Chapitre II. Une institution ostensiblement bridée dans sa fonction d’indemnisation
La « garantie-fiction » du propriétaire du navire pollueur
p. 149-218
Texte intégral
1349. S’il est un objectif que l’on assigne à tout système de responsabilité civile quel qu’il soit, c’est celui de réparation. La fonction de réparation constitue, en effet, l’essence même de la responsabilité civile. Dès lors, on paraît fondé à exiger du législateur, au sens général du terme, qu’il offre les meilleures conditions qui soient pour que cette institution accomplisse au mieux la mission qui lui est dévolue. L’aménagement d’une garantie de paiement paraît indubitablement s’inscrire dans ce souci d’améliorer le sort de la victime. Toutefois, il convient d’emblée de souligner que cette garantie de paiement est susceptible de se présenter sous plusieurs formes. Elle peut, nous l’avons vu, consister à désigner au profit de la victime un solvens, réputé plus solvable que l’auteur direct du dommage. Toutefois, nous avons émis quelques réserves à ce propos, constatant que, dans cette hypothèse, la responsabilité était désincarnée, la responsabilité du propriétaire de navire revêtant alors des allures de responsabilité-fiction. Une autre forme de garantie est envisageable. Faute de pouvoir l’individualiser, on peut dire qu’elle se mesure à l’aune de la convivialité de l’environnement dans lequel la victime est placée pour exercer son action.
2350. Or, lorsque la réparation a vocation à être prise en charge par le propriétaire de navire, celui-ci paraît en mesure d’imposer au législateur les règles de responsabilité régissant l’exercice de son activité à savoir celles du droit maritime. Ce dernier se présente essentiellement comme le « produit spontané et relativement monolithique des milieux professionnels attachés à la mer »1. C’est un droit fortement corporatiste, car conçu par et pour les professionnels de la mer. Et, dès lors, la garantie offerte par le législateur aux victimes de pollutions dans le cadre de la Convention CLC paraît, elle aussi, devenir fiction, car largement déterminée par le milieu qui la consent et qui reste, en définitive, plus soucieux de sauvegarder ses intérêts, que ceux des victimes qui pourraient avoir à pâtir de son activité.
3351. Ainsi en matière maritime, l’idée que la responsabilité serait une institution ostensiblement bridée dans sa fonction d’indemnisation paraît particulièrement bien ressortir. D’une part l’indemnisation est plafonnée du fait de l’existence d’une limitation armatoriale (section 1), d’autre part, elle est conditionnée par la couverture armatoriale du risque-pollution (section 2), le législateur international devant avant d’arrêter un plafond au titre de la responsabilité consulter les mutuelles armatoriales seules disposées à couvrir ce risque et donc naturellement enclines à sous-évaluer leur capacité à le faire.
4352. Reste que l’on peut se demander si c’est encore bien au propriétaire de navire qu’il appartient de fournir une garantie en présence d’un risque, celui de pollution, qui n’a plus grand chose à voir avec le traditionnel risque maritime qui a motivé l’élaboration d’un droit spécial, maritime en l’occurrence. Or précisément, en lui demandant de gérer des catastrophes environnementales majeures, ne lui fait-on pas quitter ses territoires, ce qui reviendrait à le condamner à échouer par avance.
SECTION 1. LE PLAFONNEMENT DE L’INDEMNISATION PAR LA LIMITATION ARMATORIALE DE RESPONSABILITÉ
5353. « Le principe de la réparation intégrale se déduit de l’objet même de la responsabilité qui est de rétablir autant que possible l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation antérieure »2. Il signifie que la victime doit obtenir réparation seulement du dommage qu’elle a subi, mais de tout le dommage. Certes, « dans plusieurs hypothèses, le législateur, pour des raisons diverses, a admis que la réparation du dommage ne serait pas intégrale. Il ne s’agit pas pour autant d’une réparation forfaitaire, mais d’une réparation limitée à un certain plafond. Si le dommage éprouvé par un créancier est d’un montant inférieur au plafond légal de la réparation, il sera intégralement réparé. Ce n’est que dans le cas où le dommage serait supérieur au plafond que sa réparation ne serait pas intégrale »3. Mais, ce ne sont là que de rares exceptions au principe de réparation intégrale en droit privé.
6354. A l’exact opposé, le principe de limitation de réparation fait figure d’institution en droit maritime, peut être la plus originale qu’il connaisse du reste. Toutefois, en présence d’une pollution maritime majeure, son maintien paraît davantage relever d’un « réflexe d’autodéfense de la profession maritime que d’une analyse traditionnelle tant des conditions de la navigation moderne que de l’évolution du droit civil »4. On s’expliquera dès lors que ce pilier du droit maritime soit de plus en plus ébranlé par le risque écologique majeur (Sous-section 1). Mais ce que pourrait révéler, non plus le principe mais l’exercice de la limitation, c’est l’incapacité du droit maritime à prendre en compte la spécificité du risque écologique majeur (Sous-section 2).
SOUS-SECTION 1. LE PRINCIPE DE LIMITATION DE RESPONSABILITÉ, UN PILIER DU DROIT MARITIME ÉBRANLÉ PAR LE RISQUE ÉCOLOGIQUE MAJEUR
7355. S’il est un principe particulièrement bien ancré en droit maritime, c’est celui de limitation de responsabilité. Est-ce à dire, alors, que sa légitimité soit sans borne, dès que survient un événement de mer ? Quid, lorsque ledit événement affecte l’environnement marin ? L’atteinte portée au principe de réparation intégrale se justifie-t-elle encore ? Au nom de quoi, la Convention CLC s’autoriserait-elle à rogner sur la garantie offerte à la victime d’une pollution ? La démarche à suivre pour tenter d’apporter une réponse à ces interrogations paraît presque s’imposer d’elle-même.
8356. Il convient de passer au crible les différentes justifications du principe de limitation pour vérifier si elles conservent leur raison d’être en présence d’une pollution marine accidentelle liée au transport maritime de substances dangereuses ou polluantes. Car, ainsi que le rappelle Chauveau5 : « une règle mais sans laquelle il n’est pas de bonne justice est qu’il faut traiter différemment des choses différentes et ne pas les confondre en unités simplistes ». S’agissant d’un principe qualifié de « pierre angulaire » du droit maritime, il s’agira donc de vérifier si des justifications proprement maritimes (§1), mais aussi d’autres, à caractère socio-économique (§2) ne doivent pas être remises en cause, car contestables, en présence d’un événement de mer aussi spécifique que la pollution marine.
§ 1. Vers une remise en cause des justifications purement maritimistes
9357. S’interroger sur une possible remise en cause des justifications maritimes du principe de limitation, tel qu’inséré dans la Convention CLC, suppose de raisonner en deux temps. Il convient d’abord, de rappeler les circonstances dans lesquelles le principe de limitation a pu être considéré comme « une pierre angulaire du droit maritime » (A). Il devrait, être par la suite, plus aisé de convaincre de son statut de pièce rapportée dans le droit des pollutions (B).
A. Du principe de limitation comme « pierre angulaire » du droit maritime
10358. Si le principe de limitation peut être considéré comme une « pierre angulaire du droit maritime », c’est essentiellement pour deux raisons. D’une part, parce qu’il est fondé sur l’exercice d’une compensation entre gens de mer (1), d’autre part, parce qu’il trouve sa justification dans la spécificité du milieu marin et, plus encore, dans le péril de mer (2).
1. Un principe fondé sur l’idée de réciprocité
11359. Considéré d’emblée comme une condition de la viabilité des armements, le principe de limitation trouverait sa justification dans une idée aussi simple que logique. La victime d’un dommage survenu en mer consentirait à une réparation « amputée » avec l’espoir de bénéficier plus tard de ce même privilège6.
12360. Si le paiement immédiat de ce qui est dû à un créancier constitue le mode normal d’extinction des obligations, celles-ci peuvent aussi s’éteindre en différé7. Ainsi, du jour où deux personnes deviennent réciproquement créancière et débitrice l’une de l’autre, une compensation, c’est-à-dire un double paiement automatique emportant l’extinction simultanée de deux obligations de même nature, peut se réaliser. Par une sorte de raccourci simplificateur, chacun est censé avoir acquitté sa dette moyennant renonciation, à due concurrence. Au passage, le créancier, satisfait par cette voie indirecte, échappe non seulement au risque d’insolvabilité de son débiteur, mais aussi à tous les tracas et aléas du recouvrement de sa créance. Si la technique ainsi décrite procure lato sensu une garantie, elle ne saurait bénéficier à n’importe qui. La compensation, rappelons-le, exige un rapport de réciprocité. On s’expliquera dès lors qu’elle puisse trouver un terrain d’ancrage particulièrement favorable en droit maritime, lequel a précisément pour vocation de régir des rapports au sein d’un monde clos composé d’individus, et d’intérêts se réclamant tous d’une même communauté : celle des gens de mer. Plus largement, c’est l’idée de solidarité face au péril de mer qui expliquerait en partie « l’autonomie de la responsabilité du transporteur maritime »8 à l’égard du droit commun.
13361. Si à travers sa citation « il y a trois sortes d’hommes, les vivants et les morts et ceux qui vont en mer », Platon ne rappelle que trop la présence d’une communauté des gens de mer, il met aussi en évidence l’élément particulier qui a motivé sa création, à savoir le péril de mer. Et nul doute que le principe de limitation est lui aussi mâtiné de ce concept.
2. Un principe mâtiné de péril de mer
14362. La notion de péril de mer constitue l’« élément d’originalité essentiel du droit maritime »9. C’est elle qui, en tant que tel, a conduit à mettre en place des règles juridiques spécifiques. Pourtant, force est d’admettre qu’on peut hésiter avant de lui conférer le statut de notion juridique. Tout au plus, dans l’esprit du juge, peut-on pour l’appréhender faire référence à la notion civiliste de force majeure10. Lorsqu’il s’agit d’évoquer cette notion comme une possible légitimation du principe de limitation, pareille approche est toutefois par trop réductrice. Aussi, mérite-t-elle d’être complétée. Car, à l’évidence, si les risques et périls de mer pouvaient être assimilés aux risques d’une entreprise terrestre, cela signifierait qu’ils devraient être soumis au même régime au nom de la suprématie d’un prétendu droit commun.
15363. C’est cette thèse que répugne à faire sienne Chauveau11. C’est celle-là même aussi qu’il s’emploie à détruire méthodiquement. La démonstration se doit de débuter par un constat : toute législation doit s’adapter au milieu et aux activités qu’elle régit. Or, précisément, le fait que les risques de mer se manifestent dans un milieu extérieur au territoire national crée déjà une première différence avec les risques terrestres12. Ce faisant, on est conduit à se demander si le droit commun créé pour l’usage interne de nos activités terrestres est encore adapté à ces risques extérieurs. Cette question est d’autant plus cruciale que, lorsqu’on analyse les risques pour mieux les comparer, on s’aperçoit qu’ils ne sont ni de même nature ni de même intensité. Les risques de mer sont composés d’éléments naturels, qu’on désigne souvent en parlant des forces de la nature. Ce sont les tempêtes, la force des vagues, les courants, le brouillard, pour ne citer que les plus connus. Si le marin et le capitaine le plus chevronné sont aujourd’hui mieux armés pour les combattre, nul ne peut garantir qu’ils y parviendront systématiquement. Si certaines de ces forces s’exercent sur terre, elles ne s’y font pas ressentir avec la même intensité. En pleine mer, le marin doit savoir tracer sa route à chaque instant et s’assurer qu’il n’en a pas dévié, le conducteur d’automobile quant à lui, trouve une route toute tracée. Lorsque dans le brouillard le marin risque de se perdre, le conducteur d’un train n’a qu’à suivre le rail qui le conduira à destination. L’importance du risque, au sens de l’importance des dommages susceptibles d’en résulter est aussi un trait caractéristique du risque maritime. D’un coup, d’un seul, l’entreprise la mieux gérée peut être ruinée en raison de l’ampleur des dommages.
16364. Ainsi s’explique et se justifie le souci qu’a tout propriétaire de navire de limiter sa responsabilité avant de s’engager dans une entreprise maritime13. Véritable contrepoids face à la rudesse des éléments naturels, le principe de limitation serait intemporel et universel14. « En dépit des progrès techniques accomplis, les mêmes lourds paquets de mer peuvent s’abattre sur le pont et occasionner des avaries aux superstructures du navire »15. On serait dès lors mal fondé à considérer cette limitation comme infondée au simple motif qu’elle serait contraire aux principes généraux du droit de la responsabilité16. Bien au contraire, elle constituerait une « protection »17 indispensable au maintien de l’activité des armements.
17365. Ce qui fait dire à Chauveau18 que « la règle fondamentale du droit de la responsabilité ne doit tout de même pas se résumer dans la réparation intégrale de tout dommage au profit de celui qui en est victime. En bonne justice, cette obligation doit être soumise à certaines conditions et limites. Or, guidée par des préoccupations sociales, la jurisprudence française veut par tous les moyens assurer l’indemnisation totale de la victime. Elle cède à sa « réparationite » comme Rodière a qualifié cette tendance et elle utilise à cet effet des moyens devenus classiques grâce auxquels elle procède à la destruction progressive du droit maritime par voie d’intégration dans le droit terrestre »19.
18366. Reste que les faits conditionnent le droit. Et sans aller jusqu’à remettre en cause l’existence du péril de mer, force est de constater que l’évolution des techniques de la navigation et du trafic maritime conduit à en minimiser l’importance. Et cela même Chauveau ne l’ignore pas constatant que « depuis que la voile est remplacée par la vapeur, la coque en bois par la coque d’acier, que le radar, la télégraphie et la téléphonie sans fil sont d’usage courant, que les stations de radiogoniométrie se multiplient, l’éloignement s’amenuise et le marin est mieux armé pour lutter contre les périls de mer dont les risques paraissent moins redoutables »20.
19367. Il n’en demeure pas moins, qu’en dépit de cela, le droit maritime renonce à faire sa révolution quand la survenance d’événements nouveaux comme les pollutions maritimes majeures auraient pu l’y inviter. On s’expliquera dès lors que le principe de limitation loin d’apparaître comme une pierre angulaire, puisse faire office de pièce rapportée dans le droit des pollutions.
B. Du principe de limitation, comme « pièce rapportée » dans le droit des pollutions ?
20368. L’idée de « pièce rapportée » contraste avec celle de « pierre angulaire ». Elle exprime volontiers l’idée de mésalliance. Est-ce à dire alors, qu’opportun dans les activités traditionnelles d’armement maritime, le principe de limitation cesserait de l’être dans le cadre d’un transport de substances dangereuses ou polluantes ? Il y a tout lieu de le penser, auquel cas il faudrait admettre qu’il a été intégré contre-nature dans la convention CLC (1). Cette impression pourrait être corroborée par le système américain qui sans y renoncer, encourage largement son éviction (2).
1. Une intégration contre-nature par la Convention CLC
21369. Cette idée peut, nous semble-t-il, être mise en évidence en trois temps. Si l’intégration du principe de limitation n’a pas fait l’objet de débats au sein de l’OMI dans les années 1970, il apparaît, avec du recul, qu’elle s’est faite contre-nature. Il convient d’abord de souligner que la traditionnelle réciprocité qu’exige le principe de limitation ne peut être mise en œuvre s’agissant des victimes terrestres des pollutions marines (a). Il faut ensuite noter que ce principe compromet d’emblée l’espoir d’obtenir une réparation intégrale (b). Enfin il importe d’apprécier la pertinence d’abandonner le principe d’une exclusivité armatoriale s’agissant de ce privilège (c).
a) Le principe de réciprocité bafoué
22370. Il ne saurait être question, ici, de nier la spécificité du péril de mer, au motif qu’il existerait d’autres activités dangereuses21 qui exposeraient tout autant ceux qui les exercent à des périls, sans pour autant espérer bénéficier des largesses que procure le principe de limitation. Il est, en revanche, des objections autrement plus dirimantes.
23371. La condition de réciprocité est de celle-là. Justificatif traditionnel du principe de limitation, nous l’avons vu, elle repose sur l’idée selon laquelle tel qui profite aujourd’hui de la limitation pourra demain se la voir opposée. Or, précisément, ce « mécanisme de va-et-vient » est totalement inopérant dans un scénario de pollution marine. Ainsi que le note fort justement le Pr A. Vialard22, dans ce cadre, « la limitation ne fonctionne plus qu’à sens unique : de la mer vers la terre, jamais l’inverse ». Du Pontavice23 de se prononcer dans le même sens avec des termes tout aussi explicites. Selon cet auteur, si la limitation de réparation des propriétaires de navires est fondée dans le système de responsabilité des propriétaires de navires, c’est-à-dire dans le cas où le procès n’intéresse que des spécialistes de la navigation maritime, il ne saurait en être de même lorsque le système est imposé à des victimes qui ne sont pas des spécialistes de la mer. Monsieur Ch. Scapel fait un constat identique soulignant que « le pêcheur à pied, l’hôtelier du bord de mer, ne sont pas des opérateurs du monde du transport maritime »24. En ce sens ils ne devraient pas subir les rigueurs d’un principe qu’ils n’acceptent, ni ne comprennent, parce qu’il tend à compromettre leur droit à une réparation intégrale.
b) Le principe de réparation intégrale compromis
24372. Même si l’atteinte au principe de « restitutio in integrum » participe de l’essence de la limitation, il convient ici d’en dire quelques mots dans cette « configuration particulière » que représentent les pollutions marines. Bien que consacrée par le législateur, l’expression de « limitation de responsabilité » reste impropre. Plus que de limitation de responsabilité, c’est de limitation de réparation dont il faut ici parler. Ce n’est pas, en effet, la responsabilité qui en tant que telle se trouve limitée, mais bien l’obligation de réparation25. La limitation signifie en effet que l’industrie, quand elle cause le dommage, est en partie soulagée de son obligation de prendre à sa charge l’indemnisation, alors qu’un tel coût aurait dû faire partie des coûts normaux d’exploitation26. Elle acquiert de ce fait un avantage, dont la partie lésée a directement à pâtir.
25373. Or, si « la nécessité de fournir une indemnisation convenable, prompte et efficace aux personnes victimes de dommages causés par des événements liés au transport par mer »27 constitue la raison d’être des Conventions CLC et SNPD, en entérinant le principe de limitation28, le législateur se place délibérément en profonde contradiction avec l’objectif qu’il s’est fixé. La réparation intégrale ne répond-elle pas, seule, à cette exigence fondamentale de justice29 ? Sa supériorité par rapport à la méthode forfaitaire ou plafonnée est incontestable. Car, tandis que les victimes d’une pollution mineure, pour ne pas dire supportable, peuvent revendiquer une réparation intégrale, celles atteintes par des dommages catastrophiques doivent se satisfaire d’une réparation partielle. Il y a là manifestement une « anomalie »30 que le juge français pourrait être tenté de corriger en s’appuyant sur un arrêt du Conseil constitutionnel du 22 octobre 1982. Dans cette décision, il est rappelé que « le droit d’une victime à obtenir réparation du préjudice causé par la faute d’autrui a valeur constitutionnelle »31. Parce que la constitution est supérieure aux traités, même dans l’interprétation d’un traité, « le droit à réparation devrait désormais prévaloir sur le droit à limitation »32 et conduire ce faisant le juge français à une interprétation étroite des dispositions ouvrant droit à limitation33.Cela s’imposerait d’autant plus que le risque pour la victime d’une pollution terrestre de se voir opposer le principe de limitation ne cesse de croître en raison d’un élargissement du cercle des personnes admises à s’en prévaloir ; le principe d’une exclusivité armatoriale étant désormais abandonné.
c) Le principe d’exclusivité armatoriale abandonné
26374. Longtemps faveur réservée au seul propriétaire de navire à raison des engagements et faits du capitaine34 en cours d’expédition, cette protection s’est, à une époque récente, sensiblement élargie. Comme le note le Pr A. VIALARD « continuant de creuser le sillon » ouvert dès la Convention de 1924, la Convention de 1976 généralise l’attribution du droit à limitation de responsabilité. Depuis que le mécanisme de la limitation n’est plus lié à la propriété du navire mais à la constitution d’un fonds de limitation à l’anglaise, le droit à limitation bénéficie à tous ceux dont la dette, apparue à l’occasion d’un événement de mer est liée à l’exploitation d’un navire35.
27375. Cet élargissement rejaillit sur l’intitulé même de la Convention. La traditionnelle limitation de responsabilité du propriétaire de navire laisse place à la limitation en matière de créances maritimes. Ainsi, la limitation bénéficie désormais outre au propriétaire de navire, à tout exploitant quelle que soit sa qualité : affréteur, armateur, armateur-gérant36, mais aussi au capitaine et à tous les préposés, terrestres ou nautiques, lorsque leur responsabilité vient à être engagée à l’occasion d’un événement de mer, mais encore à l’assistant et à l’assureur- responsabilité garantissant ces personnes pour des créances limitées. Aussi, à l’instar du Pr P. Bonassies, on peut penser que si le principe perdure en matière de pollution, ce n’est qu’en raison de la mise en place d’un second système de réparation, celui du FIPOL37. S’il s’agit là d’une explication, elle ne saurait, pour autant, convaincre du bien-fondé du principe de limitation. C’est pourquoi, au lieu et place de ce qui apparaît bien comme une intégration contre-nature du principe de limitation, le droit américain des pollutions tend à encourager son éviction.
2. Une éviction largement encouragée par le système américain
28376. Lorsqu’un dispositif cesse d’être pertinent, ou quand bien même ne l’aurait-il jamais été, il convient d’en tirer tôt ou tard les conséquences. Fort du constat qu’aucune des explications maritimes de la règle de limitation n’emportait la conviction, les États-Unis ont pris acte. Parce que l’Oil Pollution Act institue, en pratique, un régime de responsabilité illimitée sans précédent en matière maritime, on peut parler d’une « rupture brutale »38.
29377. Le principe de limitation a toujours été une tradition aux ÉtatsUnis39. Avant de pouvoir se prévaloir du Limitation of liability Act, les armateurs américains se sont appuyés sur les principes fondés sur la Common Law pour faire valoir leur droit à limitation. En invoquant ces dispositions, les armateurs propriétaires ou affréteurs qui armaient ou approvisionnaient et dirigeaient le navire pour leur compte, acquéraient le droit de limiter leur responsabilité à la valeur du navire et du fret dû. Alors même que le Sénat américain a considéré que le Limitation of liability Act40 avait vocation à s’appliquer en cas de dommages pétroliers, les dispositions relatives à la limitation contenues dans l’Oil Pollution Act ont acquis une plus forte légitimité quand l’événement à propos duquel la limitation est sollicitée est une pollution. Toutefois, en dépit des croyances, l’arsenal juridique américain, s’agissant du principe de limitation, est plus subtil que l’affirmation brutale du caractère illimité de la réparation. Si le principe même de la limitation est maintenu par la loi fédérale de l’OPA (a), les législations étatiques entendent en pratique faire de son exclusion un principe (b).
a) Un maintien de pur principe dans l’Oil Pollution Act41
30378. Il s’en est fallu de peu pour que le principe de limitation soit définitivement abandonné par l’Oil Pollution Act42. En définitive, les rédacteurs ont émis le souhait de le conserver43. La limitation est accordée non seulement à l’armateur- propriétaire du navire, mais aussi à ceux qui d’une façon générale assument les responsabilités d’un armateur. Ainsi cette faculté a-t-elle été reconnue à une société de shipmanagement qui exerçait un contrôle total sur l’exploitation du navire44. La règle de limitation a également été conservée dans le Comprehensive Response, Compensation and Liability Act45 (CERCLA).
31379. Serait-on, dès lors, mal fondé à évoquer l’idée d’exclusion du principe de limitation aux États-Unis ? Rien n’est moins sûr. Et il convient, pour le démontrer, d’évoquer ici même brièvement, les conditions dans lesquelles ce droit est appelé à céder. Il y a là, manifestement, une différence sensible avec les Conventions internationales d’où le principe de limitation à l’américaine pourrait tirer toute son originalité, mais aussi toute sa fragilité.
32380. En effet, outre la traditionnelle faute lourde ou inexcusable qui serait à l’origine de l’accident pétrolier, « la violation d’une réglementation fédérale en matière de sécurité, de construction ou d’exploitation du navire par la partie responsable, un mandataire ou un salarié de cette partie responsable, ou d’une personne engagée dans une relation contractuelle avec le responsable entraîne la déchéance du droit à limitation »46. Or, il est statistiquement quasi-impossible qu’une des hypothèses sus-énoncées ne se présente pas lors d’une catastrophe pétrolière. Chacun peut dès lors mesurer sans peine les risques encourus par les propriétaires de tankers naviguant dans les eaux territoriales américaines47. Sans compter que, toutes les fois où la partie responsable n’aura pas pu ou aura refusé soit de notifier la survenance de l’accident, soit d’apporter toute la coopération raisonnable et l’aide requise par les services officiels responsables et compétents en matière de nettoyage, la sanction sera identique. Il ressort donc de cela que tout responsable est susceptible d’affronter une responsabilité illimitée48.
33381. Les limites fixées par l’OPA doivent davantage être considérées comme un seuil minimum de responsabilité que comme une frontière maximale infranchissable49. Finalement, force est de conclure que le droit américain rend déjà le principe de limitation purement spéculatif50, quand bien même il répugnerait à l’abolir. Or, précisément, forts de l’autorisation qui leur est expressément conférée par l’OPA51 d’adopter des critères plus stricts, bon nombre d’États sont assurés de faire prévaloir leurs lois locales sur la loi fédérale.
b) Une exclusion de principe dans les législations étatiques
34382. Chacun des États52 peut prévoir des responsabilités supplémentaires et exiger des équipements allant au-delà de ce qu’exige le Gouvernement fédéral en cas de déversement de substances dangereuses53. En définitive, ces dispositions particulières rendent difficiles tout pronostic en matière de limitation de responsabilité54. Tout dépendra de l’État55 concerné par le dommage de pollution. Ainsi certains d’entre eux accordent une limitation au responsable d’un accident pétrolier, l’Alaska par exemple ; d’autres préfèrent imposer une limitation partiellement limitée56, tels la Floride, le Texas et la Louisiane, voire totalement illimitée à l’instar de la Californie. Ainsi pas moins de 44 États américains plus Porto Rico57 auraient de facto déjà renoncé au principe de limitation. Il est intéressant de noter des disparités de traitement selon la nature des dommages. Ainsi si les législations de Louisiane laissent subsister le principe de limitation pour le coût des opérations de lutte contre l’extension de la pollution par hydrocarbures, elles y renoncent purement et simplement s’agissant des dommages causés aux ressources naturelles. Si la solution peut sembler sévère eu égard à l’ampleur des dommages potentiels, que dire de celle retenue par les États de Californie, Connecticut, Georgie, Maine, Mississipi et Washingon qui optent pour une abolition généralisée du principe de limitation ?
35383. Quand bien même cela risquerait d’être jugé anecdotique, on ajoutera que Taiwan58 vient récemment de franchir une étape supplémentaire en décidant de supprimer définitivement le principe de limitation en présence non seulement de dommages de pollution par hydrocarbures, mais aussi par substances chimiques. Enfin, si l’on admet que la pollution n’est pas un risque créé par le transport maritime, ce qui expliquerait aussi que son intégration soit controversée dans ce domaine, il n’y a plus de raison alors de rechercher un fondement propre au droit maritime pour expliquer la limitation. Des justifications socio-économiques pourraient-elles alors motiver sa conservation ? Encore faudrait-il, pour les considérer comme valables, qu’elles ne puissent être remises en cause de quelque manière que ce soit. Or là encore rien ne paraît moins sûr.
§ 2. Vers une remise en cause des justifications socio-économiques du principe
36384. Le principe de limitation de la réparation, en matière maritime, pourrait encore aujourd’hui être justifié par des considérations socioéconomiques. Il s’agit là d’un argument que les partisans de son maintien n’hésitent pas à mettre en avant. Or, à l’examen ces justificatifs de la limitation paraissent peu convaincants. En effet, l’excuse de l’intérêt général s’est considérablement affaibli (A), tandis que celle de l’assurabilité semble nettement fragilisée (B).
A. L’affaiblissement de l’excuse de l’ « intérêt général »
37385. La règle de limitation insérée dans les Conventions CLC ou SNPD se justifierait par l’idée que le transport maritime est « une activité sinon de service public du moins d’intérêt général »59. Si la notion d’intérêt général est malaisée à définir ; force est de constater que dans le cas présent, l’hésitation n’est pas permise. Plus qu’un « ordre public écologique »60, c’est un ordre public économique que tente de préserver le principe de limitation en permettant la constitution d’un patrimoine civil d’affectation. Toutefois en présence de phénomène de pollution, ne s’oriente-t-on pas vers une remise en cause d’une conception économique de l’intérêt général (1). Pourtant, cette appréciation de l’intérêt général à l’aune du bien-être économique de l’industrie du shipping pourrait être remise en cause sous l’effet d’un vent venu d’Amérique plus soucieux de promouvoir un intérêt général à dominante écologique (2). Cette divergence d’appréciation montre combien l’intérêt général est voué à « éclater »61 sous la pression du risque environnemental majeur. Ainsi entendu, il y aurait d’un côté ceux qui s’inquiètent vraiment de la protection de leur côte contre la pollution, de l’autre ceux qui se soucient prioritairement de préserver leurs intérêts économiques.
1. Vers une remise en cause de la conception économique de l’intérêt général
38386. Il n’est guère original d’observer que le développement des sociétés contemporaines doit beaucoup aux secteurs industriels. Or, à l’évidence, la navigation maritime sert l’intérêt général pour la communauté, puisqu’elle permet le fonctionnement et le développement des activités terrestres62. Dans un tel contexte, l’argument tiré de l’utilité économique et sociale de l’activité, fut-t-elle polluante, paraît de nature à justifier certaines entorses au traditionnel principe de réparation intégrale. Le Pr G. Viney veut y voir une précaution supplémentaire « destinée à rendre les responsabilités pour atteintes à l’environnement supportables pour les entreprises »63. Aussi, lorsque des armateurs acceptent d’assumer des risques qui pourront être sans commune mesure avec leur capacité financière, il importe de prévoir un allègement de la charge de réparation64. Celle-ci prend la forme d’une limitation de responsabilité, laquelle doit s’analyser comme une forme d’aide, de subsides65.
39387. Toute entreprise et, a fortiori, un armement spécialisé dans le transport maritime de substances dangereuses ou polluantes, pour exercer son activité dans des conditions sereines, doit pouvoir créer un « patrimoine civil d’affectation »66. Un auteur maritimiste, LJ Griffiths67 définit la limitation de responsabilité comme « une prérogative accordée en vue de promouvoir la prospérité du commerce quel soit-il ». « Economiquement parlant, la responsabilité ne pourrait être que limitée à moins de s’abolir en rendant impossible l’exercice de l’entreprise, et donc d’interdire la pratique de la responsabilité »68. L’idée d’une indemnisation infinie n’aurait guère de sens. Passée une certaine limite, elle condamnerait le principe même de l’entreprise. Par conséquent, tout se passe comme si l’entreprise d’armement maritime, quant aux conséquences de l’exploitation maritime du navire, était une entreprise à responsabilité naturellement limitée69.
40388. Le patrimoine de mer est donc conçu comme un patrimoine séparé d’affectation70, l’expédition maritime comme une association à profit commun, où chacun n’engage qu’une partie de ses biens. Cette limite vaut tant pour ses pertes directes, que pour ses engagements à l’égard des tiers. Si le propriétaire a pu initialement limiter sa responsabilité et le peut encore aujourd’hui, c’est parce qu’à chaque voyage, il fait courir un risque nouveau à son navire. L’idée ancienne, que l’armement maritime serait une entreprise à responsabilité limitée71, reste juste et semble encore aujourd’hui de nature à justifier ce principe de limitation de responsabilité.
41389. Toutefois, en raison de la spécificité des dommages de pollution, cette première lecture « affairiste » du principe de limitation peut être utilement complétée par une lecture civiliste72. Ainsi conçu, le principe de limitation et, donc, la possibilité de constituer un patrimoine civil d’affectation, seraient la contrepartie du fondement de la nature objective de la responsabilité. Automatiquement engagée sans tenir compte d’une faute, la responsabilité doit être logiquement plafonnée, sous réserve toutefois de fixer des plafonds suffisamment hauts sans être excessifs pour autant. La limitation de responsabilité s’expliquerait alors par l’idée de répartition de la charge de réparation entre les différentes parties prenantes au transport des produits dangereux ou polluants. Car, à l’évidence, l’événement de pollution marine naît d’un risque créé par l’utilisation des hydrocarbures. Il devient dès lors logique d’en déduire que ceux qui profiteront de leur utilisation devront réparer les dommages que pourrait susciter le transport de ces marchandises. C’est là le trait caractéristique de la responsabilité fondée sur le risque. Or, la communauté des bénéficiaires de cette activité ne saurait se limiter à la seule industrie pétrolière. Plus étendue, ladite communauté devrait se concevoir comme une chaîne de personnes allant du producteur jusqu’au consommateur, « à moitié victime à moitié complice comme tout le monde »73. Ainsi lorsqu’un sinistre dépasserait un certain montant fixé au titre de la limitation, sa réparation relèverait de l’intérêt général.
42390. Pareille argumentation si elle relève d’une logique implacable, peut toutefois indisposer. Cette conception de l’intérêt général entièrement basée sur des considérations économiques apparaît, en fin de compte, davantage comme l’organisation institutionnelle d’un droit à polluer moyennant le versement d’une somme forfaitaire74. La notion d’intérêt général est aussi mise à mal par le localisme de l’application du principe de limitation en cas de pollution marine. Ainsi que le souligne fort justement le Pr A. Vialard75 : « Ce sont toujours les mêmes populations, les populations riveraines des grandes routes de navigation qui souffrent de la limitation mise en place par le système, sans espoir de jamais pouvoir retourner le compliment ».
43391. Et l’on peut penser, à l’instar du Pr P. Wetterstein76 qu’il existe d’autres moyens d’accorder des faveurs aux flottes nationales tout en améliorant leur compétitivité77. Toutefois, de telles prétentions exigeraient que soit engagée, une nouvelle réflexion quant à la conception que l’on doit retenir de l’intérêt général. Or, précisément, sous l’effet d’un vent venu d’Amérique, la conception économique de l’intérêt général pourrait évoluer vers une conception écologique.
2. Vers une conception écologique de l’intérêt général
44392. Quand bien même la protection de l’environnement serait reconnue d’intérêt général78, cette reconnaissance n’aurait pas pour effet d’entraîner la disparition des conflits avec les intérêts économiques également reconnus d’intérêt public79. L’intérêt général apparaît tout d’abord comme une notion protéiforme qui permet de dégager des priorités plus que de défendre un intérêt perçu comme particulièrement nécessaire et utile à la collectivité. Il existe par conséquent des degrés dans les exigences de l’intérêt général et une hiérarchisation des besoins et priorités affichés par la collectivité. « L’intérêt général n’est pas défini, il se constate »80.
45393. Or, précisément, le principe de limitation ou, plus encore, le sort qui lui est réservé, pourrait utilement renseigner sur la conception de l’intérêt général retenue par le législateur. Sans qu’il soit besoin à ce stade du développement de s’appesantir sur la notion, il est permis de constater que le concept de limitation, tel que figurant dans les conventions CLC et SNPD, est nettement en porte-à-faux avec le principe du pollueur-payeur, pourtant présenté comme une composante incontournable de la réparation du préjudice écologique. La limitation de responsabilité s’analyse, en effet, comme un moyen mis à la disposition de l’industrie polluante, en l’occurrence celle du transport maritime, propre à la soulager de son obligation d’indemnisation.
46394. Mais le phénomène de plafonnement des indemnités ne serait guère l’apanage du seul secteur maritime. En effet, il semblerait que la plupart des textes organisant un régime de responsabilité spécial pour atteinte à l’environnement aient choisi de conserver la règle de limitation. Si certains n’avaient pas fait apparaître un quelconque chiffre, ce n’est pas tant qu’ils avaient renoncé au principe d’une réparation limitée, mais plutôt qu’ils entendaient déléguer cette tâche aux législateurs nationaux81. Pourtant, il reste légitime de se demander s’il est encore réaliste de maintenir la règle de la limitation, fut-elle adaptée au domaine particulier des atteintes à l’environnement ? Car on sait pertinemment que l’opinion publique ne l’acceptera plus jamais et réclamera systématiquement une réparation intégrale de pareils dommages82.
47395. Dès lors, la condamnation du principe de limitation par le système américain apparaît d’autant plus remarquable. Et l’on est fondé à se demander si elle ne traduit pas une volonté très forte d’intégration des préoccupations environnementales au sein des régimes de responsabilité. Cette initiative pourrait, au demeurant, traduire un renouvellement du concept de l’intérêt général. Aux États-Unis, la protection de l’environnement est ressentie comme une « véritable mission étatique »83. L’une des fonctions premières de la notion d’intérêt général serait de conférer à l’objet auquel il se rapporte un niveau élevé de garantie juridique et l’assurance d’une intervention de l’État en ce sens. A contrario, le maintien du principe de limitation par les États membres de l’Organisation Maritime Internationale pourrait, en définitive, signifier que la protection de l’environnement n’est pas une valeur qui, comme telle, nécessite un niveau élevé de garantie juridique.
48396. Toutefois, force est d’admettre que plus que délibérément entreprise, la protection de l’environnement a été imposée à la suite de la catastrophe de l’Exxon-Valdez, par des puissants lobbies environnementalistes américains84. Les données du problème seraient donc proprement américaines85. Car, à l’évidence, les rapports de force, ailleurs, sont tout autres Et la tentation américaine586 qui pourrait consister à transposer un principe de réparation illimitée dans l’ordre international risquerait d’être contrariée. Cela était, toutefois, sans compter sans les récentes initiatives ambitieuses de la Communauté européenne tendant à faire admettre dans le cadre de la Directive européenne sur la responsabilité environnementale87 adoptée en 2004 le principe d’une responsabilité illimitée des opérateurs, certes étrangers au secteur maritime. Car on peut à l’évidence compter sur les lobbies armatoriaux pour faire admettre que le maintien de la limitation est toujours justifié par la nécessité impérieuse d’assurer le risque. Or, là encore à l’examen, l’excuse de l’assurabilité pourrait se révéler fragile pour ne pas dire irrecevable.
B. La fragilisation de l’excuse de l’assurabilité
49397. Depuis que la fortune de mer a cessé d’être la traditionnelle justification du principe de limitation, du fait de la substitution de l’abandon en valeur à l’abandon en nature, cette institution maritime pourrait-elle avoir perdu sa raison d’être ? Convaincu du contraire, le milieu des assureurs tente de faire valoir que l’assurabilité du risque serait devenue son justificatif contemporain (1). En effet, l’éventualité d’une perte infinie s’opposerait catégoriquement à la couverture du risque. Or, précisément, ce type de situation n’est pas à exclure en présence d’un risque majeur88, comme celui de pollution des mers résultant du transport maritime. Toutefois, pour péremptoire qu’elle soit, l’explication pourrait finalement apparaître peu convaincante, le rôle joué par l’assurance aurait été surévalué lors des discussions internationales et l’inassurabilité du risque ferait plutôt figure de contrevérité savamment entretenue (2).
1. L’assurabilité du risque89 : fondement contemporain de la limitation ?
50398. Le principe de limitation de responsabilité ne serait-il rien d’autre qu’une « simple commodité pour distribuer le risque d’assurance »90 ? De l’avis de Lord Denning91, le droit pour le propriétaire de limiter sa responsabilité serait essentiellement92 inspiré par le souci de favoriser la couverture du risque. Tel un leitmotiv, l’« industrie de l’assurance » répète à qui veut l’entendre, que la limitation de responsabilité est une condition d’exercice de son activité. Il n’est pas actuellement meilleur outil disponible sur le marché93, pour garantir la viabilité de son activité. Aucun assureur ne serait assez inconscient pour accepter des risques, dont on sait par expérience qu’ils ont toutes les chances d’être majeurs sans prendre de précaution préalable94. Cette dernière prendrait la forme d’un plafonnement, lequel pourrait précisément s’envisager, parce que la responsabilité de l’assuré serait limitée.
51399. Si le simple rehaussement des plafonds de responsabilité engendre une augmentation des primes d’assurance95, qu’en serait-il en cas de suppression ? Un renchérissement prohibitif du coût de l’assurance non seulement au détriment du propriétaire du navire, mais aussi de celui du chargeur96, voire du consommateur final97, serait, dit-on, à craindre au meilleur des cas. Les primes d’assurance, dépenses classiques de l’armateur, ont pour objectif premier d’alléger la charge financière pesant sur l’armateur en cas de catastrophes ; le pourraient-elles encore si l’on décidait de supprimer le principe de limitation ? Rien ne serait moins sûr. Le risque de désengagement progressif des assureurs, s’agissant de la couverture du risque pollution, n’est pas seulement virtuel, il est réel. La réaction de méfiance, voire de défiance des P &I Clubs à l’égard des exigences de l’OPA en est la meilleure illustration. Les partisans d’une responsabilité illimitée semblent, en effet, faire abstraction des difficultés pratiques que pourrait poser l’introduction d’une responsabilité sans limite98. Seul le maintien de la limitation autorise, sinon des prévisions solides99, du moins des primes financièrement supportables100.
52400. Les rédacteurs des Conventions maritimes relatives à la responsabilité du fait des dommages résultant du transport maritime paraissent avoir accepté et intégré cette idée. Aussi, pour favoriser l’indemnisation des victimes, dont dépend souvent étroitement la solvabilité du responsable désigné, ils n’ont pas cherché à contourner101 le principe pour préserver l’équilibre du système102. L’assurabilité du risque apparaît donc comme une justification contemporaine103 de la limitation de responsabilité. La Convention de 1976 sur la limitation des créances en matière maritime, supposée améliorer le système antérieur en remédiant à ses défauts, paraît indirectement conforter cette thèse. Ce n’est, désormais plus à la personne de l’armateur que s’applique la responsabilité, mais à ses dettes. La modification de l’intitulé du texte n’est donc pas neutre. Le support de limitation n’est plus la fortune de mer stricto sensu mais « l’assurabilité du risque de mer ». Une nouvelle politique forgée sur la base de la Convention de 1976 laisse clairement apparaître que la limitation doit être fixée par référence à la somme maximale pour laquelle le propriétaire de navire pourrait s’assurer à un taux raisonnable104. Une telle analyse est parfaitement transposable au principe de limitation tel qu’inséré dans les conventions pétrolières. Il n’en demeure pas moins que le recours à cette « potion magique »105 est aujourd’hui vivement contesté ; L’inassurabilité du risque en présence d’une responsabilité illimitée pourrait, quant à elle, faire figure de contrevérité.
2. L’inassurabilité du risque, une contrevérit106 délibérément entretenue ?
53401. « Briser les préjugés », disait Einstein « est plus difficile que de briser l’atome ». Combattre la thèse selon laquelle le risque serait inassurable en l’absence de principe de limitation est donc a priori une entreprise périlleuse. Mais on se souviendra que « le préjugé est l’enfant de l’ignorance »107, et que « c’est la profonde ignorance qui inspire le ton dogmatique »108.
54402. Pour démonter l’idée selon laquelle l’inassurabilité du risque serait une contrevérité savamment entretenue par le milieu des assurances, nous procèderons en trois temps. Il conviendra d’abord d’attirer l’attention sur la faculté laissée à l’assureur d’introduire une limitation de sa couverture (a). Il faudra ensuite montrer que la capacité de l’assurance à couvrir le risque de pollution aurait été sciemment sous-évaluée (b). Enfin il s’agira en prenant appui sur l’exemple américain, de constater que le risque de pollution peut être couvert en dehors de toute limitation (c).
a) La faculté laissée à l’assureur d’introduire une limitation de sa couverture
55403. Il convient, en premier lieu, de s’attacher à démonter l’idée selon laquelle le principe de limitation conditionne la viabilité de l’industrie de l’assurance de responsabilité. Bien évidemment, il est impératif que la responsabilité maritime soit couverte par une assurance. Il est tout aussi légitime que les assureurs et réassureurs souhaitent connaître l’importance du risque auquel ils vont être confrontés. L’évaluation du risque est indispensable, notamment pour la fixation des primes ou encore pour trouver une couverture de réassurance. Mais cela ne saurait pour autant signifier que la responsabilité doit être limitée.
56404. La raison à cela est simple : quand bien même l’assuré serait exposé à une responsabilité illimitée, en raison d’une faute particulièrement grave, l’assureur conservera, lui, la possibilité de limiter l’étendue de son engagement109. Cette prérogative lui est expressément reconnue par la Convention de 1976 sur la limitation des créances en matière maritime110. On mentionnera toutefois l’initiative de certains tribunaux américains qui ont exigé de l’assureur qu’il indemnise les victimes, certes dans les limites des capitaux souscrits, mais aussi au-delà du montant de la limitation de la responsabilité. Et l’on sait que la Cour de cassation, elle-même, a rendu en droit français une décision allant dans le même sens111.
57405. L’assureur disposant désormais d’un droit personnel à limitation, il ne sera plus possible aux créanciers de l’armateur de tourner la limitation de responsabilité. Plus pratiquement, si le principe d’une responsabilité illimitée de l’armateur devait être adopté, il est probable que les assureurs s’empresseraient d’introduire un plafond112 sous la forme de clauses opposables à l’assuré. Car « rien n’empêche en réalité de combiner responsabilité illimitée de l’assuré avec une obligation limitée d’assurer de l’assureur »113.
58406. L’intérêt d’une telle disposition a, du reste, été vite perçu. En effet, alors que les P&I Clubs offrent traditionnellement une couverture du risque illimitée, ils ont inséré un plafond spécial d’un milliard de dollars américains, opposable aux tiers pour le risque pollution114. La suppression du principe de limitation n’aurait donc aucune incidence sur les milieux de l’assurance maritime, dans la mesure où leur propre limite de garantie est fixée indépendamment de la question de savoir si un plafond est ou non prévu dans le cadre du régime de responsabilité de l’assuré. Autrement dit, un assureur, au terme des Conventions relatives à la responsabilité du propriétaire du navire pollueur, pourra être protégé quand bien même l’assuré en raison d’une faute particulièrement grave, serait déchu de son droit de limitation. La prise en charge du risque par l’assureur ne pouvant être appelée à dépasser un certain seuil qu’il aura lui-même fixé115. Toutefois, la victime pourra, pour le surplus, se retourner contre le défendeur à titre personnel. C’est du reste la seule alternative dont elle disposera et cela quand bien-même la capacité de l’assurance aurait été sous-estimée.
b) La sous-estimation de la capacité de l’assurance
59407. Pour s’opposer à la suppression du principe de limitation, les assureurs maritimes invoquent systématiquement l’argument selon lequel la capacité de l’assurance serait limitée. L’explication ne saurait convaincre, encore moins quand elle est reprise par les armateurs. « Car, en pareil cas, il suffirait de calquer de façon générale la responsabilité de chacun sur sa solvabilité pour justifier juridiquement de l’impossibilité dans laquelle se trouvent certains responsables de réparer intégralement les dommages qu’ils ont causés. Un fait illégal ne saurait trouver de justifications juridiques »116.
60408. Sur le plan pratique, cette affirmation, aussi péremptoire soit-elle, résiste mal. En effet, les compagnies d’assurances acceptent de couvrir des risques autrement plus graves et préoccupants que les risques de pollutions liés aux hydrocarbures. Ainsi, un accord a finalement été trouvé au sein du Groupe des P&I pour couvrir le risque SNPD. Au demeurant, la quadrature du cercle est simple à résoudre. Ainsi que le note le Pr A. Vialard, elle se résume à une « question de prime, de répartition de ces primes sur le consommateur final »117. En définitive, selon certaines estimations, le montant maximum fixé dans la Convention CLC ne correspondrait qu’à environ 10 % de la couverture des Clubs P&I pour ce risque118. On ajoutera que la généralisation d’une responsabilité illimitée ne devrait se traduire que par un accroissement marginal du coût d’exploitation du navire. Dès lors, le soi disant caractère prohibitif des coûts des assurances ne pourrait, à lui seul, suffire à écarter le principe d’une responsabilité illimitée.
61409. L’idée progresse... Et désormais, il n’est plus rare, même en matière nucléaire119, de mettre à mal l’argument selon lequel le marché de l’assurance serait incapable de fournir une couverture du risque de pollution, si la responsabilité était illimitée. Le marché international de la réassurance permet en effet de drainer les capitaux nécessaires à la réparation. L’accord intervenu au sein du Groupe international des P&I clubs, le « Pooling agreement Act », a permis d’accroître de façon considérable la capacité des mutuelles armatoriales adhérentes. Parce que cet accord était susceptible de porter atteinte aux règles de concurrence, il a été examiné par la Commission européenne120. Il a finalement été déclaré parfaitement valable.
62410. Au demeurant, les facultés d’extension de la capacité de l’assurance pourraient être davantage limitées par des conditions externes qu’internes121. Tout le « talent » des P&I serait alors de faire croire qu’au-delà des seuils de responsabilité retenus, il ne pourrait se trouver aucune assurance. La vérité est tout autre. Car même si quelques pertes étaient enregistrées après une catastrophe, elles devraient pouvoir être très vite résorbées. Pour qui ne serait pas encore convaincu de la possibilité de couvrir le risque de pollution en dehors de toute limitation, l’exemple américain est à sa disposition
c) La couverture du risque de pollution en dehors de toute limitation : l’exemple américain
63411. L’expérience américaine est particulièrement riche en enseignements, car elle permet de quitter le domaine des spéculations. On l’a vu, si l’OPA conserve le principe de limitation, une très grande latitude est laissée aux États pour l’abolir. Et nombre d’entre eux n’ont pas hésité à adopter le principe d’une réparation illimitée des dommages de pollution assorti d’un régime d’assurance obligatoire. Très tôt, on avait mis en doute la capacité du marché mondial de l’assurance à pouvoir garantir la réparation intégrale des dommages de pollution122. Dès lors, dépourvues de certificats d’assurance garantissant les dommages de pollution suscités par un accident tel que celui de l’Exxon Valdez, les entreprises maritimes risquaient de voir la totalité de leurs biens saisis pour garantir les créances de pollution123.
64412. Ces prévisions à la Cassandre se sont-elles réalisées ? A l’instar du Pr A. Vialard, on peut observer que si elles l’avaient été, il ne devrait plus se transporter un seul centilitre de pétrole vers les États-Unis d’Amérique124. Or, tel n’est pas le cas. Concrètement, comment la question de l’assurabilité du risque a-t-elle été gérée dans les eaux américaines après l’adoption de l’OPA ? Elle s’est essentiellement traduite par la création de primes d’assurances complémentaires pour les pétroliers fréquentant les eaux américaines. En 1991, la traditionnelle couverture basique de 500 millions de dollars américains a connu une augmentation située dans une fourchette entre 20 et 60 %. Le coût de la réassurance achetée par le Groupe international des P&I a « grimpé » d’environ 50 %125. On ajoutera enfin, que les armateurs, grecs, norvégiens et suédois, qui représentent environ un tiers du trafic vers les États-Unis ont eu recours à l’intervention du Excess Insurance fund.
65413. Ce Fonds spécial motivé par la suppression du principe de limitation, en présence d’une couverture illimitée126par l’assurance, a fourni une couverture d’assurance qui est venue se superposer à celle des P&I. clubs. Par la suite, la couverture a été fournie par des compagnies d’assurances spécialisées. Selon certaines estimations, la cotisation représente 2 à 4 % des frais fixes de l’armateur. Pour les grands groupes pétroliers, cette couverture est souvent assurée par la filiale américaine127.
66414. A la vérité, en matière de pollution, le principe même de la limitation de responsabilité n’a pu être maintenu qu’en raison de la mise en place d’un second système de réparation : le Fonds d’indemnisation. C’est seulement parce que le FIPOL prend le relais du propriétaire du navire dans le système international, que la limitation peut ici survivre »128. Y aurait-il là matière à se rassurer, ou même à se raisonner ? L’on ne saurait s’y résoudre. Le faire serait admettre que la pensée juridique devrait « se contenter d’être la greffière des analyses financières »129. Plus largement, ces développements pourraient avoir mis en évidence l’inopposabilité des fondements justificatifs de la limitation de réparation aux « victimes environnementales ». Mais ce que pourrait révéler, non plus le principe mais la pratique de la limitation c’est une totale inadéquation du droit maritime face au risque écologique majeur.
SOUS-SECTION 2. LA PRATIQUE DE LA LIMITATION, UN RÉVÉLATEUR DE L’INADÉQUATION DU DROIT MARITIME FACE AU RISQUE ÉCOLOGIQUE MAJEUR
67415. Si le principe de limitation de réparation, présenté comme un pilier du droit maritime, apparaît si inopposable aux victimes environnementales, peut-être convient-il de pousser plus avant la réflexion pour se demander si cette branche du droit n’est pas, en définitive, totalement inadéquate face à un risque écologique majeur. Et l’on peut d’ores et déjà se demander si toute tentative d’adaptation ne conduirait pas en définitive à sa dénaturation, c’est-à-dire à sa disparition. Or précisément, c’est à pareille conclusion que l’on pourrait parvenir au terme de l’examen de la pratique de la limitation.
68416. Deux idées paraissent pouvoir conduire à une telle conclusion. La première, la standardisation de la procédure de limitation par le droit maritime, pourrait constituer un obstacle rédhibitoire à la prise en charge du risque écologique majeur (§ 1) ; la seconde, la marginalisation du risque maritime face au risque écologique dans la mise en œuvre de la limitation pourrait révéler la perte d’influence du droit maritime en présence d’une catastrophe écologique d’origine maritime (§ 2).
§ 1. La standardisation de la limitation en droit maritime, obstacle à la prise en charge du risque écologique majeur
69417. En droit maritime, la limitation s’opère selon un rituel immuable. Cette standardisation de la limitation qui trouve particulièrement à s’exprimer tant au travers du choix de l’indice servant de référence au calcul de la limitation (A) qu’au travers du déroulement de la procédure de la limitation (B) paraît constituer un obstacle rédhibitoire à la prise en charge du risque écologique majeur.
A. La standardisation de l’indice servant au calcul de la limitation : la jauge du navire
70418. La limite de responsabilité du propriétaire de navire dans les Conventions CLC et SNPD est calculée « à l’ancienne mode »130, c’est-à-dire par référence au tonnage du131. Le tonnage ou la jauge du navire132 sert traditionnellement d’assiette au calcul de limitation des propriétaires de navire133. Le tonnage134 ou jauge indique la taille du navire et, plus précisément, sa capacité intérieure totale135. Elle est exprimée en tonneaux de jauge brute136 (ci-après désignée par son abrégé tjb). Cet indice de référence est toutefois aujourd’hui de plus en plus contesté. En effet, à la lumière des événements récents, il est permis de s’interroger sur le bien-fondé du critère de la jauge comme élément de référence. Les sinistres du Tanio, du Nadhodka, de l’Erika137, et du Prestige n’ont-ils pas démontré par trop que des petits navires étaient susceptibles de provoquer des dommages sans commune mesure avec la limite de responsabilité du propriétaire du navire ? A titre d’information, dans le cas de l’Erika, le montant probable des dommages avoisinerait 800 millions d’euros, le propriétaire de l’Erika supportant pour sa part moins de 13 millions d’euros, soit moins de 2 %138.
71419. Cette possible inadéquation de l’indice de référence avait été pressentie dès les travaux préparatoires de la Convention. Un participant au groupe de travail constitué au sein du Comité Maritime international, Lord Devlin, avait fait savoir qu’il était préférable d’utiliser un autre indice de référence139. Au soutien de sa proposition, qui n’emporta pas finalement l’adhésion, il développait une argumentation qui, en raison de son actualité, doit être reprise ici. Il partait d’un constat : « Limiter la responsabilité en se référant à la jauge du navire, comme le fait la Convention de 1957, ne paraît pas indiqué en présence de dommages de pollution, car on est en présence de dommages causés par la cargaison et non par le navire ». Il poursuivait en observant que, si on tenait toutefois à faire entrer en ligne de compte le tonnage, la limite devrait logiquement être fonction de celui de la cargaison puisque l’étendue des dommages était appelée à varier, dans une certaine mesure, avec l’importance de cette dernière. Car, ainsi que le soulignait fort justement Du Pontavice à propos des hydrocarbures « le danger causé est proportionnel à la masse chargée »140. Pareille suggestion offre des perspectives intéressantes au stade de la réalisation. En effet, la possibilité de fixer une limite en fonction d’un pourcentage déterminé de la valeur de la cargaison transportée permet d’éviter le risque commun des limites exprimées en tonnes ou tonneaux de jauge brute, trop vite périmées.
72420. Force est d’admettre que cette proposition a trouvé une seconde jeunesse. En effet, bien qu’il s’agisse de responsabilité pénale, on notera que dans le cadre du projet de loi français portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité141, le législateur a prévu la possibilité de « caler » le montant des amendes en cas d’infraction en matière de pollution des eaux maritimes par rejets des navires sur la valeur de la cargaison142. Certes, dans la pratique, on objectera qu’il pourrait être malaisé de prendre pour base de calcul la cargaison transportée, auquel cas, il sera toujours possible de se retourner vers le port en lourd (ci-après désigné par son abrégé t.p.l). Cet indice utilisé par les praticiens n’est pas une mensuration administrative mais une indication commerciale. Il correspond au poids transporté par le navire143. Il convient dans cette hypothèse de prendre en compte le poids des marchandises144 que le navire peut transporter, et non le poids des marchandises qu’il transporte effectivement.
73421. Si la pertinence de cet indice de référence n’a pas convaincu les rédacteurs de la Convention SNPD, il serait en passe de le faire ailleurs. En effet, le projet de Convention Européenne sur la responsabilité et l’indemnisation pour les dommages liés au transport en navigation intérieure de substances nocives et potentiellement dangereuses145, prenant acte de la problématique particulière présentée par le transport de telles substances, à savoir la dangerosité des produits transportés couplée à un fort potentiel de dommages même en cas de transport sur de petites146, ou moyennes unités, adopte cet indice147. La « praticabilité » de cet indice simple ne semble pas devoir être contestée. D’autres, plus sophistiqués appellent, en revanche, plus de réserves. Ainsi en va-t-il de celui suggéré par les autorités françaises dans le cadre de leur mémorandum sur la réforme du FIPOL148. Si cette proposition part, à n’en pas douter, d’un bon sentiment : « modifier le calcul des plafonds de responsabilité pour mieux responsabiliser les armateurs », sa mise en œuvre est sujette à caution. En quoi consiste-t-elle ? Partant du constat, que « l’approche actuelle de la Convention CLC qui repose sur l’idée que l’ampleur des dommages susceptibles de résulter d’un sinistre est exclusivement fonction du tonnage du navire, il conviendrait de prendre en compte les répercussions de l’état du navire sur l’ampleur tant des dommages, que des moyens à déployer en cas de sinistres pour les combattre. Concrètement, cela consisterait à prendre en compte pour la fixation de l’indice de référence, outre le tonnage du navire, sa solidité. Il s’agit là, pensons-nous, d’un critère beaucoup trop subjectif149, quand bien même il s’inscrirait dans une logique certaine : « un petit navire fragile pourra provoquer en cas d’accident autant ou plus de dégâts qu’une unité plus importante mais plus solide ».
74422. S’agissant de navires autres que les pétroliers, certains spécialistes considèrent que la jauge n’est pas toujours un indice représentatif des navires modernes spécialisés. Aussi suggèrent-ils de prendre en compte le nombre de conteneurs équivalents 20 pieds (EVP) pour les porte-conteneurs, les mètres linéaires de remorque pour les navires-rouliers, les mètres cubes de gaz liquéfié transportés pour les gaziers150. Quelle que soit la pertinence des indices alternatifs à la jauge, certaines propositions se sont fait jour récemment pour fixer invariablement le montant de la responsabilité du propriétaire au maximum fixé dans la Convention CLC151. C’est une même impression de standardisation, stigmate d’une inadéquation face à la catastrophe, que l’on retrouve dans la procédure de limitation.
B. La standardisation de la procédure de limitation de réparation
75423. Loin de prendre en compte la spécificité de la catastrophe, le législateur s’attache à proposer des solutions globales. Ainsi, dans son esprit, la Convention SNPD se devait de proposer une solution en terme de réparation, tant pour la perte isolée d’un fût que pour le naufrage d’un chimiquier. Ce souci d’uniformisation transparaît particulièrement dans la procédure de limitation proprement dite, puisque aucune disposition particulière n’est prévue en cas de catastrophe pour tenir compte de l’ampleur des dommages.
76424. La procédure de limitation se déroule invariablement en deux temps, à savoir la constitution du fonds d’une part (1), sa distribution de l’autre (2), sans que l’existence d’une catastrophe puisse venir altérer le cours des choses.
1. La constitution du fonds
77425. Le droit pour le propriétaire de bénéficier de la limitation de responsabilité est subordonné à la constitution d’un fonds à hauteur des limites de sa responsabilité. Si formalité il y a152, elle est tout aussi simple que souple puisque, si bon lui semble, le propriétaire du navire pollueur peut prendre cette initiative alors même qu’aucune action n’aurait encore été intentée contre lui, et ce, à n’importe quel moment de la procédure d’indemnisation153. Cela se justifie d’autant plus qu’il n’est nullement besoin d’attendre une quelconque estimation des dommages. Il est toutefois important de noter que cette démarche ne saurait valoir reconnaissance de responsabilité de la part de l’armateur.
78426. Une action en responsabilité devant le Tribunal de Grande Instance ou le Tribunal de Commerce compétent sera nécessaire à cette fin. Ce fonds qui peut être constitué soit par le dépôt d’une somme, soit par la présentation d’une garantie bancaire, voire d’une autre garantie, doit l’être devant un tribunal facilement accessible aux victimes154, généralement auprès du tribunal ou de toute autorité compétente de l’un des États parties où une action est engagée ou pourrait l’être. Dans l’hypothèse où plusieurs États-parties à la Convention auraient été affectés, chacun d’entre eux est compétent pour connaître de l’intégralité des demandes d’indemnisation. Assigné devant plusieurs États, l’armateur pourrait alors choisir la juridiction devant laquelle il souhaite constituer le fonds. Le choix opéré conférerait alors immédiatement à cette dernière une compétence exclusive de juridiction pour statuer sur toutes les questions relatives à la répartition et à la distribution du fonds155. Enfin, il faut noter qu’à titre exceptionnel156, le FIPOL peut dispenser le propriétaire d’avoir à constituer un fonds. Cela vise toutefois des hypothèses marginales dans lesquelles une telle obligation ferait peser sur le propriétaire, ou sur son assureur, une charge disproportionnée eu égard aux frais de procédures prévisibles. La convention de 1992 entérine cette pratique jurisprudentielle.
79427. En tout état de cause, la constitution du fonds doit être comprise comme une initiative destinée à protéger le patrimoine du débiteur. Cette procédure est une condition sine qua non de la main levée de toute saisie. Elle permet d’éviter l’immobilisation d’autres navires, sanction qui, de l’avis du monde du Shipping, est particulièrement lourde. En se livrant à cette formalité, le propriétaire se libère de toute dette à l’égard des tiers-victimes, puisque aucune action envers d’autres biens du débiteur ne pourra être exercée.
80428. La victime, et c’est du reste son unique salut, peut espérer bénéficier d’une sécurité plus grande lorsque l’exploitant du navire pollueur transfère ses actifs à un tiers qui a pour mission de les gérer par le biais d’un fonds d’affectation spéciale157. Il n’existe donc aucune procédure particulière en présence d’une pollution majeure. On aurait pu, en effet, imaginer que le propriétaire soit appelé à constituer ou à contribuer à un fonds spécial, et notamment au fonds supplémentaire, mais rien de tel n’a été prévu. Cette imperméabilité de la procédure à la notion de catastrophe doit logiquement se vérifier au stade de la distribution du fonds.
2. La distribution du fonds
81429. La procédure de liquidation du fonds ne présente pas, à proprement parler, de spécificité. Dans l’hypothèse, de loin la plus fréquente, où les demandes d’indemnisation excèderaient les sommes réunies conformément au premier niveau, le fonds serait distribué entre les participants proportionnellement aux sommes pour lesquelles ils auront produit leurs créances. Au titre de ces participants, figure le propriétaire de navire lui-même. En effet, « pour autant qu’ils soient raisonnables, les dépenses encourues et les sacrifices consentis volontairement par lui pour prévenir ou limiter un dommage lui confèrent sur le fonds des droits équivalents »158.
82430. Destinée à encourager le propriétaire à prendre personnellement des mesures de prévention, cette disposition ne lui confère pas pour autant le droit de réduire le fonds de limitation à hauteur des dépenses et sacrifices consentis. Le propriétaire est simplement placé dans la même position que les autres demandeurs. Cela signifie donc clairement que les créances de l’armateur et celles des victimes sont appelées à venir en concours sur le même fonds.
83431. Plusieurs centaines de victimes de la marée noire de l’Erika, commerçants, artisans ou collectivités locales de Bretagne et des Pays de la Loire ont déposé leur créance auprès du liquidateur du fonds159 constitué par le propriétaire du navire. La plus importante est celle de l’État : 193 millions d’euros qui correspondent au plan POLMAR. Rien ne dit toutefois que l’État confirmera sa demande qui viendrait en concurrence avec celles des victimes bretonnes et ligériennes. La seconde créance par ordre d’importance était celle de Total, mais le liquidateur a conclu à son rejet au motif que le groupe pétrolier n’a pas été directement victime, sur ses sites ou sur ses sols, de la pollution ; Total, en outre, ne justifiant d’aucune perte d’exploitation ou d’une baisse du chiffre d’affaire liées à l’Erika. Le liquidateur finit de motiver son refus en soulignant que si Total a spontanément engagé des travaux, rien ne l’y160.
84432. La traditionnelle répartition au marc le franc doit tenir compte de ce qui s’est précédemment passé. Ainsi, si avant la distribution du fonds, le propriétaire, son préposé, son mandataire ou toute personne qui lui fournit l’assurance ou une autre garantie financière a versé une indemnité pour dommage à la suite de l’événement, cette personne est subrogée à concurrence du montant qu’elle a payé, dans les droits que la personne indemnisée aurait eus en vertu de la Convention161. L’assureur personnel d’une victime propriétaire de biens souillés par des hydrocarbures, qui aurait pris l’initiative d’indemniser son client, se situerait dans cette dernière hypothèse.
85433. Dans un souci de célérité de distribution du Fonds, la législation de certains États autorise les tribunaux à fixer une date au terme de laquelle les demandes contre le Fonds de limitation doivent avoir été notifiées. Plus généralement, la présentation inexpérimentée des demandes se traduit souvent par un long délai avant que l’on puisse savoir si les seuils de limitation seront dépassés et ce qui sera attribué à chaque demandeur. Les créances doivent être vérifiées par le liquidateur et acceptées par le Tribunal de commerce, en l’occurrence celui de Rennes pour l’Erika. En octobre 2005, ce fonds n’avait pas encore été totalement réparti entre les victimes. Il le sera dans quelques mois ou quelques années. En définitive, si la mise en œuvre d’une répartition au marc le franc a toutes les chances de révéler une catastrophe, la Convention se contente plus d’en prendre acte que d’en gérer ou d’en anticiper les effets. Sans doute, la Convention SNPD, et plus encore son article 11 en ce qu’il instaure pour les créances en cas de décès ou de lésions corporelles une priorité sur les autres créances, méritent-ils une mention spéciale mais toute relative, puisque le bénéfice attendu sans être inexistant, est somme toute limité162.
86434. Le phénomène catastrophique est intégré de façon très sommaire dans la Convention CLC, par le biais d’un relèvement périodique des plafonds de réparation. Or ces derniers sont bien souvent en retard d’une pollution. En tout état de cause, on ne saurait voir dans pareil dispositif l’expression d’une réponse structurelle aux questions posées par la catastrophe. Si la standardisation de la procédure de limitation peut s’analyser comme un premier révélateur de l’inadéquation du droit maritime face au risque écologique majeur, la marginalisation du risque maritime face au risque écologique dans la mise en œuvre de la limitation pourrait venir corroborer cette première impression.
§ 2. La marginalisation du risque maritime face au risque écologique dans la mise en œuvre de la limitation
87435. Cette idée de marginalisation du risque maritime face au risque écologique dans la mise en œuvre de la limitation peut être mise en évidence au travers de deux constats. Le premier consiste à souligner une spécialisation des seuils de limitation de la responsabilité du propriétaire du navire en fonction de la nature des cargaisons transportées (A). Le second conduit à relever la part prépondérante des intérêts liés à la cargaison en cas de catastrophes majeures (B).
A. Une spécialisation des seuils de limitation en fonction de la nature des cargaisons transportées
88436. Pour faire face aux phénomènes particuliers que constituent les pollutions majeures affectant le milieu marin, le législateur, en proie aux mouvements de protestation, a cru bon d’émietter le tronc commun de la « limitation banale »163 de responsabilité pour consacrer des régimes spécifiques plus adaptés164. Aussi, s’il reste un point commun entre tous ces régimes de limitation, il se réduit à l’unité choisie pour fixer le seuil de limitation165, à savoir la jauge du navire.
89437. Cette « atomisation du droit »166, conséquence naturelle des particularismes technologiques, indigne ou déçoit le juriste épris de principes théoriques ou de systèmes unitaires. Rodière désabusé, imaginait, en son temps, que sous la pression écologique167, il faudrait bientôt une convention spéciale pour les méthaniers, pour les minéraliers, les porteurs de soufre168. Car, à l’évidence, il fallait admettre que ces trafics généraient un risque nouveau, davantage lié à la marchandise transportée qu’au navire lui-même. En changeant de nature, ces risques étaient désormais susceptibles d’atteindre de nouvelles variétés de victimes, parmi lesquelles l’environnement lui-même. N’en déplaise à l’éminent maritimiste, les craintes d’hier sont devenues les réalités d’aujourd’hui.
90438. Le traitement juridique des dommages causés par une cargaison particulière emporte adoption d’une convention spécifique et, par conséquent, la fixation d’une limite de responsabilité ad hoc tant pour les substances nucléaires (1), que pour les hydrocarbures (2) ou, plus récemment, les Substances Nocives et Potentiellement Dangereuses (3). Peut-on, pour autant, parler d’adéquation de ces limites, au « risque- catastrophe » ?
1. La limite de responsabilité dans le secteur nucléaire169
91439. Ce qui n’est, le plus souvent, qu’une pollution superficielle en matière d’hydrocarbures, peut prendre des proportions considérables en présence de substances nucléaires. Le risque d’une contamination dépasse l’atteinte au milieu marin pour s’étendre au milieu aérien et terrestre. Les limites de responsabilité, tout autant que la structure du régime, reflètent le risque d’une pollution généralisée.
92440. S’agissant du transport par mer de matériaux nucléaires, la responsabilité du propriétaire du navire prévue par les Conventions de Paris et de Vienne de 1963 est plus indirecte. Il s’agit d’une responsabilité de repli venant en deuxième ligne, derrière la responsabilité de l’exploitant des installations terrestres auxquelles les substances étaient destinées. Ce n’est donc que dans l’hypothèse où il y a identité entre transporteur et propriétaire de navire que celui-ci sera éventuellement touché par les résultats d’une activité qu’il aura exercée, au titre de transporteur170. Plus précisément, dans le domaine nucléaire, les limites de responsabilité opèrent à trois niveaux. Jusqu’à 15 millions de Droit de Tirage Spéciaux (ci-après désigné par l’acronyme DTS171), l’exploitant de l’installation répond seul des dommages. Au-delà de ce premier plafond et à concurrence de 175 millions de DTS, c’est l’État sur le territoire duquel est située l’installation nucléaire dont l’exploitant est responsable qui indemnisera les victimes. Au-delà de ce deuxième plafond, et à concurrence de 300 millions de DTS, la Communauté des États parties au régime prendra le relais.
93441. De cette superposition de seuil, on retiendra que les limites de responsabilité dont bénéficie l’exploitant sont relativement basses172 eu égard à la responsabilité pesant sur les États. Ces limites de responsabilité devraient, dans un proche avenir, être revues à la hausse173. Resté inchangé dans la Convention de Paris depuis l'origine, le montant maximum de responsabilité de l'exploitant est porté, dans le nouveau protocole, à un montant minimum de 700 millions d'euros. Plus généralement, le nouveau dispositif permettra d'atteindre, en combinant les deux conventions de Paris et de Bruxelles, un montant total de 1,5 milliards d'euros (contre 430 millions de dollars américains actuellement). C’est pareille évolution que pourrait connaître la limite de responsabilité du propriétaire d’un navire pétrolier.
2. La limite de responsabilité du propriétaire de navire pétrolier 174
94442. Pendant longtemps, le risque de pollution n’a pas été isolé des autres risques armatoriaux. Il a été inclus dans l’ensemble des responsabilités du propriétaire du navire donnant droit à limitation selon la Convention de Bruxelles de 1957175. Toutefois, les premières grandes catastrophes pétrolières176 dans les années177 n’ont pas manqué de mettre en évidence la parfaite inadéquation des seuils de responsabilité prévus par les Conventions de limitation de droit commun178. Aux risques nouveaux générés par ce type de transport ne pouvait correspondre qu’un régime de limitation de responsabilité ad hoc.
95443. En introduisant une limitation spéciale de responsabilité pour les dommages d’origine pétrolière, la Convention CLC179 porte à plus du double la limitation préexistante. Etait-ce seulement suffisant ? Manifestement non. Le propre des catastrophes est de trahir la faiblesse des seuils de limitation retenus. Aussi, le protocole de 1984 revoit à la hausse les plafonds de responsabilité. Faute de ratification suffisante, ce protocole de 1984 n’est jamais entré en vigueur. Aussi, a t-il été remplacé, le 27 novembre 1992, par un nouveau Protocole dit de 1992 lequel, n’a pas jugé utile de revenir sur les montants de limitation précédemment arrêtés180.
96444. Parce que la catastrophe de l’Erika a une nouvelle fois mis en exergue l’insuffisance des montants de limitation de la responsabilité du propriétaire, il a été décidé en octobre 2000 de procéder à un relèvement des plafonds retenus par le Protocole de 1992 à hauteur de 50 % 181. Le montant de limitation de responsabilité du propriétaire est désormais fixé comme suit : pour les navires de 5 000 à 140 000 tjb : 451 millions de DTS plus 631 DTS (807 $) par tonneau au delà de 5 000 tjb ; pour les navires de plus de 140.000 tjb : 89,77 millions de DTS (env. 726 millions de francs-110 millions d’euros ou $) au lieu de 59.7 millions de DTS (env. 550 millions de francs, 76.5 millions $). Ce nouveau protocole est entré en vigueur le 1er novembre 2003.
97445. Le montant de limitation de responsabilité pour les propriétaires de petits navires, c’est-à-dire ne dépassant pas 5 000 tjb, a subi tour à tour l’influence de la catastrophe de l’Erika, puis celle du Prestige. Porté, dans un premier temps, à 4.51 millions de DTS. (5.78 millions $) au lieu de 3 millions de DTS, il devrait être finalement fixé à 20 millions de DTS (soit 28 millions de USD), ceci depuis que le Groupe international des P& I Clubs a consenti à un accroissement volontaire du seuil minimal de limitation applicable en vertu de la CLC 92 au terme du « Small Tanker Oil Pollution Indemnification Agreement » (désigné par l’abrégé STOPIA). Ce nouveau seuil est applicable depuis le 20 février 2006, date de l’entrée en vigueur du fonds182. Pareille réactualisation n’est pas à l’ordre du jour s’agissant des montants de limitation opposables par le propriétaire du navire transportant des substances nocives et potentiellement dangereuses
98446. Aux États-Unis, quelques années plus tôt, l’adoption de l’Oil Pollution Act au lendemain de la catastrophe de l’Exxon Valdez avait eu sur les seuils de limitation du propriétaire de navire américain un effet inflationniste autrement plus impressionnant. Tandis que la responsabilité du propriétaire ne pouvait excéder 550 millions de francs en vertu de la Convention CLC avant les dispositions post Erika, elle pouvait déjà atteindre plus de deux milliards de francs dans le système américain183. Quid de la limitation de responsabilité du propriétaire du navire transportant des substances nocives et potentiellement dangereuses ?
3. La limite de responsabilité du propriétaire du navire transportant des substances nocives et potentiellement dangereuses
99447. En l’absence de régime de responsabilité ad hoc, ou plutôt dans l’attente de l’entrée en vigueur de la Convention SNPD184, les victimes d’un accident impliquant des marchandises dangereuses transportées par mer devront se satisfaire des régimes traditionnels de limitation de responsabilité prévus par le Droit maritime185. Selon la législation en vigueur dans l’ État où il est immatriculé, le propriétaire pourra limiter sa responsabilité à hauteur des plafonds prévus186 soit par « la Convention internationale pour l’unification de certaines règles concernant la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires de mer du 25 août 1924 », soit par la Convention internationale sur la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires de mer du 10 octobre 1957, et le Protocole du 21 décembre 1979, soit par la Convention internationale de Londres du 19 décembre 1976187 dite Convention LLMC.
100448. Les limites prévues par ce dernier texte auraient d’autant plus vocation à s’appliquer, que ladite Convention précise qu’elle ne s’appliquera pas aux demandes d’indemnisation déposées à l’occasion de dommages d’hydrocarbures tels que définis dans la Convention de 1969188. Ce qui signifie, a contrario, qu’elle devrait être compétente pour les autres substances189.
101449. Si la Convention de 1976 emporte rehaussement des plafonds de limitation par rapport aux précédentes conventions, son incapacité190 à apporter une solution à l’indemnisation des dommages causés par les SNPD est manifeste191. Alors même que l’objet premier du protocole192 de 1996 à cette convention a été de relever les montants, dont chacun s’accordait à dire qu’ils avaient subi l’érosion monétaire, sa capacité à apporter une réponse satisfaisante aux victimes de dommages de SNPD n’a pas été reconnue.
102450. Il s’agit plus en effet d’une simple procédure de liquidation de créance n’emportant ni responsabilité objective du propriétaire, ni obligation d’assurance pour lui. Le besoin d’une convention autonome est donc193. De nombreux petits cargos transportent des SNPD en conteneurs, citernes mobiles, bidons, et récipients de toutes sortes194. Retenir leur jauge pour fixer le seuil de limitation selon les montants prévus par la Convention sur la « limitation banale » de responsabilité serait plus qu’hasardeux195. Il n’en reste pas moins qu’en l’absence de convention ad hoc, ou en vigueur, la directive relative à la responsabilité civile et aux garanties financières des propriétaires des navires se prononce en faveur de l’incorporation en droit communautaire de la Convention de 1996 sur la limitation de responsabilité pour les créances maritimes afin qu’elle puisse être mise en œuvre de façon effective et uniforme à l’échelon de l’Union européenne. La commission suggère en outre d’user de la possibilité offerte par la Convention de 1996 d’inviter les Etats tiers à y devenir parties196.
103451. Les limites « autonomes » retenues, en définitive, par la Convention SNPD sont sensiblement plus élevées que celles appliquées en droit commun. La Convention établit un plancher de limitation à 10 millions de DTS pour les navires dont la jauge ne dépasse pas 2 000 unités. Ce plancher est augmenté d’abord de 1 500 DTS par unité de jauge jusqu’à 50 000 unités, ensuite de 360 DTS par unité de jauge, le tout ne pouvant en aucun cas excéder 100 millions de DTS.
104452. A titre de comparaison, on citera les montants de limitation banale prévus par la Convention de 1976. Ceux-ci s’échelonnent, pour les dommages matériels, de 420 000 DTS pour un bâtiment de 2000 unités de jauge à 30 millions de DTS pour les navires les plus grands actuellement connus197. Ces montants ont été portés à un million de DTS pour les navires de moins de 2000 unités de jauge, et à 50 millions pour les navires de 200 000 unités de jauge par le Protocole adopté le 9 mai 1996 par l’OMI.
105453. La Convention SNPD, malgré le coup de semonce constitué par le naufrage du Ievoli Sun, n’a toujours pas été adoptée. Cela est fort regrettable. Toutefois, si les seuils de limitation proposés dans cette convention témoignent déjà de l’intérêt de la spécialisation, on ne saurait pour autant conclure qu’ils intègrent la dimension particulière de l’événement catastrophique. Pour s’en convaincre, il convient de mettre en évidence la part prépondérante des intérêts liés à la cargaison en cas de risque écologique majeur.
B. La part prépondérante des intérêts liés à la cargaison en cas de risque écologique majeur
106454. Se pencher sur la pratique de la limitation, c’est aussi pouvoir observer comment s’effectue la répartition du risque entre les différents intervenants du transport maritime. Car ne l’oublions pas, le principe de limitation fait aussi office d’« instrument de partage du risque »198. Les conventions CLC et FIPOL forment un tout, et le système ainsi constitué est fondé sur un partage de la charge financière entre les propriétaires de navires, d’une part, et les propriétaires de cargaison, d’autre part. Toutefois force est d’admettre que la décision de créer le FIPOL au moment de l’adoption de la Convention CLC a largement emporté la décision des États de ratifier massivement les conventions pétrolières199.
107455. Notre objectif, ici, est d’apprécier comment s’effectue en présence d’une catastrophe la répartition de la prise en charge des dommages entre les intérêts liés au navire d’une part et ceux liés à la cargaison d’autre part. Ainsi, un transport de substances radioactives conclu dans le cadre de la Convention de Paris du 29 avril 1960 fait peser la responsabilité afférente au risque nucléaire sur l’exploitant de l’installation, chargeur, à hauteur de 600 millions de francs200 (L n° 90-488 du 16 juin 1990), au-delà l’État dont relève cette installation prend le relais, à concurrence de 2 500 millions de francs (soit 175 millions de DTS).
108456. La comparaison entre la part supportée par le propriétaire de navire et la garantie due par le fonds pétrolier FIPOL est tout aussi éloquente, tant le déséquilibre est important en termes de répartition de la charge201. Dans le cadre du protocole de 1992 à la Convention CLC 69, la limite supérieure de responsabilité du propriétaire a été portée à 59, 7 millions de DTS (soit environ 550 millions de francs). Celle du fonds est fixée à plus du double de celle de la responsabilité du propriétaire soit 135 millions de DTS ou environ 1,3 milliard de francs.
109457. Sans doute, un exemple chiffré tiré de l’actualité récente, et emprunté au Pr P. Bonassies202, rend-il encore mieux compte du déséquilibre de la répartition. Selon certaines sources, la marée noire de l’Erika pourrait coûter de 3 à 6 milliards de francs (soit 450 millions à un peu moins d’un milliard d’euros). Sauf à établir une faute inexcusable, le propriétaire du navire aura contribué à la réparation des dommages par la constitution d’un fonds de 84 millions de francs, soit un peu plus de 3 % si les dommages se limitent à 3 milliards de francs, 1,5 % s’ils atteignent 6 milliards de francs.
110458. Cette question de la répartition des dépenses engagées avait déjà fait l’objet de discussion à l’occasion de la révision du dispositif CLC/ FIPOL en 1984. Si le principe d’une augmentation des plafonds de responsabilité et d’indemnisation était admis, les rédacteurs des conventions s’étaient demandé à cette occasion s’il convenait de reprendre l’équilibre déjà établi entre les armateurs et l’industrie pétrolière par les deux conventions, à savoir 47 % au titre de la responsabilité engagée en vertu de la Convention CLC, 53 % au titre de la garantie due par le FIPOL203. Manifestement, on est loin aujourd’hui de cet idéal du partage de la charge. Bien au contraire, c’est davantage l’idée d’une prise en charge quasi-exclusive des dommages en fonction des circonstances qui domine. Ainsi, en présence d’une pollution mineure comme le note Intertanko204, le milieu armatorial pourrait supporter seul 95 % des demandes d’indemnisation au titre de la pollution par hydrocarbures, tandis que la catastrophe majeure serait supportée pour une part très conséquente par le Fonds.
111459. Pareil déséquilibre ne peut que susciter la réflexion. Si le caractère automatique de la responsabilité encourue pouvait a priori inciter le propriétaire de navire à faire montre de diligence dans l’exploitation de son bien, la faiblesse des plafonds de responsabilité retenus en vertu du principe de limitation pourrait très vite l’en dissuader. En effet, seul un plafond de responsabilité fixé à un montant assez haut pourrait ne pas compromettre la fonction dissuasive de la responsabilité205, en cas de pollution majeure.
112460. Peut-être, faut-il encore aller plus loin... Au vu des relèvements successifs des plafonds, le caractère peu probant de la méthode semble établi. N’est-ce pas alors l’architecture même du dispositif conventionnel qu’il conviendrait de revoir ? En effet, quelle signification doit-on accorder au principe d’association à la charge quand la participation de l’un des associés est résiduelle ? La « qualité d’associé minoritaire » exprime une forme de désengagement qui ne dit pas son nom. Le système consacrerait presque un paradoxe. Quand le dommage est de faible ampleur, il est pris en charge par le propriétaire ; devient-il catastrophique, il doit l’être par les intérêts liés à la cargaison. Peut-être existe-t-il dans l’histoire législative des conventions, matière à rationalisation ? Fort de l’idée que le transport de pétrole pouvait exposer le propriétaire à une charge financière supplémentaire, la résolution de 1969 avait invité l’OMCI à préparer le futur FIPOL. Or l’une des fonctions qui lui était assignée dès le départ était la prise en charge de la partie supplémentaire de l’obligation financière mise à la charge du propriétaire par la Convention CLC en raison du transport d’une cargaison d’hydrocarbures206. N’y aurait-il pas, là, la démonstration que les rédacteurs avaient dès le départ pris conscience que les dommages de pollutions devaient être supportés par les seuls intérêts liés à la cargaison, car précisément la nature du risque n’était pas tant maritime qu’environnementale ? On notera que ce schéma originel a été, par la suite, dénaturé au prix d’un ajustement des limites respectives de responsabilité de chacun des protagonistes207.
113461. Face à ce constat d’inadaptation du droit maritime au besoin de réparation des dommages écologiques majeurs, on peut a priori hésiter. Faut-il tenter de l’adapter ou peut-être vaut-il mieux se rendre à l’évidence et constater sa totale inadéquation ? C’est cette seconde proposition de l’alternative qui a notre préférence. L’idée selon laquelle l’indemnisation offerte par le propriétaire du navire puisse être conditionnée par la couverture armatoriale du risque-pollution est incontestablement de nature à renforcer cette position.
SECTION 2. LE CONDITIONNEMENT DE L’INDEMNISATION PAR LA COUVERTURE ARMATORIALE DU RISQUE-POLLUTION
114462. Si la limitation de responsabilité peut déjà, en soi, s’analyser comme une première forme de conditionnement de la réparation, force est d’admettre que cette institution a, pour elle, le poids de la tradition maritime commerciale. A l’exact opposé, d’autres formes de conditionnement, parce qu’elles sont justifiées dit-on par des préoccupations plus récentes comme la nécessité de réparer les atteintes à l’environnement causées par le transport maritime de substances polluantes ou dangereuses ne bénéficient pas de la « force de l’âge ».
115463. Ainsi, en est-il du conditionnement par les mutuelles armatoriales de la couverture du risque-pollution. Ce pouvoir d’influence a une incidence très directe sur la réparation offerte aux victimes, car en définitive ce n’est pas tant en fonction de l’estimation des dommages susceptibles d’être causés par une marée noire que sera arrêté un plafond de responsabilité pour le propriétaire de navire, mais davantage en fonction des propositions de couverture armatoriale faite par la mutuelle laquelle est le plus souvent à « prendre ou à laisser » à défaut d’autres alternatives.
116464. Cet impact de l’assurance sur la responsabilité mérite attention plus encore il suscite la réflexion. On ne peut manquer dès lors de s’interroger sur ce qui a conduit à un tel résultat. Sans doute doit-on commencer par se souvenir que toute œuvre législative n’est en définitive que le fruit d’un compromis ou de concessions réciproques entre le législateur et les principaux intéressés, en l’occurrence, ici l’assureur maritime. Conscient de cela, il devient dès lors plus aisé de mettre en évidence que si l’assurance obligatoire peut s’analyser comme une concession de l’assureur maritime, et plus précisément des mutuelles armatoriales au législateur (Sous-section 1), elle ne saurait être consentie qu’à des conditions imposées par le premier, placé dès lors en position de force pour fixer au mieux les contours de la responsabilité de son assuré (Sous-section 2).
SOUS-SECTION 1. LES CONCESSIONS DE L’ASSUREUR MARITIME AU LÉGISLATEUR : L’ASSURANCE OBLIGATOIRE
117465. L’assurance obligatoire dans le cadre des Conventions CLC et SNPD ne saurait participer d’une démarche volontaire. En effet, elle n’est pas l’œuvre d’un lobbying de l’industrie de l’assurance qui souhaiterait élargir le champ de ses activités. Bien au contraire, l’industrie de l’assurance, arguant d’une capacité limitée, s’est longtemps opposée à la couverture de ce risque nouveau208. En ce sens le concept de l’obligation d’assurance est un concept largement novateur en droit maritime.
118466. Pourtant, partant du postulat que « ne pas incorporer le principe de l’assurance obligatoire dans la Convention reviendrait à ne pas avoir de convention du tout »209, le législateur s’est appliqué à maintenir la pression pour s’assurer de la viabilité de son projet, obligeant ainsi l’assureur mutualiste à proposer sa prestation dans l’intérêt bien compris de ses membres. Finalement, l’obligation d’assurance dans les Conventions CLC et SNPD, peut s’analyser comme l’aménagement imposé d’une garantie au profit de la victime (§ 1) ; le consentement à fournir la prestation d’assurance pouvant, quant à lui, être assimilé à une substitution conventionnelle de l’assureur au responsable (§ 2).
§ 1. Obligation d’assurance : l’aménagement imposé d’une garantie
119467. Après avoir cerné les enjeux du principe de l’obligation d’assurance (A), il s’agira, eu égard à l’importance que le législateur lui attache dans le bon fonctionnement des Conventions CLC et SNPD, de s’attacher à la preuve de la garantie ainsi créée (B).
A. Les enjeux du principe de l’assurance obligatoire
120468. Pour appréhender les enjeux du principe de l’assurance obligatoire, il peut être intéressant de raisonner en trois temps. Il convient d’abord de s’interroger sur sa signification, laquelle pourrait résider dans l’amélioration de l’accessibilité de la garantie (1), d’insister ensuite sur sa généralisation, laquelle emporte nécessairement suppression de l’exemption accordée aux petits navires (2). Enfin même s’agissant d’un principe, on ne peut éluder l’idée de sa violation, et donc de l’absence de couverture (3).
1. La signification du principe : l’amélioration de l’accessibilité de la garantie
121469. « Il n’y a plus de nos jours de règles de responsabilité efficaces sans assurance. Le droit des assurances est indirectement devenu le meneur de jeu du droit de la responsabilité »210.Toutefois, tant que l’assurance n’est pas obligatoire, beaucoup d’éventuels responsables la négligent. Quand l’obligation d’assurance est consacrée, les contours de cette obligation sont précisés en édictant des garanties minimales qui limitent le danger d’une assurance purement théorique, donnant à l’assuré un sentiment de responsabilité. Seule l’assurance obligatoire211 a permis un élargissement du concept de responsabilité, quand bien même la capacité du marché de l’assurance exercerait un effet restrictif lors de la fixation de ses contours. En l’absence d’assurance obligatoire, la victime de pollution pourrait être tout simplement confrontée à un défendeur insolvable212. Parce qu’il n’existe pas d’obligation d’assurance de manière générale dans le domaine maritime, il a été suggéré dans le cadre de la Directive relative à la responsabilité civile et aux garanties financières des propriétaires de navires de généraliser l’obligation d’assurance pour préserver les intérêts des victimes d’accidents de mer qu’il s’agisse de tiers ou de marins abandonnés213. Pour l’assureur, l’assurance obligatoire permettrait de garantir une masse suffisante d’assurés, en raison de la possible constitution d’une mutualité et d’une dispersion des214. Dès les travaux préparatoires de la Convention CLC 1969, les rédacteurs des futurs instruments internationaux se sont montrés pleinement conscients du rôle prépondérant que devait jouer l’assurance215.
122470. Erigée au rang de « mesure essentielle, complémentaire du régime de responsabilité objective préconisé »216, l’assurance obligatoire permet d’offrir à la victime un autre patrimoine susceptible de garantir la solvabilité de l’auteur responsable217. En effet, dans les cas de pollutions causées par des navires appartenant à des propriétaires insolvables ou à des compagnies ne possédant qu’un seul navire, la responsabilité objective risquerait d’être vidée de son contenu. Car, à l’évidence, désigner par avance un responsable ne présente d’intérêt que si celui-ci dispose d’une garantie financière pour indemniser218 les victimes219. L’assurance obligatoire facilite donc l’« accessibilité »220 de la victime à sa créance. Elle lui permet de surmonter les difficultés liées à son recouvrement. Une telle disposition présente, en outre, l’avantage de fermer le « cercle juridique »221 autour des navires, quel que soit leur pavillon. En ce sens, elle participe d’une volonté certaine d’uniformisation222 dans un domaine désormais considéré comme incontournable par l’opinion publique : la protection de l’environnement. Mais sans nul doute l’obligation d’assurance peut aussi s’analyser, à l’égard des compagnies maritimes, comme un dispositif propre à leur assurer une certaine stabilité financière. Mais cette protection ne serait réservée qu’aux seules compagnies propriétaires de grands navires, car seules assujetties à l’obligation d’assurance. Or précisément certains auteurs ont parfois regretté que cette obligation d’assurance ne soit pas exigée à l’égard des petits navires, potentiellement créateurs de grands risques. La suppression de l’exemption accordée aux petits navires emporte généralisation du principe de l’assurance obligatoire.
2. La généralisation du principe : la suppression de l’exemption pour les petits navires
123471. Si les Conventions CLC223 et SNPD224 consacrent, toutes les deux225 le principe de l’assurance obligatoire, il convient de noter que jusqu’à une époque récente la Convention CLC226 dispensait de cette obligation les propriétaires de navires dont le tonnage n’excédait pas 2 000 tonnes d’hydrocarbures en tant que cargaison, la Convention SNPD l’exigeant, elle, pour tout type de navire. Cette exemption accordée aux propriétaires de petits navires apparaissait injustifiée à un double titre. D’une part, elle reposait sur l’idée erronée que le marché de l’assurance227 était incapable de prendre en charge une telle couverture, d’autre part, elle partait du postulat que les petits bâtiments constituaient un risque moindre pour l’environnement, ce que les statistiques228 ne manquaient pas de démentir. Aussi, la décision d’étendre l’obligation d’assurance à tous les navires transportant des hydrocarbures en vrac en tant que cargaison doit-elle être approuvée. Dans de telles hypothèses, le FIPOL faute de couverture d’assurance ou de moyens financiers du propriétaire, avait dû se résoudre à être l’unique source229.
124472. A l’exact opposé, cette généralisation de l’obligation d’assurance dans le cadre de la Convention SNPD a été considérée par le Pr P. Bonassies230 comme quelque peu excessive. Un exemple devrait suffire à convaincre de cela. Le propriétaire d’un navire effectuant une navigation de cabotage entre le continent et la Corse devra, s’il transporte certains colis de marchandises dangereuses, et il est rare qu’il n’en transporte pas231, obtenir de son P&I une couverture à hauteur de 75 millions de francs232. On peut d’ores et déjà douter qu’une pareille exigence soit, dans les faits, respectée. A ce titre, la violation du principe de l’obligation d’assurance, parce qu’elle se traduit par l’absence de couverture du risque doit être considérée comme un enjeu à part entière de l’obligation d’assurance.
3. Violation du principe : l’absence de couverture
125473. Ces quelques lignes consacrées au non-respect de l’obligation d’assurance doivent débuter par un constat. Tandis que les propriétaires de navires peuvent être obligés par le législateur à maintenir une assurance obligatoire, les assureurs ne peuvent être contraints de la fournir233. En d’autres termes, l’obligation d’assurance ne peut avoir pour corollaire le droit à l’assurance. L’assureur conserve, en effet, la liberté de déterminer les conditions dans lesquelles il choisit de délivrer sa prestation. Rien ne l’empêche juridiquement de se montrer sélectif quant à la qualité des navires auxquels il consent à accorder sa couverture.
126474. Si cela participe d’une démarche commerciale bien comprise, cela s’inscrit plus encore dans une action préventive. Il n’en demeure pas moins, que le propriétaire d’un navire, dont l’état d’innavigabilité serait notoire et comme tel refusé234 par l’assureur, pourra, s’il ne trouve pas d’assureur moins regardant235, choisir de naviguer sans assurance236. Il peut espérer, ce faisant, réaliser une économie de l’ordre de 45 % s’agissant d’un237. Ces cas ne sont, malheureusement, pas que d’école comme l’illustre une enquête récente238. On peut douter, à ce niveau que la menace d’une sanction pénale exerce un effet dissuasif239.
127475. On notera, toutefois, qu’en vertu de la Convention portant création du FIPOL et du fonds SNPD, la victime ne se trouvera pas dépourvue, puisque le fonds international prendra alors seul à sa charge l’indemnisation. Ce principe d’intervention à titre principal du FIPOL ne saurait, toutefois, suffire à amoindrir, à ce stade, l’intérêt de l’assurance obligatoire et plus encore la nécessité dans la pratique de rapporter la preuve de la garantie.
B. La preuve de la garantie
128476. Lorsque l’assurance est rendue obligatoire parce que considérée indispensable par le législateur, la vérification de l’accomplissement de cette formalité s’avère cruciale. Car, de l’existence de cette garantie pourrait dépendre le sort de la victime. Toutefois, quand bien même la présence de cette garantie serait rapportée (1), la question, plus délicate, de sa solidité ne saurait être occultée (2).
1. La preuve de l’existence de la garantie
129477. Si l’assureur délivre à l’assuré une « carte bleue »240 faisant foi de l’accomplissement de son obligation de souscrire une assurance, cela ne saurait toutefois suffire à constituer, au sens des conventions CLC ou SNPD, une preuve parfaite de l’existence de la garantie. Cette dernière suppose la participation conjointe d’un P&I Club, chargé d’émettre l’attestation de couverture, et d’une autorité étatique qui, après avoir vérifié le sérieux de l’assureur, consent à l’émission d’un certificat. La qualité de l’autorité compétente varie selon que le navire est immatriculé ou non dans un État contractant. Lorsqu’il s’agit d’un navire immatriculé dans un État contractant, ce certificat est délivré ou visé par l’autorité compétente de l’État d’immatriculation du navire. S’il ne l’est pas, il doit avant de pouvoir fréquenter un port d’un État contractant, se munir dudit certificat, délivré ou visé par l’autorité compétente de tout État contractant.
130478. Le certificat doit comporter un certain nombre de renseignements comme le nom du navire, son port d’immatriculation, le nom et le lieu du principal établissement du propriétaire, le type et la durée de garantie souscrite, le nom et lieu de l’établissement principal de l’assureur ou de toute autre personne fournissant la garantie, enfin la période de validité du certificat241. Une copie de ce certificat doit être déposée auprès du service qui tient le registre d’immatriculation du navire242. La présence de ce certificat atteste que le navire est doté d’une couverture appropriée et, surtout, que l’assureur consent à couvrir les dommages si le risque venait à se réaliser.
131479. Le défaut de production de certificat, attestant de la présence d’une assurance ou d’une garantie bancaire en cours de validité est pénalement sanctionné, conformément à l’article 2 de la loi du 26 mai 1977 relative à la responsabilité civile et à l’obligation d’assurance pour les propriétaires de navires pour les dommages résultant de la pollution par les hydrocarbures243. En application de cette même loi, l’État français dispose d’une sanction efficace : celle de pouvoir immobiliser au port un navire jusqu’à production d’un certificat valide244. Toutefois, on notera que, le plus souvent, la détention des navires pour carence de certificat s’explique moins par une absence de couverture d’assurance que par les lourdeurs bureaucratiques tenant à l’acheminement de la documentation245. Ce problème pourrait être enrayé par l’émission de certificats électroniques246. Il y a également tout lieu de croire que ce type d’information, pourra être disponible sur les bases de données SIRENAC ou EQUASIS. Celles-ci sont utilisées pour l’heure par les autorités chargées de la sécurité maritime aux fins de déterminer si un navire doit être contrôlé. On pourrait envisager qu’elles soient mises à jour par les assureurs et consultées par les gouvernements. L’utilisation de telles bases informatiques n’impliquerait plus alors que des inspecteurs vérifient les certificats d’assurance. En effet, des certificats sous forme informatique pourraient être vérifiés à partir de n’importe quel bureau.
132480. Les navires fréquentant les eaux américaines doivent, quant à eux, avoir à leur bord un « certificat de responsabilité financière »247 émis par les Coast Guard248. Ce document atteste que leurs propriétaires disposent d’une assiette financière suffisamment conséquente pour prendre en charge l’indemnisation des victimes de pollution. La garantie peut prendre la forme d’une assurance, d’un cautionnement ou d’une auto-assurance. Elle est fournie conjointement et solidairement par le propriétaire, l’exploitant et l’affréteur coque nue en qualité de responsables au titre de l’Oil Pollution Act. Si la présentation du certificat atteste de la présence d’une garantie, ce document ne saurait, toutefois, suffire à prouver la solidité de la garantie.
2. La preuve de la solidité de la garantie
133481. La sécurité, lorsqu’elle est « paperassière », appelle la plus grande méfiance. Plus que la représentation matérielle d’une garantie à travers l’émission d’un certificat, c’est sa consistance qui importe. La question devient, alors, autrement plus délicate. Pour un État, s’interroger sur la solidité de la garantie conduit à se demander d’une part si les assureurs qui acceptent de fournir une garantie sont fiables (a), d’autre part s’il convient d’accorder une totale confiance aux certificats reconnus par les autres États (b).
a) Fiabilité du fournisseur de la garantie
134482. Le problème peut être posé en ces termes : lorsqu’une carte bleue lui est présentée en vue de la délivrance d’un certificat d’assurance, un État-partie peut-il refuser de façon discrétionnaire d’émettre ledit document ? Cette question prend toute sa dimension en présence d’un assureur ou d’une institution financière étrangers. Les conventions sont peu loquaces sur ce point. Si elles donnent quelques indications s’agissant de la validité de la carte bleue ou du certificat249, elles ne fournissent, en revanche, aucun critère susceptible d’aider l’État à mieux apprécier la fiabilité du fournisseur de garantie.
135483. Tout au plus, cette garantie doit pouvoir s’apparenter au cautionnement d’une banque ou d’une institution financière similaire250. On notera toutefois que la Convention prévoit la possibilité pour un État-partie, qui aurait des doutes sur la fiabilité d’un assureur, de consulter l’État qui a délivré ou visé le certificat pour procéder à un échange de251. Cela paraît donc implicitement signifier que l’État-émetteur d’un certificat doit, au préalable, s’assurer de la capacité financière de l’émetteur de la carte bleue, non seulement au moment de l’émission de ladite carte, mais aussi pendant toute la durée du certificat. En toute hypothèse, l’État sollicité devrait refuser de délivrer le certificat, si la solidité financière du fournisseur de la garantie ne lui paraît pas démontrée. Ainsi, l’obligation de procéder à une évaluation de la solvabilité financière du garant apparaît clairement, quand bien même aucun critère n’aurait été préalablement défini.
136484. Toutefois, certaines dispositions de la Convention peuvent faire figure de règle spéciale pour les navires enregistrés dans un État-partie. Ainsi, il appartient à l’État d’immatriculation de déterminer les conditions de délivrance et de validité du certificat d’assurance obligatoire252. A contrario, il ne semble pas que l’État sollicité en vue de l’obtention d’un certificat soit tenu de le délivrer. Ainsi, rien ne paraît s’opposer à ce qu’il se montre plus exigeant que les conventions elles-mêmes. En tout état de cause, dans le silence de la Convention, c’est à la loi nationale qu’il appartient de fixer les critères d’évaluation des cartes bleues. Aux États-Unis, le contrôle de l’obligation d’assurance est assuré de façon extrêmement stricte par le « National Pollution Funds Center »253. Cette administration qui dépend des Coast Guard est chargée de distribuer des certificats de responsabilité financière254. Elle procède à un examen détaillé de la solvabilité du propriétaire du navire et du sérieux de son assureur. Pareil système paraît difficilement transposable dans l’ordre international. A tout le moins, le sera-t-il peut être un jour dans le cadre de l’Agence européenne de la sécurité maritime. Plus largement, c’est la question de la fiabilité de la reconnaissance réciproque des certificats entre États, contractants ou non, qui est posée.
b) Fiabilité de la reconnaissance réciproque entre États
137485. « Les certificats d’assurance obligatoire, délivrés ou visés sous la responsabilité d’un État-Partie sont reconnus par d’autres États-parties et sont considérés par eux comme ayant la même valeur que ceux qu’ils ont eux-mêmes délivrés et visés, même lorsqu’il s’agit d’un navire qui n’est pas immatriculé dans un État-partie255 ». Telle est la règle. Le principe qui prévaut est donc celui de la reconnaissance mutuelle. L’État du port pourrait-il, toutefois, refuser l’entrée à un navire au motif qu’il aurait des soupçons quant à la validité de la procédure de délivrance du certificat ?
138486. Chacun des États- parties doit se prononcer sur le point de savoir si la carte bleue présentée offre un niveau de sécurité suffisant256. Les autres États-parties devraient en principe considérer que ces décisions ont valeur définitive257. Toutefois, la formulation choisie par les Conventions258 laisse entendre que l’État- partie n’est pas obligé d’accepter des navires dotés d’un certificat qu’il aurait refusé d’émettre si demande lui avait été faite. La logique voudrait alors qu’aucun État-partie ne consente à émettre un certificat pour un navire enregistré dans un autre État-partie. Aussi, quand bien même cela serait rarement mis en pratique, il apparaît que les États peuvent mettre en doute la fiabilité d’un certificat étranger. Aucun des multiples engagements internationaux259 auxquels auraient pu souscrire les États ne paraît en mesure de les priver de ce droit qui, dès lors, apparaît purement discrétionnaire.
139487. Toutefois, cette faculté, moins qu’une mesure ségrégative, pourrait parfaitement se justifier, si l’on prenait la peine de se souvenir que le fait de délivrer un « certificat de pacotille » n’engage aucunement la responsabilité de l’État certificateur dans le cadre des conventions SNPD et CLC, contrairement à ce que prévoit la Convention du 25 mai 1962 sur la responsabilité des exploitants de navires nucléaires. L’idéal aurait été que l’État qui vise le certificat d’assurance soit contraint de garantir, non pas seulement l’existence de la compagnie d’assurance et la sincérité formelle du certificat, mais aussi sa solvabilité, en se substituant à lui si besoin. Il ne fait aucun doute qu’en consentant à l’assurance, l’assureur maritime accepte de facto de se substituer à l’assuré, aux termes d’une convention.
§ 2. La substitution conventionnelle de l’assureur au responsable
140488. Lorsque l’assureur consent à couvrir le risque de pollution, il accepte aussi aux termes d’une convention un transfert du fardeau de la responsabilité sur ses épaules (B). Ainsi soupçonnerait-t-on presque le responsable de profiter de l’occasion qui lui est offerte de pouvoir « s’effacer derrière lui »260. C’est la présence de l’action directe qui exprime au mieux cette substitution (A) ?
A. L’expression de la substitution : l’action directe
141489. La substitution conventionnelle de l’assureur au responsable s’exprime dans les Conventions CLC et SNPD par le biais d’un mécanisme particulier : l’action directe (1) Cette disposition destinée à faciliter le recours de la victime, fréquente en droit des assurances, aurait pu être toutefois réduite à néant si la règle du « first-pay » n’avait pas été implicitement déclarée irrecevable (2).
1. Le mécanisme de l’action directe
142490. Pour s’assurer de la viabilité de son projet, le législateur est, non seulement, parvenu à imposer l’idée d’une assurance obligatoire, mais encore à exiger de l’assureur qu’il offre à la victime une action directe contre lui. La présence de cette disposition, hautement protectrice des intérêts des victimes, plus que délibérément consentie, a été imposée par le législateur. Quelques explications suffiront à s’en convaincre.
143491. L’action directe permet d’offrir à la victime une cible plus solvable, une poche plus profonde. Il s’agit d’un mécanisme original qui confère à la victime, ici, d’une pollution, le droit de poursuivre directement, en son nom propre et à titre personnel, le débiteur de son débiteur, ici l’assureur du propriétaire du navire pollueur. Ce mécanisme permet donc de surmonter toutes les craintes liées à la présence d’un « armateur fuyant à la solvabilité incertaine que ce soit par l’effet des aléas économiques ou, plus fréquemment, de montages sociétaires »261. Cette action outrepasse le principe de l’« effet relatif des contrats »262. La victime peut obtenir réparation de son dommage en s’adressant à l’assureur, sans avoir théoriquement à s’adresser à l’assuré, pourtant responsable.
144492. La personne lésée n’apparaît plus à proprement parler comme un ayant-cause de l’assuré, par l’intermédiaire duquel elle bénéficierait de l’assurance, mais comme une créancière directe de l’assureur. Le rôle du responsable dans la mise en œuvre du droit à réparation devient donc « postiche »263, car tout se passe en réalité entre la victime et l’assureur. Assigné par la victime en vertu d’une action directe264, l’assureur assume seul la défense du responsable265. Tandis que c’est auprès de l’armateur que les victimes présenteront leurs réclamations. Ces dernières seront, au bout du compte, canalisées vers le P&I Club du navire qui « pilotera » seul la gestion du dossier. On soulignera que pareille facilité n’existe en définitive que parce qu’elle a été consentie par l’assureur. Or, précisément il n’est pas dans la tradition des P&I Clubs, principaux assureurs maritimes, de réserver un accueil favorable à cette disposition. Ces derniers revendiquent leur qualité d’assureurs et refusent d’endosser celle de garants. Aussi, on s’expliquera qu’ils se soient fermement opposés à fournir une garantie dans le cadre de l’OPA, lequel faisait planer un risque de réparation illimitée266. Il n’en demeure pas moins que, malgré cette opposition, le législateur américain a conservé le principe d’une action directe.
2. La protection de l’action directe : l’inopposabilité de la règle « pay first »267
145493. Il n’est pas dans la tradition des P&I Clubs d’assortir systématiquement les certificats d’assurance d’une action directe. Cette possibilité favorable à la victime est strictement encadrée. En effet, le droit des assurances dans les pays de Common Law où sont implantées la plupart des mutuelles armatoriales, n’envisage l’application de cette règle qu’à titre purement exceptionnel, notamment, en cas de faillite ou de mise en liquidation judiciaire268.
146494. Ainsi, hormis ces hypothèses dérogatoires, l’assureur ne consent à indemniser l’assuré qu’après que celui-ci ait, au préalable, lui-même indemnisé la victime. En effet, à titre préventif, les P&I font figurer dans leur police une clause, selon laquelle un membre doit d’abord s’être acquitté de sa dette de responsabilité en indemnisant la victime avant de pouvoir solliciter de son club un remboursement de ladite somme. En ce sens, cette règle connue sous la formule anglaise de « pay to be paid »269 ou « pay first rule », est considérée comme une garantie importante pour les assureurs de responsabilité. A l’exact opposé, pour la victime, elle est de nature à entraver l’exercice de l’action directe.
147495. La validité de cette clause a été, maintes fois, confirmée par les juridictions anglaises et, notamment à l’occasion des retentissantes affaires du « Fanti and the Padre Island »270. On notera que cette règle d’inspiration purement maritime271 paraît en net décalage avec l’évolution du droit des assurances, qui dans un souci de pragmatisme ne cesse de développer le droit d’action directe. On s’expliquera, dès lors, que certains clubs, mais de façon purement discrétionnaire, fassent montre de plus de souplesse en acceptant d’avancer les fonds, sans même exiger du propriétaire qu’il débourse au préalable la moindre somme272.
148496. Toutefois, parce que compter sur la bienveillance de l’assureur eut été trop aléatoire, le législateur parvint au cours d’âpres négociations à imposer la recevabilité de l’action directe. Cela n’a toutefois pas empêché les délégations hostiles au mécanisme de l’action directe de s’exprimer. Elles ont fait savoir que pareil dispositif risquait de ne pas inciter le propriétaire à éventuellement assister l’assureur au cours de la défense, ou même à prendre des mesures propres à minimiser le risque. Ce type de comportement devant, selon eux, se traduire par un accroissement prohibitif des primes et une réduction de la capacité du marché de l’assurance. En définitive, il a été jugé plus important d’épargner aux victimes le risque de devoir supporter les conséquences de la négligence d’un propriétaire assuré qui n’aurait pas rempli toutes ses obligations à l’égard de son assureur. Cette solution apparaît d’autant plus fondée, que la substitution conventionnelle de l’assureur au responsable qu’il s’agit maintenant d’apprécier emporte pour principal effet, un transfert de la responsabilité sur les « épaules de l’assureur ».
B. Appréciation de l’effacement : le transfert de la responsabilité sur l’assureur
149497. Apprécier l’effacement qu’engendre la substitution conventionnelle de l’assureur au responsable conduit à analyser le transfert de responsabilité opéré par l’assurance. Ce phénomène translatif pourrait avoir deux conséquences, d’une part la substitution de l’assurance à la responsabilité (1), d’autre part « la réduction de la responsabilité à une valeur marchande » (2).
1. La substitution de l’assurance à la responsabilité
150498. En rendant obligatoire l’assurance, la seule charge que le législateur impose à l’assuré, c’est celle de s’assurer et non pas tant de supporter un quelconque « risque de responsabilité ». Ainsi que le souligne le Pr G. Viney dans les secteurs où l’assurance a tendance à se généraliser, le responsable ne joue plus à proprement parler le rôle de débiteur de la réparation, mais celui de « fournisseur de l’assurance »273. Dans le procès de responsabilité, c’est l’assureur qui joue le rôle essentiel, le responsable assuré n’étant guère présent que pour la forme. « Assigné par la victime, en vertu de l’action directe, c’est l’assureur qui, par l’intermédiaire de son avocat assume la défense du responsable et dirige le procès »274.
151499. Dès lors, en toute logique sa désignation n’est plus fonction de considérations tirées de sa culpabilité, ou de son rôle effectif dans la production du dommage, mais de son aptitude à l’assurance. Dans de telles circonstances, « la responsabilité devient un simple support de l’assurance, et le responsable un simple débiteur nominal mais ineffectif de la responsabilité »275 observe le Pr P. Jourdain. On comprend ainsi pourquoi les conditions traditionnelles de la responsabilité civile, c’est-à-dire la faute et le lien de causalité ont tendance à s’effacer au profit d’un système canalisant la responsabilité sur la tête d’un responsable désigné. En définitive, le contrat d’assurance ne s’insère en aucune façon dans les rapports victime-responsable désigné. Selon les termes d’un économiste de l’assurance, son objet premier serait d’opérer « un transfert de risque d’une unité économique à une autre ».276
152500. Créatrice de sécurité, l’assurance est conçue non pas comme un moyen d’empêcher la réalisation d’un événement, mais comme un instrument de garantie de la viabilité d’une entreprise à risque. Le but essentiel de l’assurance obligatoire deviendrait presque la sauvegarde de la situation matérielle de l’assuré. Et le paradoxe selon lequel le responsable se trouverait mieux protégé que la victime, est loin d’être écarté ; cela, alors même que « l’assurance de responsabilité aurait pour principal mérite de concilier la sauvegarde du patrimoine du responsable non fautif et l’indemnisation des victimes »277. Ainsi que le note François Ewald, « l’assurance qui s’est originairement développée comme un parasite du droit de la responsabilité, en devient l’auxiliaire nécessaire puis la condition de possibilité »278. Sans elle, il n’y aurait plus de responsabilité au sens juridique, parce qu’il n’y aurait plus de solvabilité. Et, là encore, il convient de souligner un autre paradoxe : plus on exige de responsabilité de la part des individus, plus les juges sont rigoureux, plus l’assurance qui aboutit pratiquement à la déresponsabilisation, au sens juridique, devient nécessaire.
153501. Le rapport entre responsabilité et assurance s’inverse progressivement au profit de cette dernière ; car l’application des règles de responsabilité ne devient possible que si le responsable est assuré. Dès lors le vrai garant, ou débiteur d’indemnisation, dans les relations de responsabilité actuelles, devient l’assureur279. Le Pr E. Gold rend parfaitement compte de cette réalité. Commentant le principe du pollueur-payeur, il observe que si l’on peut parler, dans l’absolu, du principe du pollueur- payeur280, il est plus exact de considérer que « le pollueur assuré paie »281. Le Pr A. Vialard parvient à une conclusion identique en constatant que « le propriétaire du navire n’est pas responsable, mais assuré »282. Ainsi, « l’assurance serait virtuellement tout »283.
154502. « Peu à peu, écrit le professeur G. Viney, dans le couple formé par la responsabilité civile et son assurance, la seconde institution paraît en réalité prendre la première place et transformer à son profit l’économie du système »284. Le responsable désigné n’est plus qu’un intermédiaire à peu près passif entre la victime et l’assureur285. Elle conclut enfin qu’« une responsabilité assurée n’est, de toute façon plus individuelle. Le Pr Ph. Remy considère quant à lui que la responsabilité est devenue un « simple support de l’assurance »286. En effet, dans cette hypothèse, la possibilité pour la victime d’assigner le responsable plutôt que de mettre en jeu la garantie ne change rien à ce fait, puisque l’assuré peut toujours reporter sur la compagnie d’assurance, l’incidence de la condamnation287. Aussi, dès lors que l’assureur se substitue au responsable pour indemniser la victime, l’identité du responsable ne constitue plus qu’une procédure pour ordre. Le responsable est alors relégué au second plan, l’indemnisation de la victime étant appelée à occuper le devant de la scène.
155503. Or, la responsabilité privée de sa dimension individuelle perd, du même coup, sa fonction de sanction. L’assurance conduit, en définitive, à faire supporter par le corps social la charge de la réparation ; cette évolution du droit aboutit à la création d’une sorte de service public, exercé par l’intermédiaire des assurances. Il devient dès lors légitime de se demander si la mutualisation du risque n’enserre pas le droit civil au point de l’étouffer quand la responsabilité est réduite au statut de « valeur marchande » par l’assurance.
2. La « réduction de la responsabilité à une valeur marchande »
156504. Etre responsable aujourd’hui, ce ne serait plus, ou plus seulement faire preuve de prudence ou de diligence. Il s’agirait, avant tout, de se munir d’une garantie financière susceptible d’indemniser une victime pour le cas où le risque inhérent à l’activité entreprise venait à se réaliser. La mutualisation des risques que réalise l’assurance permet en effet de faire reposer la réparation sur la collectivité des assurés à travers les primes qu’ils versent. En définitive, la responsabilité serait réduite à une valeur marchande. Elle pourrait être assimilée à l’achat d’un forfait tout risque. La fonction de prévention des dommages que prétend exercer la responsabilité civile est dès lors sensiblement affaiblie. Car, lorsque l’assurance est obligatoire, elle perd déjà une bonne partie de sa valeur morale ; « la prime apparaissant à l’assuré comme un impôt »288.
157505. Quel est le montant des sommes dépensées par l’armateur au titre du seul risque de pollution289 ? A vrai dire, il est malaisé de répondre avec précision à cette question. Une chose est cependant certaine. Cette somme constitue une quote-part de la cotisation globale acquittée par l’armateur. Selon certaines estimations, le poste assurance représenterait 45 % des frais d’exploitation d’un290. Cette contribution, de surcroît, varie elle-même selon un triple rapport sinistres/primes/risques. Messieurs Ph. Latron et P.291 se risquent toutefois à avancer quelques chiffres. Ils estiment que, dans les coûts d’exploitation d’un pétrolier de 140 000 tonnes, environ 80 dollars US seront quotidiennement consacrés à cette couverture, soit environ 15 % des dépenses totales exposées au titre de l’assurance. Bien que lourdes en valeur absolue, une fois acquittées, ces primes confèrent une tranquillité d’esprit à ceux qui ont bourse déliée pour n’avoir plus à supporter les conséquences de leur responsabilité292.
158506. Qualifié parfois de « convention d’irresponsabilité »293, le contrat d’assurance responsabilité conclu par l’armateur et son P&I294 confère à celui qui s’est acquitté du paiement de sa prime une impression de devoir accompli, un droit à l’impunité qui ne dit pas son nom. Ce phénomène, l’assureur le connaît bien, il l’a baptisé : « hasard moral »295. La notion peut s’expliquer simplement : un agent assuré adopte un comportement différent de celui qu’il aurait eu s’il ne l’avait pas été.
159507. A première vue, l’assurance technique de réparation semble prendre appui sur les risques en gardant à leur égard une totale neutralité. A la réflexion, pourtant, dès que l’on cesse d’entendre par assurance, une technique quelque peu abstraite pour considérer le fonctionnement des institutions, on comprend très vite que l’industrie de l’assurance exerce dans les faits une action sur les risques, et peut donc, assez paradoxalement, les favoriser. Cela est d’autant plus à craindre que les coûts d’assurance sont en définitive reportés par l’armateur sur le propriétaire de la cargaison, qui peut, à son tour, les imputer aux consommateurs finaux. Ainsi, le coût réel de l’assurance, et, a fortiori de la responsabilité a toutes les chances d’être réduit à néant. On peut dès lors évoquer l’acquisition à titre purement gracieux, ou à un moindre coût, puisque limité au montant des primes d’assurance, d’un droit de nuire ou de l’achat d’un droit de polluer.
160508. Ainsi se trouverait justifiée l’idée que l’introduction d’une obligation d’assurance puisse s’analyser comme une concession de l’assureur au législateur dans les intérêts bien compris de la victime, mais aussi, en définitive, de l’assuré. Mais l’assureur, fut-il mutualiste, n’a jamais été philanthrope. S’il a entendu faire quelques concessions au législateur, c’est non sans avoir quelques garanties, les meilleures d’entre elles résidant sans conteste dans la possibilité d’imposer ses conditions lors de la fixation des contours de la responsabilité.
SOUS-SECTION. 2 LES CONDITIONS IMPOSÉES PAR L’ASSUREUR AU LÉGISLATEUR : LES CONTOURS DE LA RESPONSABILITÉ
161509. Quand l’assurance est rendue obligatoire, l’assureur se trouve dans une meilleure position pour négocier les conditions de sa prestation. Ainsi, apparemment organisées de façon à rester neutres à l’égard des risques, les sociétés d’assurance n’en exercent pas moins, sur eux, une influence. En matière maritime296, cette emprise de l’assurance sur les questions de responsabilité trouve d’autant mieux à s’exprimer que la couverture du risque-pollution s’ordonne autour d’une organisation quasi-monopolistique297, de type mutualiste (§1). La présence d’une telle structure pourrait contribuer à expliquer pourquoi la couverture proposée et retenue par le législateur, soit largement en deçà de la capacité réelle de l’assurance (§ 2).
§ 1. Une organisation quasi-monopolistique de la couverture du risque-pollution
162510. Si plusieurs catégories d’institutions (A) fournissent, en théorie, une couverture directe du risque-pollution lié au transport de marchandises dangereuses ou polluantes, elles ne se présentent que comme des alternatives, placées directement sous l’influence de l’Association internationale des Protecting and Indemnity Clubs298 (ci-après désignées par l’acronyme P&I Clubs). Le fonctionnement de cette structure qui couvre plus de 89 % du tonnage mondial a, en effet, un impact non négligeable sur les autres du fait de la position de force qu’elle occupe sur le marché de l’assurance (B).
A. Les alternatives à l’« Association internationale des P&I Clubs » : des structures sous influence
163511. Faut-il seulement évoquer une alternative à l’Association internationale des P&I Clubs, lorsque la couverture du risque de pollution telle qu’exigée tant dans le cadre des Conventions internationales (1) que dans le cadre américain de l’OPA (2) dépend en réalité largement d’elle ? La couverture du risque nucléaire fait désormais seule exception à cette règle (3).
1. La couverture « hors association » dans le cadre international
164512. Tandis que l’Association internationale des P&I Clubs domine le marché, il existe des P&I Clubs plus petits qui n’en sont pas membres299. Si certains d’entre eux souhaitent pouvoir offrir des prestations autres à leurs membres, ce qui les caractérise avant tout, c’est essentiellement leur capacité moindre à couvrir le risque. Le plus souvent, ils ne remplissent pas les conditions requises par l’Association internationale. Toutefois certains clubs indépendants ont conclu des accords de réassurance avec elle. Cela signifie aussi qu’ils consentent à respecter ses conditions de couverture et plus généralement à suivre ses pratiques. Bien que ces groupes indépendants représentent une alternative aux principaux clubs, celle-ci est limitée et précaire300. Aussi, lorsque le législateur examine l’incidence que peuvent avoir les pratiques de l’assurance sur son projet, il ignore jusqu’à la présence de ces clubs indépendants.
165513. Hormis ces clubs, d’autres structures proposent une couverture du risque-pollution. Dans la terminologie anglo-saxonne des assurances, on les appelle les fixed premium facilities. Leur dénomination reflète leur particularité : celle de ne pas avoir recours à des appels de fonds supplémentaires pour le cas où la prime de départ se révèlerait, en définitive, trop basse. Fonctionnant sur un principe de prime fixe, elles rentrent dans la catégorie des compagnies d’assurances ordinaires. Parmi ces assureurs commerciaux, on citera notamment DARAG, pour l’Allemagne, Dragon et Terra Nova, pour le Royaume-Uni, Axa pour la France301. La couverture proposée aux armateurs dans ce cadre, bien que nettement plus faible que celle offerte par les membres de l’Association internationale des Clubs P&I, suffit à satisfaire les exigences du législateur en termes d’assurance dans le cadre des Conventions CLC et SNPD. Ces assureurs sont réassurés au Lloyd’s de Londres. Aussi, leur capacité à fournir une couverture dépend largement des facilités que peut leur procurer l’association des P&I Clubs.
166514. Il n’en reste pas moins que l’on peut émettre des réserves quant à la réelle solidité financière de ces structures, alors même qu’elles seraient soumises au même type de contrôle que celles dépendant de l’Association internationale des P&I Clubs. La meilleure preuve de cette crainte tient au fait que nombre de ces structures ont déjà cessé toute activité. Celles qui parviennent à se maintenir ne peuvent espérer le faire sans le concours de l’Association des P&I Clubs. C’est encore ce même concours qui est déterminant pour la couverture du risque de responsabilité, telle qu’elle est exigée dans le cadre de la loi américaine de l’OPA.
2. La couverture « hors association » dans le cadre de l’OPA
167515. D’emblée, les P&I Clubs ont catégoriquement refusé de délivrer le certificat de responsabilité financière exigé par l’OPA. Ils ont légitimé ce refus par la crainte de se voir engagés de façon illimitée aux côtés de leurs membres. Toutefois, il convient d’observer qu’eu égard à la capacité financière de ces structures, cette exigence de couverture de la part du législateur américain n’est pas si élevée. En outre, elle ne saurait être assimilée à une « garantie en blanc »302. En effet, si le risque de responsabilité est théoriquement illimité pour l’armateur, l’exigence d’une garantie financière, quant à elle, est bornée. Aucune disposition ne contraint, par conséquent, l’assureur à offrir une couverture au-delà des montants de limitation insérés dans l’OPA. On comprendra dès lors que certains assureurs indépendants, on citera parmi eux, l’Arvak, la Frontline, ou la Shoreline Mutual Bermuda Ltd, Shipowner Insurance and Guarantee Company (SIGCO)303, aient pu se faire une spécialité de la couverture du risque de responsabilité dans le cadre de l’Oil Pollution Act304.
168516. Toutefois, là encore, il convient, d’observer que ces organismes ne peuvent se dispenser de solliciter les P&I Clubs pour proposer de telles prestations de ce fait. En définitive, leur participation effective à la couverture du risque-pollution se limite à la part que les P&I Clubs n’acceptent pas de couvrir, laquelle est dans les faits souvent limitée. Aussi, plus qu’une alternative véritable aux P&I Clubs, il convient, dans cette hypothèse particulière, d’évoquer une extension de leur couverture. Il apparaît clairement que la position de force occupée par l’Association internationale des P&I Clubs confère à cette structure le statut de « partenaire » non pas privilégié, mais quasi-exclusif du législateur. Il semblerait, en effet, que seule la couverture du risque nucléaire fasse réellement l’objet d’une couverture hors association.
3. La couverture « hors association » du risque nucléaire
169517. Les Conventions précitées de Paris et de Vienne relatives à la responsabilité civile en matière nucléaire, prévoyaient à l’origine une exception au principe de la responsabilité exclusive de l’exploitant nucléaire, afin de couvrir le cas où le transporteur aurait été rendu responsable en vertu d’autres accords internationaux. Ces dispositions législatives se sont très vite révélées être une entrave aux transports maritimes de matières nucléaires. En effet, les mutuelles armatoriales, plutôt que de se laisser imposer la couverture d’un tel risque ont préféré d’un commun accord retirer à leurs adhérents toutes les garanties pour le transport de matières fissiles. Privés d’assurance, les armateurs ont alors refusé de transporter lesdites matières, obligeant le législateur à revoir sa copie sous peine d’entraîner la paralysie du commerce maritime nucléaire305.
170518. Finalement, le 17 décembre 1971, à Bruxelles, était signée une nouvelle convention relative à la « responsabilité civile dans le domaine du transport maritime des matières nucléaires »306. Cette Convention exonère les armateurs de toute responsabilité pour ne retenir que celle de l’exploitant de l’installation nucléaire. Ce dernier, astreint à une obligation d’assurance, doit s’adresser, pour couvrir son risque de responsabilité à un pool atomique créé dès 1957 par les compagnies d’assurances sur la base d’un accord entre sociétés d’assurance307. Il n’en demeure pas moins que le traitement particulier du risque atomique, légitimé par sa spécificité intrinsèque, ne saurait en rien occulter la position de force occupée par l’Association internationale des P&I Clubs face au législateur.
B. La position de force de l’Association internationale des P&I Clubs face au législateur
171519. Cette position privilégiée s’explique par le regroupement des clubs d’une part (1) , par la concentration des pouvoirs en leur sein d’autre part(2).
1. Le regroupement des clubs
172520. Près de 89 % du tonnage mondial308 et 100 % du tonnage européen309, ont fait appel à l’Association internationale des P&I Clubs310 pour couvrir leur risque de responsabilité contractuelle ou délictuelle. Cette organisation, forte de dix-neuf membres311, occupe désormais une place non négligeable dans l’une des branches de l’assurance maritime baptisée « protection et indemnisation »312. Le concept de protection et d’indemnisation est une notion générale qui recouvre l’assurance de différentes catégories de risques aussi divers que les préjudices corporels, le décès des membres de l’équipage ou des passagers, les dommages causés à des navires à la suite d’une collision, ou encore d’une pollution. Tous ces types de couverture sont fournis par les P&I Clubs dans le cadre d’un contrat unique.
173521. Les P&I Clubs, à la différence des assureurs commerciaux, sont organisés en mutuelle. Associations d’armateurs, ils s’assurent mutuellement contre les risques de responsabilité qu’ils encourent vis à vis des tiers lors de l’exploitation de leurs navires. Ce type d’organisation tire sa force d’une souscription massive de contrats, laquelle permet aux assureurs mutualistes d’améliorer leur rapport « qualité-prix »313 tout en couvrant toujours plus largement des risques, comme celui de pollution, que d’autres rechignent à assurer.314
174522. Force est d’admettre que les mutuelles sont entièrement vouées à la défense des intérêts de leurs membres. Leur unique source de financement est constituée par des primes versées par chacun d’entre eux. Les mutuelles ne font ni perte ni profit. En se répartissant les risques, chaque membre devient en quelque sorte l’assureur des autres. La technique mutualiste, en autorisant la répartition la plus large des charges, permet de contenir la part de cotisation de chaque adhérent dans des proportions raisonnables. Cet objectif a été d’autant mieux atteint que, associées aux travaux préparatoires, les mutuelles ne se sont engagées qu’à hauteur de montants qu’elles étaient certaines de pouvoir couvrir. En d’autres termes, elles ont largement influencé le chiffre retenu au titre des limitations de responsabilité315.
175523. Nul doute que le récent « accord de mise en commun », destiné principalement à accroître la capacité de l’assurance au sein de l’Association internationale, a eu pour effet de renforcer la position des P&I Club adhérents sur le marché. Si chaque club prend en charge, à titre individuel, le paiement des dommages pour le compte de ses membres, l’Association internationale des clubs a, elle, décidé de mettre en commun les pertes les plus importantes. Ainsi chaque club a-t-il la possibilité d’assurer des pertes beaucoup plus importantes par rapport à ce que ses propres membres auraient accepté de financer.
176524. Grâce à leur spécificité, les P&I Clubs sont moins que les assureurs classiques soumis à la concurrence sauvage. Il existe, en effet, entre eux une sorte de gentlemen agreement en vertu duquel ils s’interdisent réciproquement de reprendre à un taux inférieur un navire précédemment inscrit à un autre club. Forme d’entente entre tous ceux qui couvrent les risques316, l’Association internationale, ès qualité, est soumise à l’article 85 du traité de Rome qui interdit les ententes susceptibles de menacer le libre jeu de la concurrence. La Commission européenne n’a toutefois pas considéré que « l’accord de mise en commun récemment conclu » pouvait la rendre coupable d’un abus de position dominante. Il faut dire que ce type de grief était particulièrement à craindre s’agissant de ce qu’on doit bien appeler, dès l’origine, une initiative corporatiste317. Il ne fait aucun doute, que le regroupement des clubs, et plus largement tous les accords conclus au sein de l’Association internationale, ont été grandement facilités par la présence préalable d’une concentration des pouvoirs au sein des mutuelles armatoriales.
2. La concentration des pouvoirs au sein des P&I Clubs
177525. Les groupements d’armateurs que constituent les P&I Clubs318 obéissent tous à des règles de fonctionnement identiques. Pareille structure ne saurait tolérer une quelconque immixtion d’un intervenant extérieur, fût-ce le législateur. Les décisions de justice relatives aux Clubs P&I sont rares. Il n’est pas d’usage de mettre les comportements fautifs et les litiges impliquant des membres sur la place publique. Aussi, les règles de tous les clubs privilégient-elles l’arbitrage pour le règlement des différends. Pour donner encore plus de souplesse à la gestion des recours, des « clauses omnibus »319 prévoient la possibilité de s’écarter discrétionnairement des règles écrites, lorsque l’intérêt commun, ou parfois particulier, le justifie.
178526. Le marché des P&I fonctionne donc selon un principe d’autogestion320 : les adhérents déclarent aux clubs les risques qu’ils souhaitent faire couvrir, et, dans la mesure du possible, cette garantie est accordée sans intervention extérieure. Tout membre inscrit sur le registre du club, quel que soit le tonnage de son ou de ses navires et quelle que soit l’importance de la couverture d’assurance qu’il demande à l’association, a le droit de prendre part à toutes les assemblées générales.
179527. L’assemblée des adhérents est l’organe suprême de l’association. Toutefois, quand bien même elle aurait le pouvoir de modifier les statuts et les dispositions de l’assurance, elle n’exerce aucun pouvoir direct dans l’administration de l’association, puisqu’elle doit s’en remettre aux directeurs. Ainsi, l’Assemblée ne peut pas se voir opposer les droits individuels, des adhérents. Ces derniers n’exercent pas, du reste, en pratique directement leur pouvoir, lequel se limite à la possibilité de nommer et de révoquer leurs mandataires dans l’administration de l’association. Il n’en demeure pas moins que certaines compagnies maritimes peuvent briguer un poste de directeur au conseil, puisque pour prétendre à cette qualité il faut être un armateur inscrit sur le registre des membres. On notera que le Conseil des directeurs appelé à se réunir une seule fois par trimestre peut déléguer ses pouvoirs à des comités de direction, composés d’au moins deux directeurs élus par leurs pairs mais animés par des gérants. Les gérants sont eux-mêmes attachés à des firmes qui se sont constituées pour remplir les missions assumées par les P&I. Ce sont elles, en définitive, qui se voient confier la détermination de la politique générale des associations.
180528. Aussi, on ne s’étonnera pas de constater que, lorsque le risque de pollution a été mis en évidence, les quelques firmes, gérant les clubs soutenus par les directeurs qui étaient parmi les propriétaires de navires les plus dynamiques, aient fourni leur propre évaluation des capacités de couverture du risque. La firme en fin de compte s’analyse comme une structure permanente au service de la communauté armatoriale. Les gérants, quant à eux, ont tout naturellement défendu les armateurs dans les conventions internationales relatives à la pollution. En effet, les clubs, par leur statut de mutuelle et leur lien direct avec les armements, sont toujours attentifs aux besoins de ces derniers, tandis qu’ils pourraient être moins enclins à faire montre de largesse en direction des victimes.
181529. Pourtant, ainsi que le souligne le Pr E. Rosaeg, le législateur s’est toujours refusé dans le passé comme aujourd’hui à mettre à l’épreuve les P&I Clubs321. Peut-être, se trouvait-il déjà comblé par la perspective de trouver chez ceux qu’il désignait responsables une structure toute disposée à couvrir le risque de responsabilité ? Peut-être encore, pareille situation l’aura conforté dans son choix de la personne responsable. Sans doute, le législateur se sera-t-il laissé impressionner par la présence d’une organisation quasi-monopolistique, trop inquiet de se voir opposer un refus catégorique à l’occasion d’une demande de couverture plus importante.
182530. Une alternative existe-t-elle ? Des réflexions, en ce sens, ont déjà été menées. Ainsi, dans le cadre de la négociation du Protocole à la Convention d’Athènes322 relative au transport par mer de passagers et de leurs bagages, les participants à la Conférence diplomatique ont émis l’idée, pour le cas où les P&I Clubs refuseraient de souscrire une assurance de responsabilité à hauteur des exigences des États- parties, d’avoir recours à un système d’assurance directe. Toutefois, dans cette dernière hypothèse, ce ne sont pas tant les victimes potentielles qui seraient appelées à souscrire une assurance, mais bien chaque armateur dans le cas d’une police ouverte323.
183531. Un auteur324 de proposer pour la couverture de ce risque particulier le principe d’un assureur unique. Ce dernier prendrait la forme d’une entité supranationale comme l’Organisation Maritime Internationale. La somme due par une telle organisation dans le cadre d’une pollution devrait être déterminée aux termes d’une convention internationale. Ces réflexions, si elles ont le mérite d’exister, n’en sont pourtant qu’au stade embryonnaire. Pour l’heure, le législateur s’en remet sagement aux propositions de couverture de l’assureur maritime325, et cela pour le plus grand confort de ses adhérents. Pourtant, il est d’ores et déjà possible de démontrer que ces dernières sont largement en deçà de la capacité véritable de l’assurance.
§ 2. Une proposition de couverture du risque largement en deçà de la capacité réelle de l’assurance
184532. Pour démontrer que la proposition de couverture du risque faite par l’Association internationale des P&I Clubs est largement en deçà de sa capacité réelle, quelques intrusions dans la matière économique seront nécessaires. Que le lecteur juriste, souvent plus épris de littérature que de chiffres, se rassure, les développements seront ici à la mesure de la compétence du commentateur, c’est-à-dire modestes et toujours centrés autour d’une question fondamentale, la capacité curative de la responsabilité dans le cadre d’un régime d’indemnisation. Ladite démonstration s’effectuera selon un rythme binaire. Après s’être attaché aux aspects juridiques de l’assurabilité (A), il conviendra de s’intéresser à la structure financière de l’assurance proposée par l’Association internationale des P&I Clubs (B).
A. Aspects juridiques de l’assurabilité
185533. L’assurance apparaît comme une convention réciproque dont les effets, quant aux avantages et aux pertes, dépendent d’un événement incertain. Pour être assurable, l’événement à l’origine du dommage doit d’abord être aléatoire quant à sa réalisation ou quant à sa date de survenance. On s’expliquera dès lors que les pollutions existantes réputées connues et les pollutions chroniques, toutes deux non aléatoires, ne soient pas assurables326. Plus largement, le risque est assurable327, s’il remplit deux conditions : il faut, en premier lieu, qu’il puisse faire l’objet d’une statistique permettant de mesurer sa fréquence328 ; il faut, en second lieu, que ledit risque soit suffisamment répandu pour que le gérant puisse opérer une compensation entre eux.329
186534. La question de l’assurabilité330 est sans doute celle où la dimension juridique et technique de l’assurance s’opposent le plus. Pour l’économiste ou l’actuaire, l’assurance est fondée sur une opération technique, bien spécifique, centrée pour simplifier sur la loi des grands nombres et le mécanisme de mutualisation. Ce dernier impose des contraintes qui rendent certains risques inassurables, au moins en théorie. Sont notamment en cause les risques catastrophiques, en raison de leur intensité trop élevée. A l’opposé le juriste part du postulat que tout risque est assurable dès l’instant où il y a risque. Autrement dit, le droit nie la notion d’assurabilité pour mieux se l’approprier en édictant ses propres contraintes331. Ce décalage tient à l’existence d’un non-droit en l’occurrence plus technique que sociologique, où les seules règles admissibles sont celles issues des mathématiques. Il n’en reste pas moins que le droit ne peut être totalement indifférent à cette dimension technique.
187535. On le sait désormais, depuis que « la responsabilité n’est possible qu’à base d’assurance »332, un objectif fondamental devient pour le législateur de veiller à l’existence d’une assurance. Cette dernière étant désormais conçue comme un auxiliaire devant accompagner les règles de la responsabilité, l’assureur est d’autant plus libre de fixer les contours de ses engagements.
188536. En matière maritime, comme ailleurs, cette faculté peut revêtir une double forme : l’exclusion de garantie d’une part, la limitation de couverture, d’autre part, l’exclusion de garantie en cas de faute inexcusable, parce qu’elle s’inscrit, en priorité, dans une démarche préventive mérite à elle seule un traitement particulier333. S’agissant de la limitation, on observera que s’il est de tradition chez les P&I Clubs d’accorder une couverture illimitée, le risque-pollution fait exception. En effet, la couverture n’est accordée aux membres qu’à concurrence d’un milliard de dollars334 ; le pétrolier Erika était, pour sa part, couvert à hauteur de 700 millions de dollars. Toutefois, sauf dans l’hypothèse d’une faute inexcusable dûment prouvée, cette somme ne sera pas disponible pour les victimes, car le principe de fonctionnement du système CLC/ FIPOL s’y oppose335.
189537. Ainsi conçue, la problématique de l’assurabilité, à ce stade du moins de nos développements, ne saurait se confondre avec celle de l’assurabilité du risque écologique336, dont il est dit par ailleurs que la dénomination peut être trompeuse, car plus que des dommages écologiques, il s’agit essentiellement d’indemniser des personnes et des biens ayant une valeur économique337.
190538. En revanche, il est permis, à notre sens, d’évoquer une conception de l’assurabilité quelque peu différente de la précédente, du moins dans son approche. La possibilité de mettre en œuvre un « dispositif réparateur de l’incertitude »338 s’avère particulièrement cruciale lors de la négociation des conventions. Ainsi, tandis que les P&I ont refusé d’accorder leur garantie pour le risque atomique339, ils l’ont finalement octroyé pour le risque SNPD340. Toutefois, dans cette dernière hypothèse, les P&I, futurs assureurs des propriétaires de navires transporteurs de SNPD, ont longtemps douté de leur capacité à prendre en charge ces risques341. D’un naturel conservateur, les assureurs se montrent toujours pessimistes s’agissant de leur capacité à couvrir un risque nouveau et surtout mal identifié. On ignore actuellement la nocivité réelle de 70 % des produits chimiques mis sur le marché342. Dans l’incapacité de fixer une prime pour ce risque particulier343 dans un premier temps, les assureurs ont eu une part non négligeable dans l’échec de la conférence diplomatique de 1984.
191539. Si le chiffre de 100 millions de DTS au titre du plafond de responsabilité, a finalement été inscrit, c’est parce que les P&I Clubs ont estimé que ce serait approximativement la capacité du marché de l’assurance à la date où la Convention entrerait en vigueur… Il n’y a eu aucune tentative pour établir une corrélation entre ce chiffre et le coût d’un quelconque « Bhopal marin » ? D’ailleurs, dans l’esprit des assureurs maritimes de SNPD, cette question mérite-t-elle seulement d’être posée ? Le principe de limitation impose de répondre par la négative. Il apparaît que les risques nouveaux ont toujours été assurés avant d’être littéralement assurables344 , et c’est ce qui leur a permis de le devenir. La connaissance d’un risque nouveau345 ne peut s’acquérir qu’avec le temps. Au début, sa couverture doit s’analyser comme une expérience nouvelle. La prime est, à ce moment, plus affaire d’intuition que de sciences. Il n’en demeure pas moins que cette sorte de banc d’essai suppose l’existence d’une puissance financière en rapport avec les aléas encourus. Or, manifestement, cette réalité n’a pas été suffisamment prise en compte dans le cadre de la loi américaine CERCLA, équivalent maritime et terrestre de la Convention SNPD. Cette disposition législative a été à l’origine de la crise de l’assurance américaine346. Et, là bas plus qu’ailleurs sans doute, on a pris conscience que l’assurabilité du risque majeur pouvait être « the major liability challenge »347.
192540. Toutefois, on peut aussi penser qu’il y aura toujours des assureurs qui seront prêts à couvrir des risques particuliers à condition que la prime versée soit à la hauteur348. Car, dès lors que les dommages susceptibles d’être causés sont appréciés à travers les catégories « probabilitaires » et financières du risque assurantiel, ils perdent leur nature propre de dommages pour ne plus devenir que des coûts aléatoires et évaluables349. Car, ne l’oublions pas, ce qui est assuré, « ce n’est pas le dommage tel qu’il est vécu, souffert et ressenti par celui qui le subit, mais bien un capital dont l’assureur garantit la perte »350. Ainsi que le note avec justesse F. Ewald, le risque assurantiel transforme tout ce qu’il appréhende en équivalant monétaire et financier351. Dès lors, il nous apparaît impossible de « faire l’économie » d’un examen de la structure financière de l’Association internationale des P&I Clubs, afin de vérifier si le seuil de responsabilité, tel que prévu par les Conventions CLC et SNPD, est justifié par la contrainte de solvabilité de l’assureur.
B. La structure financière de l’assurance proposée par l’Association internationale des P &I Clubs
193541. Quel que soit l’intérêt présenté par l’assurance obligatoire, celle-ci ne serait en définitive d’aucune aide si la capacité d’assurance considérée comme nécessaire par le législateur était, dans les faits, indisponible352. Le marché de l’assurance maritime de responsabilité est dominé, nous l’avons vu, par les Clubs de protection et d’indemnité, et plus encore par les membres de l’Association internationale des P&I Clubs353. Alors que les structures indépendantes proposent une couverture limitée à 500 millions de dollars américains par navire, les P&I Clubs offrent depuis le 1er février 2000, une couverture à hauteur de un milliard de dollars. L’Erika, était assurée pour 700 millions de dollars, et si le système CLC/ FIPOL ne s’était pas appliqué, on aurait pu avoir accès à cet argent tout de suite354.
194542. Plus encore, il s’agit ici de démontrer, au travers de l’examen de la structure financière de l’assurance proposée par l’Association internationale des P&I Clubs, combien la capacité limitée affichée s’inscrit en faux avec la capacité véritable de l’assurance. L’accord de mise en commun conclu au sein de l’Association internationale a permis d’accroître de façon considérable la capacité financière de ladite association, laquelle est estimée aujourd’hui à 4,25 milliards de dollars. Il convient toutefois de préciser que la somme sus-énoncée n’est pas totalement affectée à la couverture de la seule assurance obligatoire. Que le lecteur nous pardonne cette brève intrusion dans un domaine où il y a peu de place pour le droit, mais il est nécessaire pour une meilleure compréhension de la matière d’expliquer, même en quelques lignes, le mode de fonctionnement dudit accord. Ce dernier repose sur une répartition des risques en fonction de leur gravité. Il existe à cet effet trois tranches principales :
195543. La première tranche, dite de rétention, s’étend jusqu’à 27, 42 millions d’euros. Jusqu’à 4,57 millions d’euros355, toute demande d’indemnisation est à la charge du club dont le membre est responsable du sinistre. La plupart des sinistres couverts par les clubs entrent dans cette catégorie356. Au-delà, elle est partagée entre les clubs en vertu de l’accord de mise en commun.357
196544. La seconde tranche, comprise entre 27,42 millions d’euros et 1,8 milliard d’euros358, est dite de réassurance, parce que couverte par le contrat général de réassurance en excédent de sinistre du groupe359. On notera toutefois l’existence d’une limite spéciale s’agissant de la couverture du risque-pollution. Ledit contrat est conclu collectivement par les clubs auprès des assureurs commerciaux360. Les armateurs ne partagent pas en tant que tel ce risque, mais plutôt la prime d’assurance qui va servir à le couvrir. L’objectif de l’accord de mise en commun à ce niveau est d’améliorer la capacité de négociation sur le marché de l’assurance. C’est dans cette tranche que se situent pour l’heure la plupart des Conventions qui ont prévu une obligation d’assurance. On notera qu’une pareille capacité d’assurance pouvait déjà permettre de prendre en charge l’indemnisation jusqu’à la limite supérieure prévue par le FIPOL fixée à 135 DTS avant la révision des plafonds après les catastrophes successives. Alors même que cette limite aurait été revue à la hausse depuis la catastrophe, la possibilité de prendre en charge cette limite ne devrait en définitive que reposer sur une question de prime.
197545. La troisième tranche, dite de surplus361, est destinée à couvrir toute demande d’indemnisation jusqu’à concurrence d’un milliard de USD pour les demandes d’indemnisation relatives à des dommages de pollution et à hauteur de 4, 25 milliards de USD (soit 3,9 milliards d’euros) pour les autres. A un tel niveau, il est évident qu’un P&I Club ne saurait personnellement en supporter la charge. Cette dernière fait donc l’objet d’une répartition entre les clubs en vertu de l’accord de mise en commun362. Si une demande d’indemnisation vient à atteindre la tranche du surplus, une prime supplémentaire est mise à la charge de tous les armateurs du globe.
198546. On observera, qu’en dépit de la capacité affichée de l’assurance, cette dernière n’a, en pratique, jamais encore subi l’épreuve du feu, faute de demande d’indemnisation « flirtant » avec ce seuil, principe de limitation s’y opposant. Pourtant, il semble déjà que, si « les risques de responsabilité des armateurs apparaissent comme potentiellement énormes, la capacité financière et la solidité des clubs pourraient être au même diapason »363. Or, pour l’heure, la capacité des institutions d’assurance n’est pas à l’évidence ici à la mesure de la responsabilité364.
199547. Néanmoins à l’instar de certains commentateurs365, nous pensons qu’il ne serait pas judicieux pour le législateur, désireux d’augmenter le seuil de responsabilité couvert par l’assurance obligatoire, de prendre pour base de réflexion cette limite supérieure de la capacité. Finalement, on observera que si les « assureurs ont déjà par le passé fait reculer les limites du risque assurable »366, rien ne s’opposerait, loin s’en faut, à ce qu’ils récidivent aujourd’hui, encore faudrait-il qu’ils le veuillent. Or, manifestement, tel n’est pas leur souhait, car là n’est pas leur intérêt.
CONCLUSION DU CHAPITRE II
200548. Partant du constat que la Convention CLC, bien que présentée sous la forme d’un régime de responsabilité, était en réalité davantage un régime d’indemnisation, nous nous sommes attachée à examiner la qualité de la garantie offerte aux victimes par le propriétaire du navire pollueur.
201549. A l’examen cette garantie apparaît purement fictive. Cela tient au fait que le traditionnel principe de limitation de la réparation, conçu comme une pierre angulaire du droit maritime, a migré dans le droit des pollutions. Or, il est très vite apparu que dans ce domaine, aucun de ses fondements ne permet de justifier son opposabilité « aux victimes environnementales ». Nous avons entrepris ensuite de dépasser ce principe de limitation, pour nous attacher à sa pratique. Nous avons mis en évidence que la procédure de limitation standardisée, fondée sur des critères purement maritimes, comme la référence à la jauge du navire, n’offrait aucune place au risque écologique majeur. Pourtant, de concert, il nous a semblé que le risque maritime tendait à se marginaliser car il existait une spécialisation des limites de responsabilité en fonction de la nature des cargaisons, et plus encore une analyse poussée de la répartition de la réparation entre les intérêts liés à la cargaison et ceux liés au navire montrait qu’en cas de catastrophes majeures, la participation des seconds était quasi- inexistante.
202550. C’est ce même constat de garantie fictive que nous avons dressé en étudiant le support de cette garantie, à savoir l’assurance maritime. La couverture du risque de responsabilité de l’armateur, rendue obligatoire par le législateur, est fournie de façon quasi-exclusive par des mutuelles armatoriales. Placées en situation monopolistique, elles peuvent dicter au législateur les conditions dans lesquelles elles entendent fournir leur prestation. Loin de se surestimer, elles tentent de faire admettre, dans leur intérêt bien compris, leur incapacité à couvrir les risques au-delà d’un certain plafond. Or l’examen, même succinct, montre que ces structures armatoriales organisées en mutuelles offrent une résistance bien supérieure à n’importe quelle autre. Reste que leur présence tend à effacer totalement celle de l’assuré, qui n’est plus véritablement responsable mais davantage redevable d’une cotisation. Cet effacement du propriétaire du navire derrière sa mutuelle est d’autant plus patent que la victime dispose d’une action directe contre elle, devenue responsable de fait, mais aussi juge par la même occasion. Dès lors force est d’admettre, nous venons de le démontrer à partir de l’examen de la responsabilité objective du propriétaire du navire que l’institution de la responsabilité est ostensiblement bridée dans sa fonction d’indemnisation, la garantie offerte à la victime à l’instar de celle que lui fournit le propriétaire de navire peut se révéler une fiction eu égard à l’ampleur des dommages dont elle sollicite la réparation.
Notes de bas de page
1 VIALARD (A), Droit maritime, PUF, 1997, n° 5.
2 JOURDAIN (P.), Les principes de la responsabilité civile, précit., p. 133
3 LARROUMET (Ch.), Droit civil, t. 3, Les obligations, le contrat, Economica, 5ème éd.,2003, n° 687.
4 PIERRONNET, (F.X), Responsabilité civile et passagers maritimes, préf. P. CHAUMETTE, Bibliothèque du Centre de Droit maritime et des Transports, PUAM, 2004, n° 868.
5 CHAUVEAU (P.), Quelques réflexions sur la limitation de la responsabilité de l’armateur, ADMA, 1975, p. 12.
6 V.RÉMOND- GOUILLOUD (M.), Pollution des mers, J.-Cl. Resp. Civ., art. 1382 à 1386, Fasc. 430.1, 1989.
7 TÉRRÉ (F.), SIMLER (PH.), LEQUETTE (Y.), Droit civil : les obligations, Dalloz, coll. « Précis », 9ème édition, 2005, n° 1390.
8 DE JUGLART (M.), Le particularisme du droit maritime, D., 1959, chron., p. 183, spéc. p. 185. V. aussi GAUCI (G.), Limitation of liability in maritime law, an anachronisme? Marine Policy, Vol. 19, n° 1, 65. Limitation of liability some reflections on an out-of-date privilege, ADMO 2005, p. 47.
9 Pour une approche d’ensemble de la notion V. not. VIALARD (A.), Droit maritime, précit., n° 23 et suiv.
10 V. CHERKAOUI (H.), Le péril de mer, notion maritime de la force majeure, DMF, 1991 pp 211-218.
11 CHAUVEAU (P.), Quelques réflexions sur la limitation de la responsabilité de l’armateur, ADMA, 1975, p. 11
12 Seuls les transports maritimes, par opposition aux transports terrestres sont classés dans les activités potentiellement dangereuses. V. sur ce point TETLEY (W.) Shipowner’s limitation of liability and conflicts of law: the properly Applicable law, JMLC, Vol. 23, n° 4, october 1992, 585 spéc. p. 585.
13 RODIÈRE (R.), Droit maritime, coll. « Que Sais-Je ? », 1980, p. 6.
14 sur ce principe en droit américain V. ALLEN (C. H.), Limitation of liability, JMLC, vol. 31, n° 2, April 2000, p. 263
15 DECLERCQ (J.-P.), Transport par mer des marchandises dangereuses, réflexions sur les textes et les réalités suite à des pertes en mer de conteneurs par différents navires durant l’hiver 1993/ 1994, ADMA, 1995, p. 113, spéc. p. 113.
16 V. aussi en ce sens SIMON (P.), La réparation civile des dommages causés en mer par les hydrocarbures, Thèse, Paris II, 1976, p. 244
17 Sur cette idée de protection V. LUREAU (P.), Fondement et évolution historique de la limitation de responsabilité des propriétaires des navires, L’opposition de l’administration, DMF, 1974 p. 703.
18 CHAUVEAU (P.), Quelques réflexions sur la limitation de la responsabilité de l’armateur, précit., spéc. p. 13.
19 souligné pas nous.
20 CHAUVEAU (P.), Le droit maritime en révolution, Estudios juridicos en homenaje Joaquin Garrigues, Editorial tecnos, Madrid, t. 2, 1971, p. 173, spéc. p. 176.
21 CHAUVEAU (P.), Traité de droit maritime, Librairies techniques, 1958, p. 13.
22 VIALARD, (A.), Journées G. Ripert, AFDM, 2000.
23 DU PONTAVICE (E.), Les rayons et les ombres des Protocoles de 1984, précit., p. 117
24 SCAPEL (Ch.), L’insécurité maritime : l’exemple de la pollution par les hydrocarbures, Actes du colloque, Le droit face à l’exigence contemporaine de sécurité, Aix-Marseille, 11 et 12 mai 2000, PUAM, 2000, p. 121, spéc. p. 142.
25 Cet écart de langage précisé, par commodité, nous emploierons néanmoins les termes de limitation de responsabilité dans la mesure où c’est cette terminologie qui est retenue dans le dispositif conventionnel.
26 WETTERSTEIN (P.), P&I and environmental damage, in Law under exogeneous influences, édité par Markkus Suksi. Publications of Turku Law School, 1994, Vol. 1, p. 78.
27 Cf. les Préambules des Conventions CLC et SNPD.
28 CLC Art.5-SNPD. Art. 7.
29 Pour un rappel de cette exigence V. Cass. civ. 2, 27 janv. 2000, D., 2001, Jur. p. 2073, Obs. CHAKIRIAN (L.).
30 WILKINSON (D.), Moving the boundaries of compensable environmental Damage caused by Marine oil Spills: the effects of the Two new International Protocols, Journal of Environmental Law, 1993, p. 5.
31 D. 1983, 189, note LUCHAIRE
32 BONASSIES (P.), Problèmes et avenir de la limitation de responsabilité, DMF, 1993, p. 95, spéc. p. 107.
33 Sur cette question V. nos développements infra n° 2150.
34 L’article 216 du Code de commerce français énonce que « tout propriétaire de navire est civilement responsable des faits du capitaine pour ce qui est relatif au navire et à l’expédition, la responsabilité cesse par l’abandon du navire et du fret ». Comme le note R.J. VALIN dans son commentaire de l’Ordonnance de la Marine
en l’absence de limitation de responsabilité, le propriétaire du navire pourrait courir le risque d’être ruiné par la mauvaise foi ou les étourderies du capitaine.
35 FERANDES (R.), The limitation of liability of a shipowner, JMLC, 1985, vol. 16, n° 2, p. 219.
36 CLC 69. art. 1, al. 2.
37 BONASSIES (P.), Rapport de Synthèse, Actes de la IXème journée Ripert, La limitation de responsabilité du propriétaire du navire, DMF 2002, p. 1083, spéc. p. 1088.
38 ODIER-MOUSSU (F.) et VIGNIER (C.), Fonds d’indemnisation des dommages de pollution maritime, Plans Tovalop et Cristal, J. - Cl Environnement, Fasc 672, 1994, p. 1.
39 HUGHES (L.-N.), The shipowners’Right to a limitation of liability adrift on a sea of tort changes, LMCLQ, 1988, p. 517, spéc. p. 519.
40 Les défendeurs au procès de l’Amoco-Cadiz avaient demandé à bénéficier de la limitation de responsabilité prévue par le Limitation of liability Act de 1851, V. sur. ce point LUCCHINI (L.), Le procès de l’Amoco Cadiz : présent et voie du futur, AFDI, 1985, p. 762 spéc. p. 773.
41 Pour une approche d’ensemble de cette question V. DUCAN (W.M), The Oil Pollution Act of 1990’s effect on the shipowner’s limitation of liability Act, USF Maritime Law Journal 1993, No. 2, p. 303
42 On notera qu’un amendement tendant à imposer une responsabilité illimitée au niveau fédéral a été à une très faible majorité rejeté devant le Sénat. V. Congressional Record- Senate, 2 august 1990 p. 11542 cité par GAUCI (G.), Oil pollution at sea, précit., p. 150.
43 33 USC § 2704 (a)
44 V. le jugement rendu par le Tribunal fédéral de New-York dans l’affaire du Chesapeake Shipping, AMC, 1993, p. 684
45 USC § 9607 (c)
46 OPA Sec 1004 - c 1 « A) gross negligence or willful misconduct of, or B) the violation of an applicable federal safety, construction, or operating regulation by the responsable party, or a person acting pursuant to a contractual relationship with the responsible party ».
47 Selon le rapport de l’Assemblée nationale, Après l’Erika, l’urgence, précit., p. 218. En 10 ans, le droit de limitation n’aurait été accordé qu’à 5 reprises.
48 Sur les problèmes de procédure que peut poser l’exercice de la limitation V. FORCE (R.) et GUTOF (J. M.), Limitation of liability in oil pollution cases : in search of concursus or procedural alternatives to concursus, Tulane Maritime Law Journal, 1998, Vol. 22, p. 331.
49 Hearing before the subcommittee on Environmental Protection of the committee on Environ-ment nad Public Works, US Senate, 101 st Congress, 1 st Session, July 21, 1989, p. 81-82 cité par WU (C.), La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures - responsabilité et indemnisation des dommages, précit, n° 954.
50 Le Professeur E. GOLD évoque une loterie in Marine pollution liability after Exxon Valdez: the US All-Or nothing lottery!, JMLC, 1991, p. 436.
51 Sur ce point V. 33 USCA §§ 2704, 2718.
52 Lorsque l’Oil Pollution Act a été discuté, les États ont fait pression pour pouvoir bénéficier du droit d’imposer leur propre réglementation en matière de pollution afin de protéger leurs propres intérêts. V. sur ce point CAMERON (R.W.), Oil Pollution Act of 1990 and its consequences on the chemical tanker industry, Colloque, Marichem, 1993, Amsterdam, inédit.
53 En vertu du système constitutionnel américain, la Loi fédérale l’emporte sur la Loi étatique à moins qu’un statut fédéral en dispose autrement.
54 Sur ce point V. HADEN (P.) and BALICK (W.), Admirality Law Institute Symposium : Marine Insurance : Varieties, Combinations, and coverages in Tulane Law Review, 1991, p. 311, spéc. p. 334.
55 Sur le degré de liberté laissé à chacun des États et les problèmes particuliers posés par le fédéralisme V. WYATT (M.J.), Navigating the limits of state spill regulations : how far can they go ?, USF Maritime Law Journal 1995, p. 1.
56 V. sur ce point BARNES (F.), La responsabilité civile pour dommages pétroliers en droit comparé français et américain, Th., Aix-Marseille III, 1995.
57 DUMONT DE CHASSART (F.), La pollution maritime par hydrocarbures, comparaison entre les législations des États-Unis et des États membres de la Communauté européenne, DET, 1997, p. 232, spéc. p. 235.
58 MASSON (N.), Oil pollution: Taiwan changes liability law, Skuld newsletter, 2000, Issue 4, april, p. 23.
59 BONASSIES (P.), La responsabilité pour pollution en droit maritime, précit., spéc., p. 304, V. aussi en ce sens, DELEBECQUE (Ph.), Le droit maritime français à l’aube du xxième siècle, in Le droit privé à l’aube du xxième siècle, Etudes offertes à Pierre Catala, Litec, 2001, p. 929.
60 Sur cette notion V. CABALLERO (F.), Essai sur la notion juridique de nuisance, LGDJ, 1981.
61 Pour de plus amples développements sur l’éclatement de l’intérêt général sous la pression du risque écologique majeur, nous renvoyons à l’ouvrage de MARÉCHAL (J.-P.), Le prix du risque. L’économie au défi de l’environnement, éd. Pascal Vereken, Presses du CNRS, 1991, p. 191 et s.
62 CHAUVEAU (P.), Quelques réflexions sur la limitation de la responsabilité de l’armateur, précit., p. 11.
63 VINEY (G.), Les principaux aspects de la responsabilité civile des entreprises pour atteinte à l’environnement en droit français, JCP, 1996, I, n° 3900, p. 39, spéc. p. 45, V. aussi VINEY (G.) et JOURDAIN, (P.) Traité de droit civil, Les effets de la responsabilité, LGDJ, 2ème éd., 2001, spéc. n° 310, p. 569, V. aussi COUTANT-LAPALUS (C.), Le principe de la réparation intégrale en droit privé, préf. POLLAUD-DULIAN (F.), PUAM, 2002, n° 277.
64 BONASSIES (P.), La responsabilité pour pollution en droit maritime, précit., spéc. p. 304
65 FAURE (M.), Economic aspects of environmental liability : an introduction, European Review of private law, 1996, p. 85
66 La création d’un single ship company, c’est-à-dire une compagnie à un seul navire permet à l’armateur de créer un patrimoine civil d’affectation. Pour une vue d’ensemble de cette question en Droit américain, V. BAGWELL (D.A.), Hazardous and noxious substances, Tulane Law review, 1988, p. 433.
67 Obs. sous l’affaire du Garden City, Llyod’s Rep., 1984, p. 2 37.
68 EWALD (F.), L’expérience de la responsabilité in De quoi sommes-nous responsables ? précit., p. 35.
69 On notera que le droit des sociétés prévoit la possibilité pour chaque entrepreneur de limiter ses risques à hauteur des capitaux qu’il y aura investis.
70 CHAUVEAU (P.), Du patrimoine ou fortune de mer, DMF, 1962, p. 511.
71 Il faut noter que les praticiens du Droit maritime sont souvent sollicités pour mettre au point des montages juridiques dont la finalité n’est autre que de perfectionner le caractère limité de la responsabilité des sociétés. Nous pensons ici aux sociétés de « single ships ».
72 Sur cette position V. WU (C.), La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures, précit., n° 207.
73 SARTRE (J.-P.), Les mains sales (Gallimard), citation extraite du dictionnaire des citations Larousse. R. Carlier 2001.
74 DUPUY (P.-M.), La responsabilité internationale des États pour les dommages d’origines technologiques et industrielles, précit., p. 278, spéc. p. 280.
75 VIALARD (A.), Faut-il réformer le régime d’indemnisation des dommages de pollution par hydrocarbures ? DMF, 2003, p. 440.
76 WETTERSTEIN (P.), P § I and Environmental Damage, in WETTERSTEIN (P.), Sjorattsliga Skrritter III, Publications from the Centre from Maritime studies, University of Turku, 2000,p. 25, spéc. p. 52.
77 V. MARCHAND (Y.), Quelles orientations pour renforcer la sécurité maritime ?, Communication au séminaire organisé par Euroforum, Transport maritime de matières dangereuses, Paris 22 & 23 juin 2000, inédit.
78 V. TERRÉ ( F.), Rapport introductif, in L’ordre public à la fin du xx è siècle en coordination avec REVET, (T.), Dalloz,1996, p. 1.
79 Ainsi en matière d’environnement, il y aurait contrariété à l’ordre public seulement lorsque la preuve d’une menace grave sur l’environnement aurait été dûment établie. V. sur ce point, Plant Genetic systems c/ Greenpeace, D., 1996, Somm. p. 290, obs. MOUSSERON (J.-M.), SCHMIDT (J.) et GALLOUX (J.-C.)
80 TRUCHET (D.), Les fonctions de la notion d’intérêt général dans la jurisprudence du Conseil d’État, LGDJ 1977, Bibliothèque de droit public, t. 125, spéc. p. 264
81 V. à ce propos la Convention de Lugano mentionnée par VINEY (G.), Les principaux aspects de la responsabilité civile des entreprises pour atteinte à l’environnement en droit français, précit., spéc. p. 45, L’article 12 de cette convention prévoit qu’il appartient aux États membres de s’assurer que les exploitants participent à un régime de sécurité financière à concurrence d’une certaine limite laissée à la discrétion des États-membres. V. aussi en ce sens ARHAB (F.), Le dommage écologique, Thèse, Tours, 1997, spéc. n° 781. L’auteur cite en exemple la Directive communautaire sur la responsabilité du fait des produits défectueux, laquelle laisse « aux États-membres la faculté de prévoir un plafonnement qui ne peut être inférieur à 70 millions d’écus ».
82 VIALARD (A.), De quelques enseignements de l’Erika, Mélanges offerts à Pierre Bonassies, précit., spéc. p. 419.
83 RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Marées noires : les États-Unis à l’assaut ( Oil Pollution Act 1990), DMF, 1993, p. 339, spéc. p. 351.
84 VIALARD (A.), Droit maritime, p. 199.
85 V. sur ce point LITTLE (G.), The Hazardous and Noxious Substances Convention : a new horizon in the regulation of marine pollution, LMCLQ, 1998, p. 465, spéc. pp 555-567.
86 Néologisme bâti sur le terme onusien.
87 Directive 2004/35/CE, JO L. 143 du 30. 04. 2004, p. 56. Pour de plus amples développements sur cette directive Cf. nos développements n° 1122 et s.
88 GOLLIER (Ch.) et KESSLER (D.), Limites de l’assurabilité, Risques, 1994, p. 89.
89 La question de l’assurabilité est un point névralgique toutes les fois que sont en cause les questions de responsabilité et d’indemnisation. Ce thème sera par conséquent abordé à plusieurs reprises lors de cette étude.
90 Sur ce point V. SEWARD (R.C.), rapportant les déclarations de Griffiths LJ in The insurance Viewpoint,. « Limitation of shipowners’ liability, the New Law, Sweet § Maxwell, 1986, p. 161.
91 Cité par KHODIE (N.) in Limitation of liability of shipowners, published K.S Seshan (Bombay), 1977, in Préface.
92 Sur cette idée V. CLETON (R.), Compensation for damages caused during transport of hazardous and noxious substances in a marine environment in Chemicals Spills and emergency management at sea, P Bockholts and I. Heidebrink ( eds ) 1988 Kluwer Academic publishers, spéc. p. 384.
93 BARTON (M.), Liability whithout limit, P § I International, november 1993, p. 465.
94 Madame F. ODIER s’exprimant à ce sujet déclarait « dans l’état actuel des marchés de l’assurance, une responsabilité illimitée est une responsabilité inassurable ». Elle ajoutait : « Les solidarités professionnelles ont des limites économiques dont il faudra bien tenir compte dans le cadre des mécanismes de réparation ». in Le droit à réparation, AFCAN, Décembre 1992 p. 22, spéc. p. 23.
95 L’adoption du Protocole de 1992 à la Convention CLC (restée inchangée pendant près de 20 ans) se serait traduite par une hausse du niveau de responsabilité contenue dans une fourchette allant de 200 à 400 %. Une telle mutation n’a pas manqué d’être prise en compte au travers des primes des P § I, V. en ce sens, P§ I premiums rise as liabilities increases, Lloyd’s List Swedish Club, June 1997, p. 21.
96 SEWARD (R.C), The insurance Viewpoint, in Limitation of shipowners’liability, the New Law, précit., p. 161.
97 Sur ce point V. BUGLASS (L.J.), Limitation of liability from a marine insurance viewpoint, Tulane Law Review 1979, p. 1265, spéc. p. 1393.
98 V. en ce sens LITTLE (G.), The Hazardous and Noxious Substances Convention: a new horizon in the regulation of marine pollution, LMCLQ, 1998, p. 554, spéc. p. 558.
99 RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Marées noires : les États-Unis à l’assaut (L’Oil Pollution Act 1990), DMF, 1991, p. 339, spéc. p. 349
100 BUGLASS (L.), Limitation of liability from a marine Insurance viewpoint, Tulane law Review, 1979, p. 1364. Il faut du reste noter que la Commission européenne dans sa proposition de directive sur les déchets ou dans la Convention sur la responsabilité civile du fait des activités dangereuses élaborée en 1992 par le Conseil de l’Europe n’avait prévu aucune limitation.
101 Sur ce point V. les observations de HEBERT (F.), Le cadre général de l’ouverture du droit à réparation, in L’indemnisation des pollutions accidentelles des eaux, Actes des journées d’information du CEDRE du 16. 11. 98.
102 V. sur ce point not. WETTERSTEIN (P.), P&I and Environmental Damage, précit., p. 103.
103 Sur ce point V. SEWARD (R.C.), The insurance Viewpoint, précit., p. 162.
104 V. sur ce point ABECASSIS (D.W.), JARASHOW (R.L), Oil pollution from ships, Stevens and Sons, Londres, 2 ed. 1985, précit., n° 9-33.
105 SIMON (P.), Exposé sur les propositions de l’AFDM en matière de limitation de responsabilité, Journées G. RIPERT, AFDM, 1996.
106 Nous empruntons ici la formule du Professeur A. VIALARD, De quelques enseignements de l’Erika, Mélanges offerts à P. Bonassies, précit., spéc., p. 419.
107 HAZLITT (W.), Sketches et essais.
108 LA BRUYÈRE, Les caractères.
109 On notera que cette possibilité n’a pas été utilisée par le P § I du Nakhodka. En effet, dans cette espèce, où le propriétaire du navire avait perdu son droit à limitation en raison d’une faute inexcusable, l’assureur maritime a accepté de verser une somme supérieure à celle prévue par la Convention CLC, alors qu’en théorie, rien ne l’y obligeait. Cf. FIPOL 92 FUND/WGR.3/14/ 410 janvier 2003.
110 BONASSIES (P.), Les nouveaux textes sur la limitation de responsabilité de l’armateur. Evolution et mutation ?, Annales de l’IMTM, 1985, p. 143, spéc. p. 145.
111 V. en ce sens Cass. com. 7 décembre 1982, DMF 1983, p. 595
112 La question de la limitation de la couverture des P&I a été et reste discutée au sein du Groupe international des P&I. Club, V. sur ce point Fairplay 27 th May 1993, p. 3, and Fairplay 22 nd July 1993, p. 22.
113 RADETZKI (M.), Limitation de responsabilité civile nucléaire : causes, conséquences et perspectives, Bulletin de Droit nucléaire, 1999, n° 63, p. 14.
114 WETTERSTEIN (P.), P§ I and Environmental Damage, in P § I Insurance, Gothenburg Maritime Law Association 1993, p. 115
115 HÜBNER (C.), L’assureur peut-il invoquer la limitation de responsabilité, DMF, 2002, Actes de la Journée Ripert, La limitation du propriétaire de navire, p. 1033.
116 SIMON (P.), La réparation civile des dommages causés en mer par les hydrocarbures, thèse précit., n° 229.
117 VIALARD (A.), De quelques enseignements de l’Erika, précit., p. 409, spéc. p. 419.
118 FIPOL 92FUND/WGR.3/14/ 4-10 janvier 2003. Examen du régime international d’indemnisation- « De la responsabilité du propriétaire de navire, de ses conséquences et de la définition de l’obligation financière du propriétaire » Document présenté par la délégation française.
119 RADETZKI (M.), Limitation de responsabilité civile nucléaire : causes, conséquences et perspectives, précit., p. 14.
120 Sur ce point Décision de la Commission du 12 avril 1999 relative à une procédure d’application des articles 85 et 86 du traité CE et des articles 53 et 54 de l’accord EEE. (Affaire IV/ D-1/ 30. 373- Clubs de protection et d’indemnisation : accord du Groupe international et affaire IV/ D-1/37. 143- Clubs de protection et d’indemnisation : accord de mise en commun) (1999/ 329/ CE ) JOCE du 19. 5. 1999
121 P&I Clubs buy more reinsurance cover for less premium, P&I International, March 1997 p. 60.
122 Les coûts de nettoyage jusqu’alors cinq à six fois supérieurs par rapport au reste du monde, le seraient après l’OPA de dix à quinze fois plus. V. SEWARD (R.C.), L’attitude des PANDI Clubs à l’égard de l’Oil Pollution Act des États Unis, Colloque AFDM, Sénat 7 fév. 1991,.
123 V. Sur ce point ODIER (F.), L’OPA (L’Oil Pollution Act) une étape dans le droit de la pollution, ERM, 1992, p. 219, spéc. p. 224.
124 VIALARD (A.), Faut-il réformer le régime d’indemnisation des dommages de pollution par hydrocarbures ?, spéc., p. 440.
125 Fairplay 28 th february 1991. Toutefois on notera qu’un nombre substantiel d’affréteurs ont consenti à indemniser les propriétaires pour les coûts additionnels supportés vers les USA.
126 WETTERSTEIN (P.), P§ I and Environmental Damage, précit., p. 50
127 V. VALOIS (Ph.), Le transport du pétrole par mer, précit., p. 177 et nos développements sur la pratique américaine de couverture de risques n° 563.
128 BONASSIES (P.), La limitation de responsabilité du propriétaire du navire, DMF, 2002, p. 1083, spéc. p. 1088.
129 RUSSO (Ch.), De l’assurance de responsabilité à l’assurance directe. Contribution à l ’étude d’une mutation de la couverture des risques, préf. G.-J. MARTIN, Dalloz, Coll. « Nouvelle Bibliothèque de Thèses », vol. 9, 2001, n° 26, p. 11.
130 Nous empruntons la formule consacrée par le Professeur A. VIALARD, Faut-il réformer le régime d’indemnisation des dommages de pollutions par hydrocarbures ?, spéc. p. 140.
131 CLC 1969/ 1992, article V, § 1 et 9- SNPD art. 7
132 RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Droit maritime, précit., n° 66
133 LLMC, article 6
134 L’unité de mesure du tonnage a longtemps été le tonneau de jauge, soit 100 pieds cubes ou 2,83m 3. Depuis 1982, une nouvelle unité lui a été substituée : la jauge brute (GT). La jauge brute correspond à la formule suivante : GT = K.V., K désignant le volume total de tous les espaces fermés, exprimé en mètres cubes et V. un coefficient variable suivant le volume du navire.
135 Art. 2, d. 27 oct. 1967.
136 Cette jauge depuis le Protocole de 1984 (art.6 § 5) à la Convention CLC est calculée conformément aux règles de jaugeage prévues à l’Annexe I de la Convention internationale de 1969 sur le jaugeage des navires. Ce mode de calcul est fondé sur la jauge brute et non plus sur la jauge nette, V. CLC 69- art V. § 10, est plus avantageux pour les victimes de pollution. V WU (Ch.) La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures- Responsabilité et indemnisation, précit., n° 681
137 L’Erika avait une jauge brute de 19 666 tonneaux. calcul du fonds de limitation : 5 000 premiers tonneaux : 3 millions de DTS (env. 4,2 millions USD) jusqu’à 5 000 tonneaux ; 420 DTS (env. 560 USD) par tonneau supplémentaire au delà des premiers 5 000-soit 3 000+(14 666 x 420) = 9 159 720 DTS dû par le propriétaire - A comparer avec le montant du FIPOL qui est de 135 000 (montant maximal global)-9 159 720 = 125 840 280 DTS.
138 FIPOL 92FUND/WGR.3/14/ 4- 10 janvier 2003. Examen du régime international d’indemnisation, « De la responsabilité du propriétaire de navire, de ses conséquences et de la définition de l’obligation financière du propriétaire » Document présenté par la délégation française.
139 Trav. OMCI leg/ ng (II). I/ W.B.1, p14 (8 septembre 1967)
140 La pollution des mers par les hydrocarbures, LGDJ, 1968, p. 137.
141 enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 avril 2003
142 Le montant de l’amende qui varie entre 600 000 et 1 000 000 euros, pourra être porté à une somme équivalente aux deux tiers de la valeur de la cargaison transportée ou du fret.
143 RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Droit maritime, préc., n° 66.
144 Le plus grand pétrolier du monde, le Jhare Viking peut transporter 564 000 tonnes de pétrole. Construit en 1979, il a 24 ans d’âge et navigue sous pavillon norvégien. (Source site web de Keep it blue).
145 HÜBNER (C.) Le projet de Convention Européenne (CRDNI) sur la responsabilité et l’indemnisation pour les dommages liés au transport en navigation intérieure de substances nocives et potentiellement dangereuses, DMF, 2003, p. 421.
146 Il apparaît que les cargaisons les plus dangereuses sont transportées à bord de petits cargos. V. GRIGGS (P.), Extending the frontiers of liability, the proposed Hazardous Noxious Substances Convention and its effects on ship, cargo and insurance interest, LMCLQ,1996, p. 145, spéc. p. 150.
147 HÜBNER (C.) Le projet de Convention Européenne (CRDNI) sur la responsabilité et l’indemnisation pour les dommages liés au transport en navigation intérieure de substances nocives et potentiellement dangereuses, précit., spéc. p. 430.
148 Reproduit dans le Rapport (Tome I) de l’Assemblée nationale Après l’Erika, l’urgence, précit., p. 409.
149 Un critère plus objectif a été suggéré dans le rapport d’information du Sénat Erika, indemniser et prévenir, précit., p. 117. Il s’agissait d’augmenter la responsabilité du propriétaire d’un navire de plus de 15 ans d’âge et transportant du fuel lourd. Nous pensons qu’il s’agit là d’une mesure beaucoup trop sectorielle et donc comme telle peu satisfaisante.
150 CUISIGNEZ (R.), L’assurance maritime et la prévention des sinistres, Thèse Aix-Marseille, 1997, spéc. p. 196.
151 Au soutien de leurs prétentions, les protagonistes ont fait valoir le caractère peu dirimant de l’excuse d’inassurabilité. V. supra. FIPOL 92FUND/WGR.3/14/ 4-10 janvier 2003. Examen du régime international d’indemnisation. De la responsabilité du propriétaire de navire, de ses conséquences et de la définition de l’obligation financière du propriétaire. Document présenté par la délégation française -Le montant maximum fixé dans la Convention CLC ne correspondrait qu’à environ 10 % de la couverture des Clubs P&I pour ce risque.
152 Sur ce point V. ABECASSIS (D.W.) et JARASHOW (R.L.), Oil pollution from ships International, United Kingdom and United States Law and Practice, London and Stevens and Sons, 1985, n° 10-76
153 Sous l’empire de la Convention CLC 69, il n’était pas certain que le propriétaire puisse constituer un fonds avant qu’une action soit engagée contre lui. Il fallait, en effet, théoriquement pour pouvoir constituer le fonds de limitation devant le tribunal compétent, qu’une action soit engagée devant ce tribunal. Toutefois cette question restait fortement dépendante de la procédure en vigueur et les tribunaux pouvaient admettre que le propriétaire engageât une action en limitation en l’absence même de toute procédure préalable. V. sur ce point l’affaire du Tanio commentée par FONTAINE (E.), The French experience : Tanio and Amoco Cadiz incidents compared, in Liability for damage to the marine environment edited by DE LA RUE (C) LLP 1993, spéc. p. 101
154 Dans l’affaire de l’Erika, le Tribunal de commerce de Nantes a pris acte de la constitution par le propriétaire du fonds de limitation le 14 mars 2000. Ouest-France 6 avril 2001.
155 Art. 9. 3 de la Convention CLC.
156 Protocole de 1992 Art. 4.6
157 BOCKEN (H.), Systèmes alternatifs pour l’indemnisation des dommages dus à la pollution, RGAT, 1990, n° 11698, p. 4.
158 CLC art. 9.8.
159 Ledit a été fixé à 12,8 millions d’euros pour l’Erika. On notera que la Cour d’appel de Rennes a fait droit le 2 avril 2002 à la demande de récusation présentée par la Confédération Maritime et visant un juge commissaire chargé des opérations de liquidation du fonds. Es qualité ce magistrat devait veiller à la répartition des indemnisations. Or, il s’est avéré qu’il était également co-gérant d’une société demanderesse en indemnisation. Son impartialité mise en cause, le Tribunal de commerce a procédé à son remplacement, Le Télégramme du 3 avril 2002.
160 V. TANNEAU (M.), Erika : Total ne sera pas indemnisé, La compagnie demandait 170 millions à l’assureur, Ouest-France du 7 octobre 2005.
161 CLC V.5
162 SNPD : art. 11
163 C’est ainsi que RODIÈRE baptisait la limitation de responsabilité de droit commun, aussi appelé « passe-partout » parce que posant des règles valables pour tous les types de navires.
164 A partir de la Seconde guerre mondiale, et plus précisément à partir des années 1960, l’évolution des techniques (propulsions nucléaires) ou des trafics (transports massifs d’hydrocarbures, transport de matériaux nucléaires, transport de produits chimiques et autres matières dangereuses) a mis en évidence les insuffisances des plafonds de limitation prévus par les Conventions internationales ou par les législations nationales en vigueur. La mise en service à titre expérimental des premiers navires marchands à propulsion nucléaire d’une part, et les grandes catastrophes de marées noires d’autre part, ont attiré l’attention de la Communauté maritime internationale sur la nécessité de prévoir, pour ces navires ou ces trafics, des règles spécifiques s’agissant des responsabilités encourues.
165 Afin de fixer les seuils de limitation de responsabilité, la jauge du navire est la jauge brute conformément aux règles de jaugeage prévues à l’annexe 1 de la convention Internationale sur le jaugeage des navires. La méthode de calcul est identique à celle utilisée dans les conventions LLMC et CLC. La référence à l’annexe 1 montre clairement que cette méthode de calcul sera utilisée sans tenir compte du fait que le navire impliqué dans un événement est immatriculé dans un État partie à la Convention internationale de 1969 sur le jaugeage du navire.
166 Cette expression est utilisée par GIROD (P.) La réparation du préjudice écologique, LGDJ, 1974, p. 252.
167 L’affaire du Torrey Canyon révéla, de façon criante, l’insuffisance des seuils retenus par la Convention sur la limitation des créances en matière maritime. Si la Convention de 1957 n’avait pas vocation à s’appliquer, faute d’être entrée en vigueur, elle révèlera l’insuffisance des seuils retenus. La somme disponible après l’exercice de la limitation par le propriétaire aurait été de 18 millions de francs français. Or les seules dépenses engagées par les États français et britanniques atteignaient déjà 80 millions de francs. Sur ce point V. WU (Ch.), La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures- Responsabilité et indemnisation, précit., n° 107.
168 Droit maritime, Dalloz, 1969 p. 122.
169 WOOD (W.C.), Insuring Nuclear Power : liability, Safety, and economic efficiency, Jai Press Inc., 1982,
170 Pour plus de précisions sur la spécificité de la responsabilité de l’exploitant d’une installation nucléaire V. nos développements supra. n° 145.
171 Le droit de tirage spécial est un panier de différentes monnaies V. le site du FMI :
http://www.imf.org/external/np/tre/sdr/basket.htm
172 environ 138 millions de francs.
173 Réforme de la responsabilité civile nucléaire, Symposium de Budapest 1999, Agence de l’Energie Nucléaire / OCDE. Publication de l’OCDE.V. aussi BRUN (Ph.) et CLARET (H.), Energie nucléaire, Rép. civ. Dalloz, janv. 2000. LAHORGUE (M.-B.) Tchernobyl : 20 ans après, le système international de responsabiité civile, Droit de l'environnement, 2006, p. 182, spéc. p. 185 et s.
174 Sur ce point V. BERLINGIERI (F.), The limitation of liability for Oil pollution, in United Nations, Report on the fourth seminar on maritime legislation, Rights and responsabilities of shippers and carriers in the transport of goods by sea, Pattaya, 16- 19 december 1991.
175 Sur ce point V. LATRON (P.) et BERNIER (F.), Pollution maritime par les hydrocarbures, indemnisation des pertes subies, Risques, 1990, n° 2, p. 201, spéc. p. 210.
176 Anonyme, Disasters as a Catalyst for civil and Criminal proceedings, P § I International December 1986 p. 238.
177 Sur ce point V. DYKES (A.), Limitation and Oil pollution, précit., p. 144, V. aussi POPP (A.H.), Limitation of liability in Maritime Law- An assessment of its liability from a Canadian perspective, précit., Cet auteur rappelle entre autres que l’adoption d’un régime spécial de limitation pour les propriétaires de navires pétroliers remonte au naufrage du Torrey Canyon.
178 Le naufrage du Boehlen en novembre 1976 est particulièrement révélateur de cette inadaptation. Les dépenses engagées pour vider le navire polluant s’élevèrent à 150 millions de francs. Or, les fonds disponibles en application de la convention de 1957 s’élevaient à 3,6 millions de francs (Rapport de l’Assemblée nationale sur le naufrage de l’ Amoco- Cadiz, p. 11)
179 Convention du 29 novembre 1969, CLC (ratifiée en 1971-D. public n° 553, 26 juin 1975 JO. 3 juil.) entrée en vigueur en 1975.DMF, 1970, 746. V. BONASSIES (P.) et SCAPEL (Ch.), Droit maritime, Traité de droit maritime, LGDJ, 2006, spéc. n° 474 bis. Pour une approche critique v. nos développements n° 917.
180 Art. 6.1 du Protocole de 1984 à la Convention CLC de 1969 - Art. 5 du Protocole de 1992 à la Convention CLC 1969. pour les montants retenus V. ci-dessous. Le Protocole de 1992 à la Convention CLC de 1969 est entré en vigueur le 30 mai 1996.
181 Extrait de la chronique d’actualité du droit maritime international exposée par Ph. Boisson devant l’Association Française du Droit maritime, DMF, 2003, p. 451.
182 International conference on the establishment of a supplementary fund for compensation for oil pollution damage, 92 FUND/A.8/ 4 20 july 2003.
183 V. BONASSIES (P.), Après l’Erika : les quatre niveaux de réparation des dommages résultant d’une pollution maritime par hydrocarbures, précit., spéc. p. 145.
184 Sur cette convention v. LE COUVIOUR (K.) La convention SNPD : quelques réflexions sur la dernière pièce du dispositif, DMF 1999, p. 1075. V. Projet de manuel pour la mise en œuvre de la Convention SNPD, juin 2005 disponible sur le site Internet FIPOL.
185 Sur ce point V. BOISSON (Ph.), Le transport des matières dangereuses en pontée, in Recueil des interventions des Journées Georges Ripert, Actualité du Droit maritime en 1994, 13-14 juin 1994. spéc. p. 10.
186 Sur l’ampleur des difficultés que représente cette absence d’uniformisation V. STEIN (E.), Recovery of costs : a liability insurers’ point of view, in Chemicals spills and emergency management at sea, 1988, p. 393, spéc. p. 397 et s.
187 Cette Convention est entrée en vigueur le 1er décembre 1986.
188 Sur cet aspect V. GAUCI (G.), Oil pollution at sea, Civil liability and Compensation of damage, précit., p. 161.
189 Dans l’affaire du British Trent, cette convention avait vocation à régir le litige puisque ce navire transportait des hydrocarbures non persistants. Sur cette affaire V. Casualty Report, Llyod’s List, 5 june 1993.
190 Sur ce point cf.. l’étude inédite réalisée par ROSAEG (E.), The HNS Convention and general limitation Conventions, Institut Scandinave de Droit Maritime, Faculté de Droit, Oslo, inédit.
191 Sur ce point V. WETTERSTEIN (P.), Carriage of hazardous Cargoes by sea- The HNS Convention, Ga. J. Int’L & Comp. L, 1997, vol. 26, p. 595, spéc. p. 597. De l’avis de cet auteur, ce corpus de limitation de responsabilité ne permettrait pas aux victimes de recevoir une compensation adéquate. Il faut également noter que l’utilisation de la Convention LLMC aux fins de traiter les dommages liés au transport de SNPD aurait conduit à ce que les demandeurs SNPD entrent en concours avec les demandeurs ordinaires.
192 Sur ce point V. BONASSIES (P.), La Convention de 1976 sur la limitation de responsabilité en matière de créances maritimes et le Protocole de 1996, Annales IMTM, 1996, p. 45. Ces montants seront portés à un million de DTS pour les navires de moins de 2000 unités de jauge et, 50 millions pour les navires de 200 000 unités de jauge, le jour où le protocole entrera en vigueur.
193 Il faut toutefois noter que jusqu’en 1981, le Comité juridique semblait favorable à la limitation de la responsabilité à hauteur des seuils prévus par la Convention LLMC, même en présence de créances SNPD, mais en ajoutant des dispositions spéciales rendant le chargeur responsable. Ce dernier dans un tel schéma aurait pu invoquer le bénéfice de la limitation prévue par la Convention LLMC de 1976
194 Sur ce point V. BOISSON (Ph.) Le transport des matières dangereuses en pontée, précit p. 17. Des enquêtes ont révélé que seulement 4 % environ des cargaisons SNPD étaient transportées par des navires excédant 50 000 tonnes.
195 Aussi plusieurs délégations ont insisté sur la nécessité de fixer des seuils relativement hauts pour les petits navires. Si les limites de responsabilité avaient été fixées à un seuil beaucoup trop bas, cela signifiait indirectement que la plupart des demandes d’indemnisation auraient été en réalité supportées par le second niveau, c’est-à-dire par le Fonds SNPD. Le document présenté par le Royaume Uni (LEG 71/ 3 / 11 9 septembre 1994) lors des travaux préparatoires comporte des statistiques détaillées sur la capacité et l’importance de la flotte mondiale. Les statistiques révèlent que 46 % de la flotte se trouve en dessous de 2 000 et 72 % en dessous de 10 000. Parmi les chimiquiers destinés au transport de substances dangereuses, la moitié d’entre eux se trouvent en dessous de 2 000 et 80 % en deçà de 10 000. En vertu de la Convention LLMC le tonnage minimal pris en considération est de 500 tjb. Les protocoles de 1984/ 1992 introduisent une limitation pour un tonnage minimum de 5 000. tjb Dans ce même document, le Royaume-Uni insiste sur le fait que les petits navires transportant des SNPD, le plus souvent sous forme colisée, seraient susceptibles de causer beaucoup plus de dommages qu’un navire d’un tonnage plus important transportant des produits moins nuisibles Ce propos est parfaitement illustré par l’affaire du Perintis. Ce navire en 1989 a perdu un conteneur de lindane. Les Autorités britanniques et françaises ont engagé d’énormes dépenses pour retrouver ce conteneur, et ainsi éviter la pollution qui aurait pu s’en suivre.
196 Proposition de directive du parlement européen et du Conseil relative à la responsabilité civile et aux garanties financières des propriétaires de navire COM (2005), 593.
197 Navires de 200 000 unités de jauge.
198 V. en ce sens RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Le contrat de transport, Dalloz, collec. « Connaissance du Droit », 1993, p. 357.
199 V. ROSAEG (E.), The impact of insurance practices on liability conventions, SIMPLY, 2000, n° 258 p. 179.
200 L. 30 oct. 1968, préc., art. 4 et 5 mod. par L. 16 juin 1990-L. n° 90-488, 16 juin 1990.
201 V. BONASSIES (P.), Après l’Erika : les quatre niveaux de réparation des dommages résultant d’une pollution maritime par hydrocarbures, Revue Scap., 2000 p. 140, spéc. p. 143.
202 V. BONASSIES (P.), Après l’Erika : les quatre niveaux de réparation des dommages résultant d’une pollution maritime par hydrocarbures, précit., p. 143.
203 V. DO 1984, LEG/ CONF.6/ 14 p. 7.
204 Document 92FUND/WGR.3/ 11/ 5 cité dans FIPOL 92FUND/WGR.3/14/ 4-10 janvier 2003. Examen du régime international d’indemnisation ; « De la responsabilité du propriétaire de navire, de ses conséquences et de la définition de l’obligation financière du propriétaire ». Document présenté par la délégation française.
205 LEPAGE (C.), Bien gérer l’environnement, une chance pour l’entreprise,Collect. Actualité juridique, Le Moniteur, 1999.
206 WU (Ch.), La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures-Responsabilité et indemnisation, précit n° 327. art. 5 de la Convention de 1971.
207 WU (Ch.), précit., n° 751. Le Protocole de 1984 à la Convention de 1971, dont les termes ont été repris par le Protocole de 1992 a supprimé cette fonction du FIPOL qui consistait pour lui à prendre financièrement en charge la part supplémentaire supportée par le propriétaire du fait d’un transport d’hydrocarbures.
208 ROSAEG (E.), Compulsory maritime insurance, précit., traduit par nous.
209 WU (Ch.), La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures. précit., n° 224
210 JOUHAUD (Y.), L’évolution de la jurisprudence, Risques, 1992, Responsabilité et indemnisation, n° 10, p. 22 et s.
211 En octobre 1996, à l’initiative de la Grande-Bretagne et de la Norvège, une proposition tendant à la création d’une Convention internationale instaurant un régime d’assurance obligatoire du propriétaire du navire a été soumise au CMI. Sur cette question de l’assurance obligatoire Voir l’intervention de M. G. Helligon, Vers l’assurance obligatoire des navires, Cinquième journée Ripert organisée par l’AFDM, 1994
212 Sur ce point V. les commentaires de la délégation française à l’OMI, Official Records of the International Conference on Marine Pollution Damage 1969 p. 703.
213 Proposition de directive du parlement européen et du Conseil relative à la responsabilité civile et aux garanties financières des propriétaires de navire COM (2005), 593.
214 Sur ce point BIGOT (J.) L’indemnisation des dommages nés de la pollution et l’assurance in l’indemnisation des dommages dus à la pollution, OCDE 1981, p. 143.
215 WU (Ch.), La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures. Responsabilité et indemnisation, précit., n° 224.
216 DO, 1969 LEG/ CONF/4, p. 485.
217 Sur la possibilité d’élargir l’obligation d’assurance dans le cadre d’une nouvelle convention V. les commentaires critiques de GOMBRII (K.J.), Is compulsory insurance necessary ? in Northen Shipowner’s Defence Club. Annual report 1996, p. 15, V. aussi GAUCI (G.), Oil pollution at sea, précit.,p. 151.
218 Sur cette question voir VINEY (G.), Traité de Droit civil, les obligations, la responsabilité, conditions, LGDJ 1982 p. 82.
219 DE BIÈVRE (A.), Liability and compensation for damage in connection with the carriage of Hazardous and Noxious Substances by sea, JMLC, 1986, vol 17, n° 1, January, p. 61.
220 ROSAEG (E.), Compulsory maritime insurance, SIMPLY, précit.,
221 Expression empruntée au Professeur P. BONASSIES, La Convention internationale sur l’indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de Substances Nocives et tiellement Dangereuses, Annales IMTM, 1996, p. 194.
222 L’uniformisation repose sur la création d’un document unique facilement reconnaissable car internationalement consacrée. Elle tend également à supprimer tout risque de distorsion dans la concurrence.
223 CLC Art. 7. 1, C. env. art L. 218-1, [L. n° 77-530 du 26 mai 1977, art. 1, mod. par L. n° 98-546 du 2 juillet 1998, art. 64.
224 SNPD : Art. 12. 1.
225 Si, ainsi que le note M. Frédéric Hébert, aujourd’hui les systèmes fondés sur une responsabilité objective édictent le plus souvent, une obligation d’assurance à la charge de celui qui est conventionnellement désigné comme responsable, in Le cadre général de l’ouverture du droit à réparation in Les journées d’information du CEDRE - L’indemnisation des pollutions accidentelles des eaux, Paris, 16 novembre 1998, il faut noter que l’introduction d’une obligation d’assurance ou plus largement d’une sécurité financière à la charge du propriétaire de navire constitue, en 1969 une innovation majeure. La Convention de 1962 sur la réparation des dommages causés par les navires nucléaires faisait peser cette obligation sur l’exploitant plutôt que sur le transporteur. La Convention de 1971 relative à la responsabilité civile dans le domaine du transport maritime de matières nucléaires réaffirme cette approche. La Convention sur la limitation de responsabilité en matière de créances maritimes de 1976 (dite LLMC) et son Protocole de 1996 ne prévoient pas d’obligation d’assurance similaire. Une telle contrainte aurait été considérée comme trop lourde dans le cadre d’une limitation banale de responsabilité. Toutefois, on notera qu’une résolution de l’Organisation Maritime Internationale [A. 898 (21)] incite vivement les propriétaires de navire à se doter ou à maintenir une assurance ou garantie similaire.
226 On notera toutefois que pareille dispense d’assurance ne signifie pas absence de responsabilité.
227 De source officielle, il apparaît que c’est pour ne pas trop alourdir le système d’assurance obligatoire qu’on a exclu les petits navires de cette obligation dans la Convention CLC 69. Cf. sur ce point DO 1969, LEG/ CONF/4, p. 485 ; DO LEG/ CONF/C.2/ SR.14 p. 750.
228 Des statistiques du FIPOL, appelé en cas de défaillance du propriétaire à intervenir en première ligne ont révélé que ces navires sont la cause de plus la moitié des sinistres pour lesquels l’intervention du fonds a été sollicitée depuis 1980.
229 V. Rapport annuel du FIPOL, 2004, p. 38.
230 BONASSIES (P.), La Convention internationale sur la responsabilité et l’indemnisation des dommages liés au transport par mer et des Substances Nocives et Potentiellement dangereuses, précit., p. 197
231 Selon certaines estimations, un navire sur deux transporterait des marchandises dangereuses. Sans doute, peut-on se convaincre de la véracité de cette statistique à l’aune de l’étendue du spectre des SNPD. WU (Ch.), La Convention internationale du 3 mai 1996 sur la responsabilité et l’indemnisation des dommages liés au transport par mer de Substances Nocives et Potentiellement dangereuses, AFDI,1997, p. 727, spéc. p. 743.
232 Nous avons vu que la Convention établit un plancher de limitation de 10 millions de DTS pour ces navires.
233 Sur cette idée V. RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Insurance, liability and compensation,.Marine policy 1990, p. 236, spéc. p. 240, note 2.
234 Ainsi dans l’affaire de l’Akari, (25.8.87), l’assureur P&I avait retiré l’assurance prétendument en raison du non-respect du règlement du Club. Après négociation, il a finalement acquitté une partie des dépenses de nettoyage, Doc. FIPOL Examen du régime international d’indemnisation, Proposition de révision de la Convention sur la responsabilité civile et de la Convention portant création du fonds, Document présenté par le Forum maritime International des compagnies pétrolières, V. sur ce point (OCIMF) 92 FUND/WGR.3/14/2 7 janvier 2003. En France, le pourcentage des affaires proposées sur le marché de l’assurance et refusées en définitive pourrait atteindre 75 %. V. en ce sens, La sécurité des navires dans les transports maritimes d’affrètement, JMM du 8 avril 1994, p. 906. V. aussi en ce sens, les déclarations de M. F. VALLAT in Rapport de De l’Erika au Prestige : le mer de tous les vices, précit., spéc. p. 371
235 Sur ce point V. DE CALBRIAC (M.), L’assureur maritime des navires sous-normes, Journées Ripert 1994- Les propos de M. B. THOUILLIN du groupe Total Fina Elf semblent corroborer cette pratique : on n’a jamais vu de bateau qui ne trouve pas d’assureur quel que soit son état, in De l’Erika au Prestige : la mer de tous les vices, précit., p. 371.
236 On estime que 5 % de la flotte mondiale, tout type de navire confondu, exercent leur activité sans avoir souscrit une assurance. V. sur ce point GOMBRII (K.-J.), Is compulsory insurance necessary ? précit., p. 15. Ce chiffre est confirmé par LLOYD WATKINS (D.J.), An international regime of compulsory insurance for vessels : A case for caution, RDU vol. II 1997. 2, spéc. p. 272. Il va sans dire que lorsque l’activité est illégale, aucune sécurité financière ne sera sollicitée. V. les affaires des Al Jaziah 1, et Zeinab. Ces deux navires étaient tous deux accusés de se livrer au transport illégal d’hydrocarbures en provenance d’Irak. cités dans le document présenté par le Forum maritime International des compagnies pétrolières (OCIMF) 92 FUND/WGR.3/14/2 7 janvier 2003.
237 Assurance : 45 % des frais d’exploitation d’un VLCC - Le Llyod’s du 30 août 1995, p. 1-3
238 Doc FIPOL, Examen du régime international d’indemnisation, Proposition de révision de la Convention sur la responsabilité civile et de la Convention portant création du fonds, Document présenté par le Forum maritime International des compagnies pétrolières (OCIMF) 92 FUND/WGR.3/14/2 7 janvier 2003.
239 Le défaut d’assurance de responsabilité est constitutif d’une infraction à la réglementation prévue à l’article L. 218-3 du Code de l’environnement.
240 plus connue sous son appellation anglo-saxonne de « blue card ».
241 CLC, art. VII, § 2- SNPD, art. 12 § 2
242 CLC art. VII, § 4- SNPD art. 12 § 4
243 L’article 2 de la loi du 26 mai 1977 relative à la responsabilité civile et à l’obligation d’assurance des propriétaires de navires pour les dommages résultant de la pollution par hydrocarbures- Art. 218-3, c. env.
244 Lamy Assurances 2004 n° 1806.
245 ROSAEG (E), Compulsory maritime insurance, précit.,
246 Cf.. LEG. 81/ WP. 2, paragraphes 33 et suivants
247 Exigence prévue par le Code of federal regulations. vol. 33 ; Parts 4, 130 et suiv.
248 pour de plus amples développements sur le certificat de responsabilité financière V. ALCANTARA (R.LF) et COX (MA), OPA 90 Certificate of Financial Responsability, JMLC, 1992, p. 369
249 SNPD art. 12 § 5
250 SNPD art. 12 § 1
251 SNPD art. 12 § 7
252 SNPD art. 12 § 6.
253 Le NPFC gère le fonds d’indemnisation complémentaire, intervenant en cas de dommage dépassant la responsabilité civile du propriétaire, dénommée Oil spill Liability Trust Fund. Il examine environ 8 000 demandes de certificats chaque année qu’il s’agisse d’une première délivrance, d’un renouvellement, du changement de nom ou de propriétaire du navire.
254 Le non- respect de ces dispositions est lourdement sanctionné : détention du navire, refus d’entrer dans un port américain, amende (jusqu’à 27 500 dollars par jour), voire saisie du navire (37 navires détenus pour défaut de certificat).
255 SNPD art. 12 § 7.
256 Art. 12 § 2.
257 Art. 12 § 7.
258 V. not. Art. 12 § 7.
259 On peut ici songer aux règles de l’Organisation Mondiale du Commerce (art. 6 des accords du GATT), à certaines règles de l’OCDE, et plus précisément au Code sur les opérations courantes invisibles qui contiennent des dispositions relatives à la fourniture d’une prestation d’assurance, et enfin aux règles de l’Union européenne relatives à la fourniture d’une prestation d’assurance. Pour une analyse très complète, on se reportera à l’article du Professeur E. ROSAEG, Compulsory marine insurance, précit.,
260 VINEY (G.), Traité de droit civil, Introduction à la responsabilité civile, précit., n° 26.
261 SCAPEL (C.), L’action directe contre les P&I Clubs, in Mélanges offerts à P. Bonassies, p. 331, préc. p. 331.
262 FOUCHIER (F.), L’action directe contre les P&I Clubs, DMF, 2000, p. 3.
263 VINEY (G.), Traité de droit civil, Introduction à la responsabilité civile, précit., n° 26.
264 BIGOT (J.), Comment assigner en France les Llyod’s de Londres, RGAT 2003, n° 1, p. 11-14.
265 Sur ce point V. JOURDAIN (P.), Les principes de la responsabilité civile, précit., p. 14.
266 V. GAUCI (G), Oil pollution at sea, précit., op.cit p. 230.
267 On évoque aussi la règle « pay to be paid », que l’on traduira par « payer pour être payé ».
268 WU (Ch.), La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures – responsabilité et indemnisation des dommages, n° 237 et suiv.
269 Ce type de clause peut être rédigé de la façon suivante: « Unless and to the extent that the Directors otherwise decide, an owner is only insured in respect of such sums as he has paid to discharge the liabilities or to pay the losses, costs or expenses referred in those sections »U.K P&I Club Rules 1997 rule 2i. Cité par GAUCI (G.), Oil pollution at sea, précit., p. 222.
270 [1990] 2 Lloyd’s Rep. pp 191- 206 Il faut toutefois préciser que dans cette espèce, il s’agissait d’un conflit entre deux assureurs. L’un d’eux exerçait une action récursoire à l’occasion d’un transport de marchandises. V. aussi HARRIS (B.) The Fanti and The Padre Island decisions, DMF, 1990 p. 176
271 On ne relève pas d’obstacle similaire lors de la mise en cause de l’assureur dans le cadre de la Convention CRTD.
272 sur ce point V. GAUCI (G.), Oil pollution at sea, op. cit. p. 222.
273 VINEY (G.), De la responsabilité personnelle à la répartition des risques, APD, t. 22, 1977, p. 5.
274 JOURDAIN (P.), Les principes de la responsabilité civile, p. 14.
275 JOURDAIN (P.), Les principes de la responsabilité civile, p. 14.
276 LOUBERGÉ (H). cité par J. MARÉCHAL, Le prix du risque, précit., p. 118.
277 LAMBERT-FAIVRE (Y.), Droit des assurances précit., p. 9.
278 EWALD (F.), L’État- Providence. Grasset, 1986 p. 392.
279 EWALD (F.) L’expérience de la responsabilité, p. 11.
280 Ainsi que le note fort justement Madame ODIER même si la Convention de 1969 n’évoque pas expressément le principe du pollueur-payeur, érigé en principe d’action du droit de l’environnent, elle en contient déjà l’essence. La Convention met à la charge du propriétaire de navire la compensation des détériorations dues au rejet d’hydrocarbures par ceux qui sont à l’origine de ce rejet et ce, quelle que soit la faute commise. Une telle conception était jusqu’en 1969 totalement inconnue du droit maritime qui a toujours fait reposer, la responsabilité du propriétaire du navire sur la faute.
281 GOLD (E.), The marine environment and Sustainable, Development, Law, Policy, and Science, 1990, p. 394
282 VIALARD (A.), Communication à la Journée Ripert 2000.
283 V. en ce sens, le rapport du Petroleum Industry Research Foundation, Inc New York, Transporting U.S Imports: the Impact of Oil Spill Legislation on the tanker Market, prepared for US Department of energy office and Domestic and International Energy Policy Final, Report June 1992.
284 VINEY (G.), De la responsabilité personnelle à la répartition des risques, précit., p. 16.
285 VINEY (G.), De la responsabilité personnelle à la répartition des risques, précit., p. 16.
286 RÉMY (Ph.), Critique du système français de responsabilité civile. Droit et culture 1996, p. 31.
287 VINEY (G.), Le déclin de la responsabilité individuelle, précit., p. 162.
288 RIPERT (G.), La règle morale dans les obligations civiles, LGDJ, 1949 n° 122.
289 « Les primes sont régulièrement négociées individuellement sur la base des primes précédentes, des zones d’échanges commerciaux, de la taille de la flotte. Aussi l’industrie est peu encline à révéler les primes ». ROSAEG (E.), The impact of insurance practices on liability conventions, in Legislative approaches in maritime law. Proceedings from the European Colloquium on Maritime Law, Lysebu, Oslo, 7-8 December 2000, publié in Marius n° 283.
290 Le Lloyd’s du 30 août 1995 pp 1-3.
291 LATRON (P.) et BERNIER (F.), Pollution maritime par les hydrocarbures, Risques n° 2 octobre 1990 précit., spéc. p. 211.
292 Sur ce point V. TUNC (A.), Fondements et fonctions de la responsabilité civile en droit français p. 11, Colloque germano-suisse sur les fondements et les fonctions de la responsabilité civile (Bâle, 1 er et 2 novembre 1968)
293 HUBERT (F.), Socialisation des risques et responsabilités individuelles, Thèse Paris, 1947, n° 254.
294 Sur les spécificités, de ce contrat nous renvoyons à DE LA RUE (C.) et ANDERSSON (C.B.), Shipping and the environment, Law and practice, précit., p. 699.
295 Sur cette notion voir KESSLER (D.), Petit dictionnaire de l’économie de l’assurance, Risques n° 1 p. 37. Cf. SHAVELL (S.), On moral hazard and insurance, Quaterly Journal of economics, 1979, p. 541
BAKER (T.) On the genealogy of moral Hazard, Texas Law review, 1996, 237.
296 V. REMOND-GOUILLOUD (M.), Les assurances maritimes, in EWALD (F.) et LORENZI (E.) (dir.), Encyclopédie de l’assurance, Economica, 1997, p. 819 ;. V. aussi Le secteur de l’assurance semble avoir retrouvé la sérénité, Dossier Assurances maritimes, JMM du 3 déc. 2004, p. 23.
297 Si l’objectif premier de l’assureur est de transformer en une assez grande certitude la masse des incertitudes que représente chaque opération d’assurance, le coût exorbitant des sinistres à lui seul peut l’en dissuader ou même l’inciter à le quitter. Après l’événement du Torrey Canyon, les assureurs maritimes des grands marchés traditionnels se sont empressés d’exclure de leur garantie habituelle le risque de pollution marine. Marchés britannique et français ont, en effet, d’un commun accord entrepris d’exclure des garanties de police sur corps de navire de mer « tout recours exercé contre le navire assuré pour dommages ou préjudices consécutifs à la perte, au jet au déversement de tout ou partie du chargement ou des soutes ». Face à cette résolution, les armateurs de navires pétroliers n’ont eu d’autres solutions que d’organiser et de gérer eux-mêmex leur protection, en mettant en œuvre avec le concours de leur P&I des couvertures ad hoc. Il ne fait aucun doute que les compagnies d’assurance continuent en théorie du moins, à couvrir le risque de responsabilité civile liée à la pollution accidentelle. On en tient pour preuve la police d’assurance du 20 décembre 1972. Plus largement il existe dans la police corps une couverture relative à la responsabilité civile en cas d’abordage ou de heurt dont la clause additionnelle XVIII de la police sur corps de navire accueille les recours exercés par les tiers contre le navire assuré, pour dommages ou préjudices matériels ou corporels, consécutifs à la perte ou au déversement d’hydrocarbures provenant du chargement ou même des soutes du navire assuré. La clause IX garantit dans les limites du capital indiqué, les recours des tiers contre les navires pour les dommages résultant de la pollution par hydrocarbures. Toutefois, si le risque de pollution apparaît encore sur les imprimés des polices d’assurance, force est de constater qu’en pratique ce risque est le plus souvent transféré aux P&I Clubs.
298 Le terme anglo-saxon est l’« International Group of P&I Club », sa traduction française est l’Association internationale des P&I Clubs.
299 Les P&I Clubs n’appartenant pas à l’Association internationale couvrent approximativement 5 % du tonnage mondial. Cf. STEIN (E.), Recovery of costs: a liability insurer’s point of view, Chemicals spills and emergency management at sea, 1988, p. 393, spéc. p. 394.
300 On mentionnera toutefois la faillite de l’Oceanus Mutual Underwriting Association. Ce club P&I n’appartenant pas à l’Association internationale des P&I n’a pu bénéficier de sa superstructure.
301 Bankassure Services Limited: the Banker’s Guide to Insurance Aspects of Ship Financing p. 110-111.
302 Nous reprenons ici la formule du Professeur M. RÉMOND-GOUILLOUD, Marées noires : les États-Unis à l’assaut (l’Oil Pollution Act 1990), précit., p. 351.
303 Ces deux dernières compagnies d’assurances représentent à elles seules environ 95 % du marché. V. OLLU (J.-J.), L’OPA pour rafraîchir la mémoire, précit., p. 8.
304 On estime que cette activité représente un marché annuel de soixante millions de dollars. Pour les grands groupes pétroliers, cette couverture est souvent assurée par la filiale américaine. VALOIS (Ph.), Le transport de pétrole de mer, spéc. p. 177.
305 V. sur ce point DU PONTAVICE (E.), Réflexions sur le transport par air et mer des matières nucléaires, RGAE, 1972, p. 141 cité GIROD (P.), La réparation du préjudice écologique, précit., p. 257.
306 Ratifiée par la France le 23 décembre 1972, Loi n° 72-1164 du 23 décembre 1972.
307 Ce pool a aujourd’hui la forme d’un groupement d’intérêt économique. La caisse centrale de réassurance, établissement public d’État soutient l’action du pool économique en accroissant sa capacité de garantie par un traité de réassurance V. sur ce point PRIEUR (M.), Droit de l’environnement, précit., n° 1143. La garantie est accordée pour un montant de 22, 8 millions d’euros (150 MF) en ligne avec la loi nucléaire française pour un transport France-France. C’est l’exploitant expéditeur qui a, en principe, la charge de la souscription de garantie. La loi de 1990 prévoit également le cas des transports trans-nationaux de France vers l’étranger et inversement. En cas de transit sur le territoire de la République française lorsque le transport n’est pas régi par la Convention de Paris, le montant de la garantie demandée est ainsi porté à 1. 500 MF (228 M d’euros), V. DURAND (B.), L’assurance du risque nucléaire, document internet.
308 Cf. sur ce point la Décision de la Commission du 12 avril 1999 relative à une procédure d’application des articles 85 et 86 du traité CE et des articles 53 et 54 de l’accord EEE. (Affaire IV/ D-1/ 30. 373- Clubs de protection et d’indemnisation : accord du Groupe international et affaire IV/ D- 1/ 37. 143- Clubs de protection et d’indemnisation : accord de mise en commun) (1999/ 329/ CE ) JOCE du 19. 5. 1999
309 Union européenne – AELE.
310 Les parts du marché mondial détenues séparément par chaque club membre de l’Association varient-elles de 16,3 % pour le UK Mutual, à moins de 1 % pour l’American Club.
311 Sept sont établis au Royaume-Uni, quatre aux Bermudes, trois au Luxembourg, deux en Norvège (Gard, Skuld), un aux États-Unis, un au Japon (Japan Club) et un en Suède (Swedish Club).
312 L’autre branche est dite assurance-corps. Elle couvre les risques de dommages occasionnés aux navires (corps de navire, machines).
313 V. sur ce point MARTIN (G. J.), Responsabilité et assurance, Gaz. pal. du 3 au 7 juin 2001, p. 51-54.
314 Sur ce point V. HAZELWOOD (S.J.), P& I Clubs Law and practice, LLP, 1994, second edition spéc. p. 202.
315 La Convention SNPD est particulièrement riche d’enseignements à cet égard. L’implication de l’assurance avait été examinée une première fois lors de la 60ème session du Comité juridique en 1988 (LEG 60/ 3/3 22 septembre 1988, LEG, 60/ 3/ 4). Lors de sa 62 ième session, en avril 1990, les P&I avaient fait savoir qu’il serait matériellement impossible d’assurer une couverture excédant 100 millions de DTS par événement au titre de la responsabilité encourue par le propriétaire de navire (LEG 62/7, 24 avril 1990, paragraph 18). Les P&I Clubs avaient, en effet, mis en avant les difficultés rencontrées lors de la recherche d’une réassurance étant donné la situation du marché (LEG 62/ 4/ 2, 8 février 1990). Cette proposition était considérée comme peu satisfaisante par les délégations. Si certaines d’entre elles suggéraient une fourchette s’étalant de 100 à 300 millions de DTS (LEG 62/ 7, 24 avril 1990, paragraphe 20), d’autres avançaient les chiffres de 300 à 500 millions de DTS. Le chiffre de 100 millions de DTS au titre de la limite supérieure devait, en définitive, s’imposer. Il devait, selon les estimations, correspondre à la capacité présumée du marché de l’assurance au moment de l’entrée en vigueur de la Convention. Ce chiffre de l’avis de nombreux commentateurs, cf. not. GASKELL (N.) The draft Convention on Liability and compensation for Damage resulting from the carriage of Hazardous and Noxious substances, Essays in honour of Hugo Tiberg, Stockholm, 1996, p. 24 Il aurait été choisi pour des raisons purement commerciales et ne refléterait en rien la capacité du marché de l’assurance (LEG 67/ 9 paragraphe 21, LEG 68/ 11 paragraphe 32, LEG 69/ 11 paragraphe 42).
316 Loi n° 89-1014 du 31 décembre 1989, portant adaptation du Code des assurances à l’ouverture du marché européen, JO du 3 janvier 1990 insérée dans l’ Art. L. 322- 26. 1 du Code des assurances.
317 Madame F. ODIER et Monsieur C. VIGNIER notent que « les premiers clubs installés en Grande-Bretagne étaient probablement illégaux à cause du monopole de l’assurance » in Fonds d’indemnisation des dommages pollution maritime Plans Tovalop et Cristal, précit., 1994 spéc. p. 7.
318 Pour un aperçu historique, TETLEY (W.), The origins and developments of the Mutual Shipowners’ Protection & Indemnity Associations, JMLC, 1986, p. 261.
319 En anglais ominibus rules.
320 Sur ce point V. RODIÈRE (R.) et CALAIS-AULOY (J.) Droit maritime, assurances maritimes, ventes maritimes, Dalloz, 1983, spéc. n° 427.
321 ROSAEG (E.), The impact of insurance practices on liability conventions, précit.,
322 Pour un commentaire de ce Protocole V. GRIGGS (P.), Le Protocole d’Athènes, DMF, 2002 p. 350.
323 ROSAEG (E), Compulsory maritime Insurance, précit.,
324 GAUCI (G.), Oil pollution at sea, p. 232
325 Sur les difficultés rencontrées par les assurances traditionnelles à couvrir le risque de responsabilité, nous renvoyons à BENEPLANC (G.) L’assurance de responsabilité civile : réforme ou refondation, Risques n° 2, 2002, p. 36. et plus largement à l’ouvrage de RUSSO (C.), De l’assurance de responsabilité à l’assurance directe. Contribution à l’étude d’une mutation de la couverture des risques, préf. G.J MARTIN, Nouvelle bibliothèque des thèses, Dalloz, 2001, V. not. p. 45. Cet auteur, face aux difficultés rencontrées dans la couverture du risque de responsabilité, plaide pour la généralisation de l’assurance directe dont la particularité est d’être affranchie des préoccupations de responsabilité.
326 V. sur ce point GODFRIN (V.), L’assurance du risque environnemental, Communication à l’occasion d’un séminaire de droit de l’environnement organisé par Interjuris, Paris 13 juin 2003.
327 Pour une approche économique de l’assurabilité. V. le modèle établi par l’économiste américain BERLINER (B.) in Components impeding inassurability of hazardous wastes facilities and approach to combat them, The Geneva Papers on risks and insurance, 1989, n° 51.
328 Pour qu’un événement puisse être considéré comme un risque au sens de l’assurance, il faut que l’on puisse en évaluer la probabilité.
329 FAUQUE (M.), Les assurances, Coll. « Que sais-je », PUF cité par F. Gentille, Risque et assurance, Esprit, 1965, p. 23.
330 Pour un approfondissement nous renvoyons à HADJ-CHAIB CANDEILLE (N.), Du risque assurable au risque garanti en assurances terrestres, thèse sous la dir. de F. CHAPUISAT, Université de Paris II, 1999, VAILLER (P) Les limites de l’assurance, thèse sous la dir. d’H. GROUTEL, Université de Bordeaux IV, éd. Trib.assur. 2001.
331 MAYAUX (L.), Aspects juridiques de l’assurabilité, Risques, n° 54, 2003, p. 67. V. aussi les développements consacrés par cet auteur in Traité de droit des assurances, t. III, Le contrat d’assurance, sous la dir. de J. Bigot, n° 1034 et s., LGDJ, Paris, 2002.
332 EWALD (F.), Conclusion des rapporteurs, Responsabilité et indemnisation, Risques, 1992, supplément au n° 10, p. 57.
333 V. nos développements en deuxième partie.
334 Les P&I après avoir offert une garantie limitée pour le risque-pollution à 500 millions de dollars, l’ont prolongée jusqu’à 700millions de dollars et depuis le 1 er février 2000, jusqu’ à un milliard de dollars. L’Erika, était assuré pour 700 millions de dollars en 1999.
335 A contrario, il est légitime de se demander si en l’absence de ce carcan législatif, on aurait pu avoir un accès immédiat à ces sommes.
336 Cette problématique prend, à notre sens, toute son épaisseur lorsqu’on évoque le traitement du risque écologique dans les Conventions élaborées au sein de l’OMI dont nous verrons par ailleurs qu’il est décevant.
337 V. sur ce point GODFRIN (V.), L’assurance du risque environnemental, précit., inédit.
338 Nous empruntons cette définition de l’assurabilité à M. MARÉCHAL (J.-P.), Le prix du risque ; L’économie au défi de l’environnement, Presses du CNRS, 1990, p. 125.
339 V. nos développements infra n° 565.
340 V. sur ce point ROSAEG (E.), HNS insurers and Insurances certificates, Papier présenté à Londres le 3 février 1998 dans le cadre du groupe des États européens pour la préparation de l’entrée en vigueur de la Convention SNPD, inédit.
341 Sur les questions posées par la couverture des matières dangereuses V. ANDRÉ (J.-P.), Assurabilité du transport des matières dangereuses, JMM spécial Assurances, 1990, p. 2278.
342 V DOURLENS (G.), GALLAND (J.-P), THEYS (J.), VIDAL-NAQUET (P.), Conquête de la sécurité, gestion des risques. Logiques sociales L’Harmattan, spéc. p. 297.
343 V. WU (Ch.), La Convention internationale du 3 mai 1996 sur la responsabilité et l’indemnisation pour les dommages liés au transport par mer des substances nocives et potentiellement dangereuses, AFDI XLIII, 1997, p. 727, spéc. p. 734.
344 BIGOT (J.), Assurances de responsabilité : les limites du risque assurable, RGAT, 1968, p. 169.
345 V. notamment la difficulté pour les assureurs à appréhender le risque de développement, GOLLIER (C.), Le risque de développement est-il assurable ?, Risques, 1993, n ° 14 p. 49.
346 V. sur ce point les commentaires de NATOWICZ (I.), Le risque technologique majeur et l’économie de l’assurance : une application à l’industrie chimique, Thèse d’économie, Grenoble, 1998, spéc. p. 175.
347 AICKIN (M.), Legal and cover restrictions, The Genova Papers on risks and Insurance, 1986, p. 158.
348 COLTON (N.J.), The underwriting of oil pollution, in Liability for damage to marine environ-ment, p. 149, spéc. p. 153.
349 MARTIN (G.J.), Le risque, concept méconnu du droit économique, Revue internationale de Droit économique, 1990, p. 173, spéc. p. 191.
350 EWALD (F.), L’État-Providence, Grasset, 1986, p. 177.
351 EWALD (F.), L’État-Providence, précit., p. 177.
352 L’une des raisons pour laquelle la Convention CRTD précédemment évoquée n’est pas entrée en vigueur faute de ratification suffisante, tient au fait que l’assurance envisagée n’était pas disponible. Une remarque similaire peut être formulée à l’égard de la Convention du Conseil de l’Europe sur les dommages résultant des activités dangereuses pour l’environnement.
353 Décision de la Commission du 12 avril 1999 relative à une procédure d’application des articles 85 et 86 du traité CE et des articles 53 et 54 de l’accord EEE. Affaire IV/D-1/30.373- Clubs de protection et d’indemnisation : accord du Groupe international et affaire IV/ D-1/37. 143 - Clubs de protection et d’indemnisation : accord de mise en commun) JOCE L 125/ 12 du 19. 5. 1999.
354 Auditions vol. 2p 212.
355 5 millions de USD.
356 99 % du nombre total et 82 % du montant total pour la période 1985/ 1995.
357 On notera qu’entre 1985 et 1995, près de vingt demandes de ce type ont été enregistrées chaque année.
358 2 milliards de USD.
359 Seules une ou deux demandes sont enregistrées chaque année dans cette catégorie.
360 Par le Lloyd de Londres.
361 Terme anglo-saxon consacré « overspill ».
362 A ce jour aucune demande n’a été enregistrée dans cette catégorie.
363 VAILLANCOURT (G.), Les mutuelles d’armateurs (P and I Clubs) et la couverture des responsabilités de leurs adhérents, DMF, 1986 p. 719.
364 EWALD (F.), La société assurantielle, Risques, 1990, n° 1, p. 19.
365 ROSAEG (E.), The impact of insurance practices on liability conventions, précit.,
366 Sur ce point V. LATRON (P.), Problèmes actuels de l’assurance, La Revue maritime, 1979 p. 137, spéc. p. 144.
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