conventions ; pour ces derniers, le respect du devoir de neutralité, au sein du Comité exécutif du FIPOL s’avère un exercice difficile (1).Mais semblable critique peut être adressée aux fonds eux-mêmes. La partialité des fonds ne trouverait-elle pas à s’exprimer par le biais d’une atteinte aux droits des victimes ? (2).
1. La partialité des États-parties : le difficile exercice du devoir de neutralité au sein du FIPOL
57875. Les fonctionnaires ressortissants de chacun des États parties appelés à siéger au FIPOL exercent une double mission. D’une part, dans le cadre de l’assemblée, ils sont appelés à fixer, les contributions nationales puis à les collecter ; d’autre part, dans le cadre du Comité exécutif, ils doivent décider de leur affectation107. Nul doute que cette position singulière de « payeurs d’aujourd’hui », et de « demandeurs de demain » place d’emblée les États parties, et les fonctionnaires chargés de les représenter, sous le feu de la critique. Peuvent-ils raisonnablement se prétendre impartiaux ? Appelé à fixer les contributions de ses ressortissants, l’État-partie veillera à ménager les deniers de ses industries. Appelé à les collecter, il devra s’engager à établir une liste des personnes tenues de contribuer. Cette liste devra être communiquée à l’Administration du FIPOL108, accompagnée des chiffres des importations sous la forme de statistiques douanières109. Accessoirement, l’État peut choisir d’assumer « personnellement » les obligations incombant à toute personne tenue à contribution110 ; étant précisé que dans l’hypothèse d’une procédure judiciaire intentée contre lui devant un tribunal compétent, il s’engage à renoncer à toute immunité de juridiction qu’il aurait pu faire valoir111. Dans cette fonction de percepteur, on doit s’attendre à ce que l’Étatpartie veille à ce que, sur son territoire, l’obligation de contribution au fonds soit satisfaite. Ainsi, pour une meilleure effectivité, l’État a la possibilité d’adopter des mesures législatives ad hoc, sous forme notamment de sanctions112.
58876. Chacun l’aura compris, la pièce maîtresse dans ce dispositif est l’établissement du rapport annuel sur les quantités de pétroles reçues par mer. Même si le principe est celui d’une relation juridique directe entre les contributeurs et le FIPOL, le Fonds international est tenu par les déclarations des États, puisque la liste des contributeurs et des quantités déclarées fait foi jusqu’à preuve contraire113. La Convention ne prenant pas soin de préciser les moyens qui peuvent être utilisés pour combattre cette présomption d’exactitude des déclarations, on peut douter qu’elle puisse être renversée un jour. Alors même que l’Assemblée du FIPOL semble déplorer l’absence de communication de rapports annuels par certains États114, il convient tout de suite de noter que les rédacteurs n’ont pas entendu conférer au Fonds international des pouvoirs significatifs pour lutter contre ce fléau. Dépourvu de pouvoir d’enquête ou de vérification, le FIPOL doit admettre qu’il ne pourra jamais avoir la certitude que les chiffres qui lui sont communiqués sont exacts ; et cela quand bien même la tentation serait trop forte pour certains États de minorer les quantités reçues. On notera toutefois qu’il existe des données impartiales, comme celles fournies par EUROSTAT.
59877. Le système de contribution choisi, à savoir la contribution à l’importation, suppose l’étroite coopération des administrations, douanières en particulier. S’il fonctionne bien s’agissant des hydrocarbures, il pourrait être d’un emploi plus délicat en présence de SNPD. Car, si le contrôle des importations de pétrole est facilité par le nombre limité d’entreprises et le caractère généralement massif des opérations d’import-export, il est rendu très difficile par la présence de milliers d’importations de marchandises dangereuses. Certes loin de nous l’idée de porter le discrédit sur les administrations nationales concernées, mais à l’évidence on doit, d’ores et déjà, craindre que toutes ne manifestent pas le même degré de diligence.
60878. Il n’en demeure pas moins que le FIPOL s’attache à encourager l’esprit de concertation. Aussi a-t-il consenti à plafonner les contributions du plus grand contributeur, à savoir le Japon115. Conscient et craignant que le mélange des genres ne soit poussé à l’extrême au risque de discréditer l’institution116, le législateur international se devait de réagir. Avec le Protocole de 1984, c’est la menace d’une sanction qu’il brandit contre tout État contractant qui ne remplirait pas l’obligation qui lui est faite de soumettre à l’Administrateur du Fonds certains renseignements susceptibles de se traduire par une perte financière117. S’il s’agit là d’une mesure assurément positive, le caractère discrétionnaire de la condamnation conduit nettement à relativiser la portée d’une telle disposition. C’est, en effet, l’assemblée qui, après avis de l’Administrateur, décidera finalement si l’État contractant118 doit être effectivement condamné.
61879. Appelé à se prononcer sur l’affectation des contributions, en présence de demandes d’indemnisation émanant soit de lui, soit de ses ressortissants, l’État partie se pose nécessairement en défenseur d’intérêts particuliers. Dès lors, la confusion des genres est inévitable. L’hypothèse la plus paroxystique, à cet égard, est sans doute celle où un État est appelé à solliciter le FIPOL à un double titre : d’une part, pour les dommages qu’il a personnellement subis119, d’autre part, au titre de subrogé dans les droits des victimes nationales qu’il aurait préalablement indemnisées. Il apparaît clairement que, dans cette seconde hypothèse, l’État se comporterait en juge et partie car, prenant à l’avance position sur le préjudice effectivement subi par les victimes qu’il indemniserait, il exercerait une forme de pression sur le FIPOL. Il n’en demeure pas moins que le FIPOL pourrait se montrer suspicieux à l’égard de subventions attribuées de manière généreuse, car le plus souvent destinées à calmer une opinion publique remontée120.
62880. S’il est difficile de mettre en évidence les pressions qui s’exercent, l’affaire du Haven a le mérite de propulser certaines d’entre elles, sur le devant de la scène. En théorie, ainsi que le note fort justement un auteur121, « on pourrait s’attendre à ce qu’un État n’aille pas à l’encontre de la position défendue par l’Organisation internationale dont il est membre ». La position italienne à l’occasion du contentieux du Haven est topique, en la matière. Trois États ont été touchés par cette pollution : la France, Monaco et l’Italie. Si l’indemnisation des deux premiers a été évaluée conformément aux règles et à la pratique du FIPOL, celle du troisième s’est davantage fondée sur le droit italien régalien que sur les dispositions spéciales de la Convention portant création du FIPOL, et, plus largement, sur la pratique de cet organe. L’actualité récente permet également de mettre en exergue la présence d’intérêts particuliers au sein du FIPOL. L’État espagnol sévèrement touché par la catastrophe du Prestige a ainsi décidé à titre individuel, c’est-à-dire sans même consulter l’Union européenne, de signer le protocole à la Convention de 1992 portant création d’un Fonds supplémentaire122.
63881. Si les États parties peuvent être tentés de défendre leurs intérêts, ou ceux de leurs ressortissants, en adoptant des positions pas toujours conformes à la ligne directrice fixée par le FIPOL, le FIPOL lui-même pourrait se montrer partial à l’égard des victimes au risque de porter atteinte à leur droit.
2. La partialité des fonds : l’atteinte aux droits des victimes ?
64882. Il existe, manifestement, une divergence d’appréciation entre les victimes et le FIPOL quant à l’action de ce dernier. Tandis que le Fonds se targue de pouvoir gérer efficacement, c’est-à-dire dans les meilleurs délais et dans la plus grande transparence, les demandes d’indemnisation, les victimes l’affublent de tous les maux. L’on se doit de s’immiscer dans ce genre de polémique avec la plus grande précaution. Se pourrait-il que le FIPOL soit si partial, qu’il puisse s’affranchir de son devoir d’équité envers les victimes ? Pour espérer répondre à une telle question, le commentateur a besoin de repères, faute de quoi l’argumentation risque d’être évanescente. Le droit français est un cadre, parmi d’autres, dans lequel il est permis de s’aventurer à cette fin.
65883 Il convient d’abord de replacer les points d’achoppement dans leur contexte. Nous l’avons dit, le FIPOL fait appel à un mode alternatif de règlement des litiges : la transaction. D’Argentré123, dans sa coutume de Bretagne, avait en son temps relevé que cette technique était matière à dispute. Prévue à l’article 2044 du Code civil français, la transaction implique l’existence de concessions réciproques des parties124. Bien que « la disproportion des concessions ne soit pas une cause de nullité de la transaction »125, on peut douter de la présence de réciprocité dans les conditions, lorsque le FIPOL propose aux victimes du Prestige de les indemniser à hauteur de seulement 15 % de leur préjudice estimé. Toutefois, en dépit de la rigueur de la formule, il faut se souvenir que le FIPOL appelé à jouer le rôle d’une « pompe aspirante et refoulante », ne peut espérer distribuer plus qu’il n’a reçu.
66884. Il faut ensuite resituer le débat dans un cadre judiciaire. Alors même que le FIPOL aurait recours à des moyens extra-judiciaires, il n’en est pas pour autant, pensons-nous, dispensé de respecter les règles élémentaires d’un procès équitable. A ce titre, la victime ne doit pas être dissuadée d’agir126. Pour faciliter l’indemnisation, le FIPOL installe un bureau d’indemnisation sur les lieux touchés par la pollution. Pourtant, il semblerait, du moins si on se fie aux conclusions d’un rapport de l’Assemblée nationale127, que les demandeurs aient eu à souffrir de la mauvaise organisation de la communication : Les informations nécessaires n’étant pas, lit-on, toujours disponibles, les explications concernant les mécanismes et les procédures d’indemnisation manquant parfois de clarté. Cela explique qu’un certain nombre de victimes aient pu finalement renoncer à déposer des demandes d’indemnisation128. Avant de faire valoir effectivement leur droit, les « demandeurs au FIPOL » doivent supporter un ensemble de coûts baptisés par les économistes : coûts de transaction129. Ceux-ci comprennent des éléments monétaires - honoraires d’experts, frais de représentation, et des éléments non monétaires, temps passé à constituer la demande, à négocier avec le FIPOL, à rechercher parfois en vain les pièces réclamées130.
67885. Ces dépenses de temps et d’argent sont autant de facteurs susceptibles de décourager les potentiels créanciers du FIPOL. Pour chaque demandeur potentiel, il existe une valeur critique, c’est-à-dire un montant en deçà duquel l’agent estime qu’il n’est pas dans son intérêt de déposer une demande d’indemnisation. En ce sens, l’importance des coûts de transactions influence négativement le montant global des demandes131, elle dissuade également les pollueurs potentiels d’investir dans la prévention des dommages132. Toutefois, le reproche majeur formulé à l’endroit du FIPOL reste celui du non-respect du caractère contradictoire de la procédure.
68886. Toute décision, fût-elle extra-judiciaire, est le résultat d’une confrontation entre les parties en cause, chacune d’elles ayant pu contredire les moyens, les prétentions et arguments qui lui sont opposés. Il y va du respect du principe du contradictoire133, lequel ne peut se concevoir sans la garantie d’un procès loyal Cette garantie est rappelée par l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales134 qui énonce que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial ».
69887. Alors même que les fonds ne sauraient être assimilés à des juridictions135, ils sont depuis quelques années confrontés à l’exigence de procès équitable de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Or force est d’admettre qu’il ne saurait y avoir procès à ce niveau. La procédure de type administratif utilisée par le FIPOL présente, à n’en pas douter, des garanties plus fragiles que celles conférées par une procédure judiciaire de type classique136. Le principe du contradictoire est souvent, dans les faits, malmené au stade de l’instruction des demandes d’indemnisation.
70888. Reste que l’on peut s’interroger sur le point de savoir si le FIPOL ne gagnerait pas à renforcer le formalisme processuel afin de « fonctionner comme un tribunal sans pour cela nécessairement se transformer en juridiction »137. Le FIPOL peut-il prétendre être complètement impartial lorsqu’il décide de collaborer avec l’assureur pour examiner les demandes d’indemnisation ? Si ce rapprochement est justifié par des considérations strictement pratiques, il n’est pas exclu qu’il se traduise par des luttes d’influence ; l’assureur étant en toute hypothèse appelé à se substituer au responsable-assuré.
71889. Ainsi les expertises sont menées conjointement pour le compte, d’une part, du FIPOL, d’autre part, de l’armateur et de son assureur, par un même expert : l’ITOPF138. Quand bien même ce choix serait, assure-t-on, motivé par un souci de gestion efficace des dossiers d’indemnisation, comment ne pas considérer cette association comme une mésalliance ? L’armateur et, a fortiori, son assureur de responsabilité ont un intérêt bien compris à minimiser l’importance du dommage139. On notera, qu’à l’exact opposé, la victime pourra avoir une tendance naturelle à maximiser son dommage. Si a priori le spécialiste délégué par l’industrie est sans doute en mesure d’indiquer les choix préférables en matière de lutte contre la pollution, il ne lui appartient pas de dicter les mesures susceptibles d’indemnisation. C’est là une tâche judiciaire supposant une impartialité qu’un représentant de l’industrie ne saurait satisfaire140. Il y a donc un risque d’arbitraire qui pourrait résulter de la volonté d’imposer ses propres critères.
72890. Le recours systématique aux précédents, sous couvert de préserver l’équité entre États, conduit en fait à ouvrir une marge potentielle beaucoup trop importante aux experts prestataires, qui n’ont pas de légitimité particulière, et se traduit par une excessive rigidité du système. On aura presque tout dit lorsqu’on aura ajouté que l’évaluation de cet expert n’est la plupart du temps contestée ou corroborée par aucune autre expertise ; les victimes renonçant le plus souvent, à solliciter une contre-expertise dont elles devraient faire l’avance.
73891. A l’exact opposé, l’Oil Pollution Act de 1990 s’attache à faire respecter le caractère contradictoire et public de l’évaluation des dommages. Le payeur, qu’il s’agisse du pollueur ou du fonds, se voit adresser les demandes motivées et appuyées d’expertises, mais ce n’est pas lui qui délègue directement cette expertise, à un organisme spécialisé141. Il peut contester les demandes qui lui sont adressées. Les plans définitifs de restauration sont établis à l’amiable, ou à défaut le différend est tranché par le juge. Il apparaît également que les refus d’indemnisation opposés par le FIPOL sont insuffisamment motivés. « De nombreux interlocuteurs de la Commission d’enquête parlementaire ont fait part de leur difficulté à faire valoir leurs arguments auprès des experts du FIPOL lorsque leur dossier d’indemnisation était rejeté »142.
74892. Aussi, au terme de ces développements, il nous apparaît que les victimes de pollution confrontées au FIPOL seraient fondées à revendiquer un droit à une organisation impartiale, quand bien même cette dernière n’aurait pas la qualité de tribunal143. Il s’agit, là, d’une revendication forte. A défaut d’être satisfaites dans leurs demandes, les victimes sont, aujourd’hui toujours plus tentées de saisir les juridictions nationales des différends qui les opposent au FIPOL. Or, précisément cette initiative visant à confronter le FIPOL à la loi du for constitue à n’en pas douter une forme d’aléa dans la mise en œuvre du Fonds exposé dès lors aux pires turbulences.
C. Les turbulences dans la réparation : le FIPOL soumis à la loi du for
75893. De tous les aléas susceptibles d’affecter le FIPOL dans sa fonction de réparation, l’éventualité d’une confrontation directe avec la loi du for incarne le plus préoccupant d’entre eux. Cela concerne particulièrement deux hypothèses. La première vise pour le demandeur à obtenir d’un tribunal de l’État du for qu’il déclare indemnisable un dommage, non reconnu en tant que tel par le FIPOL, à l’instar du préjudice écologique pur.
76894. La seconde plus fréquente se rencontre lorsqu’un demandeur, non satisfait par le traitement de sa demande d’indemnisation par le FIPOL, décide d’assigner cette organisation intergouvernementale devant une juridiction nationale pour voir réexaminée sa demande, celle-ci ayant été rejetée ou sous-évaluée144. Lorsqu’une demande d’indemnisation n’est pas directement réglée au terme d’un accord entre le fonds et le demandeur, ce dernier a en effet la possibilité, au plus tard dans les trois ans suivant la survenance des dommages, d’engager une action en justice145. Le fonds est doté d’une personnalité juridique reconnue par les tribunaux des États membres. Cette possibilité d’assignation emporte une conséquence non négligeable pour le fonds : le risque de voir remise en cause son interprétation de la Convention146.
77895. Conscient de ce risque, le Conseil d’administration du FIPOL a adopté en mai 2003 la résolution n° 8 dans laquelle il « estime que les tribunaux des États parties aux Conventions devraient tenir compte des décisions prises par les organes directeurs du Fonds de 1992 et du Fonds de 1971 relatives à l’interprétation et à l’application desdites Conventions ». Le fonctionnement convenable et équitable du régime juridique prévu par les conventions CLC/ FIPOL repose sur une application uniforme des conventions dans tous les États-parties. Cela participe du souci de traiter de la même manière tous les demandeurs au titre d’un dommage dû à la pollution, quel que soit l’État partie dont ils pourraient être ressortissants147.
78896. Nul doute que le manuel des demandes d’indemnisation édité par les organes de gestion du FIPOL pour préciser une définition conventionnelle insuffisante du dommage de pollution par hydrocarbure aurait pu constituer une pièce maîtresse dans cette volonté d’application uniforme des Conventions. Cette publication énonce en effet les critères d’admissibilité des demandes d’indemnisation devant le FIPOL. Et nombre de juridictions nationales n’hésitent pas à se prévaloir de ces critères148. Toutefois assigné devant une juridiction nationale par un demandeur éconduit, le FIPOL aura vainement tenté de faire valoir devant la Cour d’appel de Rennes149 que lesdits critères avaient la valeur d’actes dérivés des accords internationaux150 et comme tels s’imposaient aux juridictions nationales.
79897. La Cour pour repousser cette argumentation fait valoir que les tribunaux nationaux ne sont tenus que par les seuls termes de la Convention de 1992, lesquels ont une valeur supérieure à la loi interne151 ; or, comme le souligne le Pr P. Bonassies, la Convention de 1992 ne détermine nullement les conditions dans lesquelles les actes internes du Fonds pourraient produire des effets directs à l’égard des États membres et de leurs juridictions152. En l’absence de toute précision dans l’acte constitutif, le FIPOL ne saurait se prévaloir d’un quelconque pouvoir normatif propre. Dès lors, ces critères présentés sous forme de manuel ne sauraient avoir une valeur contraignante à leur égard, ils ont valeur de simple guide pour les juridictions nationales153. Le FIPOL n’a-t-il pas lui-même reconnu cela à l’occasion de l’affaire Landcatch, faisant suite au naufrage du Braer, où en qualité de défendeur il a fait savoir que « ses propres critères donnaient simplement une indication des prises de position émergeant des réclamations et dégagées de l’expérience »154.
80898 Pratiquement cela signifie que « ce sont les tribunaux de l’État où l’affaire est jugée qui vont apprécier la demande en cause au regard des principes du droit national de la responsabilité155 et déterminer le montant de la réparation à verser par le FIPOL »156. Dès lors parce que les approches jurisprudentielles sont susceptibles de considérablement varier d’un pays à l’autre, et parce que le FIPOL n’est pas en mesure d’imposer une doctrine officielle, un auteur a suggéré que soit instituée « une Commission d’arbitrage spécifique ou une instance supérieure afin d’aboutir à une indemnisation uniforme et égalitaire des victimes quel que soit l’État en cause »157.
81899. Le risque de fragmentation du système international sous les pressions des positions dissidentes des États-parties n’a rien de virtuel, d’autant que les victimes sont encouragées par des agences spécialisées158à saisir les juridictions nationales des différends qui les opposent au FIPOL ; l’argument principal étant que la voie judiciaire permettrait d’obtenir une meilleure indemnisation. En définitive, le FIPOL, créé pour apporter une solution internationale à un contentieux issu du transport maritime par essence international, est entendu par le tribunal de l’État du lieu du dommage, comme un simple sujet de droit interne. Ces procédures parasitaires, mais que l’on peut comprendre compte tenu de l’actuel fonctionnement du FIPOL, sont susceptibles de retarder le règlement de tous les demandeurs, y compris ceux qui auront choisi la voie non contentieuse, pourtant réputée plus rapide. En effet, dès lors que le montant des dommages estimé approche du plafond d’indemnisation, et dans la mesure où l’on se trouve dans un jeu à somme nulle, la contestation de la décision d’indemnisation du FIPOL par l’une des victimes affecte très directement la possibilité pour les autres de recevoir une indemnisation définitive159.
82900. Il y a là, à n’en pas douter, un symptôme révélateur de l’actuelle pathologie du FIPOL. La dispersion du contentieux est particulièrement préoccupante lorsque plusieurs États sont victimes d’une pollution, comme cela est actuellement le cas avec le Prestige. Plus largement, c’est l’urgence d’une modernisation du système d’indemnisation pétrolier qui est mise en exergue. Dès lors, face à ce qu’il faut désormais qualifier d’obstacles, il convient de réfléchir sur les possibles modalités de réalisation d’une logique environnementale d’indemnisation.
SECTION 2. LES POSSIBLES MODALITÉS DE RÉALISATION D’UNE LOGIQUE ENVIRONNEMENTALE D’INDEMNISATION
83901. Si l’on s’en tient à la maxime, « il est plus facile de démolir que de bâtir ». Dès lors, la sagesse, voire la prudence, ne recommanderait-elle pas que l’on privilégie, dans le cadre de ce que nous avons appelé la réalisation d’une logique environnementale d’indemnisation, les solutions de complément au détriment de celles de remplacement ? N’est-ce pas d’ailleurs en ce sens que vont toutes les propositions formulées au lendemain des catastrophes ? Pourtant, gardant à l’esprit cette citation de Jean Cocteau, « le tact dans l’audace, c’est savoir jusqu’où on peut aller trop loin »160, nous voudrions montrer que les solutions de facilité ne sont pas toujours les meilleures, car reposant sur des mesures davantage conjoncturelles que structurelles. Parce que les solutions de complément, nous le démontrerons, ne sont, en définitive, que des solutions de replâtrage, elles doivent être rejetées (Sous-section 1). Dès lors, seul un « Super-fonds marchandises » qu’il convient d’élaborer dans le cadre d’un projet réaliste, nous paraît susceptible d’apporter un début de réponse aux phénomènes de catastrophes environnementales d’origine maritime (Sous-section 2).
SOUS-SECTION 1. LE SOUHAITABLE REJET DES SOLUTIONS DE « REPLÂTRAGE »
84902. Que l’on raisonne sur le long ou le court terme, des solutions ne manquent pas d’être suggérées pour tenter d’améliorer le système d’indemnisation existant. Toutefois, en l’état actuel des propositions, le système contemporain, ou même celui en devenir, a pour nous les traits d’un « édifice baroque »161. Les rafistolages successifs qui l’empêchent de s’écrouler ne font pas de lui un système satisfaisant. Loin s’en faut.
85903. Sans doute convient-il de faire la part des choses entre les différentes solutions proposées. A l’évidence, parce qu’il ambitionne de consolider l’actuel dispositif conventionnel, le Fonds international complémentaire mérite à lui seul un traitement particulier. Néanmoins, parce que sa capacité à révolutionner la matière apparaît d’ores et déjà surfaite, c’est sa précarité annoncée face aux phénomènes catastrophiques qu’il s’agira de mettre en évidence (§1). Ensuite, parce qu’elles sont pour l’heure incontournables, les différentes solutions nationales appelées à la rescousse des solutions internationales défaillantes appelleront un jugement critique. Là encore, c’est l’inopportunité de ces dernières qu’il conviendra de mettre en évidence (§2).
§ 1. La précarité annoncée du Fonds international complémentaire
86904. Créer un fonds international complémentaire d’indemnisation, telle est la solution imaginée par le législateur international pour faire face aux problèmes d’indemnisation en cas de pollutions majeures. La Conférence diplomatique qui s’est tenue en mai 2003 a adopté le Protocole de 2003 à la Convention internationale de 1992 portant création d’un Fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures162. Ce protocole, bien qu’optionnel163, est entré en vigueur le 3 mars 2005164, attestant si besoin était de la nécessité de prévoir un dispositif ad hoc pour faire face aux pollutions majeures. Tout État qui est partie à la Convention de 1992 portant création du Fonds peut devenir partie au Protocole, et de ce fait membre du Fonds complémentaire. Ce fonds complémentaire indemnisera toute personne qui n’a pu obtenir une réparation intégrale du fonds principal165.
87905. Si une telle initiative166 participe du souci bien compris d’améliorer le sort des victimes de pollutions majeures, la superposition d’un fonds complémentaire à l’actuel FIPOL doit, en définitive, s’analyser comme un simple relèvement des plafonds d’indemnisation. Or, l’expérience a montré combien toute démarche tendant à relever les plafonds d’indemnisation pouvait être une initiative nécessairement vaine face aux phénomènes catastrophiques (A), traduisant, qui plus est, l’incapacité du droit à appréhender ces phénomènes (B).
A. Une initiative vaine face aux phénomènes catastrophiques
88906. Ainsi que le rappelle Maître Jean-Serge Rohart, « l’objectif qui est à l’origine de la création du FIPOL était, et est toujours, l’indemnisation directe et entière de toutes les victimes, et ce n’est que l’érosion monétaire et l’ampleur de grandes catastrophes telles que celle du Tanio d’abord, de l’Erika et, surtout, du Prestige qui ont révélé les limites des plafonds FIPOL »167. A en croire cet auteur, il ne faudrait pas jeter la pierre à l’actuel système car il serait en mesure d’apporter une solution aux pollutions de faible ou de moyenne ampleur, ou plus largement aux « dommages normaux »168, les phénomènes catastrophiques appelant quant à eux une réaction particulière et nécessairement a posteriori. Or, précisément face à la « banalisation des catastrophes »169, dont rend compte la survenance à moins de trois ans d’intervalle des naufrages de l’Erika et du Prestige, on est fondé à s’interroger sur l’opportunité d’une méthode qui s’obstinerait à ignorer les dommages exceptionnels.
89907. Certes, pour faire face tant à l’accroissement de la flotte mondiale des navires-citernes, qu’à celui des dommages, le régime international d’indemnisation a su évoluer. Toutefois, force est d’admettre que cette évolution se signale essentiellement par le relèvement discontinu du plafond d’indemnisation170. Ce dernier, en l’espace de 30 ans, aurait été multiplié par 15, passant de 18 à 269 millions de dollars171. Le dernier relèvement de plafond en date d’octobre 2000 s’est traduit par une majoration de 50, 37 % du plafond antérieur le portant dorénavant à 203 millions de DTS, soit 230 millions d’euros, à compter du 1 er novembre 2003. Mais, ironie du sort, on soupçonnerait presque les éléments de se liguer pour convaincre le législateur du caractère insatisfaisant de la méthode, l’enchaînement des catastrophes aidant, ce seuil s’est très vite révélé inadapté au « risque-catastrophe », avant même d’entrer en vigueur. Le caractère flagrant de l’inadaptation aura suffi à convaincre le législateur international de passer à une « vitesse supérieure » en créant un fonds international complémentaire.
90908. Certes, il est des seuils qui ont valeur de symbole. Ainsi le fonds complémentaire de 2003, en ce qu’il permet de monter à 875 millions d’euros172 le plafond d’indemnisation à partir du fonds régulier, pourrait se targuer d’aligner le système international sur le système américain. Mais que l’on ne s’y trompe pas, tout plafond en matière d’indemnisation, pour être apprécié à sa juste valeur, gagne à être replacé dans un contexte plus large. Or précisément, si le plafond d’indemnisation doit s’analyser comme un élément à part entière d’un système d’indemnisation, ce dernier ne constituera jamais lui-même qu’un « sous-ensemble d’un programme plus vaste axé sur la prévention des pollutions et, plus largement, sur la sécurité maritime »173. Or, si la législation internationale, en matière de sécurité maritime, progresse indubitablement, elle ne saurait prétendre rivaliser avec sa consœur américaine.
91909. Dès lors, la création d’un fonds complémentaire, quand bien même elle en constituerait une forme plus sophistiquée, peut être assimilée à un simple relèvement de plafond. Pas plus que les précédentes, cette initiative ne saurait dès lors prétendre apporter une solution satisfaisante. Pourtant force est d’admettre, qu’à cette occasion une étape supplémentaire aura été franchie. Avec la création du fonds complémentaire, l’idée selon laquelle les Protocoles de 1992 ne seraient pas en mesure d’apporter une solution aux problèmes de pollutions majeures s’impose174 et, peut être plus encore, l’incapacité du droit en gestation à appréhender le phénomène catastrophique.
B. Une initiative révélant l’incapacité du droit à appréhender les phénomènes catastrophiques
92910. Le relèvement des seuils d’indemnisation, tel est le réflexe « quasi-pavlovien » du législateur en présence d’une pollution majeure. Cette initiative, outre qu’elle ne saurait apporter une solution satisfaisante aux victimes de pollutions majeures, révèle plus encore l’incapacité du droit en gestation à gérer le phénomène catastrophique. La catastrophe, « événement unique engendrant instantanément de nombreuses victimes d’une part, des risques de masse, d’autre part »175, apparaît comme une catégorie du droit susceptible de rendre compte d’une certaine extension dans l’espace des dommages causés par des faits dont les conséquences sont d’une amplitude exceptionnelle176. En ce sens, elle pose au juriste des questions inédites pour lesquelles aucune réponse n’existe dans l’arsenal juridique. Et l’on peut douter que le Protocole portant création d’un fonds complémentaire apporte une réponse adaptée à ce problème, parce qu’il n’emporte qu’un simple relèvement des plafonds.
93911. Or, de toute évidence le droit est voué à prendre en compte cette nouvelle donnée, ce « changement d’échelle »177. Ainsi que le suggèrent certains auteurs, il est peut être venu le temps après la théorie du risque, d’élaborer une théorie de l’« ultra-risque »178 ou du « grand risque »179. Celle-ci pourrait faire l’objet d’une nouvelle branche du droit : le « droit des catastrophes »180.
94912. Le trait saillant de la catastrophe qui vient aussitôt à l’esprit est la gravité de l’événement de référence. Or, cette gravité est ressentie à travers les conséquences de l’événement dommageable, lesquelles dépassent le seuil de l’individuel pour générer des dommages matériels, corporels et moraux à plusieurs personnes ou à l’environnement. Dès lors, la notion de catastrophe ne saurait se limiter à l’événement lui-même. Ainsi que le note fort justement un auteur181, « le caractère catastrophique ne ressort pas de l’événement générateur, mais des conséquences qu’il produit : la catastrophe désigne une variété particulière de dommage. Le recensement de faits générateurs spécifiques, même s’il est pertinent, puisque toute situation n’est pas susceptible de produire des effets d’une ampleur de cet ordre, ne peut prétendre servir de critère caractéristique de la catastrophe ».
95913. La dimension catastrophique s’apprécie du point de vue des conséquences dommageables qui se sont effectivement manifestées. Une liste d’événements ne peut avoir qu’une portée indicative, chacun d’entre eux étant a priori susceptible d’être à l’origine des effets catastrophiques. Quant au caractère catastrophique des conséquences dommageables elles-mêmes, les auteurs s’accordent sur la dimension collective. Cette dernière constitue à n’en pas douter le critère distinctif de la catastrophe. La catastrophe environnementale emblématique que constituent les marées noires résulte d’un événement survenu isolément qui, à lui seul, cause instantanément un nombre important de victimes. Dans cette hypothèse, le caractère collectif du dommage est immédiat et inhérent à la production de l’événement.
96914. La seule réaction que peut avoir le droit face aux victimes consiste à proposer des procédés purement réparateurs, c’est-à-dire intervenant a posteriori. La spécificité du dommage catastrophique remet en cause les mécanismes de type classique, tel que celui d’imputation. Elle invite à revoir l’attribution de la charge des dommages. En adoptant le Fonds d’indemnisation des dommages pétroliers, puis le fonds complémentaire, c’est indubitablement dans une logique de dommages de masse que se place le dispositif conventionnel. Toutefois ledit dispositif n’est pas pleinement satisfaisant. S’il peut se recommander d’une théorie, c’est de celle du risque et non de l’ultra-risque.
97915. En outre, on est fondé à se demander, si l’« amalgame de responsabilité civile et d’indemnisation automatique »182 ne constitue pas, à terme, un obstacle à l’émergence d’un véritable droit des catastrophes. Il y a, en effet, entre le système de responsabilité civile et celui de l’indemnisation automatique une différence essentielle. Tandis que dans l’indemnisation automatique, le dommage est réparé sans qu’il soit nécessaire d’imputer sa survenance à l’existence d’une personne, dans la responsabilité civile, il convient de rechercher un responsable dont l’activité est à l’origine du dommage, cette activité n’étant pas nécessairement fautive lorsque la responsabilité est de plein droit. L’indemnisation automatique des dommages d’origine accidentelle, fondée sur la nécessité d’assurer la réparation des atteintes liées à l’altération de l’environnement, est, elle, proche d’un système de « responsabilité sociale ». En effet, puisqu’il n’y a pas à rechercher un responsable, c’est le dommage subi qui est pris en considération et non le dommage causé. Dès lors, ce système nous paraît pouvoir constituer un meilleur tremplin vers une réparation intégrale.
98916. Toutefois, alors même qu’ils ne seraient pas parvenus à transformer l’actuel dispositif en une véritable branche du droit des catastrophes, force est d’admettre que les rédacteurs du Protocole portant création du fonds complémentaire ont tenté de le faire évoluer en ce sens. En choisissant la technique du Fonds pour apporter un complément d’indemnisation aux victimes, le législateur s’attache à accentuer la participation de l’industrie pétrolière sans même associer les intérêts du shipping.
99917. Tout se passe comme si la création du fonds complémentaire avait rendu vain tout examen des questions de responsabilité. Ce qui paraît avoir constitué l’enjeu majeur de la Conférence diplomatique de mai 2003, c’est la limite maximale du plafond. Le fonds complémentaire n’est pas alimenté de façon conjointe par les propriétaires de navires et les réceptionnaires de cargaisons183. Seuls ces derniers seront, finalement184, mis à contribution, et plus exactement tous ceux qui reçoivent plus de 150 000 tonnes185. Dès lors force est de constater que le législateur international accroît, ce faisant, très sensiblement le déséquilibre entre les participations respectives des propriétaires de navires et ceux des cargaisons, la participation des premiers devenant de fait quasi- accessoire186.
100Que penser alors de l’initiative de l’International Group of P& I Clubs, basée sur un engagement contractuel et volontaire ? Cette association, regroupant les treize plus grands P&I Clubs, a considéré que les armateurs pétroliers devaient être associés par l’intermédiaire des clubs, à l’effort consentis par les entreprises pétrolières. Aussi, comme ils avaient mis en place en 1969, le système TOVALOP, les propriétaires de navires ont mis au point deux systèmes TOPIA 2006 et STOPIA 2006, entrés en application le 20 février 2006, aux fins de participer au fonctionnement du fonds complémentaire. L’accord TOPIA 2006 (Tanker Oil Pollution Indemnification Agreement) prévoit que si le fonds complémentaire est appelé à intervenir après un sinistre, les propriétaires de pétrolier participeront pour 50 % au montant mis à la disposition des victimes de pollution par le fonds supplémentaire. Aux termes de l’accord STOPIA 2006 adopté pour les petits bâtiments pétroliers (moins de 29 548 unités de jauge), les armateurs pétroliers s’engagent à participer dans la limite de 20 millions de DTS au montant pris en charge par le fonds complémentaire.
101Force est de constater que les contributions versées par TOPIA et STOPIA n’ont pas vocation à augmenter les montants mis à la disposition des victimes de pollution, lesquels demeureront limités à 750 millions de DTS (fonds de limitation constitué par l’armateur du navire responsable, contribution du FIPOL, contribution du Fonds complémentaire). Cette initiative des armateurs pétroliers devraient très logiquement conduire les victimes à revendiquer une augmentation des seuils d’indemnisation. En effet, comment ne pas imaginer qu’au fonds complémentaire puisse venir s’ajouter la contribution des armateurs si cela s’avérait nécessaire à la pleine et entière réparation des victimes de pollutions. Compte-tenu de la marge d’exploitation dégagée par les entreprises pétrolières, il est regrettable que l’initiative des armateurs, plutôt que de profiter aux victimes allège la charge des entreprises pétrolières. Dès lors comment ne pas suggérer que les contributions TOPIA ou STOPIA s’ajoutent dans l’intérêt légitime des victimes aux sommes versées par l’armateur et le FIPOL ?
102918. Certes, le législateur international paraît prendre toutes les précautions de nature à favoriser l’alimentation dudit fonds. Ainsi, aux fins de lutter contre le défaut de communication des rapports relatifs aux quantités d’hydrocarbures reçus, il aménage une sanction à l’encontre des États défaillants. Chacun d’entre eux sera réputé avoir reçu un minimum de un million de tonnes d’hydrocarbures donnant lieu à contribution187. Une telle disposition devrait inciter les États à se montrer plus diligents, et cela notamment lorsqu’ils reçoivent des quantités d’hydrocarbures n’excédant pas un million de tonnes.
103919. Aussi, en dépit des avancées timides mais réelles que réalise ce fonds vers l’avènement d’un droit des catastrophes, sa seule présence ne saurait suffire à faire illusion. En effet, si la méthode brille par sa simplicité, la stratégie fondée sur l’empilement des fonds qu’elle prône, ne saurait être le résultat d’une réflexion approfondie sur la façon dont le droit peut espérer appréhender au mieux le phénomène catastrophique. Destiné à calmer une opinion publique excédée, le Fonds international d’indemnisation complémentaire est d’emblée marqué par les stigmates des législations de lendemains de catastrophes. Il porte en lui toute la précarité qui s’attache aux solutions de pure circonstance. En effet, ce système additionnel instituant un troisième niveau d’indemnisation ne saurait prémunir contre un risque de demandes excédant le nouveau plafond188. Cette réalité semble déjà être admise. « L’un des effets majeurs du Protocole de 2003 sera que dans presque tous les cas189, il sera possible dès le début d’acquitter les demandes des États Parties au Protocole à hauteur de 100 % du montant des dommages convenu entre le Fonds et la victime190 ».
104920. Est-ce à dire que pour ces cas où le fonds complémentaire n’aura pas été suffisant, les victimes seront une nouvelle fois condamnées à rechercher des solutions de rechange dans le droit national, pour colmater un édifice international branlant ? Là encore, nous voudrions convaincre de l’impropriété des solutions nationales dans le traitement juridique des pollutions majeures résultant du transport maritime de substances dangereuses et polluantes.
§ 2. L’impropriété des solutions nationales face aux pollutions majeures
105921. En présence d’un système de réparation international défaillant, ne faudrait-il pas se résigner à se tourner vers des solutions nationales ? Si l’initiative, d’un point de vue formel, peut se concevoir, car elle consiste ni plus ni moins à rechercher ailleurs ce dont on ne dispose pas dans un cadre imposé, elle pourrait, finalement, se révéler vaine. Dès lors, et c’est ce qu’il conviendra de démontrer, en présence de pollutions maritimes majeures, les solutions nationales ont toutes les chances d’apparaître impropres face à un contentieux qui, par nature, appelle un règlement international191.
106922. Sous l’appellation fédératrice de « solutions nationales », il nous semble possible de réunir deux réalités bien distinctes : d’une part la possibilité pour l’État victime de prendre pour partie à sa charge la réparation des dommages catastrophiques (A), d’autre part la possibilité de trouver dans l’arsenal juridique de l’État victime un dispositif susceptible de fonder une obligation de réparer (B). Dans chacune de ces hypothèses, c’est le caractère impropre de la solution nationale qu’il s’agira de mettre en exergue.
A. L’impropriété d’une obligation étatique de réparation complémentaire
107923. A n’en pas douter, pour les victimes de pollutions majeures, l’indemnisation, même à titre complémentaire, par l’État représenterait un idéal192. Encore faudrait-il pour que ce vœu soit exhaussé que la puissance publique admette le principe même d’une prise en charge à titre complémentaire des dommages catastrophiques. Or, de toute évidence les États, alors même qu’ils seraient sollicités par leurs ressortissants, ne paraissent pas, loin s’en faut, disposés à assumer cette fonction193. Du même coup, toute solution tendant à mettre à la charge de l’État une obligation de réparation face aux pollutions maritimes majeures doit d’emblée être déclarée impropre194. Pour espérer rendre compte de cela, il convient avant même d’aborder l’absence pratique d’obligation étatique de réparation (2), de relativiser l’invocation théorique d’une obligation étatique de réparation face aux dommages catastrophiques (1).
1. L’invocation théorique d’une obligation étatique face aux dommages catastrophiques
108924. Le désir d’expansion économique incite l’État à autoriser l’implantation à partir, ou sur son territoire, de certaines activités. Sur ces dernières, il se réserve un droit de contrôle plus ou moins serré. Dès lors, ne serait-on pas en droit d’attendre de l’État au mieux qu’il prenne en charge la totalité des réparations au pire qu’il s’y associe ? Une telle suggestion apparaîtrait d’autant plus fondée en présence de dommages d’ampleur catastrophique, que l’impuissance des assurances et des fonds privés est avérée. En effet, ainsi que le note un auteur, on pourrait envisager qu’un système de droit international privé soit applicable à l’État, ce dernier étant alors en quelque sorte « déguisé en civil ». Ceci apparaîtrait d’autant plus réaliste que la distinction entre responsabilité de droit international public et responsabilité de droit international privé tend à être abandonnée par la doctrine anglo-saxonne195.
109925 Pour avancer l’idée d’une responsabilité objective de l’État, la doctrine s’est prévalue d’une possible transposition des solutions retenues par le droit civil interne au moment de la révolution industrielle, dans le cadre de la théorie du risque. L’objectif recherché étant, là encore, de faciliter l’accès de la victime à la réparation au moyen d’une socialisation des risques. Ces propositions doctrinales n’ont pas su s’imposer. L’État répugne à prendre en charge de façon directe les dommages catastrophiques. Pour s’en convaincre, il suffit de se référer à quelques grandes catastrophes, Torrey Canyon, Amoco Cadiz, Bhopal, mais aussi, plus proches de nous et de façon plus surprenante parce que l’État aurait pu être directement impliqué, Tchernobyl ou Tchernobâle, nom évocateur pour une catastrophe écologique provoquée par les Usines Sandoz196.
110926 Dans aucun de ces accidents, la réparation n’a été assurée, même partiellement par l’État concerné, que ce soit au titre de ses compétences territoriales ou personnelles. Les indemnisations ont toutes été acquises par des voies et fonds privés ; l’État a délibérément choisi de disparaître derrière les personnes privées, en l’absence de responsabilité objective197, en l’absence aussi de coutume en ce sens198. Dès lors, c’est fort logiquement que la réparation s’est conclue le plus souvent au terme d’un arrangement de caractère strictement privé. Ainsi la société Sandoz a-t-elle passé un accord avec le Ministère français de l’environnement et l’Association Alsarhin le 29 septembre 1987 au terme duquel, outre l’indemnisation proprement dite, elle s’engageait à fournir un effort important en matière de restauration des écosystèmes affectés. En tout état de cause, les États ne paraissent pas disposés à accepter, même par voie conventionnelle, l’instauration d’un système de réparation partiellement ou totalement automatisé. L’introduction d’une responsabilité objective des États en matière de dommages catastrophiques hisserait les États au rang d’« États-Providence »199. Or, manifestement, c’est une fonction que les États répugnent désormais à assumer200, se considérant davantage comme une victime parmi d’autres »201. Ainsi le risque environnemental paraît participer de la crise de l’idéologie de l’État-Providence. L’engagement de la responsabilité au titre de la réparation reste subordonné à la preuve d’une faute202. En dehors de cette hypothèse, c’est l’absence pratique de réparation par l’État des dommages catastrophiques en général, des pollutions maritimes majeures en particulier, qu’il convient de constater.
2. L’absence pratique d’obligation étatique de réparation
111927. Conçues comme une catégorie particulière, appartenant à un ensemble plus vaste, celui des dommages catastrophiques, les pollutions maritimes majeures présentent des singularités qu’il s’agira ici de mettre en exergue, pour mieux justifier l’absence pratique de réparation étatique les concernant203. La distinction entre les pollutions maritimes nucléaires et les autres types de pollution devrait, de toute évidence, contribuer à alimenter la réflexion sur ce point. Si, pour les premières, on peut retenir le principe d’une indemnisation complémentaire en raison de la forte implication des États dans le secteur nucléaire (a), il n’existe rien de tel pour les secondes. Tout au plus peut-on noter un simple devoir de solidarité des États (b). Dans ces conditions, une évolution vers un engagement plus important de l’État peut-elle être envisagée ?
a) L’indemnisation complémentaire de l’État en présence de pollutions maritimes nucléaires
112928. Le régime de réparation applicable en cas de pollutions maritimes nucléaires, nous avons déjà eu l’occasion de le souligner, se réclame davantage du droit nucléaire que du droit maritime. Il n’en reste pas moins que ces deux branches du droit aspirent toutes deux à prendre en charge la réparation de dommages d’ampleur catastrophique. Se pourrait-il toutefois qu’il y ait entre elles une différence dans la façon d’appréhender le rôle de l’État ? Le régime nucléaire se singularise en ce qu’il met à la charge de l’État d’implantation de l’installation nucléaire l’obligation de fournir une indemnisation complémentaire. Une telle disposition est justifiée non seulement par l’ampleur du risque, mais encore en raison de l’implication très forte des États dans le secteur nucléaire. Les États veillent personnellement au bon respect des réglementations sécuritaires en matière nucléaire ; cela d’autant que ces activités contribuent grandement à assurer la sécurité des approvisionnements en énergie.
113929. Pourtant la décision d’associer l’État à la réparation des dommages nucléaires n’a pas été prise dès la conception du régime d’indemnisation nucléaire. En effet, la Convention de Paris 1960 n’avait pas érigé l’intervention étatique en principe. Elle s’était contentée de préciser qu’il appartenait à chacune des parties contractantes de prendre les mesures qu’elle estimait nécessaires en vue d’accroître les possibilités d’indemnisation. En définitive, parce que cette disposition apparaissait bien trop imprécise eu égard à l’ampleur potentielle des dommages, la Convention complémentaire de Bruxelles de 1963 fut adoptée pour pallier cette insuffisance, officialisant ainsi la participation de l’État à la réparation204.
114930. C’est en ce sens que l’on peut dire de la législation nucléaire qu’elle « coiffe la responsabilité de l’exploitant par la garantie de l’État »205. Autrement dit, la réparation des dommages nucléaires est assurée en première ligne par l’entrepreneur privé exploitant l’activité à haut risque, quitte éventuellement, lorsque lesdits dommages dépassent la capacité des assureurs privés, à ce que la puissance publique ayant autorisé l’installation prenne le relais. Le Pr P.-M Dupuy considère qu’il y a là « une responsabilité différée »206 de l’État. Ce qui est, note-t-il, tout autre chose que d’affirmer l’existence en droit international général d’un principe coutumier au terme duquel l’État supporterait une responsabilité objective en présence de dommages catastrophiques.
115931. La catastrophe de Tchernobyl a montré de façon exemplaire que, s’il existe un assentiment des États, c’est bien pour affirmer l’inexistence d’une responsabilité objective internationale en présence de dommages catastrophiques. Ainsi, les États n’ont pas manqué de relever que cette catastrophe ne devait rien au hasard ; en ce sens, on ne pouvait considérer l’activité nucléaire comme intrinsèquement dangereuse. Les fautes de négligence du personnel de la centrale pouvaient être directement imputées aux autorités soviétiques, eu égard à la nature constitutionnelle et sociale du régime soviétique, autrement dit à la confusion entre l’opérateur et l’État lui-même207. De toute évidence, les autorités soviétiques n’avaient pas déployé toute la diligence exigible dans cette branche d’activité, elles avaient en outre failli à leur devoir d’information208. Il n’en demeure pas moins que, la catastrophe de Tchernobyl a été traitée comme un cas de responsabilité internationale209. Et en 1986, lorsqu’ au sein de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique, l’Union soviétique d’alors suggéra de mettre à l’étude un projet de responsabilité internationale objective, elle se vit opposer un refus catégorique, en particulier par les délégations américaine, française et britannique210.
116932. Dès lors, on ne s’étonnera pas de constater que l’engagement personnel de l’État soit et reste limité, lui aussi, par des plafonds211. En tout état de cause, même revus périodiquement à la hausse par des protocoles, le dernier en date du 16 novembre 1982 s’agissant de la responsabilité de l’exploitant d’installations nucléaires212, les plafonds demeurent insuffisants face à des dommages catastrophiques.
117933. Les rédacteurs de la Convention de Paris n’ont pas ignoré cette éventualité en laissant expressément aux États contractants l’initiative de prendre les mesures qu’ils estimeraient nécessaires en vue d’accroître l’importance de la réparation prévue par la Convention213. Pour la part des dommages excédant le plafond prévu à l’article 7214, une dérogation aux dispositions prévues par la Convention est envisageable215.
118934. La Convention complémentaire de Bruxelles du 31 janvier 1963, amendée par le protocole additionnel du 28 janvier 1964 et par le Protocole du 16 novembre 1982, a justement pour objectif d’accroître l’importance de la réparation des dommages pouvant résulter de l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques. Sans entrer dans le détail de ce dispositif auquel le législateur renvoie, on observera qu’il revient à prévoir plusieurs paliers d’intervention des fonds publics. Dans la tranche comprise entre le plafond de responsabilité fixé par chaque État et 175 millions de DTS, le pays où est situé l’installation en cause doit assurer l’indemnisation des victimes216.
119935. Dans la fourchette comprise entre 175 et 300 millions de DTS, l’indemnisation des victimes sur fonds publics est encore prévue, mais la charge de la réparation est assumée selon une clé de répartition fixée à l’article 12 : à concurrence de 50 %, la charge de la réparation est répartie entre États en fonction de leur produit national brut217, l’autre moitié étant assumée par les États contractants en fonction de la puissance thermique des installations situées sur leurs territoires respectifs218. Le Protocole additionnel du 16 novembre 1982 à la Convention de Bruxelles219 a fixé le plafond de la réparation à un niveau relativement élevé, soit 300 millions de DTS.
120936. Enfin, on peut s’interroger sur l’impact de la Convention relative à la réparation complémentaire des dommages nucléaires adoptée à Vienne le 12 septembre 1997. Cette dernière aura-t-elle vocation, lorsqu’elle entrera en vigueur, à se substituer au système de la Convention de Bruxelles ? Le dessein très universaliste de la Convention de Vienne inciterait à répondre par l’affirmative, mais certains commentateurs estiment que les systèmes d’indemnisation prévus par ces deux conventions devraient plutôt se compléter220.
121937. Pour en revenir au cas français, « au-delà du montant laissé à la charge de l’exploitant, l’État français interviendrait pour porter la garantie à 213 Millions d’euros221, puis, au-delà l’ensemble des membres adhérents aux Conventions de Paris et de Bruxelles pour porter la garantie globale à 366 Millions d’euros »222. Si, en matière de dommages nucléaires, la participation de l’État est « institutionnalisée », il n’existe rien de tel pour les hydrocarbures ou les substances nocives et potentiellement dangereuses. Dès lors, une évolution vers une véritable obligation étatique de réparation apparaît d’autant plus difficile à concevoir. Tout au plus, peut-on penser que le réflexe de solidarité nationale continuera à se perpétuer.
b) La solidarité nationale face aux pollutions maritimes majeures
122938. Le dispositif conventionnel CLC/ FIPOL ou la Convention SNPD, à la différence des Conventions nucléaires, ne prévoient pas d’associer l’État à la prise en charge des réparations des dommages catastrophiques. Il n’en demeure pas moins que, même en l’absence de toute obligation internationale, au-delà d’un certain nombre de victimes et cela quelle que soit l’activité à l’origine des dommages, l’État est appelé en garantie223. En effet, lorsque survient une catastrophe, au rôle traditionnel d’intervention de la puissance publique224 s’ajoute pour l’État moderne une fonction d’assistance225. L’État est alors susceptible d’engager les finances publiques au titre de la solidarité nationale.
123939. Ainsi, à l’occasion des récentes catastrophes de l’Erika et du Prestige, le Ministère des Finances a mis en place les financements nécessaires à la gestion des conséquences dommageables des marées noires226. Le budget du Ministère de l’environnement227 a pris en charge le financement des frais de nettoyage des côtes souillées au titre du plan POLMAR, celui des secours urgents aux victimes des sinistres. Le budget du secrétariat à la mer a aidé les ports maritimes. La Banque du développement des PME a consenti des avances de trésorerie228 dans l’attente de l’indemnisation du FIPOL. Des aides particulières aux secteurs de la pêche et de la conchyliculture ont également été attribuées229. Ainsi, les entreprises spécifiquement affectées par la marée noire et, en particulier les établissements conchylicoles, situés dans les zones interdites à la suite de la pollution, ont eu accès à des avances de trésorerie à taux nul, garanties par l’État, dans l’attente de l’indemnisation du FIPOL. Des dispositifs d’allégement des charges ont été mis en place pour les conchyliculteurs au cas par cas, afin de leur permettre de bénéficier d’un report d’annuités, ainsi que de l’exemption du versement de la redevance domaniale sur le domaine public maritime concédé. Une aide forfaitaire pour perte de revenu a aussi été octroyée aux marins-pêcheurs230.
124940. Mais que l’on ne s’y trompe pas, ainsi que le notait la Secrétaire d’État au budget à l’occasion de son audition par la Commission de l’Assemblée nationale constituée après le naufrage de l’Erika, l’État français a toujours entendu récupérer ces sommes, au moins pour partie, en se présentant au FIPOL comme créancier d’avant-dernier rang. Dans la mesure où l’État ne renonce pas à sa créance, son intervention se limite le plus souvent à une simple avance de trésorerie. Dans la négative, la solution fiscale ne peut manquer d’être évoquée : les contribuables seront appelés à faire la jonction231.
125941. Il est intéressant de noter qu’avant même l’adoption du système international CLC/ FIPOL, une alternative consistant à confier au gouvernement le soin d’indemniser les personnes lésées sur des fonds provenant des taxes perçues par les administrations fiscales de chaque État sur le pétrole importé, avait été évoquée. Cette proposition avait été écartée non sans raison. En effet, le produit de ces taxes serait tombé dans le budget général de chaque État. Or, ce faisant, il aurait pu être utilisé à des fins autres que celles qui auraient justifié leur perception. Dès lors, la tentation aurait été grande de l’accroître en créant au besoin un nouvel impôt sur le pétrole232. En définitive, l’idée de prélèvements au titre d’une « responsabilité sociale »233 n’a donc pas été retenue en matière de pollutions maritimes majeures, contrairement à d’autres secteurs. S’agissant de ces derniers, le législateur n’a pas hésité à mettre au point des taxations, c’est-à-dire des prélèvements fiscaux ou parafiscaux pour compenser les dommages causés à l’environnement234. On soulignera toutefois qu’il s’agit là de pollutions non pas accidentelles mais chroniques.
126942. Quant à l’instauration d’une éventuelle solidarité internationale entre les États, comparable à celle qui existe en matière nucléaire, elle est, pensons-nous, plus qu’hypothétique. En effet, la solidarité de la société internationale en général, maritime en particulier, trop déficiente ne saurait permettre l’introduction d’un système d’assurance globale contre les risques. Ceci s’explique notamment par le fait qu’il n’existe pas d’identité de personnes entre les bénéficiaires des activités polluantes et les victimes qu’elles menacent à l’échelon mondial, ce qui reste envisageable à l’échelon national235. L’introduction d’une responsabilité internationale des États en matière de pollutions maritimes majeures autres que nucléaires apparaît d’autant moins réaliste qu’au sein de la communauté maritime des nations, certains États, particulièrement peu regardants dans l’attribution de leur pavillon, sont montrés du doigt par les autres236. Dès lors, on s’expliquera que les États ne soient pas disposés, fut-ce au nom d’une quelconque solidarité internationale, à prendre en charge des dommages imputables aux fautes caractérisées d’une poignée d’entre eux. Cette position des États trouve un point d’orgue dans l’apparition de conflits ouverts entre certains d’entre eux, parfois par personnes interposées.
127943. Parce que les subsides affectés par le FIPOL au traitement de la catastrophe de l’Erika sont manifestement insuffisants, l’État français a décidé de présenter ses créances après celles des « victimes privées » du sinistre et des collectivités locales237. En revanche, le gouvernement espagnol, s’il a également prévu de ne présenter ses demandes qu’après celles du secteur privé et des collectivités locales, a indiqué par la voix de son commissaire pour la gestion du Prestige qu’il n’entendait pas placer ses propres créances au même niveau que celle de l’État français, car un tel choix entraînerait une indemnisation à un niveau inacceptable pour lui. La répartition des fonds devant s’effectuer à raison d’un tiers pour la France et de deux tiers pour lui. Or, eu égard à l’importance respective des dommages subis par ces deux États, l’État espagnol estime qu’il devrait prétendre à 90 % de l’enveloppe, la France devant se contenter des 10 restants. Cette prétention paraît d’autant plus mal fondée, que l’État espagnol pourrait voir sa responsabilité engagée au titre d’une mauvaise gestion de la crise. Si l’État français ne paraît pas disposé à diligenter une action en ce sens, une commune girondine paraît s’y employer.
128944. Enfin, pour mieux révéler cette tendance des États à ne pas souhaiter s’impliquer dans la prise en charge des dommages catastrophiques, on rappellera que dans le cadre de l’affaire de l’Exxon Valdez, « la justice fédérale américaine vient de fixer à 4 milliards de dollars, les dommages et intérêts infligés à Exxon Mobil. La compagnie pétrolière a déjà dépensé 2,2 milliards pour le nettoyage des côtes souillées et a versé plus de 300 millions de dollars d’indemnisation à 11 000 personnes et sociétés »238. En tout état de cause, cette solution de repli de l’État face à des multinationales doit être pleinement approuvée. L’inverse, c’est-à-dire la présence d’un « État-Providence » conduirait à une totale déresponsabilisation des acteurs du secteur privé sous couvert de solidarité. On ne saurait pas plus se fonder sur une disposition nationale pour mettre à la charge du pollueur de façon durable une obligation de réparer.
B. L’impropriété du droit national comme fondement de l’obligation de réparer
129945. Cette question, bien que fondamentale, appellera toutefois des développements moindres. Plus qu’une stricte analyse du bien-fondé des solutions proposées, il s’agira de mettre en évidence au travers du caractère impropre du droit national, certaines anomalies du système international qu’ambitionnent précisément de corriger de façon ponctuelle, et donc nécessairement insatisfaisante, ces solutions nationales. L’anomalie en question, dénoncée à l’occasion de l’affaire de l’Erika, intéresse l’affréteur ou le propriétaire de la cargaison. Puisque le mécanisme de canalisation239 conduit à octroyer à cet intervenant une quasi-immunité240 au titre du droit de la responsabilité, ne conviendrait-il pas, pour mettre à sa charge une obligation de réparer, de se fonder sur des mécanismes qui lui sont extérieurs ?
130946. Or, précisément, l’affaire de l’Erika, sous l’impulsion de la doctrine, a conduit, à de telles expérimentations. Ces solutions, dignes des meilleurs apprentis-sorciers ès Sciences juridiques, ne sauraient avoir la prétention d’apporter une réponse structurelle aux phénomènes des pollutions majeures. Elles sont non seulement nationales, mais encore catégorielles car elles visent à instaurer une déclinaison particulière du pollueur-payeur, à savoir le pollueur-nettoyeur. Dans un tel contexte, les lois françaises sur les déchets (1) ou encore sur les épaves (2), n’offriraient donc que peu de perspectives en termes d’amélioration de la réparation des dommages catastrophiques.
1. La loi sur les déchets : une loi déclarée impropre par les tribunaux
131947 Alors que le droit maritime souffre depuis plusieurs années d’une méconnaissance constante d’un principe fondamental de notre droit qui serait le principe du pollueur-payeur241, ce principe est à la base du système américain. Dès qu’une pollution survient, l’exécutif de la collectivité polluée n’a plus qu’à notifier au responsable, c’est-à-dire au propriétaire de la cargaison, l’obligation de nettoyer.
132948 Ce principe du pollueur-nettoyeur peine à s’imposer ailleurs. Si le pollueur devrait théoriquement supporter les frais liés aux interventions, en pratique ce sont bien souvent les pouvoirs publics qui supportent l’essentiel de ces frais, sauf initiatives volontaristes des pollueurs eux-mêmes. Ainsi en juin 1990, Elf avait participé volontairement à l’élimination des nappes de pétrole provoquées dans le Golfe du Mexique par l’accident du pétrolier norvégien Mega Borg dont il était l’affréteur. Ainsi encore Total affréteur de l’Erika, propriétaire originel de la cargaison conscient de sa participation causale à l’accident en raison de l’implication de son produit, a consenti, sous la pression de l’opinion à endosser une responsabilité « éthique ou morale ».
133949. Pratiquement, celle-ci s’est exprimée par la création sur l’initiative du groupe d’un fonds d’urgence de 70 millions d’euros pour aider au nettoyage des pollutions et à l’évacuation des déchets. En réponse à la demande de l’État, Total a fourni des matériels spécifiques de lutte contre la pollution et a financé certains chantiers de nettoyage. Il a pris en charge tant le transport des déchets stockés que le traitement de produits chargés en hydrocarbures que les travaux de pompage de l’Erika afin que l’enveloppe d’indemnisation des assureurs et du FIPOL soit prioritairement consacrée à l’indemnisation des préjudices économiques et au remboursement des frais engagés242.
134950. Reste que ces chantiers volontaires de nettoyage ont été limités en nombre. Il est, en outre, permis de penser que les victimes qui n’ont pas eu la chance de subir les conséquences de la négligence d’une puissance nationale pourraient être laissées pour compte. Dès lors la question s’est naturellement posée de savoir s’il était juridiquement possible d’obliger les groupes pétroliers à prendre en charge ces travaux de dépollution. L’idée qu’il puisse exister une réparation en nature à la charge du pollueur n’est pas nouvelle. Une ordonnance de Dagobert de 630 prévoyait déjà que « si quelqu’un salit et corrompt par des immondices les eaux d’une fontaine, il sera condamné à la nettoyer et à payer six sols d’amende ». Il s’agit à travers ce texte qui ne se contente pas de prévoir une amende, d’exiger la réparation personnelle de la nuisance réalisée243. Se trouvait-il dans l’arsenal juridique contemporain des moyens susceptibles de rendre effectif le Principe du Pollueur-Nettoyeur ? En d’autres termes Total pouvait-il être condamné à prendre en charge les travaux de dépollution engendrés par le déversement d’une cargaison dont il était propriétaire au moment du naufrage ?
135951. La loi du 15 juillet 1975244 relative à l’élimination des déchets et à la récupération des matériaux énonce que « toute personne qui produit des déchets de nature à produire des effets nocifs à polluer les eaux est tenue d’en assurer ou d’en faire assurer l’élimination »245. La Commune de Mesquer, constatant que la cargaison de l’Erika était un fuel n° 2, autrement dit des résidus de processus de raffinage – soutenait que Total en qualité de producteur de ces déchets, devait en assurer au mieux la récupération, au pire l’indemniser de ses frais d’enlèvement. Cette demande formulée devant le Tribunal de commerce de Saint- Nazaire a été rejetée246.
136952. Selon cette juridiction, qui a pris le soin d’examiner la législation tant française que communautaire, le fuel n° 2 ne saurait répondre à la qualification juridique de déchet, dans la mesure où ce produit satisfait à des besoins précis de consommation. En l’occurrence, il devait servir à fournir en énergie une centrale électrique italienne. Le Tribunal observe, en outre que, si l’article 3 de la loi du 15 juillet 1975 sur les déchets247 permet à l’autorité de police d’en assurer l’élimination aux frais du responsable, ce n’est que pour le cas où ces déchets seraient abandonnés contrairement aux prescriptions de ladite loi et des règlements pris pour son application. Si le fuel échoué sur les plages et aggloméré au sable a incontestablement la qualité de déchet, pareil argument ne saurait obliger Total à en assurer l’élimination puisqu’elle a cessé d’en avoir la garde.
137953. En outre, l’obligation d’éliminer les déchets ne pèse pas sur le responsable de n’importe quel déchet. Pour l’identifier, il convient de se reporter à la définition précise du déchet donnée par cette loi. Tout résidu d’un processus de fabrication ne répond pas, aux termes de cette loi à la qualité de déchet ; celui-ci doit s’entendre de tout bien meuble abandonné ou que son détenteur destine à l’abandon en vertu de l’article 541-1, II du Code de l’Environnement. Or, s’agissant d’un naufrage, la dépossession ne saurait être délibérée. Aussi, la demande de la Commune de Mesquer devait fort logiquement être rejetée248. Si la « loi déchet » ne saurait obliger l’affréteur à dépolluer, peut-on fonder meilleur espoir sur la loi sur les épaves ? Pareille solution, bien que d’ambition nécessairement limitée, a été suggérée par la doctrine.
2. Le recours à la loi sur les épaves, une proposition doctrinale à l’ambition nécessairement limitée
138954. Le Pr A. Vialard249, approuvé en cela par le Pr P. Bonassies, suggère d’appliquer la loi sur les épaves pour mettre à la charge de Total une obligation de dépolluer250. Le pétrole déversé par un navire répond, en effet, à la définition d’épave251, laquelle inclut « les marchandises tombées à la mer et généralement tous objets échoués sur le rivage » aux termes du décret du 26 décembre 1961. Or, lorsque ladite épave présente un caractère dangereux pour l’environnement, l’État peut mettre en demeure le propriétaire de procéder aux opérations destinées à supprimer ce caractère252, voire en cas de danger imminent, à procéder immédiatement aux frais et aux risques du propriétaire, à toutes les opérations nécessaires253. On notera que la principale limite de cette solution, outre son caractère franco-français est de ne pouvoir prendre en charge que des dommages particuliers. En ce sens, elle ne saurait être considérée comme pleinement satisfaisante.
139955. Aussi, les alternatives que nous venons de recenser, doivent-elles être vues comme autant de « solutions de replâtrage ». Dès lors, il nous appartient de formuler d’autres propositions qui, elles, seraient de nature à apporter une réponse non plus simplement conjoncturelle, mais structurelle aux pollutions maritimes majeures. La construction d’un « super-fonds marchandises » nous semble particulièrement appropriée à cette fin. Encore convient-il, après avoir défini les contours de ce fonds, de convaincre du caractère réaliste d’un tel projet.
SOUS-SECTION 2. LE PROJET RÉALISTE DE CONSTRUCTION D’UN « SUPER-FONDS-MARCHANDISES » COMME RÉPONSE AU PHÉNOMÈNE CATASTROPHIQUE
140956. Le droit positif, c’est-à-dire celui applicable au terme du dispositif CLC-FIPOL, est manifestement insatisfaisant. Les solutions ponctuelles visant à le consolider, le sont tout autant, nous venons de le montrer. Dès lors, la logique commande de s’orienter vers une « refonte du système »254, il y va de sa pérennité.
141957. L’inaptitude de la responsabilité à gérer les phénomènes collectifs est particulièrement perceptible en matière environnementale255. A l’exact opposé, l’indemnisation collective paraît proposer une alternative mieux adaptée à la prise en charge d’un dommage, collectif à la fois par ses causes et ses effets, tel le dommage environnemental. L’actuel dispositif conventionnel CLC-FIPOL, parce qu’il s’analyse comme un amalgame de responsabilité et d’indemnisation, fait appel aux deux mécanismes. Toutefois, les récents événements de pollutions majeures révèlent son incapacité à apporter une solution pleinement satisfaisante. Parce qu’elle n’emporte qu’une « responsabilité-fiction » du propriétaire de navire, la Convention CLC paraît d’une utilité toute relative. Dès lors, il parait souhaitable de faire céder l’écran de la personnalité du propriétaire de navire pour laisser place à une socialisation généralisée256. Ce faisant, c’est donc vers une logique non seulement de consolidation mais aussi de généralisation de l’actuel FIPOL que nous nous acheminons.
142958. Cette démarche tendant, en définitive, à élaborer un Super-fonds, c’est-à-dire un fonds libéré des tares que nous avons recensées, peut être jugée ambitieuse. A tout le moins, on ne saurait s’y aventurer sans un maximum de précautions. Celles-ci peuvent d’abord consister à dégager un certain nombre de logiques, conçues comme autant d’armatures pour ce futur système. Eu égard à l’importance que nous attachons au concept de logique dans les développements qui vont suivre, il n’est pas inutile d’en rappeler la définition257. La logique consiste à démontrer des rapports. Elle repose sur un enchaînement cohérent d’idées dont la finalité est de convaincre du bien-fondé d’une proposition. La plus importante d’entre elles, car appelée selon nous à sous-tendre les suivantes est celle de garantie industrielle exclusive (§ 1). Toutefois, on constatera que pour être pleinement efficace, celle-ci doit être combinée avec une logique de réparation illimitée (§ 2). Enfin le Super-fonds ne peut manquer de s’inscrire dans une logique de consolidation du contradictoire (§ 3).
§ 1. Une logique de garantie industrielle exclusive
143959. Il s’agira ici de démontrer que les propositions de réforme de l’actuel système de réparation des dommages pétroliers peuvent s’appuyer sur une logique de garantie industrielle fondée sur la solidarité des propriétaires de cargaisons, le fonds constituant son unique moyen de réalisation (A), « le risque- marchandise », sa pierre angulaire (B).
A. Le fonds comme modalité exclusive de réalisation de la garantie industrielle
144960. Parce que la Convention de Bruxelles établissant la responsabilité objective du propriétaire du navire a pu être présentée comme « un simple tremplin destiné à passer à l’étape décisive »258, c’est-à-dire la réparation des dommages par l’instauration d’un fonds international d’indemnisation, il convient de se demander si le système actuel ne gagnerait pas tant en simplicité qu’en efficacité si on faisait du fonds la modalité exclusive de réalisation de la garantie indemnitaire des victimes de pollutions marines. Cette proposition paraît pouvoir s’inscrire dans une double logique face à un risque social : une logique de garantie d’une part (1), une logique d’exclusivité d’autre part (2).
1. Une logique de garantie
145961. La logique indemnitaire appelle un dépassement de la responsabilité civile, au profit d’une prise en charge directe des risques sociaux par la collectivité. Les garanties offertes par l’assurance, bien qu’extensibles, apparaissent limitées, comparées à celles fournies par les mécanismes d’indemnisation collective. Dès lors, qu’on le souhaite ou qu’on le déplore, il existe de bonnes raisons pour penser qu’en présence de dommages de masse, l’évolution de notre droit se fera nécessairement vers une restriction de la responsabilité civile au profit d’une prise en charge directe des risques sociaux par la collectivité259. Or, précisément, le risque maritime à l’origine des catastrophes maritimes environnementales paraît tout à fait, s’inscrire dans cette catégorie de risques sociaux. La spécificité de ce « risque social » conduit à s’écarter de toute notion de responsabilité. Il s’agit de sortir du droit commun pour créer un « concept de réparation pure et exempte de toute idée répressive »260. Il faut y voir l’aboutissement du phénomène de socialisation des risques décrit par la doctrine et consacré par le législateur261.
146962. Cette proposition de réforme présente des avantages à bien des égards. En premier lieu, la technique de réparation apparaît largement plus fiable que celle tendant à introduire une responsabilité conjointe de l’affréteur et de l’armateur. Si la solidité financière de l’affréteur de l’Erika semble établie, celle de l’affréteur du Prestige apparaît d’ores et déjà incertaine. La seule identification de l’affréteur est déjà en elle-même une tâche ardue262. En second lieu, cette suggestion de refonte du système conventionnel pourrait permettre une admission plus large des demandes d’indemnisation déposées au titre du préjudice économique pur263. On le sait, l’indemnité délivrée par le FIPOL ne s’inscrit déjà plus dans une logique de responsabilité, mais plutôt dans une logique de solidarité élargie à l’échelle internationale264. La philosophie d’un tel système est bien différente de celle qui sous-tend la responsabilité. Il ne s’agit plus de déterminer à quelles conditions réparer, ni qui doit réparer, mais seulement de définir un domaine dans lequel la société indemnisera. Les dommages sont alors conçus comme autant de « risques sociaux » dont il convient d’assurer la réparation. Avec ce système,« tout préjudice possède a priori une aptitude à être réparé »265. L’idée de devoir aménager une garantie au profit des victimes étant admise, encore convient-il, d’en préciser les contours. Ceux-ci ne peuvent, en effet, être complètement identiques dans l’absolu, à ceux de l’actuel FIPOL.
147963. Quels sont les caractères d’une garantie idéale en matière de dommages causés à l’environnement en particulier ? Le Pr G. J. Martin266 en identifie quatre. En premier lieu, la garantie doit être automatique. Cette automaticité signifie que pour être mise en œuvre, il n’est nullement besoin de rechercher une quelconque responsabilité. En second lieu, elle doit être générale. Cette condition de généralité, à notre sens, ne saurait signifier qu’il faille adopter un système unique de compensation pour les dommages écologiques résultant du transport maritime des marchandises dangereuses et polluantes. En effet, la diversité des polluants, mais aussi celle des dommages dont ils sont la cause, motivent la spécialisation des régimes d’indemnisation. Dès lors, le principe même d’une pluralité de conventions, l’une pour les hydrocarbures, l’autre pour les Substances Nocives et Potentiellement Dangereuses, la dernière enfin pour les substances nucléaires n’a pas à être remis en cause. La généralité réside ici plus dans la détermination d’un principe unique « permettant une égale compensation des dommages écologiques » : la situation qui oppose un pollué à un pollueur est, en effet, toujours identique. Dans toutes les hypothèses, le dommage naît de l’utilisation par le pollueur « de biens environnement ». Ces derniers ayant été utilisés à mauvais escient par le pollueur, ils ont perdu tout ou partie de leurs qualités, et ont été rendus de ce fait inutilisables par d’autres dans les mêmes conditions. En troisième lieu, le système de réparation idéal doit permettre d’assurer l’indemnisation intégrale des dommages. Enfin, en quatrième et dernier lieu, la réparation doit pouvoir jouer un rôle incitatif en termes de prévention.
148964. Toutefois, même en réunissant les caractères d’un système considéré comme idéal, la garantie industrielle doit, pour être pleinement efficiente, être accompagnée de la reconnaissance d’un véritable droit à indemnisation. Or, précisément, ce droit n’est pas consacré lorsqu’il n’existe qu’un simple devoir de secours267. A l’exact opposé, le Fonds de protection côtière du Maine268 paraît davantage s’inscrire dans la philosophie juridique que l’on cherche à développer. Il admet en effet que la victime puisse se prévaloir d’un droit à réparation dès que le pollueur a été identifié. De ces développements, il émane que le fonds est le mécanisme le mieux à même d’endosser le rôle de garant dans lequel on le pressent. Encore convient-il maintenant de vérifier sa capacité à remplir seul cette mission. En d’autres termes, il s’agit de convaincre de la nécessité de s’orienter vers une logique d’exclusivité.
2. Une logique d’exclusivité
149965. Eu égard aux faibles satisfactions procurées par la responsabilité dans une fonction curative, eu égard aux pratiques frauduleuses qu’elle est susceptible d’engendrer, ne faudrait-il pas supprimer ce détour préalable pour aller droit au but ; « une solution éventuelle à cette fin pourrait consister à étudier les possibilités d’un Fonds fonctionnant en tant que dispositif de premier secours en cas de pollution »269.
150966. Ce faisant, il faudrait admettre que le gauchissement des règles de responsabilité au moyen d’une objectivation n’aura été qu’une étape dans l’aménagement d’une véritable garantie au profit des victimes. Seule l’utilisation de la technique du fonds à titre exclusif devrait permettre de pousser cette logique à son terme. Le Pr G. Viney souligne que pareille initiative devrait emporter une conséquence très pratique : la suppression du droit d’option. Dans un tel système, seule la collectivité doit réparation, et c’est uniquement à elle que la victime doit s’adresser pour obtenir une indemnisation270. En d’autres termes, cela signifierait que la victime devrait impérativement introduire son action devant l’organisme chargé de l’indemnisation, quitte pour ce dernier à renvoyer la charge financière par le biais d’actions récursoires exercées contre le véritable fautif271.
151967. La victime d’une pollution ne serait, dès lors, plus confrontée au responsable du dommage, souvent mieux armé qu’elle pour faire face aux longueurs de la procédure. Elle ne pourrait plus non plus se faire l’agent d’une condamnation individuelle qui ne l’intéresse plus, puisqu’elle a déjà été indemnisée par le fonds. Cette nécessité de séparer les logiques de responsabilité et de réparation semble avoir inspiré certains régimes spécifiques d’indemnisation récents. Ces derniers à la différence de leurs prédécesseurs ne connaissent pas la subsidiarité comme condition d’intervention272. Il n’est dès lors pas exclu qu’ils puissent compenser des préjudices qui auraient pu incomber normalement à d’autres payeurs.
152968. Il en est ainsi des régimes créés par le législateur français par le biais des lois du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme et du 31 décembre 1992 relative à l’indemnisation des victimes du SIDA273, pour ne citer qu’elles. Ces diverses lois emportent création d’un fonds de garantie, sans exiger de la victime qu’elle engage une action en responsabilité contre le présumé responsable. Pour être simplifié, le système d’indemnisation n’en est pas moins performant car il offre à la victime la possibilité d’obtenir une réparation intégrale de son préjudice.
153969. Enfin, il convient de se demander si cette exclusivité du fonds ne s’inscrit pas en faux avec la logique de répartition de la charge dans laquelle s’insère traditionnellement le dispositif CLC/ FIPOL274. Un début de réponse à cette question peut, nous semble-t-il, être trouvé dans une « approche historique » du FIPOL. Avec le temps, les systèmes juridiques évoluent. A cela il est plusieurs types d’explications, au nombre desquels le souci louable d’améliorer l’efficacité du système. D’autres considérations peuvent aussi interférer comme le souci de faire évoluer le système dans un sens qui soit plus favorable aux entités appelées à le faire fonctionner. Dès lors, pour espérer saisir l’essence du système il convient de se reporter aux schémas initiaux. Eux seuls sont susceptibles de refléter au mieux les préoccupations originelles.
154970. Cette approche est riche d’enseignements s’agissant du FIPOL. Dans sa version originelle de 1971, le FIPOL, outre l’indemnisation complémentaire des victimes, consentait à prendre en charge les frais supplémentaires supportés par les propriétaires de navires du fait du transport de matières polluantes. Si l’on s’en tient aux déclarations des assureurs de 1969 à 1972, la part de primes afférentes aux navires-citernes correspondant aux risques de pollution par les hydrocarbures a été augmentée de 700 %275. Aussi, afin de soulager le propriétaire de cette charge financière supplémentaire, l’OMCI a été invitée dès 1969 à élaborer un projet de fonds d’indemnisation dont l’une des fonctions est de prendre en charge la part financière supplémentaire imposée au propriétaire du navire.
155971. Pareille disposition, on pourrait s’en douter, n’a pas été consentie avec enthousiasme. Ainsi, le Forum maritime international des compagnies pétrolières (OCIMF276) a fait valoir que « l’intention de la résolution de Bruxelles de 1969 était de ne faire relever du système complémentaire prévu par la Convention de 1971 que les cas de pollution majeure »277. Toutefois, en dépit de cette opposition, l’article 5 de la Convention de 1971 a consacré l’obligation pour le FIPOL de prendre à sa charge pour partie les obligations du propriétaire. Ce faisant, le FIPOL a pu apparaître comme un garant des propriétaires de navires, tout particulièrement pour ceux qui étaient dispensés de s’assurer. Pour les autres, c’est-à-dire ceux assujettis à l’obligation d’assurance, le FIPOL joue le rôle de réassureur à titre gratuit. Concrètement, dans le cadre de la Convention de 1971 portant création du FIPOL, en cas d’événement engageant la responsabilité du propriétaire, c’était l’assureur du propriétaire de navire qui, en vertu de l’article V paragraphe 11 de la CLC, prenait en charge les dommages et intérêts en constituant un fonds de limitation, le FIPOL lui remboursant une partie au titre d’une prise en charge partielle278. Alors même que cette configuration initiale aurait été quelque peu bouleversée par le Protocole de 1992, cette prise en charge par le FIPOL ayant été supprimée, elle n’en exprime pas moins une certaine conception de l’obligation de réparation dans le cadre d’une catastrophe pétrolière. Elle n’en traduit pas moins une certaine logique. Le FIPOL est appelé à jouer un rôle majeur, et même parfois exclusif dans la prise en charge des dommages liés au transport maritime de marchandises dangereuses ou polluantes.
156972. L’analyse comparative des causes d’exonération dans la Convention CLC et FIPOL paraît de nature à renforcer cette première impression. A première vue, on aurait pu penser que l’industrie des transports maritimes et l’industrie pétrolière pouvaient être mises sur un pied d’égalité, chacune étant alors dotée des mêmes cas d’exonération. Ce faisant la Convention de 1971 aurait été conçue comme un simple complément de la CLC, et la présence du FIPOL aurait presque pu paraître anodine. Or tel n’a manifestement pas été le choix final des négociateurs pendant la Conférence de 1971. Aussi la Convention de 1971 ne retient-elle qu’un seul cas d’exonération d’indemnisation parmi les quatre proposés par la Convention de 1969, à savoir l’acte de guerre. Le Fonds est toutefois dispensé de toute obligation d’indemnisation si le demandeur ne peut prouver que le dommage est dû à un événement mettant en cause un ou plusieurs navires, autrement dit si la source de pollution est inconnue. Il peut également se prévaloir pour refuser de s’exécuter de la négligence contributive de la victime.
157973. Cette approche comparative des cas d’exonération montre que le FIPOL est appelé non seulement à intervenir plus largement que le propriétaire mais aussi parfois à titre exclusif. Dès lors, la proposition qui consiste à confier au seul fonds un rôle de garant dans l’indemnisation des victimes de pollutions n’est pas aussi révolutionnaire qu’il y paraît au premier abord. Elle participe déjà d’une certaine réalité qu’il s’agirait, en définitive, d’officialiser. N’est-ce pas en ce sens que doit être vue la participation exclusive des réceptionnaires d’hydrocarbures au fonds complémentaire ?279 Elle emporte aussi une conséquence très pratique. Le passage à une logique de pure garantie suppose de supprimer les rares causes d’exonération dont le fonds peut se prévaloir, pour le rendre opérationnel à toute occasion280. Le souci d’offrir aux victimes une « indemnisation à première demande »281 commande une telle initiative. Un tel dispositif permettrait aux victimes d’être dorénavant indemnisées rapidement. Elles ne seraient plus obligées d’engager des procès longs et coûteux pour obtenir un complément d’indemnisation. L’État et les collectivités auraient la possibilité de mettre en œuvre une reconstitution de l’environnement avec des moyens appropriés sans supporter dans un premier temps la charge financière de cette réparation. Pour l’heure, les collectivités locales doivent elles-mêmes réparer les dommages causés à l’environnement et attendre la fin du procès, c’est-à-dire plusieurs années, pour obtenir une compensation d’une partie des frais engagés, sachant qu’aux coûts de la réparation s’ajoutent ceux du procès. Cette construction d’un système fondé sur la solidarité des propriétaires de cargaisons, à bien y regarder serait fort logique, car elle permettrait de replacer le « risque-marchandise » au cœur du système, faisant de lui sa pierre angulaire.
B. Le « risque-marchandise » comme pierre angulaire d’un système de solidarité des propriétaires de cargaisons
158974. « Faut-il faire de l’identification des risques un objectif totalement indépendant des préoccupations d’indemnisation282 » s’interrogeait le Pr G.-J. Martin ? Manifestement, cette question ne laisse pas la doctrine maritimiste insensible. Et force est de constater qu’elle se prononce à l’unanimité en faveur du « non ». Parce que l’analyse que fait Chauveau283 de cette problématique est particulièrement perspicace, et surtout parce qu’elle n’a rien perdu en actualité, elle gagne à être reprise ici. Elle est de nature, pensons-nous, à révéler l’erreur de construction originelle qui a entaché le système international d’indemnisation des dommages pétroliers. L’illustre maritimiste débute par un constat : s’il est juridiquement classique de rendre responsable le transporteur des marchandises et, par extension le propriétaire du moyen qui sert à les transporter, pour la raison exprimée en droit français qu’il en a la garde, il ne saurait en aller pareillement en cas de pollution par hydrocarbures. La raison principale à cela tient au fait que, dans cette dernière hypothèse, il ne s’agit pas d’un dommage causé à la marchandise mais bien par la marchandise284. De toute évidence, ce dommage et son intensité tiennent moins au fait du capitaine qu’à la nature propre, dangereuse ou particulièrement nuisible, de cette marchandise qui en est la cause directe. Une autre différence tient au fait que ce dommage n’affecte pas la seule communauté des propriétaires de marchandises, mais « frappe » quasi aveuglément des tiers, qu’il s’agisse des populations littorales, de la faune et de la flore.
159975. Pour celui qui ne serait pas encore convaincu, on ne résistera pas à l’envie de reprendre le scénario sorti droit de l’imagination de Chauveau. Pour être fictif, celui-ci n’en est pas moins révélateur d’une erreur juridique d’aiguillage. Si les cuves du Torrey Canyon avaient été chargées de vin ou de whisky, il n’en serait pas résulté de dommages particuliers, mise à part peut-être une euphorie alcoolique passagère de la gent poissonneuse. L’auteur observe également qu’il n’est pas établi que le transport de pétrole doive procurer plus de profit à l’armateur que le transport d’une autre marchandise inoffensive. Une conclusion, dès lors, paraît s’imposer : il est équitable de mettre à la charge de celui qui commande le transport, et qui donc en profite, l’obligation de réparer le dommage subi par autrui de ce fait. Une telle solution préserve la possibilité d’un recours contre le propriétaire du navire dans les termes et les limites du droit commun.
160976. Monsieur C. Huglo parvient à une conclusion similaire, en observant qu’on se trouve dans une logique de dommages causés par une cargaison et non pas une logique classique d’un dommage causé par un navire285. Du Pontavice286 fonde, lui, son analyse sur une comparaison avec les Conventions nucléaires. Le risque qu’il s’agit de prendre en compte dans le cadre des conventions pétrolières est celui lié à la nature de la substance transportée et non pas tant celui créé par la matière servant à propulser le navire. Dès lors, la Convention nucléaire qui, à la réflexion, est la plus proche de cette situation n’est pas celle de Bruxelles relative à la responsabilité de l’exploitant du navire nucléaire de mai 1962, mais bien celle de Paris du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire. Or, cette dernière fait peser la charge de la réparation à titre exclusif sur l’exploitant de l’installation nucléaire, alors même que ce dernier aurait fait transporter ces matières par voie maritime. La raison en est qu’en commandant l’opération de transport, il a créé un risque. Il n’en reste pas moins vrai, ainsi que le note cet auteur, que si une faute est à l’origine de la catastrophe, elle sera le plus souvent le fait du capitaine recruté et commandé par l’exploitant du navire, et non celui du chargeur.
161977. Le risque en cause, n’est pas tant un « risque de circulation maritime », mais un risque-produit exacerbé certes par l’hostilité du milieu marin. Ainsi que le souligne fort justement le Pr A Vialard287, le rapport qui s’établit avec le monde maritime est purement circonstanciel. Dès lors, c’est fort logiquement qu’il ne devrait pas avoir à interférer dans la détermination du régime juridique appelé à régler ce type de contentieux. Seule, une redistribution288 de la charge de réparation fondée exclusivement sur le « risque-marchandises » peut en conséquence être envisagée. L’opportunité d’une telle solution mérite d’être relevée à plusieurs égards. Elle paraît indubitablement répondre aux attentes de ceux qui, aux lendemains du naufrage de l’Erika, avaient dénoncé l’absence de responsabilité stricto sensu du propriétaire de cargaison.
162978. Mais d’autres, et notamment Monsieur le Sénateur H. De Richemont, rapporteur du Sénat289 à l’occasion de la Commission d’enquête ouverte après le naufrage de l’Erika, avaient, fait valoir que l’introduction d’une responsabilité objective de l’affréteur, et plus largement du propriétaire de la marchandise, en concurrence avec la responsabilité du propriétaire de navire, était de nature à compliquer un système sans donner aux victimes l’assurance d’être indemnisées. L’argument peut être défendu. Des mobiles autres que partisans, militent en sa faveur. Le propriétaire de marchandise, à l’instar du propriétaire du navire, pourrait s’organiser de façon à réduire sa responsabilité à une fiction. Ainsi, le chargeur pourrait chercher à recourir à d’autres types de contrat aux seules fins d’éluder sa responsabilité. A l’export, les ventes seraient systématiquement conclues « FOB » port d’embarquement et, à l’import, CAF port de destination pour éviter d’avoir à supporter les risques liés au transport. Les ventes, dites « pieds de bac »290 pourraient se généraliser pour les mêmes raisons. En effet, cette pratique commerciale permet aux pays exportateurs, dans le cadre des exportations du pétrole, de faire parvenir la cargaison sur des navires douteux et de la livrer dans certains ports européens. Le transfert de la propriété est différé, la compagnie pétrolière ne se portant acquéreur de la cargaison qu’à partir de ce moment. Toute l’ingéniosité de la technique, on l’aura compris, consiste à pouvoir offrir à l’acheteur la possibilité d’éluder la qualité de chargeur, puisqu’il ne devient propriétaire de la marchandise qu’après sa livraison dans un port. Dès lors, l’armateur est seul appelé à supporter les risques liés au transport.
163979. Les risques ainsi décrits conduisent une nouvelle fois à condamner le recours à la responsabilité. C’est donc bien un devoir, voire, un réflexe de solidarité, qu’il s’agit d’instaurer chez ceux qui, en recourant à un mode de transport rendu plus risqué, espèrent un moindre coût. Désormais sensibilisés aux impératifs de sécurité par la force des choses et plus encore des récents événements, les chargeurs ne sont plus bienvenus de se plaindre, car ils ne « peuvent pas gagner à la fois sur le prix et la sécurité »291. Ainsi peut-être sera arrivé le jour que Monsieur P. Simon appelait de ces vœux : « celui où on aura compris qu’il convient [..] de faire porter la charge de la réparation en cas de pollution sur l’ensemble des industries productrices et utilisatrices et non seulement sur un intermédiaire artificiellement isolé : le transporteur »292. Car conclut ce même auteur, « c’est seulement à partir de ce jour qu’on se préoccupera de régler non pas seulement la pollution des mers mais la pollution en général, la mer n’étant qu’un cadre possible de la manifestation de ce fléau »293. En ce sens, on peut penser que la solution retenue dans le cadre de l’affaire de l’Ocean Liberty, dans la mesure où elle retient la responsabilité du fournisseur du nitrate d’ammonium pour écarter celle du transporteur, a valeur de modèle294. Toutefois, même ainsi échafaudé, le système ne saurait espérer être pleinement opérationnel. En effet, le principe même de garantie sur lequel il est fondé, ne peut être détaché d’une logique de réparation intégrale.
§ 2. Vers une logique de réparation intégrale
164980. Le transfert de la fonction d’indemnisation de la responsabilité à des mécanismes collectifs d’indemnisation, comme nous venons de le suggérer, ne saurait constituer à lui seul une panacée. Le fonctionnement actuel des fonds d’indemnisation met en exergue un vice rédhibitoire : le caractère non extensible de l’indemnisation. La présence d’impératifs budgétaires conçus comme autant de brides expliquerait cela.
165981. Dès lors, fort logiquement, ces mécanismes, bien que mieux armés que la responsabilité pour répondre aux besoins de réparation en présence de pollutions majeures, sont eux aussi condamnés à offrir leur démission. Parce que cette situation ne saurait être davantage tolérée, il convient de réfléchir aux modalités concrètes de réalisation d’une réparation illimitée (B). Toutefois, avant toute réforme tendant à introduire le principe d’une réparation intégrale, il convient de mesurer les enjeux s’attachant à une telle entreprise (A).
A. L’identification des enjeux liés à l’introduction de la réparation illimitée
166982. Si le principe de limitation est une constante dans le dispositif conventionnel CLC/ FIPOL que nous nous sommes employée à dénoncer au nom du droit légitime des victimes à obtenir une réparation intégrale, on ne saurait recommander sa suppression sans avoir, au préalable, mesuré les enjeux d’une telle initiative. En effet, le déplafonnement de la réparation, puisque c’est vers pareille logique qu’il convient de s’orienter, est une mesure lourde de conséquences. En ce sens, la faisabilité d’une telle opération doit être vérifiée.
167983. Le Pr G. Viney de formuler en ces termes l’équation à résoudre : « Comment trouver un mode de financement à la fois supportable pour l’ensemble du corps social et répartissant la charge d’une façon qui apparaisse à peu près équitable ? »295. En d’autres termes, vouloir résoudre la quadrature du cercle consiste ici à s’interroger sur les possibles termes financiers d’une « consolidation »296 de la socialisation des risques, à défaut de quoi le principe d’indemnisation intégrale pourrait demeurer illusoire. Car, là, réside l’enjeu majeur. En effet, seul l’aménagement d’une réparation intégrale paraît de nature à éradiquer les principaux défauts du FIPOL au premier rang desquels le pourcentage aléatoire d’indemnisation.
168984. Toutefois, il faut admettre que « la force d’expansion d’une telle générosité du principe pourrait présenter comme inéluctable contrepartie la capacité limitée du corps social »297. En effet, à tout instant, le coût économique de la réparation collective est susceptible de constituer un frein à son expansion indéfinie. Dès lors, ainsi que le note le Pr P. Jourdain298, le coût d’une généralisation de l’indemnisation par le FIPOL, autrement dit pour nous d’une réparation illimitée, doit aussi être envisagé du côté de ceux qui ont la charge de son financement au moyen de primes ou de cotisations, car il se pourrait que le développement de diverses techniques d’indemnisation collective se heurte à une capacité limitée des entreprises à pouvoir supporter le poids d’un financement illimité. Existerait-il un seuil au-delà duquel aucun processus de dilution ne pourrait être envisagé, car affectant trop gravement la compétitivité des entreprises ? On le comprend à travers ces interrogations, la question de l’indemnisation doit également être envisagée du côté de ceux qui ont la charge de son financement299. Ce paramètre ne saurait être éludé au moment de réfléchir sur les modalités concrètes de réalisation d’une réparation illimitée.
B. Les modalités concrètes de réalisation d’une réparation illimitée
169985. La résolution d’une équation à plusieurs inconnues suppose de raisonner avec méthode. En tout premier lieu, il convient d’écarter un obstacle potentiel qui, à l’examen, n’offre que très peu de résistance. Le sempiternel serpent de l’assurabilité ne saurait, en effet, être érigé en défenseur de la limitation retenue dans le cadre du FIPOL. La technique du fonds, à la différence de la responsabilité, exclut tout recours à l’assurance. S’agissant, nous l’avons dit, d’une tentative de consolidation de l’indemnisation, le nouveau modèle de financement doit naturellement s’inspirer de l’ancien. Pour l’heure, le FIPOL indemnise à 100 % toutes les pollutions300, à l’exception des pollutions majeures. En d’autres termes, cela pourrait signifier que, si la limite supérieure convient aux petites pollutions, elle est totalement arbitraire et illogique en présence de pollutions catastrophiques.
170986. La responsabilité pour faute est traditionnellement associée à l’idée de réparation intégrale, on ne saurait toutefois revendiquer sa réhabilitation dans ce cadre. Ce serait pour le moins revenir en arrière301, car on offrirait ainsi une part trop belle à l’aléa judiciaire que constitue pour la victime la preuve d’une faute. On précisera encore que, quand bien même les fonds laisseraient aux victimes la liberté d’intenter une action judiciaire afin d’obtenir un complément d’indemnisation302, l’espoir d’une indemnisation intégrale paraît tout aussi aléatoire. L’obtention de cette dernière reste subordonnée à la démonstration d’une faute inexcusable. Or, subordonner la réparation intégrale à la preuve d’une faute du responsable constitue une atteinte grave au droit des victimes303. Dès lors, seul un procédé autre que ceux que nous venons d’évoquer paraît susceptible de permettre la reconnaissance d’un droit à réparation intégrale en faveur des victimes de pollutions majeures.
171987. Celui-ci pourrait consister ainsi que le suggère le Pr A. Vialard304, à augmenter de quelques centimes les taxes perçues sur les deux milliards de tonnes de pétrole transporté chaque année sur nos océans. Sévère, la mesure pour les réceptionnaires de cargaison ? Non, parce qu’elle reviendrait en réalité à faire payer par le consommateur final le prix d’une pollution dont il est au demeurant le principal agent305. C’est, en effet, la demande terrienne de pétrole qui est à l’origine du trafic maritime polluant. Les activités humaines à terre, les voitures automobiles et les centrales thermiques306 s’analysent comme les principaux agents de la pollution marine. L’équité est donc sauve307. En tout état de cause, on rappellera, ainsi que Ripert le soulignait, que dans le cadre de l’indemnisation sociale par opposition à la responsabilité, le législateur reste libre de désigner qui bon lui semble308. En outre, on peut penser qu’en concentrant la charge d’indemnisation sur les industries réceptionnaires de produits polluants, la sensibilisation à l’égard de l’environnement n’en sera que meilleure. « A la fonction indemnitaire s’ajouterait alors un effet dissuasif ou pédagogique »309.
172988. S’agissant du financement d’une telle réforme, elle ne devrait pas poser de difficultés majeures. Compte tenu des profits enregistrés310 par les industries consommatrices de substances dangereuses et polluantes, on peut penser que l’impact financier sur chacune d’entre elles restera très faible donc parfaitement gérable311. En effet, plus la masse des contribuables est importante, et plus le coût supporté par chacun d’entre eux tend à diminuer. Cette logique arithmétique a déjà été vérifiée dans le cadre du fonctionnement du plan Cristal312. Le coût de fonctionnement de ce plan volontaire a été d’autant plus faible que les industriels américains important des hydrocarbures avaient accepté d’y participer, expérience qu’ils n’ont pas choisie de renouveler dans le cadre du FIPOL313.
173989. On notera qu’en l’état actuel du système, l’enveloppe dont dispose le FIPOL314 a vocation à « se renouveler » au gré des catastrophes, car elle est affectée à titre particulier pour chacune d’entre elles. Cela signifie concrètement que si un naufrage était survenu au lendemain de l’Erika, cette même somme aurait été disponible315 ; ce qui démontre déjà, en soi, la capacité des industriels à se mobiliser face à des pollutions majeures. On ajoutera que la réforme suggérée ne nécessite pas une modification de la définition des personnes soumises à contribution. Cela signifie dès lors, concrètement, que les nombreuses petites sociétés pétrolières qui ne contribuent pas pour l’heure au FIPOL316 ne seront pas astreintes à le faire, demain. En effet, dans de nombreux États de taille modeste, le bénéfice actuel du FIPOL reste acquis sans même que soit exigée une contribution supplémentaire, que ce soit de la part des sociétés pétrolières locales ou de l’État lui-même. Autrement dit, le principe de gratuité de l’adhésion demeure intangible pour les pays peu développés. Il n’y a là, pensons-nous, que la matérialisation d’une forme d’aide des pays développés en direction des plus démunis. Ces derniers sont, en effet, assurés de bénéficier du système sans aucune contrepartie317.
174990. Enfin, pour conclure, on notera que, si pour l’heure, cette logique de réparation intégrale en matière d’indemnisation collective reste limitée aux dommages corporels, rien ne paraît s’opposer à ce qu’à l’avenir elle se propage pour « contaminer » d’autres types de dommages. Ainsi que le note un auteur, pareille évolution aurait le « mérite d’instaurer une certaine uniformisation, et, par-là, même, supprimerait les différences de traitement liées à la cause des dommages »318. Dès lors, l’affirmation selon laquelle « qui dit fonds dit plafonds »319, aussi péremptoire soit-elle, devrait être remisée à jamais...
175991. L’introduction de cette logique de réparation illimitée suffirait-elle à rendre le système ainsi proposé satisfaisant ? A l’évidence, si la réparation intégrale paraît de nature à gommer les défauts de l’actuel FIPOL, au nombre desquels la lenteur de la procédure et les pourcentages aléatoires d’indemnisation, ce n’est qu’à la condition que soit introduite en parallèle une logique plus respectueuse du principe du droit des victimes de pollution.
§ 3 Une logique plus respectueuse du droit des victimes de pollution
176992. Que l’on ne s’y trompe pas, la réparation intégrale ne saurait être obtenue au prix d’une admission moins regardante des demandes d’indemnisation. Elle pourrait, en revanche, permettre au FIPOL de mettre un terme à sa pratique actuelle de « sous-évaluation institutionnalisée »320 des demandes d’indemnisation. Or pour l’heure le FIPOL ne parait avoir d’autre alternative, puisque précisément, il est appelé à fonctionner avec des moyens constants quelle que soit l’ampleur des dommages.
177993. La réparation, même intégrale, ne peut se concevoir que dans un cadre préalablement délimité. Concrètement, cela signifie que la question de l’admissibilité et de la vérification des demandes présentées reste posée. Il ne saurait être question dans le cadre de cette recherche d’envisager de façon exhaustive l’ensemble des problèmes pratiques susceptibles de se présenter. Notre objectif est donc ailleurs. Nous avons précisé que s’agissant de la construction d’un régime d’indemnisation indépendant de la responsabilité civile, la logique voulait que le droit d’option entre voies juridictionnelle et transactionnelle soit supprimé au profit d’« une entrée unique »321.
178994. Or, actuellement la voie juridictionnelle est souvent conçue par les victimes comme l’unique moyen de faire entendre leur cause dans un cadre impartial322. Les légitimes questions posées pour la simple vérification de l’évaluation des dommages allégués peuvent être perçues par les victimes comme une tentative éhontée de minorer leur dommage. « De là à assimiler le FIPOL aux responsables de la pollution eux-mêmes, il n’y a qu’un pas que certains n’hésitent pas à franchir »323. Il n’en demeure pas moins qu’en s’adressant directement au FIPOL, les victimes acceptent implicitement qu’il puisse examiner leur demande et statuer en vertu de règles dont il est le seul maître324. Si la suppression de ce droit d’option participe de l’essence même du nouveau système, elle pourrait aussi être ressentie comme la privation d’un droit essentiel. Pour éviter ce genre de désagrément qui suffirait à ruiner le projet, il conviendrait d’apporter des garanties supplémentaires aux victimes. Pour l’essentiel, il s’agit d’inscrire cette réforme dans une logique plus respectueuse du contradictoire.
179995. La reconnaissance d’un droit à réparation intégrale ne saurait emporter admission systématique de toutes les demandes d’indemnisation. Des décisions de rejet ne sont donc pas à exclure. Elles pourraient être d’autant mieux tolérées qu’elles seront motivées avec soin. A cette fin, le nouveau système de réparation ne gagnerait-il pas à s’enrichir d’une procédure de conciliation ou de médiation325 ? En effet, une décision de rejet frappant une demande serait d’autant mieux tolérée que la victime éconduite aurait eu la possibilité de voir sa cause réexaminée. Cette possibilité paraît envisageable au moyen d’un mécanisme de recours gracieux. L’intérêt d’un tel dispositif serait d’offrir à la victime la possibilité de plaider sa cause devant une instance collégiale, différente de celle qui a procédé à l’instruction initiale du dossier. Cette « procédure d’appel » pourrait aussi concerner des hypothèses de désaccords sur le montant de la créance éligible326.
180996. Une liste de médiateurs pourrait être établie dans chaque État membre par le Comité exécutif, sur proposition de l’administrateur, et avec l’accord de l’État concerné327. Le « Super-FIPOL » et les victimes seraient liés par le résultat de la médiation. On peut penser que le principe même de la médiation gagnerait en efficacité si les résultats de cette procédure intervenaient dans un bref délai. Toutefois, cette proposition tendant à l’introduction d’une procédure de conciliation suppose également que chacune des parties soit placée sur un pied d’égalité. Si nous admettons sans trop de difficultés qu’il s’agit là d’un vœu pieux, nous maintenons que des solutions sont de nature à favoriser un rapprochement avec ce qu’il conviendrait d’appeler un idéal.
181997. En premier lieu, pourquoi ne pas suggérer au législateur international d’introduire dans le cadre de cette médiation la notion de délais raisonnables ? Ces délais permettraient de couper court à tout risque de tergiversations ou de retard. Le principe d’un versement, voire de plusieurs provisions, devrait se généraliser. Dans un délai de trois mois, le fonds pourrait être tenu de faire une offre d’indemnisation. Le projet de transaction pourrait être dénoncé dans un délai de quinze jours. Le paiement définitif pourrait intervenir dans un délai d’un mois après l’expiration du délai de dénonciation. Ne conviendrait-il pas de prévoir des majorations par rapport au taux d’intérêt légal en cas de retard pour sanctionner toute tentation de velléité328 ?
182998. En second lieu, nous pensons que la décision du Tribunal de Grande Instance des Sables d’Olonne, en date du 3 juin 2003329, s’inscrit déjà dans cette démarche tendant à converger vers un idéal. En condamnant le FIPOL et la Steamship, assureur de l’Erika, à faire l’avance des frais d’avocats et d’experts à 15 victimes qui avaient fait une demande d’expertise judiciaire pour l’évaluation de leur préjudice, cette juridiction montre de façon très concrète comment on peut espérer introduire un peu plus de contradictoire dans la procédure d’indemnisation.
183999. A la lecture de la dernière édition du Manuel d’indemnisation en date d’avril 2005, on peut penser que le FIPOL a désormais pris l’exacte mesure de cet enjeu. En effet, conscient de ce que le recours à des conseillers pour se faire aider dans la présentation de leurs demandes d’indemnisation peut avoir de capital pour les victimes, le FIPOL consent désormais à verser des indemnités à ce titre. « Ces indemnités sont versées au titre du coût raisonnable des services rendus par les conseillers pour la présentation de demandes relevant des Conventions ». Le FIPOL détermine si ces coûts sont indemnisables lorsque la demande d’indemnisation pertinente est examinée. Il prend également en compte le besoin du demandeur de faire appel à un conseiller, l’utilité et la qualité des services rendus par le conseiller, le temps raisonnablement requis pour assurer ce type de services et le tarif habituel appliqué dans les pays en cause pour ce genre de travail.
1841000. Il s’agit là, à n’en pas, douter d’une avancée essentielle dans l’amélioration du droit des victimes. Toutefois les critères de recevabilité restent fortement imprégnés de subjectivité. Comment concrètement sera apprécié le besoin du demandeur de se faire aider ? Conviendra-t-il de tenir de ses compétences, de sa disponibilité ?
1851001. Il n’en reste pas moins qu’une telle initiative, parce qu’elle s’inscrit dans le souci d’un meilleur respect de l’article 6 de la Convention européenne des Droits de l’homme qui énonce que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi » doit être pleinement approuvée. Ainsi l’actuel bureau d’indemnisation conjoint car installé en commun par le FIPOL et l’assureur en responsabilité du navire, pourrait-il enfin voir son appellation justifiée aussi à l’égard des victimes, à l’avenir parties prenantes et non plus écartées comme elles le sont actuellement330. « Seule, en effet, une double expertise permettrait de travailler véritablement à livre ouvert ». Il n’en demeure pas moins qu’à l’instar du Pr G. J. Martin on admet volontiers que le rôle privilégié parfois accordé à l’expertise n’est pas, lui non plus, à l’abri de toute critique. Car, ainsi que le note fort justement cet auteur, « le droit ne saurait être un simple placage de formules sur une réalité définie en dehors de lui »331.
1861002. Sans doute cette remarque prend-elle, tout son sens, au moment où l’on entreprend de faire aboutir cette logique environnementale d’indemnisation. Cette dernière, en effet, ne peut espérer acquérir une réelle consistance que si elle emporte reconnaissance d’un droit spécifique à réparation pour l’environnement marin, victime d’une pollution.
SECTION 3. L’ABOUTISSEMENT D’UNE LOGIQUE : VERS LA RECONNAISSANCE D’UN DROIT SPÉCIFIQUE À RÉPARATION POUR L’ENVIRONNEMENT MARIN, VICTIME DE POLLUTION332
1871003. « Le monde économique est de plus en plus confronté à des choix qui ne pourront plus se faire en marge d’une gestion rationnelle des ressources naturelles »333. L’atteinte portée à l’environnement marin lui-même est, sans aucun doute, « le dommage de pollution le plus inné, le plus authentique »334. Pourtant, il est ignoré en tant que tel par le système international d’indemnisation des pollutions marines. Un tel paradoxe ne saurait perdurer. Au nom de quoi la première victime d’une pollution marine serait-elle condamnée à subir ? Ne serait-elle pas, elle aussi, fondée à revendiquer un droit à réparation ?
1881004. Parce ce qu’il n’est de barrière qu’une imagination fertile ne saurait franchir, un professeur de droit américain, Christopher STONE, de proposer que soit accordé aux arbres un droit d’ester en justice335. Partant du postulat que l’homme a failli à sa mission de conserver le patrimoine planétaire, il ne devrait plus avoir, seul, la qualité de sujet de droit. Ce renversement radical de perspective impliquerait que l’éventuelle réparation accordée par le tribunal bénéficie aux arbres et à eux seuls. Cette thèse, pour saugrenue qu’elle soit, a reçu un certain écho chez une partie de la doctrine336. Certains auteurs de voir dans cette possibilité juridique d’ériger la nature en sujet de droit, sans qu’il y ait confusion avec une personne humaine, une évolution comparable à celle qui a présidé à la dissociation de la personne morale et de la personne physique.
1891005. A l’image de la question qu’elle ambitionne de résoudre : celle de la réparation du préjudice écologique, la thèse sus-énoncée est controversée. On ne saurait toutefois l’ignorer. L’application effective du principe du pollueur-payeur en dépend, l’amélioration du régime de réparation des pollutions majeures aussi.
1901006. Dès lors, il convient d’admettre que la mesure du dommage à l’environnement ne saurait se limiter à la restauration des sites. Elle doit s’étendre au préjudice écologique pur. Si la réparation s’exprime à travers le calcul d’un coût stricto sensu dans la première hypothèse, dans la seconde il s’agit d’estimer une diminution de valeur.
1911007. La prise en compte effective du dommage écologique suppose de résoudre deux questions majeures : celle d’abord de la personne ou entité habilitée à agir au nom de l’environnement ; celle ensuite de l’évaluation du préjudice subi et, plus exactement, des méthodes propres à la permettre.
1921008. En la matière, force est d’admettre que les États-Unis ont conservé une longueur d’avance. Tandis qu’en 1971, les rédacteurs des Conventions pétrolières originelles négligeaient le dommage écologique, la délégation américaine, soucieuse de la capacité limitée d’auto-régénération du milieu marin337, invitait, sans succès, la Communauté maritime internationale à se pencher sur les possibles répercussions d’un déversement massif d’hydrocarbures sur les ressources biologiques marines. Nul doute qu’un déversement de substances nocives et potentiellement dangereuses pourrait être autrement plus désastreux que celui de ces matières minérales.
1931009. Certes, le temps a passé, les mentalités ont évolué. L’expérience américaine, parce qu’elle a bénéficié d’une prise de conscience plus précoce, se présente aujourd’hui comme un archétype de la réparation de l’environnement marin. A ce seul titre, nous nous devions déjà de l’évoquer (Sous-section 1). Toutefois, l’enjeu majeur d’une telle évocation est sans doute ailleurs. Il s’agit, partant des expériences législatives américaines, de réfléchir à l’élaboration d’un cadre international adapté à la prise en charge de l’indemnisation des ressources naturelles marines (Sous-section 2).
SOUS-SECTION 1. L’EXPÉRIENCE AMÉRICAINE : UN ARCHÉTYPE DE RÉPARATION DE L’ENVIRONNEMENT MARIN PLUTÔT CONSTRUCTIF
1941010. N’y a-t-il pas quelque chose de paradoxal à présenter le système américain comme un modèle quand on sait que dans l’« inconscient juridique collectif », ce dernier est souvent associé aux pires dérives338 ? On pourra toujours tenter de se rassurer en mettant en avant son caractère précurseur, sa qualité de proposition. En effet, « il n’y a point de hasard »339. L’idée de se servir du droit pour protéger les ressources naturelles aux États-Unis ne s’est pas imposée du jour au lendemain, telle une évidence. Bien au contraire, elle est le fruit d’un lent processus de maturation. Elle ne se comprend qu’à travers lui.
1951011. Ainsi, l’introduction dans l’Oil Pollution Act de dispositions spécifiques aux ressources naturelles répond à une logique. C’est parce que les tribunaux ont dû faire face à des demandes d’indemnisation de plus en plus pressantes pour ce chef de préjudice, que les juges, en leur âme et conscience, ont dû prendre parti. La Common Law a très directement servi de tremplin à l’émergence du préjudice écologique (§ 1). Toutefois, si l’impulsion, en ce sens, a été donnée par les juges, l’officialisation de cette logique est l’œuvre du législateur (§2), quant aux experts, leur concours aura été tout particulièrement indispensable pour proposer des méthodes d’évaluation du préjudice écologique pur (§ 3).
§ 1. L’émergence du préjudice écologique : l’impulsion donnée par la Common law340
1961012. Alors que la conscience écologique n’était encore qu’embryonnaire, pour ne pas dire inexistante, sur la scène internationale, elle avait déjà droit de cité dans les prétoires américains. En effet, dès le début des années 1970, c’est-à-dire avant même que ne soient promulguées les premières lois américaines, les tribunaux n’hésitaient pas à se fonder sur la Common Law pour accorder aux États un droit d’agir au titre de l’indemnisation des dommages causés aux ressources naturelles marines. Tandis que quelques-uns, désireux d’officialiser cette nouvelle compétence, adoptaient leur propre législation aux fins d’organiser le recouvrement des indemnisations versées au titre des dommages écologiques341, les autres continuaient de s’en remettre à la Common Law.
1971013. Dans une hypothèse comme dans l’autre, il s’agissait, pour espérer dégrossir la problématique de la réparation du préjudice écologique pur, de se positionner sur deux éléments clés : la qualité pour agir d’abord (A), l’évaluation du dommage environnemental ensuite (B). Nul doute que ces prises de position devaient influencer très directement l’appréciation par le droit de cette valeur nouvellement reconnue.
A. L’impulsion donnée quant à la détermination de la qualité pour agir
1981014. Qui peut être fondé à demander réparation au titre de l’altération subie par l’environnement en général, marin en particulier ? Cette question de l’intérêt à agir est singulière en présence d’un dommage qui comme le préjudice écologique présente la particularité de toucher des intérêts de manière indirecte, mais collective342. En l’absence d’intérêt individuel clairement identifié, le dommage environnemental est nécessairement non personnel. « Il concerne une chose qui n’appartient par définition à personne, mais dont tout le monde peut user »343.
1991015. De telles caractéristiques posent nécessairement des problèmes de représentation devant les tribunaux. Un simple particulier, serait- il un amoureux transi de la nature, ne saurait être autorisé à engager une action en faveur de l’environnement faute d’intérêt personnel à agir. Aussi, la Common law a-t-elle entrepris de résoudre le problème de la représentation de la défense de l’environnement, en donnant aux États la qualité pour agir en justice au titre de l’environnement. Ce faisant, elle s’est inspirée de la doctrine du parens patriae ou du tuteur public (public trustee) utilisée en matière sociale344. En vertu de cette doctrine, les tribunaux de chacun des États ont pour mission de préserver les ressources naturelles publiques se trouvant sous leur juridiction.
2001016. L’arrêt du State of Maine v. Tamano345 précise la nature des intérêts dont l’État est dépositaire, s’agissant des ressources naturelles. A l’occasion d’un déversement dans le Maine, cet État intente une action en qualité de parens patriae des citoyens de l’État du Maine pour toutes les ressources naturelles se trouvant dans les eaux territoriales et adjacentes. Toutefois, les défendeurs ont objecté que ledit État ne disposait pas d’intérêts suffisamment indépendants dans ses eaux côtières pour « jouer le parent des citoyens du Maine ».
2011017. Pour se prononcer sur le problème qui lui est soumis, la Cour entreprend de recenser les décisions qui ont accueilli la doctrine du parens patriae. L’inventaire de ces décisions révèle que le droit de l’État d’agir en qualité de parens patriae ne saurait se limiter aux actions tendant à protéger ses intérêts propriétaires ; il s’étend à toutes les actions qu’il pourra intenter pour protéger ses intérêts « quasi-souverains » dans ses eaux côtières et sur les ressources s’y trouvant. Par intérêt quasi-souverain, il convient d’entendre un intérêt direct et propre à l’État, c’est-à-dire distinct de celui de ses citoyens.
2021018. Certaines décisions de la Cour suprême, notamment celle de l’Oklahoma v. Cook, témoignent, de la volonté de cette institution d’assimiler la souveraineté à la propriété. C’est parce que l’État dispose d’un intérêt souverain, qu’il a la capacité d’agir en qualité de représentant du peuple qui est lui propriétaire des ressources naturelles. Pareille analyse participe tant de l’élargissement que du renforcement du pouvoir de l’État en matière de protection de l’environnement. Dès lors, la capacité de l’État à agir en qualité de parens patriae trouve sa justification tant dans ses intérêts souverains, que dans sa qualité de propriétaire.
2031019. D’autres tribunaux, toutefois, ont préféré justifier l’intérêt à agir de l’État dans la protection de l’environnement par un autre biais. La doctrine du « Trustee » est fondée sur l’attribution aux gouvernements étatiques d’un pouvoir de tuteur. Pour le bénéfice commun du public sur les ressources naturelles, ils doivent ès qualité veiller à l’intégrité desdites ressources. Ainsi, dans une affaire où les défendeurs arguaient de ce que les intérêts de l’État dans ses eaux n’étaient qu’usufruitiers et donc non propriétaires pour contester son droit à agir, la Cour a rejeté l’objection en reconnaissant à ce dernier la qualité de Trustee346. De l’avis de la Cour, l’État disposerait d’une propriété technique dans ses eaux côtières qui lui permettrait d’agir au nom de ses citoyens.
2041020. En définitive, force est de constater que le juge, désireux de confier à l’État la mission d’assurer la protection de l’environnement, s’évertue à rechercher les moyens d’y parvenir. Dès lors, quand il ne se contente pas simplement d’affirmer, sans autre précision, que l’intérêt de l’État sur ses eaux suffit à justifier son droit d’action347, les notions d’intérêt propriétaire, d’intérêt souverain ou même de propriété technique, ne constituent à ses yeux que des « supports de circonstance » pour habiller juridiquement ses décisions. Outre la reconnaissance d’une entité chargée d’agir en son nom, l’environnement a besoin pour s’affirmer dans les prétoires d’une méthode d’évaluation de l’atteinte qui lui est portée. Celle-ci est nécessaire pour fixer l’étendue de son droit à réparation. Là encore, il convient de souligner l’impulsion donnée par les juges. Elle aura été prépondérante dans l’affirmation du préjudice écologique sur la scène juridique.
B. L’impulsion donnée quant à l’évaluation du dommage écologique : les leçons du Zoe Colocotroni
2051021. Le Zoe Colocotroni peut être présenté comme un pionnier. Bien malgré lui, ce pétrolier aura ouvert la voie au préjudice écologique dans sa conquête difficile d’une reconnaissance. C’est en effet à l’occasion de son échouage que sera déposée devant les tribunaux américains la première demande de réparation au titre d’une atteinte portée à l’environnement lui-même. Le 15 mars 1973, le capitaine de ce navire après avoir heurté un récif au large des Côtes de Porto Rico, avait donné l’ordre de déverser une partie de la cargaison pour le renflouer. Une pollution s’en était suivie. Une mangrove avait été souillée. Saisie par les autorités portoricaines d’une demande d’indemnisation, la Cour d’appel du premier circuit348 n’avait d’autre alternative pour faire droit à cette demande que de procéder à une évaluation du dommage. A cette fin, plusieurs méthodes, certaines directement suggérées, il est vrai par les parties, s’offraient à elle. En rejetant la règle, pourtant classique en matière d’indemnisation, de la diminution en valeur (1), pour lui préférer celle du coût de la remise en état effective (2), cette juridiction reconnaît implicitement la spécificité du dommage écologique.
1. Le rejet de la règle de la diminution en valeur
2061022. Plutôt que de se laisser imposer une méthode, autant tenter de convaincre du bien-fondé de la sienne, il y va de son intérêt bien compris. La démarche se conçoit d’autant plus aisément en matière de réparation de préjudice écologique pur, qu’il n’existait, à l’époque, aucun précédent. Dans l’affaire du Zoe Colocotroni, les défendeurs suggèrent aux juges de faire application d’une règle classique. En Common law, la règle dite de la diminution en valeur sert traditionnellement à évaluer les dommages. En vertu de cette règle, la mesure du dommage s’effectue par comparaison de la valeur commerciale ou marchande d’un bien avant et après qu’il ait subi une atteinte.
2071023. Toutefois, si la propriété peut être restaurée dans son état initial à un coût moindre que la diminution en valeur, la mesure du dommage équivaut aux coûts de restauration. Il y a alors substitution de ladite méthode à celle de la diminution en valeur. S’agissant de l’espèce, les défendeurs considéraient que la valeur commerciale d’une mangrove n’excédait pas 5 000 $ par acre. Dès lors, ils soutenaient que les dommages et intérêts auxquels on pouvait les condamner ne devaient en aucun cas dépasser cette somme.
2081024. La Cour ne s’est pas laissé convaincre. Elle a autorisé l’Environmental Quality Board à recouvrer la valeur totale des dommages causés à l’environnement et aux ressources naturelles, en se fondant sur la Loi du Common wealth de Porto Rico. Or, précisément, dans cette loi, il n’est aucunement fait mention de la loi du marché. En outre, retenir pareil paramètre pour évaluer le préjudice eut été de peu d’intérêt en termes de sensibilisation à la sauvegarde du milieu naturel. Les espaces pollués n’avaient, en effet, qu’une valeur commerciale faible.
2091025. S’il est difficile d’attribuer une valeur marchande à un arbre parce qu’il n’est, en définitive, jamais soumis à la loi du marché, la mesure de la capacité de la nature à se régénérer s’avère autrement plus délicate. En tout état de cause, la règle de la diminution en valeur ne saurait prétendre refléter la valeur de cette capacité. Dès lors, la volonté de procurer des dommages et intérêts au titre d’une altération subie par le milieu suppose de renoncer à toute idée de référence à une valeur commerciale349. Le souci légitime de protéger l’environnement impose d’opter pour une mesure d’évaluation plus adaptée au dommage environnemental. Parce que les ressources naturelles sont rétives à toute appréciation commerciale, il convient d’utiliser, les concernant, des méthodes spécifiques d’évaluation, comme celle du coût de la remise en état effective.
2. L’admission du coût de la remise en état effective
2101026. L’autorité reconnue compétente pour agir au titre de l’environnement dans le Common Wealth de Porto Rico a présenté deux plans à la Cour pour qu’elle puisse procéder à une évaluation des dommages. Toutefois, aucun de ces plans n’a su convaincre la Cour, puisqu’elle les a rejetés tous les deux. Le premier consistait à enlever les mangroves endommagées ainsi que les sédiments imbibés d’hydrocarbures pour les remplacer par des végétaux et sédiments propres. Le tribunal a considéré le projet impraticable, excessivement coûteux, et même périlleux pour la santé des mangroves et des animaux qui y vivaient. Ce que devait confirmer la Cour d’appel350. Le second plan, quant à lui, a été accepté par le Tribunal de district, bien que considéré déraisonnable par les juges de la Cour d’appel. Les dommages et intérêts avaient été évalués cette fois par référence au prix de remplacement des 92 millions de créatures invertébrées qui peuplaient la région polluée351.
2111027. Toutefois, que l’on ne s’y trompe pas, l’enveloppe versée au titre des dommages et intérêts ne devait pas servir à financer la réintroduction de la faune et la flore peuplant la mangrove, opération qui du reste avait peu de chance d’être concluante. Cette dernière n’était envisagée qu’à titre fictif, dans le seul dessein de mesurer le préjudice subi par l’environnement du Commonwealth. Le peu de réceptivité de la Cour à l’égard de cette méthode s’expliquait par le fait que l’on ne pouvait fonder une évaluation sur une pure supposition. Cela ne signifiait toutefois pas que la Cour se montra opposée à l’idée de replanter ou de remplacer les ressources perdues. Le fait qu’elle ait pu préconiser au titre des mesures d’évaluation, celles de remplacement, en apportait la meilleure démonstration. Il s’agissait là, en définitive, d’une mesure classique. Si la restauration de l’environnement endommagé apparaît comme une mesure primaire, la technique de remplacement fait figure d’alternative immédiate.
2121028. Alors même que la Cour aurait été relativement souple s’agissant des méthodes d’évaluation, son jugement final est placé sous la gouverne du critère du raisonnable. Ledit critère est appelé à jouer un rôle d’arbitre quand il s’agit d’apprécier les coûts engagés dans le rétablissement de l’environnement ou dans l’acquisition de nouvelles ressources de substitution. Il s’agit en toute hypothèse de ne pas dépenser de manière grossièrement disproportionnée par rapport au préjudice causé et à la valeur écologique des espèces traitées.
2131029. Dès lors, quand bien même la Cour ne sera pas parvenue au terme de l’affaire du Zoe Colocotroni à imposer une méthode d’évaluation des dommages à l’environnement, elle aura toutefois dégagé à cette occasion les principaux critères utiles à cette fin. Si le critère de principe choisi par la jurisprudence est celui de la restauration, donc de la remise en état de l’environnement, la règle de la diminution de valeur peut à titre dérogatoire reprendre du service lorsque les ressources naturelles sont commercialement estimables. Plus encore, cette jurisprudence, par son caractère novateur, aura montré au législateur la voie à suivre pour officialiser cette logique environnementale de l’indemnisation dans le cadre de l’OPA, modèle législatif de référence s’il en est.
§ 2. L’officialisation de la logique environnementale : l’Oil Pollution Act, un modèle législatif de référence
2141030. Avant que l’OPA ne soit adopté en 1990, deux premières lois s’étaient intéressées aux dommages causés à l’environnement marin. L’apport de la loi FWPCA (connue sous l’appellation Water quality improvement Act) de 1972 et de la loi CERCLA (Comprehensive Environment Response Compensation and Liability Act) de 1980 à la résolution de la problématique environnementale avait été somme toute limité. La seconde de ces lois s’était contentée d’étendre aux autorités municipales, le droit d’agir reconnu à chacun des États, le refusant aux personnes privées.
2151031. Toutefois, force est de reconnaître que ces mesures législatives ne sauraient rivaliser avec l’OPA quand on évoque la prise en considération du dommage écologique. C’est en effet à cette loi que revient le mérite d’avoir hissé le préjudice écologique marin au rang des préjudices reconnus par les lois relatives à l’indemnisation des pollutions maritimes. C’est en ce sens que l’on peut dire qu’elle a valeur de modèle législatif quand on aborde la délicate question de la réparation environnementale352.
2161032. Dans un souci de faciliter la comparaison avec l’actuel système international d’indemnisation des pollutions maritimes, il nous paraît indispensable d’isoler les dispositions environnementales de l’OPA (A), de la procédure de restauration proprement dite (B). La description de cette dernière permet de recueillir les éléments en vue de la construction d’un nouveau modèle international.
A. Les dispositions environnementales de l’OPA
2171033. L’OPA consacre de larges dispositions à la question du préjudice écologique353. La loi américaine s’attache en effet à définir les ressources naturelles qu’elle entend protéger. Cependant, force est de reconnaître qu’elle n’innove pas en la matière, puisqu’elle reprend très exactement la définition qu’en donnait le CERCLA. Les ressources naturelles doivent s’entendre comme comprenant « le sol, les poissons, la faune, la flore, l’air et l’eau, les eaux souterraines, l’eau potable ainsi que d’autres ressources comparables qui appartiennent, sont gérées ou contrôlés par l’Union354, ou tout État, autorités locales, tribus indiennes, ou gouvernements étrangers »355.
2181034. L’OPA opère une distinction entre deux types de dommages à l’environnement. Le premier résulte du préjudice aux, de la destruction de, de la perte de, ou de la perte d’utilité des ressources naturelles y compris le coût raisonnable d’évaluation du préjudice. Le second réside dans la perte d’utilité de subsistance des ressources naturelles. L’indemnisation pour ce dernier type de préjudice peut être demandée par toute personne qui utilise ces ressources naturelles, sans qu’il soit tenu compte du titre de propriété ou de l’administration de ces ressources.
2191035. Plus généralement, les personnes désignées responsables doivent répondre de leurs dommages devant le Gouvernement américain, un État, une tribu indienne, ou un gouvernement étranger pour les ressources naturelles qui leur appartiennent, qu’elles exploitent ou contrôlent356. L’organe chargé de recouvrer cette indemnisation est le trustee, qui selon le cas, peut être celui des États-Unis, d’un des États, d’une tribu indienne, ou d’un État étranger357.
2201036. Le Président de l’Union358 désigne les représentants des trustees pour les ressources naturelles359 dans le cadre du « National Contingency Plan »360. Ces derniers appartiennent à des ministères différents selon la nature de la ressource protégée. Ainsi, le Ministère du commerce est-il compétent pour les ressources marines et les habitats associés, celui de l’Intérieur pour les oiseaux migrateurs, les poissons, les espèces en danger désignées comme les mammifères marins, les ressources en eaux minérales361.
2211037. A l’échelon de chaque État, le gouverneur désigne des fonctionnaires nationaux et locaux compétents pour agir en qualité de trustee362, les tribus indiennes ayant tout loisir pour désigner leurs propres trustees363. Les gouvernements étrangers ont également la possibilité de recouvrer l’indemnisation si cette possibilité est prévue par un traité ou un accord passé entre l’État et le pays du demandeur.
2221038. Les dommages aux ressources se mesurent à l’aune de trois éléments : en premier lieu, celui du coût de la restauration ou du remplacement des ressources naturelles endommagées ou d’acquisition de l’équivalent ; en second lieu, celui de la diminution de la valeur des ressources naturelles pendant la restauration, en troisième et dernier lieu, celui de la perte d’utilité de la ressource abîmée et du coût raisonnable de l’évaluation du préjudice364. L’adjonction de cette dernière disposition est justifiée par le fait que ces dépenses peuvent être particulièrement élevées aux États-Unis.
2231039. Dans la pratique, la mesure la plus employée est celle de la restauration. Ce mode de réparation de l’atteinte portée à l’environnement privilégie nettement la réparation en nature. Il s’organise, s’agissant de la restauration, autour d’une procédure bien huilée d’évaluation des dommages aux ressources, qui ne peut être ignorée quand il s’agit de mettre en exergue l’expérience pilote que constitue l’OPA en matière de prise en charge du préjudice environnemental.
B. La procédure d’évaluation des dommages aux ressources naturelles dans le cadre d’une remise en état
2241040. L’application des dispositions relatives à la réparation de l’environnement prévues par l’OPA est grandement facilitée par la présence d’un règlement détaillé de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA). Ce dernier s’attache à organiser étape par étape, et dans le moindre détail, la procédure de restauration des sites affectés. Avant même que ne soit envisagée cette procédure, il convient de souligner le souci d’anticipation qui caractérise le système américain. En effet, quand bien même aucun accident ne se serait encore produit, les trustees sont encouragés à établir des plans pré-incidents. Pour l’essentiel, à travers ces initiatives, il s’agit de recenser l’état des ressources naturelles en vue de constituer des bases de données fiables365.
2251041. La procédure de réparation stricto sensu débute par une phase de pré-évaluation du dommage. Pour ce faire, le trustee est appelé à opter pour la mesure de restauration qui lui semble la plus appropriée. Le règlement de la NOAA opère une distinction entre restauration primaire et restauration secondaire. La première vise les initiatives ayant pour objectif de replacer les ressources naturelles affectées dans leur état initial. Elle peut prendre la forme d’une restauration proprement dite, ou d’une acquisition de ressources naturelles équivalentes à celles qui ont été endommagées. La seconde restauration, dite compensatoire, s’attache à compenser les pertes temporaires des ressources et des services366. Elle inclut les mesures destinées à compenser les pertes en valeur de la ressource ou la diminution de la ressource pendant la restauration367.
2261042. Pour se prononcer sur le choix d’une mesure de restauration, le trustee doit prendre en considération nombre de paramètres comme les circonstances de l’accident368, les caractéristiques du déversement ou de la menace369, les caractéristiques de la ressource naturelle370, le potentiel de nocivité371, et d’éventuelles bases de données372. Il doit également tenter d’évaluer le coût de la restauration. Toutes les informations recueillies sont consignées dans une notice mise à la disposition du public. Une copie doit être adressée aux parties responsables, invitées dès lors à prendre part à la conduite du plan de restauration373. L’étendue de la participation des parties responsables est déterminée par le trustee lui-même374. Cette première phase de pré-évaluaion est suivie d’une phase de planification de la restauration. Au terme de cette seconde étape, le trustee est amené à quantifier définitivement l’atteinte et à prendre nettement position sur les actions de restauration à entreprendre375. L’intensité des atteintes peut être très variable. La plus grave d’entre elles affecte la survie, la croissance et la reproduction des espèces animales ou végétales. Elle s’exprime au travers d’un pourcentage de mortalité d’espèces ou d’habitats affectés, d’étendue spatiale et temporelle376. Même pour l’hypothèse, où le rétablissement naturel serait un mode de restauration alternatif envisageable, le règlement recommande aux trustees de procéder à ces estimations377. On notera que le règlement même s’il propose un certain nombre de procédures d’évaluation générale, n’est pas directif s’agissant des méthodes à employer pour quantifier l’atteinte. Le trustee a donc tout loisir pour sélectionner la procédure qui lui paraît la plus appropriée aux circonstances de l’espèce.
2271043. Pour chacune des hypothèses qui lui est soumise, le trustee, avant même de sélectionner une méthode définitive, doit considérer l’ensemble des alternatives envisageables378. La partie responsable peut demander au trustee d’utiliser une méthode d’évaluation différente de celles que le trustee aurait sélectionnée. Certaines méthodes font l’objet d’une recommandation particulière de la NOAA. Ainsi en est-il de la méthode « Habitat equivalency analysis », plus connue sous sa forme abrégée HEA. Cette dernière est particulièrement adaptée en cas d’atteinte à des ressources biologiques naturelles. Sans entrer plus avant dans des considérations techniques, l’originalité de la méthode HEA est de renoncer à une mesure monétaire du service rendu par les ressources naturelles. La méthode HEA utilise un système métrique pour procéder à des comparaisons entre sites identiques.
2281044. Après avoir évalué les probabilités de succès de chacun des scenarii, le trustee doit opter pour la solution de restauration la plus adaptée. La détermination de la procédure la plus adaptée ne se réduit pas à une stricte comparaison des coûts de restauration avec les valeurs monétaires des ressources endommagées379.
2291045. La procédure de restauration la plus adaptée déterminée, le trustee est chargé d’élaborer un projet de restauration. Ce dernier prend la forme d’un document comprenant un descriptif des dommages, ainsi qu’un rappel de la procédure d’évaluation adoptée. Ce document est porté à la connaissance du public invité à formuler ses observations. Enfin, le trustee doit y mentionner le critère qui, selon lui, permet de révéler le succès de l’opération de restauration. Cet élément est particulièrement décisif, puisqu’il est de nature à dégager les parties responsables de toute responsabilité. Ce document qui fait l’objet d’un enregistrement administratif380 va servir de support à la demande écrite de mise en œuvre de la restauration que le trustee va formuler à l’encontre des parties responsables. Ces dernières disposent d’un délai de 90 jours pour se prononcer. Faculté leur est laissée de choisir entre le paiement direct, ou la fourniture d’une garantie de paiement. Les dommages et intérêts, que doit verser le pollueur, ne sauraient se limiter au coût de la restauration, ils intègrent des sommes destinées à compenser le préjudice moral381. Ces dernières ne sont toutefois pas affectées à des personnes privées, mais déposées sur un compte de l’Oil Spill Liability Trust Fund382 pour financer des programmes en faveur de l’environnement.
2301046. Pour l’hypothèse, où une fin de non-recevoir serait opposée, le trustee peut soit classer la demande, soit la transmettre à l’Oil Spill liability Trust Fund383. Le fonds se charge alors de diligenter les actions judiciaires nécessaires à l’encontre des responsables au plus tard dans les trois ans suivant le plan final de restauration. Quand bien même elle aurait été partiellement abordée, la problématique de l’évaluation du préjudice écologique pur mérite que nous lui réservions un traitement particulier, l’objectif ici étant essentiellement de mettre en exergue la nécessaire association des experts à la réparation de ce préjudice. En effet, sans leur participation active le juriste n’aurait eu d’autre alternative que de renoncer à la prise en charge dudit préjudice.
§ 3. La délicate problématique de l’évaluation du préjudice écologique pur
2311047. La mesure du dommage constitue une étape majeure de la procédure d’indemnisation Celle du dommage écologique pur requiert l’intervention de spécialistes. En effet, évaluer l’atteinte portée à l’environnement suppose de surmonter un certain nombre de difficultés, d’interrogations384. Les dommages portés à la faune et à la flore sont-ils réversibles ? Le plus souvent, ils le sont, au mieux sur le court terme, au pire sur le long. Une première question en amenant une autre : s’agissant d’un long terme, quelle durée convient-il de prendre en considération pour apprécier le montant de l’indemnisation exigible ? A supposer ces premières questions résolues, on ne saurait toutefois clore là le débat de l’évaluation du préjudice écologique pur. Pour espérer rendre compte de ses arcanes, il convient de poursuivre plus avant nos investigations.
2321048. Figure emblématique, s’il en est, de l’outrage porté à l’environnement marin, l’oiseau de mer385 peut être tantôt décimé, tantôt sauvé au terme d’un toilettage éprouvant, sa reproduction momentanément altérée. L’oiseau appartiendrait-il à une espèce en danger, comment apprécier la dette de réparation mise à la charge du pollueur, si l’atteinte portée par ce dernier conduit à décimer la dernière colonie de survivants ? En imaginant qu’un site ait été victime d’une pollution à plusieurs reprises, ce qui est loin d’être un cas d’école, comment faire la part des choses entre l’atteinte qui vient d’être portée et les éventuels reliquats d’une pollution précédente ? Un rapport daté de 1993 indiquait que 4 ans après la marée noire de l’Exxon Valdez, seulement 14 % du pétrole brut déversé avait été retrouvé.
2331049. Comment introduire une certaine subjectivité dans l’appréciation monétaire de ces dommages, tant les paramètres à prendre en considération sont divers et variés ? L’évaluation du préjudice suppose de tenir compte de la météo, du type d’hydrocarbure, de la réversibilité, ou de la faculté d’auto-régénération des ressources. Une appréciation précise des dommages étant de l’avis des experts impossible à formuler386, les conclusions sont nécessairement vagues. Ceci tient pour partie au fait que l’évaluation est une œuvre humaine. Dès lors « même s’il y est procédé avec le concours d’hommes de l’art dont l’autorité n’est pas contestable, elle n’en est pas moins le fruit d’une appréciation personnelle susceptible de varier avec l’opinion que se forgent ceux qui sont appelés à y concourir »387. Elle n’en reste pas moins une étape incontournable, et cela que la restauration soit ou non pratiquée. Elle revêt valeur d’étalon pour apprécier l’opportunité d’entreprendre des travaux. En effet, la règle veut que la restauration ne soit entreprise que si son coût est inférieur à la diminution en valeur du site. En outre, de l’avis de la doctrine, elle doit servir à apprécier le caractère raisonnable du projet de restauration en terme de coût. Toutefois, alors même que l’évaluation du dommage subi par l’environnement marin constitue un impératif (A), elle n’en présente pas moins un caractère subversif (B).
A. L’impératif d’évaluation
2341050. Le caractère non marchand des biens et services environnementaux, et donc l’absence de prix du marché, rend a priori difficile leur évaluation monétaire388. Toutefois, il faut se rendre à l’évidence : la réparation des atteintes au milieu naturel exige de surmonter l’obstacle que constitue l’évaluation. Ainsi que l’observe le Pr M. Rémond-Gouilloud, « faute d’appréciation monétaire, un préjudice ne peut être réparé. Dans notre monde imprégné de chiffres, où tout semble se ramener à une facture, tout dommage, pour être pris en compte doit être quantifié »389. C’est en ce sens que l’on peut dire que l’évaluation constitue un impératif. Satisfaire à ce dernier, suppose de s’accorder quant à la valeur d’environnement à prendre en considération. Cette valeur originale a des exigences qui lui sont propres. D’une part, la valeur environnementale n’est pleinement consacrée que si l’on consent à l’étendre au-delà de la valeur d’usage (1). D’autre part, pour la mesurer, il convient de s’entendre sur le choix d’une méthode particulière d’évaluation (2).
1. La nécessaire extension de la valeur d’environnement au-delà de la valeur d’usage
2351051. Le droit américain identifie trois types de valeurs quand il s’agit de biens ou de services environnementaux : le prix du marché ou use value d’abord, la valeur d’option ou l’option value ensuite, la valeur d’existence ou existence value enfin. Il n’existe pas, entre ces valeurs, de rapport de hiérarchie. Dès lors, chacune d’elles bénéficie d’une égalité de traitement390. Ce qui signifie aussi que la valeur d’environnement ne saurait se limiter à la plus évidente d’entre elles, la valeur d’usage ou d’utilité.
2361052. Le prix du marché est un des facteurs pouvant servir à déterminer la valeur d’utilisation d’une ressource. Toutefois, il ne saurait être le seul, ni même le plus déterminant391. Quelle signification attacher à la use value ? Du seul fait qu’elles sont utilisées par les êtres humains, les ressources naturelles acquièrent une valeur. Cette idée d’utilisation se conçoit aisément s’agissant d’un poisson. Dans cette hypothèse, la valeur d’utilité peut se recommander de l’évidence. Toutefois, même dans cette hypothèse a priori simple, deux conceptions sont envisageables pour cette valeur d’utilité. Elle peut être marchande s’agissant du pêcheur professionnel ; elle peut être non marchande ou récréationnelle s’agissant d’un pêcheur du dimanche. Toutefois, parce que certaines ressources naturelles sont dépourvues d’utilité qu’elle soit commerciale ou non, parce qu’il n’existe pour elles aucune demande qui pourrait se traduire par un consentement à payer, le droit américain préconise de recourir à d’autres formes de valeurs. Ne l’eût-il pas fait, certaines catégories de ressources naturelles seraient restées en dehors de toute possibilité d’indemnisation. Aussi, pour ces dernières, le droit américain doit nécessairement s’appuyer sur d’autres types de valeurs comme celle dite d’option.
2371053. Rechercher la valeur d’option ou option value d’un bien environnemental consiste à définir la valeur de l’environnement à partir d’un bénéfice potentiel392 et non plus à partir de l’usage effectif et présent d’un bien393. Le consentement à payer de l’agent peut faire l’objet d’une monétisation. Le prix ainsi obtenu reflète ce qu’un individu est prêt à payer pour que lui soit laissée ouverte, dans le futur, la faculté d’user d’un bien. Ce cas de figure vise les hypothèses dans lesquelles il existerait une incertitude quant à l’offre future du bien. Ce qui motive essentiellement le paiement, c’est la présence d’un risque, d’une incertitude. C’est pour conserver certaines options qui pourraient se révéler utiles pour l’avenir que les individus vont accepter de bourse délier. En d’autres termes, l’agent débourse maintenant pour continuer à jouir, dans un futur incertain, du bien. Cette initiative s’apparente en quelque sorte au paiement d’une prime d’assurance pour s’assurer de la possibilité d’utilisation d’une chose.
2381054. La valeur d’existence ou existence value prend, elle, en compte la valeur d’un bien du seul fait de son existence, c’est-à-dire indépendamment de toute utilisation que l’on pourrait en faire. Elle s’exprime sous la forme d’une somme d’argent, celle qu’un individu sera prêt à débourser pour que la ressource reste dans son état actuel d’existence. Peu importe que ce bien soit ou non utilisé par lui. On peut, en effet, imaginer que ledit individu consente à la dépense dans le seul dessein d’en faire un jour bénéficier autrui. Cette valeur d’existence, essentiellement anthropocentrique, paraît toutefois inclure la reconnaissance de la valeur de la simple existence de certaines espèces ou écosystèmes394. Ainsi la valeur accordée aux baleines ne réside-telle pas dans l’usage présent ou futur qu’on en attend, puisque des individus sont prêts à payer pour la survie des cétacés alors même qu’ils n’en verront jamais personnellement. La valeur de ces mammifères marins tient à leur seule existence. Pour mieux prendre en considération les générations futures395, une variante de la valeur d’existence, celle de legs, a été imaginée. Elle repose toutefois sur un postulat bien incertain : l’idée d’une similitude d’intérêts. A cette nécessaire extension de la valeur d’environnement au-delà de la valeur d’usage, doit correspondre une méthode d’évaluation adaptée à la mesure de la diminution en valeur.
2. Le choix d’une méthode d’évaluation adaptée à la mesure de la diminution en valeur
2391055. L’analyse coût-avantage est présentée comme « la méthode la plus conforme aux enseignements de la théorie standard de l’économie de l’environnement »396. D’un point de vue strictement économique, cette méthode est intéressante parce qu’elle permet de jauger les avantages liés à la conduite d’une politique d’environnement397. L’évaluation peut consister à mesurer les dommages évités, à savoir ceux qui seraient survenus en l’absence de cette politique. La comparaison de cette première donnée, avec les coûts engagés pour la mise en œuvre de cette politique permet de se livrer à une analyse coût-avantage398. L’intérêt étant à terme de comparer les coûts de cette politique avec les avantages obtenus. Pour les juristes, cette méthode d’analyse présente un intérêt indéniable. Elle permet, en effet, lorsque la restauration ne peut être envisagée en raison d’une atteinte trop importante, de mesurer la diminution en valeur d’un site. Cette méthode économique se décline en autant de variantes, que d’indices de références.
2401056. La méthode des prix hédoniques399 sert à mesurer la valeur d’un service non commercial. Ainsi, la valeur d’un bien immobilier est susceptible de varier selon l’environnement dans lequel il se trouve. Un environnement agréable va bonifier la jouissance que l’on peut attendre dudit bien et donc nécessairement sa valeur. En ce sens, cette méthode vise à évaluer le consentement effectif à payer pour des attributs environnementaux400.
2411057. La méthode des coûts de transport401 consiste, elle, à estimer le consentement à dépenser des individus, tant en terme de monnaie que de temps, pour se rendre sur un site naturel. Autrement dit, il s’agit d’apprécier la valeur récréative que des agents, par leurs comportements, attribuent à un lieu donné.
2421058. La dernière méthode est dite d’évaluation contingente. Le principe de base de cette méthode analytique réside dans l’idée que pour fonder l’évaluation de certains avantages, il convient de se reporter aux préférences exprimées par les individus, lesquelles s’expriment à travers un consentement à payer.
2431059. Dès lors, résoudre cette problématique revient à révéler les préférences des individus à travers leur consentement à payer. Pratiquement, la méthode d’évaluation contingente va consister à demander à des individus combien ils seraient personnellement disposés à payer pour bénéficier d’un avantage, ou pour tolérer un dommage. Le résultat obtenu est alors multiplié par le nombre de personnes présumées affectées par l’atteinte portée à la ressource naturelle. Dans l’affaire de l’Exxon Valdez, on peut penser que c’est l’ensemble de la population américaine qui a été touchée402.
2441060. En définitive, ce sondage d’une population donnée permet l’établissement d’un marché hypothétique403. La réponse formulée par un individu dans le cadre d’une enquête ou d’un questionnaire va servir à évaluer ce que serait l’augmentation (ou la diminution) du prix d’un bien pour l’hypothèse où il existerait pour ce bien un marché. D’où le terme de marché contingent. Cette méthode, par son caractère contingent, présente la singularité de pouvoir appréhender l’évaluation des valeurs de non-usage, comme celle d’existence ou de legs404particulièrement utiles en présence de ressources naturelles. En fait, « le recours à des scientifiques a l’énorme avantage de transformer en faits objectifs, ce qui n’est que des conflits de valeurs »405. Toutefois, ces méthodes originales d’évaluation du dommage écologique, en dépit de leur intérêt patent, présenteraient un caractère potentiellement subversif.
B. Le caractère potentiellement subversif des méthodes économiques d’évaluation
2451061. Alors même que les méthodes économiques permettraient une évaluation des ressources naturelles dépourvues d’utilité marchande, elles n’en demeureraient pas moins subversives. Ce caractère peut être mis en exergue d’un double point de vue. En premier lieu, ces méthodes sont particulièrement exigeantes dans leur mise en œuvre (1). En second lieu, elles sont critiquables à bien des égards (2).
1. Des méthodes particulièrement exigeantes dans leur mise en œuvre
2461062. De l’aveu même de certains économistes406, les méthodes économiques seraient difficiles, voire carrément impossibles à mettre en œuvre, dans certaines hypothèses. Cet état des lieux peu engageant pourrait s’expliquer par le fait que ces méthodes seraient particulièrement exigeantes dans leur mise en œuvre. L’exigence serait d’abord informationnelle (a), l’utilisation de ces méthodes supposant de réunir une grande masse d’informations ; l’exigence serait ensuite financière car ces méthodes supposeraient d’engager de lourdes dépenses (b).
a) L’exigence informationnelle : le cas du Little Salmon
2471063. Concrètement, la mise en œuvre des méthodes économiques d’évaluation suppose la collecte préalable d’une grande masse de données. Toutefois une fois recueillies, celles- ci ne sont pas toujours entièrement exploitables407, voire ne le sont pas du tout. Force est d’admettre que la possession d’une information fiable quant à l’état des ressources naturelles, relève souvent plus du hasard ou de la coïncidence, les États-Unis ne faisant pas sur ce point exception à la règle. Ainsi, de l’aveu même de l’avocat général, l’État de l’Idaho a eu la très grande chance de pouvoir disposer de travaux d’économistes relatifs à l’état initial d’une rivière. C’est en effet en se basant sur lesdits travaux qu’il a pu faire admettre une indemnisation au titre de l’atteinte portée à la valeur d’existence des ressources naturelles d’une rivière polluée à la suite d’un déversement accidentel de matières dangereuses. Cette possibilité s’est révélée d’autant plus salvatrice, qu’il était impossible de remettre en état la faune détruite. Dès lors, l’État fédéré a exigé de la compagnie de transport le versement de dommages et intérêts pour chacun des spécimens, chacun d’entre eux étant doté d’une valeur génétique propre et irremplaçable. En outre, en qualité de producteur d’espace récréationnel, notamment pour les pêcheurs, et plus largement pour le public, l’Idaho a pu également faire valoir un préjudice au titre de la diminution de la valeur supportée par un bien à usage récréatif.
2481064. Les travaux d’évaluation disponibles, fondés sur des méthodes économiques, utilisaient deux méthodologies. Celle, d’une part, du coût du voyage : il s’agissait de chiffrer les frais engagés par les pêcheurs pour se rendre à la rivière, de là il était possible de déduire la valeur récréative des ressources naturelles408 ; celle, d’autre part, de la valeur d’existence des espèces endommagées, à partir de l’analyse contingente409. La première méthode permettait d’évaluer la destruction des poissons à 35 045 $, la seconde à 28 645 $. Le juge n’a toutefois pas retenu l’évaluation dont disposait l’État de l’Idaho, considérant qu’il était artificiel d’apprécier la valeur d’existence des poissons détruits dans la rivière Little Salmon à partir d’une analyse contingente. Dans cette espèce, ce n’était pas tant la reconnaissance de la valeur d’existence des ressources naturelles qui était censurée, mais la méthode utilisée pour la révéler.
2491065. On ne saurait clore ces développements relatifs à l’exigence informationnelle sans formuler quelques remarques générales quant à l’information disponible. Ce sont bien souvent les industriels qui disposent d’une information privilégiée410. La maîtrise naturelle des connaissances techniques nécessaires à l’exercice de leur activité explique pour partie cela. Il n’en reste pas moins que rien ne saurait les astreindre à une complète transparence. Bien au contraire, ils peuvent avoir un intérêt stratégique à biaiser les informations qu’ils distilleront. En outre, les industriels paraissent, de fait, disposer d’un second atout. De plus en plus influencée par la recherche privée, la recherche publique risque peu à peu de se soumettre, comme elle, à l’intérêt des firmes, du fait notamment du poids croissant des financements privés411. Ainsi parmi les instruments juridiques susceptibles d’améliorer l’information publique, l’étude d’impact412 figure en bonne place. Ces études sont censées présenter un état initial des lieux, une analyse des différents impacts que peut avoir un projet sur l’environnement, et sur la santé, ainsi que les mesures envisagées pour limiter leurs effets. Ces études, alors même qu’elles resteraient publiques sont souvent financées par le maître d’ouvrage, pour des raisons purement financières. Un tel constat suffit à rappeler que la collecte d’informations est aussi exigeante financièrement parlant.
b) L’exigence financière : l’exemple de l’Exxon Valdez
2501066. Le flou informationnel qui caractérise le plus souvent l’état des lieux initial du site affecté par une pollution oblige à organiser, faute de mieux, après coup, des enquêtes longues et coûteuses. Le cas de l’Exxon Valdez est, à cet égard, emblématique. A la suite de la marée noire provoquée par ce pétrolier en Alaska en 1989, un plan d’évaluation des dommages aux ressources naturelles a été mis en place par les trustees compétents413 pour étudier les effets de la pollution sur la faune et la flore. Le Conseil des trustees a, dans le cadre de ce plan, mené pour la seule année 1989, pas moins de soixante-six études pour un coût total de 35 millions de dollars. En avril 1989, la Compagnie Exxon a payé 15 millions de dollars pour des études d’évaluation, les trustees se réservant le droit de réclamer le montant des travaux supplémentaires. En janvier 1990, les trustees réclamaient 20 millions de dollars supplémentaires aux fins de parfaire les évaluations414. Au total, en 1993, sur les 54 millions de dollars perçus par les trustees, un quart a été affecté à leur propre fonctionnement, tandis que la plus grande part du reliquat était affectée au financement des études sur les évaluations des dommages aux ressources naturelles. Il convient de noter que, parallèlement, aucune dépense n’était engagée pour financer un projet substantiel de remise en état.
2511067. Eu égard au coût particulièrement élevé de l’information, et aux fins également de pallier l’absence de données, certains économistes préconisent de transférer certaines valeurs ; en d’autres termes, d’utiliser comme référence des valeurs collectées dans un contexte analogue415. Bien que pertinente au premier abord, cette démarche fondée sur la recherche d’une analogie de situation, n’est pas à l’abri de toute critique. D’abord, elle suppose la répétition de certains scenarii dans l’atteinte portée à des ressources environnementales. Ensuite, elle ne propose aucune alternative pour le cas où l’atteinte pourrait être jugée irréversible. Or, précisément, parce que cette hypothèse ne peut être éludée, on se doit de l’envisager. La possibilité de recourir à un modèle informatique d’évaluation simplifiée, comparable à celui qui a été mis en place dans le cadre des lois américaines CERCLA et OPA en vue de faciliter la mesure des dommages, ne saurait s’envisager qu’en présence de pollutions mineures. En effet, dans cette hypothèse, rappelons-le très particulière, il serait possible d’évaluer les atteintes portées aux ressources naturelles, lesquelles n’auraient pas été nécessairement mesurables par ailleurs C’est ce qui ressort d’une étude américaine416
2521068. Cette dernière rappelle également combien il est difficile en pratique de recueillir rapidement, après une pollution, l’ensemble des éléments susceptibles de servir à la mesure des effets biologiques occasionnés par la pollution. Les conditions météorologiques qui bien souvent, ont favorisé l’événement à l’origine de la pollution sont susceptibles au pire de rendre impossibles les études, au mieux de les entraver sérieusement. Parce ce qu’il est extrêmement ambitieux à partir d’un prélèvement d’échantillon de prétendre évaluer l’ensemble des effets délétères de la pollution sur les ressources naturelles, les modèles économiques s’emploient à simuler les conséquences de la pollution. Ainsi est-il possible, en recourant à ces instruments, d’obtenir une projection des atteintes portées à l’environnement marin. En dépit de l’effort louable poursuivi par ces méthodes économiques, il n’en demeure pas moins qu’elles contribuent à rendre toujours plus complexes l’évaluation des ressources naturelles. Sans doute, ainsi que le constatait Sartre : « on ne peut [espérer] vaincre un mal que par un mal »417. Eu égard aux enjeux présentés par l’évaluation des dommages, nous l’avons déjà dit, la possibilité de quantifier le dommage conditionne sa capacité à être réparé, on ne s’étonnera pas de constater que l’introduction des méthodes économiques participe grandement à l’exacerbation des oppositions naturelles entre défenseurs de la nature et industriels. De l’avis de ces derniers, surtout, ces méthodes sont critiquables.
2. Des méthodes critiquables
2531069. Il est permis d’envisager une critique des méthodes d’évaluation d’un double point de vue. S’il ne fait aucun doute que les méthodes sont critiquables en elles-mêmes (a), nous avons déjà eu l’occasion de nous rendre partiellement compte de cela, elles le sont également à l’aune du système américain de réparation proprement dit (b).
a) Des méthodes critiquables en elles-mêmes
2541070. Au premier abord présence de valeurs d’usage, l’évaluation des valeurs de non-usage étant dès lors proscrite. De plus, cette méthod, les méthodes économiques d’évaluation des dommages écologiques paraissent satisfaisantes. Elles s’inscrivent dans un souci de rationalisation de la prise en compte du dommage écologique pur par le droit. Pourtant, chacune de ces méthodes n’en comporte pas moins des tares418. S’agissant en premier lieu, de la méthode des coûts de transport, elle n’est applicable qu’en e ne prend en considération que l’opinion d’un pourcentage de la population, celle qui voyage. Plus fondamentalement, ce que l’on peut reprocher à cette méthode d’évaluation, c’est de donner plus d’importance à la valeur du voyage sur un site qu’au site lui-même. S’agissant en second lieu, de la méthode des prix hédoniques, elle souffre d’un vice rédhibitoire. Elle se fonde sur une valeur de propriété. Or, pour un certain nombre de ressources, il n’existe pas de prix de marché auquel on puisse se référer. En outre, il peut être difficile de dissocier l’attribut environnemental d’autres attributs comme les avantages en termes d’emplois qui peuvent tout autant affecter la valeur de la propriété.
2551071. Pour ambitieuse qu’elle soit, la méthode contingente n’en catalyse pas moins sur elle la majeure partie des critiques419 formulées à l’encontre des tentatives d’évaluation du préjudice écologique. Toutefois, quand bien même elle ne ferait pas l’unanimité, cette méthode peut se targuer d’avoir reçu l’approbation des autorités américaines420. Le fait qu’elle soit la seule à permettre l’évaluation des valeurs non consomptibles, et donc dépourvues de valeur marchande, n’est bien évidemment pas étranger à cela421. Pratiquement, que reproche-t-on à cette méthode ? Essentiellement son absence de fiabilité. Le fait de sonder une personne pour recueillir son consentement à payer pour une ressource naturelle ne permettrait pas d’obtenir une estimation fiable de ladite ressource. Bien souvent, l’évaluation serait exagérée, car influencée par des considérations affectives, comme l’expression d’une émotion, d’un devoir de solidarité, voire d’un sentiment de satisfaction que fait naître toute contribution à la protection de l’environnement.
2561072. Un exemple422 suffira à se persuader de cela. Sondé quant au point de savoir la valeur qu’il attribuait à un dauphin, un échantillon de citoyens avait répondu 10 cents. En toute logique si 100 dauphins venaient à disparaître, le dommage serait évalué à 10 dollars. Or, cette perte doit être appréciée à l’aune de la population américaine. Ce montant du dommage doit donc encore être multiplié. Finalement, calcul fait, la valeur du dauphin pourrait atteindre la valeur peu plausible de 2,6 milliards. Quand bien même on appliquerait un coefficient pondérateur de 50 % ainsi que le recommande la NOAA, les dommages seraient encore évalués à 1,3 milliards, soit 13 millions pour chacun des dauphins tués. Mais faut-il s’arrêter là ? On peut objecter que ces espèces sont des espèces migratrices appartenant au patrimoine commun de l’humanité. Dès lors, ce n’est plus seulement la population américaine mais la population mondiale qu’il conviendrait de prendre en compte pour apprécier la valeur de ces ressources non commerciales. Aussi, quand bien même la mesure de l’atteinte portée à la ressource environnementale aurait pu, au premier abord, se revendiquer d’une similitude de situation avec celle d’un autre dommage, le préjudice d’agrément ou corporel, cette dernière est loin d’être parfaite. En effet, dans cette dernière hypothèse, le nombre de victimes par ricochet423 est nécessairement plus réduit.
2571073. En outre, il faut admettre que la réponse donnée par le sondé dépendra largement de la façon dont l’enquêteur formulera sa question voire même de sa qualité424. Ainsi la demande en eaux douces devrait selon toute évidence être appelée à varier selon que le sondé est agriculteur ou consommateur425.Concrètement l’estimation des dommages aux ressources naturelles pourrait varier dans une proportion de 1 à 200426. L’ampleur des écarts observés427 entame largement la fiabilité de la méthode.
2581074. Cette conversion de l’environnement à la logique économique dominante n’est donc pas sans risque. En outre, cette méthode est critiquable en ce qu’elle ne prend en compte que les préférences des générations actuelles et omet de considérer celles des générations futures. Or, précisément cela conduit à nier les effets à long terme, voire le risque d’irréversibilité de la dégradation du milieu naturel. Dès lors, on s’expliquera que certains tribunaux aient pu refuser de prendre en compte des évaluations obtenues à partir de cette méthode428. Les professionnels du droit que sont les juges ne paraissent pas disposés à plaquer leur jugement sur des modèles économiques incertains. Par ailleurs, la critique de ces méthodes américaines d’évaluation doit aussi être envisagée à l’aune du système américain et de ses imperfections.
b) Des méthodes critiquables à l’aune du système américain et de ses imperfections
2591075. Les règlements Natural Ressource Damage Assesment (NRDA), édictés par la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) le 18 août 1992, fixent les paramètres de l’évaluation des dommages causés aux ressources naturelles dans le cadre de l’OPA. Ils déterminent la gamme des dommages à l’environnement recevables au titre de l’indemnisation.
2601076. Force est de constater que ces règlements confèrent aux Trustees un large pouvoir discrétionnaire. La raison à cela, nous l’avons dit, tient au fait que, pour évaluer un dommage à une ressource naturelle, les trustees ont la possibilité de recourir à des méthodes multiples. La seule réserve tenant au fait qu’elles doivent s’insérer dans une procédure appropriée au cas de l’espèce. Or, lesdites procédures ne sont pas décrites par les règlements eux-mêmes, mais dans des documents annexes, faisant certes office de guide, mais non soumis à publication dans un registre fédéral429, la liberté d’initiative des trustees s’en trouve dès lors sensiblement accrue. On est donc fondé à se demander si une évaluation, alors même qu’elle aurait été faite en conformité avec ces guides, peut se prévaloir d’une présomption de conformité.
2611077. Nul doute que pareilles circonstances soient de nature à conforter l’industrie dans sa crainte de devoir subir des méthodes spéculatives430. Reste que la méthode d’évaluation est laissée à la seule discrétion des tribunaux. Cela ne saurait toutefois suffire à paralyser les revendications légitimes de critères plus précis d’évaluation. Leur absence explique pour partie l’énormité des coûts de transactions dans le cadre de la méthode de l’évaluation contingente. De fait, dans un souci d’économie, les industriels accepteraient des évaluations établies à partir de cette méthode, alors même qu’ils les jugeraient abusives431.
2621078. Ainsi, en vertu de cette méthode, lorsqu’un site a été particulièrement endommagé, les coûts de restauration « secondaires » ou compensatoires susceptibles d’être supportés par un armateur peuvent être énormes. Ils peuvent aller jusqu’à sa condamnation à la prise en charge d’une création ou d’un achat d’autres habitats pour la faune, indépendamment du fait qu’il y ait ou non similitude entre l’habitat acquis et l’habitat endommagé. On peut ainsi imaginer l’achat de forêts en pleine terre pour remplacer la valeur de marais salants endommagés ; ou encore imaginer que les fonds versés par un armateur pour la restauration de dommages à l’environnement soient utilisés pour employer les services permanents d’un remorqueur.
2631079. Le caractère excessif de la méthode a été dénoncé par des industriels parmi lesquels l’Institut américain du pétrole, le Groupe international des P&I Clubs, l’Institut américain des assureurs maritimes. Au terme d’une pétition, ils ont entrepris de décrier ouvertement devant les Cours d’appel américaines du district de Colombia le système d’évaluation des ressources naturelles mis en place par le Règlement NOAA. Ce qui est essentiellement reproché à ces règlements, c’est leur caractère flou. Ils font intervenir des présomptions, des méthodes confidentielles, non prouvées scientifiquement. Ils ne permettent pas de contourner le risque d’un double recouvrement au titre d’un même dommage. Ils permettent aux trustees de recouvrer des frais totalement étrangers à la procédure d’évaluation ou de restauration.
2641080. Pour mettre fin à ces dérives, en 1996, soit 4 ans et demi après la publication du premier règlement sur l’évaluation des ressources environnementales, la NOAA a publié un règlement final sur l’évaluation des ressources naturelles en vertu de l’OPA432. Ce règlement final est le résultat de cinq années de collecte d’informations, de commentaires du public433 sur les procédures d’évaluation des ressources naturelles. Il insiste particulièrement sur la nécessité d’entreprendre des restaurations, définies par lui comme « toute action ou combinaison d’action en vue de restaurer, réhabiliter ou acquérir un équivalent des ressources naturelles ou services endommagés »434.
2651081. Ainsi est démontrée, si besoin était, la capacité d’un système à se réformer, à s’auto-corriger. Toutefois, force est aussi d’admettre que le système américain, bien que précurseur, est encore aujourd’hui en rodage, car encore excessivement complexe435. Cela signifie aussi qu’il est des travers qu’il convient d’éviter dans le cadre d’un projet de construction d’un prototype international confronté plus que jamais à l’exigence de prise en compte du dommage écologique pur.
SOUS-SECTION 2. L’EXIGENCE INTERNATIONALE DE RÉPARATION DU DOMMAGE ÉCOLOGIQUE MARIN : UN PROTOTYPE À CONSTRUIRE
2661082. Les Conventions pétrolières élaborées dans les années soixante-dix ont certes évolué dans l’appréhension du dommage écologique mais pas jusqu’au point de consacrer un droit autonome à réparation au dommage écologique pur436. Dans l’appareil de valeurs que notre système juridique a pour mission de défendre, l’environnement représente une valeur nouvelle, une composante encore mal intégrée au système global. La priorité qu’elle peut représenter est encore mal perçue437.
2671083. La réparation du dommage écologique marin est ici envisagée sous l’angle juridique stricto sensu. Toutefois, que l’on ne s’y trompe pas, la reconnaissance d’un droit à réparation autonome pour le préjudice économique pur est aussi un choix politique438. Ainsi que le rappelait fort à propos le Pr A. Vialard, « les Conventions [de droit privé] de 1969 et 1971 telles que modifiées par les Protocoles de novembre 1992 expriment la volonté des États tant au moment de leur ratification, que de leur application. Tant que les hautes parties contractantes ne dénoncent pas ces instruments diplomatiques, c’est qu’elles estiment le système satisfaisant »439.
2681084. Dès lors, s’agissant de la politique d’exclusion qui frappe le préjudice écologique pur, on le pressent déjà à ce stade, la question n’est pas tant pourquoi le FIPOL n’est pas prêt à accepter ce type de préjudice, mais plutôt est-ce que les États parties à la Convention sont prêts à imposer cette charge financière à leurs industries respectives ?
2691085. Pourtant, quoi qu’on puisse en penser au premier abord, les considérations juridiques restent prépondérantes. Celles-ci sont mises en avant par le FIPOL pour justifier sa politique d’ostracisme à l’égard du préjudice écologique pur. Or, précisément, la science juridique, loin d’être figée, reflète les aspirations de la société. Ces dernières viennent à évoluer et c’est la politique juridique qui doit être revue. De la politique, Léon Gambetta disait qu’« elle était l’art du possible ». Ce à quoi Jean Anouilh aurait pu lui répondre que « rien n’était irréparable en politique »440. Parce que l’absence de prise en compte du préjudice écologique pur apparaît comme un possible vecteur d’affaiblissement du FIPOL (§ 1), il convient de le prendre en compte de toute urgence. Cette initiative pourrait participer d’une consolidation du FIPOL, ou plutôt du Super-Fipol (§ 2). L’enjeu majeur de toute cette réflexion étant à terme de poser les bases de la construction d’un « droit civil de l’environnement complément indispensable du droit public de l’environnement »441.
§ 1. L’absence de prise en compte du préjudice écologique pur : un vecteur d’affaiblissement du FIPOL
2701086. L’objectif des développements qui vont suivre est de convaincre d’une chose. En s’acharnant à ignorer le préjudice écologique pur (A), la Convention portant création du FIPOL oblige cet organisme à mener une politique juridique susceptible d’affaiblir sa crédibilité et donc son efficience. La meilleure preuve que l’on puisse apporter à cela est l’affranchissement frondeur, et donc nécessairement déstabilisant, de certaines juridictions nationales à son égard (B).
A. Un acharnement juridique dans l’ignorance du préjudice écologique pur
2711087. S’il est un sujet de discorde plus que jamais d’actualité lors-qu’on évoque les conventions pétrolières, c’est celui de l’exclusion du préjudice écologique pur. Alors même que tout le monde s’accorderait à reconnaître le caractère précurseur desdites conventions dans la prise en compte de l’atteinte portée à l’environnement, cela ne devrait pas suffire à faire oublier que celui-ci doit s’entendre, rappelons-le, de deux éléments : le dommage écologique stricto sensu, et les dépenses de restauration qui ne sont pas des dépenses écologiques mais des dépenses dérivées de ce type de dommage.
2721088. Les rédacteurs des Conventions, dans leur version originelle, ont, semble-t-il, résolument ignoré ce type de dommage. La meilleure preuve de cela en est l’absence de définition analytique de cette notion. Au terme de l’article 1er de la Convention de 1969, il fallait entendre par dommage de pollution « toute perte ou tout dommage extérieur au navire transportant des hydrocarbures causés par une contamination résultant d’une fuite ou de rejet d’hydrocarbures, où que se produise cette fuite ou ce rejet, ainsi que le coût des mesures de sauvegarde et toute perte ou tout dommage causés par lesdites mesures »442.
2731089. Parce que la définition retenue n’excluait pas la possibilité de solliciter la réparation du préjudice écologique pur443, le ministère soviétique pour la conservation et le contrôle et l’utilisation de l’eau avait présenté une demande d’indemnisation concernant les dommages subis par les ressources marines et les dépenses afférentes aux mesures d’épuration des eaux polluées, calculées selon un modèle mathématique444. Toutefois, le Comité exécutif du FIPOL lui avait opposé une fin de non-recevoir au motif que ladite demande ne tombait pas dans la sphère du dommage par pollution tel que défini par les Conventions pétrolières de 1969 et de 1971. En tout état de cause, en évaluant son préjudice à 2 roubles soviétiques par mètre cube d’eau polluée, le demandeur ne pouvait espérer faire état d’un préjudice indemnisable au titre de la Convention laquelle ne couvrait que les pertes quantifiables résultant d’un événement particulier.
2741090. En 1980, soucieuse de mettre un terme à un risque de demandes d’indemnisation qu’elle jugeait spéculatives, l’Assemblée du FIPOL a fait adopter, par tous les États membres à l’unanimité, la résolution n° 3 au terme de laquelle « la détermination du montant de l’indemnisation ne doit pas être faite sur la base d’une quantification abstraite des dommages effectuée au moyen de modèles théoriques »445. En d’autres termes, il s’agissait de rappeler que le FIPOL ne consent à indemniser, que si le demandeur peut faire état d’un préjudice quantifiable446. Ces prises de position du FIPOL contribuent à clarifier le débat. Si le FIPOL accepte désormais de prendre à sa charge les coûts de la restauration des dommages, quantifiables, ils peuvent être considérés comme indemnisables, il porte du même coup l’estocade au préjudice écologique stricto sensu.
2751091. Ce coup d’arrêt porté à l’évolution de la problématique de la réparation environnementale transparaît encore plus nettement dans la formulation du dommage de pollution choisie par les rédacteurs du Protocole de 1992447. Ledit dommage y est en effet défini comme « le préjudice ou le dommage causé à l’extérieur du navire par une contamination survenue à la suite d’une fuite ou d’un rejet d’hydrocarbures du navire, où que cette fuite ou ce rejet se produise, étant entendu que les indemnités versées au titre de l’altération de l’environnement autres que le manque à gagner dû à cette altération seront limitées au coût des mesures raisonnables de remise en état qui ont été effectivement prises ou qui le seront ; ainsi que le coût des mesures de sauvegarde et les autres préjudices ou dommages causés par ces mesures »448. Alors que la résolution de 1980 peut se concevoir, elle s’inscrit dans une époque où la conscience écologique est embryonnaire aux États-Unis quasi-absente ailleurs- les Protocoles de 1992 paraissent s’inscrire en porte-à-faux avec l’évolution de la problématique environnementale.
2761092. Si la Convention SNPD fait référence aux dommages par contamination de l’environnement449, ce qui en soi peut apparaître comme une nouveauté, l’innovation n’est que toute relative. Ainsi que le note le Pr P. Bonassies450, cette Convention a été dictée aux rédacteurs par l’expérience des vingt dernières années. C’est cette même expérience qui les a conduits à préciser ce qu’il fallait entendre par dommage par contamination de l’environnement. Le dommage pris en considération pourra inclure le coût des mesures raisonnables de remise en état de cet environnement. La Convention adopte ici le critère habituellement reçu en la matière depuis l’affaire du Zoe Colocotroni451, sans plus.
2771093. En 2000, un Groupe de travail a été créé pour examiner une proposition visant à introduire la notion d’indemnisation pour les dommages causés à l’environnement en tant que violation d’un bien collectif. Il était prévu que l’ indemnisation soit versée à un État Membre sur la base des droits internationaux prévus par d’autres conventions auxquelles il était partie. Pour évaluer le montant de l’indemnisation, il avait été imaginé que le montant de l’indemnisation soit fixé à partir des conclusions des études d’impact sur l’environnement réalisées conformément aux procédures adoptées par le Fonds de 1992. Ce groupe de travail avait aussi examiné une proposition visant à modifier la position du Fonds de 1992 à l’égard des dommages à l’environnement de manière à ce que l’indemnisation puisse être calculée à partir de modèles théoriques. Ces propositions n’ont pas été acceptées, car on pensait qu’elles allaient au delà de la définition actuelle du dommage de pollution donnée dans les Conventions de 1992452.
2781094. En tout état de cause, en continuant d’exiger que le préjudice causé à la nature soit économiquement quantifiable453, le FIPOL incite les États victimes à entrer en résistance contre lui, fussent-ils États parties à la Convention portant sa création. Ce mouvement d’opposition prend la forme d’un affranchissement frondeur à l’égard de sa politique d’exclusion du préjudice écologique pur.
B. L’affranchissement frondeur des juridictions nationales
2791095. En subordonnant la recevabilité du dommage à la possibilité de le quantifier autrement qu’en se fondant sur des modèles théoriques454, le FIPOL assoit sa politique juridique d’exclusion du préjudice écologique pur au titre des dommages indemnisables. Toutefois une telle politique ne saurait satisfaire les États victimes d’une pollution. Au contraire, elle va inciter certains d’ entre eux à faire voler en éclat ce qu’ils avaient pourtant cautionné en ratifiant les conventions. Toutefois, plus qu’un passage en force, ces États vont tenter de justifier leur initiative en se fondant sur une lecture orientée de ces Conventions.
2801096. Ainsi que le note le Pr P. Bonassies lorsque dans son article III. 4, la Convention CLC interdit toute demande de réparation autrement que sur la base de ses dispositions, elle ne vise que les demandes de réparation de dommages par pollution455. Or, précisément, ce dernier n’englobe pas le préjudice écologique stricto sensu. Dès lors, exclu du champ d’application de ce texte, ce préjudice ne serait pas placé sous le joug de l’interdiction édictée par ledit article. En conséquence, le handicap de l’évaluation du dommage pourrait disparaître, si la demande était soumise à la loi du for.
2811097. L’examen de deux espèces, la première celle du Patmos (1) la seconde, celle du Haven (2), paraît de nature à mettre en évidence les risques d’affaiblissement que constitue pour le FIPOL sa politique d’exclusion du dommage écologique. Plus grave encore, ces affaires font douter de la capacité du FIPOL à uniformiser à l’échelon international le droit de la réparation en présence de dommages pétroliers, ce qui précisément avait motivé sa création.
1. L’affaire du Patmos
2821098. La première concerne un pétrolier grec, le Patmos456 qui à la suite d’une collision dans le détroit de Messine avec un pétrolier espagnol, a déversé quelques 700 tonnes de pétrole le 21 mars 1985. Le gouvernement italien a présenté une demande pour le dommage causé à l’environnement marin des côtes siciliennes457. Parce cette demande n’était accompagnée d’aucun document précisant le type de dommage subi, ni même la base de calcul utilisée, le FIPOL, en se fondant sur la résolution de 1980, l’a rejetée. Il faut dire que l’argumentation avancée, par le Gouvernement italien était faible. Ce dernier faisait valoir que le préjudice subi par le milieu marin constituait une atteinte à ses droits souverains sur ses eaux territoriales.
2831099. Non satisfait de cette décision, l’État italien avait assigné le FIPOL devant ses juridictions. Toutefois, le Tribunal de Messine n’avait pas fait droit à sa demande. Il avait, en effet, considéré que le droit exercé par l’État italien n’était pas constitutif d’un droit de propriété, mais d’un droit de souveraineté, lequel ne saurait être enfreint par des actes de particuliers458. En outre, cette même juridiction soulignait que l’État italien n’avait fait état d’aucune perte de revenus, ni de frais consécutifs aux prétendus dommages à la faune et à la flore459.
2841100. Non satisfait, le gouvernement italien avait fait appel de ce jugement de première instance en affirmant que sa demande n’allait pas à l’encontre de la définition des dommages par pollution, dans la mesure où elle était basée sur des dommages effectivement causés au milieu marin et des pertes effectivement subies par le secteur touristique et les pêcheurs460.
2851101. La Cour a cette fois, rendu un arrêt plus conforme aux attentes du demandeur, puisqu’elle a fait droit à leur demande d’indemnisation en condamnant le propriétaire du Patmos et le FIPOL. L’argumentation sur laquelle elle s’était fondée était claire. Les dommages à l’environnement portent préjudice à des valeurs matérielles qui ne peuvent pas être évaluées en termes monétaires au prix du marché. Il convient, par conséquent, d’admettre qu’ils prennent la forme d’une possibilité d’utilisation réduite de l’environnement. Dès lors ces dommages peuvent faire l’objet d’une indemnisation sur une base équitable que peut établir la Cour en se fondant sur l’opinion d’experts. Alors même qu’on ne pourrait faire valoir que la Convention sur la responsabilité civile ne peut conférer à l’État des droits plus étendus qu’aux autres personnes, la définition du dommage par pollution serait suffisamment vaste pour inclure les dommages causés à l’environnement sus-visé461.
2861102. La Cour confirma en janvier 1994462, la recevabilité de la demande d’indemnisation déposée par l’État italien pour un montant de 2,100 millions de lires, dans un arrêt qui n’indiquait pas les bases de calcul retenues. Toutefois, il semblerait que la Cour ait pris en considération l’impact de la pollution sur le renouvellement du stock de poissons. Du fait du rejet de certaines autres demandes en appel, le fonds constitué par le propriétaire s’est finalement révélé suffisant. N’étant plus appelé à participer à la réparation, le FIPOL n’avait pas pu faire appel de cette décision pourtant contraire à sa politique d’indemnisation463
2871103. Cette décision, parce qu’elle traduit un affranchissement certain d’une juridiction nationale à l’égard de la politique du FIPOL en matière de dommage écologique pur, a valeur de symbole pour les États désireux de s’affranchir de son emprise tutélaire. Elle pose les bases de l’organisation d’une fronde des États464. Plus encore, cette décision entérine l’idée selon laquelle bien que n’ayant pas un prix de marché, les valeurs environnementales doivent être prises en considération à part entière dans le cadre de la réparation. Enfin, elle se prononce sur le choix d’une méthode d’évaluation appropriée pour les valeurs endommagées. L’équité465 doit permettre d’apprécier l’atteinte portée. Or, plus qu’un cas d’école, cette décision devait faire des émules, l’affaire du Haven en est la meilleure preuve.
2. L’affaire du Haven466
2881104. Cette seconde espèce présente des similitudes avec celle que nous venons d’évoquer. En 1991, le pétrolier chypriote Haven, a coulé après une série d’explosions alors qu’il était au mouillage à quelques milles au large de Gênes. Plus de 10 000 tonnes d’hydrocarbures intacts et partiellement consumés se sont déversées dans la mer. Des nappes d’hydrocarbures sont arrivées sur la côte entre Gênes et Savone, d’autres se sont répandues sur les côtes de quatre départements français et de la Principauté de Monaco. Les demandes d’indemnisation dans cette affaire ont été nombreuses. Aux côtés des quelques 1300 demandeurs italiens, le gouvernement et la région de la Ligurie ont déposé une demande d’indemnisation pour un montant de 93 millions de lires au titre du préjudice subi par le milieu marin sans toutefois prendre le soin de préciser la nature du préjudice, ni même la méthode utilisée pour évaluer ce préjudice. Fidèle à sa politique d’exclusion justifiée par l’impossibilité de quantifier l’atteinte portée à l’environnement, le Comité exécutif du FIPOL a opposé une fin de non recevoir. Constante dans sa réputation de frondeuse, l’Italie a exprimé sa désapprobation, appelant à la rescousse sa législation nationale.
2891105. Cet État a intégré les Conventions pétrolières dans son ordre juridique interne par le biais d’une loi spéciale467. La protection de l’environnement est assurée par trois autres lois468. Or, selon les dires de la délégation italienne au FIPOL469, deux de ces lois470, admettaient, bien avant ces conventions pétrolières, l’indemnisation du préjudice écologique que celui-ci soit ou non quantifiable. Dans cette dernière hypothèse, l’évaluation peut se fonder sur l’équité. On ajoutera qu’une loi italienne de 1986 a précisé que, parmi les paramètres à prendre en considération pour apprécier l’équité, se trouvait le profit réalisé par le responsable ainsi que sa faute. Tandis que la délégation italienne entendait dans cette espèce imposer sa conception législative avantageuse du dommage de pollution, le FIPOL considérait pour sa part qu’elle était appelée à s’effacer en cas de conflit au profit de la loi spéciale, à savoir ici les conventions pétrolières471, lesquelles ne présentaient pas de caractère punitif472.
2901106. Seule ici, en définitive, nous importe l’issue de cette empoignade. Cette dernière est révélée par le FIPOL dans son rapport annuel de 1999, de façon fort habile. Au risque de devoir prolonger le contentieux473, le tribunal de première instance aurait eu besoin de plusieurs années pour rendre son jugement, le FIPOL a consenti à y mettre un terme en concluant un accord global474. En vertu de cet accord, les parties se sont engagées à suspendre toutes les actions en justice qu’elles avaient intentées devant les tribunaux italiens. Les tribunaux n’ont donc pas été appelés à prendre une décision finale concernant la recevabilité des demandes d’indemnisation pour les dommages causés à l’environnement475.
2911107. Si la nouvelle définition du dommage de pollution de 1992 paraît décourager les ardeurs frondeuses476, elle ne saurait en revanche dissuader les États victimes et, notamment, l’État français de nourrir des espoirs dans leur croisade engagée pour faire admettre le préjudice écologique pur477. Car, il faut bien l’admettre, il n’existe plus d’obstacle juridique sérieux à l’admission du préjudice écologique pur sur lequel le FIPOL puisse aujourd’hui fonder sa politique d’exclusion. Et, de toute évidence, l’argument scientifique qu’il tente encore de faire valoir dans un dernier retranchement ne saurait longtemps résister lorsqu’on sait qu’il émane d’un expert, qui bien qu’il s’en défende, ne saurait être tout à fait neutre dans son jugement. Si la probité du FIPOL n’était pas établie, on le soupçonnerait presque de faire le jeu des pollueurs478.
2921108. Plus encore, l’attitude restrictive du FIPOL à l’égard du préjudice écologique témoigne de son incapacité, ou plutôt, de celle des États, à réformer un système qui, s’il a correspondu aux attentes d’une époque, est désormais en complet décalage avec son temps. Dès lors, si les contentieux du Patmos et du Haven peuvent être considérés comme des pionniers, ils devraient à l’avenir faire toujours plus d’émules. Ainsi, dans le cadre du sinistre du Nissos Amorgos479, des demandes d’indemnisation au titre de dommages causés à l’environnement font actuellement l’objet de procédures judiciaires au Vénézuela ; Preuve s’il en est que les États membres pris isolément ne sauraient se satisfaire d’une solution qui tendrait à aider la nature « à amorcer son processus de régénération »480, ce qui est pour l’heure l’unique proposition du FIPOL. L’urgence d’une prise en compte du dommage écologique pur au titre des dommages réparables paraît donc démontrée. Cette reconnaissance du préjudice écologique pur pourrait apparaître comme un possible vecteur de consolidation du FIPOL.
§ 2. L’urgence d’une prise en compte du préjudice écologique pur : un possible vecteur de consolidation du FIPOL
2931109. Quand bien même le FIPOL serait aujourd’hui critiqué pour sa politique d’exclusion à l’égard du préjudice écologique stricto sensu, cela ne saurait faire oublier sa qualité de précurseur en termes de financement du risque d’environnement. Toutefois, le FIPOL n’a pas su faire évoluer sa politique d’indemnisation pour tenir compte des nouvelles aspirations de la société, et notamment, celle de voir reconnaître le préjudice écologique pur comme un préjudice à part entière. Or, force est de constater que des courants favorables à la réparation du dommage écologique pur stricto sensu émergent (A). Il n’est toutefois pas inutile ici de rappeler que la politique d’indemnisation du FIPOL n’est pas tant celle de cet organisme mais celle que lui demandent de mettre en œuvre les États parties aux Conventions OMI. Si, en théorie, le FIPOL est confronté à un choix, nous pensons qu’en pratique il s’agit plus d’une nécessité, car sa crédibilité, voire sa viabilité pourraient dans un avenir très proche en dépendre. Dès lors, cette proposition d’un modèle de réparation adapté aux particularités du préjudice écologique (B) ne peut manquer de s’inscrire dans une urgence, celle d’engager le système conventionnel dans la protection de l’environnement.
A. L’émergence de courants favorables à la réparation des dommages écologiques purs
2941110. La politique juridique qui conduit le FIPOL à exclure le préjudice écologique pur se justifie d’autant moins qu’on assiste aujourd’hui à l’émergence de courants favorables à la réparation des dommages écologiques purs, qu’ils soient nationaux (1), communautaires (2) ou même doctrinaux (3).
1. Les courants nationaux481
2951111. Les mesures prises, au plan national, pour réparer les dommages écologiques peuvent être appréhendées à travers deux grandes phases du droit de l’environnement, l’une jurisprudentielle (a), l’autre législative (b).
a) La phase jurisprudentielle482
2961112. Le droit français en matière de réparation environnementale est d’abord d’origine jurisprudentielle. Les dommages environnementaux ont pendant longtemps été considérés comme une sujétion normale de la vie en société. Leur prise en considération est liée à l’industrialisation. A partir du 19 ème siècle, la théorie des troubles anormaux de voisinage483 a constitué le support essentiel de la réparation du dommage écologique au sens large. Cette théorie se détache de l’idée de faute. Cette autonomie a été reconnue par la Cour de cassation dans deux arrêts du 4 février 1971484.
2971113. Le dommage écologique a été également appréhendé par l’entremise du préjudice d’agrément ou moral. Depuis la loi n° 73-1200 du 27 décembre 1973, ce préjudice s’entend de la « diminution des plaisirs de la vie causés notamment par l’impossibilité ou la difficulté de se livrer à certaines activités normales d’agrément, qu’il y ait incapacité permanente ou temporaire »485. Fondé sur une atteinte à l’article 1382 du Code civil, ce nouveau chef de préjudice confère au juge une grande marge de manœuvre. Ainsi on peut concevoir qu’une diminution des plaisirs de la vie puisse résulter d’une atteinte au milieu naturel486.
2981114. Se fondant sur cette interprétation, une association chargée de l’étude et de la protection des rapaces a obtenu réparation pour le préjudice moral direct et personnel résultant de la destruction d’un balbuzard pêcheur487. Ainsi encore, la jurisprudence a-t-elle reconnu l’existence d’un « préjudice écologique paysager »488 en raison de l’atteinte portée à l’esthétique d’un paysage.
2991115. Quoi qu’il en soit, l’allocation d’une indemnité pour ce type de préjudice ne bénéficie que très indirectement à la sauvegarde du milieu naturel. Il s’agit de réparer des dommages privés489, subis par tout un chacun, dans sa personne ou ses biens. Sans compter que ces troubles anormaux du voisinage s’adressent à des victimes, simples particuliers. Dès lors, cette forme de réparation apparaît inadaptée au préjudice écologique pur subi, rappelons-le, par l’environnement lui-même indépendamment de toute répercussion sur les personnes. Le demandeur naturel à l’action est alors dans cette hypothèse davantage un État. Or, les véritables défenses de l’environnement, pris en tant que tel, n’existent que lorsque les différentes juridictions judiciaires s’efforcent de protéger l’environnement pour lui-même.
3001116. Toutefois, force est d’admettre que même dans ces dernières hypothèses, la prise en compte du dommage écologique ne saurait être pleinement satisfaisante puisqu’il a fallu se contenter d’un dommage « travesti » présenté comme préjudice affectant un patrimoine individualisé. Ce n’est en effet que « converti » en atteinte aux activités humaines (tourisme, pêche...) que le dommage à la nature sauvage ou au processus écologique pourrait être compensé ; ce n’est que travesti en frais de remise en état et de restauration qu’il pourrait être très partiellement pris en compte. Deux exemples suffiront à rendre compte de cette prise en compte insatisfaisante. Dans l’affaire des boues rouges de la Société Montedison, le tribunal de grande instance de Bastia affirme que le dommage au milieu doit être réparé lorsque celui-ci s’avère « utile au demandeur » ; en l’occurrence, la destruction des algues et autres organismes sera compensée dans la mesure où elle conduit à une perte de la biomasse suffisamment sensible pour causer un dommage au lieu de pêche de la Prud’homie490. Un raisonnement identique a été suivi dans l’affaire de la pollution de la baie de Seine491. Dans cette affaire, l’atteinte à la biomasse a été partiellement dédommagée sur la base d’un hypothétique « rendement à l’hectare », lui-même calculé sur le lien supputé entre biomasse et quantité de poissons pêchée chaque année. Etant entendu que les pêcheurs ne sont pas propriétaires ni de cette zone, ni même des poissons qui y évoluent. Ce à quoi la Cour d’appel de Rouen répondra que si l’État souverain a seul le monopole sur ce domaine, en lui-même il ne vaut rien. C’est l’exploitation qu’en font les pêcheurs qui lui donne un prix. Seule cette valeur économique constitue un chef de préjudice susceptible de réparation. Pouvait-on attendre une initiative du législateur pour faciliter l’admission du préjudice écologique ?
b) La phase législative
3011117. La loi française du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement s’est gardée de prendre position sur le délicat problème de la réparation du préjudice écologique pur492. Elle a toutefois indirectement contribué à apporter une réponse à une question fondamentale : celle du droit d’action. Dès lors, le modèle français cesse d’être notre référence au profit d’un autre, cette fois du transalpin.
3021118. L’Italie semble toujours avoir été en pointe en matière de protection de l’environnement. Dès le début des années soixante-dix, le juge italien construit, pour les dommages à l’environnement, un régime autonome de responsabilité civile. Les principes peu à peu dégagés par la jurisprudence vont par la suite être codifiés par la loi n° 349 du 8 juillet 1986. L’article 18 de cette loi prévoit que tout fait causant un dommage à l’environnement oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer493. Le législateur opte donc pour un système de responsabilité pour faute. Seul un fait constitutif d’une infraction aux dispositions de la loi ou des textes pris pour son application est susceptible d’engager la responsabilité du pollueur. Quant à l’évaluation du dommage, cette loi précise, que dès lors quelle est réalisable, la remise en état des lieux doit être privilégiée. La loi va toutefois plus loin, puisqu’elle prévoit que lorsqu’il est impossible d’évaluer avec précision le dommage à l’environnement, le juge doit trancher en équité en tenant compte du degré de la faute de l’auteur du dommage. La réparation a donc ici aussi valeur de peine494. Toutefois, alors qu’on aurait pu légitimement s’attendre à ce que le législateur exige que les indemnités recueillies soient affectées à la sauvegarde de l’environnement, il ne prend pas position sur l’affectation des dommages et intérêts.
3031119. La loi vise tant les changements, les dégradations, les destructions totales ou partielles de l’environnement sans toutefois définir la notion de dommage à l’environnement. C’est au fil des rares décisions rendues par les tribunaux que les contours de la notion apparaissent donc.
3041120. Appelée à se prononcer sur ce qu’il fallait entendre par protection de l’environnement, la Cour constitutionnelle italienne495 en a proposé une très large définition. Celle-ci doit s’entendre de la conservation, de la gestion rationnelle et de l’amélioration des conditions du milieu naturel496 de la conservation des patrimoines génétiques de la terre et de la mer, de toutes les espèces animales et végétales vivant dans l’environnement à l’état naturel et enfin de celle de l’être humain. Un autre arrêt, cette fois de la Cour de cassation, en date du 25 janvier 1989, a lui défini l’environnement comme un bien immatériel juridiquement protégé dans son unité et qui peut être composé de biens qui se réfèrent, selon la doctrine dominante, à l’aménagement du territoire, à la richesse des ressources naturelles, au paysage dans ses valeurs esthétiques et culturelles, aux conditions d’une vie salubre.
3051121. En dépit du caractère innovant de la législation italienne497, force est d’admettre que les expériences législatives les plus abouties en matière de réparation du préjudice écologique sont celles qui prévoient la création d’un fonds. Ainsi se trouvent contournées toutes les difficultés de fond et de procédure inhérentes au droit de la responsabilité. On citera à ce sujet le Fonds de protection de la côte du Maine aux États-Unis498, le Fonds brésilien de 1985 pour la reconstitution des milieux naturels touchés par un dommage d’environnement499. Un courant favorable à la réparation du dommage écologique est également perceptible à l’échelon communautaire.
2. Le courant communautaire500
3061122. Parce qu’elle incarne l’œuvre la plus aboutie en matière de réparation environnementale à l’échelon communautaire, seule la directive n° 2004-35 du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale501 sera ici évoquée.
3071123. La particularité de cette directive est d’instaurer une « responsabilité dans le strict intérêt de la protection de l’environnement »502. Mais que l’on ne s’y trompe pas, il ne s’agit pas d’un régime de responsabilité civile, dans la mesure où ce texte ne confère aux parties privées aucun droit à indemnisation à la suite d’un dommage environnemental. La Directive n’institue aucune présomption de lien de causalité entre les activités et les dommages environnementaux qui en résultent. Elle ne met pas à la charge des entreprises une obligation de s’assurer ou de contribuer à un fonds de compensation.
3081124. Pour tomber sous le coup de la directive, il faudra que le dommage soit mesurable et qu’il s’agisse d’une modification négative d’une ressource naturelle ou d’une détérioration d’un service lié à des ressources naturelles. Ce dommage devra porter atteinte à l’environnement limitativement considéré. Trois domaines le composent, d’abord les espèces et habitats naturels protégés, qui contribuent à la biodiversité503, ensuite les eaux entendues au sens large de la directive n° 2000/60 du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire de l’eau, enfin les sols contaminés du fait de l’introduction directe ou indirecte de substances, préparations ou organismes ou micro-organismes.
3091125. La directive précise que sont exclus les dommages environnementaux déjà pris en compte par des régimes spécifiques mis en place par les conventions internationales relatives à la pollution causée par les hydrocarbures, par les transports des substances dangereuses ainsi que par l’énergie et les matières nucléaires.
3101126. Le régime prévu par la directive étant exclusif de toute idée de responsabilité civile, le rôle des tiers y sera strictement limité quel que soit le type de mesures envisagées. En effet, ni les victimes, ni les organisations de défense de l’environnement n’auront compétence pour agir contre l’exploitant de l’activité à l’origine d’un dommage environnemental au titre de la directive. Tout au plus pourront-elles saisir une autorité compétente, désignée à cet effet par l’État membre, d’une « demande d’action » accompagnée des informations et données pertinentes. Cette demande d’action et les observations qui l’accompagnent devront être examinées par ladite autorité lorsqu’elles révéleront l’existence plausible d’un dommage environnemental. Après avoir recueilli le point de vue de l’exploitant concerné, l’autorité informera le demandeur de sa décision d’agir ou non. La victime ne pourra en tout état de cause obtenir au titre du régime créé par la directive que des mesures de réparation ou de prévention.
3111127. Dans le cas d’une probabilité suffisante de survenance d’un dommage environnemental dans un avenir proche, l’exploitant devra prendre sans retard les mesures nécessaires afin de le prévenir ou de le limiter au maximum, et en informer l’autorité compétente. Cette autorité pourra alors adresser à l’exploitant des prescriptions spécifiques en matière d’information ou quant aux mesures à prendre, et elle devra même le faire en cas d’inaction. Contrairement à ce qui avait été envisagé, la dite autorité n’aura qu’une simple faculté, et non l’obligation, de se substituer à l’exploitant.
3121128. Il en ira de même s’agissant des mesures de réparation qui devront être prises si le dommage environnemental s’est déjà produit. Dans l’immédiat, l’exploitant devra combattre endiguer, éliminer ou traiter les contaminants concernés et tout autre facteur de dommage afin de les limiter ou d’en prévenir de nouveaux. Dans un second temps, il déterminera et soumettra à l’approbation de l’autorité compétente les mesures de réparation.
3131129. Pour les dommages affectant les eaux ainsi que les espèces et habitats naturels protégés, la réparation s’effectuera par la remise en état initial de l’environnement. Il pourra s’agir d’une « réparation primaire » entraînant un retour à l’état initial ou s’en rapprochant, d’une réparation complémentaire compensant le fait que la réparation primaire n’aboutit pas à cette restauration complète ou encore d’une réparation compensatoire couvrant les pertes intermédiaires entre la survenance du dommage et le moment où la réparation primaire produit pleinement son effet.
3141130. La directive consacre un régime de responsabilité hybride objective ou pour faute. Les exploitants d’activités dangereuses devront supporter les dommages causés par celles-ci, qu’ils aient ou non commis une faute ou une négligence. Les autres, en revanche ne seront responsables que s’ils ont commis une faute ou une négligence. Conformément aux principes de responsabilité et du pollueur-payeur, l’exploitant supportera les coûts des actions de prévention et de réparation. Si elle en fait l’avance, l’autorité compétente pourra les recouvrer auprès de lui.
3151131. Cette directive devrait donc permettre l’introduction dans le droit français un système novateur puisque les exploitants ne sont aujourd’hui tenus que des seuls dommages causés à leurs victimes mais en aucun cas de ceux qui frappent l’environnement naturel. On notera enfin que la responsabilité subsidiaire de l’État aura été écartée. Le caractère initialement ambitieux aura été sans conteste élimé par un intense lobbying. Ce texte pourrait toutefois marquer une étape décisive dans la reconnaissance à part entière d’un droit à réparation du préjudice écologique pur. Cette entreprise pourrait aussi bénéficier d’un courant doctrinal porteur car s’apparentant souvent à un plaidoyer.
3. Le courant doctrinal : le plaidoyer
3161132. A défaut de dresser un état exhaustif de la doctrine en la matière504, il nous faut ici l’évoquer. La doctrine assume, en effet, « une fonction d’oracle et d’augure du droit positif »505. Elle s’attache à rendre le droit plus cohérent face aux exigences sociales. « Elle peut guider la jurisprudence ou exercer une influence sur le législateur, tout en contribuant à l’harmonisation ou à l’unification internationale des droits »506.
3171133. La « doctrine juridique environnementaliste »507, à l’instar des autres, ne saurait se borner à constater l’état du droit positif. Son rôle est avant tout d’émettre un jugement de valeur508 sur les résultats pratiques donnés par la loi ou la jurisprudence. En ce sens, elle peut suggérer des réformes de nature à contribuer à l’amélioration du droit dans le cadre de « prédictions doctrinales »509. L’existence d’un courant doctrinal favorable à la reconnaissance du dommage écologique pur ne saurait être contestée. De l’opinion même de certains auteurs, la réalité de ce préjudice pur relève de l’« évidence510. D’autres insistent sur le paradoxe qu’il y aurait à ne pas le reconnaître. Ainsi le Pr G. J. Martin part du constat qu’on ne saurait admettre que l’environnement n’a pas de prix, puisque sa protection et, plus encore, sa réparation ont un coût. Dès lors, poursuit cet auteur, « il ne serait pas économiquement sain que ce coût ne soit pas traduit et qu’il ne soit pas, autant que faire se peut, imputé à ceux qui l’ont généré »511.
3181134. Le Pr F. Caballero considère lui qu’« admettre la définition positive des dommages écologiques, c’est admettre qu’à côté du dommage matériel, corporel ou moral causé à l’homme ou à ses biens, il existe une nouvelle catégorie de dommages causés à l’environnement, que l’on pourrait qualifier de dommage réel parce que causé à une chose »512. Toutefois, poursuit cet auteur, « l’élargissement des droits subjectifs classiques, n’est sans doute pas la meilleure solution aux problèmes posés par les dommages écologiques en particulier. Dès lors la reconnaissance d’un droit à réparation du dommage écologique indépendamment de tout intérêt humain par la mise en place d’un système d’indemnisation collective »513 est préférable. Cette proposition se justifie par le caractère essentiellement collectif du préjudice écologique. En effet, « la particularité de ce préjudice est d’affecter par delà les intérêts individuels, la société tout entière, à la fois par la diminution de son bien-être actuel, et par la perte infligée à son patrimoine commun »514. Il ne s’agit pas ici « seulement de réparer des dommages mais également de financer un risque, ou un dommage de grande ampleur sous-produit de la société industrielle »515. En d’autres termes, cela pourrait signifier que « le résultat de l’action en réparation doit dans une large mesure, échapper à celui qui agit » précise le Pr G. J Martin516. Un demandeur unique devrait donc pouvoir déclencher à titre individuel des actions capables de servir l’intérêt collectif.
3191135. Le Pr G. Viney517 préconise également, pour écarter l’obstacle que constitue l’exigence du caractère personnel du dommage, de considérer le préjudice écologique comme un dommage collectif. En effet, ce dommage présente la particularité de porter atteinte à des biens qui sont à l’usage de tous et qui, selon l’expression employée de plus en plus souvent par le législateur font partie du patrimoine commun de la Nation518, voire de l’Humanité519. De fait, parce que l’environnement appartient à tous, y compris aux générations futures, les atteintes qui lui sont portées, lèsent la communauté dans son ensemble. Certes, le droit en général, le droit français en particulier est longtemps resté réticent face aux demandes d’indemnisation de dommages collectifs. Toutefois, force est de constater que les choses tendent à changer, particulièrement lorsque la demande d’indemnisation concerne une atteinte dont la réparation est considérée comme socialement importante, et manifestement celle portée à l’environnement est de celles-là.
3201136. Dès lors, insiste encore le Pr G. Viney520, l’évolution du droit permet de considérer comme possible la consécration par le droit positif d’un principe de réparation du préjudice écologique pur. Après avoir constaté les réticences de la jurisprudence en la matière, ce même auteur de souligner que la doctrine se prononce aujourd’hui en faveur de ce principe de réparation. En conséquence, à l’instar du Pr G. Viney, il est permis de constater qu’un mouvement favorable à la réparation des atteintes à l’environnement, y compris du préjudice écologique pur est aujourd’hui bien engagé ; il apparaît même irréversible521. L’émergence d’un courant favorable à la prise en compte du préjudice écologique pur, ne peut dès lors, qu’inciter à proposer un modèle de réparation adapté aux particularités du dommage écologique pur.
B. Proposition d’un modèle de réparation adapté aux particularités du dommage écologique
3211137. Toute proposition d’un modèle de réparation adapté aux particularités du dommage écologique pur, conduit à s’interroger non seulement sur les possibles modes de réparation de ce dommage (1), mais encore sur la qualité à agir à ce titre (2).
1. Les modes de réparation
3221138. La réparation peut se présenter sous deux formes distinctes : soit-elle consiste en l’attribution d’une somme d’argent, soit-elle se présente sous la forme de services, d’objets, de produits à la charge du responsable522. Le préjudice écologique paraît parfaitement pouvoir s’inscrire dans ce cadre classique de la réparation. Plus encore, on peut penser que le concernant, la réparation en nature doit être envisagée à titre principal (a), toutefois lorsque celle-ci est rendue impossible, la réparation pécuniaire ne peut manquer d’être envisagée à titre subsidiaire (b).
a) La réparation en nature comme principe
3231139. La réparation en nature, parce qu’elle consiste à remettre les choses matériellement dans l’état où elles se trouvaient avant le dommage, apparaît comme le mode de réparation le plus adéquat du dommage puisqu’il tend à l’effacer purement et simplement523. Ainsi lorsque des ressources naturelles sont souillées par une pollution, la remise en état de ces ressources constitue à n’en pas douter la méthode la plus adaptée pour espérer préserver un environnement de qualité. Dès lors, on ne s’étonnera pas de constater que la réparation en nature soit privilégiée par le système juridique américain. Il n’en reste pas moins que ces opérations de restauration sont coûteuses524. Le caractère abusif de certaines d’entre elles est ouvertement dénoncé. Cela vise essentiellement les hypothèses où le coût de restauration menace d’être supérieur à la valeur du bien dont la sauvegarde est recherchée. Certaines opérations peuvent être engagées en pure perte, car se révélant finalement sans influence notable sur la reconstitution des populations525.
3241140. Certes, les Conventions internationales CLC-FIPOL, dans leur version actuelle, paraissent introduire un garde-fou en subordonnant l’indemnisation à l’exposition de coûts raisonnables de remise en état de l’environnement marin. Toutefois, quand bien même ce critère du raisonnable pourrait être cerné s’agissant de biens susceptibles d’appropriation526, son emploi s’avère plus délicat pour les autres. Si la méthode d’évaluation contingente est un mode concevable de résolution de ce problème, nous ne saurions le recommander, car cette technique, nous l’avons montré, conduit à des dérives. Dès lors, l’unique alternative envisageable consiste à préciser ce qu’il convient d’entendre par mesures raisonnables de remise en état.
3251141. Cette démarche du reste, n’est pas étrangère à l’approche américaine. Dans le cadre de la révision de CERCLA527, une réflexion en ce sens a, en effet, déjà été engagée. Pour juger du caractère raisonnable des opérations de restauration, il faudrait tenir compte d’un certain nombre de paramètres comme la faisabilité technique de l’opération, l’état écologique du milieu pollué, le rapport du coût de restauration et du bénéfice susceptible d’être retiré de cette action, le choix de l’activité coûtant le plus bas prix, le résultat prévu de cette activité, le préjudice additionnel pouvant résulter de cette action pour les autres ressources, l’effet potentiel de l’action sur la santé de l’homme, ainsi que la capacité et la période de la régénération naturelle de la ressource endommagée.
3261142. Quoi qu’il en soit, les mesures de restauration entreprises ne sauraient conduire à une amélioration du site par rapport à son état initial. Cette exigence a bien été mise en exergue par le juge Mc Garr dans sa décision Amoco Cadiz de 1988. Si les opérations de restauration entreprises sont indemnisables lorsqu’elles ont pour objet la réimplantation d’espèces disparues à la suite de la pollution accidentelle, elles ne sauraient l’être lorsqu’elles sont motivées par le souci des scientifiques d’apporter des améliorations à l’écosystème détérioré par des facteurs autres528.
3271143. Or parfois, comme le notaient les scientifiques à propos de l’Erika, il peut être difficile d’apprécier l’atteinte portée à l’intégrité du site par la seule pollution. Ainsi, en décembre 1999, époque du naufrage, l’écosystème marin, outre la marée noire, avait dû subir une tempête, et des pluies importantes. Dans ces conditions, il pouvait être difficile d’imputer une dégradation à un événement précis.
3281144. Le naufrage de l’Erika aura montré plus que jamais529 la nécessité d’établir préventivement un état de référence dans les zones particulièrement vulnérables530. En effet, pareille démarche devrait favoriser l’évaluation de l’atteinte portée au site et donc, à terme, l’indemnisation au titre de la disparition de tel organisme ou du non-développement de tel autre531. Toutefois, que l’on ne s’y trompe pas, un tel recensement est une tâche particulièrement ardue. En effet, l’état de référence d’un site ne saurait apparaître au terme d’un unique état des lieux. Il convient d’en pratiquer plusieurs pour tenir compte de l’impact des variations saisonnières sur les peuplements biologiques notamment. On soulignera néanmoins qu’une telle démarche s’inscrit parfaitement dans le cadre des prescriptions des nouvelles directives européennes. En effet, les États membres de l’Union européenne, en signant les directives cadres dans le domaine de l’eau et Natura 2000 notamment, se sont engagés à mettre en place des programmes de surveillance532. Ainsi, en France, le Réseau national d’observation des biocénoses533 benthiques côtières, dit Rebent, devrait permettre la mise sur pied d’un programme de suivi de la faune et de la flore.
3291145. Reste que les délais prévus pour prétendre à une réparation écologique des dommages sont très limités dans le temps. Or, il serait parfois nécessaire d’attendre davantage pour pouvoir mesurer l’atteinte réellement portée à la faune et à la flore et envisager dès lors une opération de remise en état. En toute hypothèse, ainsi que cela a été noté, il existe une distorsion manifeste entre « temps juridique et temps écologique »534. Si la réparation en nature constitue le mode de réparation idéal, l’éventualité d’une réparation pécuniaire ne saurait être éludée pour le cas où cette première se révèlerait impossible.
b) La réparation pécuniaire à titre subsidiaire
3301146. S’il convient de privilégier la réparation en nature en matière environnementale, la question de la réparation pécuniaire535 ne saurait être éludée. Lorsque les dommages revêtent un caractère irréversible, lorsque l’espèce ou l’espace sont irremplaçables, ce mode de réparation est le seul concevable536. La réparation pécuniaire du préjudice écologique pur soulève un certain nombre de questions délicates. Après avoir précisé ce qu’il faut entendre par réparation et évaluation pécuniaires (i), il s’agira d’en déterminer l’étendue (ii) et le possible support (iii) en présence d’un dommage écologique pur.
i) Notions de réparation et d’évaluation pécuniaires
3311147. L’on ne saurait dans le cadre de cette proposition d’un modèle de réparation adapté aux particularités du dommage écologique, considérer que lorsqu’elle est techniquement impossible ou économiquement trop coûteuse, la réparation environnementale n’a plus lieu d’être. Dans pareille hypothèse, la réparation pécuniaire peut être envisagée à titre d’alternative. La somme d’argent alors allouée à titre compensatoire sous forme de dommages et intérêts537 est censée en principe représenter l’exact équivalent du préjudice. Il est, toutefois, douteux qu’elle puisse le faire lorsque la réparation est économiquement trop coûteuse538.
3321148. L’intérêt de ce mode de réparation est de permettre la réparation de tous les dommages sans exception. En effet, en raison de sa fongibilité parfaite, la monnaie considérée comme une valeur d’échange absolue peut, lorsqu’elle prend la forme des dommages et intérêts, être le support de toutes les réparations. Dans ce mode de réparation, la question de l’évaluation du dommage est particulièrement sensible. Elle l’est d’autant plus que le dommage environnemental est « particulièrement diffus et rebel aux estimations chiffrées »539.
3331149. Pratiquement, l’évaluation consiste à traduire le dommage en un certain nombre d’unités monétaires. Le dommage écologique se manifeste essentiellement par une diminution en valeur de l’environnement540. Quand bien même le droit américain préconiserait l’utilisation de la méthode d’évaluation contingente pour la mesure des dommages affectant des ressources non commerciales, nous ne saurions la recommander, et ce pour plusieurs raisons. Non seulement, cette méthode encourage les pires excès, mais encore elle pourrait se révéler impraticable dans un cadre international. En effet, la valeur attribuée à un bien environnemental est éminemment subjective d’un État membre à l’autre. Dès lors c’est irrémédiablement vers une autre source d’inspiration qu’il convient de s’orienter.
3341150. Pour contrecarrer les excès de la méthode américaine, ne conviendrait-il pas de retenir au titre de la perte de la valeur d’usage de l’environnement une valeur raisonnable541 ? Celle-ci pourrait notamment prendre en compte toutes les circonstances jugées pertinentes comme la valeur de la ressource affectée d’un point de vue environnemental542, le temps nécessaire aux ressources naturelles pour s’auto-régénérer, l’avantage que le pollueur aurait pu retirer si le dommage n’avait pas été découvert.
3351151. Cette « approche équitable » bien que sévèrement condamnée par le FIPOL543, semble avoir été privilégiée par la loi italienne. L’affaire du Patmos544 en constitue une bonne illustration. Dans cette espèce, les experts ont évalué les dommages subis par la biomasse en recourant à un modèle théorique assez élaboré. Après avoir estimé l’impact qu’avait eu la pollution en terme de diminution du stock de poissons, ils se sont fondés sur le prix du marché pour évaluer la perte totale ; il a toutefois été procédé à des ajustements pour tenir compte du fait qu’une partie du poisson n’aurait vraisemblablement pas été pêchée.
3361152. Quand bien même la Cour d’appel aurait forgé pour une large part son opinion sur celle des experts, elle n’en a pas moins conservé une certaine liberté d’appréciation. Ainsi, a-t-elle décidé de revoir à la baisse de 20 %, le chiffre retenu par les experts considérant d’abord que la méthode de calcul utilisée pour déterminer la quantité de poisson produite par la biomasse conduisait à des résultats erronés, considérant ensuite qu’il devait être tenu compte dans l’évaluation, des dommages provoqués par la marine italienne elle-même en raison de l’utilisation de solvants.
3371153. Aussi, force est de constater, à l’aune de l’affaire du Patmos, que même lorsque des estimations leur sont proposées par des experts, les juges n’hésitent pas à les moduler en se fondant sur l’équité. Cette capacité des juges à venir apporter des correctifs est expressément soulignée par la doctrine545. En effet, on peut noter chez les juges « une tendance à mettre en balance les activités respectives du pollueur et du pollué »546. Ils se montrent plutôt flexibles et compréhensifs547 et parviennent dès lors à quantifier équitablement les dommages, échappant ainsi d’emblée à tout risque d’« évaluation divinatoire »548. Toutefois, on peut penser que pareil danger pourrait être éradiqué avec le temps. L’expérience aidant, le système est irrémédiablement appelé à se perfectionner, et les approximations du début pourraient très vite s’estomper pour laisser place à une appréciation plus sûre.
3381154. Car, toute innovation, et l’utilisation de la méthode d’indemnisation équitable en matière de réparation environnementale en est une, appelle, nécessairement une période de rodage. Cette dernière pourrait être sensiblement écourtée si des recherches plus importantes sur les valeurs non-commerciales étaient engagées.
3391155. Dès lors, la loi italienne et le cas du Patmos pourraient être vus comme une première tentative de prise en compte du préjudice écologique pur549. La communauté maritime internationale pourrait être amenée à choisir entre la défaillance du système des Conventions et le risque de se confier à l’équité ; cette dernière pouvant être considérée comme une norme supérieure inspiratrice du droit de la réparation des dommages550.
3401156. Toutefois, parce qu’une telle évaluation ne relève pas d’une science exacte et précise, il paraît à terme souhaitable de fixer certaines règles ou certains points de repère, pour réduire l’influence de la subjectivité des personnes appelées à se prononcer551. Certaines grilles d’évaluation pourraient simplifier et alléger la tâche des experts. En effet, « un barème d’évaluation aussi imparfait et approximatif soit-il demeure un précieux outil de référence et d’harmonisation »552. Le fait de pouvoir attribuer une valeur à chaque élément connu de l’écosystème signifierait également à terme qu’aucun responsable d’une catastrophe écologique ne pourrait se soustraire à ses obligations553 puisque le fonds, en exerçant une action récursoire, pourrait le condamner à prendre à sa charge ladite réparation. Mais l’utilisation de barème pourrait aussi générer des effets pervers : elle pourrait faire obstacle à la prise en compte des particularités de l’espèce554 dans un site donné, elle pourrait enfin conduire à l’« octroi de dommages et intérêts exagérément élevés »555. Or précisément, « l’exigence de la justice et du bien commun dépend de circonstances trop complexes pour pouvoir être fixées à l’avance dans des formules rigides »556. Dès lors, là encore, l’équité paraît pouvoir jouer un rôle de correcteur à la source et à la marge557.
3411157. On notera que dans l’affaire de l’Erika, une association de protection de l’environnement Bretagne vivante a choisi d’évaluer la valeur d’un oiseau de mer sur la base des sommes qu’elle consacre depuis vingt ans à la conservation des oiseaux marins. En les rapportant au nombre d’oiseaux accueillis en 2004 dans ses réserves, la valeur d’un couple d’oiseaux de mer a pu être chiffrée à 300 euros, et donc la perte représentée par la mort de 74 000 volatiles à l’occasion de l’Erika à 11 millions d’euros. Quelle est la pertinence de la méthode ? Le juge appréciera... Les notions de réparation et d’évaluation pécuniaires étant définies, encore nous faut-il, pour mener la réflexion à son terme, envisager l’étendue de la réparation pécuniaire.
ii) Étendue de la réparation pécuniaire
3421158. S’interroger sur l’étendue de la réparation revient à se demander s’il convient de prévoir une limitation de la réparation en présence d’un dommage écologique. Cette question de l’opportunité de la limitation paraît incontournable lorsqu’on aborde l’indemnisation du préjudice écologique pur. Elle se justifie d’autant plus que le préjudice dont il est demandé réparation est souvent d’une ampleur catastrophique558. Le Pr G. Viney559 constate que la plupart des textes qui organisent la réparation des atteintes à l’environnement prévoient un plafonnement des indemnités. Les juges tendent eux-même à limiter les indemnités versées dans ce cadre, lorsqu’ils sont appelés à se prononcer sur une demande d’indemnisation au titre d’une atteinte à l’environnement, quand ils ne subordonnent pas purement et simplement la réparation à l’existence d’un trouble ou d’un dommage majeurs.
3431159. Ainsi, la jurisprudence française sur les troubles de voisinage a-t-elle toujours subordonné la réparation à la preuve d’un trouble excessif ou anormal, écartant dès lors de façon implicite l’indemnisation des pollutions légères. C’est une restriction du même acabit que prévoit la Convention de Lugano dans son article 8 lorsqu’elle classe au rang des causes d’exonération le cas « où le dommage résulte d’une pollution d’un niveau acceptable eu égard aux circonstances locales ». Quant aux actuelles dispositions conventionnelles CLC/ FIPOL et SNPD, en excluant le préjudice écologique pur de la sphère des dommages réparables, elles placent d’autorité sa réparation sous l’égide du droit interne. Dès lors, elles pourraient, bien malgré elles, conduire à un paradoxe. Le préjudice écologique non frappé par la limitation pourrait être de fait mieux traité que les autres types de préjudices, appelés eux à subir le couperet de la limitation.
3441160. La réforme du dispositif conventionnel que nous préconisons conduit, rappelons-le, tant à supprimer le principe de limitation qu’à prévoir l’indemnisation du préjudice écologique. Dès lors, une question se pose. Faut-il, à l’aune des remarques que nous venons de formuler, maintenir le principe de limitation en présence de dommages écologiques ?
3451161. Peut-être est-il bon, à ce stade du raisonnement, de revenir sur le prototype américain. Ce dernier, même en cas d’atteintes importantes aux ressources naturelles, n’en limite pas moins à la somme de 500 millions de dollars la part que le fonds fédéral d’indemnisation peut allouer à la réparation du préjudice écologique pur560.
3461162. Le principe est donc celui de la limitation. Sans doute ce choix n’est-il pas étranger au souci d’éviter un risque de concurrence qui s’exercerait au détriment d’autres types de préjudices.
3471163. Alors même que ce risque serait amené à disparaître avec la réforme que nous préconisons, il nous semble toutefois judicieux de réintroduire le principe d’une limitation de la réparation pour cette catégorie de dommages. Reste maintenant à envisager le support qui pourra permettre l’exercice de la réparation.
iii) Support de la réparation
3481164. Concevoir un modèle de réparation adapté aux particularités du dommage écologique pur conduit à se demander ici quel sera le support le plus approprié pour financer le risque d’environnement. Après avoir montré l’incapacité de l’assurance à faire face de façon pleinement satisfaisante à cette demande, il conviendra de réfléchir sur les possibles modalités de prise en charge de ce nouveau dommage par un fonds.
3491165. L’incapacité de l’assurance à prendre en charge le dommage écologique pur561 peut se justifier par l’idée que l’assureur subordonne l’assurabilité d’un risque à la possibilité de l’évaluer. Eu égard aux difficultés d’évaluation du dommage écologique pur, les effets d’une atteinte sur l’environnement sont quantitativement et qualitativement imprévisibles, on s’expliquera dès lors le peu d’engouement de l’industrie des assurances à proposer une couverture pour ce risque. De fait, un auteur n’a pas hésité à présenter l’assurabilité du risque environnemental comme le « talon d’Achille »562 de la directive européenne.
3501166. L’impact financier de quelques accidents majeurs a, en outre, conduit à se demander si le système général de responsabilité civile n’avait pas atteint une limite économique. Certains risques représentent des charges tellement lourdes qu’il ne semble plus possible de demander à un industriel d’en supporter seul la charge563. Les assureurs maritimes américains, quant à eux, font valoir que l’actuelle réglementation en matière d’évaluation de l’atteinte portée aux ressources naturelles564 menacerait très concrètement les possibilités d’offre d’une couverture contre le risque de pollution dans ce pays565. En France, les tentatives de prise en compte du risque pollution par les assurances sont récentes. Jusqu’en 1960, la plupart des polices de responsabilité civile à destination des chefs d’entreprises ne faisaient aucune allusion aux dommages de pollution. Seuls étaient parfois couverts les sinistres de pollution des eaux et de l’air d’origine accidentelle. Ceux-ci rentraient dans la catégorie des événements soudains, imprévus extérieurs à la victime et à la chose endommagée. Toutefois, à partir de 1970, les assureurs prirent le soin d’introduire une clause d’exclusion pour les dommages causés aux eaux et à l’air, élargie en 1974 aux diverses formes d’atteintes à l’environnement566. Dès lors, ce type d’atteinte fut couvert par un avenant spécial au contrat « responsabilité-chef d’entreprise ».
3511167. Parce que cette solution était inadaptée, une garantie spécifique résultant de l’association des assureurs français et étrangers fut finalement instituée : le groupement de coréassurance pollution et autres atteintes à l’environnement (GARPOL)567. Ce contrat a été remplacé par ASSURPOL, le 1er janvier 1989. Depuis le 1er janvier 1994, la particularité de ce risque a conduit le pool ASSURPOL568 à créer une police spécifique avec un plafond de 1 à 2 millions de francs. Toutefois, ce plafond apparaît bien largement insuffisant pour couvrir le risque-pollution. Pour remédier à cette insuffisance, ASSURPOL commercialise depuis le 1er janvier 2002 une garantie complète des risques d’atteintes à l’environnement, dite « assurance multi-risques environnement ». L’exploitant dispose désormais d’une garantie responsabilité civile-atteinte à l’environnement s’élevant à 5 000 000 d’euros569.
3521168. Que l’on ne s’y trompe pas, le contrat ASSURPOL exclut de la définition des dommages couverts570 le dommage écologique stricto sensu, c’est-à-dire celui affectant des éléments naturels tels que l’eau, l’air, le sol, la faune et la flore dont l’usage est commun à tous. La garantie ne concerne que les dommages corporels, matériels et patrimoniaux, à l’exclusion des dommages écologiques à proprement parler. Cette exclusion traduit en définitive l’état du droit de la responsabilité civile571. En effet, ce dernier ne met pas à la charge des pollueurs les désordres affectant les éléments constitutifs du milieu naturel répondant à la définition de l’article 714 du Code civil.
3531169. Dès lors, la dénomination choisie pour les contrats d’assurance est nécessairement trompeuse puisqu’il ne s’agit pas d’indemniser les dommages écologiques, mais essentiellement les biens ayant une valeur économique. Une prise en compte directe de ce type de risque reviendrait à créer une police « dommage à l’environnement » indépendante de toute responsabilité civile du pollueur572. A l’évidence, les assureurs ne semblent pas disposés en l’état actuel à accepter de couvrir les risques de pollution, d’une part en raison de leur dimension, et d’autre part parce qu’il n’existe pas en la matière de victimes humaines, mais uniquement « environnementales ». En dépit d’une sensibilisation, toujours plus forte, de l’opinion aux problèmes liés à l’écologie, l’équité ne jouerait pas aujourd’hui en ce domaine un rôle assez important pour inciter les assureurs à consentir une nouvelle couverture obligatoire573. Le législateur semble parfaitement conscient de cela. Contre l’avis de la doctrine574, la directive sur la responsabilité environnementale renonce à imposer une obligation d’assurance, incitant toutefois les exploitants à se munir de garanties financières volontaires575.
3541170. Quels que soient les progrès accomplis par le droit des assurances en matière d’environnement, la liste des dommages susceptibles d’être garantis ne saurait aller au-delà des dommages corporels, matériels et patrimoniaux. Dès lors, l’institution d’un fonds d’indemnisation semble devoir être préférée au système de l’assurance. Encore convient-il de convaincre de l’adaptabilité des fonds à la réparation du préjudice écologique pur. Le Fonds, à la différence de l’assurance placée sous le joug des exigences du droit de la responsabilité, n’est pas prisonnier du droit positif576. Dès lors, il a naturellement vocation à indemniser des dommages dont la réparation est sévèrement encadrée au titre de la responsabilité stricto sensu. Ce rôle de rattrapage est expressément mentionné par des textes récents, tel que l’Oil pollution Act.
3551171. Sa capacité à imposer une acception plus large des dommages réparables en en élargissant le champ ne peut être contestée ni en théorie ni même en pratique577. Etant précisé que pour parvenir à un système de réparation plus efficient et une application plus effective du principe du pollueur-payeur, il apparaît impératif d’étendre l’assiette des dommages réparables aux dommages environnementaux au-delà des coûts raisonnables de restauration.
3561172. L’opportunité d’un organisme gestionnaire dédié à la défense d’intérêts liés à la protection de l’environnement naturel578, ne peut lui-même être contestée. Toutefois, ne faut- il pas redouter, ce faisant, ainsi que l’ont relevé certains auteurs579, un « risque de grignotage » de l’indemnisation réservée aux victimes traditionnelles ? Cette crainte est légitime dans le dispositif conventionnel actuel, compte-tenu du caractère non extensible de la réparation, les victimes de « première ligne » encourraient en effet le risque de ne pas être complètement indemnisées. Toutefois, ce risque pourrait disparaître avec la réforme que nous suggérons puisque précisément celle-ci vise à supprimer l’idée même de limitation de la réparation. Toutefois, parce que nous préconisons pour le préjudice écologique le maintien d’un principe de limitation, il convient de réintroduire une forme de cloisonnement entre ces dommages et les autres. Pratiquement, cela pourrait se traduire par la création d’un nouveau fonds, spécialement dévolu à la réparation des ressources naturelles.
3571173. Il pourrait être judicieux de mettre à la charge des exportateurs une obligation de contribution au Super Fonds « environnement ». Ainsi le fonds spécial dédié à la protection de l’environnement pourrait être conjointement alimenté par les importateurs et les exportateurs. Cela serait, à n’en pas douter, un grand pas en avant sur la voie d’une véritable universalité de régime580. La gestion de ce fonds paraît devoir être, tout naturellement, confiée au Super-FIPOL appelé à centraliser l’ensemble des demandes de réparation déposées au titre d’une pollution maritime. Encore convient-il de s’entendre sur la qualité pour agir au titre de l’environnement.
2. La qualité pour agir
3581174. A qui doit-on reconnaître qualité pour agir en cas d’atteinte à l’environnement en général, marin en particulier581 ? Il s’agit, là, d’une question incontournable. Plusieurs solutions paraissent envisageables. On peut, en effet, hésiter entre confier ce droit à l’environnement, lui-même devenu sujet de droit (a), à l’État ou ses démembrements en tant que représentants de la collectivité582 (b), enfin à des organismes de défense de l’environnement583 (c).
a) L’environnement, sujet de droit
3591175. Faut-il à l’instar de ce que propose le Pr Ch. Stones reconnaître un droit d’action à l’environnement lui-même ? Le Pr M.-A. Hermitte584 considère que, sur un plan technique, il serait possible d’ériger la nature en sujet de droit sans qu’il y ait confusion avec la personne humaine, sujet de droit. Cette possibilité peut, du reste, être étayée par des précédents. Ne retrouve-t-on pas un scénario similaire dans l’évolution récente du droit ? La séparation de la personnalité morale de la personnalité physique qui s’est accomplie dans le courant du 19 ème siècle pour les sociétés, et à la fin de ce siècle pour les syndicats et les associations, n’a-t-elle pas déjà consacré, de fait, une révolution du même acabit ? L’auteur note que la reconnaissance de la qualité de sujet de droit, n’implique pas nécessairement l’attribution de l’ensemble des qualités généralement accordées à la personne humaine. Néanmoins son intérêt sera nécessairement représenté par des humains. Selon l’auteur précité cette capacité juridique pourrait devenir « un mécanisme efficient du procès dans lequel la nature serait représentée en tant que telle et défendue par ses avocats dans un débat contradictoire »585. Nul doute qu’un tel projet participe d’un « plaidoyer pour un droit de l’environnement moins anthropocentrique »586. Mais force est d’admettre que cette proposition tendant à reconnaître qualité pour agir à l’environnement per se n’est que doctrinale. S’agissant de l’atteinte portée à une res communis, il semblerait que l’État, ou ses organes publics en tant que représentants de la collectivité soient naturellement désignés pour agir au titre de l’environnement.
b) L’État, ou ses organes publics en tant que représentants de la collectivité
3601176. Force est de reconnaître que l’État, ou ses organes publics, en qualité de représentant de la collectivité apparaissent comme des « représentants naturels » de l’environnement587. Aux États-Unis, l’État peut faire valoir un « intérêt propriétaire »588. Cela ne saurait être vrai en France, où l’on retient plus volontiers sa qualité de souverain à l’égard de toutes les composantes du domaine public. Ce faisant, on se rapproche de la théorie de l’État tuteur589, consacré dans les pays de Common law590, mais aussi dans ceux d’« obédience latine ».
3611177. Le cas du Patmos semble du reste de nature à corroborer cela. Dans cette espèce, les tribunaux italiens ont fait valoir que la Convention de 1969 n’opérait pas de distinction entre les dommages à la propriété privée et les dommages au domaine public. Ils ont en outre souligné qu’il n’était pas nécessaire pour l’État d’être propriétaire des ressources naturelles, la seule qualité de tuteur à leur égard leur permettait d’agir en leur nom591.
3621178. On s’expliquera que la délégation française au FIPOL, puisse fonder ses revendications de prise en compte du dommage écologique pur, tantôt sur sa qualité de souverain592, tantôt sur celle de tuteur593.Toutefois, aucune des propositions qu’elle a faites en ce sens, n’a encore trouvé grâce aux yeux du FIPOL594. La première consistant à insérer dans la Convention le concept d’indemnisation pour dommage environnemental conçu comme « une violation du droit des États à disposer de leurs biens collectifs marins » a été rejetée595. La seconde, visant à insérer dans le cadre international, les dispositions américaines visant à reconnaître à l’État un statut de tuteur à l’égard des ressources naturelles également596. Alors même que ce qui motiverait la décision de rejet du FIPOL n’est pas tant la qualité à agir de l’État, que la définition des dommages réparables, on est toutefois fondé à s’interroger sur l’opportunité d’octroyer un tel droit à l’État.
3631179. En effet, en droit français tout au moins, l’État ne paraît pas devoir incarner l’entité représentant idéal des intérêts de la nature, alors même qu’il aurait une vocation naturelle à représenter l’intérêt général. Les règles budgétaires s’opposent en effet à l’affectation d’une somme reçue. Dès lors, le risque est grand de voir les indemnités versées au titre de l’altération de l’environnement se diluer dans le budget597. Aussi, à l’instar de la doctrine, on est fondé à rechercher le meilleur représentant dans les organismes de défense de l’environnement.
c) Les organismes de défense de l’environnement
3641180. Malgré les protestations de la doctrine598, le droit français est longtemps resté sourd aux revendications exprimées par les associations de protection de la nature tendant à se voir reconnaître un droit d’action en qualité de représentantes des intérêts de l’environnement599. Selon certains auteurs600, cette situation pourrait s’expliquer par le fait que l’État répugnerait à voir son autorité amoindrie en confiant à certains particuliers le soin de poursuivre des intérêts dont il s’estime naturellement dépositaire. Pareille inquiétude paraît absente aux États-Unis, berceau il est vrai du droit de l’environnement. On s’expliquera dès lors que le juge américain, dès le procès de l’Amoco Cadiz, ait pu accueillir la demande de certaines associations601. On notera que dans l’affaire de l’Erika, l’association de protection de la nature Bretagne vivante a choisi d’assigner deux filiales de Total devant le tribunal civil de Brest. Elle réclame au groupe pétrolier la réparation du préjudice subi au titre d’un préjudice environnemental du fait de la disparition de 74 000 oiseaux602 soit une somme de 11 millions d’euros. Quelles sont ses chances de succès ?
3651181. Pour l’heure, force est d’admettre que le droit français n’est pas resté figé. Ainsi que le constate le Pr G. Viney603, compte tenu de l’évolution de la question, il apparaît désormais envisageable de reconnaître aux associations constituées pour la défense de l’environnement, la qualité pour agir en justice contre le responsable d’une pollution604. De manière générale, et cela quel que soit l’intérêt collectif en jeu, la jurisprudence s’était jusque-là montrée assez réticente à l’égard de ces associations. Bien qu’elle ait maintenu jusqu’à présent avec beaucoup de constance, l’exigence d’une habilitation légale spécifique605, en matière d’environnement, la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, et quelques textes épars avaient conféré à certaines associations de défense de la nature et de l’environnement des habilitations de portée variable.
3661182. L’un des apports majeurs de la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement est d’avoir substitué à ces dispositions fragmentaires un texte de portée plus générale606 habilitant les associations agréées de protection de l’environnement à exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux « intérêts collectifs qu’elles ont pour objet de défendre et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l’environnement, à l’amélioration du cadre de vie, à la protection de l’eau, de l’air, des sols des sites et paysages, à l’urbanisme ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances ainsi qu’aux textes pris pour leur application ». Cette habilitation paraît donc très vaste. Toutefois, on notera qu’elle ne paraît accorder un droit d’action aux associations qu’en présence d’une infraction pénale.
3671183. En tout état de cause, cette solution consistant à accorder un droit d’action aux associations semble présenter certains avantages. D’abord regroupées à titre bénévole, les associations, en présence d’une pollution, ne ménagent pas leurs efforts pour sauvegarder au maximum la faune et la flore avec leurs propres moyens607. Ayant un but précis, préserver la portion de l’environnement qu’elles prennent à leur charge, les associations devraient être efficaces dans leurs actions parce qu’elles connaissent exactement les mesures à prendre pour remettre en état les sites pollués608.
3681184. Ainsi dans le cas de l’Amoco-Cadiz, les associations qui sont intervenues ont démontré qu’elles avaient chacune un projet précis s’agissant tant du traitement des oiseaux mazoutés que de leur réimplantation609. Cela explique que le juge américain se soit montré très réceptif par la suite à leur demande d’indemnisation. Il importe, pensons-nous, que de telles garanties soient apportées par les associations désireuses de voir leurs dossiers de demande d’indemnisation pris en compte. Ainsi, le risque de voir les subsides alloués au titre de l’altération de l’environnement employés à des fins moins nobles pourrait être éradiqué. La tâche de l’organisme chargé de les répartir pourrait s’en trouver facilitée d’autant, parce qu’il aurait ainsi la possibilité d’opérer un tri entre les multiples demandes qui lui sont faites610. Si, en droit français, les associations de protection de la nature paraissent être les mieux armées pour représenter l’environnement, il serait toujours possible dans un cadre international d’offrir à chacun des États membres la possibilité de désigner l’entité qui lui semblerait la plus appropriée à cette fin611.
CONCLUSION DU CHAPITRE II
3691185. L’intérêt des fonds en matière de réparation du dommage écologique n’est plus à démontrer. Est-ce dire pour autant que les actuels systèmes de réparation des dommages de pollution en ce qu’ils associent la responsabilité à l’indemnisation automatique, soient pleinement satisfaisants ? Loin s’en faut. S’ils initient à n’en pas douter une logique environnementale d’indemnisation, ils ne parviennent toutefois pas à la faire aboutir.
3701186. Dès lors, on est fondé à se demander si un premier pas dans cette direction ne pourrait pas être fait si l’on entreprenait de faire céder l’écran de la personnalité du propriétaire du navire pour laisser place à une socialisation généralisée. En d’autres termes, il s’agirait d’améliorer le droit spécial des fonds d’indemnisation marins. Pareille entreprise pourrait d’abord consister à contourner certains obstacles. Les premiers sont incontestablement inhérents à la technique du fonds. Il s’agit d’abord de la banalisation du risque. Ce phénomène trouve à s’exprimer tant dans la dilution du risque que dans l’ignorance du préjudice écologique pur. Il s’agit encore du plafonnement de la réparation. Il s’agit enfin de ce qu’on a regroupé sous le terme d’aléas dans la mise en œuvre des fonds. Ces derniers tiennent à de possibles causes d’exonération, à la présence d’une certaine partialité dans la politique d’indemnisation du FIPOL, laquelle peut conduire les victimes à l’assigner devant une juridiction nationale
3711187. S’il paraît admis que le fonds612 doit continuer à évoluer car les besoins changent et une institution qui n’évolue pas, n’a plus d’avenir613, aucune réforme d’envergure n’est envisagée. L’adoption récente du Fonds complémentaire rend parfaitement compte de ce phénomène. Peut-on réellement prétendre apporter une solution définitive aux problèmes de pollutions majeures en relevant indéfiniment les plafonds d’indemnisation ou même en obligeant la victime à rechercher dans le droit interne un complément d’indemnisation.
3721188. Face à un système sclérosé, il n’est d’autres solutions que de proposer une alternative. Celle-ci pourrait être incarnée par un Super-fonds. Ce mécanisme aurait le mérite d’apporter une réponse structurelle et non plus simplement conjoncturelle. Il serait fondé sur une triple logique susceptible de redonner une certaine cohérence à la problématique juridique posée par la réparation des catastrophes environnementales majeures. Une logique de garantie industrielle exclusive d’abord : la garantie indemnitaire serait fournie par un Fonds dont la pierre angulaire serait le risque-marchandise. Nous retrouverions là les traits de l’actuel FIPOL à cette différence près que le Super-FIPOL ne pourrait manquer de s’inscrire dans une logique de réparation intégrale, mais encore dans une logique plus respectueuse du droit des victimes. L’une ne va pas sans l’autre. Car l’on pourrait aller jusqu’à contester l’utilité d’une telle réforme au motif que si les paiements s’effectuent au prorata en début de procédure, ils ne tardent pas à être intégraux. Toutefois, cela serait oublier que ce principe d’une réparation plafonnée contraint le FIPOL a faire de la sous-évalution du dommage un principe incontournable de sa politique d’indemnisation, au mépris du droit légitime des victimes à obtenir réparation. Le principe de réparation intégrale apparaît donc comme un tremplin pour une action plus large.
3731189. Nul doute que ce passage d’une logique de réparation limitée à une réparation illimitée paraît traduire le passage d’une logique maritime à une logique environnementale de l’indemnisation. Aussi elle ne pourrait prétendre aboutir qu’avec la reconnaissance d’un droit autonome à réparation pour le préjudice écologique pur. Car, ainsi que cela a été souligné, il peut être venu le temps d’établir un régime international susceptible de sanctionner les abus considérables et les actes irresponsables mettant en danger les écosystèmes marins, au lieu de traiter l’environnement comme s’il n’avait aucune valeur marchande614. Cela se justifie d’autant que les traditionnelles objections à cette prise en compte de ce préjudice particulier semblent désormais pouvoir être levées.
Notes de bas de page
1 Le FIPOL est le seul fonds d’indemnisation, actuellement en vigueur, en matière de réparation des pollutions maritimes.
2 Nota bene : Lorsque nous nous attacherons à dénoncer les défaillances du système FIPOL, ce n’est pas tant l’organisation intergouvernementale que nous mettrons en cause en tant que telle, que la Convention portant création de ce fonds international, telle qu’adoptée par les États qui y sont parties.
3 STARCK (B.), Domaine et fondement de la responsabilité sans faute, RTD Civ., 1958, p. 515. On rappellera que Boris Starck, bien que fondant sa théorie de la garantie sur la responsabilité, envisageait une évolution possible de la garantie en dehors de la responsabilité.
4 RIPERT (G.), préf. à Savatier R., Traité de la responsabilité civile en droit français, Paris LGDJ, 1939
5 V. not. ROUJOU DE BOUBÉE (M.E), Essai sur la notion de réparation, Bibl. droit privé, 135, Paris, LGDJ, 1974, spéc. p. 80.
6 LAMBERT-FAIVRE (Y.), L’évolution d’une dette de responsabilité civile à une créance d’indemnisation, RTD Civ 1987, p. 1.
7 SAVATIER (R.), Vers la socialisation de la responsabilité et des risques individuels, D.H., 1931, p. 9. Savatier utilise indistinctement les expressions de responsabilité sociale et de garantie sociale Sur ces notions V.aussi HUBERT (F.), Socialisation des risques et responsabilité individuelle, thèse droit Paris, dactyl. 1947.
8 OOSTERVEEN (W.), L’avenir : réexamen des Conventions, in Les fonds internationaux d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, précit., p. 73, spéc. p. 75.
9 Toutefois, cette question des actions récursoires ne saurait être évoquée dans cette première partie dédiée à l’indemnisation des dommages. Ainsi que le note avec justesse le Professeur P. JOURDAIN « lorsqu’ils cherchent à obtenir le remboursement auprès du responsable de ce qu’ils ont dû verser aux victimes », les fonds n’inscrivent plus leur action dans le cadre de l’indemnisation mais bien dans le cadre d’une recherche de responsabilité. Les principes de responsabilité civile, Dalloz, 6ème éd. 2003 p. 15.
10 LE TOURNEAU (Ph.), V. Responsabilité en général, Rép. civ. Dalloz, 2001, p. 27.
11 Définition extraite du dictionnaire le Petit Robert.
12 Ce terme a été utilisé une première fois par le Professeur M. RÉMOND-GOUILLOUD, Les fonds d’indemnisation (Collectivisation du risque), précit., spéc. p. 312.
13 TUNC (A.), La responsabilité civile, Economica, 2è éd., 1989, n° 176.
14 si tant est que l’on puisse considérer l’environnement comme une victime.
15 CADIET (L.), Sur les faits et les méfaits de l’idéologie de la réparation, in Mélanges Ph. Drai, Le juge entre deux millénaires, Dalloz, 2000, p. 495.
16 RÉMOND-GOUILLOUD (M.), précit., spéc. p. 306.
17 RÉMOND-GOUILLOUD (M.), ibid., spéc. p. 307.
18 BOCKEN (H.), Systèmes alternatifs pour l’indemnisation des dommages dus à la pollution, RGAT 1990, n° 11 698- p. 24.
19 ENTRINGER (B.), La précaution est-elle une vinaigrette stabilisée ? Discours prononcé à l’occasion du 50ème anniversaire du jeune Barreau de Luxembourg publié le 17 octobre 1998 dans le Journal des Tribunaux, Editions LARCIER, n° 5898 p. 665-668.
20 Les assureurs n’ont pas manqué de souligner que la technique des fonds d’indemnisation présentait les mêmes inconvénients que les systèmes d’assurance collective type mutuelle, à savoir un risque de déresponsabilisation des industriels puisque la réparation du dommage est par définition anticipée.
21 RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Les fonds d’indemnisation (Collectivisation du risque), précit., p. 312.
22 RICOEUR (P.), Le concept responsabilité, essai d’une analyse sémantique, Esprit, Nov.1994., p. 40.
23 V. nos développements infra sur les actions récursoires engagées par le fonds. n° 2049.
24 V. nos développements infra n° 1003.
25 Nous reprenons ici la définition du préjudice écologique pur proposée par le Professeur G. VINEY, Le préjudice écologique, Resp.civ. et assur., mai 1998, n° 5 bis, p. 6, spéc. p. 8.
26 selon l’expression consacrée par la délégation chinoise au Colloque du CMI de 1992 à Gênes, p. 4 cité WU (Ch.), La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures – Responsabilité et indemnisation des dommages, précit., p. 411.
27 On citera pour le droit privé, le droit de la responsabilité, le droit des biens, pour le droit public le droit administratif, le droit international public.
28 V. sur ce point BYK (C.), Le monde du droit face aux sciences de la vie, JCP, 2002, I, 164.
29 Rapport précit.
30 BIMCO, Pollution pétrolière : catastrophe écologique ou problème de courte durée ? JMM du 12. 02. 93 p. 388.
31 V. not. les actes de deux colloques consacrés à ce sujet. Le premier intitulé « Les évaluations des suites du naufrage de l’Erika » a été organisé par l’Université de Nantes, les 23, 24 et 25 janvier 2002- le second « Restauration et suivi écologique »co-organisé par le CEDRE et la Commission européenne a eu lieu du 30 janvier au 2 février 2002.
32 Les oursins auraient subi une mortalité importante, jusqu’à 100 % dans certains endroits.
33 En touchant entre 100 000 et 300 000 oiseaux, la catastrophe de l’Erika aurait été l’une des plus meurtrières pour l’avifaune.
34 Sur cette question, on se reportera à l’étude de FRITZ-LEGENDRE (M.), Biodiversité et irréversibilité, L’irréversibilité, RJE, n° spécial, 1998, p. 79. Le risque d’atteinte à la biodiversité a été particulièrement évoqué lors de l’échouement du cargo équatorien Jessica au large des îles des Galapagos. Ce navire ravitaillait les Îles en carburant et transportait plus de 800 tonnes de gasoil et de fioul lourd. Trésor mondial de la faune et de la flore marines, cet archipel sorti de l’océan lors des éruptions volcaniques il y a 10 millions d’années, abrite notamment 10 000 galapagos (tortues géantes, une myriade d’iguanes marins ou terrestres, 60 000 lions de mer). Le Télégramme 22 janvier 2001.
35 FRANCOUAL (M.), Marée noire de l’Erika : un impact local et réversible, Le Marin du 15 février 2002, p. 4.
36 International Tanker Owner Pollution federation.
37 V. en ce sens, Les rapports du Sénat, Erika : indemniser et prévenir, précit., p. 74. Les experts de l’ITOPF font, en outre, remarquer que « le coût de réimplantation d’oiseaux marins en Bretagne pourrait ainsi être considéré comme non raisonnable, dans la mesure où rien n’obligerait ces oiseaux à rester sur place », dans le même sens, V. Le rapport de l’Assemblée nationale, Après l’Erika, l’urgence précit., p. 242 et suiv.
38 VINEY (G.), Le préjudice écologique, Resp.civ. et assur., mai 1998, n° 5 bis, pp. 6-11.
39 « L’exigence d’un préjudice certain a toujours été entendue avec relativité car la certitude n’est pas de ce monde. Le préjudice certain est en ce sens, le préjudice très vraisemblable, si vraisemblable qu’il mérite d’être pris en considération », in MAZEAUD (H. et L.), Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et contractuelle, t. 1er, 6ème éd. par A.TUNC, 1965, Montchrestien, n° 216.
40 V. en ce sens RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Du droit de détruire, précit., p. 30.
41 Nous reprenons ici l’expression du Professeur M. RÉMOND-GOUILLOUD, Le prix de la nature, D., 1982, p. 33, spéc. p. 34.
42 L’emploi de ce terme se trouve justifié aussi bien dans son sens physiologique où il désigne une disparition progressive après dégénérescence le plus souvent d’une substance, que dans son sens figuratif où il désigne une suppression graduelle d’un phénomène nuisible. Définition extraite du dictionnaire alphabétique du droit français, Le nouveau Petit Robert.
43 V. en ce sens les observations de HUGLO (C.), La réparation du dommage écologique au milieu marin à travers deux expériences judiciaires : les affaires Montedison et Amoco Cadiz, Gaz. Pal. du 11 août 1992 p. 582, spéc. p. 588.
44 V. en ce sens WILKINSON (D.), Moving the boundaries of compensable environmental damage caused by marine oil spills: the effect of the two new international Protocols, Journal of environmental Law, Vol. 5. n° 1, 1993, p. 71, spéc. p. 90. Selon cet auteur, retenir une telle conception serait renoncer à une possibilité d’incitation à la prévention.
45 Sur cette question V. VINEY (G.) et JOURDAIN (G.), Traité de droit civil, sous le direction de J. GHESTIN, Les effets de la responsabilité, LGDJ, 2ème éd., 2001, spéc. n° 108.
46 Nous reprenons ici le titre de l’étude du professeur R. ENCINAS DE MUNAGORRI publiée à la RTD Civ. 1998 p. 247.
47 Le Professeur A. VIALARD rappelait que « les scientifiques ont montré que les protéines du pétrole pouvaient tout à fait convenir à l’engraissement des crustacés. C’est ainsi que l’on aurait enregistré un accroissement de la taille des crabes tourteaux sur la côte septentrionale de Bretagne dans les années qui ont suivi le naufrage de l’Amoco Cadiz ».
48 V. en ce sens les déclarations de M. F. MERLIN chimiste au CEDRE. citées par FRANCOUAL (M.), Marée noire de l’Erika : un impact local et réversible, Le Marin du 15 février 2002 p. 4, spéc. p. 4
49 Nous reprenons ici de la définition du Professeur M. PRIEUR, L’irréversibilité de la gestion des déchets radioactifs dans la loi du 30 décembre 1991, L’irréversibilité, RJE n° spécial, 1998 p. 125. Le Professeur M. RÉMOND-GOUILLOUD considère, pour sa part, que les effets d’un dommage s’étalant sur plusieurs décennies peuvent être assimilés à un mal irréversible, Du droit de détruire, précit., p. 219
50 Le Professeur N. DE SADELEER se demande si l’irréversibilité ne fait pas obstacle à l’application du Principe du pollueur-payeur. Plus précisément il se se demande s’il est encore raisonnable d’exiger du pollueur qu’il indemnise les pouvoirs publics alors que ces derniers ne seront plus en mesure de réparer le dommage. L’auteur conclut que le principe bute à nouveau sur une impasse. in Les principes du pollueur-payeur, de prévention, et de précaution, in Essai sur la génèse et la portée juridique de quelques principes du droit de l’environnement, Bruylant, Bruxelles, 1999, préf. F. Ost, spéc. p. 79.
51 Sur cette question V. BEDERMAN (D.J.), Dead in the Water: international Law, Diplomacy and compensation for Chemical pollution at sea, Virginia Journal of International Law. [Vol 26.2, 1986 pp 485- 514]
52 un des impératifs exprimés par JONAS (H.), Le Principe responsabilité (1979) traduit en 1990, éd. du Cerf.
53 GUÉGAN (A.), L’apport du principe de précaution au droit de la responsabilité civile, RJE 2/ 2000, p. 147.
54 V. en ce sens SOCHA (B.), La fonction économique de la responsabilité environnementale, Eléments de réflexion pour une adaptation de la responsabilité environnementale à la réparation du dommage écologique, AFDEA 2003, p. 167.
55 LE GRAND (J.F.), Transport maritime : plus de sécurité pour une mer et un littoral plus propres, Les Rapports du Sénat-1993-1994, n° 500, p. 121-122.
56 LE CORRE (L.), Marée noire de l’Erika : vers une réparation du préjudice écologique ? Droit de l’environnement, 2002, n° 97, p. 91, spéc. p. 92.
57 MASSON (M.), Civil liability for oil pollution damage: examining the evolving scope for environemental compensation in the international regime. Marine Policy 27 (2003) 1-12; spéc. p. 9.
58 WU (C.), La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures- Responsabilité et indemnisation des dommages, précit., p. 214.
59 Pour une approche de cette notion en droit de l’environnement V. UNTERMAIER (J.), De la compensation comme principe général du droit et l’implantation de télésièges en sites classés, RJE, 1986, n° 4/ p. 399 spéc. p. 399-407.
60 CABALLERO (F.), Essai sur la notion juridique de nuisance, Bibl. dr. pub. LGDJ, tome 140, LGDJ, 1981, p. 293.
61 Préface de la thèse de GIROD (P.), La réparation du préjudice écologique, Paris LGDJ, 1974.
62 Tribunal de Grande Instance de Bastia, 8 déc.1976, D.S, 1977, note RÉMOND-GOUILLOUD (M.) p. 430.
63 GUÉGAN (A.), L’apport du principe de précaution au droit de la responsabilité civile, RJE 2000, p. 147, spéc. p. 166.
64 V. en ce sens les observations du Professeur P. WETTERSTEIN, A proprietary or possesory: a conditio sine qua non for claiming damages for environmental impairment?, in Harm to the Environment: the right to compensation and the assessment of damages, Ed. par P. Wetterstein 1997, p. 29.
65 RÉMOND -GOUILLOUD (M.), Ressources naturelles et choses sans maître, D. 85 p. 27.
66 VINEY (G.), Le préjudice écologique, précit., spéc. p. 8.
67 STONES (Ch.), Should trees have standing, Southern California Law Review, 1972, Vol. n° 45 n° 2.
68 M. Ch. HUGLO résume en ces termes ladite thèse : le postulat de départ repose sur le constat qu’il existe une opposition entre progrès, développement et environnement. Il s’en suit que parce que l’homme a failli à sa mission de conserver le patrimoine planétaire, il ne doit plus avoir seul la qualité de sujet de droit. Dès lors c’est tout naturellement qu’il convient d’octroyer aux arbres le droit d’ester en justice, in Vers la reconnaissance d’un droit de la nature à réparation ? Eléments de réflexion sur la problématique posée et appréciation critique, LPA, n° 117, p. 15.
69 V. en sens VINEY (G.), Le préjudice écologique, précit., p. 8.
70 On notera, toutefois, que le montant total des frais de remise en état ne sera connu qu’après l’achèvement des travaux.
71 V. en ce sens, RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Le prix de la nature, A propos de l’affaire du Zoe Colocotroni, D., 1982 p. 33, spéc. p. 34.
72 MARTIN (G. J.), Le dommage écologique, Rapport PIREN, 1989 p. 29
73 V. Ch. réun., 15 juin 1833, S. 331-458. V. PLANIOL et RIPERT, Traité prat.de droit civil français, 6 è éd. par ESMEIN, n° 546 Comp. à propos de l’évaluation de la chose, cité par M. RÉMOND-GOUILLOUD, Le prix de la nature, A propos de l’affaire du Zoe Colocotroni. D. 1982, p. 34.
74 VIALARD (A.), Faut-il réformer le régime d’indemnisation des dommages de pollution par hydrocarbures ?, précit., p. 445.
75 ROUJOU DE BOUBÉE (M.-E.), Essai sur la notion de réparation, précit., p. 443.
76 ibid. p. 98.
77 SMETS (H.), Considérations économiques relatives à la fixation des plafonds de responsabilité et d’indemnisation pour les marées noires, JMM du 2 février 1984, p. 230.
78 VINEY (G.), Le déclin de la responsabilité individuelle, thèse précit., p. 88.
79 RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Les fonds d’indemnisation (collectivisation du risque), précit.,spéc.,p.312 ; V. aussi SMETS (H.), Considérations économiques relatives à la fixation des plafonds de responsabilité et d’indemnisation pour les marées noires, précit.
80 RÉMOND-GOUILLOUD (M.), ibid.
81 V. en ce sens, RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Droit maritime, précit., spéc. n° 417.
82 PIERRE (Ph.), Vers un droit des accidents. Contribution à l’étude du report de la responsabilité civile sur l’assurance privée. Thèse Rennes, 1992.
83 En présence de dommages catastrophiques, le plafond d’indemnisation du FIPOL est systématiquement dépassé. Ainsi l’a t-il été à hauteur de 60 % pour le Tanio en France, à hauteur de 10 % pour le Haven en Espagne, à hauteur de 100 % pour l’Agean Sea en Espagne, à hauteur de 160 % pour l’Erika.
84 De l’Erika au Prestige : la mer de tous les vices, Rapport précit, tome 1- 2003 p. 42-43.
85 V. nos développements sur ce point supra, JAROSSON (C.), Les concessions réciproques dans la transaction, D., 1997 pp. 267-273
86 E. Landrain (Président) C. Priou (Rapporteur), De l’Erika au Prestige : la mer de tous les vices, Rapport Assemblée nationale n° 1018 tome 1- 2003, spéc. p. 86. Le choix du taux a été effectué par les quinze États membres du Comité exécutif, sur proposition technique de l’administrateur.
87 A elles seules les créances de l’État espagnol étaient estimées à 700 millions d’euros, sans même compter les frais concernant le traitement de l’épave.
88 RADÉ (Ch.), Le principe de précaution, une nouvelle éthique de la responsabilité, Le principe de précaution, n° spécial, R..J.E, 2000, p. 75.
89 VIALARD (A.), Faut-il réformer le régime d’indemnisation des dommages de pollution par hydrocarbures ?, précit., p. 441.
90 De l’Erika au Prestige : la mer de tous les vices, Rapport précit., tome 1, 2003 spéc. p. 83. « Après cette nouvelle catastrophe maritime, les populations littorales voient leur environnement souillé par un produit particulièrement polluant, le fioul et ont le sentiment d’être victimes d’un système de transport dérégulé, dont les opérateurs mal identifiés tirent des profits considérables, sans assumer a posteriori leurs responsabilités. Sentiment légitime de profonde injustice, cette nouvelle catastrophe apparaît d’autant plus inadmissible qu’elle intervient moins de 3 ans après le naufrage de l’Erika.
91 ROUJOU DE BOUBÉE (M.-E.), Essai sur la notion de réparation, LGDJ 1974, bibl.dr.privé, t. 135, p. 341 et s.
92 COUTANT-LAPALUS (I.), Le principe de réparation intégrale en droit privé, Préf. F. Pollaud-Dullian, PUAM, Faculté de Droit et de science politique, 2002, spéc. p. 85.
93 MIKALEF-TOUDIC (V.), Réflexions critiques sur les systèmes spéciaux de responsabilité et d’indemnisation, RGDA, 2001, p. 268.
94 Art. 3 visant les dommages résultant de l’atteinte à la personne des victimes autres que les conducteurs, Art. 5 relatif aux dommages aux biens.
95 On notera que la Directive relative aux produits défectueux du 25 juillet 1985 prévoit la possibilité pour les États d’introduire à titre dérogatoire des limitations, à condition toutefois que celles-ci soient fixées à un niveau suffisamment élevé afin de garantir une protection adéquate du consommateur.
96 HARDY (J.), La création d’un fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, JCP E 2001, p. 605.
97 V. en ce sens GARNIER (R.), Les fonds publics de socialisation des risques, JCP, 2003, p. 1133, spéc. p. 1138.
98 FC, art. 4 § 2 ( a) - SNPD: art. 14 § 3.
99 V. en ce sens WU (Ch.), La Convention internationale du 3 mai 1996 sur la responsabilité et l’indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses, AFDI, 1997 p. 728, spéc. p. 745.
100 V. en ce sens RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Du droit de détruire, essai sur le droit de l’environnement. Précit., p. 177.
101 L’hypothèse de pluralité de navires concerne les cas d’abordage.
102 V. en ce sens WU (Ch.), La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures-Responsabilité et indemnisation des dommages, précit., p. 105.
103 BONASSIES (P.), La Convention internationale sur la responsabilité et l’indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses, précit., spéc. p. 195.
104 V. en ce sens LAPOYADE-DESCHAMPS (Ch.), La responsabilité de la victime, préf. A. Tunc Thèse Bordeaux 1977.
105 FC art. 4§ 3- SNPD art. 14 § 4.
106 Cf. nos développements infra. sur la responsabilité des États. n° .1417
107 RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Les fonds d’indemnisation, précit., spéc. p. 314.
108 F.C, art. 15, § 1, § 2.
109 D.O, 1971, LEG/ CONF.2 / C.1 SR. 13, p. 417.
110 F.C, art. 10.
111 F.C, art. 14, § 5.
112 F.C, art. 13.
113 F.C, art. 15 § 3.
114 MORIN (M.), Les rapports entre droit international public et droits internes : l’exemple du FIPOL, DMF, 1997, p. 325.
115 29,2 % en 1991.
116 RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Quel avenir pour les Conventions de Bruxelles sur l’indemnisation des marées noires ?, DMF, 1993, p. 260, spéc. p. 271.
117 Protocole de 1984 à la FC, art. 15.
118 Protocole de 1984 à la FC, art. 16.
119 Les États-membres sont essentiellement créanciers du FIPOL au titre des mesures de sauvegarde ou de nettoyage.
120 L’État espagnol a décidé de verser aux marins et pêcheurs de coquillages une aide de 40 euros par jour. Une femme de pêcheur indique que son mari ne gagnait pas plus de 180 euros pendant les mois d’hiver. Quelle serait l’attitude du FIPOL si l’État espagnol en demandait le remboursement en qualité de subrogé des victimes ? OF 15-16 nov. 2003.
121 MORIN (M.), Les rapports entre droit international public et droits internes : l’exemple du FIPOL, précit., spéc. p. 334.
122 V. nos développements sur le Protocole portant création d’un fonds supplémentaire n° 904.
123 Coutume de Bretagne, art. 266 ; Chap. 3. A « De transatione mirifice pugnatur in scholis ».
124 V. JAROSSON (C.), Les concessions réciproques dans les transactions, D. 1997 pp 267-273. spéc. p. 269 V. not. Civ. 1 ère, 3 mai 2000. Bull. civ. I, n° 130.
125 Cass. soc., 17 mars 1982, Bull. civ. V, n° 180.
126 COULON (J.-M.) et FRISON-ROCHE (M.-A.), Le droit d’accès à la justice, in Libertés et droits fondamentaux, sous la Direction de R. Cabrillac/ M-A Frison-Roche/T. Revet Dalloz 2001, 7ème édition n° 1566-1574.
127 Après l’Erika, l’urgence, Tome 1, Rapport précit., spéc. p. 228
128 HAY (J.), THÉBAUD (O.), PERRIER (I.), Coûts de transactions et indemnisation des dommages par pollution : résultats d’une enquête menée après l’accident de l’Erika, Colloque CEDRE Les leçons techniques de l’Erika et des autres accidents, Brest, 13, 16 mars 2002. Ladite enquête a été menée en juin 2001 auprès de la population belliloise dans le cadre d’un programme de recherche mené en collaboration par le Service d’Economie maritime de l’IFREMER et le Centre de Droit et d’Economie de la Mer avec le soutien du Programme national d’Environnement côtier de la Région Bretagne.
129 COASE, (R.H), The nature of the firm, Economica, IV novembre, 386-405.
130 Dans l’enquête susmentionnée, ce motif a été invoqué par 12 % des répondants.
131 HAY (J.) THÉBAUD (O.), Evaluation économique et indemnisation des dommages causés par les marées noires : enseignements tirés du cas de l’Amoco Cadiz, Economie appliquée, n° 4, 2002, pp 159-195.
132 V. HARTJE (J.), Oil pollution caused by tankers : liability versus regulation, Natural Ressources Journal, Vol. 24, janvier 2004 p. 41.
133 PÉDROT (Ph.), Les droits fondamentaux spécifiques au procès civil, in Libertés et droits fondamentaux, sous la Direction de R. Cabrillac/ M-A Frison-Roche/T. Revet Dalloz 2001, 7ème édition n° 6651à6724 spéc. 6699. Le principe du contradictoire est prévu par le Nouveau Code de procédure civile français aux articles 14 à 17.
134 V. not. PETITI (L.), Les droits de l’homme et à l’accès à la justice, RIDH, 1900, p. 25 et NORMAND (J.), Le droit à un tribunal impartial devant les juridictions de l’ordre judiciaire (art.6-1 CEDH) et la composition des juridictions, RTD civ. 1993, p. 874 s.
135 V. nos développements infra
136 QUILICHINI (P.), Réguler n’est pas juger. Réflexions sur la nature du pouvoir de sanction économique, AJDA, 2004, p. 1060, spéc. p. 1061.
137 ISRAEL (J.-J.), Lettre d’information de la Mission Recherche, Droit et justice avril 2001, p. 8, cité par P. QUILICHINI (P.).
138 L’International Tanker Owners Pollution Federation est un organisme à but non lucratif crée en 1968 afin de gérer TOVALOP, accord volontaire d’indemnisation de l’industrie du pétrole en cas de pollution par les hydrocarbures. Introduit en 1969, le plan TOVALOP a été une mesure provisoire dans l’attente de la mise en place de la Convention de 1971 portant création du Fonds. TOVALOP a été dissous le 30 mai 1996, avec l’entrée en vigueur du Protocole de 1992. Depuis le milieu des années 1970, l’ITOPF assure un ensemble de services techniques et notamment l’évaluation des dommages et analyse des demandes d’indemnisation. Organisme non commercial, l’ITOPF est financé par les cotisations annuelles de ses membres, armateurs, par l’intermédiaire des P &I Clubs leurs assureurs-responsabilité civile. Aussi, et quoi qu’elle s’en défende par la voix de son directeur, Monsieur Ian WHITE, on peut légitimement douter que son mode de financement puisse faire d’elle une organisation totalement indépendante. Pour une présentation plus exhaustive de l’ITOPF V. le rapport rédigé par M. I. WHITE, Exposé à l’attention de la mission d’information du Sénat au nom de l’ITOPF, in Erika : indemniser et prévenir, précit., spéc. p. 106.
139 SOHMEN, (H.), Notre rôle de conseiller, in Les fonds internationaux d’indemnisation pour les dommages, 2003 pp. 97-100. spéc. p. 97 Le Président de l’ITOPF précise que les conseils techniques sont prodigués à titre gratuit par l’ITOPF. Entretien du rapporteur avec MM.G. GREENWOOD, chairman, D.J.L WATKINS, secretary and executive officer de l’International Group of P&I Clubs, C. HAVERF, director de P&I Clubs- West of London, I. WHITE, directeur, et C. LAVIGNE, biologiste marin d’International Tanker Owner Pollution Federation (ITOPF) extraits du Procès -verbal de la séance du 19 avril 2000, p. 118
140 RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Du droit de détruire, op. cit. p. 188.
141 Ibid. spéc. p. 243.
142 Ibid., spéc. p. 378.
143 CROCQ (P.), Le droit à un tribunal impartial, in Libertés et droits fondamentaux, sous la Direction de R. Cabrillac/M-A. Frison-Roche/T. Revet Dalloz 2001, 7ème édition, n° 2595 à 2623
144 Pour un aperçu des jugements qui ont été prononcés par les tribunaux français contre le Fonds de 1992 dans le cadre de l’Erika, nous renvoyons au Rapport annuel 2004 du FIPOL. p. 81.
145 CLC art. 6 § 1.
146 Ainsi, le tribunal de commerce de Lorient a rappelé à l’occasion d’un jugement rendu à propos de l’Erika qu’il n’était pas lié par les critères d’appréciation du préjudice et de recevabilité des actions indemnitaires fixés par le FIPOL. Le Télégramme du 12 avril 2004. V. CA de Rennes 24 mai 2005 n° 04/00526 FIPOL c/M. GOUZER commenté au DMF 2006 p. 1014.
147 JACOBSSON (M.), Le régime international d’indemnisation des victimes des marées noires en pleine évolution, DMF, 2004, p. 793.
148 V. par exemple en ce sens le jugement rendu en novembre 2004 par le tribunal de commerce de Nantes à propos d’une demande d’indemnisation au titre du préjudice économique pur dans lequel raison a été donnée au fonds au motif que la demande d’indemnisation ne répondait pas aux critères de ce dernier, notamment en ce qui concernait la distance entre les pertes alléguées et le déversement d’hydrocarbures de l’Erika, in Rapport annuel du FIPOL 2004, spéc. p. 84
149 CA de Rennes (2ème Ch.Com.) 25 mai 2004, navire Erika, DMF, 2005, p. 529.
150 La Cour d’appel de Rennes considère que le FIPOL ne saurait se prévaloir d’un statut comparable à celui des organisations internationales comme les Nations-Unies ou l’Union européenne.
151 Article 5 de la Constitution française.
152 BONASSIES (P.), Le droit positif en 2004, DMF, 2005, Hors-série n° 9, p. 22
153 Ainsi ces critères peuvent aider les juridictions nationales à apprécier le lien de causalité, V. en ce sens un arrêt de la Court of appeal du 7 février 2003 où la notion de proximité, entre la demande et le lieu du sinistre, telle que dégagée par le FIPOL a été prise en compte pour rejeter la demande présentée par un négociant en bulots qui avait cessé d’être approvisionné par les pêcheurs, The Sea Empress, Llyod’s Law Reports, 2003,1, 327.
154 CA de Rennes (2ème Ch.com.) 25 mai 2004, navire Erika, précit., p. 533. On notera que cette position a été réitérée dans l’affaire du naufrage du Sea Empress (Pays de Galles, 1993).
155 En l’occurence s’agissant du droit français, il s’agira d’apprécier l’existence du dommage et la preuve d’un lien de causalité suffisant entre l’événement et le dommage.
156 V. en ce sens MORIN (M.), Les rapports entre droit international public et droits internes : l’exemple du FIPOL, précit., spéc. p. 325.
157 MORIN (M.), ibid., p. 325. On aurait pu imaginer que l’affaire puisse être portée devant un Tribunal international dont les règles auraient été fixées au regard d’intérêts communs dégagés par les tribunaux des États-parties.
158 V. en ce sens DE LA RUE (C.) and ANDERSON (C.B.), Shipping and the environment-Law and practice, précit., p. 384.
159 Erika : indemniser et prévenir, précit., p. 117.
160 Rappel à l’ordre.
161 LEDUC (F.), L’œuvre du législateur moderne : vices et vertus des régimes spéciaux, Resp. civ. et assur., Hors-série juin 2001, p. 507.
162 V. Rapport annuel FIPOL 2004, p. 40.
163 Monsieur Mans Jacobsson, administrateur du FIPOL interrogé dans le cadre de la Commission d’enquête sur l’application des mesures préconisées en matière de sécurité du transport maritime des produits dangereux ou polluants et l’évaluation de leur efficacité, n’a pas manqué de souligner le caractère insatisfaisant du caractère facultatif du nouvel instrument in De l’Erika au Prestige : la mer de tous les vices, précit., Vol. 2, Compte-rendu de l’entretien de M. Jacobsson, Administrateur du FIPOL, Londres 22 mai 2003 pp 421-427, spéc. p. 425.
164 Un décret du 16 juin 2005 (D. n° 2005-689) comporte ratification par la France et publication du Protocole de 2003 à la Convention 1971-1992 portant création du FIPOL, protocole prévoyant la mise en place d’un fonds complémentaire, cf.. BONASSIES (P.) et DELEBECQUE (Ph.), Le droit positif, DMF hors-série n° 9, p. 7, n° 1. Une décision du Conseil de l’Union européenne du 2 mars 2004 (JOCE L 78 du 16 mars 2004) a autorisé les États membres à ratifier le Protocole de 2003 à la Convention de 1992 portant création du FIPOL.
165 On notera que le Protocole de 2003 renvoie au texte de la Convention de 1992. Ainsi l’article 6 dudit Protocole renvoie aux dispositions de l’article 6 de la Convention de 1992 pour ce qui est de l’extinction des droits à réparation (défaut d’action intentée dans un délai de trois ans ou écoulement d’un délai de six ans à compter de la date de l’événement ayant causé le dommage. Le Protocole à l’instar de la Convention de 1992 fixe un plafond aux contributions dues par les contribuables d’un seul État. Ce plafond est fixé à 20 % par le Protocole contre 27,5 % par la Convention de 1992. Il correspond approximativement au montant des importations du plus gros contributeur au FIPOL, à savoir le Japon.
166 On notera que la proposition tendant à la création d’un fonds complémentaire a été formulée au lendemain de la catastrophe de l’Erika par la Commission européenne, dans sa communication du 3 mars 2000 au Parlement européen et au Conseil sur la sécurité maritime du transport pétrolier. Conscientes de la faiblesse de l’indemnisation offerte aux victimes, les instances européennes ont évoqué la possibilité de créer un troisième niveau sous la forme d’un fonds européen, dénommé Fonds COPE. Ce dernier aurait servi à dédommager les victimes de marées noires survenues dans les eaux européennes. Ce retour à la scène internationale après un détour par la scène régionale n’est pas en soi une mauvaise chose. Ainsi que n’ont pas manqué de le souligner certains auteurs, l’indemnisation en présence de pollutions majeures gagne à être envisagée dans un cadre universel, car il faut une « base suffisante pour lever les fonds nécessaires en cas de sinistres majeurs. Et, à l’évidence, une base européenne était trop étroite » Cf. Audition de Mme Martine RÉMOND-GOUILLOUD, in LEGRAND (J.-F.), Transport maritime : plus de sécurité pour une mer et un littoral plus propres, précit., p. 210
167 Propos rapportés au DMF, 2003, par MÉRIBEL (S.) p. 449.
168 DU PONTAVICE (E.), L’apport du procès de l’Amoco-Cadiz, in Droit de l’environnement marin, op. cit p. 273, spéc. p. 289 ; V. aussi en ce sens SMETS (H.), Accroissement de la responsabilité financière des propriétaires de pétroliers en cas de marée noire, JMM, 26 avril 1984, p. 836 et s.
169 RÉMOND GOUILLOUD (M.), Le risque catastrophe, JMM du 12 janv. 1990, p. 79.
170 Cette procédure de relèvement des seuils a été améliorée par le Protocole de 1992. V. en ce sens WU (C.), La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures-Responsabilité et indemnisation des dommages » spéc. p. 213.
171 Chiffres cités par VANHEULE (B.), Oil compensation : The International liability and compensation Regime, DET, 2003, p. 547, spéc. p. 567.
172 soit 750 millions de DTS, un peu moins de 6 milliards de francs. On notera que la catastrophe de l’Erika avait été évaluée à 6 milliards par un cabinet d’études V. en ce sens, SIMON (P.), Erika : la marée noire vaut 6 millards, Le Marin, n ° 2794, 26 janvier 2001.
173 SCHUDA (R.), The International Maritime Organization and the Draft Convention on liability and compensation in connection with the carriage of the Hazardous and Noxious Subtances: an update on recent activity, University of Miami Law Review 1992, p. 1009.
174 Cf. le préambule du Fonds international complémentaire de 2003.
175 LIENHARD (C.), Pour un droit des catastrophes, D. 1995, Chron. p. 91, note 4.
176 V. en ce sens MILLET (F.) La notion de risque et ses fonctions en droit privé, Préf. A. Bénabent et A. Lyon-Caen, LGDJ, Presses Universitaires de la Faculté de Droit de Clermont-Ferrand, 2001, p. 279.
177 Nous reprenons ici la formule employée par Madame le Professeur C. THIBIERGE, Libres propos sur l’évolution du droit de le responsabilité, RTD. civ. 1999, p. 566.
178 CARBONNIER (J.), Droit civil-Les obligations, t. 4, PUF, coll. « Thémis », 23ème éd., 2001, spéc. n° 203. On notera que cette théorie du grand risque existe déja depuis longtemps en droit des assurances.
179 RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Le risque catastrophe, précit., p. 80.
180 LIENHARD (C.), Pour un droit des catastrophes, D. 1995, Chron. p. 91, note 4.
181 MILLET (F.), La notion de risque et ses fonctions en droit privé, op.cit. n° 473 et s.
182 Nous reprenons ici partiellement le titre de la chronique du Professeur C. LARROUMET, L’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation : l’amalgame de la responsabilité civile et de l’indemnisation automatique, D, 1985, p. 237.
183 Fonds complémentaire : Art. 10.
184 La délégation française, dans le cadre des discussions qui ont précédé l’adoption du fonds complémentaire, avait proposé d’associer le propriétaire de navire selon un pourcentage. FIPOL 92FUND/WGR.3/14/ 4- 10 janvier 2003. Examen du régime international d’indemnisation, De la responsabilité du propriétaire de navire, de ses conséquences et de la définition de l’obligation financière du propriétaire, Document présenté par la délégation française.
185 Fonds complémentaire : art. 10.
186 V. en ce sens, VANHEULE (B.), Oil compensation : The International liability and compensation Regime, précit., spéc. p. 571.
187 Fonds complémentaire : Article 13 et 14.
188 V. également en ce sens les observations du Professeur J.-P. BEURRIER qui évoque une résolution partielle des problèmes in La sécurité maritime et la protection de l’environnement : évolutions et limites, DMF, 2004, p. 99.
189 souligné par nous.
190 Cf. JACOBSSON (M.), Le régime international d’indemnisation des victimes des marées noires en pleine évolution, DMF, 2004, p. 793, spéc. p. 800.
191 « La pollution de l’eau [...] pose des problèmes de caractère international réclamant à la fois la coopération des États et celle des juristes, des savants et des techniciens, et intéressant toutes les branches du droit. L’étude et plus encore la solution d’un tel problème font normalement appel à l’universalisme ». ANCEL (M.), Utilité et méthode du droit comparé, 1971, p. 72 cité par. PRIEUR (M.), Droit de l’environnement n° 19.
192 V. en ce sens DU PONTAVICE (E.), La pollution des mers par les hydrocarbures (à propos de l’affaire du Torrey Canyon), préf. M. de Juglart, LGDJ 1968, n° 39, p. 39.
193 Ils l’ont fait de façon ponctuelle et donc exceptionnelle. Ainsi dans l’affaire de l’Erika, le volontariat de l’État et de l’affréteur participent de la résolution du litige. S’agissant du Canada, la participation de l’État à la réparation est institutionnalisée sous la forme d’une caisse d’indemnisation des pollutions de navire. L’affaire du Prestige pourrait bien avoir sonné le glas de cette politique volontariste...
194 La Convention des Nations-Unies sur le Droit de la mer de 1982, communément appelée Constitution des Océans, consacre des dispositions à la responsabilité en cas de dommage. Dans l’article 235 de la section 9 de la partie XII, elle énonce qu’« il incombe aux États de veiller à l’accomplissement de leurs obligations internationales en ce qui concerne la protection et la préservation du milieu marin. A ce titre les États sont responsables au titre du droit commun » (alinéa 1). La Convention poursuit « les États veillent à ce que leur droit interne offre des voies de recours permettant d’obtenir une indemnisation rapide et adéquate ou autre réparation des dommages résultant de la pollution du milieu marin par des personnes physiques ou morales relevant de leur juridiction » (alinéa 2). Pour de plus amples développements sur cette question V. CORELL (H.) ; Le droit de la mer et les FIPOL, p. 33, in les FIPOL : 25 années d’indemnisation des victimes des sinistres liés à la pollution par les hydrocarbures, 2003.
195 V. GOLDIE (J.), Liability for damage and the progressive development of international law ICLQ (1965), 1189 et suiv; V. aussi KELSON (P.), State responsability and abnormally dangerous activities, HILJ 1972, 203.
196 sur cette affaire V. not. DUROUSEAU (M.), L’affaire Sandoz et la pollution transfrontalière du Rhin de novembre 1986, in le dommage écologique en droit interne communautaire et comparé, précit., spéc. p. 211.
197 Il existe une seule exception à cette règle de non-responsabilité de l’État en matière spatiale. V. CHRISTOL (A.), International liability for damage caused by space Objects, AIJL, 1980, 346.
198 La coutume appelée à jouer un rôle en droit international public n’acquiert une force contraignante qu’en présence d’une pratique suffisante.
199 V. EWALD (F.), L’État-Providence, Grasset, 1986.
200 COPPOLANI (C.), Une période de transition, in Les FIPOL : 25 années d’indemnisation des victimes des sinistres liés à la pollution par les hydrocarbures, précit., p. 69, spéc. p. 70. Monsieur C. COPPOLANI observe à cet égard qu’à l’occasion du sinistre Tanio « dans la tradition de l’État-Providence, l’État français avait mis en place des commissions d’indemnisation qui avaient directement traité les dossiers d’un grand nombre de victimes. Au début des années 90, le rôle de l’État avait évolué. Le FIPOL est désormais laissé seul face aux nombreuses victimes.
201 COPPOLANI (C.), Une période de transition, in Les FIPOL : 25 années d’indemnisation des victimes des sinistres liés à la pollution par les hydrocarbures, précit., p. 69, spéc. p. 70.
202 Ainsi dans l’affaire de l’Aegean Sea, l’État est-il déclaré co-responsable.
203 On notera, toutefois, la participation active des États quand il s’agit de parvenir à une entente amiable avec le FIPOL. V. en ce sens l’affaire du Tanio, ou encore l’affaire du Haven.
204 Le Professeur RIGAUX de noter que même lorsqu’on assiste à la concentration de toute la responsabilité sur une seule personne, à l’exclusion de toute autre, l’État dont procède l’exploitant demeure responsable, in Le droit international privé face au droit international public, RGDIP, 1976, pp. 261-299.
205 GIROD (P.), La réparation du dommage écologique, Paris LGDJ, 1974, p. 267.
206 DUPUY (P.-M.), La responsabilité internationale des États pour les dommages d’origine technnologique et industrielle, Pédone, 1976, pp. 98-140
207 Sur les problèmes d’imputation en présence d’activités nucléaires militaires mais aussi civiles, V. CONDORELLI (L.), L’imputation à l’État d’un fait internationalement illicite : solutions classiques et nouvelles tendances, RCADI, 1984, p. 134.
208 Sur cette obligation V. KISS (A.), Activités scientifiques et techniques et devoir d’information en droit international, in Droits et libertés à la fin du xxème siècle, Etudes offertes à C. A Coliard, 1984.
209 Cf. le texte de la déclaration adoptée par le sommet de sept pays occidentaux les plus industrialisés (Tokyo, 5 mai 1986), ILM, 1005-5 cité par P. M DUPUY. ibid.
210 V. en ce sens POLITI (M.), International and Civil liability for nuclear damage ; some recent developments of State Practice, in La réparation des dommages catastrophiques, Travaux des XII èmes journées d’études juridiques, Jean Dabin, Bruylant 1990, p. 319.
211 VINEY (G.), Le déclin de la responsabilité individuelle, précit., n° 358. Le professeur G. VINEY dans sa thèse, prévoyant le caractère catastrophique de ce type de dommages évoquait la possibilité de créer un fonds de garantie international ad hoc. L’écran de la personnalité de l’exploitant devant selon cet auteur céder pour laisser place à une socialisation généralisée.
212 BRUN (Ph). et CLARET (H.), V. Energie nucléaire, Rép. civ. Dalloz, janv. 2000, spéc. p. 18.
213 Art. 15-a.
214 5 millions de DTS.
215 Art. 15-b.
216 CLC, art. 3 -b, ii).
217 article 12-a, i. Ainsi que le note le Professeur M. PRIEUR, in Droit de l’environnement, précit.,« Les chiffres ont été fixés non pas en fonction de la réalité du risque nucléaire mais en raison des capacités financières des pays » p. 882, n° 987.
218 art. 12 a. iii.
219 Publié par le Déc. n° 94-308 du 14 avril 1994.
220 V. en ce sens les contributions au Symposium de Budapest consacré à la Réforme de la responsabilité civile nucléaire de 1999. Publications de OCDE/AEN.
221 1 400 MF.
222 Soit 2 400 MF, montant cité par DURAND (B.) L’assurance du risque nucléaire, inédit.
223 CHAPUISAT (F.), Le juge, l’assureur de responsabilité civile et les fonds d’indemnisation, RGAT, 1992, p. 787.
224 V. en ce sens, le chapitre consacré à la gestion de la crise du Prestige par l’administration française in De l’Erika au Prestige : la mer de tous les vices, précit., p. 43 et suiv.
225 GIROD (P.), La réparation du dommage écologique, précit., p. 267.
226 PARLY (F.) in Après l’Erika, l’urgence, précit, Tome II, Auditions-volume spéc p. 242.
227 Erika : indemniser et prévenir, Rapport précit.,spéc. p. 46.
228 Au taux 1, 5 % l’an, dont le financement est assuré par la Caisse des dépôts.
229 Les dommages non assurables subis par les conchyliculteurs ont été indemnisés au titre des calamités agricoles dans le cadre d’une procédure accélérée.
230 Erika : indemniser et prévenir, précit., p. 46. Ces aides pourraient être remises en cause par la Commission européenne. V. Le Marin du 30 juillet 2004. à propos de la demande de restitution des subventions versées aux pêcheurs et aux conchyliculteurs. « Dans le Journal officiel de Communautés Européennes du 19 mars 2005, la Commission européenne faisait obligation au gouvernement français de récupérer les 20 millions d’euros d’exonérations de charges octroyées à titre de dédommagement après le naufrage de l’Erika », in COSQUERIC (R.), Erika : les pêcheurs devraient rembourser, OF. du 24 mars 2005.
231 V. en ce sens LE COUVIOUR (K.), Des navires abandonnés à la prise en charge des travaux de lutte par le pollueur lui- même : exemple du Franz Hals, du Peter Sif, du Konemu et du Fénès. Les journées d’information du CEDRE, L’indemnisation des pollutions accidentelles des eaux, Centre de conférences du Ministère de l’Economie et des Finances, Paris, 16 novembre 1998.
232 CHAUVEAU (P.), La pollution des mers par les hydrocarbures, précit., spéc. p. 192.
233 V. en ce sens CABALLERO (F.), Essai sur la notion juridique de nuisances, précit., n° 267-277.
234 V. sur ce point PRIEUR (M.), Droit de l’environnement, n° 162. La fiscalité de l’environnement contribue sous des appellations diverses (Taxe, redevance, taxe parafiscale) à faire peser sur le pollueur un prélèvement obligatoire décidé par les pouvoirs publics et utilisé plus ou moins directement par ceux-ci pour restaurer ou contrôler l’environnement. On citera notamment s’agissant de la France la redevance de pollution perçue au profit des agences financières de bassin (Loi du 16 déc. 1964), la taxe unique et redevance annuelle perçue sur les installations classées (art. 17, loi du 19 juillet 1976). Ces taxes depuis le 1 er janvier 1999 ont été transformées en une taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), Sur les questions de fiscalité environnementale V. not. HERTZOG (R.), La fiscalité de l’environnement, notion état du droit positif en France, Année de l’environnement, PUF 1984, V. aussi BRICQ (N.), Pour un développement durable : une fiscalité au service de l’environnement, Rapport d’information, Ass. nationale, n° 1000, 23 juin 1998.
235 Cf. DUPUY (P.-M.), L’État et la réparation des dommages catastrophiques in International responsability for environmental harm, F. Francioni, T. Scovazzi, International Environmental Law & Policy series, Graham & Trotman/Martinus Nijhoff, 1991.
236 De l’Erika au Prestige : la mer de tous les vices, précit., spéc. p. 318.
237 On notera que dans le cadre de la gestion de la crise du Prestige, l’État français a mis un dispositif administratif innovant pour financer les opérations de lutte contre la pollution menées par les communes, lequel s’est avéré très efficace. Alors que les premiers crédits débloqués avaient été mis à la disposition des préfets de départements, le Ministère des finances a décidé de déléguer, à partir du 20 février 2003, les crédits du fonds d’intervention POLMAR au Préfet de zone, et non aux Préfets de départements, de façon à raccourcir la procédure. La centralisation des crédits au niveau zonale a été obtenue à la demande de la préfecture de zone qui constatait que le règlement des dépenses était jugé trop lent par les communes. La mise en place de ce dispositif a permis un remboursement plus rapide des collectivités locales, souvent dans des délais de 24 à 48 heures. Dès lors, la simplification des procédures administratives et comptables devrait être poursuivie et consolidée. V. De l’Erika au Prestige : la mer de tous les vices, précit., p. 70 et suiv.
238 Le Monde du 11 déc. 2002.
239 CLC -art. III -4
240 Celle-ci étant appelée à s’effacer, rappelons-le, en présence d’une faute inexcusable.
241 HUGLO (C.), A propos de l’insécurité maritime, La lettre du Juris-Classeur de l’Environnement, décembre 2000, p. 1.
242 V. en ce sens, Erika : indemniser et prévenir, rap précit., p. 54 et s.
243 V. en ce sens PINATEL (P.) in Introduction au problème de la délinquance écologique in La délinquance écologique (XVIIIème Congrès français de criminologie), Université de Nice Faculté de Droit et des Sciences économiques. 1979 p. 9.
244 insérée dans le Code de l’Environnement, art. 541 et suiv.
245 C. env. art. 541-2.
246 T. com. Saint-Nazaire, 16 décembre 2000 publié au DMF 2001. 259 obs.TASSEL (Y.) ; BONASSIES (P.), Le droit positif français en 2001, DMF, 2002, Hors série n° 6, n° 47.
247 C. Env. L. 541- 3
248 V. en ce sens le Jugement du Tribunal de commerce de Saint-Nazaire, précit., avec les observations critiques des Professeurs TASSEL (Y.), DMF 2001 p. 259, et BILLET (Ph.), Du résidu non déchet issu d’une épave : à propos de la qualification juridique des produits échappés de l’Erika ; Droit de l’environnement n° 93 ; nov. 200,1p 240-244. Jugement confirmé par la Cour d’appel de Rennes par un arrêt du 13 février 2002.inédit. Pour un commentaire de cet arrêt V. ROBIN (C.), RJE 1/ 2003, p. 31. On notera que le Tribunal administratif de Rennes a annulé les arrêtés pris par les maires de six communes du Morbihan qui, entre fin février et mi-mars 2000 avaient sommé les sociétés du groupe Total de les débarrasser des déchets provenant du naufrage de l’Erika, V. O.F du 29 juin 2004.
249 De quelques enseignements de l’Erika, in Etudes de Droit maritime à l’aube du xxième siècle. Mél. Bonassies, Ed. Moreux, collec « Droit maritime », 2001 p. 103 et s.
250 BONASSIES (P.), Le droit positif français en 2001, DMF, Hors série n° 6- juin 2002 n° 47.
251 Pour une position plus nuancée V. TANTIN (G.), note sous Cour d’appel de Rennes, 23 septembre 1992, Navire Azilal, DMF, 1995, p. 301, spéc. p. 304. Pour cet auteur, il conviendrait de réserver la qualification d’épaves aux seules marchandises jetées ou tombées à la mer qui « auraient perdu tout rapport avec le navire qui les transportait ». Dès lors, les conteneurs de substances nocives tombés d’un navire en difficulté au large des côtes françaises et susceptibles de créer un dommage pour le littoral n’auraient pas la qualité d’épaves. Le même raisonnement pouvant conduire à refuser la qualification d’épaves à des hydrocarbures échappés d’un navire. De là, poursuit cet auteur, on pourrait tirer un enseignement très pratique. Seul le propriétaire de navire et non le propriétaire des conteneurs ou des hydrocarbures devrait prendre en charge le traitement desdits événements.
252 article 5 de ce même décret tel que modifié par le décret du 21 juin 1985.
253 article 1 er alinéa 2 de la loi du 24 novembre 1961 relative à la police des épaves maritimes.
254 M. A. POPP, QC, actuel Président du Comité juridique du FIPOL note que « les récents sinistres, comme ceux de l’Erika et du Prestige ont donné lieu à des critiques dans certains milieux, ce qui a conduit à préconiser la refonte complète du système ». L’auteur de conclure que « le succès du régime dans les vingt cinq années prochaines dépendra de l’efficacité avec laquelle il aura donné suite à cet appel. in La Convention sur la responsabilité civile et la Convention portant création du Fonds : modèle de système d’indemnisation, Les FIPOL : 25 années d’indemnisation des victimes de sinistres liés à la pollution par les hydrocarbures, précit., p. 81, spéc. p. 84.
255 V. les développements consacrés à cette question dans sa thèse par le Professeur G. J. MARTIN, Le droit à l’environnement. De la responsabilité civile pour fait de pollution au droit de l’environnement, PPS, Droit et économie de l’environnement, 1978 ; Cf.. notamment la première partie consacrée à L’inadaptation du droit de la responsabilité au phénomène de pollution, V. aussi l’étude très complète consacrée à cette question par HUET (J.), Le développement de la responsabilité pour atteinte à l’environnement, 1 ère partie, LPA du 5 janv. 1998, p. 10 ; 2ème partie LPA du 7 janv. 1994, p. 9 ; 3ème partie LPA du 14 janv. 1994, n° 6.
256 V. les propositions faites en ce sens par le Professeur G. VINEY dans sa thèse Le déclin de la responsabilité individuelle précit, n° 358, à propos des dommages nucléaires.
257 A cette fin, nous prendrons appui sur les définitions de ce terme proposé par le dictionnaire Le Petit Robert.
258 LUCCHINI (L.), La pollution des mers par les hydrocarbures : les conventions de Bruxelles de novembre 1969 ou les fissures du droit international classique, JDI, 1970 p. 795, spéc. p. 823
259 V. en ce sens VINEY (G.), L’avenir des régimes d’indemnisation indépendants de la responsabilité civile, précit., spéc., p. 683. L’auteur fait preuve de son scepticisme quant à la capacité de la directive européenne du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux à faire face à des risques sériels. Elle précise que la responsabilité objective sur laquelle se fonde cette directive peut sembler insuffisante pour protéger les victimes de risques de masse comme celui créé par un défaut de conception affectant un produit de grande diffusion. L’auteur regrette que les rédacteurs de la directive n’aient prévu aucune garantie collective dans le cadre de cette directive.
260 ROUJOU DE BOUBÉE (M.- E.), Essai sur la notion de réparation, précit., spéc. p. 80.
261 SOUSSE (M.), La notion de réparation de dommages en droit administratif français, Préf. J.-M Pontier, L.G. D.J., 1994, spéc. p. 139.
262 De l’Erika au Prestige : la mer de tous les vices, spéc. p. 20
263 V. aussi VIALARD (A.), Le préjudice économique pur. Variations maritimistes, in Etudes à la mémoire de Christian Lapoyade-Deschamps, Presses Universitaires de Bordeaux, 2003, p. 283 et s.
264 V. en ce sens, EWALD (F.), Risque et solidarité dans le domaine de l’environnement, PIREN 1987.
265 JOURDAIN (P), Les principes de la responsabilité civile, précit., p. 21.
266 MARTIN (G.J.), L’indemnisation des dommages écologiques, in Indemnisation des dommages écologiques, OCDE, Paris, 1981 p. 360 et suiv.
267 Il est intéressant de noter qu’au moment du Torrey Canyon alors qu’il n’existait pas de régime spécifique pour l’indemnisation des dommages pétroliers, le secrétariat à l’information avait commencé par déclarer que l’État pourrait rembourser plus de 75 % des dépenses engagées, puis le gouvernement annonça devant les chambres que le pourcentage de prise en charge par l’État serait de 90 % et ceci sans même que l’on sache si une action en responsabilité était possible à l’échelon international. in PONTIER (J.-M.) Les calamités publiques, Berger-levrault, 1980, p. 95.
268 cité par SOUSSE (M.), La notion de réparation de dommages, op. cit. spéc. p. 405.
269 OOSTERVEEN (W.) L’avenir : réexamen des Conventions, in Les FIPOL : 25 années d’indemnisation des victimes des sinistres liés à la pollution, précit., p. 73, spéc. p. 75
270 VINEY (G.), Le déclin de la responsabilité individuelle, précit., p. 193, n° 225 contra Certains auteurs et notamment Mme S. CARVAL estiment que la mise en place d’un fonds d’indemnisation ne doit pas aboutir à priver la victime de son action en responsabilité, CARVAL (S.), La responsabilité civile dans sa fonction de peine privée, Préf. G. VINEY, Coll. « Bibl. dr. privé », t. 250, 1995, spéc. p. 106.
271 VINEY (G.), L’avenir des régimes d’indemnisation indépendants de la responsabilité civile, in Le juge entre deux millénaires », Mélanges offerts à Pierre Drai, Dalloz 2000, p. 671.
272 CASSON (Ph), Les fonds de garantie, accidents de la circulation et de chasse, infractions pénales, actes de terrorisme et contamination par le VIH, préf. G. VINEY 1999, LGDJ, Collection Droit des Affaires, 1999. spéc. p. 90.
273 V. les développements consacrés à ces différents régimes spéciaux d’indemnisation par. CASSON (Ph), ibid.
274 La question du partage de la charge financière entre le secteur du transport maritime et le secteur financier est une question sensible. Selon une étude présentée au Groupe de travail au sein du FIPOL, en mai 2004, compte tenu des limites financières du régime d’indemnisation applicable, « la contribution du secteur de la navigation maritime et des chargeurs avait été, respectivement de 45 % et de 55 % du montant total des coûts afférents aux 5 802 sinistres survenus dans le monde entier au cours d’une période de 25 ans allant de 1978 à 2002. Il ressort également de cette étude que le partage de la charge financière variait énormément en fonction de la jauge des différents navires : participation nettement plus élevée des chargeurs aux coûts des sinistres mettant en cause des navires de moins 20 000 tonneaux de jauge brute ; partage égal des coûts entre les chargeurs et le secteur de la navigation maritime au titre des sinistres impliquant des navires de 20 000 à 80 000 tonneaux de jauge brute, participation considérablement supérieure du secteur de la navigation maritime aux coûts des sinistres concernant les navires de plus de 80 000 tonneaux de jauge brut« . V. en ce sens JACOBSSON (M.), Le régime international d’indemnisation des victimes de marées noires, précit., spéc. p. 802.
275 Cité par WU (Ch.), La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures-Responsabilité et indemnisation des dommages, précit., p. 111- DO 1971, LEG/ CONF.2/C.1/WP.3, p. 244.
276 Oil Companies International Marine Forum.
277 DO 1971, LEF/CONF2.5, p. 189.
278 Sur ce point V. WU (Ch.). op. cit. p. 115.
279 On notera que l’élaboration de ce nouvel instrument avait été pressentie comme pouvant être le point de départ d’un réexamen de la question du partage de la charge financière, v. en ce sens OOSTERVEEN (W.) L’avenir : réexamen des Conventions, précit., spéc. p. 74.
280 Ce qui signifie que le fonds ne pourrait pas se prévaloir d’une cause d’exonération même en cas de faute intentionnelle d’un tiers ou de faute totale de la victime, c’est-à-dire dans l’hypothèse où la faute semble pleinement la cause de l’accident.
281 Faut-il réformer le régime d’indemnisation des dommages de pollution par hydrocarbures ? in DMF 2003, n° 637, précit., spéc. p. 445.
282 MARTIN (G. J.) Risques naturels, logique assurantielle et solidarité, RJE 3/1995 p. 411, spéc.p. 418.
283 CHAUVEAU (P.), La pollution des mers par les hydrocarbures, précit, spéc. p. 192.
284 Sur l’opportunité d’opérer une telle distinction, v. aussi, Maritime Law association, Damages from goods, Gothenburg, 1978, p. 1.
285 HUGLO (C.), Auditions Assemblée nationale. Après l’Erika, l’urgence, Tome II Auditions Volume 1. p. 511. Selon cet auteur, il conviendrait d’évoquer une responsabilité de seconde zone.
286 DU PONTAVICE (E.), La pollution des mers par les hydrocarbures, (À propos de l’affaire du Torrey Canyon), LGDJ 1968, p. 117.
287 VIALARD ( A.), De quelques enseignements de l’Erika, précit., spéc. p. 415.
288 VIALARD (A.), ibid. p. 445.
289 Erika, Indemniser et prévenir, rapport. précit., p. 114.
290 BENQUET (P.), et LAURENCEAU (T.), Les pétroliers de la honte. La loi du silence, op. cit. pp. 236-237.
291 Audition de Mme Martine RÉMOND-GOUILLOUD, in J.-F LEGRAND, Transport maritime : plus de sécurité pour une mer et un littoral plus propres, spéc. p. 213.
292 Nous prenons ici l’initiative d’adapter la citation de P. SIMON qui évoquait la possibilité « de faire peser la responsabilité pour pollution sur l’ensemble des industries ». En conservant la citation dans sa forme initiale nous pourrions prêter le flanc à la critique, car nous rejetons fermement à ce stade de la réparation du moins, l’idée de la responsabilité. in La réparation civile des dommages causés en mer par les hydrocarbures, Thèse, Paris, 1976 p. 340.
293 ibidem.
294 V. T. Com. Seine, 21 janv. 1952, JCP, 1952. II.7234 ; obs. DE JUGLART (M.), Rev. trim. dr. com. 1952, 416, obs. MM de JUGLART et CHASSÉRIAUX.
295 VINEY (G.), L’avenir des régimes d’indemnisation indépendants de la responsabilité civile, précit., spéc. p. 686.
296 LEDUC (F.), L’œuvre du législateur moderne : vices et vertus des régimes spéciaux, Resp. civ. et assur. Hors-série juin 2001 p. 50.
297 PIERRE (Ph.), Vers un droit des accidents. Contribution à l’étude du report de la responsabilité civile sur l’assurance privée, Thèse Rennes, 1992 p. 91.
298 JOURDAIN (P), Les principes de la responsabilité civile, précit., p. 21.
299 QUÉROL (F.), Le financement des fonds de garantie, RFDA, 1988. 106.
300 V. en ce sens les observations formulées in Erika : indemniser et prévenir, op. cit p. 104. « Sur un total de plusieurs milliers de déversements s’étant produits depuis sa création en 1978, le FIPOL n’a eu à intervenir que pour une centaine d’entre eux. La simple limite de responsabilité du propriétaire a donc été suffisante dans la majorité des cas. Dans la quasi-totalité des cas relevant du FIPOL, les plafonds d’indemnisation actuels ont été suffisants. Le plafond du fonds de 1971 a été atteint s’agissant du Braer, ainsi que pour le Haven (Italie 1991) mais ce plafond était plus de deux fois moins élevé que celui prévu par la Convention de 1992-60 millions de DTS au lieu de 135 millions.
301 V. en ce sens KISS (A.). et BEURIER (J.-P.), Droit international de l’environnement, précit, n° 858.
302 V. KISS (A.) et BEURIER (J.-P.), ibid. n° 658
303 CARVAL (S.), La responsabilité civile dans sa fonction de peine privée, précit., n° 84.
304 VIALARD (A.), Faut-il réformer le régime d’indemnisation des dommages de pollution par hydrocarbures ? op. cit., V. aussi OOSTERVEEN (W.), L’avenir : réexamen des Conventions in Les fonds internationaux d’indemnisation pour les dommages dûs à la pollution par les hydrocarbures- Publication du FIPOL 2003 p. 73, spéc. p. 75.
305 V. pour une analyse économique NATOWICZ (I.) Qui supporte le risque d’atteintes à l’environnement ? Le pollueur, l’assureur, le consommateur final... in La Communauté européenne de l’environnement. Colloque d’Angers sous la direction de J.-C. Masclet, La Documentation française 1997.
306 L’Erika ne se rendait-il pas en Italie pour alimenter en fuel lourd ce type d’installation ?
307 Jacques Chardonne disait que « sans morale, il n’y avait plus de vin de Bordeaux, ni de style. La morale c’est le goût de ce qui est pur et défie le temps » ! citation extraite du dictionnaire Larousse des citations. R. Calier, 2001.
308 RIPERT (G.), préf. à R. Savatier, Traité de la responsabilité civile en droit français, LGDJ, 1939.
309 RÉMOND-GOUILLOUD (M.) Divers dommages réparables : préjudice écologique, op. cit. n° 103
310 Le Professeur A. VIALARD de citer à l’appui de cette affirmation quelques chiffres significatifs : pour l’année 1999, la compagnie Total-Fina a récolté plus de 20 milliards de francs comme bénéfice, bénéfice d’ailleurs plus que doublé en 2 000 avec un résultat net de 7,6 milliards d’euros, soit plus de 49 milliards de francs, in De quelques enseignements de l’Erika, précit., spéc. p. 420 note 23.
311 SMETS (H.), Indemnisation des dommages exceptionnels à l’environnement causés par les activités industrielles in L’avenir du droit international de l’environnement Colloque La Haye, 12-14 novembre 1984 préparé par R.-J. Dupuy 1985 Martinus Nijhoff Publishers.
312 Parallèlement au dispositif conventionnel, l’industrie a pris un certain nombre d’initiatives en faveur de l’indemnisation des victimes. Ainsi dès 1969, le plan TOVALOP, regroupant les armateurs pétroliers en une mutuelle s’engageait à assurer l’indemnisation en attendant l’entrée en vigueur de la Convention de 1969. De même préfigurant la convention FIPOL, le plan CRISTAL fut mis au point par l’industrie pétrolière en 1971. Ces deux dispositifs ont survécu à l’entrée en vigueur des Conventions qu’ils préfiguraient. Pour de plus amples développements sur ces fonds nous renvoyons à l’étude que leur ont consacrée ODIER (F.) et VIGNIER (C.) Fonds d’indemnisation des dommages de pollution maritime, plans TOVALOP et CRISTAL, Juris- Cl. env., fasc. 672, 1994, p. 1-18 .Quelque temps après l’entrée en vigueur des Protocoles de 1992 ( 30 mai 1996), ces fonds qui avaient assuré un rôle de relais ont disparu. (20 février 1997) V. sur ce point DE LA RUE (C.), Tovalop and Cristal-a purpose fulfilled, The International Journal of Shipping Law, 1996, pp. 285-295.
313 Il semble que la décision de non-ratification des Conventions de 1969 et de 1971 par les États-Unis soit autant due à la volonté d’adopter un régime plus efficace qu’à celle de préserver leur faculté d’appliquer leur propre législation, ce qui n’aurait plus été possible en cas d’adhésion à un système international.
314 soit 1 211 966 881 de francs au moment du naufrage de l’Erika. Ce Chiffre a été cité par M. Jacobsson lors de son audition par la Commission d’enquête de l’Assemblée nationale,Tome II, Auditions Volume 3. p. 177.
315 JACOBSSON (M.), Après l’Erika, l’urgence, Tome II, Auditions volume 3 op. cit p. 190
316 Sont seules tenues de contribuer les sociétés ayant reçu au moins 150 000 tonneaux d’hydrocarbures au cours d’une année.
317 V. en sens THOUILIN (B.), L’indemnisation du préjudice économique, Rencontres scientifiques internationales, 20 ans après l’Amoco Cadiz - Brest - Centre de Congrès, Le Quartz, 1517 octobre 1998. pp. 316- 324 spéc. p. 322. Pour une approche géopolitique de la question V. MASON (M.), Civil liability for oil pollution damage : examining the evolving scope for environmental compensation in the international regime, Marine Policy 27 (2003) 1-12.
318 COUTANT-LAPALUS (C.), Le principe de réparation intégrale en droit privé, Préf. F. Pollaud-Dulian, Presses universitaires d’Aix Marseille, Faculté de Droit et de Science Politique, 2002, n° 146.
319 RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Du droit de détruire-Essai sur le droit de l’environnement, précit, p. 179.
320 V. en ce sens CHARBONNEAU (S.), Analyse des actions contentieuses déclenchées par la catastrophe de l’Erika. Conférence des verts/ ALE sur la Sécurité maritime en Europe, Bayonne (France), 10 et 11 avril 2003, disponible à l’adresse suivante sur Internet :
http://www.greens-efa.org/pdf/documents/MaritimeSafety/CharbonneauRoundtable 4.pdf.
321 Nous empruntons ici la formule du Professeur G. VINEY, L’avenir des régimes indépendants de la responsabilité civile, Mélanges offerts à P. Dray, Le juge entre deux millénaires, Dalloz 2000 p. 671, spéc. p. 683
322 V. sur ce point le témoignage d’une victime publiée par le quotidien régional Ouest-France en date du 31 décembre / 1 er janvier 2004.
323 V. en ce sens COPPOLANI (Ch.), Une période de transition, in Les FIPOL : 25 années d’indemnisation des victimes des sinistres liés à la pollution par les hydrocarbures, précit., p. 69, spéc. p. 70.
324 V. en ce sens RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Du droit de détruire, op. cit., p. 180.
325 V. en ce sens Erika : indemniser et prévenir, spéc. p. 117.
326 V. en ce sens la proposition faite dans le rapport Priou, p. 378.
327 Erika : indemniser et prévenir, rapport précit., p. 117.
328 Ces propositions nous sont inspirées par la Loi française sur l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation V. not. LAMBERT-FAIVRE (Y.), L’évolution de la responsabilité civile d’une dette de responsabilité à une créance d’indemnisation. Rev. trim. dr. civ. 86 (1) janv.- mars 1987 pp 1-19, spéc. p. 18.
329 Sources KEEP IT BLUE.
330 GIRIN (M.), Quelques leçons à tirer de dossiers difficiles : les grandes marées de boue d’Aznlacollar. L’indemnisation des pollutions accidentelles des eaux, Centre de conférences du Ministère de l’Economie et des Finances, Paris, 16 novembre 1998.
331 MARTIN (G.J.), Le droit de l’environnement, quelles mutations, LPA 1994, n° 50 p. 12.
332 Pour une vision très complète de cette problématique environnementale V. Harm to the Environment the right to compensation and the assesment of damages, edited by P. Wetterstein Clarendon Press. Oxford, 1997.
333 LONDON (C.), De l’opportunité des aides et fonds en matière d’environnement, JCP Ed. G., n° 46, 3624, p. 495, spéc. p. 500.
334 V. en ce sens WU (Ch.), La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures – Responsabilité et indemnisation des dommages, précit., spéc. n° 1243.
335 Cette proposition doit être replacée dans son contexte. En janvier 1972, le Conseil municipal de Los Angeles a décidé de planter 900 arbres en plastique le long des principaux boulevards de la ville. L’argument invoqué est imparable. Dans l’atmosphère polluée de la ville, ce type d’arbre résistera plus longtemps que les vrais (Fait relaté dans le Times du 8 février 1972). Au cours de la même année, une association de défense de l’environnement, le Sierra club introduit une demande en justice pour s’opposer à l’implantation par la société Walt Disney d’une station de sport d’hiver la Mineral King Valley, réputée pour ces séquoias centenaires. l’action est rejetée faute d’intérêt personnel à la cause. Avant que la Cour suprême ne se prononce dans cette affaire le professeur Stone rédige à la hâte un article qui fera l’objet d’une publication sous la forme d’un essai Should trees have standing ? Toward legal rights for natural objects, Los Altos California, 1974. Sa thèse sera rejetée à une courte majorité de quatre juges contre trois. OST (F.), La crise écologique : vers un nouveau paradigme : contribution d’un juriste à la pensée du lien et de la limite, in La crise environnementale, Paris, 13-15 janvier 1994, Ed. INRA, Paris 1997 (Les Colloques, n° 80) p. 39, spéc. p. 39, V. aussi HUGLO (C.), Vers la reconnaissance d’un droit de la nature à réparation ? Eléments de réflexion sur la problématique posée et appréciation critique, LPA du 29 septembre 1993, n° 117, p. 15.
336 V. Notamment HERMITTE (M.-A.), L’État des sciences, Editions la Découverte, 1992, p. 59, CABALLERO (F.) Essai juridique sur la notion de nuisance, précit., p. 310.
337 DO. 1971, LEG/ CONF.2/C.1/SR.12, p. 403.
338 ENGEL (L.), Vers une nouvelle approche de la responsabilité, le droit français face à la dérive américaine, Esprit, juin 1993, p. 5.
339 VOLTAIRE, Zadig.
340 Avant que ne soit adopté l’OPA, le droit applicable aux pollutions marines se composait d’un tissu complexe de lois fédérales et étatiques et de droit coutumier. Au niveau fédéral aucune loi ne régissait l’ensemble de la matière. Plusieurs sources de droit étaient applicables. Des principes issus du droit coutumier et du droit maritime côtoyaient des textes législatifs. En définitive, le droit était basé sur deux sources juridiques principales, à savoir la Common law, c’est-à-dire le droit commun des pays anglo-saxons qui résulte de textes non législatifs, mais de la pratique des juridictions (selon la définition donnée par le lexique des termes juridiques, Dalloz) et une loi de 1972, le Federal Water Pollution Control Act (FWPCA) aussi connu sous le nom de Clean Water Act. Or, cette loi ne couvrait que la réparation des frais de lutte et de nettoyage engagés par le Gouvernement fédéral, à l’exclusion de la réparation des dommages aux personnes et aux biens qui relevaient du droit coutumier. Pour une présentation plus exhaustive de l’évolution de l’état du droit américain nous renvoyons à SMITH JR (T.T.), le déversement de pétrole en mer aux États-Unis : l’Exxon Valdez et au-delà in Le dommage écologique en droit interne communautaire et comparé, SFDE Economica 1992 pp 201-210 spéc. p. 201-202.
341 On notera à titre d’exemple que dans l’affaire du Zoe Colocotroni évoquée ci-dessous, le tribunal a appliqué la loi de Porto Rico.
342 V. en ce sens, RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Divers dommages réparables : préjudice écologique, précit.
343 SOUSSE (M.), La réparation des dommages en droit administratif français, op. cit., p. 383.
344 Cette doctrine permettait à l’État ès qualités d’interférer dans la vie des personnes incapables de faire valoir leur droit.
345 357 F, Supp. , 1097: State of Maine v. M/ V. Tamano (1973), p. 1099.
346 Sur cette notion de trustee V. BRIGHTON (W. D.) and ASKMAN (D.F.), The role of government Trutees in recovering compensation for injury to natural ressources in Harm to the Environment the right to compensation and the assesment of damages edited by P. Wetterstein Clarendon Press. Oxford, 1997 pp. 177-206.
347 V. en ce sens l’affaire du Port of Portland, v. Water Quality Ins. Syndicate, 549 F. Supp., 233.
348 628 F. 2d, 652 Com. of Puerto Rico, v. SS Zoe Colocotroni (1980 1 st. Cir).
349 V. en ce sens les commentaires de RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Le prix de la nature : à propos de l’affaire du Zoe Colocotroni D., 1982, p. 34.
350 628 F. 2d. 676.
351 JIMÉNEZ (P.), Aspects pratiques et concrets de la mesure des dommages résultant de la pollution des eaux, in le Coût des marées noires, OCDE, 1982, p. 266 et s.
352 Sur cette question v. l’essai rédigé par WETTERSTEIN (P.) Environmental impairment Liability in Admiralty, a note on compensable damage under US Law, Abo Academy Press, 1992, 207 pp. , v. aussi BOYD (J.), Compensation for oil pollution damages: the american oil pollution act as an example for global solution in FAURE (G.M.) and HU (J.) (eds), Prevention and compensation of marine pollution damage. Recent developments, China and the US, Kluwer law international, 2006.
353 V ANDERSON (C.B.), Damage to natural ressources and the costs of restoration, T.L.R.[vol. 72: 417 1997] p. 417, V. aussi SMITH (J.T.), Natural ressource damages under CERCLA and OPA: some basics for maritime operators, T.M.L.J, Vol. 18 Winter 1993 number 1, p1.
354 Elles incluent les ressources de la Zone Economique Exclusive.
355 33 USC § 2701(20).
356 33 USC § 2702 (b) (2).
357 33 USC § 2702 (b) (2) (A) (Supp. 1997).
358 Section 1006 (b).
359 33 USC § 2706 (b) (2).
360 40 CFR § 300. 600 (1997).
361 40 CFR §300. 600 (b) (1) & (2).
362 40 CFR §300. 600. 605.
363 40 CFR §300. 600. 610.
364 33 USC § 2706 (d) (1).
365 15 CFR§ 990. 15 (a).
366 15 CFR § 990.30.
367 33 USC § 2706 (d) (1) (B).
368 Localisation géographique-état du navire-conditions environnementales.
369 C’est-à-dire le type d’hydrocarbure, volume.
370 Habitat, espèces, effets saisonniers.
371 Caractère explosif, les causes mécaniques.
372 61 Fed. Reg. 440, 449 (1996).
373 15 CFR§ 990. 14( c) (1).
374 15 CFR§ 990. 14 ( c) (4).
375 15 CFR § 990.50.
376 Ainsi on peut être amené à comptabiliser les jours de plage perdus par leurs utilisateurs en raison de la fermeture d’un site après une pollution.
377 15 CFR § 990.52 (c) (1)-(6).
378 15 CFR § 990.53 (a) (2)
379 La solution du moindre coût imposée à l’initiative de l’administration a été censurée, car elle ne correspondait pas aux attentes du Congrès. RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Marées noires : les États-Unis à l’assaut (L’Oil Pollution Act 1990) DMF 1991 p. 339, spéc. p. 347.
380 15 CFR § 990.61.
381 Il est intéressant de noter que la recevabilité de ce préjudice moral n’est admise que pour les tuteurs publics et non pour les personnes privées, à la différence de la solution appliquée en France.
382 15 CFR § 990 65 (f).
383 15 CFR § 990 64 (a).
384 Sur cette question, v. CRÉTEAUX (I.), Questions juridiques liées à l’évaluation du dommage écologique, Thèse, Paris I, 1998.
385 V. ECO U. Comment faire un scoop avec le cormoran des Shetlands in Comment voyager avec un saumon ? p. 25-27. Grasset 1997.
386 V. en ce sens le rapport rédigé le 14 avril 1990 par les experts à la demande de la Cour d’appel de Messine à l’occasion de l’affaire du Patmos cité par GAUCI (G.), Oil pollution at sea, Civil liability and compensation for damage, p. 127.
387 DE SAINT-AFRIQUE (B.), De l’évaluation, in Etudes P. CATALA, Le droit privé français à la fin du xxème siècle, Paris Litec, 2001, p. 325.
388 FAUCHEUX (S.) et NOEL (J.-F.), Economie des ressources naturelles et de l’environnement, Armand Collin, Editeur, 1995, p. 211.
389 RÉMOND-GOUILLOUD (M), Du droit de détruire, op. cit. p. 220.
390 Pour chasser toute ambiguïté à ce propos, la nouvelle loi de l’OPA a remplacé la précédente expression de diminution en valeur d’utilisation par celle de diminution en valeur. OPA § 1006 ( d) ( 1) ( B)
391 V. en ce sens Ohio v. Department of Interior 880, F2d., 432 ( D.C Cir. 1989).
392 Ainsi que le note C. DE KLEMM in les données des sciences de la nature, in le dommage écologique op. cit., p. 112 : pour les sciences de la nature, le dommage écologique se caractérise bien plus par la rupture des équilibres et des processus écologiques que par des pertes causées à des éléments déterminés et partant quantifiables.
393 V. en ce sens Natural Damages assesment, Final Rule, 51, FR, 27692, (1986).
394 POINT (P.), Evaluation et réparation du dommage écologique- Principes économiques et méthodes d’évaluation du préjudice écologique, in Le dommage écologique en droit interne, communautaire, et comparé, op.cit p. 123.
395 Sur l’obligation envers les générations futures, Cf. GOFI (J.-Y.) Le destinataire de l’obligation, le cas des générations futures, in APD 44 L’obligation Dalloz (2000) p. 233.
396 FAUCHEUX (S.) et NOEL (J.-F), Economie des ressources naturelles et de l’environnement, Armand Colin, 1995, p. 219.
397 Pour une approche d’ensemble de la question V. CROSS (F.), Naturel ressource Damage valuation, 42 Vand. L. Rev. 269 (1989).
398 Les économistes emploient également le terme « coûts-bénéfices ».
399 (hedonic practice pricing methodology).
400 L’American Trader a pollué avec du brut de l’Alaska une plage californienne en 1990. L’auteur a été condamné en 1997 à une amende de 12,8 millions de dollars pour indemniser les baigneurs de leur privation de plage pendant le nettoyage. Le jury a décidé que la privation de plage se montait à 13, 19 dollars (env. 65 francs, env. 10 euros) par personne et par jour. Une autre amende de 5,5 millions de dollars a également été infligée pour dommage aux micro-organismes. Exemple cité par Ph. VALOIS, Le transport du pétrole par mer, Ed. CELSE 1997, p. 176.
401 Travel cost methodology.
402 V. l’exemple cité par VALOIS (Ph.), op.cit., p. 176, « on peut imaginer qu’un habitant du Texas puisse demander réparation pour la mort d’une loutre en Alaska puisque potentiellement il est privé de la voir ».
403 SCHOENEBAUM (T.J.) Environmental Damages: the emerging law in United States, in Wetterstein (ed) Harm to the environnement, the right to Compensation and the assesment of damages, Oxford; 1997, p. 168.
404 FAUCHEUX (S.) ET NOEL (JF), op.cit., spéc. p. 228.
405 THEYS (J.), Le savant, le technicien et le politique in La nature en politique ou l’enjeu philosophique de l’écologie (sous la dir. de D. Bourg ), L’Harmattan, Paris 1993, p. 51.
406 V. not. en ce sens BONNIEUX (F.) et RAINELLI (P.), L’affaire de l’Amoco Cadiz : problèmes de mesure de réparation des dommages, ERM, 1990, n° 4, p. 100.
407 V. en ce sens la monographie publiée par l’OCDE, Evaluation des avantages et prise de décision dans le domaine de l’environnement, 1992, 42 et s.
408 DONELY (D.), LOOMIS (J.), SORG (C.) & NELSON (L.), Net economic value of Steelhead Fishing in Idaho 1985, cité par CRÉTAUX (I.), Questions juridiques liées à l’évaluation du dommage écologique, op. cit, p. 218.
409 OLSON (D.), RICHARD (J.) & SCOTT (RD), Existence and sport values for doubling the size of Columbia river Basin Salmon and Steelhead Runs, 2, Tivers 44-56 (1991) cité par CRÉTAUX (I.), op. cit., p. 218.
410 V. les développements consacrés à cette question par PHILIPPE-DUSSINE (M.-P.), Risques et dommages écologiques : l’analyse de la responsabilité informationnelle, AFDEA 2003, 3, pp. 151-165, spéc. p. 154 et suiv.
411 V. sur ce point GODART (O.), Précaution, un principe politique, Courrier Planète, 1998, n° 46.
412 Nous renvoyons s’agissant de cette notion aux riches développements du professeur M. PRIEUR, Droit de l’environnement, précit., n° 78.
413 En l’espèce, les trustees compétents étaient ceux du département de l’intérieur, de l’Agriculture, du commerce, de l’environnement de l’Alaska ainsi que l’Agence de protection de l’environnement.
414 V. CUMMINGS (A), The Exxon Valdez Oil spill and the confidentiality of Natural Ressource Damage Assesment Data, ELQ, 1992, Vol. 19, p. 379.
415 le lieu, le temps étant quant à eux nécessairement différents DESAIGUES (B.) et POINT (P.), Economie du patrimoine naturel : la valorisation des bénéfices de protection de l’environnement, Economica, 1993, p. 241.
416 Ce constat ressort d’une étude américaine GRIGALUNAS (T.A.) OPALUCH (J.J.), FRENCH (D.P.) & REED (M.), Validating a type A assesment model in WARD (K.M.) & DUFFIELD (J.W.) p. 471 et suiv. Les auteurs comparent notamment les évaluations résultant d’une part des expertises menées par l’État de Washington et de l’autre celles permises par le modèle informatique simplifié d’évaluation NRDAM/CME à la suite de la pollution par hydrocarbure du port Angeles à Washington en 1985. Environ 905 000 litres de pétrole brut s’écoulèrent du Pétrolier Arco Anchorage), l’État de Washington a chiffré la pollution à 32 930 $ alors que le modèle informatique aboutissait à 146 699 $. Cette différence s’explique par la capacité du modèle informatique à simuler des atteintes non observables sur le terrain.
417 SARTRE (J.-P.), Les mouches, Gallimard.
418 FAUCHEUX (S.) et NOEL (J.-F.), Economie des ressources naturelles et de l’environnement, précit.,., spéc. p. 228.
419 V. not. DAUM (J.), Some legal and regulatory aspects of contingent Valuation, unpublished draft at Contingent Valuation seminar, Washington, DC apr. -1-2, 1992.
420 Natural Ressource Damage Assesments: notice and proposed rules, 56 Fed. Reg. 19762 (1991). V. aussi FERRER (G.D.), Contingent Value Assesment of non-use Natural ressource Damage in the wake of the DC Circuit. Pour ambitieuse qu’elle soit, cette méthode pèche aussi pas ses défauts. V. en ce sens la décision State of Ohio v. Department of the Interior, Butt. Journ., November 1993, p. 494 et s. cité par POINT (P.), Evaluation et réparation du dommage écologique, Principes économiques et méthodes d’évaluation du préjudice écologique, in Le dommage écologique en droit interne, communautaire, et comparé, op.cit., p. 123.
421 Pour une application de cette méthode, V. l’affaire du Nestucca citée V. POPP (E.), A north american perspective on liability an compensation for oil pollution, Séminaire du CMI, Gênes 1993 Liability for damage to the marin environment, CMI LLP, 1993, p. 128, note 68.
422 Nous reprenons ici l’exemple cité par SANDVIK (B.),Broadening the scope of compensation for damage o naturel ressources -What can we learn from US Law? Marius n° 218, Scandinavian Institute of maritime law, Oslo, november 1995, spéc. p. 31.
423 Ces dernières peuvent être définies comme les « tiers subissant un préjudice matériel ou moral du fait des dommages causés à la victime directe, tel un fils privé de subsides à la suite du décès de son père tué accidentellement ». Définition empruntée au Lexique des termes juridiques, Dalloz, 11ème édition.
424 On notera qu’aux États-Unis, une jurisprudence bien établie rejette les sondages comme moyen de preuve lorsque la formulation des questions suggère fallacieusement des réponses favorables aux commanditaires de l’enquête.
425 V. en ce sens RAMADE (F.), Economie des ressources naturelles, Masson, 1981.
426 V. en ce sens, POINT (P.), Les services rendus par le patrimoine naturel : une évaluation fondée sur des principes économiques, Eco et stat, n° 258-259, oct. novembre 1992, p. 16.
427 On peut concevoir que des enquêtes conduisent à des valeurs nulles. ce qui n’a guère plus de sens TS Stewart, Utah v. Kennecottt Corporation : seeking ultimate values with the « grossly disproportionate« Test for natural Ressource Damage Assesments, S. Louis Univ. Publ. L. R, 1994 ; Vol. 13 : 2, p. 910.
428 Ainsi dans l’affaire de l’Idaho V. Southern Refrigerated Transport Inc. (1991, US Dist. LEXIS 1869) relative à un dommage causé par un déversement de substances dangereuses par un camion dans une rivière, la Cour refusa au demandeur le droit de fonder son indemnisation sur la méthode contingente. Il s’agissait, en l’espèce, de mesurer la valeur d’existence de poissons. De l’avis de la Cour, l’utilisation de la méthode contingente conduisait à des spéculations. Aussi, le demandeur, en l’occurrence l’État, devait prouver la réalité des dommages subis, ce qu’il ne parvenait pas à faire en produisant l’étude fondée sur la méthode d’évaluation contingente. Bien que la Cour reconnût que les poissons avaient une valeur d’existence, elle ne permit pas l’indemnisation sur la base d’une méthode contingente.
429 Ils sont toutefois disponibles sur demande.
430 V. WAGNER (T. J.), Recoverable damages under the Oil Pollution Act of 1990, USF Martitime Law Journal InT’L & US Admirality Lawyer [Vol. 7 N° 2 sping 1995] spéc. p333.
431 Selon les Clubs P&I, l’utilisation de cette méthode conduirait à des litiges et des conflits prolongés au cours desquels tant les demandeurs que l’armateur seraient obligés de dépenser des sommes disproportionnées en représentation juridique et en experts techniques. Cela retarderait considérablement le règlement des demandes d’indemnisation, y compris pour les personnes qui ont subi un préjudice direct.
432 15 CFR § 900 et suiv. (1997) V. sur cette question BRYANT (D.L.), The Natural Ressource Damage Assesment process, BIMCO Bulletin - Special issue - june 1999, pp. 114-117.
433 Sur la participation du public à la procédure d’évaluation des dommages. V. BRIGHTON (W.D.). and ASKMAN (D. F). The role of government Trutees in recoveing compensation for injury to natural ressources in Harm to the Environment the right to compensation and the assesment of damages edited by P. Wetterstein Clarendon Press. Oxford, 1997, pp 177-206, spéc. p 206-219.
434 15 CFR § 990 20 (a) La réglementation CERCLA s’appliquait à l’origine aux dommages aux ressources naturelles résultant tant des déversements d’hydrocarbures que de substances nocives.
435 ANDERSON(C.B.), Litigating and settling a natural ressource damage claim in the United States: the defence lawyer’s perspective, Harm to the Environment the right to compensation and the assesment of damages edited by P. Wetterstein Clarendon Press. Oxford, 1997, p. 207.
436 TOPFER (K.), Au delà du marché ; le FIPOL et l’environnement, in Les FIPOL ; 25 années d’indemnisation des victimes de sinistres liés à la pollution par les hydrocarbures, 2003, p. 37, spéc. p. 39.
437 RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Du droit de détruire, op.cit p. 172.
438 V. en ce sens PIERRE (Ph.), Vers un droit des accidents. Contribution à l’étude du report de la responsabilité civile sur l’assurance privée, Thèse Rennes 1992 p. 109.
439 Faut-il réformer le régime d’indemnisation des dommages de pollution par hydrocarbures ? op. cit.
440 WARWICK, L’Alouette, (La table ronde éd.).
441 LE CORRE (L.), Marée noire de l’Erika : vers une réparation du préjudice écologique, Droit de l’environnement n° 97- avril 2002, p. 91.
442 CLC 69, art. I, § 6
443 V. en ce sens WU (Ch.), La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures Responsabilité et indemnisation des dommages, précit., spéc p. 439.
444 Le pétrolier soviétique Antonio Gramsci (27 694 tjb) s’était échoué le 27 février 1979 dans la Mer baltique.
445 Resolution n° 3 - Pollution damage ( octobre 1980) ( DF, FUND/ A/ ES. 1/ 13).
446 V. sur ce point JACOBSSON (M.) and TROTZ (N.), The definition of pollution damage in the 1984 Protocols to the 1969 Civil liability Convention and the 1971 fund Convention, (1986) 17 JMLC n° 4 467-91.
447 CLC 92 : Art. 2.
448 V. notamment pour un commentaire GASKELL (N.), Current development, International Journal of Marine and Coastal Law, Vol. 8, n° 2, mai 1993, p. 286.
449 Convention SNPD : article 1. 6. c.
450 La Convention internationale sur la responsabilité et l’indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses in Vingt ans de Conventions internationales importantes, Annales IMTM 1996 ; spécial Pierrre Bonassies. p. 185, spéc. p. 188.
451 Commonwealth of Puerto Rico v. the Zoe Colocotroni, 12 août 1980, 1981, AMC, 2185.
452 NICHOLS (J.), Genèse de la position des FIPOL à l’égard de la recevabilité des demandes d’indemnisation, in Les FIPOL : 25 années d’indemnisation des victimes des sinistres liés à la pollution, pp 103-116 spéc. 116.
453 Le FIPOL rappelle périodiquement les critères d’admission du préjudice écologique, V. Criteria for the admissibility of claims for compensation, Environmental damage claims, FUND/ WGR. 7/ 4, 4 jan. 1994. Le FIPOL, en annexe de ce document ne manque pas de rappeler la résolution de 1980.
454 V. JACOBSSON (M.), La réparation des dommages de pollution maritime et le rôle du FIPOL, DMF 1989, p. 619.
455 BONASSIES (P.), Après l’Erika : les quatre niveaux de réparation des dommages résultant d’une pollution maritime par hydrocarbures, précit, spéc. p. 145.
456 MAFFEI (M.C), The compensation for ecological damage in the Patmos case in Francioni & Scovazzi (ed.), International responsability for Environmental harm, London 1991, p. 381.
457 FIPOL, Rapport annuel de 1992, p. 34.
458 On notera que cette argumentation aurait été jugée pertinente dans le cadre de la Common Law puisque les intérêts souverains des États suffisent à motiver le droit à réparation des gouvernements étatiques pour les atteintes à l’environnement.
459 FIPOL, Rapport annuel de 1986, pp. 18-21.
460 FIPOL Rapport annuel de 1988, p. 36.
461 (D.F., FUND/EXC. 22/ 2, 1989, p. 7) On rappellera pour mémoire que cette décision intervient avant que le Protocole de 1992 à la Convention CLC ne vienne définitivement réduire la marge de manœuvre dans l’interprétation du dommage par pollution.
462 DE LA RUE (C.) and ANDERSON (C.B.) Shipping and the environment, Law and Practice, op.cit., spéc. p. 509.
463 FUND/ EXC. 40. 8, § 2.
464 MORIN (M.), Les rapports entre droit international public et droits internes : l’exemple du FIPOL. DMF 1997, pp. 325- 335.
465 Sur cette notion en droit français V. ALBIGES (C.), De l’équité en droit privé, préf. R. Cabrillac, LGDJ 2000, JESTAZ (Ph.), Rép. civ. Dalloz, V. Equité ; CADIET (L.), L’équité dans l’office du juge civil, Justices, 1998, p. 87.
466 Sur cette affaire V. Rapport annuel du FIPOL 1998, MERIALDI (E.), Damage to the environ-ment in the maritime field from the Amoco Cadiz to the present day, in Rencontres scientifiques internationales, 20 ans après l’Amoco Cadiz, Brest 15-17 octobre 1998 pp. 325-336.
467 Loi n° 506 du 27 mai 1978.
468 Loi du n° 963 du 14 juillet 1965, loi n° 979 du 31 décembre 1982, loi du n° 349 du 8 juillet 1986.
469 DF. FUND/EXC. 30/ WP. 1, 16/ 12/ 1991.
470 celles de 1965 et de 1982.
471 Rapport annuel du FIPOL 1992, p. 70.
472 Rapport annuel du FIPOL 1992, p. 71.
473 L’Italie a adopté une loi spéciale sur le Haven Loi n° 239 du 16 juillet 1998, qui permet expressément au gouvernement italien de négocier avec le FIPOL, l’armateur, les assureurs, une transaction pour la somme de 117,6 milliards de lires italiennes. MERIALDI (A). Damage to the environment in the maritime field from the Amoco Cadiz to the present day, op.cit., p. 334.
474 Rapport annuel du FIPOL 1999, p. 47.
475 On notera que le montant ultérieurement réglé par le fonds de 1971 à titre d’indemnisation ne portait pas sur les dommages à l’environnement. NICHOLS (J.), Genèse de la position des FIPOL à l’égard de la recevabilité des demandes d’indemnisation, p. 103, spéc. p. 114 in Les FIPOL : 25 années d’indemnisation des victimes de sinistres liés à la pollution par les hydrocarbures, 2003.
476 V. en ce sens BRANS (P.), The Braer and the admissbility of claims for pollution damage under the 1992 Protocols to the Civil Liability Conventions and the Fund Convention, Env. Liability 1995, 64.
477 V. en ce sens les tentatives de l’État français dans l’affaire de l’Erika à travers son Memorandum sur la réforme du FIPOL publié en annexe du Rapport Le Drian p. 409 : « Le champ des dommages réparables devrait, en outre, être élargi aux dommages à l’environnement, qui ne sont pas pris en compte actuellement » .V. en ce sens, Third intersessional Working Group Compensation for environmental damage under the auspices of the CLC fund Conventions : documents submitted by the French Delegation : 92FUND/ WGR. 3/5/ 6. 8 march 2001.
478 92/ FUND/ WGR.3/ 5/ 2. IOPC, 27 février 2001 Review of the international compensation regime, Admissibility of claims for compensation for environmental damage under the 1992 civil liability and fund conventions, submitted by the International Tanker Owners Pollution Federation Limited.
479 Pour les premiers développements de cette espèce et l’attitude du FIPOL V. NICHOLS (J.), Genèse de la position des FIPOL à l’égard de la recevabilité des demandes d’indemnisation, op.cit p. 114.
480 OST (F.), La responsabilité, fil d’Ariane du droit de l’environnement, Droit et Société 30/ 311995, p. 282, spéc. p. 304.
481 Nous ne pouvons bien évidemment pas dans le cadre de ces développements présenter l’ensemble des systèmes nationaux. Dès lors, nous entendons centrer nos développements sur certains d’entre eux. On citera toutefois certaines références susceptibles d’apporter un éclairage sur l’état de certains droits nationaux, Pour une approche allemande V. PFENNISTORF (W.), How to deal with damage to natural ressources : solutions in the German envrionmental liability Act of 1990. in Harm to the Environment the right to compensation and the assesment of damages op.cit pp 131-142, pour une approche belge de la question V. BOCKEN (H.), The compensation of ecological damage in Belgium ; pour une vision américaine V. SCHOENBAUM (T.J.) Environmental damages: the emerging law in the United States, Harm to the Environment the right to compensation and the assesment of damages.
482 Nous n’évoquerons ici que la jurisprudence française.
483 Cass. Civ. 3ème, 27 nov. 1844, S, 1844, 1, 211 BOUTELET (M.) La place de l’action pour trouble de voisinage dans l’évolution du droit de la responsabilité en matière d’environnement, dans L’entreprise face au dommage environnemental, JCP.Cah. dr. entr. 1999, n° 1.
484 Cass. civ. 3ème, 4 février 1971, JCP 1971, Ed. G, II, 16 781.
485 Lexique des termes juridiques Dalloz. Sur cette notion V. not. CADIET (L.), Le préjudice d’agrément, thèse Poitiers, 1983, JOURDAIN (P.), Le préjudice d’agrément, Resp.civ et assur. numéro spécial, mai 1998, p. 11. THÉVENOT (J.) Environnement et préjudice moral : observation sur le contentieux en réparation, D. 1989, Chron. p. 225.
486 MARTIN (G. J.), Réflexions sur la définition du dommage à l’environnement : le dommage écologique pur, in Droit et environnement. PUAM 1995. p. 120.
487 V. TI Tournon, 28 avril Gaz. Pal. 81, 2.560 note ALAUZE (E.), RTD civ. 1981. 853, note DURRY.
488 CA Montpellier, 1ère Ch. section D, 3 mars 1988 n° 85-3859, inédit. (incendie de forêt).
489 LE TOURNEAU (Ph.). et CADIET (L.), Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz Action, 2002/ 2003 n° 8595.
490 Trib. corr. Livourne, 27 avril 1974, Prud’hommie des pêcheurs de Bastia et Départ. de la Corse c/ Sté Montedison, Gaz. Pal, 11 mars 1975, note HUGLO (C.) ET KARSENTY (J.-P.), TGI Bastia, 8 déc. 1976, D. 1977-427 note RÉMOND -GOUILLOUD (M.).
491 CA Rouen, 30 juin 1984, inédit.
492 VINEY (G.), Le préjudice écologique, art. précit.,spéc. p. 8.
493 V. BIANCHI (A), Harm to the environment in italian practice: the interaction of international law and domestic Law, in Harm to the envrionment P. Wetterstein Clarendon, Press, Oxford, 1997, p. 104.
494 VOLPE PUTZOLO (G.), Liability for pollution damage, Notes about indemnity, damages and punitives damages. AIDA, The bulletin pollution, Products and New technologies n° 11, may 1998, p. 6 et s. On notera que pour l’heure le droit français n’admet pas le caractère punitif de la réparation. Toutefois, cette idée progresse en doctrine. V. not. le colloque organisé sur ce thème par le Centre de droit des affaires et de gestion de la Faculté de droit de Paris 5 : Faut-il moraliser le droit français de la réparation du dommage ? A propos des dommages et intérêts punitifs et de l’obligation de minimiser son propre dommage. sous la direction scientifique du Professeur M. BEHAR-TOUCHAIS, 21 mars 2002. Les actes de ce colloque ont été publiés aux Petites Affiches du 20 novembre 2002. Nous reviendrons sur cette question lors de notre seconde partie, car rappelons-le nous entendons ici défendre le concept de réparation pure.
495 Arrêt de la Cour constitutionnelle du 28 mai 1987 cité par GIAMPIETRO (F.), La spécificité du dommage écologique en droit italien,in Le dommage écologique en droit interne, communautaire et droit comparé, SFDE Economica, 1992, spéc. p. 99.
496 Air, eaux, sol, territoire, en tous ces composants à l’existence et la conservation des patrimoines génétiques de la terre et de la mer, et toutes les espèces animales et végétales qui vivent dans l’environnement à l’état naturel et enfin l’être humain dans toutes ses manifestations de la vie.
497 BIANCHI (A.), Harm to the environment in italian practice: the interaction of international law and domestic law in Harm to the Environment the right to compensation and the assesment of damages, p. 103-130.
498 Oil discharge pollution contral Act 1970
499 Ce fonds est prévu par l’article 13 de la loi du 24 juillet 1985, D. 16 janvier 1986 cité par RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Les fonds d’indemnisation, op. cit., p. 306.
500 THIEFFRY (P.), La directive sur la responsabilité environnementale enfin adoptée, LPA, n° 102, p. 5.
501 J.O.C.E n° L 143 du 30 avril 2004., lextenso, p. 7. Les États-membres de l’Union européenne sont liés par cette directive depuis le 30 avril 2007. Elle s’appliquera à certains dommages de pollution par navire, ceux provoqués par les combustibles de soute et les substances nocives et potentiellement dangreuses, cf. NESTEROWICZ (M.), The application of the environmental liability directive to damage caused by pollution from ships, LMCLQ 2007, p. 107.
502 THIEFFRY (P.), Le renforcement de la responsabilité environnementale des entreprises : tendances législatives françaises et européennes divergentes, Gaz. Pal. 12 juin 2004, n° 164, p. 22.
503 C’est-à-dire ceux relevant de la directive n° 79/ 409 du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (J.O.C.E n° L 143 du 30 avril 2004) et de la directive n° 92/ 43 du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (J.O.C.E n° L. 206 du 22 juillet 1992), auxquels pourront s’ajouter, à l’option de chaque État membre, les espèces et habitats désignés par celui-ci à des fins équivalentes, les eaux étendues au sens large de la directive n° 2000/60 du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (J.O.C.E n° L. 237 du 22 décembre 2000).
504 LEHOT (M.), Le renouvellement des sources internes du droit et le renouveau du droit de la responsabilité civile, Thèse Le Mans 2001, 175 et s.
505 V. HOUTCIEFF (D.), obs. RTD civ. 2003, 185, sur la thèse de HAKIM (N.), L’autorité de la doctrine civiliste française au xixème siécle, Thèse Paris I 2002.
506 V. TERRE (F.), Introduction générale au droit, Précis Dalloz, 6ème éd. 2003, n° 505 et s.
507 Nous empruntons cette expression au Professeur G. J. MARTIN, Rapport Introductif, in Le dommage écologique. op. cit spéc. p. 11.
508 TERRÉ (F.) ibid. n° 54.
509 MOLFESSIS (N.), Les prédictions doctrinales, Mél. F. Terré, 1999, p. 141 s.
510 LITTMAN (M.-J.) et LAMBRECHTS (C.), La spécificité du dommage écologique, Rapport général, Le dommage écologique, op. cit., spéc, p. 46.
511 MARTIN (G. J.) Réflexions sur la définition du dommage à l’environnement : le dommage écologique pur, précit, spéc. p. 116.
512 CABALLERO (F.) Essai sur la notion juridique de nuisance, précit., p. 295.
513 Ibid. p. 295.
514 RÉMOND-GOUILLOUD (M.) ibid. n° 100.
515 RÉMOND-GOUILLOUD (M.) Divers dommages réparables : préjudice écologique, précit., n° 100.
516 MARTIN (G.J.), Réflexions sur la définition du dommage à l’environnement : le dommage écologique pur, op. cit p. 130.
517 VINEY (G.), Le préjudice écologique, Resp.civ et assur., Numéro spécial- mai 1998, p. 6, spéc. p. 7
518 Par exemple : V. art. 1er de la loi du 3 janvier 1992 sur l’eau ; le nouvel article L. 200-1 du Code rural modifié par l’article 1er de la loi du 2 fév. 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement.
519 Sur la notion de patrimoine commun de l’humanité V. FLORY (M.) Le patrimoine commun de l’Humanité dans le droit international de l’environnement, in Droit et environnement PUAM 1995, p. 39 et s. L’atmosphère, la biosphère, les océans, ou les ressources génétiques sont considérés comme faisant partie intégrante du patrimoine commun de l’humanité.
520 VINEY (G.), Le préjudice écologique, précit., p. 7.
521 VINEY (G.), ibid., spéc. p. 8.
522 HAUKSSON-TRESCH (N.), La détermination par le juge du mode de réparation, LPA, 29 mai 1998, n° 64, p. 4.
523 JOURDAIN (P.), Les principes de la responsabilité civile, op. cit., p. 135.
524 TOPFER (K.), Au delà du marché : les FIPOL et l’environnement, in Les 25 ans d’indemnisation des victimes des sinistres liés à la pollution par les hydrocarbures. p. 40. Ainsi un navire citerne échoué au large de l’île San Cristobal (Galapagos) en janvier 2001 bien qu’ayant déversé moins de 90 tonnes d’hydrocarbures dans l’eau a entraîné des frais de nettoyage pour un montant de 14 millions de $ US.
525 V. en ce sens DE KLEMM (C.), Les apports du droit comparé, in Le dommage écologique op. cit., p. 150. Cela concerne par exemple les hypothèses où les habitats nécessaires à l’alimentation des espèces, ou à leur reproduction n’auront pas été reconstitués.
526 Le coût de la réparation ne doit pas excéder la valeur d’un bien endommagé avant la survenance du dommage. Dans l’hypothèse contraire, une alternative à la réparation sera préférée comme le remplacement dudit bien environnemental.
527 56 Federal Register, 29/4/ 1991, p. 19 757 : Natural Ressource Damage Asssesment, Proposed Rules, cité par C. WU La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures – Responsabilité et indemnisation des dommages, précit., n° 1360.
528 Décision du 11/ 1/ 1988, p. 25.
529 Selon M. GIRIN, directeur du CEDRE, cela faisait 30 ans que l’on ne disposait plus d’état zéro.
530 V. les développements consacrés à cette question par le journal Le Marin du 15 fév. 2002, p. 4. V. aussi en ce sens le rapport du Conseil Economique et Social (mars 2000).
531 Cette démarche s’inscrit également dans un cadre préventif, car elle doit à terme permettre de mettre sur pied un réseau de surveillance.
532 En France, on connaît très bien quelques sites, peu de choses sur quelques autres et presque rien sur la plupart. Notre connaissance du milieu est déficitaire par rapport à d’autres pays européens comme les Pays-Bas ou le Royaume-Uni par exemple.
533 Ensemble d’organismes vivant dans un même milieu.
534 Rapport du Conseil Economique et social (mars 2000).
535 Dite aussi réparation par équivalent.
536 V. en ce sens THUNIS (X.), La protection de l’environnement, une cure de jouvence pour la responsabilité civile ? Réponses du droit belge et perspectives européennes, in L’environnement à quel prix ? E. Mackaay et H. Trudeau (eds), Montréal, Thémis 1995 p. 91.
537 JOURDAIN (P.), Les principes de la responsabilité civile, op.cit p. 136.
538 Il est alors sans doute plus réaliste d’évoquer l’idée d’une réparation forfaitaire.
539 VINEY (G.), Traité de droit civil, sous la direction de J. Ghestin, Les obligations- La responsabilité : effets, LGDJ, 1988, n° 90, p. 130 ; V. aussi HUMBERT (D.), Le droit civil à l’épreuve de l’environnement -Essai sur les incidences des préoccupations environnementales en droit des biens, de la responsabilité, et des contrats, Thèse Nantes 2000, n° 414, p. 249.
540 On notera que la diminution en valeur de l’environnement n’est pas nécessairement liée à l’importance du déversement. Des petits déversements peuvent en effet entraîner de lourdes pertes. Ainsi le pétrole déversé par le Jessica aux Galapagos a décimé 60 % des uniques iguanes marins de la région. Les scientifiques ont émis l’idée que le pétrole avait tué les microbes de l’intestin des iguanes, empêchant ceux-ci de digérer les algues. TOPFER (K.), Au-delà du marché : les FIPOL et l’environnement, précit., p. 40.
541 V. SANDVIK (B.), Broadening the scope of compensation for damage to natural ressource. What can we learn from US Law ?, op. cit.
542 Howard Odum qui a fait œuvre de pionnier dans son approche écologique des systèmes, a déclaré que la valeur en dollars d’une baleine était pour nous bien supérieure à ce que le fait de la tuer pourrait rapporter, à cause des services qu’elle rendait en organisant son vaste écosystème. TOPFER (K.), Au delà du marché : les FIPOL et l’environnement, précit., p. 40.
543 Criteria for the admissibility of claims for compensation,.environmental damages claims, note by the Director of the IOPC Fund WGR./ 7/ 4, 4 january, p. 4, f); BRANS (E.), The Braer and the admissibility of claims for pollutions damage under the 1992 Protocols to the Civil Liability Conventions and the Fund Convention, Env Liability convention, 1995, 64, 66 f.
544 Sur cette affaire V. supra n° 1098.
545 GIROD (P.), .La réparation du dommage écologique, op. cit. p. 170.
546 MARTIN (G.J.) L’indemnisation des dommages écologiques, in Indemnisation des dommages de pollution, OCDE, 1981, p. 45.
547 SEBEK (V.), Indemnisation des dommages causés aux oiseaux de mer par la pollution des hydrocarbures, in Le coût des marées noires, OCDE 1982 p. 249.
548 Le Professeur M. PRIEUR employait cette expression pour qualifier une méthode forfaitaire d’évaluation de l’atteinte portée à un cours d’eau qui consistait à prendre en compte la surface de l’eau affectée sur la base d’un 1 Franc par m 2 de surface polluée sans référence au dommage réellement causé. V. en ce sens Cass. crim., 23 mars 1999, Code permanent Environnement et nuisances, Bulletin 267, 15 novembre 1999, n° 243 -CA Rennes, 19 décembre 1997, Rev. dr. rur., n° 279, janvier 2000, p. 42, obs. GAONAC’H (A.).
549 V. en ce sens VANHEULE (B.), Oil pollution : the International liability and compensation regime, DET 2003, p. 547. Cet auteur considère que contrairement à la position adoptée par le secrétariat du fonds, des modèles économiques devraient pouvoir être utilisés pour permettre l’évaluation des dommages écologiques.
550 WU (Ch.), La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures, précit., n° 1372. L’équité a toujours joué un rôle majeur dans la transformation du droit de la responsabilité. Elle a notamment permis l’extension de la notion de réparation du dommage. En d’autres termes, le dommage sera considéré comme réparable si l’équité commande sa réparation. V. sur ce point les développements consacrés à cette notion par M. SOUSSE, op. cit., p. 30. « L’équité envisagée comme norme supérieure inspiratrice du droit de la réparation des dommages ». L’auteur note que « l’équité a une fonction normative dans le droit de la réparation des dommages, résultant du fait qu’elle inspire le droit. Elle agit donc de manière plus forte qu’un simple principe puisqu’elle s’applique de manière systématique ».
551 V. sur ce point DEJEAN DE LA BATIE (N.), Appréciation in abstracto et appréciation in concreto en droit civil français, préf. H. MAZEAUD, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, 1975, p. 348 « Un remède radical consisterait de la part du législateur, à restreindre la liberté du juge en édictant des règles d’évaluation du préjudice c’est-à-dire en introduisant en matière d’évaluation certaines techniques d’abstraction ».
552 LAMBERT-FAIVRE (Y.), Droit du dommage corporel -Systèmes d’indemnisation, Dalloz, 4ème éd., n° 60, p. 130. L’utilisation des barèmes a fait ses preuves en matière d’évaluation des dommages corporels. Une méthodologie similaire pourrait être employée pour mesurer l’atteinte portée aux dommages environnementaux. V. en ce sens RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Du droit de détruire, op. cit., p. 235.
553 La seule difficulté consisterait alors à s’accorder sur le nombre de plantes, d’animaux ou de mètres carrés endommagés du fait de la pollution.
554 V. en ce sens LAPOYADE-DESCHAMPS (C.), Quelle (s) réparation(s) ? in Colloque : la responsabilité civile à l’aube du XXIème siècle, Resp.civ.et assur., 2001, p. 63, n° 29.
555 Ainsi, souvenons-nous que dans l’affaire du Zoe Colocotroni (Puerto Rico v. SS Zoe Colocotroni, 628 Féd 652 1 st Circ. 1980) l’utilisation des barèmes a conduit les juges d’appel à infirmer une décision de première instance qui avait accepté une indemnisation au titre de 92 millions d’invertébrés, de chaque arbre détruit et des 22 autres formes d’organismes vivants recensés sur le lieu du sinistre. V. not. DE KLEMM (C.), Les apports du droit comparé, in le dommage écologique en droit interne, communautaire et comparé, précit., p. 162.
556 DEJEAN DE LA BÂTIE ( N.) Appréciation in abstracto et appréciation in concreto en droit civil français, précit., n° 1, p. 1.
557 BIANCHI (A.), Harm to the environment in italian pratice: the interaction of international Law and domestic Law, Harm to the environment op. cit. spéc. p. 129. Cet auteur note que des concepts flexibles telles que l’équité ou la raisonnabilité sont plus appropriés que des règles rigides lorsqu’il s’agit de traiter d’espèces complexes. V. aussi en ce sens ANDERSON (C.B.), Litigating and settling a Natural Ressources Damage claim in the United States: The defense lawyer’s perspective in Harm to the environment op. cit. .Cet auteur se demande si le début laborieux de réflexion engagée au sein de l’OMI ne pourrait pas déboucher sur une méthode plus praticable que celle actuellement en vigueur aux États-Unis.
558 5 000 millions de lires (Patmos spillage 1985) - 100 000 millions de lires (Haven 1991) s’agissant du gouvernement américain, 3, 2 millions de dollars pour l’Indonésie (Evoikos 1997)
559 VINEY (G.), Le préjudice écologique, op.cit, spéc. p. 10.
560 Erika : indemniser et prévenir, Rapport, Tome I, op. cit., p. 80.
561 Sur cette question V. CHAUMET (F.), L’assurance du risque environnemental, JCP E, 1999, supplément 1, p. 23 et s .GODFRIN (V.), L’assurance du risque environnemental, Interjuris, Séminaire, Droit de l’Environnement, 13 juin 2003 ; DEMEESTER-MORANÇAIS (M.-L.), Assurance et environnement, Gaz. Pal. 28-29 nov. 1997, p. 6 ; V. aussi TAURAN (T.), La technique de l’assurance et la protection de l’environnement, AFDEA 2003, p. 189, spéc. p. 195. L’auteur met en exergue les limites de la technique de l’assurance. Il souligne que l’assurance n’est pas une technique infaillible car il est financièrement impossible aux assureurs de prendre en charge l’ensemble des dépenses résultant des atteintes à l’environnement.
562 BUCKENS (M.) Responsabilité environnementale : les limites de la future directive communautaire. les cahiers de Europe environnement, juillet 2003, spéc. p. 15.
563 V. sur ce point LASCOUMES (P.), L’assurance des risques environnementaux, in Droit du travail et droit de l’environnement, Litec 1994, p. 67. V. aussi HUSSON (G.), Le point de vue des assureurs, in Le dommage écologique en droit interne et en droit comparé ; préc. p. 179.
564 Natural Ressource Damage Assement Regulation.
565 VALOIS (Ph), Transport de pétrole par mer, précit., p. 176 Pour un aperçu de l’assurance environnementale aux États-Unis, BUCKENS (M.), Responsabilité environnementale : les limites de la future directive communautaire ; spéc. p. 15. L’auteur note que le nombre des assureurs fournissant une assurance couvrant les atteintes à l’environnement aux États-Unis a progressé au cours de la dernière décennie, les primes émises sur le marché de l’assurance environnementale excédant 1 milliard de dollars par an. Toutefois le nombre des entreprises d’assurance qui offrent aux États-Unis ce type de couverture est très limité.
566 PRIEUR (P.), Droit de l’environnement, n° 1135.
567 V. DEPRIMOZ (J.), L’assurance des risques d’atteinte à l’environnement, RJE, 1978, p. 172.
568 V. Lamy Assurance n° 1826.
569 GODFRIN (V.), L’assurance du risque environnemental, op. cit.
570 « Toute détérioration ou destruction d’une chose ou substance ou toute atteinte physique à des animaux dès lors que ces choses ou substances ou animaux constituent les biens d’une personne ».
571 V. en ce sens ROUSSEAU (M.), La difficulté d’établir la responsabilité civile en matière d’environnement, JCP E, 1999, supplément p. 23 et s.
572 BIGOT (J.), L’indemnisation des dommages nés de la pollution et l’assurance, op. cit., p. 139.
573 SOUSSE (M.), La notion de réparation de dommages, précit., p. 408.
574 VINEY (G.), Le préjudice écologique, Resp. civ.et assur., n° spécial, mai 1998, p. 11. On notera que l’idée d’une obligation d’assurance avait pourtant fait lentement son chemin puisque non seulement elle était préconisée par la Convention de Lugano de 1993, mais encore par le livre vert de la Communauté européenne de mai 1993.
575 Art. 16 de la proposition de directive du parlement européen et du Conseil sur la responsabilité environnementale en vue de la prévention et de la réparation des dommages environnementaux. 2002/0021 (COD) - sur l’assurance responsabilité civile pollution obligatoire, V. DELEUZE (R.) et DAUBERT (T.), De l’assurance responsabilité civile obligatoire, BDEI, octobre 2000, p. 28 et s.
576 RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Les fonds d’indemnisation et le préjudice écologique, précit., spéc. p. 168.
577 RÉMOND-GOUILLOUD (M.)., Les fonds d’indemnisation et le préjudice écologique in Le dommage écologique en droit interne communautaire, précit., p. 165 spéc. p. 168.
578 V. en ce sens RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Les fonds d’indemnisation (collectivisation du risque) in Droit de l’environnement marin, op. cit, spéc. 316.
579 JACOBSSON (M.) Le concept de « dommage de pollution » dans le cadre des conventions maritimes sur la responsabilité et la réparation pour les marées noires, in Réforme de la responsabilité civile nucléaire, Actes du Symposium de Budapest 1999 (31 mai-3 juin 1999) organisé par l’Agence de l’OCDE pour l’énergie nucléaire en coopération avec l’Agence internationale de l’énergie atomique et la Commission européenne, à l’invitation de l’Agence de l’énergie atomique de Hongrie et de l’Institut d’études juridiques de l’Académie nationale des sciences, Publication de l’OCDE, 2000, p. 37, spéc. p. 54.
580 TOPFER (K.), Au delà du marché : les FIPOL et l’environnement, précit., p. 38.
581 WU (Ch.), La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures, op. cit., p. 450.
582 Review of the International compensation regime, Compensation for ecological damage to be paid by the International compensation regime submitted by the French delegation, 92 FUND/ WGR. 3/ 5/ 6, 8 march 2001.
583 Pour une vue d’ensemble de la question, nous reportons le lecteur aux écrits du Professeur M. PRIEUR, Droit de l’environnement, op. cit., n° 121 et s. et CANS (C.) Associations agréées de protection de l’environnement, J. Cl. environnement, fasc. 240.
584 HERMITTE (M.A.) a exprimé ce point de vue in L’État des sciences, Editions La Découverte 1992, pp. 59-60, cité par HUGLO (C.) in Vers la reconnaissance d’un droit de la nature à réparation ? Elément de réflexion sur la problématique posée et appréciation critique, LPA, n° 117, p. 15.
585 HERMITTE (M.- A.) a exprimé ce point de vue in L’État des sciences, Editions La Découverte 1992, pp 59-60. Ces propos sont synthétisés par HUGLO (C.) in Vers la reconnaissance d’un droit de la nature à réparation ? Elément de réflexion sur la problématique posée et appréciation critique, LPA - 29 sept. 1993- n° 117-15-18.
586 CANS (C.), Plaidoyer pour un droit de l’environnement moins anthropocentrique, Droit de l’environnement, Juillet, Août 2000- n° 80, p. 10.
587 Review of the International compensation regime, Compensation for ecological damage to be paid by the International compensation regime » submitted by the French delegation, 92 FUND/ WGR. 3/ 5/ 6, 8 march 2001.
588 Sur cette question V. Not. WETTERSTEIN (P.) A proprietary or Possessory Interest: a conditio sine qua non for claiming Damage for environemental impairment in Harm to the Environment the right to compensation and the assesment of damages » edited by P. Wetterstein Clarendon Press. Oxford, 1997.
589 REHBINDERE (E.), Evaluation et réparation du dommage écologique, Rapport général, Le dommage écologique, précit., p. 109 et s.
590 SEBEK (V.), Indemnisation des dommages causés aux oiseaux de mer par la pollution par les hydrocarbures : évaluation juridique et économique, op. cit., p. 242. Ainsi la couronne anglaise est-elle désignée comme la tutrice des eaux navigables et des fonds marins. Cette qualité de tuteur est également reconnus dans les pays nordiques et déguisée dans d’autres pays de droit civil.
591 BIANCHI (A.), Harm to the environment in Italian practice: the interaction of international law and domestic law, Harm to the environment: the right to compensation and the assesment of damages, op.cit, p. 83-100.
592 Third intersessional working group, compensation for environmental damage under the auspice of CLC Review of the International compensation regime, Compensation for ecological damage to be paid by the International compensation regime » submitted by the French delegation, 92 FUND/ WGR. 3/ 5/ 6, 8 march 2001.
593 Third intersessional working group, compensation for environmental damage under the auspice of CLC fund conventions Document submitted by the French delegation: 92FUND/ WGR.3/8/ 8 IOPC FUND 1992.
594 MASSON (M.), Civil liability for oil pollution damage: examining the evolving scope for environmental compensation in the international regime, Marine Policy 27 (2003) 1-12.
595 Quant aux autorités publiques, la loi du 2 février 1995 n° 95-1 sur le renforcement de la protection de l’environnement leur a également confié un rôle important dans ce domaine puisqu’elle a reconnu à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, au Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, aux agences financières de bassin et à la Caisse nationale des monuments historiques et des sites « les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts qu’ils ont pour objet de défendre et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l’environnement ».
596 Ou plus exactement leur méthode d’évaluation.
597 RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Le prix de la nature, D. chro, 1982/ 1 p. 35.
598 V. à ce sujet la position d’une partie de la doctrine maritimiste, DU PONTAVICE (E.) et CORDIER (P.), La mer et le droit idem p. 36. Selon ces auteurs, seule la reconnaissance d’un droit général à l’environnement dont les associations pourraient se réclamer devant les tribunaux permettra de protéger les intérêts qualifiés de collectifs ; V. aussi les observations du Professeur DESPAX, Droit de l’environnement ; 1980, précit., p. 405. Cet auteur regrette que « là où des larges pans du droit demeurent inappliqués, en des domaines où l’intérêt général est plus qu’ailleurs qu’en cause, le Ministère public qui en est le gardien, repousse les renforts les plus désintéressés et les plus efficaces ».
599 Pour une vue d’ensemble de la question, nous reportons le lecteur aux écrits du Professeur PRIEUR (M.) Droit de l’environnement, op. cit., n° 121 ; CANS (C.) Associations agrées de protection de l’environnement, J. Cl. environnement, fasc. 240.
600 RUBELIN-DEVICHI (J.), L’irrecevabilité de l’action civile et la notion d’intérêt général, JCP 1965. I, 1922.
601 Deux associations françaises bénévoles, la ligue pour la Protection des oiseaux (LPO) et la Société pour l’étude de la Protection de la nature en Bretagne (SEPNB) ont présenté des demandes au titre des soins des oiseaux et des études écologiques et du programme de repopulation des oiseaux de mer. V. décision Amoco Cadiz du 11/1/1988 par le Tribunal du District de l’Illinois, p. 424.
602 Selon cette Association, le pétrole de l’Erika aurait causé la mort d’au moins 74 000 oiseaux soit 37 000 couples. Elle a calculé, chiffres confirmés par la Cour des comptes, que l’on peut évaluer le coût de la mortalité d’un couple à 300 euros.
603 VINEY (G.), Le préjudice écologique, op. cit., p. 9.
604 BORÉ (L.) la défense des intérêts collectifs par les associations devant les juridictions administratives et judiciaires, Préf. G. Viney,. LGDJ Biblioth de droit privé, 1997, n° 103 s.
605 LÉOST (R.), L’agrément des associations de protection de l’environnement, RJE, 1995-2, p. 265.
606 JEGOUZO (Y.), La loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement, RD imm., 1995, p. 201, spéc. p. 209.
607 Il semblerait que les activités de restauration entreprises par les associations soient moins coûteuses que celles d’envergure engagées par l’État et ses organes publics, où le gaspillage est inévitable. Les industriels connaissent aussi l’avantage de laisser agir les associations, un P&I a admis qu’un organisme bénévole avait qualité pour agir bien que l’organisme ne soit pas propriétaire de la zone polluée et que la loi ne le lui ait pas imposé, V. SEBEK (V.), Indemnisation des dommages causés aux oiseaux de mer par la pollution par les hydrocarbures : évaluation juridique et économique, op. cit., pp. 244-245.
608 WU (Ch.), La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures-Responsabilité et indemnisation des dommages, précit, p. 454.
609 V. décision Amoco du 11/1/1988 par le Tribunal du District de l’Illinois p. 425-435.
610 V. à ce sujet RÉMOND-GOUILLOUD (M.), note sous TGI Brest, 4. nov. 2003, Navire Lia, 18 nov. 2003 ; Navire CMA CGM Voltaire 16 déc. 2003 ; Navire Dobrudja. DMF fév. 2004, pp 113-127. L’auteur du commentaire de la récente jurisprudence brestoise en matière de lutte contre les rejets en mer délibérés d’hydrocarbures constate une certaine inflation des demandes déposées par les associations de protection de l’environnement au titre de l’action civile, V. spéc. p. 126.
611 Le Professeur G. VINEY note qu’il ne serait même pas nécessaire de légiférer pour accorder aux associations érigées en « fer de lance » des défenseurs de l’environnement ce droit d’action. in Le préjudice écologique, op. cit, spéc. p. 11.
612 En l’occurrence le FIPOL.
613 COPPOALANI (C.), Une période de transition, in Les FIPOL : 25 années d’indemnisation des victimes des sinistres liés à la pollution par les hydrocarbures, précit., spéc. p. 72.
614 V. en ce sens TOPFER (K.), Au delà du marché : les FIPOL et l’environnement, in Les FIPOL : 25 années d’indemnisation des victimes des sinistres liés à la pollution par les hydrocarbures, précit., p. 39.
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