Chapitre I. Une institution inutilement dénaturée à des fins indemnitaires
La « responsabilité-fiction » du propriétaire du navire pollueur
p. 59-148
Texte intégral
192. Face à un dommage particulier, l’une des questions les plus essentielles qui se pose au rédacteur d’une convention chargée d’en organiser la réparation est celle de savoir à qui en imputer la responsabilité. Cette interrogation se justifie d’autant plus qu’il n’entend pas se remettre à la faute pour qu’elle le lui désigne. Choisir de se priver de cette « alliée », c’est définitivement renoncer à scruter les comportements, mais encore cesser de subordonner la réparation de la victime à la découverte d’une faute, souvent difficile à identifier s’agissant de dommages de masse. En d’autres termes, il s’agit avant tout d’offrir à la victime une juste compensation de son préjudice par un canal plus direct, et nécessairement plus sécurisé.
293. En « élisant » le propriétaire du navire pollueur au titre de responsable, les rédacteurs de la Convention CLC 1969 s’inscrivent résolument dans une logique de responsabilité sans faute, dite aussi objective, car fondée sur la seule matérialité du dommage, en l’occurrence ici, celui de pollution. Ce choix s’inscrit toutefois en complet porte à faux avec la tradition juridique maritime, qui n’entend connaître de responsabilité que fondée sur la faute1, c’est-à-dire reposant sur l’appréciation des agissements d’un sujet de droit, autrement dit sur une responsabilité subjective.
394. Cette responsabilité du propriétaire de navire, bien qu’originale n’en est pas pour autant dépourvue de tout fondement. Elle repose sur une idée, somme toute, simple. « Toute activité faisant naître un risque pour autrui, rend son auteur responsable du préjudice qu’elle peut causer, sans qu’il y ait à prouver une faute à son origine »2. En d’autres termes cela signifie s’agissant du propriétaire de navire, que l’activité de transport fait naître un risque qu’il doit supporter parce qu’il est susceptible d’en tirer un profit. Or sans que l’on s’étende à ce stade sur cette question, il n’est pas certain que le risque de pollution soit créé par le navire, ni même que le transport de matières dangereuses profite plus à son propriétaire que d’autres cargaisons.
495. En dépit de ces objections de principe, il n’en reste pas moins vrai que dans le contexte du transport maritime, la désignation du propriétaire de navire comme responsable peut apparaître comme une solution rationnelle aux fins d’acheminer aux victimes d’une pollution les sommes nécessaires à la réparation de leurs dommages3. A n’en pas douter, cette forme particulière de responsabilité est dictée par le souci de consacrer de la façon la plus optimale qui soit, la responsabilité dans une fonction d’indemnisation4. Dans cette entreprise, le déclin de la faute aura joué un rôle considérable, comme a pu le démontrer le Pr G. Viney5.
596. Est-ce à dire pour autant que cette construction puisse être qualifiée d’idéal ? Idéal simplifié, peut être ; car si la simplification n’est pas sans vertu, elle oblige ici à de lourdes concessions. Ainsi si l’on veut tenter de retracer très brièvement l’évolution du droit de la responsabilité, il convient de le faire en ces termes : « parce qu’il était devenu de plus en plus difficile d’identifier les fautes et parce que parallèlement il était devenu de plus en plus naturel d’indemniser, on a eu recours à cette fiction de la responsabilité pour faute qui a définitivement vidé l’institution de son contenu moral »6. Pour avoir perdu sa fonction de réprobation sociale, la responsabilité serait désormais réduite au rang de simple mécanisme économique. Elle serait désincarnée7. L’accusation portée est suffisamment grave pour que, loin de nous contenter de constater ce phénomène, nous tentions d’en comprendre les causes.
697. Tandis que la pré-désignation du propriétaire de navire comme responsable de la pollution traduit une dégradation juridique du concept de responsable (section 1), la conversion forcée du droit maritime à une logique indemnitaire pourrait s’analyser comme un gauchissement des règles de responsabilité civile face aux pollutions majeures (section 2).
798. Obtenue au prix de multiples forçages et torsions, la responsabilité objective pourrait avoir incité celui qu’elle désigne invariablement responsable, en l’occurrence le propriétaire du navire, à organiser son irresponsabilité8. Dès lors, toujours plus sûrement, on serait fondé à soutenir qu’elle doit être exclue du dispositif conventionnel pour que la responsabilité du propriétaire cesse d’être une fiction.
SECTION 1. LA PRÉ-DÉSIGNATION DU PROPRIÉTAIRE DE NAVIRE COMME RESPONSABLE DE LA POLLUTION, STIGMATE DE LA « DÉGRADATION JURIDIQUE DU CONCEPT DE RESPONSABLE »9
899. Selon Pagnol10, « les responsables, il vaut mieux les choisir que les chercher ». Le droit de la responsabilité peut-il faire sienne cette maxime ? La seule idée de désigner un responsable n’est-elle pas contre nature ? A peine ouvert, le débat semble se clore. Le Pr Viney11 de préciser que sous la notion de responsabilité12, le langage courant confond deux concepts : la désignation de l’auteur d’un acte, d’une part, et l’attribution des conséquences de celui-ci, d’autre part. Soucieux de trouver un débiteur, le droit civil pourrait donc préférer la seconde acception. Deux idées paraissent sous-tendre ce choix. La première est le souci d’une juste indemnisation. Or, l’entité la plus apte à satisfaire cette exigence, n’est pas nécessairement celle dont le rôle a été prépondérant dans la production de l’événement dommageable. La seconde est la volonté de sanctionner celui dont le comportement a été à l’origine du dommage. Or, le responsable que désigne la faute n’est pas toujours celui qui, avant le dommage, se trouvait le plus apte à le prévenir.
9100. Même ainsi justifiée, toute démarche tendant à désigner de façon automatique un responsable ne saurait se dispenser d’une réflexion préalable sur les critères d’imputation de la responsabilité, car, si débat il y a, il porte moins sur la personne du responsable que sur l’élément qui va servir à le « confondre » ; celui-ci doit autant que faire se peut, concilier deux impératifs : ceux de solvabilité et de prévention. Si face au danger, le droit réagit a posteriori plus qu’il n’anticipe, l’absence d’homogénéité dans les solutions, montre que le législateur hésite. De l’examen critique des divers critères d’imputation utilisés par le droit au contact d’un facteur de dangerosité (sous-section 1), nous entendons mettre en évidence la singularité du critère choisi par le droit maritime conventionnel en présence de dommages liés au transport de substances dangereuses ou polluantes (sous-section 2).
SOUS-SECTION 1. LA DIVERSITÉ DES CRITÈRES D’IMPUTATION DE LA RESPONSABILITÉ UTILISÉS PAR LE DROIT AU CONTACT D’UN FACTEUR DE DANGEROSITÉ
10101. Faut-il, en présence d’un danger particulier, adopter une réglementation spécifique ? La prolifération anarchique des textes, loin de refléter la vitalité du droit, témoigne d’un certain malaise car « un droit en miettes oublie toujours certaines catégories »13. En l’absence de réflexion d’ensemble sur la question, peut-on toutefois dégager un fil conducteur ? Plus qu’un simple inventaire des critères de désignation du responsable, il s’agit, ici, d’examiner comment le droit de la réparation gère l’élément de dangerosité. Il fait assurément preuve de créativité, car loin d’opter pour un critère unique, il en propose de multiples, que nous devons considérer comme autant de sources d’inspiration pour l’élaboration d’un nouveau modèle de responsabilité en présence de pollutions maritimes majeures. Trois critères de désignation nous paraissent particulièrement dignes d’attention à cette fin. Le premier, la garde, l’est particulièrement parce qu’il a déjà constitué un moyen de désignation du responsable d’une pollution maritime à défaut de régime ad hoc (§ 1). Le second fondé sur la notion de produits défectueux pourrait prendre à l’avenir une plus grande importance (§ 2), le troisième, le critère d’exploitation paraît traduire une tendance lourde du droit en présence d’activités dangereuses (§ 3).
§ 1. La garde, un critère de désignation du responsable d’une pollution maritime par défaut
11102. Si Ripert n’a pas été suivi dans sa suggestion d’utiliser la notion de garde pour les seules choses dangereuses, elles ont toutefois trouvé dans cette création prétorienne un mode d’expression privilégié de leur particularité14. L’instruction du 1er avril 1992 relative aux problèmes juridiques et contentieux liés aux pollutions marines accidentelles15 paraît rappeler cela. Elle précise, en effet qu’à défaut de régime international d’indemnisation pour les pollutions accidentelles dues aux substances nocives et potentiellement dangereuses transportées par voie maritime, une référence au droit commun de la responsabilité doit être faite. En visant expressément l’article 1384 alinéa 116, elle institue une responsabilité de plein droit17 à la charge du responsable. Si la garde a pu servir de critère d’imputation de la responsabilité en présence d’une pollution maritime (A.), elle a aussi révélé de nombreuses limites dans l’exercice de ce rôle (B).
A. La garde, un possible critère d’imputation de la responsabilité en présence de pollutions maritimes
12103. Après avoir montré pourquoi la garde a pu être considérée comme un critère opportun d’imputation de la responsabilité en présence d’un dommage de pollution (1.), nous analyserons les circonstances particulières dans lesquelles il a pu être utilisé par la jurisprudence (2). Enfin nous montrerons comment ce critère d’imputation a été spécialement affiné en présence de choses dangereuses (3).
1. La garde, un critère opportun en théorie
13104. En l’absence de toute règle juridique ad hoc18, l’article 1384 al. 1 du Code civil a pu être pressenti comme pouvant fournir un critère d’imputation de la responsabilité en présence de dommages de pollution maritime. Aux termes de cet article, « on est responsable, non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore, de celui qui est causé par le fait [...] des choses que l’on a sous sa garde ». En se fondant sur cet article, la jurisprudence a élaboré la responsabilité du fait des choses. La garde, pivot de ce dispositif, implique la maîtrise de la chose, caractérisée par le « pouvoir d’usage, de direction et de contrôle »19. L’usage peut être défini comme le fait de se servir de la chose dans son intérêt, à l’occasion de son activité. Le contrôle signifie que le gardien peut surveiller la chose, et même au moins s’il est un professionnel, qu’il a l’aptitude à empêcher qu’elle cause des dommages20. Enfin la direction manifeste le pouvoir effectif du gardien sur la chose : il peut l’utiliser à sa guise, la déplacer là où il le souhaite.
14105. La notion de chose, loin de se présenter comme une possible entrave à l’application de ce régime, se singularise par sa plasticité. Rien, pas même la législation relative à la navigation maritime, ne s’oppose à ce qu’elle englobe le navire21, puisque le navire corps et biens, c’est-à-dire le bâtiment proprement dit et son chargement, constitue une entité isolée et dans une certaine mesure autonome22. Ce régime de la responsabilité du fait des choses a longtemps été loué pour sa capacité à s’adapter à tous types de dommages, le dommage de pollution ne devant pas constituer une exception. Ainsi quelle que soit l’ampleur du dommage23, majeur, en présence d’un bris d’un supertanker sur un récif, ou plus limité comme par exemple une pollution occasionnée par la perte isolée d’un conteneur de produits chimiques, il pouvait apporter une solution. Ce régime présentait en outre l’avantage non négligeable de pouvoir être facilement mis en œuvre car le gardien étant présumé responsable, la victime n’avait pas à prouver une quelconque faute, la réparation de son dommage devenant de ce fait quasi-automatique.
15106. De tels atouts ne pouvaient qu’inciter les tribunaux à utiliser ce critère d’imputation de la responsabilité en présence d’un dommage de pollution maritime.
2. La garde, un critère utilisé par la jurisprudence
16107. Les tribunaux américains auraient eu recours à une théorie proche de la garde dans le cadre de l’affaire du Grandcamp24. Ce navire transportant du nitrate d’amonium avait explosé dans le port de Texas-City occasionnant de sévères dommages provoqués en grande partie par la projection de débris du navire. De l’avis de Rodiere25, alors même que ces morceaux du navire auraient quitté le bord sous l’effet d’une explosion, ils n’en seraient pas moins restés des éléments constitutifs du navire placés es qualité sous la garde de l’armateur.
17108. Cette espèce intéressant un navire transportant des marchandises dangereuses n’en constitue pas moins une application atypique de la notion de garde en matière maritime. Car bien souvent ce n’est pas tant le navire qui est à l’origine du dommage mais bien sa cargaison. Dès lors il peut être intéressant de rechercher si en présence d’une pollution stricto sensu, la jurisprudence a pu retenir la responsabilité de l’armateur en qualité non plus de gardien du navire, mais de sa cargaison. A la lecture des deux espèces suivantes, une réponse affirmative doit être formulée.
18109. Dans la première, celle du Lanuvio26, lors des opérations de déchargement dans le port d’Alger, une partie de la cargaison d’essence de ce pétrolier avait été déversée dans l’eau pour une raison inconnue. Une petite barque située non loin de là, avait été entourée de ce combustible avant de prendre feu au contact de la lanterne de l’embarcation. Le pêcheur qui était à son bord était mort carbonisé. Sa veuve avait assigné en réparation la société italo- américaine, gardienne du Lanuvio, sur la base de l’article 1384 al 1 du Code civil. Au soutien de sa demande, elle faisait valoir « que le feu avait pris non sur le navire mais sur la nappe d’eau, suite au déversement d’essence lors de la procédure de débarquement ». Le tribunal d’Alger considérant que l’incendie avait pris naissance dans la chose et dans le temps où la chose était sous la surveillance du gardien, avait accueilli sa demande sur ce fondement.
19110. Dans la seconde, plus classique, celle du World Mead27, un pétrolier avait causé un dommage de pollution par hydrocarbure aux villes de la Baule, du Croisic, de Pornichet ainsi qu’à des propriétaires de navires de pêche. Dans ce litige dont a eu à connaître la Cour d’appel de Rennes, les magistrats se fondant sur une stricte application de l’article 1384 al 1 Code civil, ont jugé que la partie qui doit être considérée responsable au titre des dommages causés par la cargaison est celle qui en a la garde pendant la durée du transport par mer. Or seul le propriétaire du navire peut assumer cette fonction, parce qu’il contrôle simultanément le navire et sa cargaison. Seul lui encore paraît en mesure d’éviter l’accident28, alors que les propriétaires de cargaison n’ont définitivement aucun pouvoir en ce sens. Cette solution, emprunte de pragmatisme, doit être approuvée. On ne saurait contraindre la victime à identifier le propriétaire de la cargaison. Le connaissement, titre négociable par définition, permet des transactions multiples aux termes desquelles la cargaison passe rapidement d’un propriétaire à l’autre. Toutefois, l’assimilation systématique de la cargaison au navire a parfois été jugée excessive en présence de choses dotées d’un dynamisme propre et dangereux, ce qui a convaincu la doctrine d’affiner le critère de la garde.
3. La garde, un critère affiné en présence de choses dangereuses
20111. En présence de choses dotées d’un dynamisme propre et dangereux, une certaine doctrine29 a suggéré d’opérer une distinction entre la garde de la structure d’une part, et celle du comportement d’autre part. Consacré par la jurisprudence30, ce courant doctrinal prend corps dans la notion de dangerosité. Il concerne au premier chef les objets susceptibles d’exploser31, d’imploser ou encore les produits corrosifs ou inflammables32. L’idée peut s’énoncer simplement pour cette catégorie de choses particulières. Deux gardiens peuvent être désignés : l’un répondant des dommages liés à la structure, c’est-à-dire provenant essentiellement d’un vice interne de la chose ; l’autre répondant des dommages imputables « au comportement », c’est-à-dire liés au mouvement et à l’utilisation de la chose. Si on peut retenir une présomption de faute liée à l’usage de la chose à la charge de la personne qui avait au moment du dommage « l’usage, le contrôle et la direction » de celle-ci, par une sorte de parallélisme entre le pouvoir et la responsabilité, la garantie des vices doit demeurer à la charge de la personne capable d’assurer le contrôle technique de la structure interne de l’objet33.
21112. Dès lors, il convient d’identifier dans chaque espèce, la personne qui avait réellement la maîtrise de la chose, autrement dit celle qui pouvait en déceler les vices. A n’en pas douter, un tel système est de nature à alléger la responsabilité du gardien, non propriétaire, de la marchandise. Ce dernier, en effet, cesse d’être responsable des dommages liés à la structure34. Aussi, les principes dégagés par l’arrêt Franck35 ne sauraient être pertinents que pour les dommages imputables au comportement de la chose. Pour tout dommage lié à la structure, ils devraient être écartés36. Se pose alors la question de savoir qui pourrait être déclaré responsable de la structure ? Les avis en la matière divergent. Selon un courant majoritaire, la garde de la structure devrait être attribuée au propriétaire de la marchandise dangereuse. Une telle option permettrait d’accentuer la liaison entre garde et propriété. Un autre courant préfère attribuer la qualité de gardien au fabricant ou au vendeur, car en leur qualité de professionnels, ils sont logiquement tenus de répondre des dommages résultant d’un défaut révélé après la livraison du produit. Cette seconde thèse semble avoir trouvé un début de consécration avec l’affaire de l’Ocean Liberty37. Ce navire transportant des amonitrates avait explosé alors qu’il se trouvait dans le port de Brest, causant de nombreuses victimes. Leurs ayants-droit ont été indemnisés par le seul fournisseur de la cargaison de marchandises dangereuses. L’armateur à qui la nature des marchandises confiées n’avaient pas été révélée, et qui plus est, avait fourni un navire en parfait état de navigabilité, a été mis très vite hors de cause.
22113. Même cartésienne, la théorie a ses inconvénients38. En introduisant une recherche subjective dans une responsabilité qui se veut objective, on fait perdre à la responsabilité du fait des choses simplicité et sécurité39. Si l’ampleur des difficultés à surmonter suffit à expliquer l’insuccès de la théorie en matière maritime40, elle témoigne encore plus largement des limites de la contribution de la responsabilité du fait des choses à la réparation des dommages de pollution.
B. Les limites du critère de la garde en présence de pollution maritime
23114. Un examen plus critique de la jurisprudence pourrait faire naître quelques réserves quant à l’adéquation de la responsabilité du fait des choses en présence de dommages liés au transport maritime de substances dangereuses ou polluantes. Outre le fait que l’article 1384 alinéa 1 du Code civil n’a pas une vocation universelle41, les objections ne manquent pas. La garde pourrait être un critère d’imputation particulièrement inadéquat en présence de dommages de pollution maritime : son application même à ces phénomènes paraît tout d’abord particulièrement contestable (1) ; au delà son utilisation suppose ensuite de surmonter l’obstacle tenant à l’identification du gardien (2), et sera proscrite s’agissant de certains faits du navire (3).
1. Une application contestable s’agissant de phénomènes de pollutions maritimes
24115. L’entendement lui-même paraît s’opposer à ce que l’armateur puisse être considéré comme le gardien de nappes d’hydrocarbures42 ou d’essence43 déversées dans le milieu marin, parfois à son insu. Plus encore, dans l’affaire du Grandcamp44, peut-on réellement soutenir que l’armateur était le gardien des débris propulsés dans les airs, après l’explosion du navire45 ? Pour qu’une telle solution soit envisageable, il faudrait non seulement supposer qu’il en ait le contrôle effectif, mais encore que celui-ci lui ait exceptionnellement échappé en raison d’un manquement à son obligation de garde. Or, la garde, telle qu’elle a été conçue dans les espèces précitées, va nettement à l’encontre de la solution dégagée par l’arrêt Franck46. Cette jurisprudence retient, en effet, une conception matérielle de la garde au terme de laquelle le gardien dépossédé de « sa chose », cesse d’en être responsable. A l’évidence, le juge se livre à un « forçage » de la notion en recourant au besoin à des « fictions »47. Même dictée par le souci louable de favoriser la réparation des dommages, cette initiative suppose de renoncer à une interprétation rigoureuse de la règle de droit. A tout le mieux, elle imposerait de redessiner les contours de la garde, mais même après cela, il n’est pas certain que toutes les difficultés posées par l’identification du gardien soient levées.
2. Une utilisation supposant de surmonter certains obstacles liés à l’identification du gardien
25116. Selon un principe désormais classique, la garde est alternative et non cumulative. Pour les victimes, cela signifie qu’elles ne peuvent assigner en réparation simultanément deux gardiens présumés. Toute action en responsabilité dans ce cadre suppose par conséquent d’identifier au préalable le défendeur à l’action. Condamnant l’idée d’une garde liée à la propriété, l’arrêt Franck établit une présomption selon laquelle le propriétaire est gardien jusqu’à preuve contraire. Consacrée en matière maritime par l’arrêt du paquebot France48, cette solution est fondée sur l’idée que la chose, objet de la garde, est le plus souvent utilisée par son propriétaire. Toutefois en matière maritime, cette chose, en l’occurrence un navire, peut être transférée à un tiers détenteur en vue de son exploitation.
26117. Cela peut concerner au premier chef, le préposé. Toutefois selon une jurisprudence bien établie, ce dernier ne saurait avoir la qualité de gardien car cette dernière est incompatible avec celle de préposé49. Usant normalement de la chose à lui confiée pour les besoins de sa fonction, le préposé agit pour le compte de son commettant. Pourrait-il en aller autrement pour le capitaine de navire ? A l’évidence, ce préposé particulier jouit à bord d’une autonomie certaine. Cela suffit-il pour autant à lui conférer la qualité de gardien ? N’en déplaise à Ripert50, la jurisprudence a considéré qu’en dépit des pouvoirs propres du capitaine, l’armateur conservait l’usage, la direction et le contrôle du navire pendant le voyage51. L’affaire du World Mead52 a transposé cette solution en présence de dommages de pollution par hydrocarbures.
27118. Cela peut viser, au second chef, une situation d’affrètement. « Juridiquement, l’affrètement se rapproche de la figure juridique du louage de meubles, en ce qu’elle permet l’usage d’une chose mobilière dont on n’est pas propriétaire »53. La doctrine a pu le définir comme « un louage de tout ou partie d’un navire en vue de son exploitation maritime »54 ; « c’est le louage d’une chose, le navire, mais d’une chose exposée au risque de la mer »55. Le contrat d’affrètement à la différence du contrat de transport ne saurait être qualifié de contrat d’adhésion. Il s’agit en effet d’un contrat conclu de gré à gré, généralement par l’intermédiaire de courtiers d’affrètement sur le marché international, entre professionnels du Shipping international ; le principe d’autonomie de la liberté et celui de liberté contractuelle ne sont donc pas ici a priori bafoués. Le contrat d’affrètement est une figure polymorphe, selon la variété d’affrètement concernée, la personne du gardien est amenée à changer.
28119. L’affrètement coque-nue transfère à l’affréteur les responsabilités et les pouvoirs d’exploitation les plus complets, à savoir la gestion nautique et la gestion commerciale. L’affréteur acquiert vis-à-vis des tiers la qualité de gardien. Les tiers-victimes sont toutefois en droit d’ignorer le contenu du contrat. En tout état de cause, s’ils assignent le fréteur-propriétaire, ce dernier conserve un recours contre l’affréteur pour la contribution à la dette56. Ainsi dans l’affaire du Lanuvio57, c’est la responsabilité de l’affréteur coque-nue, responsable des opérations de déchargement, qui a été retenue.
29120. L’affrètement au voyage ne dépossède le fréteur ni de la gestion commerciale, ni de la gestion nautique. En toute logique, l’affréteur au voyage est considéré comme le gardien. Aussi, si un tiers l’assigne, le fréteur pourra appeler en garantie l'affréteur et démontrer qu’il n’est pas le gardien.
30121. L’affrètement à temps a pour effet d’attribuer la gestion commerciale à l’affréteur, tandis que la gestion nautique est confiée au fréteur. Par conséquent, la nature du fait générateur du dommage déterminera qui, du fréteur ou de l’affréteur, doit être tenu pour responsable. On ne saurait toutefois contraindre la victime à rechercher les causes de l’accident pour identifier le gardien. Aussi liberté lui est laissée quant au choix du défendeur. Elle sera plutôt tentée d’assigner le propriétaire du navire, tandis que le partage définitif des responsabilités sera réglé conformément au contrat. Le fréteur sera, très souvent, désigné comme le gardien, les dommages causés aux tiers pendant les opérations commerciales étant, somme toute, rares. Si, à l’évidence l’article 1384 al.1 ne facilite pas toujours l’identification du gardien du navire, son utilisation est proscrite en présence de certains faits du navire.
3. Une utilisation proscrite en présence de certains faits du navire
31122. Certains faits du navire pouvant conduire à une pollution sont régis par un régime particulier de responsabilité. En ce sens, on peut dire que le critère de la garde n’a vocation à s’appliquer qu’en l’absence de règles spéciales, comme il en existe pour l’incendie, ou l’abordage. Les choses dangereuses, pas plus que les autres, ne sont soumises à l’article 1384 alinéa 1 en cas d’incendie. Incendie et explosion sont souvent étroitement liés dans une catastrophe maritime. Les deux événements s’expliquent chimiquement par l’inflammation de vapeurs de pétrole. Ce phénomène est lui-même favorisé par la rencontre d’un mélange air-vapeur d’hydrocarbures et d’une source d’ignition58. Il se rencontre, en particulier, quand un pétrolier est sur ballast, pendant le lavage des cuves, sur le pont lors du déchargement. En dépit de leur proximité chronologique, les deux faits juridiques que sont explosion et incendie obéissent à des régimes juridiques distincts. En vertu de l’article 1384 al 259, « celui qui détient à titre quelconque tout ou partie de l’immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance, ne sera responsable que s’il est prouvé qu’il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable ». La responsabilité d’un détenteur d’un bien mobilier, en l’occurrence ici d’un navire ne peut donc être engagée qu’à la condition que la victime parvienne à rapporter une faute quelconque de sa part qui serait à l’origine de l’incendie.
32123. Dans l’affaire de l’Ocean Liberty, la faute exigée par l’article 1384 alinéa 2 n’a pas été rapportée. Après enquête, il fut établi que l’incendie provenait d’une inflammation spontanée de sacs de papier goudronnés par oxydation de la paraffine, laquelle avait dégénéré en explosion du fait de la nature particulièrement explosive du nitrate d’amonium. Aucune faute particulière de précaution ne pouvait être reprochée à l’armateur en l’espèce. L’incendie en présence de matières dangereuses est souvent suivi d’une explosion. Celle-ci peut être définie comme le fait pour une chose de se rompre brutalement en projetant parfois des fragments. La cause mécanique se combine avec une cause chimique à savoir un phénomène au cours duquel des gaz sous pression sont produits dans un temps très court.
33124. L’explosion n’est pas systématiquement suivie d’un incendie. Si elle l’est, il s’agit alors d’un phénomène unique, distinct de l’incendie et aux conséquences indivisibles60. Face à un phénomène isolé d’explosion, l’article 1384 alinéa 1 retrouve son empire, et avec lui la responsabilité de plein droit. Sans entrer plus avant dans des considérations techniques, chacun comprendra que la frontière entre ces deux événements est ténue. La jurisprudence maritime a fait l’apprentissage des problèmes posés par ce scénario à l’occasion de l’affaire du Bételgeuse61. En 1978, ce pétrolier battant pavillon français, avait pris feu et explosé au cours d’un déchargement en Irlande. Des pertes humaines et des dégâts matériels avaient été à déplorer au terminal de l’île de Whidy. Dans cet accident, deux événements avaient incontestablement contribué à la réalisation des dommages, l’incendie d’une part, l’explosion de l’autre. Quel avait été le premier événement dans la chronologie ? Cela revenait pratiquement à rechercher la cause génératrice du dommage. Or, sur ce point, les experts étaient en désaccord. Un premier rapport relevait le mauvais état du navire et concluait à une erreur de déballastage. Seule cette dernière était à l’origine de l’incendie, puis de l’explosion62. Le second rapport privilégiait la thèse d’un feu provenant de l’extérieur, vraisemblablement un feu initial sur l’appontement63. La jurisprudence la plus récente en la matière semble simplifier le contentieux. Il suffirait, en effet, que l’incendie soit né dans la chose du défendeur pour que l’article 1384 alinéa 264 ait vocation à s’appliquer.
34125. Parmi les faits du navire susceptibles d’entraîner un phénomène de pollution65 figure l’abordage, à savoir la collision entre deux engins flottants dont au moins un navire. Il s’agit d’un événement redouté par le marin en raison du risque de naufrage immédiat qu’il induit66. Le contentieux relatif à l’abordage relève d’un texte spécial : la Convention de Bruxelles du 23 septembre 1910 sur l’abordage en mer. Ce texte emporte donc mise à l’écart de la responsabilité née du fait des choses. Transposé dans l’ordre interne par la loi du 7 juillet 1967 relative aux événements de mer, ce régime de responsabilité ad hoc est fondé sur la faute d’abordage67. Celle-ci résulte le plus souvent de la violation de la réglementation de la circulation maritime68. Chacun des navires impliqués dans l’abordage doit donc s’efforcer de prouver la faute de l’autre par tout moyen. Dans l’hypothèse d’un heurt avec une installation terrestre69, l’article 1384 alinéa 1 retrouve son empire. Toutefois, ce dernier événement est rarement à l’origine d’une pollution marine de grande ampleur.
35126. Aux termes de ces développements, force est d’admettre que le critère de la garde comme critère d’imputation de la responsabilité n’est pas des plus pertinents qui soit en présence de dommages de pollution maritime. Il conduit à des approximations quand il n’est pas source de difficultés supplémentaires. Il n’en reste pas moins vrai que les victimes peuvent encore aujourd’hui choisir d’engager une action en se fondant sur l’article 1384 al. 1 toutes les fois qu’elles n’auront pas entendu se placer dans le cadre conventionnel pour demander réparation70. S’agissant de phénomènes de pollution, nul doute que le régime de responsabilité du fait des produits défectueux pourrait être une possible source d’inspiration pour la désignation du responsable.
§ 2. Le régime de responsabilité du fait des produits défectueux, une possible source d’inspiration pour la désignation du responsable d’une pollution maritime
36127. La nature particulière du risque en cause ne doit-elle pas conditionner l’identité du responsable ? En présence d’un transport maritime d’hydrocarbures ou de substances nocives, ledit risque pourrait être double. Il y a d’une part, celui lié au transport, d’autre part celui lié à la nature particulière de la cargaison. L’appréhension de ce dernier risque par le droit de la responsabilité pourrait de l’avis du professeur Remond-Gouilloud se résumer en ces termes : « pourrait-on envisager de rendre responsable de la pollution des mers le fabricant d’aérosols, au motif que l’une de ses bouteilles risque un jour d’exploser sur le pont d’un tanker, et de provoquer une marée noire »71 ?
37128. C’est incontestablement sur la scène communautaire que cette question a trouvé les développements les plus aboutis. L’adoption de la Directive européenne sur la responsabilité du fait des produits défectueux constitue, en effet, le point d’orgue de cette réflexion. Elle a été transposée dans notre ordre juridique interne par la loi du 19 mai 199872, a été intégrée dans le Code civil aux articles 1386-1 à 1386-18. Après avoir montré pourquoi le régime de responsabilité du fait des produits défectueux pourrait être pertinent en apparence (A). Il s’agira de montrer pourquoi il est, en fait, inadapté au cas des pollutions maritimes (B).
A. Un régime pertinent en apparence
38129. Si la pertinence du régime de responsabilité du fait des produits défectueux pour la désignation du responsable d’une pollution maritime se vérifie à l’aune du contenu de la directive (1), elle a aussi été implicitement reconnue par la jurisprudence (2).
1. Une pertinence vérifiée à l’aune du contenu de la Directive
39130. La Directive73 s’articule autour de la notion de « produits défectueux ». Est considérée comme défectueuse, la marchandise qui n’offre pas la sécurité, à laquelle le consommateur privé peut, légitimement, s’attendre. Le producteur, qu’il soit fabricant d’un produit fini, d’une matière première, ou d’une matière composante défectueuse74, répond des dommages engendrés par un vice, en l’absence de toute faute75. A la différence du système de responsabilité fondé sur l’article 1384 alinéa 1er, il n’y a donc plus lieu de s’interroger sur la qualité de gardien de la chose. Le fabricant, même dessaisi de la chose, peut voir sa responsabilité engagée. Le critère de défaut est, à l’évidence, moins neutre, que le simple fait de la chose. Il intègre encore plus ostensiblement l’idée de défaillance du professionnel76. Aussi pourquoi ne pas imaginer à l’instar du Pr G. Viney77 que les tiers-victimes de ces produits dans le cadre d’une pollution, maritime en l’occurrence, puissent se prévaloir de ce régime ? Pour qu’une telle action puisse aboutir, il leur faudrait dans l’absolu établir que le producteur a omis d’avertir les utilisateurs des précautions à prendre pour prévenir une atteinte à l’environnement. Le juge Nordenson78, au cours d’un colloque consacré aux dommages causés par les marchandises dangereuses à l’occasion de leur transport par mer, n’avait pas manqué de souligner l’intérêt d’une telle démarche. En la généralisant, on pouvait, en effet, espérer couvrir l’ensemble des dommages par substances dangereuses quel que soit le lieu, voire le contexte de leur apparition. Une telle solution imposait toutefois de renoncer à toute spécificité maritime79. C’est pareil raisonnement qui paraît avoir été suivi par les magistrats à l’occasion de l’affaire de l’Ocean Liberty. Ce faisant, ils ont paru consacrer la pertinence du recours au régime de la responsabilité du fait des produits défectueux en présence de dommages résultant du transport maritime de marchandises dangereuses ou polluantes.
2. Une pertinence consacrée par l’affaire de l’Ocean Liberty
40131. A choisir entre le caractère dangereux de la chose transportée et le contexte maritime de l’accident, les magistrats ont, parfois, choisi de privilégier le premier terme de l’alternative, pour ignorer le second. De toute évidence, la nature intrinsèque de la chose, c’est-à-dire son vice propre, est potentiellement source de dommages. La décision rendue par le Tribunal de Brest à propos de l’Ocean Liberty80, illustre parfaitement cela. « La prise de feu est due probablement à l’inflammation spontanée des sacs de papier renfermant le nitrate d’ammonium ; cette inflammation indirecte pouvant se produire en dehors de l’intervention directe d’une source de chaleur, par suite d’un phénomène de transformation cristalline exothermique [...]/. L’incendie initial n’aurait pas dégénéré en catastrophe, si le nitrate n’avait pas été conditionné et emballé dans des conditions telles que l’on peut affirmer qu’il s’agissait d’une marchandise présentant un vice propre ».
41132. Dans cette espèce, les magistrats n’ont pas hésité à assimiler le mauvais conditionnement du nitrate à un vice propre de la marchandise. Ainsi conçu, l’accident ne serait qu’une manifestation différée d’un mauvais procédé de fabrication81. On ne peut qu’adhérer à cette analyse. Le transporteur ne dispose pas le plus souvent des compétences nécessaires pour vérifier si les mesures de sécurité exigées par les règlements de sécurité, en matière d’emballage ou d’étanchéité des récipients, ont été respectées. Toutefois, une démarche rigoureuse sur le plan juridique commanderait de fixer pour chaque espèce une ligne de démarcation entre la responsabilité du producteur et celle du transporteur. En d’autres termes, il s’agirait de se demander quels sont les risques qui ont été transférés lorsque les marchandises ont été confiées au transporteur.
42133. La doctrine voit le plus souvent dans le propriétaire ou le chargeur des substances dangereuses le créateur du risque. Elle considère que ce dernier doit rester responsable même après avoir perdu la « garde »82 matérielle des dites substances. C’est donc, en toute logique, que le jugement du Tribunal de Brest83 écarte la responsabilité des sous-affréteurs norvégiens, pour retenir celle des deux compagnies américaines qui avaient fabriqué le produit incriminé. Consacrée avant l’heure, la responsabilité du fait des produits défectueux, avec les conséquences qu’elle implique en termes de désignation du responsable apporte-t-elle pour autant des solutions satisfaisantes ? Rien n’est moins sûr. Il semblerait que toute tentative de rapprochement entre le droit maritime et le droit de la responsabilité du fait des produits défectueux soit, en définitive, vaine.
B. Un régime en fait inadapté aux pollutions maritimes
43134. Il s’agit ici de montrer pourquoi toute tentative de rapprochement du droit maritime et de la responsabilité du fait des produits défectueux est une entreprise vouée à l’échec. Si ce mouvement a été encouragé par la jurisprudence, force est de constater que cette initiative a été aussi critiquée par la doctrine. Le Pr Lopuski84 souligne d’emblée que le régime de responsabilité du fait des produits défectueux doit être utilisé avec circonspection en matière maritime. Il n’est, en effet, nullement question, de rendre systématiquement responsable un fabricant de munitions au seul motif qu’une explosion se serait produite sur un navire. Une telle solution confine à l’absurde. Ensuite, il faut se rendre à l’évidence, retenir le régime de responsabilité du fait des produits défectueux pour régler le contentieux relatif aux dommages survenus à l’occasion d’un transport par mer de substances dangereuses ou polluantes oblige quelque peu à forcer l’ordre naturel des choses. Ces deux disciplines n’entretiennent qu’un rapport marginal85. Quand bien même celui-ci serait avéré, il convient de souligner que la Directive communautaire n’intéresse pas l’ensemble des produits dangereux ou polluants86.
Enfin, il convient de souligner, que ce texte n’évoque que de façon détournée les dommages causés à l’environnement. La protection de l’environnement n’y est prise en compte que par le biais d’une atteinte à la personne ou aux biens87. Aussi, si ce régime de responsabilité propre aux produits défectueux pouvait avoir un rôle à jouer en matière maritime, ce serait davantage en présence d’un vice de construction du navire88, que d’un défaut de sa cargaison. Aussi c’est vers un autre type de critère qu’il conviendrait de s’orienter aux fins de désigner au mieux le responsable en présence d’un transport maritime de matières dangereuses ou polluantes. Parce qu’il recueille un large consensus en présence d’activités dangereuses ou polluantes, le critère de l’exploitation professionnelle ne peut manquer d’être abordé dans la présente étude.
§ 3. L’existence d’un consensus autour du critère de l’exploitation professionnelle
44136. Loin de nous l’idée de présenter tous les régimes se référant au critère de l’exploitation professionnelle89. L’exhaustivité n’offrirait, ici, que peu d’intérêt. Comment alors justifier une telle démarche ? Elle pourrait à première vue se fonder et même se limiter à un constat : l’application de plus en plus fréquente de ce critère dans les régimes de responsabilité civile relatifs aux activités dangereuses ou polluantes, que ces dernières soient récentes ou anciennes, qu’elles touchent le transport de marchandises ou l’environnement (B). Toutefois, l’approche sectorielle de ce critère ne saurait se suffire à elle-même. Elle doit, à notre sens, être précédée d’une phase d’explication dudit critère (A).
A. Explication du critère de l’exploitation professionnelle
45137. Parce qu’il est associé au pouvoir de contrôle (1), le critère de l’exploitation professionnelle est appelé à varier selon l’interprétation que l’on retient de cette notion (2).
1. Un critère associé au pouvoir de contrôle
46138. S’il fallait retenir une définition de l’exploitation, ce pourrait être la suivante : il s’agit « d’une activité déployée à l’initiative d’une personne, sous sa maîtrise, et pour son profit, au moyen d’un ensemble matériel et humain »90. L’exploitant, quant à lui, pourrait désigner « toute personne physique ou morale, publique ou privée qui exerce le contrôle d’une activité »91. A l’idée d’exploitation, ou d’exploitant, serait donc associée celle de contrôle. Car à l’évidence, quand bien même cette dernière notion n’apparaîtrait pas in extenso dans la première définition, elle y serait largement présente sous le vocable de maîtrise. Aussi, choisir le critère de l’exploitation professionnelle comme source de responsabilité ne serait pas dénué d’intérêt, bien au contraire. On peut espérer qu’en qualité de professionnel potentiellement responsable, l’exploitant doté d’un pouvoir de contrôle sur ses activités soit incité non seulement à prendre toutes les précautions nécessaires, mais aussi à rechercher les moyens de production les plus sûrs92 pour ne pas risquer, un jour, d’être déclaré responsable. L’intérêt majeur du critère de l’exploitation professionnelle, outre d’autoriser la désignation d’un répondant en dehors de toute culpabilité par la maîtrise de l’activité dommageable, serait d’activer le lien « réparation-prévention »93. Est-on seulement, cela disant, parvenu à circonscrire ledit critère ? A l’évidence, non. La raison à cela est simple. Associé au pouvoir de contrôle, ce critère est logiquement appelé à varier selon l’interprétation que l’on en donne.
2. Un critère appelé à varier selon l’interprétation de la notion de contrôle
47139. Il est des notions polysémiques, en droit, comme ailleurs. La notion de contrôle est de celles-là. Sur le plan juridique, elle peut faire l’objet d’une double interprétation. La première, parce que relativement simple, n’appellera que peu de commentaires. Elle repose sur une conception matérielle de la notion de contrôle. Identifier l’exploitant revient alors à rechercher celui qui tout en ayant la maîtrise de l’activité, détient les connaissances techniques lui permettant de prendre en charge mieux que quiconque les risques inhérents à cette activité. L’exploitant est alors celui qui exerce le contrôle opérationnel de l’activité. La seconde interprétation retient, elle, une conception plus économique de la notion de contrôle. Dans cette acception, doivent être considérées comme exploitants les personnes morales ou physiques qui détiennent les véritables pouvoirs de décision.
48140. Identifier les structures qui président aux destinées de l’activité, exige parfois sur le plan judiciaire de lourdes investigations. Une société mère peut, en effet, être tentée d’organiser son insolvabilité en créant des filiales juridiquement indépendantes. Le critère de l’influence déterminante ne saurait toutefois se cantonner aux seules hypothèses d’organisations frauduleuses. L’adopter revient manifestement à consacrer une conception extensive de la notion d’exploitant, comparable à celle que retient le droit de la concurrence, le droit fiscal ou le droit social. Ainsi, certains partenaires de l’entreprise polluante, parce qu’exerçant un contrôle sur l’activité de leur débiteur pourraient être considérés par le droit français comme des exploitants. Cette situation est proche de la gérance de fait. Le gérant de fait est celui qui s’immisce dans des fonctions déterminantes pour la direction générale de l’entreprise. Il participe de façon continue à sa direction et a sur elle un contrôle effectif et constant. Ainsi, un banquier a pu endosser cette qualité après avoir placé, au côté du dirigeant de droit un préposé qui a, par la suite, pris seul les décisions importantes94.
49141. Il semblerait que l’évolution de la notion d’exploitant qui s’est amorcée en matière environnementale soit de nature à encourager la transposition dans ce secteur de la théorie de la gérance de fait. Si la loi du 19 juillet 1976 sur les installations classées consacre dans son article 1 er une distinction entre les notions d’exploitants et de détenteurs d’installation, elle la néglige, pour ne retenir que celle d’exploitants, lorsqu’ elle aborde la question des sanctions95. Il n’en reste pas moins que la jurisprudence administrative, en retenant la conception extensive de l’article 1er, choisit d’englober dans la notion d’exploitant non seulement celui qui détient l’autorisation d’exercer une activité, mais aussi le gestionnaire ou exploitant de fait. Ceci mérite d’être souligné eu égard aux applications multiples du critère de l’exploitation professionnelle dans les régimes de responsabilité.
B. Applications du critère de l’exploitation professionnelle
50142. Considérer les régimes de responsabilité qui font prévaloir le critère de l’exploitation professionnelle n’est intéressant pour notre étude, que si l’on s’efforce de mettre en évidence les rapports que chacun d’entre eux pourrait entretenir avec le transport maritime de marchandises dangereuses. Ainsi cerné, notre champ d’investigation se limitera nécessairement à l’examen de certains d’entre eux. Nous envisagerons successivement la responsabilité du transporteur de marchandises dangereuses par voie terrestre, routière, ferroviaire, fluviale (1), celles de l’exploitant d’une installation nucléaire (2) d’une plate-forme pétrolière (3), celle enfin de l’exploitant d’activités dangereuses dans les régimes communautaires de responsabilité environnementale (4).
1. La responsabilité du transporteur routier, ferroviaire, et fluvial de marchandises dangereuses : la logique transport ?
51143. Peut-on espérer cousinage plus parfait avec notre sujet ? En la matière, seul le moyen de transport varie ; le « cadre temporel » de la réflexion coïncide avec lui. En effet, tandis que l’OMI travaillait à l’élaboration d’une convention relative à la responsabilité et à l’indemnisation des dommages causés à l’occasion d’un transport maritime de marchandises dangereuses, l’Institut international pour l’unification du droit privé96 réfléchissait sur un projet similaire97 pour les transports routiers98, fluviaux et ferroviaires. La Convention CRTD99, fruit de cette réflexion, choisit d’imputer la responsabilité au transporteur. Répond de cette qualité l’opérateur qui s’engage contractuellement à déplacer d’un point à un autre, dans un certain délai, une marchandise déterminée, confiée à lui, moyennant une rémunération : le fret. Le transporteur peut donc être a priori, soit propriétaire, soit locataire du moyen de transport100. Toutefois, au sens de la convention précitée, il faut noter qu’est présumé transporteur, la personne au nom de laquelle est immatriculé le navire101. Cette présomption n’est pas irréfragable, mais simple. Le titulaire de l’immatriculation a donc la possibilité de la faire tomber en apportant la preuve qu’une autre personne, par exemple un affréteur ou un crédit-preneur disposait de l’emploi du véhicule au moment de la survenance du fait dommageable102.
52144. Le choix d’un tel système conduit donc nettement à écarter la responsabilité du propriétaire de marchandises, au motif que l’identification de ce dernier risque d’être rendue difficile à raison des multiples transactions dont la cargaison pourrait faire l’objet. Il conduit également à ignorer le producteur, car l’opération de transport peut intervenir longtemps après la fabrication. En présumant responsable la personne au nom de laquelle le véhicule est immatriculé ou à défaut celle qui en est le propriétaire, la Convention aménage une garantie non négligeable pour les victimes. Toutefois, ces dernières n’en conservent pas moins le droit d’agir contre l’exploitant du moyen de transport impliqué dans l’événement dommageable. C’est également contre l’exploitant d’une installation nucléaire que les victimes pourront agir en cas de dommages nucléaires.
2. La responsabilité de l’exploitant d’une installation nucléaire, la logique nucléaire
53145. S’il fallait désigner un « régime prototype » de responsabilité civile en présence de dommages liés au transport de produits dangereux, le régime nucléaire serait celui-là103. Premier du genre, il est, comme tel, l’inspirateur des suivants. Les substances radioactives, conditionnées dans de lourds emballages protecteurs sont, le plus souvent, transportées par voie maritime. Cette contingence technique n’a toutefois pas, d’emblée, convaincu l’ordre maritime international d’adopter un régime de responsabilité ad hoc. Le contentieux nucléaire lié à cette activité a, un temps, été confié aux conventions maritimes banales104. Or, pareille solution s’est très vite révélée être une entrave sérieuse aux développements du transport maritime de matières nucléaires. Considérant que cette activité pouvait être à l’origine de dommages qu’elles n’étaient pas certaines de pouvoir couvrir, les mutuelles d’armateurs ont refusé de l’assurer. Les armateurs ont alors menacé de ne plus effectuer de tels transports. En définitive, l’ampleur des dégâts potentiels, le risque de paralysie définitive du transport maritime de substances nucléaires ont motivé l’adoption d’un régime de responsabilité ad hoc.
54146. La Convention de Bruxelles du 17 décembre 1971 relative à la responsabilité dans le domaine du transport maritime de matières nucléaires105 complète tant les Conventions nucléaires de Paris106 que de Vienne107. Elle prend le parti d’exonérer les armateurs de toute responsabilité, chargeant le seul exploitant de l’installation nucléaire. Ce dernier demeure responsable108 de tout dommage survenu à l’occasion d’un transport maritime de substances nucléaires du seul fait qu’elles ont été produites, utilisées ou acheminées dans ses installations109. Se trouve ainsi consacrée l’impunité du transporteur. L‘impossibilité matérielle pour l’exploitant d’exercer le moindre contrôle sur l’opération, ne suffit donc pas à faire obstacle au principe de sa responsabilité110. Même lorsque l’accident survient hors de ses installations111, il peut être déclaré responsable. Tout au plus lorsqu’il est expéditeur, sa responsabilité prend fin dès que débute celle de l’exploitant-destinataire112. Il existe donc une chaîne ininterrompue de responsabilités nucléaires113. La solution est, somme toute, logique. Seul l’exploitant peut s’assurer de la conformité des opérations aux réglementations relatives à la santé et à la sûreté114. L’armateur ne dispose, lui, d’aucune compétence technique à cette fin115. Un argument autre, financier cette fois, conforte ce choix. Le transporteur, à la différence de l’exploitant116, ne dispose pas d’une capacité financière suffisante pour souscrire une garantie susceptible de couvrir un risque réputé élevé117. Ce même type d’argument justifie-t-il que l’on consacre la responsabilité de l’exploitant d’une plate-forme pétrolière ?
3. La responsabilité de l’exploitant d’une plate-forme pétrolière : une logique maritimo-terrestre
55147. Les dommages causés par les hydrocarbures, au milieu marin ne sont pas exclusivement liés à la navigation118. L’exploitation du pétrole en mer, à partir d’une plate-forme off-shore119, est une autre source de pollution. Si les quantités de pétrole répandu varient selon la richesse du réservoir en éruption, elles sont le plus souvent impressionnantes. Ainsi, les quantités de pétrole déversé120 lors de l’accident du puits IXTOC I au Mexique en 1979 auraient représenté près du double de celles de l’Amoco Cadiz. Aux termes de la Convention de Londres121, l’indemnisation de ce type de dommages incombe à l’exploitant de tout puits ou autre dispositif utilisé aux fins de recherche, de production, de traitement, d’entreposage, de transport ou du réglage de secours du débit du produit. L’exploitant de l’installation placée sous le contrôle de l’État concédant, assume seul la responsabilité inhérente à l’activité. Outre le fait que cette activité, comme l’activité nucléaire, soit sous l’emprise des États, on peut penser qu’un tel choix témoigne de l’existence d’un fort consensus au sein d’une organisation professionnelle très soudée. Toutefois, même en l’absence d’un tel contexte, il semblerait que la personne de l’exploitant soit largement plébiscitée par les régimes communautaires de responsabilité civile en cas d’atteintes à l’environnement.
4. La responsabilité de l’exploitant en cas d’atteintes à l’environnement dans les textes européens : vers une logique environnementale122
56148. Si l’action normative des Communautés Européennes en faveur de la protection de l’environnement, au sens large du terme, n’est plus à démontrer, le rapprochement entre le droit européen et le droit privé de la responsabilité civile peut, au premier abord, surprendre123. Pourtant l’œuvre communautaire124, en la matière, est loin d’être négligeable. A ce seul titre, elle mérite d’être évoquée. L’on ne s’étonnera pas de constater, là encore qu’en dépit d’une activité normative prolifique, le législateur communautaire choisisse de placer l’exploitant au cœur des systèmes communautaires de responsabilité environnementale. Ainsi, le projet de directive125 sur les déchets déclare civilement responsable le producteur de déchets, c’est-à-dire essentiellement l’exploitant de l’installation. Cette responsabilité pèse également sur le transporteur, ou éventuellement sur l’éliminateur des déchets. La Convention de Lugano126 sur la responsabilité civile pour les dommages résultant d’activités dangereuses127 pour l’environnement, retient également la responsabilité de l’exploitant128. Si elle ne s’était pas clairement prononcée sur le point de savoir si l’on pouvait assimiler à l’exploitant, la personne qui exerce le contrôle économique de l’activité129, spécialement les banquiers130, un Livre Blanc sur la responsabilité environnementale131 devait nettement prendre position. Parce l’article 4. 4 de ce document fournit une définition synthétique de la personne qui doit être reconnue responsable dans le cadre d’un système communautaire de responsabilité environnementale, il convient de la reprendre in extenso. Répond de la qualité de partie responsable « la personne (ou les personnes) qui exerce le contrôle de l’activité par laquelle les dommages sont causés (c’est-à-dire l’exploitant). Si l’activité est exercée par une société ayant la personnalité juridique, la responsabilité reposera sur la personne morale et non sur la direction de la société (les décideurs) ou sur d’autres employés ayant pu participer à l’activité. Les bailleurs de fonds n’exerçant pas de contrôle d’exploitation ne doivent pas être tenus responsables132. A l’évidence, c’est une conception hautement restrictive de la qualité de d’exploitant qu’entérine le législateur communautaire. Une telle initiative ne semble, toutefois, pas devoir remettre en question le large consensus qui se dessine autour de la notion d’exploitation et d’exploitant133.
57149. Au terme de cet examen, force est de constater les difficultés que rencontre le droit de la responsabilité civile pour choisir un critère d’imputation de la responsabilité en présence d’un facteur de dangerosité, comme en témoigne l’éparpillement des critères retenus. Le choix du droit maritime des pollutions n’en apparaît que plus marquant en ce qu’il opte pour un critère singulier, différent de ceux déjà envisagés, à savoir la propriété du navire.
SOUS-SECTION 2. LA SINGULARITÉ DU CRITÈRE D’IMPUTATION CHOISI PAR LE DROIT MARITIME CONVENTIONNEL DES POLLUTIONS : LA PROPRIÉTÉ DU NAVIRE
58150. Si l’on veut veiller à ce que des précautions plus grandes soient prises en faveur de la protection de l’environnement, une solution utile à cette fin, serait de déclarer responsable la partie qui, tout en contrôlant l’activité génératrice de risques, bénéficie des gains qu’elle génère. La question de l’attribution des responsabilités, bien que juridique, serait mâtinée de considérations économiques. Pour imputer la responsabilité au titre des pollutions résultant du transport maritime, les rédacteurs de la Convention CLC ont opté pour un critère singulier134 qui pourrait constituer un gage de sécurité, celui de la propriété du navire (§ 1). Tout système juridique, quel qu’il soit, est par nature perfectible. Pour l’améliorer, vouloir agir ne suffit pas : encore faut-il savoir comment le faire135. Le système américain, parce qu’il propose un mode d’attribution de la responsabilité fondé sur une pluralité de critères d’imputation pourrait de ce fait se révéler plus efficace, au point peut être de montrer la marche à suivre (§ 2) ?
§ 1. L’unicité du critère de rattachement dans les dispositifs conventionnels, la propriété du navire
59151. L’unique critère d’imputation de la responsabilité, dans les dispositifs conventionnels, est la propriété du navire. Gage de sécurité pour les victimes (A), la propriété est assimilée par les responsables à un risque qu’il s’agit de contourner au mieux. Apparemment opportun, ce critère d’imputation peut dès lors très vite devenir un facteur d’instabilité (B).
A. La propriété du navire, un gage apparent de sécurité
60152. Si la complexité de la notion d’armateur représente indéniablement un « élément à décharge » pour l’« exploitant marin » (1.), la simplicité de celle de propriétaire fait d’elle « un élément à charge » pour le propriétaire de navire (2.) quand il s’agit de désigner un responsable.
1. La complexité de la notion d’armateur : un élément à décharge pour l’« exploitant marin »
61153. On a montré que différents régimes de responsabilité, régissant des matières proches de notre domaine d’étude avaient trouvé dans la personne de l’exploitant, le responsable idéal. Le nombre s’ajoutant à la qualité des modèles, la formule avait de quoi séduire. L’a- t-elle seulement fait ? En matière maritime, celui qui incarne, au plus près, la figure de l’exploitant, c’est l’armateur. Car il est, selon la loi du 3 janvier 1969136, « celui qui exploite le navire en son nom, qu’il en soit le propriétaire ou non ». En qualité de gardien, il peut être amené à répondre devant les tiers137 des dommages causés par son navire et sa cargaison138. Simple d’apparence, la figure juridique de l’armateur est, en réalité, complexe.
62154. D’abord, exploitant du navire, l’armateur peut l’être à un double titre, comme affréteur ou transporteur. Ensuite, il n’est pas rare qu’un navire soit exploité simultanément par deux armateurs. Ainsi, en cas d’affrètement à temps, le propriétaire du navire qui tire profit de son bien en le frétant en est l’armateur ; et l’affréteur à temps qui exploite à son tour le navire en concluant un contrat de transport ou un affrètement au voyage l’est aussi. On parle alors d’armateur-affréteur par opposition à l’armateur-propriétaire. Enfin, l’exploitation maritime peut donner lieu à la conclusion de multiples contrats « gigognes » : sous-affrètements, sous-contrats de transport. Il ne servirait à rien, ici, quoique la notion y invitât, de remonter plus en amont ses méandres139. En revanche, il paraît indispensable de montrer en quoi la notion d’armateur pourrait constituer une source de difficultés supplémentaires dans une optique d’imputation de la responsabilité.
63155. L’armateur est supposé n’exister que par son navire140. Identifié comme tel par les tiers, il semble pouvoir se dérober dès que ce lien se relâche. Or, l’évolution va, irrésistiblement, en ce sens. Jadis à la tête d’une flotte, aujourd’hui, l’armateur ne possède bien souvent plus de navire, mais une société destinée à faire écran. Il lui est d’autant plus aisé de se soustraire à ses responsabilités qu’en moins de 50 ans, la sophistication du droit n’a cessé d’élargir la gamme des techniques propres à le lui permettre. Ainsi brossé, le portrait de l’armateur ne pouvait manquer d’effrayer le législateur maritime soucieux de transparence et de solvabilité. La délégation française141, fervente partisane du rejet de la responsabilité de l’exploitant, avait, en outre, souligné qu’une telle solution se concevait davantage, dans un cadre nucléaire. L’exercice d’une activité nucléaire étant subordonnée à une autorisation étatique, il devenait aisé d’identifier l’opérateur responsable142. Puisque de telles formalités administratives sont absentes dans le métier du transport des hydrocarbures, retenir la responsabilité de l’exploitant en ce domaine aurait apporté plus d’obstacles que de solutions.
64156. Un examen sommaire du schéma d’exploitation du Tanio143 suffit à se convaincre de cela. Autour de ce navire, on trouvait un propriétaire, un premier affréteur coque-nue, un second affréteur coque-nue, un affréteur à temps, une entreprise (compagnie maritime d’armement) chargée d’assurer l’armement français du navire, une autre entreprise (SFTP) chargée d’assurer la gestion technique et assurant en sous-traitance l’armement français du bâtiment. Dans cette galerie de personnages, qui était le véritable exploitant du navire ? Les solutions ne manquaient pas. Pareil casse-tête juridique semble pouvoir être écarté quand on considère la propriété. Il s’agit en effet d’une notion moins évanescente que celle d’exploitation. Sa simplicité peut alors être perçue comme un élément à charge pour le propriétaire144.
2. La simplicité de la qualité de propriétaire, un « élément à charge » pour le propriétaire de navire
65157. « La personne responsable n’est souvent plus qu’un chenal à travers lequel le flot de la distribution commence à couler »145. C’est pour partie à cette philosophie qu’obéissent les rédacteurs des Conventions CLC et SNPD lorsqu’ils choisissent de désigner pour responsable le propriétaire de navire. Ce dernier est défini comme « la ou les personnes au nom de laquelle ou desquelles le navire est immatriculé146 ou, à défaut d’immatriculation, la ou les personnes, dont le navire est la propriété. Toutefois précisent les Conventions, lorsqu’un navire appartient à un État et est exploité par une compagnie qui, dans cet État, est enregistrée comme étant l’exploitant du navire, le terme propriétaire désigne cette compagnie147. Une personne, au sens de la Convention, signifie « toute personne physique ou toute personne morale de droit public ou de droit privé, y compris un État et ses subdivisions politiques ».
66158. Ignorant la notion juridique d’armateur qu’elle juge complexe, et imprécise, la terminologie anglaise se conçoit à la manière d’une variation autour d’un thème unique : le propriétaire de navire ou shipowner, qu’elle décline en autant de termes. Elle consacre ainsi, la notion de true owner, ou propriétaire réel, par delà les apparences, celle de owner pro hac vice assimilable à l’affréteur coque-nue, celle de disponent owner investi du pouvoir de disposer du navire, qu’il soit propriétaire ou non148, et celle enfin de managing owner ou personne au nom de laquelle est immatriculé le navire auprès des services administratifs.
67159. Parmi ces différents concepts, c’est le dernier concept qui a la préférence des Conventions internationales relatives aux dommages de pollution. Ce choix est fondé sur des considérations purement pragmatiques. Parmi les diverses personnes liées au navire (affréteur, armateur-gérant, exploitant), le propriétaire de navire est la personne relativement facile à trouver, puisque la simple consultation du registre national d’immatriculation149 suffit à révéler l’identité du propriétaire nominal du navire. C’est un avantage réel, quand on sait la difficulté qu’il peut y avoir à rapporter un comportement, à identifier un responsable. Ce type de contingences ne saurait priver les victimes de leur droit à réparation. La désignation du responsable se veut donc avant tout pragmatique.
68160. La notion d’exploitant pêche par son caractère flou, là où celle de propriétaire brille par sa clarté150. Aussi, le choix de la propriété comme point d’ancrage de la responsabilité en présence de dommages liés au transport par mer de substances dangereuses est certainement pertinent. Il l’est d’autant plus que le propriétaire-fréteur exerce le plus souvent la gestion nautique. Or seules des défaillances de ce type sont le plus souvent à l’origine des pollutions maritimes majeures151. D’ordre pratique, cette justification pourrait se suffire à elle-même. Elle peut, toutefois, se doubler à notre sens d’un volet plus théorique.
69161. Le propriétaire non-exploitant152 ne serait-il pas tenu de supporter « un risque de propriété »153 ? Il n’est guère original d’écrire en droit des biens que le propriétaire encourt ès qualité des risques. Quand bien même il n’exploiterait pas son bien, il lui est permis de tirer profit de son titre de propriété. Ainsi, celui qui prend la responsabilité de lancer un navire transportant des matières dangereuses ou polluantes, dans un espace marin, doit s’attendre à en supporter les éventuelles conséquences dommageables. Que ce soit son métier ou non d’ailleurs154, il devra assumer une « charge de propriété ». La théorie selon laquelle on peut être responsable du seul fait de sa propriété n’est du reste pas étrangère au droit français. Le Tribun Bertrand de Greuille déclarait déjà, lors des travaux préparatoires du Code civil, que ce qui appartenait à quelqu’un ne pouvait nuire impunément à un autre155. Capitant le rejoint en cela. L’obligation d’indemniser est une charge légale pesant sur le propriétaire, celle de ne pas nuire au delà d’un certain point aux propriétés voisines156.
70162. La solution aurait, dit-on, des vertus préventives. Elle inciterait le propriétaire, en l’occurrence celui d’un navire, à plus de prudence. Elle le pousserait à contrôler davantage son bien. Cette implication plus étroite dans la gestion du navire pourrait prendre la forme d’investissements en matière de sécurité, poste souvent sacrifié sur l’autel de la rentabilité157. L’expérience montre, hélas, qu’il s’agit le plus souvent de voeux pieux. Il n’en demeure pas moins que le défaut d’entretien révèle une négligence certaine du propriétaire de navire. Que celle-ci soit sanctionnée par une responsabilité de plein droit de l’armateur-propriétaire158 ne devrait pas étonner outre mesure, que le propriétaire soit tenté de contourner le risque de propriété encore moins.
B. La tentation du contournement du « risque de propriété », un facteur d’instabilité
71163. Les règles de responsabilité sont autant de données susceptibles d’orienter les opérateurs du transport maritime dans le choix d’un mode d’exercice de leur activité159. Or, précisément choisir d’être propriétaire n’est pas sans risque. Les compagnies pétrolières l’ont compris mieux que quiconque160, puisque certaines d’entre elles ont purement décidé d’abandonner la fonction armatoriale161 (1). S’ils se trouvent toujours des armateurs, nombre d’entre eux, ont entendu encadrer le risque de propriété en déployant un arsenal créatif de moyens (2), obligeant dès lors les juridictions à faire montre de réactivité pour les combattre (3).
1. L’abandon de la fonction armatoriale par les compagnies pétrolières
72164. Plus qu’un « risque juridique », c’est un risque financier162 qui a initialement motivé l’abandon de la fonction armatoriale. Toutefois, les deux phénomènes n’ont pas tardé à se combiner pour finir de convaincre de l’opportunité de la démarche. L’examen même sommaire de certaines expériences judiciaires démontre par trop bien combien il peut être judicieux de contourner le risque de propriété (a). Pourtant, force est d’admettre qu’il s’agit là d’une vision à court terme. Or une gestion rationnelle des risques ne peut se concevoir que sur le long terme, c’est ce que pourrait rappeler l’affaire de l’Erika (b). Judicieuse a priori, l’initiative pourrait finalement se révéler malheureuse.
a) Une initiative a priori judicieuse : les leçons de l’Amoco-Cadiz et de l’Exxon Valdez
73165. Deux expériences judiciaires suffiraient presque à elles seules à convaincre de l’opportunité pour les compagnies pétrolières d’abandonner la fonction armatoriale. La plus emblématique à cet égard est sans conteste, l’affaire de l’Amoco-Cadiz. La décision finale, rendue le 24 janvier 1992, à propos des responsabilités mérite une attention toute particulière. Non seulement, la Shell, affréteur au voyage, n’aura pas vu son image de marque souillée par cette catastrophe, mais elle aura encore obtenu de la Cour, l’entier remboursement de sa cargaison, assorti d’intérêts de plus de douze pour cent, supérieurs au taux appliqué aux demandeurs français. Le durcissement de la législation américaine aux lendemains de la catastrophe de l’Exxon Valdez contribuera a, à n’en pas douter, à amplifier ce mouvement de retrait163.
74166. Ce choix apparaît comme particulièrement judicieux. Car juridiquement, les compagnies pétrolières ne sauraient désormais être tenues responsables de la pollution, mais davantage comme victimes du fait de la perte de leur cargaison164. Toutefois compte-tenu des pressions exercées par les autres victimes, l’initiative judicieuse au premier abord pourrait se révéler finalement malheureuse. Telle pourrait être la future leçon de l’Erika ?
b) Une initiative peut-être malheureuse : les futures leçons de l’Erika ?
75167. L’affaire de l’Erika invite à s’interroger sur les incidences pour les compagnies pétrolières d’un désengagement total de l’activité armatoriale. Avoir une vision à court terme de la politique des transports n’est peut-être pas la meilleure approche qui soit. Certes, la compagnie pétrolière, débarrassée du risque lié à la propriété du navire, ne paraît devoir encourir aucun« risque juridique ». Cela suffit-il pour autant à lui garantir une totale immunité, le doute est permis. L’implication dans une catastrophe pétrolière est ruineuse en termes d’image de marque. Dès lors pour tenter de la ménager, la compagnie pétrolière, sous la pression de la vindicte populaire, a été invitée sinon contrainte à admettre qu’à défaut d’obligation juridique, elle était tenue d’assumer une obligation morale à l’égard des victimes qui avaient eu à souffrir de dommages causés par une cargaison qui lui appartenait. Sans que cela ne soit assimilé à une reconnaissance implicite de responsabilité, une telle démarche suppose nécessairement que la compagnie pétrolière impliquée dans la catastrophe consente à s’investir financièrement pour en atténuer les conséquences. Dès lors, le fait de n’encourir aucune responsabilité au sens juridique du terme ne conférerait pas une véritable protection, tout au plus permettrait-elle d’évincer l’opprobre qui s’attache à toute condamnation judiciaire. Sans doute est-il encore trop tôt pour tirer les conséquences de l’affaire de l’Erika. Toutefois dans l’attente d’un dénouement judiciaire, on peut déjà penser que cette catastrophe ne parviendra pas à convaincre le groupe Total de s’engager dans une politique d’acquisition en propre d’une flotte, tout au plus le conduira-t-elle à modifier sa politique d’affrétement165.
76168. L’expérience américaine post-OPA, plus ancienne paraît apporter un éclairage utile en la matière. Aux lendemains de la catastrophe de l’Exxon-Valdez, les experts avaient parié sur l’abandon par les compagnies pétrolières de la fonction armatoriale166. Partant de l’idée que la propriété pouvait être une expérience risquée, il ne faisait aucun doute que les compagnies pétrolières avaient tout intérêt à externaliser leurs responsabilités en recourant à des sociétés parfaitement étrangères à elles167. Toutefois ces sociétés présentées comme les « filles de la Providence », n’ont jamais été des enfants de choeur. L’esprit de lucre qui les animait, laissait présager des économies sur l’entretien et l’équipement du navire. Dès lors, l’économie de court terme réalisée par les Compagnies pétrolières, pouvait se révéler un mauvais calcul. En cas de catastrophes, dotées d’une « poche profonde », elles pouvaient être appelées à dépenser beaucoup plus que les bénéfices attendus de l’externalisation. C’est ce qui explique que nombre de grandes compagnies pétrolières n’ont pas systématiquement renoncé au transport de leurs hydrocarbures dans les eaux américaines après l’Exxon Valdez. Ainsi, elles se préservent d’avoir à supporter une responsabilité par personne interposée168. Il n’en reste pas moins vrai pour autant, qu’aguerris à la finance, ces « armateurs spéculateurs »169 créatifs, ont vite fait d’aménager leur insolvabilité pour contourner le risque de propriété.
2. La créativité de l’arsenal déployé par les armateurs pour contourner le« risque de propriété »
77169. Les montages sociétaires inextricables échafaudés pour camoufler l’identité du véritable propriétaire (a), la pratique des Single ship companies aux « vertus limitatives de responsabilité » (b) sont autant de manifestations de la créativité de l’arsenal déployé en vue de contourner le « risque de propriété ».
a) Les montages sociétaires inextricables170 : la stratégie de camouflage (L’exemple de l’Erika)
78170. Les développements qui vont suivre n’ont d’autre ambition que de présenter de façon clinique la nébuleuse de sociétés susceptibles de graviter autour de l’exploitation d’un navire. L’actualité récente ne peut que nous inciter à nous intéresser à l’Erika. A l’évidence, cette nouvelle espèce permet de rendre compte des difficultés attachées au démêlage des écheveaux de la responsabilité. Elle illustre, à elle seule, la complexité des montages sociétaires mis en œuvre pour camoufler l’identité du propriétaire. La chaîne de propriété et de gestion de ce navire a fait l’objet d’une étude détaillée du Bureau d’enquête accidents-mer »171. Si l’on devait retenir un mot de ce rapport, ce serait celui d’opacité172. Le schéma décrit par l’autorité enquêtrice met en évidence l’existence d’une politique concertée destinée à rendre le dossier de la propriété particulièrement opaque.
79171. L’Erika était exploité dans le cadre d’un dispositif complexe, mais relativement fréquent, s’agissant des pétroliers affrétés au voyage173. Le montage juridique faisait intervenir, des propriétaires réels qui pourraient être, selon le Llyod’s Shipping Register, Messieurs Vittelo et Savarese, armateurs napolitains (Groupes Euromare et Italmare notamment) peut être à travers la société grecque Drytank S.A/ Cardiff Marine dirigée par M. Economou. Ces armateurs avaient confié le portage de la propriété du navire à une filiale enregistrée à Malte, Tevere Shipping. Cette société ne possédait que l’Erika. Toutefois, selon le rapport, il existerait une vingtaine d’autres sociétés maritimes dépendant de Drytank et une autre douzaine dépendant de Messieurs Vitiello et Savarese. Tevere avait ensuite confié la gestion nautique du navire à Panship174 dont le siège est à Ravenne. Panship est dirigée par M. Pollara. En sa qualité de directeur, il assume la fonction de « personne responsable » dans le cadre de la certification ISM175. La société de shipmanagement a ensuite recruté l’équipage par le biais de Panship Mumbai, sa filiale indienne de recrutement des gens de mer. Drytank / Tevere semble avoir ensuite frété le navire à temps à la société helvetico-bahaméenne Selmont/ Armaship. De toute évidence, au moment des faits, Selmont était l’armateur disposant de l’Erika, tandis que les ordres de route du navire étaient donnés depuis Lugano par M. Ducci d’Amarship agissant au nom de Selmont mais « as agent only ». Le fret a, lui, été encaissé sur un compte bancaire ouvert au nom de Selmont à Lugano dans une agence bancaire, filiale suisse du Crédit Agricole Indosuez.
80172. Les propriétaires apparents auraient acquis l’Erika au moyen d’un prêt contracté auprès de la Royal Bank of Scotland. Le Quotidien « Le Parisien » a révélé que le véritable propriétaire serait M.P. Bucheli, un ressortissant suisse. Total-Fina aurait libellé à son nom le chèque destiné à régler le transport de la cargaison de fuel, et l’aurait assigné es qualité de propriétaire devant le tribunal de Dunkerque aux fins d’obtenir réparation du préjudice subi du fait de la perte de sa cargaison176. En définitive, il semblerait que le banquier ne soit qu’un simple intermédiaire, et que le véritable propriétaire de l’Erika soit la filiale d’une banque écossaise. En tout état de cause, Tevere Shipping aurait organisé son insolvabilité pour ne déclarer désormais qu’un maigre capital de 960 francs177. La société Armaship aurait suivi une procédure identique. C’est un schéma relativement comparable que l’on retrouve dans le cas du Prestige, où une fois de plus l’opacité aura été érigée en système178. La pratique des single ship companies, fondée sur la constitution d’un patrimoine d’affectation, en fait partie intégrante.
b) La pratique des single ship companies : la stratégie du patrimoine d’affectation
81173. Eu égard aux avantages que procure l’outil d’ingénierie juridique, consistant pour les armateurs pétroliers à créer des sociétés à un seul navire ou Single ship compagnies, on ne s’étonnera pas de ce que les propriétaires de l’Erika y aient eu, eux aussi recours. Les premiers éléments de l’enquête ont, en effet, révélé que dans cette espèce particulièrement topique, il existait un « chapelet » de « sociétés à navire unique »179 Loin d’être récente180, cette pratique a d’abord été utilisée par les armateurs anglais pour limiter l’actif de leur société à un seul navire, pour espérer encadrer au mieux les responsabilités légales qu’ils étaient susceptibles d’encourir.
82174. Ces sociétés ont le plus souvent vu le jour dans des pays de libre immatriculation, où la simplicité d’enregistrement n’a d’égale que la facilité de dissolution. Cette pratique armatoriale n’est pas, pour autant, déclarée illégale en elle-même. Il s’agit, oserait-on dire, grâce au développement de notions fonctionnelles, de gérer au mieux les risques encourus par l’entreprise. La loi française du 11 juillet 1985 portant création de l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée181, en autorisant une société mère, à détenir autant de filiales à 100 % qu’elle le désire, ne consacre-t-elle pas elle-même le morcellement de la personnalité morale et, par là-même un cloisonnement de patrimoine ? Bien que leur fondement soit différent, les deux pratiques débouchent sur un même résultat. Les différentes sociétés apparaissent comme autant de sociétés juridiquement autonomes. Aux avantages procurés par la concentration de capitaux, la constitution d’une « société à un seul navire » ajouterait ceux de la limitation des risques182.
83175. Toutefois, force est de constater que les montages destinés à créer des Single Ship Companies n’auraient pas toujours les vertus des formes. Nombre d’entre eux couvriraient en réalité des situations de fraude. Ainsi le droit des sociétés serait soupçonné de nuire à la « traçabilité patrimoniale ». Les single ship companies permettent, en effet, aux véritables propriétaires de conserver l’anonymat. En créant autant de sociétés qu’il possède de navires, l’armateur cloisonne les risques inhérents à l’exploitation de chaque navire à la valeur de celui-ci. Si d’aventure l’un d’eux vient à sombrer, les créanciers de la société dont il constitue l’actif principal, sont le plus souvent condamnés à recueillir une « coquille vide ». Insolvables, les single ship companies le deviennent dès que disparaît l’unique navire qu’elles exploitent. Assurées de ne pas perdre grand chose, elles se montrent d’autant moins diligentes183. Ainsi conçue, cette pratique ne pouvait pas manquer d’être sanctionnée par la jurisprudence maritime.
84176. Destinée à protéger les tiers, la théorie civiliste de l’apparence184 peut, dans certaines hypothèses, priver les armateurs des effets recherchés. L’apparence produit des effets à l’égard des tiers lorsque deux éléments sont réunis, un élément matériel comportant tous les signes extérieurs de la situation véritable, un élément psychologique constitué par l’erreur commise. Appliquée aux Single ship companies, cette théorie permet à un créancier victime d’une erreur légitime suscitée par une apparence trompeuse d’invoquer la confusion ou le décloisonnement des patrimoines de sociétés a priori autonomes. Pratiquement, le créancier floué peut solliciter la saisie conservatoire d’un navire appartenant à la société A pour garantir les dettes de la société B. Le créancier présumé doit établir, pour qu’il soit fait droit à sa demande, que le débiteur185 s’est comporté comme le véritable propriétaire. Les Single Ship Companies d’un groupe sont donc comparables à des « compagnies de papiers »186. Le seul fait de constituer une société de ce type ne suffit plus à former un écran entre le véritable propriétaire et ses navires. Toutefois, force est d’admettre qu’une telle solution juridique n’a pu être acquise que grâce à la particulière réactivité des juridictions. Celles-ci n’ont, en effet, pas hésité à percer le voile de la personnalité morale.
3. La réactivité des juridictions : le perçage du voile de la personnalité morale187 (l’exemple de l’Amoco Cadiz)
85177. La propriété du navire est souvent non apparente. Cela ne constituerait pas, du moins si l’on s’en tient aux grands naufrages pétroliers, un obstacle à l’identification du propriétaire. Il semblerait, en effet, qu’il soit toujours possible, de remonter jusqu’aux véritables propriétaires. Un tel résultat ne peut toutefois être atteint qu’au prix de lourdes investigations judiciaires et d’audacieuses « acrobaties juridiques ». Les Conventions CLC et SNPD, nous l’avons vu, tiennent pour responsable la société enregistrée en qualité de propriétaire. Aussi, la responsabilité de toute autre personne qu’elle, quand bien même, celle-ci exercerait le contrôle de la société propriétaire, doit être a priori écartée. Certes, es qualité de propriétaire, ladite société aura pris soin de souscrire une assurance188 garantissant sa solvabilité. Quid, si elle se révélait finalement, insolvable ? Les magistrats sont-ils, de facto, autorisés à percer189 le voile de la personnalité morale ? Si la saisie d’un navire appartenant à la même société semble envisageable, peut-on envisager d’étendre son assiette à un navire associé, c’est-à-dire immatriculé au nom d’une autre société, le plus souvent une Single Ship Company, avec qui elle entretiendrait d’étroites relations ?
86178. A l’évidence, la solution a longtemps varié selon que l’on se trouvait Outre-Atlantique ou non. En dehors des États-Unis, on a longtemps considéré que la concentration des sociétés ne devait pas affecter l’autonomie juridique de chacune d’entre elles190. Cela pouvait se comprendre. Une société même, lorsqu’elle appartient à un groupe, reste une entité dotée d’une personnalité morale propre. Une société mère ne peut donc a priori engager sa responsabilité pour le fait de ses filiales, même détenues majoritairement par elle191.
87179. Assez répandue, eu égard, aux avantages qu’elle procure, cette technique dite des « sociétés-écrans » est une application très concrète, des montages permis par le droit des sociétés. Grâce au cloisonnement entre sociétés d’un même groupe, une société mère peut, avec le concours de ses filiales, organiser son insolvabilité. Nul ne s’étonnera, alors, que les grandes pollutions accidentelles aient toujours été l’œuvre de filiales juridiquement distinctes de leur société mère, et, le plus souvent, implantées à l’étranger. Cela était, toutefois, sans compter sur l’initiative des tribunaux américains qui n’ont eu de cesse de démanteler les montages juridiques, aussi sophistiqués soient-ils. En effet, aux termes de la jurisprudence nord-américaine192 : « une société mère peut être reconnue responsable des actes dommageables d’une filiale lorsqu’elle exerce sur cette dernière une domination ou un contrôle qui la subordonne indûment à ses propres intérêts. Cette responsabilité peut avoir pour fondement les modalités d’organisation, de direction et d’exploitation de la société. Une société mère peut utiliser abusivement le droit de constituer une société lorsqu’elle crée une filiale aux fins d’échapper aux dispositions de la loi ou à des fins illicites ».
88180. Parce que le contentieux qui a suivi l’échouement de l’AmocoCadiz193 nest un parangon en son genre, nous axerons nos développements sur cette décision judiciaire194. Le navire pollueur était immatriculé au nom d’une société libérienne Amoco transport, ayant son siège social aux Bermudes. Cette société était une filiale d’Amoco International Oil Company (AIOC), elle même filiale de la Standard Oil of Indiana (ci-dessous désignée par Standard Oil), le siège de ces deux sociétés se trouvait aux États-unis. AIOC était une filiale à 100 % de la Standard Oil. Les actions d’Amoco Transport étaient indirectement détenues par Standard Oil par l’intermédiaire de tout un réseau de filiales à 100 %. La Standard oil était le premier groupe pétrolier américain et la 8ème compagnie pétrolière mondiale par son chiffre d’affaires195.
89181. Pour déclarer la Standard oil responsable, le juge Mac Garr va se livrer à un examen minutieux des intérêts en présence196. Il n’existe, en effet, ni responsabilité automatique, ni position de principe s’agissant de la responsabilité d’une société mère du fait des agissements de ses filiales197 aux États-Unis. Le juge va d’abord constater que le contrôle exercé par Standard Oil sur ses filiales AIOC et Amoco Transport était tel que ces entités ne pouvaient pas être considérées que comme des simples instruments au service de la Standard Oil. Cette dernière, note-t-il avait « personnellement » contrôlé la conception, la construction, l’exploitation, de l’Amoco-Cadiz et considérait ce navire comme sa propriété. Aussi, en toute logique, elle devait répondre non seulement de ses propres fautes, mais aussi de celles d’AIOC et d’Amoco transport s’agissant de l’exploitation, de l’entretien et de la qualité de l’équipage. Les compagnies AIOC et Amoco Transport contribuaient toutes deux, à leur niveau, à la réalisation de l’objet social de Standard198, maison mère. Elles ne pouvaient pas prendre de décision autonome sur certains sujets sans avoir au préalable recueilli l’autorisation de la Standard199. Aussi, on ne s’étonnera pas qu’en qualité de société multinationale intégrée, engagée par l’intermédiaire d’un système de filiales, dans l’exploitation, la production, le raffinage, le transport et la vente de produits pétroliers dans le monde entier, Standard ait été déclarée responsable des actes délictueux d’AIOC et d’Amoco Transport, filiales totalement possédées par elle, entièrement dévouées à sa cause200, en d’autres termes susceptibles d’être considérées comme son alter ego.
90182. L’affaire de l’Exxon-Valdez n’aura pas laissé aux magistrats le loisir d’utiliser une nouvelle fois cette technique de démantèlement des montages juridiques. La redoutable efficacité du mécanisme aura sans doute convaincu la compagnie pétrolière de prendre les devants en offrant spontanément aux victimes une substantielle indemnisation201. Après l’adoption de l’OPA202, aucune espèce n’aura motivé qu’on y ait recours.
91183. Si le Droit français a longtemps récusé ce mode de raisonnement, il semblerait qu’il n’y soit plus opposé. La confusion entre patrimoines au sein d’un même groupe de sociétés y est parfois reconnue, ainsi que l’apparence consacrée à partir d’indices familiers du droit maritime203. Si cette initiative marque un rapprochement avec le système américain, celui-ci continue de se singulariser en retenant plusieurs critères d’imputation de la responsabilité. Peut-on y voir l’assurance d’une efficacité accrue ?
§ 2. La multiplicité des critères d’imputation de la responsabilité dans la législation américaine : l’assurance d’une efficacité accrue ?
92184. Le dispositif conventionnel international gagne à être comparé au système fédéral américain. Les développements qui vont suivre, plus que de présenter un synopsis du droit positif outre-atlantique, se proposent d’engager une réflexion sur l’opportunité de retenir tel ou tel critère d’imputation de la responsabilité plutôt que tel ou tel autre. Souvent considéré, à tort ou à raison, comme un modèle de perfection par l’opinion publique, le parangon américain offre une grille d’analyse critique pour qui souhaite mieux comprendre les imperfections du système international. Toutefois, il convient d’emblée de souligner que la législation fédérale incarnée par l’OPA reconnaît aux États formant la fédération le droit d’imposer des « responsabilités supplémentaires »204. Et nul doute que les États ont usé abondamment de cette possibilité, au point parfois d’aller jusqu’à remettre en cause l’économie de la loi fédérale. Si nous entendons mettre en évidence ces régimes particuliers au gré de nos développements, ces derniers seront toutefois axés sur la loi fédérale. L’OPA paraît se distinguer du régime international en ce qu’il consacre un élargissement confiné de la notion de partie responsable (A). Cet élargissement doit beaucoup à la prise en considération de la notion de contrôle (B).
A. Un élargissement confiné de la notion de « partie responsable »
93185. Les termes d’élargissement et de confinement paraissent au premier abord antinomiques. En ce sens, leur association pourrait se révéler maladroite. Pourtant un tel jugement serait hâtif. Car, si la loi américaine de l’OPA paraît élargir la notion de partie responsable, en retenant la responsabilité des exploitants du navire (1), des tiers- parties (2), elle s’abstient de retenir celle des propriétaires de cargaisons (3).
1. L’exploitant, responsable au même titre que le propriétaire
94186. Le droit fédéral américain choisit d’imputer une responsabilité conjointe et solidaire en cas de dommages ou de simple menace de pollution à « toute partie responsable d’un navire duquel se déverse du pétrole dans ou sur les eaux navigables ou les rivages adjacents ou la zone économique exclusive »205. Plus précisément, par partie responsable, il faut entendre « toute personne possédant, exploitant, ou affrétant coque- nue le navire »206. Le système américain recense deux grandes catégories de responsables. Outre la responsabilité du propriétaire, il consacre celle de l’exploitant ou affréteur coque-nue du navire. La notion de propriétaire de navire ne se démarquant pas de celle retenue par le système conventionnel, elle n’appellera pas ici de commentaire particulier.
95187. Le concept anglo-saxon d’operator, que nous traduirons par exploitant mérite lui, en revanche, d’être précisé. Le terme apparaît pour la première fois dans le Federal Water pollution Control Act (ci-après désigné par son abréviation FWPCA) de 1972. Si cette loi n’en fournit aucune définition, des règlements publiés par les garde-côtes américains en vue de la mise en œuvre de l’OPA sont plus explicites. C’est manifestement une conception large de l’operator qu’il convient de retenir. La définition de l’exploitant doit inclure le constructeur, le réparateur, le caréneur, le bailleur, ou le vendeur responsable du navire ou qui accepte de l’être aux termes d’un contrat207. Une telle définition conduit toutefois à ne pas tenir pour parties responsables (responsible parties), tous ceux qui ne seraient pas totalement responsables des opérations du navire208.
96188. Cette définition peut être utilement complétée par la jurisprudence. Ainsi, dans l’affaire United States V. Mobil Oil Corporation209, on a pu considérer que l’exploitant était celui qui avait non seulement la capacité de faire découvrir à temps les déversements pétroliers mais aussi de diriger les activités des personnes exerçant la maîtrise des mécanismes à l’origine de la pollution. Cette personne aurait, en outre, la capacité de prévenir et de réduire le dommage. Cette interprétation semble avoir été confirmée dans l’affaire CPC Int’L, Inc. v. Aerojet General Corporation210. Aux termes de celle-ci, une partie qui assumerait la maîtrise d’une activité et qui ne la mènerait pas à bien, devrait supporter la responsabilité de toute pollution qui en résulterait. Dans ces deux espèces, la possibilité de contrôler l’activité paraît un élément déterminant pour retenir la qualification d’exploitant.
97189. C’est du reste cette particularité qui explique que seul l’affréteur coque-nue soit reconnu responsable par l’OPA211. A l’instar du propriétaire, celui-ci prend en main l’exploitation du navire pour une longue période. L’affrètement coque-nue peut être décrit comme une opération de « location » d’un navire non armé et non équipé, dans laquelle le propriétaire se contente de garantir la navigabilité du navire sans en assumer ni la gestion nautique212, ni la gestion commerciale213. L’affréteur coque-nue dispose donc virtuellement du même pouvoir que le propriétaire pour prévenir la pollution. On s’expliquera dès lors que la loi française214 mettant en œuvre la Convention CLC choisisse, tout comme cette dernière, d’assimiler l’affréteur coque-nue au propriétaire lorsqu’il s’agit de responsabilité.
98190. Quid des autres catégories d’affréteurs ? A priori non nommément désignés par le dispositif conventionnel ou même l’OPA, ils ne sauraient être responsables de plein droit. Ne faut-il pas alors considérer qu’il s’agit là d’une erreur regrettable ? La question mérite d’être posée. Le concept d’affréteur, on le sait, n’est pas une figure juridique monolithique. Aussi, c’est sans doute de l’examen de l’étendue des pouvoirs de chacune des catégories d’affréteurs que pourrait émerger un début de réponse.
99191. Les affréteurs à temps « louent » le navire équipé et armé pour un laps de temps déterminé215. Pendant cette période, le navire, est à la disposition de l’affréteur et placé comme tel sous ses ordres, du moins s’agissant de la gestion commerciale. Pour la gestion nautique, elle peut être partagée. Ainsi, si le capitaine et l’équipage restent préposés de l’armateur, ils peuvent être placés sous la surveillance et les ordres de l’affréteur. Ce dernier assume seul les frais d’exploitation. Les combustibles de soute considérés comme une source majeure de pollution, lui appartiennent. S’il peut contribuer à prévenir la pollution, c’est donc soit en faisant preuve de précaution dans le choix du navire, soit en donnant au capitaine des instructions pour l’exploiter au mieux. Les affréteurs au voyage peuvent également espérer œuvrer en faveur de la prévention de la pollution mais dans une proportion largement moindre, puisqu’ils n’ont pas la gestion nautique du navire. Leur contribution à la prévention de la pollution se limite donc à un choix précautionneux du navire, ou à la possibilité d’insérer des clauses particulières à cet effet dans la charte-partie.
100192. Ainsi même limitées à la portion congrue, ces deux catégories d’affréteurs peuvent contribuer à la prévention de la pollution. A l’évidence en choisissant un navire peu sûr, battant le plus souvent un pavillon de pacotille216, ils font très directement courir un risque à l’environnement marin. Dès lors, ne conviendrait-il pas pour les inciter à plus de rigueur, de les déclarer responsables de plein droit au même titre que le propriétaire ? Cette possibilité n’a pas manqué d’être évoquée aux lendemains de la catastrophe de l’Erika. « Source de complexité inutile », cette solution n’a pas été retenue. Elle aurait notamment supposée la mise en place d’un dédoublement de la responsabilité. Cette dernière n’aurait pu elle-même se concevoir sans un dédoublement des plafonds de responsabilité217. Aussi l’actuel système, en ce qu’il prévoit la participation financière conjointe des affréteurs à temps et au voyage aux côtés du propriétaire de navire, paraît devoir être préféré parce que résolument plus pragmatique218.
101193. Une autre spécificité de l’OPA réside dans la possibilité de retenir la responsabilité d’un tiers. Comment définir cette notion, comment l’apprécier ?
2. Le tiers potentiellement responsable : notion et appréciation
102194. Si elle traduit une particularité du système américain, l’éventuelle présence du tiers219 aux côtés du propriétaire et de l’exploitant, sur le banc des « responsables » n’est pas une innovation de l’OPA. Il s’agit d’un legs du Federal Water Protection Control Act (désigné ci-après par son acronyme FWPCA). Aux termes de cette loi américaine220, le tiers doit être considéré comme une partie responsable à part entière, toutes les fois que son acte aura été la cause unique du déversement des hydrocarbures. Il n’est nul besoin pour cela qu’il ait commis une faute. Les deux « responsables présumés » que sont propriétaire et exploitant devront à cette fin établir que l’accident a été intégralement et exclusivement causé par un acte ou une omission du tiers221. Lorsque ce tiers n’aura fait que contribuer à la réalisation de l’accident, sa responsabilité au sens du texte précité ne pourra être engagée mais elle continuera de l’être en vertu de la Common Law.
103195. Qui peut être considéré comme tiers ? De toute évidence, l’OPA ne saurait attribuer cette qualité aux préposés, mandataires voire même aux partenaires contractuels222 du navire pollueur. Les affréteurs à temps ou au voyage n’appartiennent donc pas à cette catégorie. Un sort identique devrait être réservé aux chantiers navals qu’il s’agisse d’activités de construction ou de réparation. A défaut d’indication explicite dans le FWPCA, seule la jurisprudence est susceptible de fournir quelques indications s’agissant de l’identité du tiers. Ainsi, dans une affaire US v. Lebeouf Bros Towing. co223, une Cour d’appel a pu refuser la qualité de tiers à un remorqueur, alors même que ce dernier n’était pas placé sous le contrôle du navire pollueur au moment de l’accident. Ainsi un navire abordeur pourrait être considéré comme un navire tiers, parce que totalement étranger au navire pollueur avec qui il serait rentré en collision.
104196. Toutefois, en dépit d’une responsabilité avérée des tiers, les propriétaires ou exploitants du navire, réputés plus solvables, devraient être seuls à supporter dans un premier temps les dommages de pollution. Il leur sera toutefois par la suite permis de récupérer une partie des sommes déboursées en demandant à être subrogés dans le droit des victimes.
105197. Bien que moins sélective, force est de constater que l’approche américaine ne consacre pas une extension massive des catégories de personnes susceptibles de répondre automatiquement des dommages de pollution. Toutefois cela est sans compter sur la législation des États fédérés. Ainsi le droit de l’État du Texas (Water Code) permet-il d’inclure dans la catégorie des parties responsables toute personne qui autorise ou permet une pollution par hydrocarbures. On trouve une définition similaire dans la législation de l’État de Floride et dans celle de l’État du Maine. L’État de l’Alaska paraît encore aller plus loin en tenant pour responsable toute personne propriétaire du produit à l’origine de la pollution, ce que se refuse à faire la loi fédérale à l’instar du régime international. Or précisément, ne faut-il pas voir dans l’impunité du propriétaire de la cargaison une anomalie ?
3. L’impunité du propriétaire de la cargaison : une anomalie ?224
106198. Si le propre des catastrophes est de stimuler l’imaginaire collectif, les marées noires n’échappent pas à la règle. L’opinion publique de croire à une efficacité accrue du régime américain en ce qu’il tiendrait pour responsable de plein droit les propriétaires de cargaisons. Cette conviction, à de rares exceptions225 près, est parfaitement erronée. Il existe, en la matière, une convergence de vue. En effet, de part et d’autre de l’Atlantique, le propriétaire de la cargaison ne saurait être tenu responsable de plein droit226. Faut-il alors voir dans cette solution juridique un paradoxe que le bon sens populaire n’aurait pas manqué de relever ? La question mérite d’être posée.
107199. Selon un raisonnement que ne renierait pas La Palice, si un industriel n’avait jamais commandé pour les besoins de son activité le transport par voie maritime de marchandises dangereuses ou polluantes, des dommages n’en seraient jamais résultés227. Il parait donc équitable de mettre à la charge de celui qui commande le transport, l’obligation d’indemniser. Le Pr M. Rémond-Gouilloud228 d’ajouter « qu’il serait tout à fait légitime d’instaurer une coresponsabilité des acteurs du transport maritime ». Les risques accrus de ce mode de transport ont pour contrepartie un moindre coût, et le chargeur est mal venu de se plaindre, car il ne saurait gagner à la fois sur le prix et sur la sécurité. Pis encore, une telle solution pourrait conduire aux pires excès. En l’absence de toute co-responsabilité, certains propriétaires de cargaison, également affréteurs de pétroliers, ne seraient pas incités à choisir des navires de qualité229, mais des navires de deuxième classe appartenant à des sociétés plus ou moins fictives230.
108200. Or si, en tout état de cause, la propriété apparaît comme un point d’ancrage de la responsabilité particulièrement opportun, il ne fait aucun doute que deux liens de propriété sont envisageables ; celui qui unit le propriétaire à son navire d’une part, celui qui unit le propriétaire à la cargaison, d’autre part. C’est de la prise en considération de ce second lien qu’aurait pu naître la responsabilité du propriétaire de la cargaison. Pourquoi le législateur en a-t-il jusqu’à présent toujours décidé autrement ?
109201. Force est d’admettre qu’il a d’abord paru hésiter. Lors des travaux préparatoires de la Convention CLC sous l’impulsion de la délégation irlandaise, il avait été suggéré d’imputer la responsabilité de la cargaison, tout en lui accordant un recours contre le navire en cas de faute. La proposition était motivée par l’argument suivant : le phénomène de pollution engendré par la cargaison est un risque inhérent au transport d’une marchandise spécifique, et non au transport proprement dit. Le propriétaire de la cargaison est la personne la plus solvable. S’agissant de l’émergence d’un nouveau risque industriel, seul son créateur devrait pouvoir être déclaré responsable de plein droit, le navire ne devrait être sollicité, selon la tradition juridique maritimiste qu’en cas de faute. L’idéal selon cette thèse aurait donc été de faire peser la responsabilité sur le chargeur, tout en présumant le propriétaire du navire comme tel, mais en lui permettant de désigner une autre personne231. Dans le projet de loi OPA préparé par la Chambre des représentants, une responsabilité secondaire était directement imposée au propriétaire de la cargaison d’hydrocarbures232. Jugée finalement désastreuse pour les petites compagnies pétrolières, elle a été supprimée.
110202. Des questions identiques n’ont pas manqué de se poser lors des discussions précédant l’adoption de la Convention SNPD. Dès 1976, le Comité juridique de l’OMCI avait fait valoir que les intérêts liés à la cargaison233 étaient ceux qui tiraient un avantage économique du commerce de SNPD ; en conséquence de quoi, leur responsabilité devait être retenue. En effet, selon une analyse désormais classique, si l’armateur crée un risque en faisant naviguer ses navires, la nature de la substance, surtout quand elle est dangereuse, reste la cause véritable des dommages234. Transportée dans des conditions normales, une cargaison de pétrole n’est pas intrinsèquement dangereuse, elle ne le devient qu’à la faveur des circonstances235. L’absence de conditionnement particulier conforte ce caractère inoffensif. L’emballage se résume à la cale c’est-à-dire à un élément constitutif du navire auquel doit veiller le propriétaire du navire. Les substances nocives et potentiellement dangereuses, sont à la différence le plus souvent emballées sous le contrôle du chargeur et convoyées par des navires choisis par lui sans que soient fournies de réelles informations à l’armateur sur la nature des cargaisons236. L’intérêt qu’il pourrait y avoir à rendre responsables de plein droit les propriétaires de cargaison est patent. Comment, dès lors expliquer, que la solution n’ait jamais été retenue ?
111203. Cette solution pourrait d’abord être jugée par trop contraire à la conception juridique française de la garde237. Ne peut être considéré a priori gardien que celui qui peut exercer un contrôle sur la chose. Or, en confiant sa marchandise, le propriétaire de la cargaison perd, par la même, tout moyen de contrôle238. Seul le propriétaire de navire exerce alors la garde. Lui seul a la possibilité d’intervenir pour éviter l’accident239. L’argument de type préventif n’est pas le seul ; des raisons tenant à l’identification du propriétaire sont aussi à prendre en considération. Dans de nombreuses hypothèses, il aurait été beaucoup trop difficile d’identifier le propriétaire de cargaisons. Les opérations documentaires sur les marchandises transportées sont fréquentes Elles emportent fractionnement des droits de propriété sur la cargaison entre plusieurs personnes. En effet, bien souvent, la propriété de la cargaison est transférée soit dès le chargement du navire, soit à son arrivée à destination, soit encore en cours de voyage. La cargaison change donc plusieurs fois de propriétaires. L’existence de telles pratiques dans le commerce maritime a été rappelée à l’occasion de l’affaire de l’Erika240. Aussi, force est d’admettre que la mise en œuvre de la responsabilité du propriétaire de la cargaison pourrait être gravement perturbée par la difficulté qu’il y a à l’identifier241.
112204. S’agissant plus spécifiquement des Substances Nocives et Potentiellement Dangereuses, l’Industrie chimique par la voie du Conseil Européen des Fédérations de l’industrie Chimique242 a fait valoir qu’il était vain d’attendre de l’éventuelle responsabilité des chargeurs quelque effet prophylactique. En effet, compte tenu des pratiques maritimes actuellement en vigueur, les intérêts de la cargaison ne pourraient contrôler que très difficilement la qualité des navires de ligne appelés à transporter ce type de cargaison. Les accords armatoriaux, consortia ou conférences, seraient tels, que les chargeurs ne seraient jamais assurés de voir transporter leurs marchandises sur le navire retenu par leur soin. En effet, sans en prévenir les chargeurs, les armateurs se réserveraient le droit, soit de sous-affréter les navires, soit de transborder la marchandise sur des navires inconnus d’eux en fonction des dessertes sollicitées243.
113205. Si ce sont là des raisons très officielles motivant l’abandon de la responsabilité du propriétaire de la cargaison, il en existerait d’autres plus officieuses que n’a pas manqué de souligner le Pr GOLD244. Selon cet auteur, il faudrait voir dans ce statut extrêmement favorable, la marque de la particulière efficacité des lobbies. L’examen des travaux préparatoires de la Convention paraît très nettement corroborer cela.
114206. Le naufrage de l’Erika n’a pas remis en cause cette impunité245. La Commission européenne a elle été chargée par le Conseil d’une étude sur la responsabilité du chargeur. La problématique de cette recherche est claire. Il s’agit de se demander si le chargeur, en cas d’accident, ne devrait pas voir sa responsabilité engagée toutes les fois qu’il aura eu recours à un navire sous-normes. L’objectif final est tout aussi lisible : obtenir à terme une révision de la politique d’affrètement en cours, car derrière chaque navire sous-normes sommeille un chargeur sous-normes246. L’une des difficultés principales que devrait rencontrer la Commission si elle optait pour une co-responsabilité des deux maillons extrêmes de la chaîne serait d’en fixer les conditions. Seule la preuve du manque d’information en temps réel et/ou l’incapacité démontrée de peser sur le choix du navire pourrait exonérer les chargeurs247. En définitive, dans ce projet, il semblerait que l’on retienne plus l’idée d’une présomption simple de responsabilité. Comme telle, elle pourra être combattue par les chargeurs par une preuve contraire. Cette étude ne semble pas devoir révolutionner l’état du droit positif. Elle ne s’oriente pas vers la consécration d’une responsabilité de plein droit du propriétaire de la cargaison. Cette dernière solution risquerait de générer plus de difficultés procédurales qu’elle n’en résoudrait248. Or, l’important n’est-il pas de « choisir le moyen le plus commode pour acheminer le montant des dommages et intérêts aux victimes de pollution »249. Evoquer l’idée d’une co-responsabilité entre armateur et chargeur reviendrait donc plus à constater que les intérêts liés à la cargaison sont associés à la réparation par le biais de leur contribution au second niveau d’indemnisation. Responsable à titre personnel, le propriétaire de cargaison le sera toujours pour faute. Responsable de plein droit, il pourra l’être, aussi, mais à condition toutefois de cumuler cette première qualité avec celle d’affréteur coque-nue. A l’évidence, une telle solution semble nettement participer de la volonté de mettre à profit les opportunités offerte par une acception large de la notion de contrôle.
B. Les opportunités offertes par une acception large de la notion de contrôle
115207. Le critère d’exploitation est imprégné par l’idée de contrôle. Celui-ci est d’ordre opérationnel pour le shipmanager (1), d’ordre financier pour le banquier (2).
1. Le contrôle opérationnel et le sort du shipmanager
116208. L’examen du contenu des fonctions de shipmanager (a) suffit à lui seul à mettre en évidence l’importance des fonctions exercées par cet opérateur maritime. Sur le plan juridique, nul doute que ce rôle-pivot a encouragé l’assimilation du shipmanager au propriétaire (b), s’agissant des responsabilités susceptibles d’être exposées à l’occasion d’une pollution.
a) Le contenu des fonctions de shipmanager
117209. Recourir au shipmanagement, c’est avant tout rationaliser l’exploitation du navire. Par l’entremise de cette technique, le propriétaire du navire renonce à exploiter personnellement son navire250. L’objectif de la manœuvre est variable. Tantôt l’armateur a recours à un shipmanager parce qu’il ne peut ou ne veut plus assurer lui-même certaines prestations, tantôt il espère réaliser par ce biais de substantielles économies251. Implantées le plus souvent dans des paradis fiscaux, les sociétés de shipmanagement peuvent être classées en deux catégories. Les premières gèrent, au sein d’un groupe, les navires détenus par les single ship companies, les secondes indépendantes exploitent des navires confiés à elles par des tiers propriétaires de navire. Dans un cas comme dans l’autre, la société de shipmanagement fait office d’écran entre le propriétaire et les tiers. De la simple fourniture de l’équipage252 à la gestion complète du navire en passant par la gestion technique, le shipmanager est un prestataire de « services multicartes ». La gestion technique du navire comprend l’embauche d’un personnel qualifié et plus généralement toutes les tâches afférentes à la navigabilité du navire. Dans cette hypothèse, la gestion du navire est divisée : le propriétaire conserve la gestion commerciale et se décharge de la gestion nautique sur le shipmanager. A la différence, la gestion complète du navire aux termes de laquelle le shipmanager prospecte les marchés, conclut les contrats d’affrètement et de transport, gère les opérations de vente ou d’achat du navire confère à ce dernier la qualité d’exploitant, mais au nom et pour le compte de l’armateur. Supposé agir sur les instructions du propriétaire, le shipmanager est considéré comme un mandataire. Intervenant au nom et pour le compte du propriétaire, la société de shipmanagement n’est pas partie au contrat conclu par le propriétaire avec les tiers. Aussi, aux fins de les informer de cette situation, toute signature de contrat doit être précédée par la mention as agent only. Il n’en reste pas moins que l’importance des fonctions exercées par le shipmanager emporte une conséquence très directe sur le plan juridique, son assimilation au propriétaire de navire s’agissant de la responsabilité.
b) Les conséquences des fonctions exercées : l’assimilation du shipmanager au propriétaire
118210. Le shipmanager fait souvent figure d’armateur apparent. Quiconque connaît la difficulté qu’il y a, à identifier le véritable armateur, comprendra l’intérêt d’une action contre celui qui a le profil de l’armateur sans en avoir la qualité.
119211. En dépit de cela, le dispositif conventionnel élaboré par l’OMI en 1969 n’a pas jugé utile de reconnaître es qualité le shipmanager. En déclarant automatiquement responsable le propriétaire de navire, il paraît, il est vrai, vouloir épargner les autres opérateurs. A la vérité, la Convention CLC de 1969253 ne s’opposerait pas à ce qu’une action soit exercée contre une compagnie de shipmanagement254, hypothèse mise à part où celle-ci pourrait être considérée comme un employé ou un agent du propriétaire. Peut-on, pour autant, admettre qu’une société de shipmanagement indépendante, c’est-à-dire qui ne fournirait des prestations que pour le compte du propriétaire de navire, puisse bénéficier d’autant de faveurs ? Le doute est permis à la lecture des travaux préparatoires. Dans l’esprit des rédacteurs, il faudrait placer sous l’appellation mandataires et préposés : le capitaine, les membres de l’équipage, et plus généralement les personnes physiques incapables de supporter de telles responsabilités financières255. C’est cette solution que consacre le juge Mc Garr dans la décision Amoco-Cadiz256.
120212. Le Merchant Shipping Act 1995257 exclut, lui, toute action en cas de dommages de pollution contre le shipmanager ou l’exploitant du navire, à moins que le dommage ne résulte de leur fait ou leur omission personnels, commis avec l’intention de provoquer un tel dommage, ou commis témérairement et avec conscience qu’un tel dommage en résulterait probablement258. A l’évidence, ce n’est pas une responsabilité de plein droit que consacre ainsi l’Act chargé de transposer dans l’ordre juridique interne britannique l’article 4 du Protocole de 1992 à la Convention CLC. Une telle disposition ne saurait toutefois faire obstacle à l’exercice d’une action récursoire.
121213. En rendant responsable toute personne possédant, exploitant ou affrétant coque-nue un navire, l’OPA ne dit mot du shipmanager. Toutefois, eu à égard à la nature de ses fonctions259, cet opérateur semble pouvoir appartenir à la catégorie des operators ou exploitants ; du moins, lorsqu’il aura exploité le navire au moment de l’accident. Néanmoins, ceci ne se vérifie que pour le manager technique chargé de diriger les manœuvres et d’assurer l’équipement du navire. Seul lui, en effet, exerce un plein pouvoir de surveillance sur le navire au sens de l’OPA et du CERCLA260, équivalent entre autres261 de l’OPA pour les substances nocives. Sa responsabilité ne saurait donc être discutée à la différence de celle du manager commercial. Ce dernier affrète le navire, programme ses mouvements, approvisionne ses soutes et supervise les opérations de chargement et de déchargement. Ce faisant, le contrôle qu’il est susceptible d’exercer sur le navire est manifestement insuffisant pour lui conférer la qualité d’operator262 au sens des textes sus-mentionnés.
122214. La responsabilité de l’exploitant est encore évoquée de manière indirecte par la clause 12 du Shipman Standard Shipmanagement Agreement263 laquelle prévoit que le navire est exploité par les shipmanagers. Une autre clause 2.3 x précise que les managers exploiteront le navire en qualité d’agent et pour le compte des propriétaires. Malgré une référence explicite aux agents dans cette dernière clause, le principe de la responsabilité du shipmanager aux termes de l’OPA 90 semble acquis, quand bien même il n’agirait qu’en qualité d’agent. Il suffirait pour cela que l’agent exploite le navire et que son manager puisse être considéré comme l’exploitant264. Propriété et exploitation étant aujourd’hui le plus souvent séparées, on peut même penser que les tribunaux américains choisiront de sanctionner le shipmanager, sans même prendre le soin d’identifier au préalable le propriétaire.
123215. La communauté maritime internationale ne semble pas désavouer cette solution. A travers la résolution A 741 de l’OMI265 relative au Code international de gestion pour la sécurité de l’exploitation des navires et la prévention de la pollution, dit Code ISM, elle affiche sa volonté d’assimiler l’exploitant au propriétaire. Dans sa définition du terme compagnie, la résolution assimile l’armateur gérant et l’affréteur coque-nue au propriétaire. Le terme compagnie y désigne le propriétaire du navire ou tout autre organisme ou personne, tel que l’armateur-gérant ou l’affréteur coque-nue, auquel le propriétaire a confié la responsabilité de l’exploitation du navire et qui en, assumant cette responsabilité s’acquitte des tâches et des obligations imposées par le Code. La résolution précise, en dernier lieu, que si l’exploitation du navire est confiée à une personne autre que le propriétaire du navire, ce dernier doit faire connaître à l’administration le nom complet et tous les détails utiles la concernant. La personne dont le propriétaire pourrait avoir à révéler l’identité peut être une société de shipmanagement. Parce que les shipmanagers occupent ou partagent les fonctions des armateurs traditionnels, on ne saurait finalement s’étonner qu’ils soient tenus responsables au même titre et dans les mêmes conditions que le propriétaire de navire. Quid maintenant des banquiers ou des actionnaires qui, à défaut d’un contrôle opérationnel, peuvent avoir un contrôle financier sur des navires susceptibles d’être impliqués dans des pollutions ?
2. Le contrôle financier et le sort réservé aux banquiers et actionnaires
124216. Sans l’entremise de groupes financiers, la plupart des grandes compagnies d’armement n’auraient jamais pu faire construire leur flotte. En investissant le monde du shipping, les établissements de crédit s’improviseraient presque armateurs, à cette particularité près, qu’ils n’ont jamais entendu exercer la gestion ni nautique, ni même commerciale du navire. Toutefois parce que toute opération de financement présente un risque non négligeable, ils ne sauraient y consentir sans avoir pris au préalable un certain nombre de garanties. Lorsque le navire n’est pas simplement gagé, sa construction est financée au moyen d’un contrat de crédit- bail. Ainsi le banquier pourra conserver à titre provisoire la propriété du bien mobilier dont il aura financé la construction.
125217. Le navire achevé, il sera proposé à l’affrètement coque- nue à un « armateur de métier » désireux tant de l’exploiter, que d’en devenir à terme, propriétaire. En se prémunissant contre le risque d’insolvabilité, le financier, fort de son titre de propriété, court également le risque de devoir en supporter la charge. Ainsi rien ne paraît s’opposer à ce que le banquier en qualité de propriétaire du navire puisse engager sa responsabilité. Nul doute de surcroît que la tentation pourrait être d’autant plus grande que les établissements de crédit constituent des responsables attrayants tant en termes de solvabilité266 que d’identification.
126218. La loi américaine CERCLA a vocation à régir les déversements accidentels de substances dangereuses à partir des navires. A l’instar de l’OPA, elle fait peser une responsabilité objective sur les propriétaires et les exploitants de navires. Pour savoir si de tels termes étaient susceptibles d’inclure des partenaires financiers, il convenait par conséquent de se reporter à la jurisprudence. En définitive, il ressort que les actionnaires majoritaires, les membres du conseil d’administration, ne sauraient, en principe, être personnellement responsables des dommages causés par la société dont ils détiennent la propriété, à la différence de ceux qui la dirigent. Il faudrait donc s’en tenir à une lecture littérale des dispositions de la loi, en recherchant si les personnes visées ont effectivement participé de près à l’exploitation de la société267.
127219. Toutefois, un arrêt, très remarqué, Fleet Factor268, a paru semer le trouble. Aux termes de cette espèce en effet, lorsqu’un établissement de crédit aura participé à la direction de la société de son débiteur à un degré tel qu’il aura pu avoir une influence sur la gestion par celle-ci des substances dangereuses, il pourra avoir la qualité de responsable au sens de la loi américaine. Dès lors, cela signifie que toutes les fois où il sera en mesure d’établir qu’il n’était pas pleinement associé, en l’occurrence, à la direction du navire, il pourra solliciter une exonération de responsabilité connue dans la loi américaine CERCLA sous le nom de secured creditor exemption.
128220. Par voie d’amendement introduit par le Asset Conservation Act de 1996, le législateur a cru bon de devoir préciser les comportements et circonstances dans lesquelles un prêteur pourra exposer sa responsabilité en qualité d’exploitant de navire. L’OPA269 ne prévoit pas une clause d’exemption similaire.
129221. Dès lors, deux solutions sont envisageables. D’une part, considérer que les bailleurs immatriculés propriétaires peuvent être déclarés responsables comme propriétaires en vertu de l’OPA, alors même qu’ils ne l’auraient pas été sous CERCLA, auquel cas on part du principe que la banque du prêteur participe systématiquement à la gestion directe du navire, et que sa responsabilité au titre d’opérateur ne peut pas être définitivement écartée270 ; d’autre part, considérer que le prêteur qui détient un titre de propriété mais qui n’intervient pas dans la gestion d’un navire ne peut être considéré comme un propriétaire à part entière.
130222. En l’absence de jurisprudence, certains commentateurs271 pensent que les tribunaux retiendraient une solution identique sous l’égide de l’OPA, étant entendu que cette loi reprend un certain nombre de dispositions de la loi CERCLA, et notamment une définition identique de la personne responsable. En d’autres termes, cela paraît signifier que les banques pourraient être considérées comme des propriétaires de navires à part entière, toutes les fois que par leur comportement, elles auront eu une influence déterminante sur sa gestion. S’agissant du sort de la société de shipmanagement qui serait appelée à gérer le navire pour le compte d’une banque, le doute ne devrait pas être permis, en qualité de mandataire, sa responsabilité pourrait être systématique.
131223. L’OPA s’inspire donc ici plus d’une philosophie environnementaliste que maritimiste. Retenant une conception résolument extensive du principe du pollueur-payeur272, il entend associer à l’effort de réparation le maximum d’agents économiques et, a priori, les plus solvables. Il n’en faut pas moins souhaiter que le congrès mette un terme à l’insécurité générée par l’absence de clause d’exemption en amendant l’OPA273. Une clause de ce style a d’ores et déjà été introduite dans la législation de certains États fédérés. Pareille initiative n’a pas été prise sur le plan international.
132224. La Convention CLC à défaut d’évoquer spécifiquement le sort du banquier, est particulièrement explicite s’agissant de l’identité de la personne responsable, il ne peut s’agir que du propriétaire du navire. Aussi peut-on penser qu’elle n’hésiterait pas à retenir la responsabilité d’un établissement financier qui aurait la qualité de propriétaire d’un navire pollueur, fût-ce dans le seul but d’en financer l’acquisition par un armateur de métier. Le droit communautaire paraît avoir définitivement écarté la possibilité de tenir pour responsable des simples bailleurs de fonds274.
133225. En choisissant de renoncer à imputer à faute la responsabilité en présence d’un élément de dangerosité, le législateur devait s’exposer à un cruel dilemme, celui du choix d’un nouveau critère d’imputation. Or la variété des critères choisis traduit à n’en pas douter la difficulté de cette tâche. A l’évidence, le législateur maritime international aura fait preuve d’originalité en choisissant le propriétaire. Toutefois il ne se sera pas véritablement démarqué de son homologue américain, qui bien que retenant une conception quelque peu plus large entend également se focaliser sur ce personnage. Le droit des États fédérés consacre quant à lui un élargissement sensible de la personne responsable aux fins de garantir au mieux le droit à réparation des victimes275.
134226. Reste qu’en retenant le principe d’une désignation automatique, le droit de la responsabilité consacre le déclin de la culpabilité dans son rôle de désignation du débiteur. En ce sens, on est fondé à se demander si la pré-désignation du propriétaire de navire comme responsable de la pollution n’emporte pas une « dégradation juridique du concept de responsable »276.
135227. Mais de toute évidence, il ne s’agit là que d’un poste avancé de la désincarnation de la responsabilité pour les besoins de la réparation des dommages de pollution. En effet, cette première initiative ne pourrait se comprendre en définitive que replacée dans une dynamique plus large, fondée sur la volonté de convertir les standards du droit maritime classique à une logique indemnitaire. Or précisément ne faudrait-il pas voir là le stigmate d’un gauchissement des règles de la responsabilité civile ?
SECTION 2. LA CONVERSION FORCÉE DU DROIT MARITIME À LA LOGIQUE INDEMNITAIRE, STIGMATE DU « GAUCHISSEMENT » DES RÈGLES DE RESPONSABILITÉ CIVILE EN PRÉSENCE DE POLLUTIONS MARITIMES
136228. Le législateur maritime, s’il s’était contenté de revoir le mode de désignation du débiteur de réparation aurait laissé son effort à moitié inachevé. Parce qu’il est sans doute vain de vouloir toucher une pièce de l’édifice sans en affecter l’allure générale, le régime de responsabilité pour pollution maritime pourrait procéder plus largement d’une conversion forcée du droit maritime à la logique indemnitaire. En ce sens à la différence du droit maritime classique il entendrait nécessairement se concentrer sur l’objectif de réparation (Sous-section 1), en ce sens encore il emporterait une révision globale de ses « standards » aux fins de servir au mieux cette nouvelle priorité (Sous-section 2).
137229. Plus largement il s’agira ici de convaincre de ce que ces différentes manipulations destinées à convertir le droit maritime classique à la logique indemnitaire pourraient avoir conduit à un gauchissement des règles de responsabilité civile.
SOUS-SECTION 1. UNE NÉCESSAIRE CONCENTRATION SUR L’OBJECTIF DE RÉPARATION
138230. Se concentrer sur un objectif c’est nécessairement courir le risque de laisser un autre, qui n’en serait pas moins essentiel, sur le bord du chemin, pour le servir au mieux. Or, à l’examen c’est pareille impression que pourrait produire la Convention CLC. Cette dernière en retenant à des fins purement curatives, systématiquement, la responsabilité du propriétaire de navire, sans même prendre le soin d’examiner son comportement aurait implicitement renoncé à une fonction essentielle de la responsabilité, la régulation des comportements, en l’occurrence armatoriaux (§ 1). Loin d’être arbitraire cette responsabilité concentrée sur l’objectif indemnitaire n’en serait toutefois pas dénuée de fondement (§ 2).
§ 1. La renonciation implicite à la fonction de régulation des comportements
139231. Nul ne saurait contester que la fonction de réparation est la plus évidente de la responsabilité ; la seule à laquelle le Code civil fasse expressément référence par le biais de l’article 1382277. Toutefois la responsabilité est également pressentie comme pouvant jouer un rôle non négligeable en termes de régulation des comportements. Or précisément, en renonçant à la culpabilité comme mode de désignation du responsable, le législateur maritime n’aurait-il pas condamné à un rôle purement résiduel les fonctions punitive et préventive de la responsabilité, pourtant si essentielles à cette fin ; sauf à considérer peut-être que la responsabilité sans faute, dite aussi de plein droit, bien que poursuivant un rôle essentiellement indemnitaire puisse elle aussi jouer ce rôle.
140232. Or si elle paraît le faire au premier abord (A), un examen plus attentif conduit plus sûrement à souligner ses déficiences dans l’exercice de cette fonction de régulation (B).
A. L’apparente fonction de régulation des comportements de la responsabilité de plein droit
141233. Si on admettait l’idée selon laquelle la responsabilité civile, en général, est un outil de dissuasion des comportements antisociaux (1), la responsabilité de plein droit qui pèse sur le propriétaire pourrait s’analyser comme un vecteur de responsabilisation autonome (2).
1. La responsabilité de plein droit, un outil de « dissuasion des comportements anti-sociaux »278
142234. Il est devenu traditionnel de considérer que la responsabilité de plein droit même en se concentrant sur l’indemnisation est dotée d’un pouvoir de dissuasion. Cette forme de responsabilité insisterait autant sur la notion de sanction, que sur ce qui n’en est que la modalité, à savoir la réparation279.
143235. En effet, les responsables se sachant systématiquement « répondants » du fait de leur pré-désignation, et non pas tant coupables, seraient fortement incités à intégrer dans leurs coûts le poids de la réparation280. Ainsi le Pr G. Viney observe que « les responsables » même s’ils sont assurés ou en mesure de répercuter la charge des indemnisations sur les consommateurs n’en ont pas moins immédiatement intérêt à éviter les dommages, ne serait-ce que pour prévenir des majorations de prix souvent mal acceptées par la clientèle ou une hausse du coût de l’assurance »281. Soumise aux pressions économiques, l’entreprise serait incitée à rationaliser sa production en adoptant par exemple des normes supplémentaires de sécurité. Ainsi se trouve exprimée la fonction préventive de la responsabilité. « En ce sens être responsable signifie être prêt à assumer les éventuelles conséquences de ses actes, c’est-à-dire les éventuels futurs dommages : il s’agit alors d’essayer d’en prévenir la survenance »282.
144236. Mais la condamnation à verser une somme au titre de la réparation peut aussi s’analyser comme une peine privée283, parce que se traduisant par un appauvrissement du patrimoine du défendeur. Cette fonction punitive de la responsabilité trouve d’autant mieux à s’exprimer lorsque le responsable en sus de la réparation des dommages stricto sensu peut être condamné à verser des dommages et intérêts dits punitifs. Ces derniers permettent en effet au juge d’accorder un surcroît de dommages et intérêts par rapport au préjudice réellement subi par la victime. Ce système en vigueur dans les pays de Common Law284 est privé pour l’heure de droit de cité dans le système juridique français. Ce dernier considère en effet que les dommages et intérêts doivent être à la mesure des préjudices réellement subis. Pour autant, cette thèse de la peine privée n’en bénéficie pas moins d’un courant doctrinal porteur285. Qui plus est, elle apparaît déjà en filigrane dans certaines décisions, dans la mesure où le juge peut parfois se servir de son pouvoir souverain d’évaluation des préjudices pour moduler sa condamnation en fonction de la gravité du comportement de l’auteur du dommage ou du profit que ce dernier a retiré de l’acte illicite286.
145237. Cette analyse tendant à démontrer la fonction de régulation de la responsabilité civile de plein droit se vérifie-t-elle s’agissant du propriétaire du navire, auquel cas on serait fondé à y voir un possible vecteur de responsabilisation de cet opérateur maritime ?
2. La responsabilité de plein droit, un possible vecteur de responsabilisation du propriétaire de navire
146238. L’objectif ultime de toute législation relative aux pollutions maritimes, n’est- il pas, autant que faire se peut, de réduire les dommages de pollution ? Cela se vérifie particulièrement, s’agissant des Conventions de droit public sur l’intervention en haute mer en cas de pollution par hydrocarbures287 ou substances dangereuses288. Si l’on poursuit plus avant cette analyse, c’est peut être même à l’existence d’un corpus législatif entièrement dédié à la prévention des événements de pollution qu’il faut conclure.
147239. Dans un système destiné à protéger les océans du monde contre les substances dangereuses lato sensu, tout régime de responsabilité se conçoit volontiers comme un sous-ensemble d’un programme d’action plus vaste intégrant la sécurité maritime et plus largement la prévention des pollutions289. Nul doute que dans un tel environnement, les règles de responsabilité, par leur fermeté, chercheront à rendre plus vigilants les opérateurs qu’elles visent. Les risques d’accidents liés à leur activité pourraient s’en trouver diminués d’autant290.
148240. Dans une telle configuration, la responsabilité de plein droit s’analyse volontiers comme une sanction infligée par les victimes à l’auteur d’un dommage grave. Se sachant financièrement responsables, les transporteurs maritimes devraient multiplier les précautions pour échapper à la sanction. Automatique, ladite sanction ne sera, qui plus est, écartée qu’à de rares occasions291. Le rapport Donaldson confirme implicitement cette analyse. Il souligne en effet que le seul fait d’obliger le responsable à assumer les frais de nettoyage pourrait, en raison de la lourdeur de ceux-ci, s’apparenter dans les faits à une condamnation à des dommages et intérêts punitifs. Aussi peut-on espérer que la volonté ou la conscience de certains armateurs soit efficacement stimulée par la perspective d’avoir à répondre de leurs actes292.
149241. L’initiative de certains armateurs face à l’arrivée imminente de l’OPA aux États-Unis parait conforter cela. Conscients de leur incapacité financière à assumer ce nouveau dispositif293, ils ont préféré renoncer à leurs activités. Même si nous sommes consciente qu’une telle initiative doit s’envisager dans un cadre plus vaste, nous ne saurions pour autant renoncer à l’idée selon laquelle la responsabilité civile a son mot à dire en terme de régulation des comportements. Toutefois, la responsabilité de plein droit pourrait se montrer largement déficiente dans ce rôle.
B. Des déficiences de la responsabilité de plein droit dans une fonction de régulation des comportements
150242. Partant de la faible fonction régulatrice de la responsabilité de plein droit (1), nous devrions pouvoir mettre en évidence le faible pouvoir de régulation de la responsabilité de plein droit sur le propriétaire du navire (2).
1. La faible fonction régulatrice de la responsabilité de plein droit en général
151243. Présentée comme un moyen de sanctionner les fautes294, la responsabilité civile dans sa fonction punitive ne se concevrait qu’en leur présence. Réellement efficiente dans ce rôle, elle ne pourrait l’être, que si les systèmes juridiques, qui lui servent de support, prévoient d’identifier une conduite fautive. Punitive, l’expédition menée par la responsabilité ne le serait que dans un cadre subjectif, car toute sanction s’analyserait avant tout comme une réponse spécifique du droit face à la violation d’une règle comportementale295.
152244. A la différence, la responsabilité objective, en ce qu’elle suppose de renoncer au principe de la faute pour les besoins de la réparation, semble paralyser ou du moins émousser toute velléité répressive, puisqu’ on renonce clairement à établir une quelconque correspondance entre la gravité de l’acte censuré et sa sanction. En ne considérant que les conséquences de l’acte, c’est-à-dire en ignorant délibérément ses causes, on accepte implicitement qu’une maladresse puisse entraîner une responsabilité lourde, tandis que ce qui pourrait être qualifié de faute civile peut, au même moment, rester sans conséquence civile si le dommage s’avère négligeable. Chacun comprendra les faiblesses inhérentes à une semblable politique de tarification du risque ; la seule, pourtant, que puisse entreprendre la responsabilité objective. Force est, par conséquent, d’admettre que, fondée sur le risque, la responsabilité peinera à exercer une quelconque fonction moralisatrice en direction de ceux qu’elle désigne comme responsables.
153245. Faut-il alors considérer, à l’instar du Pr G. Viney, que dans le domaine des accidents causés par l’usage des choses dangereuses, l’effet dissuasif de la responsabilité est faible par nature ? La raison à cela, serait que les accidents sont le plus souvent imputables, à la fois, au hasard, à l’imperfection technique des objets utilisés ou aux déficiences physiques ou psychologiques que l’homme normal ne peut éviter car elles sont inhérentes à sa nature. Dans un tel cadre, on pourrait craindre que la perspective d’une responsabilité n’entraîne pas une modification substantielle du comportement des personnes impliquées dans de tels accidents296.
154246. Elle le pourrait d’autant moins, que les tentatives de répression au titre de la responsabilité risqueraient d’être découragées par l’assurance obligatoire, souvent présentée comme une composante essentielle de la responsabilité objective. L’importance de cette donnée n’a échappé ni aux responsables désignés, assurés de voir couvrir en presque toutes circonstances les conséquences dommageables de leurs actes, ni même aux tribunaux, incités à prononcer des condamnations pécuniaires toujours plus lourdes. Si c’est à la faible valeur dissuasive de la responsabilité objective en général qu’il faut conclure, n’est-ce pas vers une condamnation implicite de l’idée de peine privée que se dirige le droit maritime de la réparation ?
2. Le faible pouvoir de régulation de la responsabilité de plein droit sur le propriétaire du navire
155247. De nature objective, les règles de responsabilité incorporées dans les Conventions CLC et SNPD se soucient peu de rechercher les causes véritables du dommage de pollution. Elles prennent seulement acte de son existence pour en organiser la réparation. Ainsi, en matière maritime, le propriétaire du navire demeure responsable, qu’il ait ou non commis une faute. Or, si les conventions maritimes avaient choisi de privilégier la responsabilisation des opérateurs, à l’objectif de réparation, nul doute qu’elles auraient opté pour une responsabilité subjective.
156248. Peut-être les rédacteurs ont-ils pu également considérer que le phénomène de pollution s’apparentait trop à un cas fortuit dans lequel l’opérateur n’avait en définitive que trop peu de pouvoir pour empêcher la réalisation de l’événement dommageable. On ne saurait, en effet, exiger d’un capitaine qu’il mette tout en œuvre pour empêcher une tempête, ou même qu’il garantisse l’infaillibilité de ses machines. Or, c’est précisément pour ces cas fortuits que la responsabilité objective trouve sa pleine justification.
157249. Aussi, l’idée de peine privée, parce que résolument attachée au concept de faute, trouverait difficilement à s’exprimer par le canal de la responsabilité objective. Si les rédacteurs avaient entrepris d’utiliser les potentialités moralisatrices des règles de responsabilité, ils auraient jeté leur dévolu sur un système de responsabilité subjective297, ou même permis l’introduction de dommages et intérêts punitifs. Or, ce système de pénalisation n’a pas pénétré, loin s’en faut, le système conventionnel.
158250. Ainsi le rapport Donaldson met-il clairement en doute la capacité des dommages et intérêts punitifs à rendre les pollueurs potentiels plus précautionneux ou prudents298. Le FIPOL, en précisant dans son manuel de demande d’indemnisation qu’il ne versera pas de dommages et intérêts punitifs, paraît opposer indirectement son veto à l’admission de la peine privée. Si le droit anglo-saxon réserve un bon accueil à cette pratique, il semblerait que seul le droit américain sanctionne par ce moyen les pollueurs, et cela quand bien même il n’aurait prévu aucune disposition particulière à cet effet299. En tout état de cause l’introduction d’un tel système pourrait imposer de faire l’effort de rechercher l’ensemble des fautes commises par le propriétaire de navire puisque de leur gravité pourrait dépendre l’importance de la condamnation.
159251. Cette faiblesse de la responsabilité de plein droit à assumer une fonction de régulation des comportements de ceux qu’elle tient pour responsables, en l’occurrence le propriétaire du navire s’agissant de la Convention CLC, est de nature à renforcer l’idée selon laquelle la responsabilité de plein droit entendrait se concentrer sur un objectif d’indemnisation. Pour se focaliser sur cet objectif curatif, la responsabilité de plein droit n’en serait pas pour autant dépourvue de fondements. C’est à l’identification de ces derniers qu’il convient maintenant de s’attacher.
§ 2. L’identification des fondements de la responsabilité strictement curative
160252. Rechercher le ou les fondements de la responsabilité du propriétaire de navire, c’est se demander en vertu de quoi il pourra être obligé à prendre en charge les dommages300. Alors qu’on s’était accoutumé à trouver dans la faute un criterium idéal, l’idée qu’elle puisse être indétectable ou absente aurait pu conduire à la disparition du principe même de la responsabilité. Cela aurait été toutefois sans admettre que même non fautives, les activités dommageables étaient encore susceptibles d’intéresser la responsabilité.
161253. Si la simple lecture du texte des Conventions relatives à la responsabilité en cas de dommages liés au transport par mer de marchandises dangereuses ou polluantes suffit à constater que les rédacteurs n’ont pas entendu ériger la faute en condition sine qua non de l’obligation de réparer, elle ne permet toutefois pas d’identifier ce qui serait propre à le faire. Dès lors, il convient de rechercher dans la théorie générale de la responsabilité le ou les fondements qui seraient les plus à même de servir cette fonction indemnitaire. C’est dans la garantie (A), mais peut être plus sûrement dans le risque quoique la notion soit équivoque que pourrait se trouver le fondement de la responsabilité de plein droit du navire pollueur (B).
A. La garantie, un possible fondement de la responsabilité de plein droit du propriétaire du navire-pollueur ?
162254. Si la théorie de la garantie constitue un fondement original de la responsabilité en général (1), pourrait-elle fonder la responsabilité de plein droit supportée par le propriétaire du navire pollueur (2)
1. La théorie de la garantie : un fondement original de la responsabilité en général
163255. Le droit peut difficilement rester sourd aux revendications de l’opinion publique. Les mutations les plus profondes de la responsabilité civile répondent toujours à un besoin exprimé par les victimes301. Paradoxalement, le Droit civil choisit de privilégier la relation auteur-préjudice pour ignorer la victime. Pour répondre à la question : pourquoi faut-il réparer les dommages causés à autrui, il recherche systématiquement une réponse du seul côté de l’auteur des dommages. Obligé de réparer, le responsable l’est tantôt pour avoir commis une faute, tantôt pour avoir profité d’une activité dont il doit seul assumer les risques.
164256. La théorie de la garantie proposée par Starck302 renouvelle singulièrement cette perspective traditionnelle, puisqu’elle choisit d’examiner l’obligation de réparer au regard de la victime. Cette dernière, par hypothèse, subit une atteinte à ses droits, là, où tout individu pourrait exiger un droit à l’intégrité corporelle et matérielle. Nier cela serait méconnaître les impératifs les plus élémentaires de la vie sociale. Même non expressément consacrés par une loi, ces droits existent. A ce titre, garantie leur est due. Si une atteinte leur est portée, le droit doit répondre par une sanction, laquelle réside dans l’obligation faite à l’auteur du dommage de réparer le dommage.
165257. Toutefois, celui qui en agissant aurait causé un dommage, ne pourrait-il pas lui aussi être fondé à revendiquer certains droits comme celui d’entreprendre ? Car à l’évidence condamner une personne à réparer les conséquences dommageables de son action, c’est aussi restreindre sa liberté d’action. Les problèmes de responsabilité se résument en définitive le plus souvent à un conflit de droits : le droit d’agir de certains d’une part, le droit à la sécurité de tous d’autre part. L’important devient alors de concilier ces droits antagonistes, en déterminant au besoin un ordre de priorité. Parce que répondant au besoin de sécurité du monde moderne, la théorie de la garantie paraît, au premier abord au moins, constituer un fondement particulier de la responsabilité maritime, en présence de dommages survenus à l’occasion d’un transport de substances dangereuses ou polluantes.
2. La théorie de la garantie : un fondement particulier de la responsabilité du propriétaire du navire-pollueur
166258. Plus que d’examiner la valeur de la théorie de la garantie, il s’agit ici de se demander si elle peut servir de fondement à la responsabilité sans faute en présence d’un phénomène de pollution. De toute évidence, cette théorie s’inscrit dans l’évolution du droit de la responsabilité qui n’a eu de cesse de mettre l’accent sur la réparation des dommages plutôt que sur la sanction des conduites fautives. Envisager son bien-fondé en matière de pollution revient à s’interroger sur la justification de la réparation accordée à la victime. L’idée selon laquelle il existerait un droit à la sécurité au profit de la victime est une amorce d’explication. Toute atteinte qui outrepasserait le droit d’agir accordé à chacun303, en l’occurrence celui du propriétaire de navire de transporter par voie maritime des substances polluantes ou dangereuses, ferait naître une obligation de réparer à la charge de celui qui a causé un dommage de pollution. En d’autres termes, elle engagerait sa responsabilité. Le simple constat d’un dommage corporel ou matériel, qui ne serait pas la suite nécessaire et normale de l’exercice d’un droit304 justifierait à lui seule l’indemnisation de la victime. Pareille protection ne pourrait toutefois être accordée en présence de dommages purement économiques ou moraux.
167259. Parce que totalement étrangers à l’activité de transport, on ne saurait envisager, à l’avenir, que les risques d’atteinte par substances dangereuses ou polluantes figurent un jour au rang des risques intrinsèques à la profession d’hôteliers ou de pêcheurs305. Le simple fait que l’activité à l’origine des dommages soit en elle-même initialement licite, ne change rien au problème. Le droit de transporter par voie maritime, des marchandises dangereuses ne confèrera jamais une autorisation de polluer voire de tuer. Pas plus que les hydrocarbures n’ont vocation à souiller les plages, les substances nocives et potentiellement dangereuses ne sauraient être destinées à exploser dans les zones portuaires. « Si le Droit n’interdit pas de nuire en général, il interdit par cela-même qu’il ne permet pas de tuer, de blesser, et de détruire les biens d’autrui »306. Aussi, toute personne atteinte dans son intégrité physique ou « matérielle » est fondée à exiger une totale garantie de réparation.
168260. La théorie de la garantie est-elle pour autant pleinement consacrée en matière maritime ? A n’en pas douter, les préambules respectifs des Conventions CLC et SNPD soulignent la nécessité d’offrir aux victimes d’événements liés au transport par mer une garantie d’indemnisation. A l’exact opposé, le corps des Conventions relègue les victimes au second plan pour se concentrer sur les obligations du responsable. Mais peut-être plus encore, c’est la présence systématique dans les dispositifs conventionnels d’une batterie de cas exonératoires qui pourrait faire douter de la consécration de la théorie de la garantie. Celle-ci aurait, en effet, supposé d’abandonner l’idée même de toute échappatoire pour les garants. Aussi, la théorie de la garantie ne pourrait-elle trouver à s’exprimer pleinement qu’en présence d’un système de responsabilité absolue.
169261. Est-ce à dire pour autant qu’elle soit totalement étrangère à notre domaine d’étude ? Nous ne le pensons pas. Cette théorie, en ce qu’elle prône la primauté du droit à la sécurité, pourrait trouver un nouveau souffle. Les victimes terrestres d’un évènement ne seraient-elles pas, elles aussi, fondées à revendiquer un droit à la sécurité307, face aux agressions venues de la mer ? L’émergence tardive de cette nouvelle revendication pourrait s’expliquer aisément. Longtemps le « péril de mer » n’a intéressé que les seuls participants à l’expédition maritime. Avec l’irruption des dommages de pollutions marines, il intéresse aussi les terriens. Les tiers à l’expédition, victimes d’événements de mer, auraient acquis de ce fait le droit de se prévaloir des progrès réalisés en matière de sécurité maritime. Toute transgression de ces règles pourrait faire naître à leur profit une garantie de réparation. Ainsi, bien que non conçue dans un cadre maritime, la théorie de la garantie, par les idées qu’elle véhicule, peut aujourd’hui contribuer à renouveler le fondement du droit à réparation des victimes d’événements de mer, menacées dans leur intégrité physique et matérielle. Si cette théorie juridique n’a pas en son temps rallié les suffrages de la doctrine, c’est, de l’avis du Pr Viney308, en partie parce qu’elle ne conduisait pas à une transformation radicale du droit positif, à la différence de la théorie du risque. Mais, et il s’agit de le montrer, le risque, s’il paraît pouvoir constituer un fondement de la responsabilité de plein droit du navire pollueur, n’en constitue pas moins un fondement équivoque.
B. Le risque, fondement équivoque de la responsabilité de plein droit du propriétaire du navire pollueur
170262. Dans l’absolu, toute responsabilité pourrait être fondée sur le risque. D’un point de vue strictement logique et causal, l’événement particulier que constitue l’accident a nécessairement été précédé d’une phase de danger. Le risque, ou la probabilité d’occurrence d’un dommage, c’est stricto sensu, le dernier stade de la chronologie avant que ne survienne la catastrophe309. Lato sensu, il est constitué de deux éléments, d’une part l’éventualité de la survenance d’un événement, d’autre part, le dommage consécutif310.
171263. Préoccupée par la multiplication des accidents occasionnés par le développement du machinisme, et surtout soucieuse de faciliter la réparation des dommages, la doctrine a imaginé la « théorie du risque » pour contourner l’obstacle lié à la preuve d’une faute.
172264. Examiner cette construction juridique civiliste dans le cadre de notre étude ne présente un intérêt que si l’on s’efforce de mettre en évidence les rapports qu’elle entretient avec le droit maritime de la responsabilité. Si ce rapport existe à l’évidence, le milieu maritime apparaissant d’emblée comme un domaine particulièrement favorable à l’ancrage de la théorie du risque (1), ledit risque gagne à être décrypté lorsqu’on se place sur le terrain des pollutions maritimes (2).
1. Le milieu maritime : un espace favorable à l’ancrage de la théorie du risque
173265. Les pères fondateurs de cette théorie du risque311 sont deux juristes français du début du xxème siècle : Saleiiles et Josserand. Cette théorie, forte de son succès, a fait l’objet de plusieurs déclinaisons. On a tout d’abord évoqué l’idée de « risque- profit ». Il s’agit alors de considérer que celui qui profite d’une activité, doit également en assumer les risques. Ainsi conçu, le risque serait aussi une notion économique et sociale, étroitement liée à celle d’entreprise312. La responsabilité jouerait l’effet d’un contrepoids au privilège d’exercice octroyé à l’exploitant d’une « installation » dangereuse par exemple. Tolérée, l’activité pourrait l’être, à condition toutefois de répondre à une finalité économique d’intérêt général. Bien que théoriquement passible d’une interdiction eu égard à son degré de dangerosité, l’activité serait autorisée à condition que son exercice ne soit pas fautif313. Pour obtenir réparation, la victime devrait prouver alors que le dommage résulte de l’activité du défendeur et non plus de sa faute. Par la suite, on a élargi la théorie à toute idée de « risque créé », abstraction faite de l’idée de profit. En ce sens, toute personne susceptible d’exercer une activité risquée est appelée à en assumer les conséquences dommageables. En cela « l’entrepreneur doit être incité à intégrer tous les coûts de son activité dans sa décision de produire, afin que le bilan coûts-avantages ne soit pas faussé : l’entreprise aurait beau jeu sinon de toucher les profits en faisant supporter par la collectivité une partie des coûts, et donc de socialiser les pertes tout en privatisant les profits314.
174266. La théorie juridique du risque pourrait-t-elle trouver un mode d’expression privilégié en présence de dommages liés aux transports maritimes de marchandises dangereuses ou polluantes ? En premier lieu, force est de constater qu’en choisissant d’investir des capitaux dans le transport maritime ou même en ayant simplement recours à ce type de prestation, les opérateurs sont, avant tout, animés d’un esprit de lucre. En second lieu, force est d’admettre que transporter par voie maritime des substances dangereuses peut comporter des risques. Si le danger réside principalement dans la nature des matières transportées, il est notablement aggravé par la singulière hostilité du milieu marin, mais aussi par sa particulière vulnérabilité.
175267. La combinaison de ces deux paramètres justifie l’application de la théorie du risque. En cessant de subordonner la responsabilité du propriétaire de navire à la preuve d’une faute, les rédacteurs des Conventions SNPD et CLC admettent implicitement l’existence d’un risque. Parce que l’activité qui lui sert de support est indispensable au fonctionnement de l’économie mondiale, ils en réglementent les conséquences néfastes plutôt qu’ils ne l’interdisent, offrant ainsi une protection non contre une faute mais contre un risque315.
176268. Même lorsque l’activité de transport est exercée dans l’intérêt d’autrui, le risque qu’elle crée, doit être supporté en premier lieu par le propriétaire de navire316. Dans un tel schéma, le risque peut être assimilé à un coût d’exploitation, qu’il s’agit de gérer au mieux. Mais la prise en compte de ce risque suppose que les armateurs consentent à des investissements pour améliorer la sécurité de leur outil de travail, ce qu’ils négligent bien volontiers. Car il faut bien l’admettre, les catastrophes maritimes polluantes sont davantage dues à des causes exogènes317 comme les négligences des acteurs maritimes, qu’au péril marin proprement dit. La garantie de voir pris en charge des dommages qui auraient pu personnellement leur incomber en l’absence d’assurance explique, sans doute, pour partie cela. Espace favorable à l’ancrage de la théorie du risque, le milieu maritime apparaît aussi comme un possible terrain de décryptage pour cette théorie.
2. Le milieu maritime : un espace de décryptage pour la théorie du risque
177269. En droit maritime, on peut parler d’un primat de la responsabilité pour faute. Pendant longtemps, partant du constat qu’un navire n’est jamais totalement maître de ses manœuvres, le « Droit commun » a écarté le principe même de la responsabilité du propriétaire du navire, en l’absence de toute faute prouvée de sa part. Si, en présence de dommages liés au transport par mer de substances dangereuses, on a fini par renoncer à cette règle, c’est nécessairement parce qu’on a admis l’existence d’un risque singulier. « On ne saurait, en effet, déroger au droit commun pour une vétille »318.
178270. Le risque, traditionnellement présenté comme un fondement particulier de la responsabilité, n’a pas fait l’objet d’une définition précise en matière maritime. Il n’est toutefois nullement besoin d’être un éminent spécialiste du transport maritime de marchandises dangereuses pour comprendre que le risque afférent à cette activité est double. Or, manifestement, en portant son dévolu sur le propriétaire de navire, le législateur, lorsqu’il a réfléchi sur les questions de responsabilité, a délibérément choisi de mettre l’accent sur le risque maritime (a) pour ignorer celui lié à la nature dangereuse ou polluante des substances transportées319 (b). N’a- t-il pas consacré, ce faisant, une situation paradoxale sur le plan juridique ?
a) Un risque maritime ?
179271. La doctrine maritimiste souligne, à juste titre, le rôle prépondérant de l’élément marin320 dans le façonnage du droit maritime. Si la mer est « l’école du risque »321, le risque de mer paraît devoir rester l’élément fédérateur de cette branche du droit. Ainsi, en dépit des progrès réalisés par la technique, l’expédition maritime serait condamnée au perpétuel statut d’aventure322. Plus que les collections d’ex-voto amassées dans les chapelles bretonnes, ce sont les statistiques323 sur les pertes de vies humaines qui rendent compte de cette triste réalité. L’exercice d’une activité en mer expose ceux qui s’y livrent à de multiples risques. De l’avis de certains spécialistes324, ils peuvent être classés en deux catégories, les risques individuels d’une part, c’est-à-dire principalement les maladies et accidents survenus aux personnes embarquées, les risques collectifs d’autre part, c’est-à-dire ceux qui sont propres aux navires, ou aux conditions de navigation. Ces derniers, parce que souvent à l’origine des accidents maritimes générateurs de pollution, nous intéressent au premier chef.
180272. Les Conventions maritimes, en choisissant pour unique responsable le propriétaire de navire se démarquent fortement, nous l’avons dit, des autres conventions conçues pour réparer des dommages similaires. Cela suffit-il seulement à conclure que les premières sont construites autour d’un risque spécial à savoir le risque maritime ? On peut le penser. L’événement de mer, parce qu’il peut être d’ampleur catastrophique, appelle une réaction particulière. Il traduit au mieux le péril de mer.
181273. Constitue un événement de mer au sens du Lloyd s’ Register of Shipping, l’incendie, l’explosion, l’abordage, le contact325, l’échouement, le naufrage326. Le phénomène de pollution marine doit être considéré, selon nous, comme un événement de mer à part entière. Il présente, toutefois, la particularité d’être subordonné à la survenance d’un ou de plusieurs événements de mer au sens classique du terme. Or, ce n’est qu’en présence de cette dernière catégorie que le législateur a entendu introduire un coefficient de pondération, de responsabilité en offrant à l’opérateur maritime la possibilité de s’exonérer en l’absence de toute faute de sa part, exception faite du cas de force majeure. Pour l’armateur, propriétaire de navire, une telle faveur s’efface en présence d’un dommage de pollution. Responsable de plein droit, force est de conclure que dans cette dernière hypothèse, le propriétaire de navire ne peut plus se prévaloir du risque de mer. Dans l’esprit du législateur, le seul fait que la mer puisse exercer une action sur les cuves, ou la tempête favoriser les avaries, créant ainsi un cadre propice au déversement de substances dangereuses ou polluantes, ne mériterait pas que l’on prive des victimes- tiers à l’expédition de leur droit à réparation. Sans doute doit-on se souvenir que le péril de mer, tel qu’on l’entend le plus souvent, n’a que peu de chose à voir avec le fait de l’homme, tandis qu’il entretient d’étroites relations avec les forces naturelles. Ce que ne fait pas la théorie du risque. Faudrait-il alors considérer que le risque incriminé soit autre que maritime ? En l’occurrence, ne pourrait-il pas trouver son origine dans la nature dangereuse de la cargaison transportée par voie maritime ?
b) Un risque créé par la nature polluante ou dangereuse des substances
182274. En écrivant qu’ « après s’être appliqué à protéger le navire contre la mer, voici la société industrielle s’avisant qu’il faut protéger, de même, la mer contre le navire », le Pr M. Rémond-Gouilloud a presque tout dit. Ce n’est plus tant le péril de mer que l’on doit craindre, mais, bien plus, celui inhérent à la nature pernicieuse des substances convoyées par voie maritime. En effet, la gravité des dommages enregistrés à l’occasion d’une telle opération tient plus souvent à la dangerosité des cargaisons327, qu’au fait du capitaine. Le concept de dangerosité n’est pourtant pas de ceux que les juristes manipulent avec dextérité. Il appartient à cette catégorie de choses que les sciences juridiques exècrent par dessus tout. Toutefois la kyrielle de textes qui gravitent désormais autour de cette notion328 semble signifier que cette époque est désormais révolue. La mer, parfois qualifiée « mère du Droit »329, se sera laissée convaincre plus tardivement. Le seul fait d’élaborer un système de responsabilité spécifique aux Substances Nocives et Potentiellement Dangereuses témoigne de la volonté des juristes de rétablir la suprématie du droit, là où elle était battue en brèche. Quand la Convention pétrolière CLC évoque dans son préambule l’idée de risque, la Convention SNPD lui préfère celle de danger. Anodin, le glissement sémantique ne l’est peut- être pas tant que ça.
183275. Ripert avait, un temps, entendu réserver la responsabilité du fait des choses aux seules choses dangereuses. En d’autres termes, il voyait dans la notion de dangerosité un fondement possible de la responsabilité330. Boudé, tant par la Cour de cassation331, que par la doctrine332, il n’aura su convaincre. Les juristes de dénoncer le caractère relatif du concept de dangerosité, toutes les choses, à de rares exceptions près, sont susceptibles d’être dangereuses. Défini de façon trop lâche, le caractère dangereux est, en définitive, réduit à l’opinion générale que les hommes s’en font333, ce dont le droit ne saurait se satisfaire. La proposition du Doyen Ripert n’est toutefois pas dénuée d’intérêt. Elle permet de circonscrire les situations devant être soumises à un régime de responsabilité plus sévère, c’est-à-dire n’exigeant plus la preuve d’une faute.
184276. A défaut d’avoir fait du critère de dangerosité le fondement particulier de certains régimes de responsabilité, le législateur l’aura toutefois indirectement consacré en présence d’une dangerosité d’un certain degré. Sans doute faut-il comprendre qu’il a pris l’initiative, sans même l’avouer, de fonder certains régimes de responsabilité sur le risque créé par la nature dangereuse. Plus que l’Erika, c’est sa cargaison qui pourrait causer un cancer334. Aussi, on peut penser que cet « engouement » pour la chose dangereuse conduira au mieux à l’émergence d’un fondement autonome de responsabilité, au pire qu’elle deviendra une référence incontournable lors de l’élaboration de nouvelles branches du droit comme celui des accidents. Peut-être sera-t-il temps alors de réhabiliter une théorie trop vite condamnée. Cette probable reconquête de la notion de chose dangereuse par le droit, va de pair, nous le pensons, avec la reconnaissance récente d’un Droit nouveau, celui de l’environnement, présent à l’état embryonnaire à l’époque de Ripert.
185277. La théorie du risque-profit, envisagée à l’aune du droit maritime, ne peut que conforter cette thèse. Si la « mise en circulation » d’un navire sur l’Océan est, en elle-même, un foyer potentiel de risques, il n’est pas clairement établi que le transport d’hydrocarbures doive procurer plus de profit à l’armateur que celui d’une marchandise plus inoffensive. Le propriétaire de la cargaison ne saurait en dire autant. La substance transportée lui permet souvent de créer une valeur ajoutée substantielle. L’opération commerciale la plus intéressante est donc réalisée par le propriétaire final de la substance et non par celui qui la transporte. La théorie du risque créé ne semble pas devoir modifier la donne. Celle- ci n’apprécie pas le risque potentiel mais uniquement le risque réalisé. L’important dans une telle configuration n’est pas tant de se demander qui manipulait ou surveillait l’objet source du dommage, mais bien de savoir qui a commandé l’opération risquée. Plus que celui qui propose la prestation de transport, c’est celui qui l’accepte en confiant sa cargaison qui permet au risque de se concrétiser.
186278. Aussi un auteur335 a pu considérer que la Convention CLC consacrait, en définitive, un paradoxe. Son raisonnement est le suivant : en retenant la responsabilité du propriétaire du navire, les rédacteurs de la Convention CLC assimilent le risque de pollution à un risque maritime. Or précisément en retenant une telle qualification, la logique aurait voulu qu’ils retiennent pour fondement de la responsabilité, la faute, unique fondement que reconnaisse le droit maritime classique. Dès lors ce choix qui paraît s’analyser comme une volonté de rompre avec le droit maritime classique fondé sur la faute, pourrait aussi avoir pour conséquence malheureuse une renonciation implicite à l’examen des comportements puisque précisément nous l’avons montré, la responsabilité de plein droit est considérablement affaiblie quand il s’agit de réguler les comportements. Plus largement, cette concentration du régime de responsabilité pour pollution maritime sur l’objectif de réparation emporterait une révision globale des standards du droit maritime classique aux fins de servir au mieux cette nouvelle priorité.
SOUS-SECTION 2. LA RÉVISION GLOBALE DES STANDARDS DU DROIT MARITIME CLASSIQUE FACE AUX POLLUTIONS
187279. La notion de « standard » est traditionnellement entendue par la science juridique comme « un terme difficile à cerner, désignant la référence faite dans certains textes à une conduite jugée socialement correcte »336. Nous écarterons cette définition pour en retenir une seconde que l’on pourrait qualifier de matérielle. Ainsi conçu, le standard serait un « ensemble de caractéristiques définissant un système »337 en l’occurrence celui de responsabilité maritime confronté à des dommages de pollution. Cette confrontation va motiver une révision globale des standards du droit maritime classique. Cette entreprise va d’abord consister à supprimer l’exigence de faute (§1), ensuite à canaliser la responsabilité (§ 2), enfin à introduire des causes d’exonération particulières (§3).
§ 1. La suppression de l’exigence d’une faute
188280. Traditionnellement, il n’est en mer que de responsabilité fondée sur la faute338. Puisqu’un navire soumis au péril de mer n’est jamais totalement maître de sa manœuvre339, on ne saurait le déclarer responsable sans que « sa » faute soit constatée. Telle est la règle. A l’évidence, le monde maritime a ses lois propres, et personne ne s’aviserait de contester les solutions retenues dans les cénacles maritimistes. A quoi bon... Mais du jour où ce qui se passe en mer affecte aussi la terre, le jugement doit être révisé. Avec l’apparition des premières pollutions maritimes, le « principe de non-ingérence » est considéré inadmissible. Ce que revendiquent désormais les victimes terrestres, c’est l’application du droit commun. Car après tout quand il s’agit de résoudre les problèmes d’indemnisation que font naître la mécanisation, l’automatisation et l’exploitation de nouvelles sources d’énergie340, terre et mer sont condamnées à se rejoindre sur le « terrain juridique ».
189281. Vu de la mer, cela signifie essentiellement que la faute doit être « jetée par dessus bord ». Si l’initiative peut aujourd’hui sembler naturelle341, tant il est vrai que la responsabilité aquilienne constituait un avatar pour le développement du droit des pollutions (A.), elle était loin de l’être en 1969342. Parce qu’elle fait figure de révolution343 dans un univers taxé de conservateur, il importe là, peut être encore plus qu’ailleurs, de se pencher sur les conséquences de son abandon (B).
A. Des avatars de la responsabilité aquilienne pour le développement du droit des pollutions maritimes
190282. Le caractère inapproprié de la faute pour fonder le droit à réparation peut, nous semble-t-il, partir d’un constat : la lourdeur des exigences mises à la charge de la victime par l’article 1382 du Code civil pour engager la responsabilité délictuelle du pollueur. En effet, pour que cette dernière soit retenue, les preuves de l’existence d’une faute, d’un dommage, et d’un lien de causalité344 entre l’une et l’autre doivent être réunies. Si le droit des pollutions maritimes cesse de subordonner l’engagement de la responsabilité du navire pollueur à la preuve d’une faute, c’est que sa présence fait courir des risques à la victime, celui de non-identification de l’auteur du dommage d’abord (1), celui ensuite de démesure entre l’acte fautif et le dommage (2).
1. Le risque de non-identification de l’auteur
191283. L’activité économique aujourd’hui ne peut se concevoir sans l’intervention d’une multitude d’acteurs, d’une succession d’équipes spécialisées dont l’efficacité se coordonne pour produire une richesse345. L’exploitation commerciale d’un navire ne saurait déroger à cette règle. Elle suppose l’intervention successive ou simultanée de plusieurs agents maritimes. En dresser une liste exhaustive ne présenterait pas ici un intérêt majeur. Tout au plus, convient-il de souligner que ce qui paraît le mieux à même de caractériser la chaîne du transport maritime, c’est son caractère segmentaire. Cette configuration particulière est, à n’en pas douter, un facteur de dilution des responsabilités. Car, si parmi les opérateurs impliqués, nombreux sont ceux qui peuvent avoir commis une faute, identifier avec certitude l’auteur de celle qui a précisément conduit à la réalisation des dommages de pollution n’est pas chose aisée.
192284. Si on peut supposer qu’une faute a nécessairement été à l’origine de l’accident, la difficulté que représente le démêlage des écheveaux de la causalité conduit le plus souvent à la tenir pour « anonyme »346. Mais il se peut également qu’au regard des données disponibles de la science, le dommage ne soit pas toujours imputable à une faute véritable347. L’inconvénient est de taille, car pour reprendre la célèbre formule de Jhering348, dans un système de responsabilité fondé sur la faute, « ce n’est pas tant le dommage qui oblige à la réparation mais la faute ». Autrement dit, il faudrait comprendre que lorsque le dommage est causé sans faute, il faut conclure à l’absence de responsabilité349.
193285. Or, à l’évidence, contraindre les victimes d’une pollution maritime à établir une quelconque faute personnelle de l’armateur350, comme ont pu l’être celles du pétrolier libérien Torrey Canyon dans un domaine où les difficultés de preuve sont majeures, ne signifie rien d’autre que les priver de réparation351. Même si elles parvenaient à relever ce défi, un risque de démesure entre l’acte fautif commis et le dommage dont il est demandé réparation, existerait encore.
2. Le risque de démesure entre l’acte fautif et le dommage
194286. Le second grief que l’on peut faire à la responsabilité pour faute est de parfois conduire à réclamer au propriétaire du navire une somme hors de proportion avec la gravité de la faute commise. On peut en effet, imaginer qu’un évènement de pollution de type catastrophique soit la résultante d’une conjonction d’actes anodins352. Le propre de toute civilisation mécanique est d’amplifier l’efficacité de toute action humaine, pour le meilleur et le pire oserait-on dire353. Tout comme le battement d’aile du papillon peut conduire à la réalisation d’une catastrophe naturelle, un moment d’inattention de l’opérateur maritime peut dégénérer en marée noire.
195287. Moins que les fautes, ce sont souvent les erreurs qui conduisent aux grandes catastrophes dans les nations industrialisées. Lot de l’activité humaine354, l’erreur désigne toutes les méprises, inadvertances, relâchements d’attention, réactions malheureuses à un événement imprévu. Elle n’implique a priori aucun choix, mais parfois un réflexe pour lequel l’agent n’a pas le sentiment d’engager sa responsabilité. Elle est statistiquement inévitable. Or, à l’évidence, le phénomène de pollution maritime lorsqu’il est de grande ampleur, n’est jamais l’œuvre d’un acte délibéré.
196288. Quand il se produit, c’est le plus souvent parce que l’homme n’était plus maître de l’amplitude des conséquences de ses actes. Or, la responsabilité pour faute a pu être considérée comme un progrès aussi longtemps que le versement des dommages et intérêts pouvait être assimilé à une punition355. Du jour où les sommes nécessaires à la réparation deviennent sans commune mesure avec la capacité contributive du responsable, le droit de la responsabilité doit abandonner l’idée de faute comme fait générateur de la responsabilité et en tirer les conséquences qui s’imposent.
B. Des conséquences de l’abandon de la faute comme fait générateur de responsabilité pour pollution maritime
197289. En choisissant de faire l’économie d’un débat sur la faute, le législateur maritime international renonce ipso facto à examiner les comportements (1). Une telle démarche pourrait être jugée détestable par tout un chacun, si elle n’avait pas pour finalité ultime de consolider la responsabilité dans sa fonction d’indemnisation (2).
1. La renonciation à tout examen des comportements
198290. Si, au dix-neuvième siècle, le pivot de la responsabilité était son sujet de droit, il convient désormais de penser la responsabilité avant le responsable. En renonçant à ce qu’une faute du propriétaire du navire soit relevée pour que sa responsabilité puisse être engagée, le législateur fait perdre à la responsabilité toute coloration morale356. Il la « dépouille de tout jugement critique, de tout sentiment de réprobation attaché à la conduite de l’auteur du dommage »357.
199291. La responsabilité devient un risque parmi d’autres qu’il s’agit de maîtriser au mieux. Nul besoin pour cela qu’un jugement soit porté sur la conduite du sujet de droit. La recherche d’une faute éventuelle et, plus encore, de l’intention qui aurait pu animer son auteur devient une démarche surabondante358. Le propriétaire du navire est responsable du dommage, non pas à raison d’un comportement déviant, mais « du seul fait que le dommage est causé par des substances dangereuses ou polluantes »359. Seule importe la recherche d’une imputation rationnelle du risque à couvrir. « Dans son désir d’élargir le domaine de la responsabilité, la théorie du risque fait disparaître en réalité l’idée même de responsabilité »360. Cette dernière cesse d’être l’expression d’un reproche et le fait d’encourir une responsabilité n’est plus ressentie comme tel pour celui qu’elle désigne361. La procédure en responsabilité se dépersonnalise. La responsabilité est réduite au statut de loi économique, d’agent répartiteur du fardeau de la réparation. Elle n’est plus qu’une charge de l’activité, de la propriété et de l’exploitation. Elle est pour ainsi dire « désincarnée »362 aux seules fins de consolider la responsabilité dans sa fonction d’indemnisation.
2. La consolidation de la responsabilité dans sa fonction d’indemnisation
200292. Si on parle ici de consolidation de la responsabilité dans sa fonction d’indemnisation, c’est parce que le droit du même nom a de tout temps poursuivi deux objectifs : celui de réparation, d’une part, celui de prévention d’autre part. Cette branche du droit ne saurait en effet se départir de l’idée selon laquelle le responsable est désigné ès qualité, parce qu’il a la capacité et plus encore le devoir d’éviter le dommage. Or, précisément en présumant ce pouvoir, la responsabilité objective participe à la marginalisation ou la mise entre parenthèse de l’objectif de prévention363. En s’intéressant non plus au sujet mais à l’objet du droit de la responsabilité, elle privilégie une approche curative. De subjective, la responsabilité devient objective. Le souci du législateur, alors, n’est plus tant d’identifier un responsable, que de satisfaire un besoin social : celui de réparation exprimée par les victimes. La métamorphose de la responsabilité prend donc incontestablement racines dans la défaite de la faute. L’introduction de la responsabilité objective prétend en gommer les défauts, jusqu’au plus rédhibitoire d’entre eux, à savoir la non-indemnisation en l’absence de comportements fautifs364.
201293. Acceptable, le droit de la responsabilité ne semble l’être désormais que s’il se focalise sur l’intérêt social majeur que constitue l’indemnisation des victimes. En ce sens, la responsabilité objective a pu, à ses origines au moins, apparaître comme un progrès. Ceci se vérifie d’autant plus que, lorsque la responsabilité pour faute suppose l’engagement de procédures judiciaires dont la lenteur se mesure à l’aune de l’encombrement des prétoires, la responsabilité objective paraît se satisfaire d’une gestion administrative. C’est dit-on un gage de neutralité365. Ainsi, dans le cadre de l’affaire de l’Erika, il n’a nullement été besoin pour les victimes de rechercher une quelconque faute du propriétaire du navire pour pouvoir accéder au fonds de responsabilité366 constitué par ses soins en vertu de la Convention CLC.
202294. Aussi, force est de reconnaître que l’introduction de la responsabilité objective a largement contribué à ce que la plupart des pollutions gouvernées par les conventions soient résolues sans autant de dépenses et de retard que n’aurait pu le permettre la responsabilité pour faute367. En émancipant la responsabilité civile de l’emprise de la faute368, le législateur a considérablement étendu le champ des possibilités de réparation pour les victimes terrestres. En introduisant le mécanisme de la canalisation, il pourrait avoir renoncé à la traditionnelle exigence d’un lien de causalité.
§ 2. La canalisation de la responsabilité
203295. La canalisation juridique de l’action en réparation peut se définir comme un procédé qui consiste à orienter l’action des victimes vers un répondant prédéterminé, à l’exclusion d’autres personnes dont la responsabilité aurait pu être a priori recherchée. En ce sens, il a pu être considéré comme « intentionnellement artificiel »369. A une époque où il est de bon ton de revenir au naturel, tout artifice, fût- il juridique, n’en conserve pas moins une justification. Spécifiquement inventée pour les activités nucléaires370, la canalisation telle que reproduite dans les conventions relatives à la réparation des dommages causés par le transport de substances dangereuses ou polluantes, est indéniablement liée à l’avènement des systèmes de responsabilité sans faute.
204296. Si la canalisation participe d’une démarche unitaire : faciliter l’indemnisation des victimes371, le mécanisme qui la sous-tend s’apparente volontiers à un système à double détente. En effet, désigner un responsable unique chargé d’apporter une garantie (A) ne servirait à rien, si l’on ne prenait pas soin de proscrire toute action contre une personne autre que celle désignée, en créant au besoin des immunités (B). Il n’en demeure pas moins que, même ainsi conçue, la canalisation telle que consacrée par les dispositifs conventionnels maritimes reste imparfaite (C).
A. L’effet principal : la désignation d’un garant unique
205297. En choisissant de canaliser la responsabilité sur le propriétaire de navire, les rédacteurs des conventions maritimes facilitent grandement la tâche des victimes. Celles-ci n’ont plus à hésiter entre des responsables multiples, dont on pourrait présumer qu’ils ont tous eu une part de responsabilité dans la survenance de l’événement dommageable. Dès lors, en désignant à titre exclusif comme responsable celui qui a le titre juridique de propriétaire, nombre de frais de procédure liés à l’exercice d’actions récursoires, toutes aussi multiples qu’incertaines, paraissent évités. En ce sens, la canalisation représente sans doute, pour les victimes, le moyen le plus efficace pour obtenir une prompte indemnisation. Pour le responsable, elle signifie qu’aucune autre action du chef de pollution ne pourra être formée contre lui, autrement que sur la base des conventions pétrolières et SNPD.
206298. Ainsi décrit, le système de canalisation paraît faire du propriétaire un bouc émissaire. Cette condition de responsable « tout désigné » n’est toutefois viable que si elle s’accompagne d’une garantie en termes de solvabilité. Celle-ci prend la forme d’une assurance que le propriétaire est tenu de souscrire personnellement. Parce qu’il supprime tout risque de duplication d’assurance, le mécanisme de canalisation ne peut être que plébiscité par les assureurs, toujours en proie au doute quand il s’agit de fournir une garantie. Mais le mécanisme de canalisation n’est pas sans effet secondaire, dans la mesure où il crée de fait certaines immunités.
B. Les effets secondaires : la création d’immunités
207299. La règle spéciale de la canalisation perdrait jusqu’à sa justification, s’il était permis d’y déroger en invoquant une règle générale. Transposée à notre matière, cela revient à conclure, qu’ériger le propriétaire en responsable unique ne serait que de peu d’utilité, si l’on ne prenait pas soin, par ailleurs, d’interdire aux victimes d’agir contre certaines autres personnes sur le fondement du droit commun. Mais tout comme on peut aimer un peu, beaucoup, pas du tout, à la folie, on peut proscrire, un peu, ou beaucoup. C’est pour n’avoir pas immédiatement songé à cela que le législateur a dû « revoir sa copie » après la catastrophe de l’Amoco-Cadiz. Si le protocole de 1984 répare cette bévue en élargissant l’effet immunisant de la canalisation (1), les immunités nouvellement acquises ne sauraient échapper à une appréciation critique du commentateur (2).
1. L’élargissement de l’effet immunisant de la canalisation sous l’empire du protocole de 1984
208300. Si la Convention de 1969 use du mécanisme de canalisation, c’est assurément avec modération. Prohibant tout recours contre les préposés ou mandataires du propriétaire, elle confère une totale liberté d’action pour engager la responsabilité d’autres personnes. Trois groupes sont particulièrement concernés : les contractants unis au propriétaire par des liens autres qu’un contrat de travail ou un mandat d’abord ; les tiers dont les agissements ont entraîné l’accident, comme le responsable d’un abordage à l’origine de la pollution ensuite ; les personnes susceptibles d’être tenues pour responsables en vertu du droit applicable, dans tout État non partie à la Convention enfin. Ainsi conçu, le dispositif consacrerait un véritable paradoxe. Loin d’inciter les victimes à demander réparation au seul propriétaire de navire, cette canalisation limitée pourrait les inciter à agir de préférence contre toute autre personne que le propriétaire, pour ne pas risquer de se voir opposer toute une batterie de privilèges, comme l’exclusion ou la limitation de responsabilité.
209301. Conscient du caractère inachevé de sa démarche, le législateur a consenti à apporter les corrections nécessaires. Avec le Protocole de 1984, il consacre une canalisation « presque parfaite ». La liste des « intouchables » s’allonge ostensiblement. Aux préposés et mandataires du propriétaire du navire s’ajoutent désormais, le pilote ou une autre personne qui, sans être membre de l’équipage, s’acquitte de services pour le navire, l’affréteur, sous quelque appellation que ce soit, y compris un affréteur coque-nue, un armateur gérant ou exploitant du navire ; la personne accomplissant des opérations d’assistance avec l’accord du propriétaire ou sur les instructions d’une autorité publique compétente, une personne prenant des mesures de sauvegarde, les préposés ou mandataires des personnes sus mentionnées. Ces exemptions ont été reprises par le Protocole de 1992 à la Convention CLC372. Parce que ces nouvelles immunités sont synonymes d’exemption de charges ou de privilèges, elles ne sauraient échapper à une appréciation critique du commentateur.
2. L’appréciation critique des immunités
210302. Si nous avons choisi le terme d’effets secondaires à propos de la création d’immunités, c’est à dessein. Les effets secondaires sont ceux que la pharmacopée associe le plus souvent aux effets indésirables. Sans doute en vat-il ainsi dans notre matière. En effet, certaines immunités sont justifiées au nom de l’équité (a), d’autres paraissent contestables au nom de la prévention (b).
a) Les immunités justifiées au nom de l’équité
211303. L’immunité accordée au capitaine, auquel sont assimilés les autres préposés ou mandataires, du propriétaire, doit être approuvée. Outre qu’elle participe d’un souci humanitaire, elle confère une plus grande liberté d’action au capitaine, ainsi débarrassé de toute inquiétude sur sa responsabilité personnelle. Il s’agit, en définitive, d’une simple transposition de la responsabilité des commettants du fait de leur préposé. Les fondements de cette responsabilité sont multiples. On peut avancer l’idée d’une faute commise dans le choix du préposé, plus sûrement celle du « risque- profit ». L’immunité conférée au préposé ne saurait être acceptable que parce qu’elle s’accompagne d’un cautionnement légal du propriétaire373. C’est une remarque d’ordre similaire que l’on peut formuler s’agissant du pilote. La responsabilité de ce dernier sera le plus souvent absorbée par celle du navire. Une telle immunité sera octroyée à la personne qui accomplit des actes de sauvetage avec l’accord du propriétaire ou sur les instructions d’une autorité publique compétente. Ce traitement de faveur se justifie pleinement pour l’auteur de mesures de sauvegarde qui aurait agi de façon spontanée et désintéressée. Le concours gracieux s’oppose, en effet, moralement, à la mise en jeu de sa responsabilité. En revanche, d’autres immunités semblent plus contestables.
b) Les immunités contestables au nom de la prévention
212304. Tout comme la pharmacovigilance s’intéresse aux effets secondaires nocifs d’un médicament, le juriste doit s’interroger sur les possibles dangers des innovations juridiques. La canalisation ne pourrait-elle pas dissuader les personnes « non visées » à prendre les mesures de précaution qui s’imposent et, ainsi, favoriser les accidents374. Du Pontavice375 dénonçait la dangerosité des immunités : celles-ci ne conféreraient-elles pas à leur bénéficiaire une impunité ? Choquantes, les immunités ne sauraient pourtant l’être systématiquement. Quand elles sont l’œuvre d’un bénévole, les mesures de sauvegarde ne sauraient engager la responsabilité du bénévole. A l’opposé, en présence d’un professionnel qui a accepté de se livrer à des activités à risque, ce même principe mériterait d’être relativisé. Loin de nous l’idée de prôner une responsabilité systématique. L’immunité accordée aux assistants doit être, en effet, le plus souvent approuvée, car elle est de nature à faciliter l’assistance aux pétroliers, et, par là, la prévention de la pollution. Aussi, s’agirait-il, plutôt, de mieux cerner les hypothèses particulières dans lesquelles le droit à exonération de l’assistant peut disparaître. Nous pensons qu’il pourrait en être ainsi en présence de circonstances non exceptionnelles, c’est-àdire ne présentant aucun risque particulier. Dans un tel contexte, pourquoi ne pas exiger du professionnel une obligation de résultat ?
213305. S’agissant maintenant des affréteurs, ce qui frappe de prime abord, c’est la formulation particulièrement large de l’immunité. Sont, en effet, admis à se prévaloir de la protection : « tout affréteur sous quelque appellation que ce soit, y compris l’affréteur coque-nue, l’armateur ou les armateurs gérants du navire ». Le moins que l’on puisse dire, c’est que les dispositifs conventionnels font la part belle aux armateurs non propriétaires. Loin de se contenter de les rendre « irresponsables » en portant leur dévolu sur les seuls propriétaires, ils leur confèrent une immunité par le biais de la canalisation. L’octroi d’une telle faveur ne saurait les inciter à se montrer plus vigilants. Elle est, qui plus est, par trop contraire à la tradition du droit maritime classique des réparations, au terme duquel l’armateur exploitant un navire est toujours demeuré responsable de sa faute376. Sans doute, l’introduction de pareille règle pourrait-elle trouver un début d’explication dans le souci qu’ont eu les rédacteurs du Protocole de 1984 à la Convention CLC d’éviter une superposition de responsabilités, quand le montant de celles-ci pour le propriétaire du navire avait été fortement revu à la hausse.
214306. Le shipmanager peut-il se prévaloir d’une telle protection377 ? Le Pr Bonassies en doute. Si cette nouvelle figure du monde maritime administre techniquement le navire pour le compte de l’armateur, il ne peut être assimilé ni à un affréteur, ni à un armateur gérant, ni même à un exploitant du navire. Aussi, il devrait être exclu de la liste des intouchables. Un tel constat ne saurait toutefois remettre en cause le caractère excessif de la canalisation en matière maritime. De l’avis de certains auteurs378, ce mécanisme original ne se justifierait qu’en présence de substances nucléaires, parce que l’exploitant d’une telle activité est fortement contrôlé par les États. Du Pontavice379 considérait que c’est aux pires excès que peut conduire un tel système en matière maritime pure, car la responsabilité pourrait être canalisée sur un propriétaire ne disposant que d’un seul navire ; alors même que les affréteurs à temps ou coque-nue resteront les véritables maîtres du navire. Comment alors ne pas avoir de crainte s’agissant de la sécurité ? Le meilleur moyen d’imposer à l’homme un comportement impeccable n’est-il pas, au risque de nous répéter, de le rendre responsable, et non de l’absoudre ? Ce à quoi tendent malheureusement les immunités. Sans doute, doit-on alors trouver quelques motifs de satisfaction dans le caractère imparfait de la canalisation.
C. Le caractère imparfait de la canalisation
215307. La canalisation, telle que conçue par le Droit maritime des pollutions, n’est pas de celles que le droit qualifie de parfaite. A la différence de celle que consacre le droit nucléaire (1), elle autorise la levée des immunités et maintient les actions récursoires ( 2).
1. Le rejet du prototype nucléaire
216308. D’aucuns considèrent que le mécanisme de canalisation ne présenterait qu’un intérêt médiocre aussi longtemps que d’autres actions seraient ouvertes soit directement, soit par le biais d’actions en garantie380, comme cela est le cas en matière maritime. Aussi, s’il fallait identifier un prototype en matière de canalisation, c’est au droit nucléaire qu’il faudrait se référer. Car si la responsabilité est concentrée sur l’exploitant de l’entreprise nucléaire ou le propriétaire du navire à propulsion nucléaire381, nul autre qu’eux ou leurs assureurs respectifs ne peuvent être poursuivis. Ainsi, la victime de dommages nucléaires ne pourra agir contre le propriétaire du navire affrété par l’exploitant nucléaire, alors même que ce propriétaire aurait commis une faute grave dans le contrôle de la navigabilité382. C’est précisément parce que le droit nucléaire ne tolère que peu d’exceptions à la responsabilité de l’exploitant, que l’on peut parler de canalisation stricte de responsabilité. En limitant les possibilités d’exonération à la guerre ou la faute intentionnelle de la victime, rares seront les brèches dans l’édifice ainsi conçu.
217309. Force est de constater que le système international pétrolier se refuse à consacrer une canalisation aussi drastique. Sur le plan pratique, ce que l’on peut qualifier de canalisation imparfaite se traduit par la possibilité pour les victimes d’agir contre deux fonds de limitation, celui constitué dans le cadre du droit commun par le tiers responsable d’une part, celui formé par le propriétaire dans le cadre des dispositifs conventionnels, d’autre part. Toutefois, la manifestation la plus ostensible du caractère, imparfait de la canalisation pourrait résider tant dans la possibilité de lever des immunités, que dans celle d’exercer des actions récursoires.
2. La possible « levée des immunités » et le maintien des actions récursoires
218310. Le Pr Ph. Delebecque383 note à juste titre qu’en interdisant simplement aux victimes d’agir contre certains opérateurs, le législateur se garde de leur accorder une immunité stricto sensu. Car les « opérateurs énumérés redeviennent responsables ou, plus exactement, susceptibles d’actions en responsabilité si les victimes prouvent à leur encontre une faute inexcusable personnelle ». Ce n’est donc que dans cette hypothèse particulière que les victimes recouvrent leur droit d’agir sur le fondement du droit commun. Une telle disposition concerne au premier chef, le capitaine, l’assistant, l’armateur non propriétaire. Elle reste, en revanche, sans effet sur les autres opérateurs maritimes. Pour engager la responsabilité du constructeur, du réparateur ou du navire abordeur, la victime peut toujours se prévaloir d’une simple faute
219311. En n’excluant pas la possibilité de rechercher la responsabilité d’autres parties, par le biais des actions récursoires, le législateur consacre une « presque canalisation », car le propriétaire condamné pour défaut d’entretien ou vice de construction du navire peut toujours engager une action récursoire384 contre la personne ou société qui en avait la charge385. Ce faisant, la Convention renonce implicitement à faire peser une charge définitive sur la propriété.
220312. En dépit de la canalisation, elle préserve les droits de recours du propriétaire contre les tiers. Autrement dit, si les personnes protégées par ce mécanisme ne sont pas responsables à titre principal, elles peuvent toujours l’être à titre secondaire par le biais d’une action récursoire386. Les États-Unis ont considéré qu’un tel système présentait des inconvénients tels que cela suffisait à motiver leur refus387 de ratifier le Protocole. Ce n’est pas tant le risque de non-indemnisation que l’on doit craindre, car les victimes conserveront un recours contre le FIPOL, mais bien les menaces qu’un tel dispositif fait planer sur la sécurité maritime et, incidemment, sur la protection de l’environnement. On comprend dès lors mieux le sens de la démarche américaine qui, tout en adoptant le principe de la canalisation, se refuse à rendre responsable le seul propriétaire de navire388.
221313. Si l’introduction du mécanisme de canalisation peut s’analyser comme une étape décisive dans la procédure de révision du droit maritime en vue d’une adaptation aux phénomènes de pollutions, l’introduction de causes d’exonération au profit du seul propriétaire de navire paraît pouvoir s’analyser comme une conséquence directe de cette première disposition.
§ 3. L’introduction de causes d’exonération
222314. Si le droit maritime classique a pu être présenté comme le « lieu privilégié des exonérations de responsabilité », encore convient-il, pour mesurer l’exacte portée de cette affirmation, de se placer dans un contexte purement maritimiste. Les causes d’exonération dont il s’agit peuvent être invoquées par des opérateurs maritimes à l’encontre de leurs homologues, c’est-à-dire essentiellement dans un cadre contractuel. A l’égard des tiers, elles ne sont donc pas disponibles. Or précisément, parce que le propre des pollutions maritimes est de faire se rejoindre le monde des terriens et des marins, des concessions réciproques doivent être consenties.
223315. Ainsi, en renonçant à subordonner l’engagement de la responsabilité du propriétaire de navire à la preuve d’une faute, c’est une responsabilité de plein droit que le législateur consacre en présence d’une pollution. La rigueur de la mesure appelle une contrepartie. Faute de pouvoir s’exonérer par la preuve de l’absence de faute, le propriétaire du navire pollueur se voit offrir d’autres possibilités d’exonération. Concrètement, cela signifie qu’il pourra invoquer certains événements limitativement énumérés pour démontrer que le fait qui lui est reproché n’est pas la seule cause, ni peut-être même la cause principale du préjudice invoqué389. L’intérêt d’une telle disposition est patent pour le responsable. Au mieux, elle l’exonère de sa responsabilité, au pire, elle l’atténue390.
224316. En ce sens, une telle prérogative pourrait s’analyser comme une fragilisation du droit à réparation des victimes391. Toutefois cette crainte doit être relativisée s’agissant du droit des pollutions maritimes du fait de l’existence d’un second niveau de réparation392. Il n’en reste pas moins qu’à « configuration égale »393, le système de responsabilité internationale apparaît moins protecteur des intérêts de la victime. Un examen critique des cas d’exonération prévus par le système international (A.), puis de l’approche singulière qui en est faite dans le système américain devrait permettre d’en convaincre (B.).
A. L’examen critique des exonérations prévues par le système international pétrolier
225317. Si la cause étrangère apparaît comme un moyen de défense de large portée, elle n’en couvre pas moins des situations très diverses, dont l’influence sur la responsabilité du défendeur n’est nullement uniforme. Aussi, et même si cette approche devait apparaître fastidieuse, il nous semble difficile de faire l’économie d’un examen particulier de chacun des cas d’exonération que sont : actes de guerre (1), phénomènes naturels de caractère exceptionnel (2), fait intentionnel d’un tiers (3), négligence d’un gouvernement dans l’entretien des feux et des autres aides à la navigation (4), faute de la victime (5), non-déclaration ou fausse déclaration par le chargeur de la nature dangereuse de la marchandise (6).
1. L’acte de guerre
226318. Lorsque le déversement de substances dangereuses ou polluantes trouve son origine dans un acte de guerre, l’armateur peut se prévaloir d’un cas d’exonération totale. C’est une conception extensive394 de l’acte de guerre que consacrent les législations internationales, puisque lui sont assimilées hostilités, insurrections et guerres civiles395. A l’instar des autres causes étrangères consacrées par le dispositif international, la couverture de ce risque est expressément exclue des polices traditionnelles des assurances maritimes396. Classique par certains aspects397, ce cas d’exonération n’en est pas moins original. Il permet à l’armateur d’invoquer une exonération, alors même que l’acte de guerre n’aurait pas été la cause exclusive des dommages398.
227319. Nécessités vitales en temps de guerre, les transports de cargaisons d’hydrocarbures ou de substances dangereuses constituent des cibles de premier choix. Il ne serait pas de bonne politique économique ni a fortiori juridique, de mettre à la charge des armateurs le coût très élevé de l’assurance contre les risques de guerre. Ceci se comprend d’autant mieux, qu’ils tiennent à des facteurs sur lesquels les bénéficiaires de cette activité n’ont aucune prise. Ce cas d’exonération n’a pas donné lieu à de véritables débats juridiques. Si lors de la guerre du Golfe, quelques pollutions mineures ont été à déplorer, peu d’États du Golfe étaient à ce moment parties à la Convention CLC399. Les hypothèses, où la jurisprudence a eu à se prononcer sur le caractère exonératoire des phénomènes naturels, sont largement plus fréquentes.
2. Les phénomènes naturels de caractère exceptionnel
228320. Si les fortes tempêtes sont, le plus souvent, le théâtre des catastrophes pétrolières, n’importe quel phénomène naturel ne saurait exonérer le propriétaire de navire de sa responsabilité. Les Conventions CLC et SNPD subordonnent cette prérogative à la preuve d’un « dommage résultant d’un phénomène naturel de caractère exceptionnel400, inévitable401 ou irrésistible »402. Dans de pareilles circonstances, le navire chargé de substances dangereuses ou polluantes, agent passif soumis aux éléments, a malencontreusement oserait-on dire, été l’instrument du dommage.
229321. A l’instar de l’acte de guerre, il n’est nullement besoin que le dommage de pollution ait été l’œuvre exclusive du phénomène naturel, il suffit qu’il en ait été la cause déterminante. Même sans aller jusqu’à remettre en cause le traditionnel péril de mer403, on peut légitimement penser que l’« excuse » de phénomènes naturels sera de moins en moins facilement admise par les tribunaux. Les statistiques indiquent que le pourcentage des avaries causées par les forces de la nature s’abaisse constamment. Il ne peut en être autrement, puisque ces forces ne varient pas dans leur intensité tandis que la capacité de résistance des navires augmente sans cesse. Ainsi que le note le Pr J. Lopuski404, « il y a un affaiblissement général du rôle que joue l’action des forces de la nature dans la survenance des catastrophes ».
230322. Aussi, l’augmentation de la responsabilité civile ne résulte pas seulement du développement général des techniques avec toutes leurs conséquences, mais aussi de la transformation progressive de la doctrine traditionnelle de la force majeure. Les progrès réalisés par les services météorologiques contribueraient à rendre de tels événements prévisibles. Quand bien même, ils ne l’auraient pas été, il semblerait que l’on puisse encore exiger des « hommes de l’art » une certaine diligence. Tel est manifestement le message qu’entend faire passer la Cour d’appel d’Aix405. Cette juridiction a choisi d’imputer non pas à la force majeure, mais à la faute du capitaine, le fait pour un méthanier géant d’avoir rompu ses amarres sous des rafales de vent atteignant par moment 150 kilomètres par heure, alors que les bulletins météorologiques n’annonçaient que des vents de l’ordre de 60 à 80 kilomètres. En toute hypothèse, il apparaît qu’il n'est pas suffisant pour l’armateur pétrolier ou chimiquier de démontrer que l’accident aurait pu être évité par l’exercice de soins, ou des qualités maritimes ordinaires406. En ce sens, il semblerait que la notion de phénomènes naturels, retenue par la Convention CLC 1969 soit plus étroite que le concept d’acte de Dieu que l’on trouve dans l’OPA 1990, ou de péril de mer figurant dans le Marine Insurance Act 1906407 ou dans les contrats de transport408.
231323. Le Droit maritime tend donc à s’aligner sur le droit commun en dissociant nettement les cas ordinaires de force majeure des phénomènes naturels de caractère exceptionnel. Les premiers concernent des phénomènes météorologiques que d’aucuns considèrent comme des risques professionnels inhérents à l’activité. Les seconds, à l’exact opposé, consacrent des situations de force majeure renforcée409, résidant par exemple dans la survenance inopinée d’un raz de marée ou d’une tempête cyclonique exceptionnelle410. Seuls ces derniers événements devraient permettre au propriétaire de s’exonérer de sa responsabilité. Le fait intentionnel d’un tiers devrait pouvoir lui offrir pareille opportunité.
3. Le fait intentionnel d’un tiers
232324. Le propriétaire du navire ne peut être tenu pour responsable lorsque le dommage résulte en totalité du fait d’un tiers, qui a délibérément agi ou omis d’agir dans l’intention de causer un dommage411. L’accent est ici mis sur le caractère intentionnel de l’intervention. Il ne peut donc s’agir d’un fait quelconque. Ce cas d’exonération n’a pas vocation à couvrir les actes commis avec négligence, de façon non intentionnelle, par une personne qui se serait illégalement introduite dans le navire, même avec l’intention de commettre un délit, du moment où initialement elle n’avait pas cette intention412.
233325. De portée limitée, ce cas d’exonération jouera notamment, en présence de dommages causés par des actes de terrorisme, des sabotages commis par des tiers413. Pour s’en prévaloir avec succès, l’armateur devra établir que le dommage a été entièrement causé par l’acte intentionnel d’un tiers. Ce cas d’exonération procède d’une idée simple : l’armateur ne doit pas être tenu responsable lorsqu’en dépit de la diligence raisonnable du bord, une tierce-personne a volontairement causé un dommage. Pour produire tous ses effets, l’acte en cause doit présenter les caractères de la force majeure du droit commun414. Aussi si le propriétaire a concomitamment violé les règles de sécurité, il ne devrait pas pouvoir invoquer le bénéfice d’une exonération totale.
234326. Force est d’admettre que, dans le système international, la prise en considération de l’acte du tiers reste somme toute marginale puisqu’elle suppose de démontrer sa faute. A l’exact opposé, dans la conception américaine, le tiers occupe une place singulière puisqu’il peut être déclaré personnellement et objectivement responsable des déversements d’hydrocarbures causés exclusivement par son acte ou son omission. Selon un principe bien établi, c’est encore d’une faute, ou une négligence dans l’entretien des feux et des autres aides à la navigation dont pourra se prévaloir l’armateur pour espérer bénéficier d’une exonération.
4. La négligence d’un gouvernement dans l’entretien des feux et des autres aides à la navigation
235327. Le propriétaire est exonéré de toute responsabilité lorsque « le dommage résulte en totalité de la négligence ou d’une autre action préjudiciable d’un gouvernement ou d’une autre autorité responsable de l’entretien des feux ou d’autres aides à la navigation dans l’exercice de cette fonction »415. Cette exonération est valable non seulement en cas de pure négligence, mais aussi en présence d’une simple action préjudiciable. Il s’agit par là de sanctionner toute faute grave ou légère commise par les employés de l’administration ou une autorité responsable de l’entretien des feux ou des aides à la navigation. En pratique, cette faute est combinée le plus souvent avec une négligence de l’équipage. Ainsi le propriétaire ne pourra bien souvent faire valoir que partiellement ce motif d’exonération.
236328. L’affaire du Tsesis416 est particulièrement topique en la matière. En 1977, ce pétrolier soviétique s’était échoué sur une barre de rochers dont l’existence avait été signalée en 1969 par un bâtiment de l’administration des affaires maritimes suédoises. Consignée dans une base de données, cette information n’avait toutefois pas fait l’objet d’un enregistrement officiel par le service hydrographique. Face à l’ampleur des dommages de pollution, l’État suédois n’avait pas hésité à engager une action contre le propriétaire du navire sur la base de la Convention CLC417. L’armateur du pétrolier avait immédiatement riposté en assignant le gouvernement suédois aux fins de réparation des dommages causés au navire, ainsi que des frais exposés pour son assistance. La Cour suprême suédoise, dans un arrêt du 13 janvier 1983 avait jugé que le seul fait pour l’administration de ne pas avoir établi de cartes hydrographiques constituait une faute dans l’entretien des « aides à la navigation » au sens de l’article III.2 (c) de la Convention CLC. En conséquence, l’armateur, fondé à se prévaloir de ce cas excepté, pouvait exiger de l’État suédois qu’il rembourse en intégralité les dommages supportés par le navire418.
237329. Dans l’affaire du Jose Marty419, c’est une autre solution qui a prévalu. La Cour d’appel suédoise a rejeté l’argumentation du propriétaire du navire selon laquelle le pilote pouvait être assimilé à une aide à la navigation. Si en théorie, les victimes publiques ou privées conservent toute faculté pour agir contre l’État fautif ou n’importe quel agent public, toute action en ce sens est subordonnée à l’acceptation préalable de ce type de recours par l’État. Une telle procédure est pour le moins curieuse, parce qu’en faisant usage de ses droits régaliens, l’État apparaît comme juge et partie. Une telle anomalie ne saurait exister en présence d’une faute de la victime.
5. La faute de la victime
238330. S’il parvient à prouver que le dommage de pollution résulte partiellement ou totalement soit d’un acte ou d’une omission commis avec l’intention de causer un dommage par une personne qui souffre de ce dommage, soit d’une négligence de cette personne, le propriétaire peut s’exonérer totalement ou partiellement de sa responsabilité envers elle420. Toute faute de la victime est susceptible de la priver de son droit à réparation. La règle est classique en droit civil, le droit maritime de la réparation n’y déroge pas.
239331. Fréquemment invoqué par le propriétaire en présence de demandes d’indemnisation des frais de lutte déposées par les autorités gouvernementales, ce cas d’exonération n’est efficient que si l’événement dommageable a été exclusivement causé par une défaillance des autorités publiques. Ce qui signifie que, combiné avec d’autres facteurs, comme par exemple la négligence du capitaine, il devient partiellement inopérant. Ainsi dans l’affaire de l’Agean Sea421, la Cour a pu considérer que si le pilote, fonctionnaire de l’État espagnol était coupable de négligence, ce qui justifiait sur le plan pénal une sanction, sur le plan civil, sa responsabilité devait être partagée avec celle du capitaine du navire. La solution était au demeurant logique : l’événement dommageable pouvait être évité si chacun des protagonistes avait agi de façon raisonnable. Aussi l’État espagnol n’était fondé à revendiquer une créance d’indemnisation qu’à hauteur de 50 %. Pareille conclusion s’impose dans l’affaire du Patmos422. Parce que les autorités portuaires de Messine avaient fait preuve de négligence lors de l’utilisation des dispersants destinés à combattre la pollution, l’État italien n’a pu recouvrer l’intégralité des dépenses exposées au titre des frais de lutte.
240332. Si ce cas d’exonération, tout comme les précédents, est commun aux Conventions CLC et SNPD, le dernier, à savoir la non-déclaration ou la fausse déclaration par le chargeur de la nature dangereuse de la marchandise est, lui, spécifique à la seconde.
6. La non-déclaration ou fausse déclaration par le chargeur de la nature dangereuse de la marchandise
241333. La Convention SNPD est indubitablement calquée sur la Convention CLC. La présence de ce dernier cas d’exonération invite toutefois à relativiser quelque peu cette impression. Avec lui, c’est la spécificité des Substances Nocives et Potentiellement dangereuses que les rédacteurs de la Convention entendent consacrer. Force est d’admettre que ces substances, à la différence des hydrocarbures, peuvent être transportées sous des formes diverses : en conteneur, en vrac. Elles font également l’objet d’un traitement particulier. Elles peuvent être emballées, parfois arrimées. Leur présence est plus difficilement identifiable. Quand un pétrolier a pour unique vocation, de par sa conception, d’acheminer des hydrocarbures, un porte-conteneurs transporte des marchandises fort diverses. Une telle contingence matérielle ne peut être décemment ignorée par le droit. Le problème se pose en ces termes : est-il juridiquement correct de retenir la responsabilité du propriétaire du navire lorsque ni lui, ni ses employés ou mandataires ne pouvaient avoir connaissance ou n’auraient raisonnablement dû avoir connaissance de la nature potentiellement dangereuse des substances expédiées ?423
242334. A l’évidence, l’ignorance favorise la réalisation des dommages. Des précautions tant matérielles que financières risquent de ne pas être prises424. Violation des prescriptions techniques, défaut d’assurance sont à déplorer. Dans de telles circonstances, il serait particulièrement inique de faire supporter au seul propriétaire, les conséquences d’une omission ou d’une fausse déclaration du chargeur425. Son exonération s’impose d’elle-même.
243335. A l’inverse, elle est vouée à disparaître lorsqu’on aura pu établir que le propriétaire ou ses agents étaient conscients de la nature des marchandises transportées426 ou du moins auraient dû l’être. Une telle démonstration est loin d’être aisée. De même, pour espérer se prévaloir de ce cas d’exonération, le propriétaire devra démontrer une quelconque négligence ou imprudence de la part du chargeur.
244336. Un tel état des lieux « juridique » devrait inciter les propriétaires de navires à prendre toutes les mesures propres à déterminer, si les cargaisons à eux confiées, entraînent l’application de la Convention. En dernier lieu, c’est aux magistrats qu’il incombera d’examiner la pertinence des éléments de preuve que leur fourniront les parties. Quel degré de sagacité pourront-ils exiger des opérateurs ? Si cette cause d’exonération supplémentaire, nous pensons l’avoir montré, n’est pas, dans l’absolu, insensée ou contraire à tout entendement, son adoption a été préalablement débattue427. Cas d’exonération original au sein des conventions relatives aux dommages causés aux tiers par des substances polluantes ou dangereuses, il n’est pas sans rappeler le cas excepté prévu à l’article IV 6 de la Convention de la Haye, laquelle organise les relations contractuelles entre le transporteur et le chargeur en présence de marchandises dangereuses.
245337. Au terme de ce passage en revue critique des causes d’exonération offertes au propriétaire de navire, par le dispositif conventionnel international, il nous semble important de souligner que ces « échappatoires » ne sont pas exclusives de réparation pour la victime. Privée de moyen d’action contre le propriétaire non responsable car pouvant faire valoir un cas d’exonération, elle peut toujours agir contre un fonds d’indemnisation. Si le Droit américain ne se départit pas sur ce point du système international, force est d’admettre qu’il consacre plus généralement une approche singulière des cas d’exonération.
B. L’approche singulière des cas d’exonération dans le système américain
246338. La démarche qui est la nôtre, répond à une préoccupation clairement identifiée. Moins qu’un examen exhaustif de la jurisprudence, il s’agit ici de s’intéresser aux spécificités du cadre législatif nord-américain en matière d’exonération428. Nul doute qu’un premier élément de réponse doit être recherché dans le caractère dual du système juridique : d’un côté l’Union, de l’autre les États américains. Parce que la question des causes d’exonération429 est abordée de façon relativement homogène430, cette distinction ne saurait toutefois retenir durablement notre attention. Une remarque identique peut être formulée à propos de ce qui aurait pu être un second élément de réflexion, à savoir le caractère bicéphale de la notion de responsable. Aussi, en définitive, il nous semble plus judicieux de souligner l’utilité relative des cas d’exonération pour le défendeur américain (1), la possibilité de prononcer la déchéance de ce droit d’invoquer des cas d’exonération, méritant à elle seul, à notre sens un examen particulier (2).
1. L’utilité relative des cas d’exonération dans le système américain
247339. Par rapport aux législations antérieures, l’Oil Pollution Act témoigne d’une sévérité accrue du Congrès américain face aux pollutions maritimes. Le caractère restreint du nombre de cas d’exonération est un révélateur, parmi d’autres, de cette tendance431. Certains cas d’exonération ou complete defense permettent au responsable américain de revendiquer une exonération totale. On les retrouve, tant dans le droit commun de la responsabilité que dans le droit international. L’act of God432 traduit par Acte de Dieu est un événement dû à des causes naturelles, tempête, ouragan, inondation, d’une violence telle que personne ne saurait raisonnablement s’en protéger. Plus exactement, il s’agit selon les termes de l’OPA « d’une catastrophe naturelle imprévue ou d’un phénomène naturel ayant un caractère exceptionnel, inévitable et irrésistible. Ses effets n’auraient pas pu être prévenus ou évités par l’exercice d’une diligence ou d’une prévoyance convenable ». Chacun aura ici reconnu la notion de force majeure consacrée par le droit français. La seconde cause d’exonération totale est la guerre. Cette notion vise uniquement les hostilités menées par des entités gouvernementales de fait. Actes de guerre civile, insurrection ou terrorisme ne sont donc pas visés. Enfin, la partie responsable est exonérée de ses obligations lorsque le déversement de pétrole est la conséquence directe d’un acte ou d’une omission d’une tierce personne. Cette dernière notion est définie par défaut. Elle ne saurait viser préposés ou mandataires de la partie responsable du navire, ni même une tierce personne, dont l’acte ou l’omission s’inscrirait dans le cadre d’une relation contractuelle avec la partie responsable433.
248340. Les affréteurs à temps ou au voyage, parce qu’ils entretiennent des relations contractuelles avec le propriétaire du navire ne peuvent donc être considérés comme des tiers responsables, pas même le capitaine. Aussi, un responsable en quête d’exonération ne saurait se prévaloir d’une faute commise par l’un de ces opérateurs. En revanche, une faute commise par le constructeur du navire, du moins si elle a été la seule et unique cause de l’accident, devrait être utile à cette fin. Il convient en outre de préciser que, même lorsqu’un tiers est déclaré responsable au sens de l’OPA, le propriétaire de navire-citerne, l’exploitant ou l’affréteur coque-nue sont systématiquement sollicités. La faute exclusive d’un tiers n’exonère pas totalement l’armateur pétrolier. Celui-ci doit d’abord indemniser la victime avant de pouvoir se retourner contre le tiers-responsable. On pourrait évoquer l’idée d’une application originale du système paid to be paid mais au bénéfice, cette fois, des victimes. Responsables de premier rang, pourrait-on dire, ils seraient subrogés dans les droits des victimes. En cas d’insolvabilité des tiers, ils pourraient encore exercer une action contre l’Oil Spill Liability Trust Fund. Le juge pourra être amené à se prononcer sur l’influence respective de diverses négligences avant de statuer sur les causes d’exonération434. Ces trois premiers cas sont les seuls et uniques moyens de défense mis à la disposition de l’armateur américain qui transporterait des Substances Nocives et Potentiellement Dangereuses435. Ce qui fait dire au commentateur que les chances d’exonération sous CERCLA équivalent américain de la Convention SNPD, sont, somme toute, très limitées436.
249341. L’OPA ajoute à ces trois premiers cas d’exonération, un quatrième. S’il figure également dans le régime international, le traitement juridique qui lui est réservé varie quelque peu. Tandis que le système américain exige qu’une faute grave et inexcusable de la victime soit à l’origine de la pollution437 pour accueillir la demande d’exonération partielle de l’armateur, le système international se contente d’une simple faute ou négligence. Si l’auteur de la faute reste, dans les deux hypothèses, une personne publique, les dispositions du droit fédéral américain sont donc manifestement plus strictes. L’abandon récent du cas d’exonération relatif à la négligence du Gouvernement par l’Oil Pollution Act ne semble pas devoir modifier la donne438, encore moins entériner une quelconque volonté de renoncer à engager la responsabilité des autorités fédérées ou fédérales. Une telle attitude serait manifestement jugée contre nature, lorsqu’on sait que le droit américain va jusqu’à prévoir pour l’ensemble de ces cas exonératoires, des causes de déchéance.
2. La déchéance du droit à invoquer un cas d’exonération
250342. Ce n’est pas parce que le responsable peut a priori se prévaloir de l’un des cas d’exonération sus-énoncés, qu’il sera assuré, pour autant, d’en bénéficier le moment venu. En effet, le droit américain a cela de spécifique, qu’il subordonne la prérogative d’exonération à un comportement irréprochable du responsable. Sur le plan juridique, cela signifie que la partie responsable se verra refuser le droit de se prévaloir d’un cas d’exonération au seul motif qu’elle aura omis ou refusé, soit d’abord de signaler l’accident alors qu’elle en avait, ou aurait pu en avoir connaissance, soit ensuite de fournir toute coopération raisonnable et assistance exigées par une autorité compétente pour les activités de lutte contre la pollution, soit enfin de suivre les prescriptions légales ou de se soumettre aux ordres des autorités fédérales concernant la lutte contre la pollution dans le cadre du FWPCA, tel qu’amendé par l’OPA 90 ou prévu dans le cadre des dispositions de l’« intervention High Seas Act », sans raison suffisante439.
251343. L’objectif d’une telle disposition, de l’aveu même de son initiateur440, est d’obtenir du responsable pré-désigné qu’il s’investisse de la façon la plus efficace qui soit dans la lutte contre la pollution. La mesure n’est pas d’ordre purement incitatif, elle s’accompagne d’une sanction clairement identifiée : le prononcé de la déchéance du droit d’invoquer un cas d’exonération. Elle participe d’une volonté très nette de responsabilisation de l’opérateur maritime. En cela, elle s’inscrit à n’en pas douter, dans un souci de gestion intégrée des catastrophes. L’OPA tend à renforcer l’échange d’informations et la coopération entre les responsables du navire et les représentants des autorités publiques, aux fins de garantir une efficacité certaine dans les opérations de nettoyage et de lutte contre l’expansion des dommages. Cette loi oblige par ailleurs la partie responsable à assumer le nettoyage des sites pollués, ainsi que cela est prévu dans le cadre des dispositions du FWPCA et, plus implicitement, dans le cadre du national Contingency Plan, Plan National d’urgence spécifiquement élaboré pour organiser et coordonner toutes les actions de lutte contre les déversements pétroliers441. Une telle initiative doit être considérée comme particulièrement opportune, parce qu’elle s’efforce de rétablir un lien fondamental entre la sécurité ou plus largement la prévention, et les règles de responsabilité. Elle n’est pas manifestement hors de portée de ce que l’on peut attendre d’une partie responsable raisonnable. A elle seule, elle témoigne d’une volonté très nette, propre au système américain, d’imposer des règles rigoureuses en matière d’exonération. C’est en ce sens qu’on a pu considérer que l’OPA introduisait une responsabilité davantage quasi absolue qu’objective.
CONCLUSION DU CHAPITRE I
252344. Les phénomènes de pollutions maritimes majeures ne sont pas de ceux, que le droit de la responsabilité aborde avec aisance. Mais parce qu’à chaque dommage, il convient de trouver un responsable susceptible de prendre en charge la réparation, il se sera évertué à proposer une solution, non sans hésitation. Les dommages de pollutions nés d’un transport maritime sont ceux qui posent d’emblée un « cas de conscience ». Se trouve-t-on en présence d’un risque maritime, ou d’un risque lié à la nature de la chose transportée ?
253345. En choisissant de faire peser la responsabilité sur le propriétaire de navire, le législateur maritime international, à travers l’adoption du dispositif conventionnel paraît opter pour la première solution, à savoir le caractère maritime du risque. Mais le fait qu’il n’aille pas jusqu’au bout de sa logique, en consacrant dans la pure tradition maritime une responsabilité fondée sur la faute, témoigne d’une hésitation ou plus sûrement d’une incohérence dans son raisonnement. Son choix n’en paraît pas moins motivé pour autant. En déclarant responsable de plein droit le propriétaire de navire, il retient le canal le plus sûr pour acheminer la victime vers la réparation de son dommage. Mais en ne retenant pas la responsabilité de l’exploitant il se prive de la possibilité d’activer le « lien prévention- réparation » . Faut-il toutefois s’étonner de cela ? Pas vraiment. Car en renonçant à l’idée de culpabilité, en fait de responsable, ce n’est pas tant un coupable mais un garant que le législateur entend livrer à la victime. En ce sens, un système fondé sur la pré-désignation du responsable paraît emporter une dégradation sensible du concept de responsable.
254346. Nul n’est besoin dans de telles conditions d’envisager son comportement, puisque responsable, il le sera en toute circonstance. Si cette perspective peut séduire la victime assurée d’une réparation en toute hypothèse, elle peut aussi inciter le garant à d’une part, organiser le contournement de ce risque de responsabilité, à d’autre part, faire preuve de moins de vigilance dans l’exercice de son activité. C’est là toute l’ambiguïté du pari que fait la responsabilité objective en renonçant à examiner les comportements.
255347. Mais plus largement la responsabilité de plein droit ne se conçoit qu’au prix d’un gauchissement des lignes épurées des règles de responsabilité du droit maritime. Si le droit américain des pollutions paraît adopter un schéma identique de responsabilité, il aménage toutefois des garde-fous destinés à en limiter les dérives. En définitive la Convention CLC, davantage inspirée par « la recherche empirique d’un niveau équitable de réparation que sous-tendue par des principes formels de responsabilité »442 paraît emporter une totale désincarnation de la responsabilité dont atteste le caractère finalement fictif de la responsabilité du propriétaire du navire. Dès lors, c’est la question de la pertinence du maintien de cette responsabilité objective qui est posée en présence d’un système de responsabilité doublé de mécanismes collectifs d’indemnisation. Car ces derniers n’ont eux d’autres ambitions que de servir l’objectif de réparation, et ce de la façon la plus directe qui soit.
256348. En effet, sans aller jusqu’à renier la valeur sociale de la responsabilité objective à ses débuts, force est d’admettre que l’expansion de la responsabilité qu’elle aura permise se sera faite au prix de multiples forçages et torsions qui auront fait perdre à cette dernière sa simplicité et sa cohérence originaire. Or précisément, la raison ne commanderait-elle pas de renoncer à la responsabilité objective du propriétaire du navire ? Ce faisant c’est un peu de cohérence que l’on pourrait rétablir, la responsabilité de propriétaire devant s’apprécier à l’aune de son comportement, c’est-à-dire à travers le prisme du droit maritime classique fondé sur la faute. Cette initiative apparaîtrait d’autant plus justifiée que même dans une toilette objectivée, la responsabilité pour pollution, résolument entravée dans sa fonction d’indemnisation, n’accoucherait en réalité que d’une « garantie-fiction ».
Notes de bas de page
1 D.O 1969, LEG/CONF/C.2/SR. 7, p. 684.
2 LE TOURNEAU (Ph.), Droit de la responsabilité et des contrats, précit., n° 51,
3 D.O 1969, LEG/ CONF/C.2./ S.R.4. 668
4 On notera que jusqu’à la fin du xixème siècle, cette fonction était encore considérée comme accessoire.
5 VINEY (G.), Traité de droit civil, (sous la direction de Jacques GHESTIN, Introduction à la responsabilité civile, précit., p. 58, n° 36.
6 V. en ce sens MARTIN (G.J.), Principes de précaution et responsabilité, in Les transformations de la régulation juridique, sous la direction de J. CLAM et G. MARTIN, Maison des Sciences de l’Homme, Réseau européen Droit et société, n° 5, LGDJ, 1998, p. 415, spéc. p. 418.
7 BOURAYNE (C.), Les accidents maritimes et aériens : vers une responsabilité désincarnée, DMF, 1997, p. 963.
8 ABEL (O.) La responsabilité incertaine, Revue Esprit, nov. 1994, p.12.
9 Nous nous inspirons ici de la chronique du Professeur Y. LAMBERT- FAIVRE, De la dégradation juridique des concepts de victimes et de responsables, D., 1984, chron. p. 51.
10 PAGNOL (M.), Topaze 1, 5
11 VINEY (G.), Le déclin de la responsabilité individuelle, préf. A. TUNC, LGDJ, Coll. bibl. dr. privé, t. 53, 1965, spéc. p. 2.
12 Pour une approche historique V. VILLEY (M.), Esquisse historique du mot responsable, APD, La responsabilité, t. 22, Sirey, 1977, spéc. p. 49.
13 LAMBERT-FAIVRE (Y.), Droit du dommage corporel. Systèmes d’indemnisation, 2004, 5ème édition, p. 435.
14 L’arrêt Jand’heur rendu par la Chambre civile de la Cour de cassation admet qu’il suffit pour l’application de l’article 1384 al. 1 du Code civil qu’une chose soit soumise à la nécessité d’une garde en raison des dangers qu’elle peut faire courir à autrui. Pour un commentaire de cet arrêt cf. ESMEIN (P.), note sous Cass. civ. 21. fév. 1927, S, 1927, I 137. La décennie qui suivit fut marquée par une extension de l’article 1384 al. 1 à un nombre croissant de choses inanimées, même peu dangereuses.
15 JORF du 2 avril 1992 pp 4729- 4723 spéc. p. 4723
16 Pour un précédent V. l’arrêt du Lamoricière, Cass. 19 juin 1951, D., 1951, p. 717, obs. de RIPERT (G.)
17 Si historiquement, on a d’abord considéré que l’article 1384 al. 1 était fondé sur une présomption de faute, cette analyse a été condamnée par la Cour de cassation à l’occasion de l’arrêt des résines, Cass. civ. 16 déc. 1920. S. 22, 1, 97, note HUGUENEY (L). Dans cette affaire, la Cour suprême avait déclaré la compagnie concessionnaire de la gare maritime de Bordeaux gardienne responsable des fûts de résine entreposés dans ses hangars. Ces fûts s’étaient enflammés et avaient mis le feu aux propriétés voisines. La Cour de cassation refusa d’admettre que ladite compagnie puisse s’exonérer par la preuve de l’absence de faute. De cet arrêt, il ressort qu’il existe une présomption de responsabilité rendant inutile toute appréciation du comportement du gardien.
18 V. l’affaire du Lamoricière, Cass. com. 19 juin 1951, D. 1951, 717, obs. RIPERT (G.). Dans cette première espèce, pour éviter que la créance des familles des disparus ne soit réduite à néant par le jeu de l’abandon, la Cour de cassation a admis que l’action des victimes, tiers par rapport à l’armateur, soit fondée sur l’article 1384 al. 1. Une telle solution se conçoit aisément puisque l’article 1384 al. 1 ne peut être écarté que par une disposition expresse, qui n’existait pas en l’espèce. La Cour de cassation devait confirmer cette solution à l’occasion de l’affaire du Champollion, Cf.. Cass. civ. 23 janv. 1959, D., 1959, jur. p. 281.
19 Telle est la définition de la garde juridique qui ressort de l’arrêt Franck. Pour un commentaire de cet arrêt V.not. ROUBIER (P.), L’arrêt des Chambres réunies du 2 décembre 1941 et la théorie générale de la responsabilité civile, JCP, 1942, I, 257.
20 V. en ce sens Cass. Civ. 1, 9 juin 1993 Montigny les Metz, B.I, n° 213 ; note DAGORNE-LABBÉ (Y.), D. 1994, 80 ; RTD civ., 1993, p. 833 note JOURDAIN (P.), Une explosion survient dans des silos à grains. La malterie propriétaire conclut un marché d’évacuation des déblais avec une société d’enlèvement. Cette dernière les décharge dans le périmètre de protection de captage d’eau de la commune voisine. La fermentation de l’orge présente dans les déblais entraîne une pollution des eaux. La Cour d’appel décide que la garde desdits déblais avait été transférée de la malterie à la société d’enlèvement. La Cour de cassation censure la décision. « Attendu que la responsabilité du dommage causé par le fait d’une chose est liée à l’usage et au pouvoir de surveillance et de contrôle qui caractérisent la garde ; que sauf l’effet de stipulations contraires valables entre les parties, le propriétaire de la chose bien que la confiant à un tiers ne cesse d’en être propriétaire que s’il est établi que ce tiers a reçu corrélativement toute possibilité de prévenir lui même le danger qu’elle peut causer ». La malterie ne pouvait ignorer en sa qualité de professionnel, le risque de fermentation de l’orge ; elle aurait dû attirer l’attention de la société d’enlèvement sur le risque que cette dernière ne pouvait normalement envisager.
21 La possibilité de recourir à l’article 1384 alinéa 1 en présence d’un navire a été consacrée avec force par la Cour de cassation à l’occasion de l’arrêt rendu à propos du Lamoricière. C. Cass. 19 mars 1951, D., 1951, p. 717 obs. RIPERT (G.).
22 Sur cette possibilité cf.. RODIÈRE (R.), L’article 1384 al 1, et la garde du navire, D., 1957, Chron., 171.
23 Ainsi il a été décidé que la responsabilité d’une pollution causée par une fuite de carburant devait être imputée à une compagnie pétrolière, qui en sa qualité de propriétaire avait conservé un pouvoir de direction et de contrôle sur la cuve d’où avait fui le carburant. On précisera que dans cette espèce les locataires n’avaient aucune liberté. Ils devaient notamment faire appel au bailleur en ce qui concerne l’entretien et la réparation des cuves. V. en ce sens, Cass civ 2, 15 novembre 1989, Resp. civ. et assur., 1990, p. 3 et s.
24 Pour un commentaire de cette affaire V. SIVARDON (P.), L’affaire du Texas City, Thèse Bordeaux, 1949, DE JUGLART (M.), L’ affaire du Texas-City devant les tribunaux américains, DMF, 1959, p. 643, V. aussi BONASSIES (P.) L’affaire du Texas- City, DMF,1962 p. 621. V. American Maritime Case, 1961 p. 1082 et Llyod’s Law Reports, 1961 p. 504.
25 V. RODIÈRE (R.), Traité général de droit maritime, Evénement de mer, Dalloz, 1972, n ° 121.
26 Trib. com. Alger, 15 février 1928, Revue Dor sup. 6 p. 179, citée par du PONTAVICE (E.), The victims of damage caused by the ship’s cargo » in Damages from goods, Gothenburg Maritime Law Association, 1978, p. 38
27 Rennes, 3 nov. 1965, D.M.F, 1966, p. 466.
28 D.O. 1969, LEG/ CONF/C.2/SR.5, p. 670 France.
29 Cette solution a été tout particulièrement développée par GOLDMAN (B.) dans sa thèse de Doctorat, La détermination du gardien responsable du fait des choses inanimées, Lyon, 1946, publiée aux Editions Sirey, 1947.
30 Cass. 2 éme civ., 10 juin 1960, affaire Oxygène liquide, V. D. 1960, 609, note RODIÈRE (R.), JCP 1960, II, 11824, note EISMAN (P).
31 Il existe en effet des hypothèses de combustion spontanée pour certaines marchandises. Le nitrate, par exemple, lorsqu’il est exposé à de fortes températures peut exploser.
32 Sur ce point V. SCHAMPS (G.), La mise en danger : un concept fondateur d’un principe général de responsabilité. Analyse de droit comparé, préf. R. O. DALCQ, Bruylant et LGDJ, Coll. Bibliothèque de la Faculté de droit de l’Université catholique de Louvain, t. XXVIII, 1998, spéc. n° 77 et s.
33 Sur cette question V. du PONTAVICE (E.), The victims of damage caused by the ship’s cargo, précit., p. 38.
34 Sur ce point V. ANDRÉ (J.-P.), Asssurabilité du transport des matières dangereuses, JMM du 14 Septembre 1990 p. 2278, spéc. p. 2278.
35 Selon la définition de l’arrêt Franck contre Connot (Cass. ch. réunies, 2 déc. 1941, DC, 1942. 25, note RIPERT (G.) ; S., 1941, 1, 217, note MAZEAUD (H.), la garde est caractérisée par le pouvoir d’usage, de direction et de contrôle.
36 Sur cette question V. BONASSIES (P.), Les risques et responsabilités en matière maritime, Colloque de l’IMTM du 1 er avril 1996.
37 Sur le développement de cette affaire V. T. Com. de la Seine, 21 janvier 1952, p. 186,TGI de Brest 15 décembre 1954 ; Navire Océan Liberty, D.M.F, 1955, note GR p. 352.
38 V. notamment VINEY (G.), Responsabilité du fait des produits et atteintes à l’environnement, in Etudes offertes à René Rodière, Dalloz, 1981, p. 343, spéc. p. 346, V. aussi CARBONNIER (J.), Les obligations, t. 4, coll., Thémis PUF, 22ème éd., 2000. « Cette distinction entre la garde de la structure et du comportement ne conduit pas toujours à la ferme désignation du responsable », n° 262.
39 Sur ce point V. LE TOURNEAU (Ph.), Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz Action, 2004 /2005, n° 3671.
40 Sur ce point BONASSIES (P.), Risques et responsabilités en matière de pollution, Colloque IMTM, 1er avril 1996, Aix en Provence.
41 L’article 1384 alinéa 1 relève de l’ordre juridique interne, il ne saurait être un principe de justice universelle. L’extension du domaine d’application de l’article 1384 alinéa 1 au navire ayant causé un dommage en haute mer est admise. Cf. l’affaire du Lamoricière, Cour de cassation 19 juin 1951, D. 1951 p. 717 note G. Ripert.
42 Cette solution a pourtant été retenue dans l’affaire du World Mead. Rennes, 3 novembre 1965, DMF 1966, p. 466.
43 V. l’affaire du Lanuvio, Alger 15 fév. 1928, Dor Sup. 6, 179
44 Pour une évocation de cette affaire V. BONASSIES (P.), L’affaire du Texas- City, D.M.F, 1962 p. 621.
45 Marginale, cette dernière solution serait écartée aujourd’hui par le Droit français. Cf. l’arrêt Sté d’assurance moderne des agriculteurs et autres c/ GMF et autres au terme duquel la Cour de cassation a jugé que la personne habitant une maison où s’est produit une explosion n’est pas la gardienne des matériaux projetés par le souffle de l’explosion, qui ont endommagé une habitation voisine, Cass. civ. 2, 4 mars 1998, Bull. civ. II, n° 75, D. 1999, p. 217, note DAGORNE-LABBÉ (Y.) ; RTD. civ., 1998, p. 686, obs. JOURDAIN (P.).
46 Cass.Ch. Réun. 2 déc. 1941, D. 1942 p. 25.
47 V. GIROD (P.), La réparation du dommage écologique, L.G.D.J., préf. R. Drago, 1974, spéc. p. 94.
L’arrêt rendu par la deuxième Chambre civile, le 17 décembre 1969, est particulièrement topique à cet égard, Bull. civ., n° 353, p. 261. Le juge judiciaire, dans cette espèce, a estimé en se fondant sur l’article 1384 al.1 qu’une société chimique pouvait être considérée comme « gardienne des gaz qui en se dégageant de ses ateliers avaient intoxiqué mortellement un ouvrier ».
48 Ch. mixte, 4 déc. 1981 : V. notam. note CHABAS (F.), JCP, 1982, II, 19748. Quatre membres de l’équipage, pour protester contre le projet d’arrêt d’exploitation du France, avaient enjoint au commandant de mettre le paquebot dans l’axe du chenal d’accès au port. Les juges ont considéré que l’armateur n’avait pas perdu la garde du France, étant donné que le commandant et ses officiers, demeurés libres de leur personne, n’avaient pas cessé de commander les manœuvres du paquebot.
49 V. PEANO (M.-A.), L’incompatibilité entre les qualités de gardien et de préposé, D., 1991, chron. p. 51.
50 V. notam. ses observations sous TGI Rouen, 8 juillet 1966, D.M.F, 1966 p. 741.
51 V. l’affaire du France, op. cit.
52 Pour une application de la responsabilité du fait des choses à l’armateur d’un pétrolier V. l’affaire du World Mead, Cour d’appel de Rennes, 3 novembre 1965, DMF 1966, p. 466.
53 VIALARD (A.), Droit maritime, précit., n° 387.
54 du PONTAVICE (E.) et CORDIER (P.) Transport et affrètement maritimes, § 3, Encyclopédie Delmas pour la vie des affaires, 2ème éd.
55 VIALARD (A.), Droit maritime, précit., n° 387.
56 L’article 11 de la loi du 18 juin 1966 sur les contrats d’affrètement et de transport maritimes (reproduite dans le Code de commerce) est clair : « l’affréteur garantit le fréteur contre tous recours des tiers qui sont la conséquence de l’exploitation du navire ».
57 Trib. com. Alger, 15 février 1928, Revue Dor sup. 6 p. 179.
58 V. sur ce point, BOISSON (Ph.), La sécurité en mer, Edition Graphis Photo, 1980 p. 151 note 92.
59 Il s’agit d’une codification de la Loi du 7 novembre 1922.
60 TGI Paris, 3 mars 1980, Gaz. Pal., 1980, 2, 484, note MORAND (M.).
61 Cf. JMM du 4 mars 1982, n° 3246 p. 382.
62 Tant que les citernes sont remplies d’un mélange d’eau de mer et de pétrole, l’air des citernes est encore trop chargé des vapeurs de pétrole pour présenter un risque. En revanche, lors du déchargement et au moment du nettoyage, les citernes sont au fur et à mesure remplies d’eau, les vapeurs diminuant, les risques d’explosion. augmentent.
63 La véritable origine de cet incendie n’avait pas pu être déterminée. Plusieurs explications avaient été avancées par les experts et notamment les suivantes : Etincelle provenant d’un circuit électrique, utilisation d’une lampe-torche non réglementaire, fumeur, retour de flammes provenant d’une chaudière, frottement de la muraille du navire contre les parties métalliques des ouvrages de défense du quai.
64 V.TERRÉ (F.), SIMLER (Ph.), LEQUETTE (Y.), Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, Droit privé, 7ème édition, n° 754, V. par exemple, Cass civ. 2. 19 mars 1997, RTD civ. 951 obs. JOURDAIN (P.)
65 V. tout particulièrement l’étude consacrée à ce thème par OZÇAYIR (Z. Oya), Liability for oil pollution and collisions, LLP, 1998.
66 Sur la notion d’abordage V. VIALARD (A.), Droit maritime, précit., n° 32.
67 Sur ce point, V. not. BONASSIES (P.), Le droit positif en 1994, DMF, 1995, p. 19. L’auteur y considère que « la théorie de l’abordage est exclusivement fondée sur la faute » ; V. aussi GARRON (R.), La faute du navire dans le droit de l’abordage, D.M.F, 1964 p. 579.
68 V. en ce sens RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Droit maritime, précit., n° 397.
69 Comme par exemple un quai, une jetée, des structures portuaires.
70 V. en ce sens BONASSIES (P.), Après l’Erika, les niveaux de réparation des dommages résultant d’une pollution maritime par les hydrocarbures, Rev. Scap., 2000, p. 140 On notera que même en choisissant de fonder leur action sur l’article 1384 al. 1 du Code civil, les victimes françaises ne sauraient contourner le principe de limitation de responsabilité. Le législateur a en effet pris soin de préciser que le droit commun de la garde devait se combiner avec les dispositions relatives à la limitation des créances maritimes.
71 RODIÈRE (R.), RÉMOND-GOUILLOUD (M.), La mer, droits des hommes proie des États, Pédone, 1980, p. 117.
72 Pour un commentaire de cette loi V. notamment VINEY (G.) L’introduction en droit français de la Directive européenne du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité civile du fait des produits défectueux, D., 1998, chron. 291
73 Parmi les études consacrées à cette question, citons not. MARKOVITS (Y.), La Directive CEE du 25 juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux, LGDJ, 1990, préf. J. GHESTIN ; TAYLOR (S.) L’harmonisation communautaire de la responsabilité du fait des produits défectueux, Etude comparative du droit anglais et du droit français, LGDJ, 1999.
74 Défini à l’article 1386-6 du Code civil. V. not. VINEY (G.), L’introduction en droit français de la directive européenne du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité civile du fait des produits défectueux, précit.,.
75 A moins qu’il puisse prouver que la défectuosité découle du respect de certaines règles impératives émanant des pouvoirs publics.
76 V. not. en ce sens TESTU (F.X.) et MOITRY (J.H.), La responsabilité du fait des produits défectueux. Commentaire de la loi 98-389 du 19 mai 1998, Dalloz Affaires du 16 juillet 1998, supplément n° 125. p.3 spéc. p. 3.
77 VINEY (G.), Responsabilité du fait des produits et atteintes à l’environnement, in Etudes offertes à René Rodière, précit., p. 343
78 V. NORDENSON (U.K.), Channeling the liability, in Damages from goods, op. cit. p. 91, spéc. p. 98
79 On notera qu’en 1976, c’est-à-dire au moment où le Comité juridique de l’OMCI a été consulté au sujet d’une éventuelle extension de la Convention CLC aux SNPD de nombreuses délégations préconisaient d’imputer la responsabilité au fabricant de ces substances.V. not. JMM du 15. 07. 76.
80 Tribunal civil de Brest 15 décembre 1954, Navire Océan Liberty, DMF, 1955 note G.R. p. 352
81 V. GARRON (R.), La responsabilité personnelle du capitaine de navire, Librairie Technique Collection de droit maritime et des transports, Aix, 1966. p. 161 n° 157 ; p. 162 n° 158.
82 Sur ce point V. DU VIVIER (F.R.), Perspective d’évolution de la réparation dans les Communautés européennes, in La réparation des dommages catastrophiques : les risques technologiques majeurs en droit international et en droit communautaire, Travaux des xiiièmes Journées d’études juridiques. Jean Dabin 1990 Bruylant, Bruxelles pp 417- 437 spéc. p. 431.
83 Ce jugement du 15 décembre 1954 sera confirmé 5 ans plus tard par la Cour de cassation dans un jugement du 4 juin 1959.
84 En ce sens V. LOPUSKI (J.), The HNS Convention are we on the right track?, Revista de Derecho de la navigacion maritima y aeronautico, Barcelona, 1994, n° 10 pp 1585- 1601.
85 Sur ce point V. GASKELL (N.), Lessons of the Mont Louis part two : compensation for hybrid accidents International Journal of estuarine and coastal law, 1986, p. 269.
86 Ainsi les hydrocarbures visés par les Conventions pétrolières sont expressément exclus de son champ d’application.
87 V. en ce sens CAMPROUX-DUFFRENE (M.-P.), La loi du 19 mai 1998 sur la responsabilité du
fait des produits défectueux et la protection de l’environnement, RJE 2/1999, p. 189
88 Sur cette question V. l’étude de WONACOTT (P.N.), Products liabilities of shipbuilders and repairers, Tulane Law Review [vol. 62, 1988], pp 464 - 509.
89 Nous reprenons ici l’expression consacrée par le Professeur G. VINEY, Le déclin de la responsabilité individuelle, L.G.D.J, préf. A. Tunc, 1965
90 VINEY (G.), Le déclin de la responsabilité individuelle, précit., n° 324.
91 Cette définition est celle retenue par la Convention de Lugano.
92 MOULY (C.), Responsabilité objective ou responsabilité pour faute ?, LPA du 1.er juillet. 1992 p. 7.
93 Nous reprenons ici l’expression de Monsieur le Professeur P. CHAUMETTE, L’activation du lien prévention- réparation, Droit social, 1990, p. 724.
94 Paris, 3 mars 1978, Gaz. Pal., 1978, II som. 394.
95 Article 23 la loi du 19 juillet 1976.
96 UNIDROIT. Les travaux préparatoires ont débuté en 1972.
97 Un rapport explicatif de la Convention rédigé par M. EVANS a été publié à la Revue de Droit uniforme, 1991, I pp 77- 183. (Version anglaise et française)
98 Cf.. UN/ DOC.A/Conf. 89/ C.A du 20 mars 1978 dans lequel il est dit que 50% de l’ensemble des marchandises transportées dans le monde entier doivent être considérées comme dangereuses. En 1978, un camion chargé de gaz liquide explosait à proximité d’un camping de Los Alfaques en Espagne entraînant la mort de 215 personnes. Sur cette question V. not. EHLERS (H.C.), Transport of Dangerous cargoes -Aspects of liability and Insurance, Paper presented at the 10 th Biennial Conference of the section on Business Law Hong Kong, September/ October 1991, inédit, p. 3
99 A savoir la Convention sur la responsabilité civile pour les dommages causés au cours du transport de marchandises dangereuses par route, rail et bateau de navigation intérieure signée à Genève le 10 octobre 1989
100 V. not. sur ce point RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Le contrat de transport, Connaissance du droit, Dalloz, 1993, spéc. p. 13 et s. et 36 et s ; V. aussi PUTZEYS (J.) Droit des transports et Droit maritime, Bruylants 1993 spéc. n os 58 ; 189 ; 233.
101 V. Lamy transport, Tome 3 :, Marchandises dangereuses. Bateaux de navigation intérieure et véhicules routiers font l’objet d’une immatriculation, laquelle facilite grandement l’identification de son propriétaire.
102 CRTD art. 1 § 8 a.
103 Pour un aperçu de la question V. REYNERS (P.), La réparation des dommages nucléaires dans les pays membres de l’OCDE. in L’indemnisation des dommages de pollution, OCDE, 1981, p. 94.
104 Les dommages générés par l’uranium naturel ou appauvri et certaines sources utilisées à des fins médicales ou industrielles sont encore réparés selon le régime de droit commun de la responsabilité maritime.
105 Ratifiée par la France par la loi du 23 décembre 1972, JORF, p. 13 587, entrée en vigueur le 15 juillet 1975.
106 Modifiée par le Protocole additionnel du 28 janvier 1964 entrée en vigueur le 1 er avril 1968.
107 La Convention de Bruxelles est de nature subsidiaire. Elle n’a vocation à s’appliquer que si les Conventions de Paris (1960) ou de Vienne (1963) ou une loi nationale prévoit la couverture des dommages ;
108 Pour des développements récents sur cette question cf., OCDE-AEN, Réforme de la responsabilité civile nucléaire-Symposium de Budapest 1999, et plus particulièrement BROWN (O.F.) & HORBACH (N.) Liability for international nuclear transport : an overview, p. 237, spéc. p. 248. Voir aussi LAHORGUE (M.-B.), Tchernobyl : 20 ans après, le système international de responsabilité civile nucléaire, Droit de l'environnement, 2006, n° 139, p. 182, spéc. P. 185.
109 Pour plus de précisions V. MERCADAL (B.), Responsabilité pour dommages causés par les accidents nucléaires et par les déchets in International Congress on transport of dangerous goods and transfer of dangerous wastes, Antwerp April 25- 26, 1991, DET Vol. XXVI Nos 1 § 2, 1991 pp 108-114.
110 Art 4 de la Convention de Paris.
111 Sur cette question V. AEN-OCDE, Législations nucléaires, responsabilité civile, 1990, spéc. p. 146-147.
112 Art. 4 Conv. de Paris.
113 MERCADAL (B.), Responsabilité pour dommages causés par les accidents nucléaires et par les déchets, International Congress on transport of dangerous goods and transfer of dangerous wastes Antwerp April 25-26 1991, D. E. T, VOL. XXVI, nos 1 & 2 1991 pp108- 114
114 Art. 9. 1 de la Convention complémentaire de Bruxelles.
115 RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Droit maritime, op. cit. n° 412.
116 FAURE (M.G.) and SKOGH (G.), Compensation for damages caused by nuclear accidents : a convention as insurance, The Geneva Papers on risk and Insurance, October 1992, n° 65, p. 499.
117 Sur le problème engendré par la couverture du risque nucléaire V. infra n° 517.
118 GOLD (E.) Pollution from offshore activities - an overview of the operational, legal and environmental aspects, in DE LA RUE (C.) (Dir) Liability for damage to the marine environment, CMI op. cit., p. 203, V. aussi SVENSEN (H.), Pollution from offshore activities- liability and P&I insurance aspects, de LA RUE (C.) (Dir) in Liability for damage to the marine environment, CMI op. cit pp 233- 247
119 V. RÉMOND (M.), Exploration et exploitation du pétrole en mer, (questions juridiques) Thèse dactyl., Paris 1967, du même auteur, L’exploration pétrolière en mer et le droit, éd. Technip 1970. RODIÈRE (R.) et RÉMOND-GOUILLOUD (M.), La mer droit des hommes ou proie des états, op. cit p. 111 et s.
120 Soit 400 millions de tonnes, chiffre cité par RODIERE (R.) et RÉMOND-GOUILLOUD (M.),
La mer droit des hommes ou proie des états, précit., p. 112
121 Signée le 17 décembre 1976. Pour un commentaire de cette Convention V.DUBAIS (C.) The 1976 London Convention on civil liability for Oil Pollution damage from off- shore operations, JMLC, vol. 9, 1977, p. 61
122 Directive 2004/ 35/ CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux (JOCE, L. 143, 30-04- 2004, p. 56) commentée par DELVIGNE (J.-P.), Droit de l’environnement n° 121, septembre 2004, p. 160.
123 PIPERS (A.), Le projet de convention du Conseil de l’Europe sur la responsabilité civile des dommages résultant de l’exercice d’activités dangereuses pour l’environnement. in Responsabilité pénale et responsabilité civile des professionnels - Actualité et avenir des notions de négligences et de risque. Actes du 22ème colloque de droit européen, La Laguna, 17-19 novembre 1992 Les éditions du Conseil de l’Europe, 1995, spéc. p. 373-378.
124 V. sur ce point THIEFFRY (P.), Le renforcement de la responsabilité environnementale des entreprises : tendances législatives françaises et européennes divergentes, Gaz. Pal., 12 juin 2004, n° 164, p. 22.
125 Art. 3
126 Convention adoptée le 8 mars 1993 par le Conseil de l’Europe. (Série des traités européens n ° 150) V. MARTIN (G.J.), La responsabilité civile pour les dommages à l’environnement et la Convention de Lugano RJE 2-3,1994, p. 121. Parmi les activités visées par cette Convention figurent la production, la manipulation, le stockage, l’utilisation ou le rejet de substances dangereuses ou toute opération portant sur de telles substances mais aussi « les opérations de transport par pipeline et celles se déroulant entièrement dans une installation ou un site inaccessible au public à condition qu’elles soient accessoires à d’autres activités ». Cette convention ouverte à la signature le 21 juin 1993 n’est pas entrée en vigueur, faute de ratification suffisante.
127 La jurisprudence américaine appelée à se prononcer sur le point de savoir si le transport de produits pétroliers pouvait répondre à la qualification d’activités dangereuses a répondu par la négative (Voir par exemple Jackson v. Standard Oil Co of california, 8 Wash. App. 83, 505 P. 2d 139 (1972). Elle a, par la suite, eu l’occasion de préciser que ce type de transports n’était ni une activité ultra- dangereuse ni même une activité posant des risques inhabituels de haut risque quand les protocoles habituels de sécurité étaient respectés.
128 Art. 6-1 de la Convention, Sur cette question V. FAURE (M.), Economics aspects of environmental liability : an introduction, European Review of Private Law, 1996, p. 85
129 Cf. le rapport explicatif de la Convention p. 28
130 Sur cette question V. Le numéro spécial « Banques et assurances et environnement », Revue Droit des Affaires internationales, 1993, n ° 4.
131 COM (2000) 66 final du 9 février 2000
132 Livre Blanc op. cit p. 20- 21.
133 V. VINEY (G.), Les principaux aspects de la responsabilité civile des entreprises pour atteinte à l’environnement en droit français, JCP, I, 1996, p. 39. On peut citer à titre d’exemple, la loi du 15 juillet 1975 relative à l’élimination des déchets, la loi sur les installations classées du 19 juillet 1976, ou pour le droit civil, la théorie des troubles du voisinage. Tous choisissent d’imputer la responsabilité à l’exploitant.
134 Ce critère n’a pas fait l’objet d’un « plébiscite législatif » dans d’autres domaines.
135 LE BON (G.), Hier et demain
136 Art. 1 de la Loi du 3 janv. 1969 sur l’armement et les ventes maritimes. (reproduite dans le Code de commerce.
137 V. RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Droit maritime, précit n° 218.
138 V. DELEBECQUE (Ph.), Responsabilité et indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, à propos de la catastrophe de l’Erika, JCP, 2000, Actualités, p. 125. Le fait du navire traduit en réalité celui de l’équipage : l’article 3 de la loi du 3 janvier 1969 rappelle que l’armateur répond de ses préposés terrestres ou maritimes dans les termes du droit commun.
139 Pour une étude exhaustive de la notion V. CORBIER (I.), La notion juridique d’armateur, Thèse Paris I, Les grandes thèses du Droit français, PUF. 1994.
140 V. en ce sens RÉMOND-GOUILLOUD (M.) in préface à la thèse d’I. CORBIER, La notion juridique d’armateur, précit p. 2
141 D.O 1969,LEG/CONF/4. p. 459-462 : France, cité par WU (Ch.), La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures- Responsabilité et indemnisation des dommages, Pédone, 1994.
142 La question de la responsabilité de l’exploitant a été une nouvelle fois discutée à l’occasion des travaux préparatoires de la Convention SNPD. La délégation polonaise avait en effet suggéré de remplacer l’expression propriétaire par celle d’exploitant [ LEG 62/4/5, 14 mars 1990]. Elle n’a pas été suivie [ V. en particulier LEG 72/ 4/ 2, 24 janvier 1995 ; LEG 72/ 4/ 3, 20 février 1995 ; LEG 72/4/ 4 ; 28 février 1995 ; LEG 72/4/ 8, LEG 72/ 4/ 10, 3 mars 1995].
143 Cet exemple est cité par WU (Ch.), La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures-Responsabilité et indemnisation des dommages, précit., p. 66.
144 Ainsi que l’ont noté certains commentateurs, il devient préférable d’affréter un pétrolier plutôt que d’en être propriétaire. V. not. NERSESIAN (R.), Should oil companies own tankers ? Special report published by Petroleum and Energy Intelligence Weekly Inc. cité dans Oil Spill U.S Law Report June 1991 p. 6
145 TUNC (A.), La responsabilité civile, Economica, 2ème éd., 1989, n° 93.
146 Souligné par nous. Il faut signaler ici la mise en place d’un registre d’affrètement coque-nue sous l’égide de la Convention des Nations-Unis sur l’immatriculation des navires du 7 février 1986 pour les affréteurs coque-nue, V. MORENO (C.), Bareboat charter registration in the light international instruments, ADMA, 1996, p. 55.
147 CLC : Art. I. 3 ; SNPD Art. 1. 3
148 Sur ce point V. RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Droit maritime, précit, n° 231.
149 Sur cette question V. GAUCI (G.), Oil pollution at sea, civil liability and compensation for damage, John Willey § Sons, 1997, spéc. p. 91. La consultation des banques de données d’origine privée telles que les publications régulières du Llyod permettent également d’identifier le propriétaire d’un navire.
150 V. TUNC (A.), Evolution du concept juridique de la responsabilité, Droits et cultures, 1996/ 1, p. 19, spéc. p. 28. TUNC suggère aussi de faire peser quasi-automatiquement la responsabilité du fait des choses sur le propriétaire. La fameuse affaire du paquebot France réaffirme à sa manière le lien entre la propriété et la garde en déclarant l’armateur responsable. V. Ch. Mixte, 4 déc. 1981, Gaz. Pal. 1982, I, Pan. note CHABAS (F.) 1982, 365.
151 Rares sont en effet les pollutions dues à une mauvaise gestion commerciale. On pourrait toutefois envisager l’hypothèse d’un mauvais branchement de tuyaux qui occasionnerait des fuites d’hydrocarbures ou autres substances.
152 ATTARD (J.), Sites pollués : propriétaire non exploitant et réparations des dommages causés aux tiers à l’environnement, LPA du 4. 07. 2000 p. 16.
153 Nous empruntons cette formule à G. RIPERT, Traité pratique de droit civil français. 2 è édition t VI, Ed. 1957, II n°1588 p. 209
154 BONASSIES (P.), Les risques et responsabilités en matière maritime, Colloque IMTM, 1 er avril 1996. Le Professeur BONASSIES faisait à juste titre remarquer qu’un tel choix pouvait pratiquement faire peser la responsabilité pour pollution sur une banque qui aurait financé la construction d’un pétrolier dans le cadre d’un contrat de leasing et en aurait conservé la propriété nominale.
155 V. sur ce point FENET (P.), Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, Paris 1836, XIII, p. 477. L’auteur évoquait la responsabilité du propriétaire à raison des bâtiments terrestres, cité par J. Attard op.cit. On pourrait ici considérer que par analogie la remarque vaut pour les bâtiments « marins ».
156 CAPITANT (H.), Des obligations de voisinage, Revue critique, 1900, p. 156.
157 V.Les réserves émises sur ce point par RAES (P.) Transportation of hazardous cargoes by sea, the shipowner's viewpoint, in The transportation of hazardous Cargoes by sea, IBC Legal Studies and Services Limited Maritime Law Division, Conference Documentation London, 22 nd March 1993, non publié « Today’s ownership tends to see vessels as a commodity [...] Shipping once more is going through a serious crisis. The most convenient way to reduce costs was to reduce the cost on crewing, the first step was reducing the crew numbers »
158 Il faut noter que dans l’hypothèse où le dommage résulterait d’un événement impliquant deux ou plusieurs navires, chacun des propriétaires des navires serait considéré comme solidairement et conjointement responsable. Chaque propriétaire sera responsable de l’intégralité des dommages lorsque ceux-ci ne pourront être raisonnablement séparés. Il bénéficiera d’une action récursoire à l’encontre des autres propriétaires non sollicités.
159 BROOKS (R. W.), Liability and organizational Choice, The journal of Law and economic, - volume XLV
(1) april 2002. p. 91
160 En juin 1990, avant même la promulgation de l’OPA, la Compagnie Shell a annoncé qu’elle utiliserait seulement des navires affrétés pour transporter du pétrole dans les ports américains V. en ce sens SMITHS (P.) Elf to follow Shell in US port Boycott, Llyod’s List, june 22 th.1990.
161 V. sur ce point, BEURIER (J.P.), Ouest-France du 6 Fév. 2000. V. aussi THOUILIN (B.), L’action de l’industrie pétrolière en matière de sécurité : le vetting des navires. Bulletin d’information du CEDRE, n° 11, 1998. L’auteur souligne que cette décision d’abandonner la propriété des navires n’est pas seulement motivée par le souci d’échapper à un risque de responsabilité. Elle s’inscrit dans un contexte de crise puisque à cette époque l’activité transport enregistrait de lourds déficits. Il s’agit donc d’un retrait stratégique répondant à une nouvelle politique commerciale dont l’objectif n’est autre que de réaliser des économies substantielles et ce parfois au détriment de la sécurité.
162 On rappellera ici quelques données économiques. Les pratiques des compagnies pétrolières ont évolué avec le temps. L’intégration verticale constitue le premier mode d’organisation de l’industrie du transport maritime brut 1872-1884. Dans cette hypothèse, l’extraction et le transport sont réalisés par les compagnies pétrolières. Plus tard, dans les années 1970, la tendance s’inverse. Les raffineries préfèrent confier la charge du transport à des opérateurs indépendants.
163 Elf a vendu sa flotte et Total Marine a disparu.
164 Dès 1990, le Groupe international des P&I avertissait les propriétaires de navires de ce que les compagnies pétrolières tentaient d’ajuster certaines clauses contractuelles afin de transférer la responsabilité sur des propriétaires de navires indépendants. (H.P Drewry, Shipping Consultants Ltd, Shipping Stat. & Ecom., May 1990-6)
165 A l’« armateur spéculateur », la Compagnie devrait préférer l’armateur industriel. Ce dernier se démarque du précèdent en ce qu’il « cherche à constituer une flotte, à garder ses navires, à se faire un fonds de commerce, à avoir une clientèle fidèle. Son ambition est d’amortir les fluctuations du marché grâce à la fidélité de ses clients. Cf.. BENQUET (P.) LAURENCEAU (T.), Pétroliers de la honte, Edition n° 1, 2000, p. 136
166 BROOKS (R.W.), Liability and organizational Choice, précit., p. 91. Ces prévisions ont été vérifiées sur le très court terme. Ainsi, certaines filières ont-elles été réorganisées essentiellement au travers de quatre moyens : la création de filiales, la cession de la flotte, le recours à d’autres types d’affrètement moins risqués en terme de responsabilité, le recours à des transporteurs indépendants.
167 Sur le rapport des compagnies pétrolières avec les propriétaires indépendants aux lendemains de l’OPA cf. le rapport de la Petroleum Industry Research Foundation, June 1992, p. 65.
168 Sur ce point, V. BROOKS (R.W.), précit., p. 100.
169 Ainsi selon BENQUET (P.) et LAURENCEAU (T.) in Pétroliers de la honte, précit., p. 135. L’armateur-spéculateur est celui qui fait son argent et sa fortune sur les hauts et les bas du marché, profitant du fait que la valeur d’un navire peut varier du simple au triple sur des périodes courtes.
170 Sur la notion de société-écran, V. CUTAJAR-RIVIERE (Ch.), La société-écran. Essai sur la notion et son régime juridique, Préf. P. DIENER, LGDJ, 1998.
171 Commission permanente d’enquêtes sur les événements de mer (CPEM) METL/ IGSAM/ BEA-mer
Naufrage suite à rupture de la coque du navire- citerne (produits pétroliers) de 40 000 t PL battant pavillon Maltais Erika survenu en eaux internationales dans le sud de Penmarc’h le 12/12/ 99 Contribution au rapport provisoire d’enquête, Paris le 13 Janvier 2000
172 Accusation dont se défend G. Savarese dans le journal Libération du samedi 22 et dimanche 23 janvier 2000.
173 Ou au spot selon la terminologie anglo-saxonne.
174 Dont on n’exclut pas qu’elle puisse être une filière du Groupe Savarese
175 Sur le Code international de gestion de la sécurité (dit Code ISM) V. nos développements infra n° 1778.
176 V. Ouest-France du 12. 12. 2000.
177 HILLION (D.), Ouest-France du 21. 4. 2001,
178 Le Prestige offre lui aussi un autre cas d’école des failles du transport maritime. On y trouve une compagnie pétrolière fantôme, un affréteur russe, un propriétaire libérien basé en Grèce, qui au regard de la loi apparaît comme le seul responsable en cas d’accident. Le Prestige est la propriété d’une société libérienne, Mare Shipping international, basée à Athènes. Pour limiter sa responsabilité, elle ne possède qu’un actif, le Prestige. Les lois du Libéria ne permettent pas de connaître avec certitude l’identité de l’actionnaire de Mare. Le Prestige a été enregistré auprès de l’Autorité maritime des Bahamas. Il a été affrété par la Société de Trading suisse Crown Ressources AG, basée à Gibraltar, filiale d’un conglomérat russe Alfa. Ce conglomérat est lui - même la propriété de M. Fridman, troisième fortune de Russie avec 2,2 milliards de $ US La société Crown Ressources qui à son siège à Lucerne a été présidée par un avocat J. Villiger jusqu’au 27 décembre 2002. A cette date en compagnie de cinq autres directeurs, il a racheté les actions du négociant pétrolier au conglomérat industrialo-financier russe Alpha. Pour le Groupe russe, il devenait urgent de se délester de ce boulet . Sur le papier, Alpha, depuis le naufrage du Prestige, le 19 novembre 2002, s’est séparé de sa filiale russe pour se mettre à l’abri de toute poursuite judiciaire. Crown ressources, propriétaire de la cargaison, n’aurait depuis plus d’existence légale, Le monde du 6 janvier 2003.
179 Francisation du terme anglo-saxon de Single Ship Companies. Ces sociétés peuvent former un groupe au sein duquel les différentes compétences attachées à la qualité d’armateur se trouvent éclatées entre plusieurs personnes morales. V. CORBIER (I.), La notion juridique d’armateur, précit., spéc., p. 115
180 RODIÈRE y faisait déjà allusion dans son traité général de Droit maritime- Affrètements et transports t. II, Dalloz, 1968, n° 1248.
181 Plus connue sous son acronyme EURL
182 V. CONTIN (R.) et HOVASSE (H.), L’autonomie patrimoniale des sociétés, D., 1971, chron, 28, p. 38
183 V. VALLAT (F.), La nouvelle législation américaine en matière de pollution pétrolière, JMM n° 3769 ; 13. 3. 92. L’auteur de cet article indiquait, en outre, que l’entrée en vigueur de l’ Oil Pollution devait selon toute vraisemblance se traduire par une multiplication des single ship companies au sein des sociétés armatoriales ; du moins pour celles qui en dépit du renforcement de la législation n’auraient pas renoncé au marché américain.
184 Pour une étude plus approfondie de la question V. ROHART (J.-S.), Faut-il se méfier de l’apparence ? La saisie conservatoire des navires apparentés, DMF, 1988, p. 497.
185 Ce dernier pourra toujours faire la preuve de son indépendance juridique et financière.
186 Selon, l’expression utilisée par le Président du tribunal de commerce de Saint-Nazaire dans une ordonnance de référé du 31 octobre 1985, cf. DMF 1985, p. 558,
187 Sur cette question V. SCOVAZZI (T.), Industrial accidents and the Veil of Transnational Corporations, International responsability for environnemental Harm, FRANCIONI (F.) SCOVAZZI (T.), (dir.) Coll. International Environmental Law & Policy Series, Graham & Trotman/ Martinus Nijhoff, 1991, p.. 413.
188 V. nos développements sur l’assurance obligatoire et ses enjeux n° 509 et suiv.
189 Traduction de la théorie anglo-saxonne du « Viel percing ».
190 Sur cette question cf.. d’HUIR. LAUPRETE (C.), L’émergence d’un droit des obligations adapté au phénomène des groupes de société, D. 1993, p. 248.
191 V. COZIAN (M.), VIANDIER (A.), DEBOISSY (F.), Droit des sociétés, Litec, 14 èd, 2001, n° 1968. « En principe, la société -mère ne souffre d’aucune responsabilité du fait de ses filiales et vice versa ; les différentes composantes d’un groupe ont une personnalité juridique distincte, ce qui interdit de tenir l’une responsable en raison du comportement des autres », pour un exemple Cf.. Cass. com. 18 oct. 1999, RJDA.1994, p. 993.
192 V. en ce sens, Rapport OCDE, Responsabilité des sociétés- mères du fait de leurs filiales, Publications de l’OCDE, 1980.
193 Déjà dans l’affaire du Torrey Canyon, Les juges américains avaient refusé de s’arrêter à la Barracuda Tanker Company, propriétaire en titre du navire pour mettre en cause directement la responsabilité de l’Union Oil Company simple affréteur sur le papier. V. en ce sens DU PONTAVICE (E.), Affaire droit de l’environnement versus droit maritime ou la décision rendue le 18 avril 1984 concernant l’Amoco Cadiz, ADMA 1985 p. 10.
194 Cette décision rendue à Chicago par le juge F. McGarr (United-States District Court, Northern District of Illinois Eastern Division) a été intégralement publiée en 1984 dans le Lloyd’s Law Reports, vol. 2. 304.
195 Soit 12, 1 milliards de $ en 1983.
196 DU PONTAVICE (E.) (op. cit p. 38) notait la redoutable efficacité de la procédure de la « cross examination ». Il ajoutait qu’en l’absence de procédure comparable en France, les sociétés mères françaises pouvaient se rassurer. Faute de moyens de preuves et d’investigation de la cause et parce que les habitudes françaises ne sont pas propices à une recherche aussi poussée de la vérité, il serait bien difficile en France de faire apparaître les rapports réels existant entre une mère et ses filiales pour en tirer les mêmes conséquences que le juge américain.
197 V. en ce sens DU PONTAVICE (E.), Affaire droit de l’environnement versus droit maritime ou la décision rendue le 18 avril 1984 concernant l’Amoco Cadiz, op. cit p. 33 et s.
198 § 344-375
199 § 372
200 Les paragraphes 43 à 45 évoquent de façon lapidaire les principales dispositions intéressant le droit des groupes de sociétés.
201 Cette dernière a été évaluée à plus de 2 milliards de dollars, V. en ce sens LEGRAND (J.-F.) Rapporteur, Transport maritime : plus de sécurité pour une mer et un littoral plus propres, Rapport du Sénat n° 500, 1993/ 1994, spéc. 80.
202 Contrairement à CERCLA, V. not. Inre Bergsoe Metal Corp., 910 F. 2d 668 (9 th. Cir. 1990), cité par DE LA RUE (C.) et ANDERSON (C.B.), Shipping and the environment, Law and Practice, LLP, 1998 spéc. p. 665.
203 RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Droit maritime, précit., n° 235 ; Sur l’utilisation de cette technique V. Cass. Com. 5 fév. 1991, D., 1992, IV, 27, note CHARTIER (Y.)
204 V. OLLU (J.-J.), L’OPA 90 en bref : pour rafraîchir les mémoires, JMM du 9. janv. 2004, p. 8
205 OPA Sec. 1002- a.
206 OPA Sec. 1001-32a
207 GAUCI (G.), Oil pollution at sea, précit., p. 94.
208 Par exemple, le pilote parce qu’il est en charge de la navigation pour une courte durée, ne devrait pas faire partie de cette catégorie, car il n’avitaille pas ni même ne fournit un équipage.
209 464 F2d 1124. 5 th Cir. 1972
210 731F. Supp. 788, WD Michigan, 1989
211 Cela est très clairement rappelé par le Rapport de LORD DONALDSON, Safer Ships, Cleaners seas, Inquiry into the Prevention of pollution from merchant shipping, HMSO, May 1994.
212 La gestion nautique comprend traditionnellement l’équipement, l’armement, le recrutement et le paiement de l’équipage, l’entretien, la réparation, l’assurance du navire.
213 La gestion commerciale comprend la disposition et l’exploitation du navire (approvisionnement de la machine et dépenses d’escales.)
214 Loi n° 71- 1002 publiée par décret n° 75- 553 du 26 juin 1975 (J.O du 3 juillet 1975).
215 V. PUTZEYS (J.), Droit des transports et droit maritime, op.cit, spéc. p. 399.
216 Cette expression est utilisée par Monsieur DU RUSQUIER (E.) dans un éditorial du Ouest-France du 30 mai 2000 intitulé, Marée noire et responsabilité.
217 V. en ce sens HEINIS (A.B.) (président) DE RICHEMONT (H.) rapporteur Rapport du Sénat, Erika : indemniser et prévenir, n° 411, 1999-2000, spéc.101.
218 Il faut noter que la convention sur la responsabilité pour pollution du fait des combustibles de soute ne s’oppose pas à ce que l’affréteur soit déclaré directement responsable. Cette convention à la différence de la Convention CLC ne prévoit qu’un seul niveau de réparation. V. DE LA FAYETTE (L.), The protection of the Marine environment, EPL 30/ 1- 2 (2000) p. 51, spéc. p. 57-58.
219 Pour une étude approfondie et récente sur le sujet V. WOODS (J.-M.), Third-Party Liability under OPA 90 : Have the courts veered off course ?, T. L. R. [vol.73 :1863-1874] 1995
220 33 USC. ; 1321 (g)
221 33 USC 2703 (a) (3) V. KIERN (L.I.) Liability, Compensation and Financial Responsibility under the Oil Pollution Act of 1990 : a review of the first decade, TMLJ [Vol. 24 2000] p. 481, spéc. p. 525 et s.
222 V. à ce sujet l’affaire Burguess v. M/V Tumano- 564 F. 2 d. ; (5 th. Cir. 1980)
223 621 F. 2 d. ; (5th Cir. 1980)
224 Si nous avons choisi ici de mettre le terme immunité entre guillemets, c’est que la responsabilité du propriétaire peut toujours être recherchée sur le fondement de la faute.
225 Toutefois, certains États côtiers (dont le Maine, le Maryland, la Caroline du Nord, la Floride, la Californie et l’Alaska) jugeant la législation fédérale trop souple n’ont pas hésité à consacrer la responsabilité objective du propriétaire de la cargaison. Cf.. par exemple les lois fédérales de la Floride West Florida Statutes annotated § 376. 12 (10) (1997) lesquelles énoncent que « le propriétaire d’une cargaison polluante échappée d’un navire devra supporter toutes les dépenses liées aux opérations de nettoyage, dès lors qu’elles n’auront pas été assumées par le propriétaire ou l’exploitant du navire ». Pour plus de précisions Cf. RODRIGUEZ (A.J.), Benedict on Admirality, Marine Oil pollution, Chapter IX, Vol 3, (3/ 96), § 112, § 113
226 V. RODRIGUEZ (A.J.) and JAFFE (P.A.), The Oil Pollution Act of 1990, TMLJ [Vol. 15. 1990] p. 1, spéc. p. 27.
227 V. not. CHAUVEAU (P.), La pollution des mers par les hydrocarbures, D., 1969, chron, p. 191et s.
228 Auditionnée dans le cadre de la Commission d’enquête parlementaire LE GRAND (J.-F.), Transport maritime : plus de sécurité pour une mer et un littoral plus propres, précit., p. 212. .
229 V. en ce sens BRANS (E.H.P.), The 1999, Erika, Oil Spill in France. Can the cargo-owner be held liable for the damage caused ?, International Law FORUM du droit international, 2000-2, p. 66.
230 VALLAT (F.), La nouvelle législation américaine en matière de pollution, JMM, 13. 03.92, p. 625.
231 La cargaison verserait une indemnisation pour les dommages par pollution, qu’il y ait eu faute ou non de sa part mais récupérerait auprès du navire une partie de ce qu’elle a payé en cas de faute de celui-ci, ou en cas de non identification du chargeur. V. sur ce point.WU (Ch.), La pollution du fait des transports des hydrocarbures : responsabilité et indemnisation des dommages, précit., p. 62 et s.
232 OPA 1990, § 1018, une version plus ancienne de l’OPA 1990 imputait la responsabilité sur le propriétaire de la cargaison. V. RUHL (J.B.) and JEWEL (M.J.), Oil pollution Act of 1990 : a New Era in Federal and Texas Regulation of Oil Spill Prevention, Containment and Cleanup, and Liability, 1991, South Texas Law Review, Vol 32, p. 474, spéc. p. 531.
233 Le Comité juridique de L’OMCI a été saisi, dès 1976, d’une éventuelle extension de la Convention CLC 1969 à d’autres substances dangereuses. Il est intéressant de noter que plusieurs délégations proposaient de faire peser sur le propriétaire de la cargaison la responsabilité résultant des dommages survenus au cours de leur transport. V., Anonyme, JMM, 16. 09. 76, spéc. p. 2288-2289. Le projet de convention soumis à la Conférence de 1984 prévoyait la responsabilité directe du chargeur pour les dommages en plus de la responsabilité du propriétaire de navire. Ce projet envisageait aussi l’assurance obligatoire du chargeur pour couvrir sa responsabilité du fait de la pollution. Les discussions qui suivirent la conférence de 1984, abandonnèrent cette première idée pour se concentrer sur la création d’un fonds SNPD susceptible de fournir une indemnisation complémentaire à celle provenant du propriétaire de navire. Cette démarche emporta renonciation à l’idée de désigner une seconde personne en tant que responsable.
234 Sur cette idée V. CHAUVEAU (P.), La pollution du fait des hydrocarbures, précit.,
235 La fréquence des incendies ou des explosions à bord des navires pétroliers par rapport aux navires effectuant d’autres transports n’est pas statistiquement au désavantage des premiers ; en outre, les explosions se produisent plutôt lorsque le navire navigue lège, c’est-à-dire sans cargaison dans ses soutes. Or vidée de cargaison de pétrole, ses cales ont tendance à se remplir de vapeurs nocives et explosives.
236 Sur ce point V. LEGRAND (J.-F.), rapporteur, Transport maritime : plus de sécurité pour une mer et un littoral plus propres, précit., p. 88
237 En l’absence de régime international encore en vigueur pour les SNPD, l’Instruction du 1 er avril 1992 relative aux problèmes juridiques et contentieux liés aux pollutions marines accidentelles (JORF 1992 p. 4719) prévoit que la responsabilité du propriétaire de navire peut être combinée avec celle des propriétaires de cargaisons transportées en colis ou fûts lorsque ceux-ci sont tombés à la mer.
238 LEG/ CONF. 6/ 56 Pour plus de détails V. Documents du XXXII nd International Conference of the International Conference of the International Maritime Committee, part I. Montreal : (1981)
239 D. O 1969, LEG/ CONF/ C. 2 / SR. 5, 14 /11/ 1969, p. 671 cité par WU (Ch.), La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures, précit., p. 65.
240 FINA France qui a produit dans sa raffinerie de Mardyck le fioul lourd transporté par l’Erika, a vendu de son côté cette cargaison à TOTAL Bermudes lequel a confié à TOTAL Londres le soin de traiter l’affrètement du navire via un courtier Londonien, Petrian Shipbrokers. La cargaison aurait dû être revendue à sa livraison à Livourne/ Milazzo, à la société italienne de production électrique ENEL qui a payé directement TOTAL Bermudes. Au moment du sinistre la cargaison de l’Erika appartenait au seul groupe Total.
241 Cela est particulièrement vrai si l’accident survient au moment de la vente. Sans compter que la pollution pourrait être le résultat d’un suintage progressif comme dans le cas par exemple d’un conteneur passé par dessus bord.
242 Plus connue sous son acronyme CEFIC
243 Sur ce point, Responsabilité des intérêts à la cargaison, contre une assimilation à l’industrie pétrolière, Document rédigé par le CEFIC, non publié.
244 GOLD (E.), Marine pollution liability after Exxon Valdez : the US All-or nothing Lottery !, JMLC, V, 22, 1991, p. 440.
245 Tout au plus, a-t-on dans le rapport du Conseil Economique et social, une proposition tendant à faire admettre le principe d’une responsabilité des propriétaires des cargaisons. Le rapport suggère d’élargir la responsabilité au propriétaire de la cargaison comme la fait la loi du 15 juillet 1975 sur les déchets, transposition de la directive cadre 75/ 442/ CEE. L’argument susceptible de justifier cette solution est connu, c’est le produit qui est à l’origine de la pollution.
246 V. en ce sens SALVARANI (M.), Navires sous-normes : ça risque de décoiffer, JMM, 20 juin 1997, p. 1423.
247 V. en ce sens BELLAYER-ROILLE (A.), Le transport maritime et les politiques de sécurités de l’Union européenne, Editions Apogée, 2000.
248 Monsieur I. White, directeur de l’ITOPF interrogé sur ce point par la mission d’information du Sénat déclare que la solution de rechange qui consisterait à faire endosser toute la responsabilité par un seul propriétaire de cargaison ou affréteur, serait probablement irréalisable dans la pratique, la cargaison changeant souvent de mains pendant le voyage du pétrolier, Cf. Rapport du Sénat Erika, indemniser et prévenir, précit Tome II Annexes. p. 112
249 Propos tenus par Lord Devlin dans D.O. 1969, LEG/ CONF/C.2 /SR.4 p. 669.
250 Sur cette question V. SPRUYT (J.), Ship management, LLP, 1990.
251 Shipmanagement compagnies. What is required of the shipmaster in the 1990’s ?, AFCAN, 1990, p. 15 et suiv.
252 En raison de la pénurie de main d’œuvre qualifiée, certaines sociétés de shipmanagement se sont spécialisées dans la constitution d’équipages qu’elles forment elles mêmes, dans des écoles créées à cet effet. La solution est avantageuse pour l’armateur. Parce qu’il ne recrute pas lui-même l’équipage, il cesse de supporter les charges sociales.
253 CLC 1969, article III, § 4.
254 Cette action pourrait être fondée sur l’article III, s. 4.
255 La responsabilité personnelle de ces derniers peut toujours être recherchée sur le fondement de la faute inexcusable.
256 [1984] 2 Llyod’s Rep. p. 304.
257 Section 156. Ce texte concerne tous les navires se trouvant dans les eaux territoriales ainsi que les navires battant pavillon national, quel que soit l’endroit où ils se trouvent.
258 Est ainsi visée l’hypothèse de faute inexcusable.
259 V. Les shipmanagers assument en qualité d’exploitant la maintenance, la sécurité, et la navigabilité.
260 Comprehensive Environemental Response Compensation and Liability Act (ci-après désigné par son acronyme, CERCLA).
261 Cette loi ne vise pas spécifiquement les pollutions maritimes. Elle a un champ d’application plus large, elle vise notamment toutes les opérations relatives aux opérations de nettoyage de sites pollués ou contaminés par des substances dangereuses.
262 V. sur ce point DE LA RUE (C.) et ANDERSSON (C.B.), Shipping and the Environment, law and practice, précit., spéc. p. 699.
263 Cette clause a été élaborée par la BIMCO.
264 V. GORTON (L.), Shipmanager Agreements, JBL, 1991 Nov. p. 562, spéc. p. 571.
265 Adoptée le 4 novembre 1993
266 BÉGUIN (J.), Une tentative d’équilibrage contractuel : la Convention d’Ottawa sur le crédit-bail mobilier international, Etudes offertes à J. Ghestin, Le contrat au début du xxième siécle, LGDJ, 2001, p. 65, spéc.
p. 89. Jugeant cette technique de financement trop risquée, car leur imposant une forte exposition aux risques les banques préfèrent aujourd’hui l’écarter en matière maritime.
267 V. sur ce point DE LA RUE (C.) et ANDERSSON (C.B.), Shipping and the Environment, law and practice, précit., spéc. p. 690.
268 V. KENDE (C.) Débordements judiciaires : l’affaire «Fleet Factor», Risques n° 11, Environnement : le temps de la précaution, p. 37.
269 Figurant dans le projet de loi, elle a disparu dans le texte final. WU (Ch.), La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures : responsabilité et indemnisation des dommages, précit., n° 1041.
270 RÉMOND-GOUILLOUD (M.), L’avenir du système d’indemnisation établi par les Conventions internationales, D.M.F, 1993, p. 92. L’auteur craint que la notion d’opérateur pétrolier soit étendue à l’assureur, ou au banquier finançant la construction navale.
271 DE LA RUE (C.) et ANDERSSON (C.B.), Shipping and the Environment, law and practice, précit., spéc.p. 689.
272 Pour de plus amples développements sur cette notion V. n° 568
273 DE LA RUE (C.) et ANDERSSON (C.B.), Shipping and the Environment, law and practice, précit., spéc. p. 689.
274 Cf., Livre blanc sur la responsabilité environnementale, COM (2000) du 9 février 2000 présenté par la Commission, précit., p. 21.
275 La loi de l’État du Delaware est sans doute celle qui retient la conception la plus large de la notion de partie responsable, puisqu’elle vise toute personne responsable de l’exploitation et l’approvisionnement du navire, V. OLLU (J.), OPA 90 en bref : pour rafraîchir les mémoires, précit., p. 8.
276 Nous nous inspirons ici de la chronique du Professeur Y. LAMBERT-FAIVRE, De la dégradation juridique des concepts de victimes et de responsables, D., 1984, chron. p. 51.
277 « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer »
278 Nous reprenons ici l’expression consacrée par TUNC (A.), Responsabilité civile et dissuasion des comportements anti-sociaux, in Aspects nouveaux de la pensée juridique, Mélanges en l’honneur de M. Ancel, 1974, p. 407.
279 Sur ce point V. Fondation Nationale Entreprise et Performance, mission 1994, Responsabilité individuelle, garanties collectives Accidents corporels : réduire les risques et réparer sans faute, PUF, 1998, spéc. p. 12.
280 STARCK (B.), Essai d’une théorie générale de la responsabilité civile considérée en sa double fonction de garantie et de peine privée, L. Rodstein éd. Paris, 1947, spéc. p. 358.
281 MARTIN (G.J.), Principe de précaution et responsabilité, in Les transformations de la régulation juridique, précit., p. 415.
282 FABRE-MAGNAN (M.), Les obligations, précit., n° 243.
283 V. VINEY (G.) et JOURDAIN (P.), Traité de Droit civil. T. IV - La responsabilité, conditions, LGDJ, 1982, n ° 254 bis.
284 BOURTHOUMIEUX (J.), Dommages punitifs, RGDA, 1996, p. 861
285 V. plus particulièrement CARVAL (S.), La responsabilité civile dans sa fonction de peine privée, préf. G. VINEY, précit., L’auteur s’attache à convaincre de l’intérêt qu’il pourrait y avoir à généraliser l’utilisation de la peine privée.
286 V. not., Faut-il moraliser le droit français du dommage ?, Colloque organisé le 21 mars 2002 à l’Université de Paris V, par M. BEHAR-TOUCHAIS, publié par Les Petites Affiches, numéro spécial, 20 nov. 2002, n° 232
287 Convention dite de Bruxelles 29 nov. 1969, JORF 3 juil. 1975 p. 6716
288 Convention dite de Londres 2 nov. 1973 JORF du 10 oct. 1986 p. 11814.
289 Sur cette idée V. SCHUDA (R.), The International Maritime Organisation and the Draft Convention on liability and compensation in connection with the carriage of HNS by sea : an update on recent activity, University of Miami Law Review, 1992,Vol 46, spéc.p. 1050
290 Sur cette idée V. GAUCI (G.), Protection of the Marine Environment through the International Ship-source Oil pollution Compensation Regimes, RECIEL, 1999, Volume 8, issue 1, p. 29.
291 Cf. nos développements sur les cas d’exonérations n° 314.
292 Sur ce point V. CARVAL (S.), La responsabilité civile sans sa fonction de peine privée, précit., n° 261
293 Cf. ENGEL (L.), Vers une nouvelle approche de la responsabilité, Esprit, juin 1993, p. 5, spéc. p. 22.
294 Ce serait même la fonction principale que lui auraient assignée les rédacteurs du Code civil. Cf., VINEY (G.), Traité de Droit civil. Introduction à la responsabilité, précit., n° 74-3.
295 V. en ce sens FABRE-MAGNAN (M.), Les obligations, précit., n° 242, Cet auteur observe que la responsabilité ne sera ressentie comme punitive que lorsque la mise en œuvre de la responsabilité exigera la démonstration d’une faute de l’auteur. Or cette perspective ne se rencontre pas en présence d’une responsabilité de plein droit puisque cette dernière ne fait plus de la faute une condition de la responsabilité.
296 VINEY (G.), Traité de Droit civil- Introduction à la responsabilité civile, op. cit., n° 74-3
297 Cf.. sur ce point SIMON (P.), La réparation civile des dommages causés en mer par les hydrocarbures, Thèse Dactyl., Paris II, 1976, n° 176 et s.
298 Cf.. Rapport LORD DONALDSON, Safer seas, cleaner seas, précit., § 23-121,
299 V. KIERN (L.J.), The OPA of 1990 and National pollution Funds Center 1994, JMLC, Vol. 25, p. 487.
300 FLOUR (J.), AUBERT (J.-L.), avec SAVAUX (E.), Les obligations, 2, Le fait juridique, Armand Collin, collec. U, série droit privé, 10ème éd., 2003, n° 64.
301 Sur ce point V. Fondation Nationale Entreprise et Performance, mission 1994, Responsabilité individuelle, garanties collectives Accidents corporels : réduire les risques et réparer sans faute, précit., spéc. p. 12.
302 V. not. sur cette théorie STARCK (B.), Domaine et fondement de la responsabilité sans faute, RTD civ. 1958, p. 475, spéc. p. 502
303 V. STARCK (B.), Domaine et fondement de la responsabilité sans faute, précit., p. 501. On retrouve ici en filigrane l’obligation de sécurité mise à la charge du gardien.
304 Cf.. STARCK (B.), Essai d’une théorie générale de la responsabilité civile considérée en sa double fonction de garantie et de peine privée, précit., p. 183.
305 Sur ce point V. SIMON (P.), La réparation civile des dommages causés en mer par les hydrocarbures, précit., n° 171.
306 Cf.. STARCK (B.), Essai d’une théorie générale de la responsabilité civile considérée en sa double fonction de garantie et de peine privée, précit., p. 507.
307 Contra SIMON (P.), La réparation civile des dommages causés en mer par les hydrocarbures, précit., p. 75.
308 Cf.. VINEY (G.) Traité de Droit civil La responsabilité, conditions, LGDJ, 1982, n° 54
309 WIDMER (P.) Fonction et évolution de la responsabilité pour risque, RDS, 1977, p. 417, spéc. p. 417.
310 V. DE SADELER (N.), Les principes du pollueur-payeur, de prévention, et de précaution, essai sur la genèse et la portée juridique de quelques principes du droit de l’environnement, Bruylant-Bruxelles, 1999, spéc. p. 167
311 La théorie du risque a été développée du xxème siècle en France sous l’égide de Saleilles. Elle a par la suite connu certaines variantes comme la théorie du risque-profit ou la théorie du risque créé. V. STARCK (B.) ROLAND (H.) et. BOYER (L), La responsabilité délictuelle, 5ème éd., Litec, 1996, n° 31 et s.
312 Sur ce point V. DALCQ (R.O.) Les responsabilités de l’entreprise : de la faute au risque, in Les assurances de l’entreprise, ULB, Actes du colloque de l’Université Libre de Bruxelles les 20 et 21 octobre 1988, p. 1.
313 V. SCHAMPS (G.), La mise en danger : un concept fondateur d’un principe général de responsabilité, préf. R. O DALCQ, Bruylant et LGDJ, Coll. « Bibl. de la faculté de droit de l’Université catholique de Louvain », t. XXVIII, 1998, spéc. p. 394.
314 V. en ce sens FABRE-MAGNAN (M.), Les obligations, précit.,p. 665.
315 OMCI . Leg. IV / S.R. 6, p. 15
316 SALEILLES cité par VINEY (G.) Traité de Droit civil, la responsabilité, conditions, op. cit n° 49
317 Sur cette idée V. SCHAMPS (G.), La mise en danger : un concept fondateur d’un principe général de responsabilité, précit., p. 148
318 RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Evénements de mer et responsabilité, ADMO, t. XVI, 1998, t. p. 187.
319 Sur ce point V. BELMAIN (M.), Evaluation et prévention des risques dans le transport des matières dangereuses, Aménagement et nature n° 100 Hiver 1990/ 1991, p. 15, spéc. p. 15.
320 BONASSIES (P.), Le Droit maritime classique et la sécurité des espaces maritimes, ERM, 1986, p. 114, spéc. p. 114.
321 V. sur ce point, RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Aux confins de l’assurance, Revue Risques n° 29 Janvier- Mars 1997, p. 11
322 Sur cette opinion V. DECLERCQ (J.-P.), Transport par mer des marchandises dangereuses, réflexions sur les textes et les réalités suite à la perte en mer de conteneurs, par différents navires, pendant l’hiver 1993/1994, ADMO, 1996, tome XIII, p. 113, spéc. p. 113.
323 Parmi les naufrages les plus meurtriers depuis 15 ans, on citera celui qui s’est produit au large de Java le 23 oct. 2001, 370 disparus ; celui du Ferry de l’Estonia au large des côtes finlandaises : 852 morts plus grave catastrophe maritime à ce jour dans les eaux européennes ; on mentionnera également la collision entre deux navires philippins le ferry-boat Dona-Paz et le pétrolier Victor en mer de Tablas (Sud de Manille) 4 386 morts. Sources Yahoo France Actualités-23. 10. 01.
324 V. not. BOISSON (Ph.), Politiques et droit de la sécurité maritime, Editions Bureau Véritas, 1998, n° 2.
325 Heurts avec un corps flottant.
326 Submersion du navire par suite du mauvais temps, d’une voie d’eau ou d’une cassure en deux qui ne soit pas la conséquence des événements précédents.
327 CHAUVEAU (P.), La pollution causée par les hydrocarbures, précit., p. 192.
328 Nous pensons notamment à la Directive de 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux, à la Convention CRTD, à la Convention de Bâle sur les déchets dangereux, à la Convention de Lugano sur la responsabilité des dommages résultant des activités dangereuses.
329 Nous reprenons ici l’expression de SCHADÉE (R.), La mer comme mère du droit, in Etudes offertes à René Rodière, Dalloz, 1981, p. 513.
330 V. RIPERT (G.), Note sous Cass. civ., 21 février 1927, D.., 1, 1927, p. 98
331 V. RIPERT (G.), Note sous Cass. civ. 13 février 1930, D., 1930. 1. 57
332 Pour une synthèse de l’opposition manifestée par la doctrine V. VINEY (G.), Le déclin de la responsabilité individuelle, précit., n° 284 et s.
333 Sur ce point V. VOIRIN (P.), La notion de chose dangereuse, D. H, Chron., p. 3.
334 V. sur ce point l’article du Monde en date du 26 février 2000 p. 5. Cette mention « peut causer le cancer » apparaissait dans la fiche de données de sécurité fournie par l’affréteur, Total- Fina lors du chargement.
335 SIMON (P.), La réparation des dommages causés par les hydrocarbures, précit., p. 199.
336 Cette définition est empruntée au Lexique des termes juridiques, Dalloz, 14ème éd., 2003, p. 502.
337 Cette définition est proche de celle que retient le Petit Robert
338 Sur cette idée V. RÉMOND-GOUILLOUD (M.), Pollution des mers, Juris classeur, responsabilité civile, Art.1382 à 1386, Fasc. 430-1, 1989, n° 13 et BONASSIES (P.), La responsabilité pour pollution en droit maritime, in Droit de l’environnement marin et développements récents, Colloque SFDE, Brest, 26-27 novembre 1987, « coll. droit et économie de l’environnement », 1988, p. 291, spéc. p. 292. Aussi péremptoire soit-elle, cette affirmation du primat de la faute doit être relativisée. En acceptant que l’armateur puisse être responsable des fautes de son capitaine sans que sa faute personnelle ne soit démontrée, le droit maritime n’ignore pas totalement la théorie de la responsabilité sans faute
339 Sur ce point V. RODIÈRE (R.), Traité général de droit maritime- Introduction : armement » T. 1 Dalloz 1976, spéc, p. 600.
340 LOPUSKI (J.), La responsabilité pour le dommage dans le domaine maritime, DMF, 1970 p. 330, spéc. p. 334.
341 La question n’a même pas été abordée lors des travaux préparatoires de la Convention SNPD, V. CLETON (R.), Compensation for damage during transport of hazardous and Noxious Substances by sea, in Chemical and Emergency management at sea, Kluwer Academic Publishers, 1988, p. 381, spéc. p. 384.
342 Cette question a été largement débattue lors de la Conférence diplomatique de 1969. Sur ce point V. LEGENDRE (C.), Projet de convention internationale sur la responsabilité civile en matière de pollution par les hydrocarbures, D.M.F, 1969 p. 131. Cet auteur se prononçait en faveur du maintien d’une responsabilité pour faute.
343 V. sur ce point JACOBSSON (M.), Oil pollution liability and compensation : an international regime, ULR 1996-2, p. 260, spéc. p. 262.
344 Nous n’évoquerons pas ici cette question, car nous considérons que le problème que pose la causalité transcende le clivage responsabilité pour ou sans faute. Cette question sera abordée lors de l’évocation de la réparation des dommages de pollution. En effet les questions de responsabilité dans les responsabilités objectives se réduisent à la simple recherche d’un rapport de causalité. V. LE TOURNEAU (Ph.), Droit de la responsabilité, Dalloz Action, 2004, n° 38.
345 V. SAVATIER (R.), Personnalité et dépersonnalisation de la responsabilité civile, in Mélanges de droit d’histoire et d’économie à M. Laborde Lacoste, éd. Brières, 1963, p. 321, spéc. p. 338.
346 Nous reprenons ici le titre d’une chronique du Doyen Savatier publié au D. 1957, p. 493.
347 GIROD (P.), La réparation du dommage écologique, LGDJ, 1974, spéc. p. 253.
348 JHERING cité par WIDMER (P.), Fonction et évolution de la responsabilité pour risque, RDS, 1977, p. 417, spéc. p. 420.
349 Sur ce point V. STARCK (B.), Domaine et fondement de la responsabilité sans faute, RTD civ., 1958, p. 473.
350 Extrait de l’exposé des motifs du projet de loi autorisant la ratification de la Convention de Bruxelles du 29 novembre 1969 (JORF. doc. AN 1 ère session 1971 - 1972 : n° 1971)
351 Sur cette question V. SAVATIER (R.), Personnalité et dépersonnalisation de la responsabilité civile, précit., Cette idée peut être illustrée par un cas d’espèce, celui du Esso Petroleum Co. Ltd v. Southport Coporation (The Inverpool) [1955] 2 Llyod’s Rep.655. Dans cette affaire, à défaut de régime spécifique aux dommages par pollution, les victimes avaient engagé une action en responsabilité fondée sur la faute, mais n’étaient pas parvenues à établir la négligence du propriétaire de navire.
352 Nous pensons ici notamment à des fautes de plus en plus subtiles comme celles de défaut d’information, de défaut d’organisation collective ou d’absence de consentement éclairé.
353 Sur cette question V. SAVATIER (R.), Personnalité et dépersonnalisation de la responsabilité civile, précit.,. spéc. p. 335.
354 Sur le concept d’erreur V. TUNC (A.), La responsabilité civile, précit, p. 115.
355 V. sur ce point V. TUNC (A.), Fondements et fonctions de la responsabilité civile en droit français Colloque franco-germano-suisse sur les fondements et les fonctions de la responsabilité civile, précit., p. 17.
356 Il y a selon l’expression de Madame le Professeur Y. LAMBERT-FAIVRE « une rupture entre la faute civile et la morale » in L’éthique de la responsabilité, RTD civ. janv. -mars 1998 p. 1
357 V. Sur ce point FLOUR (Y.), Faute et responsabilité civile : déclin ou renaissance ?, Droits, n°5, PUF, 1987, p. 29, spéc. p. 35.
358 V. sur ce point. ROMY (R.), Sur les tendances modernes en matière de réparation, LPA, 1997, p. 12.
359 WU (Ch.), La Convention internationale du 3 mai 1996 sur la responsabilité et l’indemnisation pour les dommages liés au transport par mer des substances nocives et potentiellement dangereuses, AFDI ; XLIII- 1997, p. 738
360 RIPERT (G.), La règle morale dans les obligations civiles, LGDJ, 1949, spéc. p. 288
361 COUSY (H.), Evolution comparée des droits européens de la responsabilité, Revue Risques, 1992, n° 10, p. 41.
362 V. sur ce point BOURAYNE (C.), Les accidents maritimes et aériens vers une responsabilité désincarnée, D.M.F, 1997, p. 963.
363 V. sur ce point CALAIS-AULOY (M.-T.) La libération de la responsabilité par l’abandon de la notion de faute, LPA, 1998, n° 14-, p. 1
364 Le droit anglo-saxon évoque les liability gaps Sur cette notion V. COUSY (H.), Evolution comparée des droits de la responsabilité, Risques, avril-juin, 1992, p. 41, spéc. 52
365 V. sur ce point MOULY (C.), Responsabilité objective ou responsabilité pour faute, LPA du 1. 07. 92, p. 7.
366 Ce fonds a été constitué par le dépôt d’une garantie auprès du tribunal de Commerce de Nantes. Sa répartition incombe à un mandataire liquidataire.
367 V. DE LA RUE (C.) et ANDERSON (C.B.), Shipping and the environment, law and practice, précit., spéc. p. 17.
368 Toutefois, il convient de noter, dès à présent, que si l’idée de sécurité de la réparation justifie à certains égards que l’on sacrifie la recherche de l’intention de l’auteur, V. en ce sens RIPERT (G.), La règle morale dans les obligations civiles, 4ème éd., LGDJ, 1949, spéc. n° 158) le législateur maritime porte un coup d’arrêt à cette démarche quand la faute relevée est volontaire ou inexcusable.
369 Selon l’expression du Professeur M. RÉMOND-GOUILLOUD, Du droit de détruire, essai sur le droit de l’environnement, PUF, Les voies du Droit, 1989 spéc. p. 164
370 V. PELZER (N.), Le point sur l’avenir du droit de la responsabilité nucléaire, in Réforme de la responsabilité civile nucléaire, Symposium de Budapest, 1999, p. 427.
371 NODERSON (U.-K.), Channelling the liability, in Damages from good, précit., p. 87
372 On notera que le Protocole de 1992 à la Convention CLC reprend pour l’essentiel les termes du Protocole de 1984. L’adoption de ce second Protocole a été motivée par le souci d’assouplir les conditions d’entrée en viguer du Protocole. Les États-Unis, ayant fait savoir qu’ils n’entendaient pas le ratifier, il risquait de ne pas entrer en vigueur.V. en ce sens FAURE (M.) and HUI (W.) The International Regime for the Compensation of Oil- pollution Damage : are they effective ?, RECIEL, 2003, p. 242, spéc. p. 246. Ce qui a essentiellement motivé l’adoption de ce nouveau Protocole, c’est la nécessité de revoir les conditions d’entrée en vigueur, lesquelles devaient tenir compte du fait que les États-Unis avaient annoncé qu’ils n’entendaient pas ratifier ledit Protocole
373 V. not. sur ce point STARCK (B.), ROLAND (H.), BOYER (L.), Responsabilité délictuelle, op. cit. n° 885.
374 FAURE (M.), Economics aspects of environmental liability : an introduction, European Review of Private Law. 1996, 4, p. 85.
375 DU PONTAVICE (E.), Les rayons et les ombres des Protocoles de 1984, ERM, 1987, p. 117, spéc. p. 129
376 V. les observations de BONASSIES(P.), Les risques et responsabilités en matière maritime, précit., spéc, p. 14.
377 BONASSIES (P.), La Convention internationale de 1996 sur la responsabilité et l’indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de Substances nocives et potentiellement dangereuses, in « Vingt ans de conventions internationales importantes » Annales IMTM, 1996, p. 185, spéc., p. 190-191.
378 BONASSIES (P.), Le droit maritime classique et la sécurité des espaces maritimes, précit., p. 114.
379 DU PONTAVICE (E.), Les rayons et les ombres des Protocoles de 1984, Pollution par hydrocarbures et réparation des dommages, précit., p. 117.
380 RÉMOND- GOUILLOUD (M.), Quel avenir pour les Conventions de Bruxelles sur l’indemnisation des marées noires, précit., spéc. p. 261.
381 La Convention du 25 mai 1962 prévoit que « l’exploitant du navire nucléaire est objectivement responsable de tout dommage nucléaire causé par un accident dans lequel sont impliqués le combustible nucléaire ou les produits ou déchets radioactifs de ce navire ».
382 Ce scénario est envisagé par P. BONASSIES, La responsabilité pour pollution en droit maritime, précit., p. 297.
383 DELEBECQUE (Ph.), Responsabilité et indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, à propos de la catastrophe de l’Erika, JCP, 2000, Actualités, p. 125.
384 V infra n° 2061.
385 Conv. SNPD, .Art. 7. 6.
386 Sur ce point V. WU (C.), La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures : responsabilité et indemnisation, précit, n° 712.
387 V. sur ce point le Sénateur MITCHELL (G.J.), Preservation of state and federal authority under the OPA, Environmental Law, V. 21, 1991 p. 237.
388 V. nos développements sur la partie ou plutôt les parties responsables dans le système américain supra n° 184.
389 Sur ce point V. VINEY (G.), Traité de droit civil, La responsabilité, conditions, précit n° 383.
390 On notera que l’exploitant nucléaire ne saurait bénéficier d’une telle clémence. Il demeure responsable en présence d’un cas fortuit, ou d’une faute d’un tiers ou de la victime, fût-elle intentionnelle. Semblable solidarité est particulièrement avantageuse pour les victimes. La Convention de Paris sur la responsabilité en matière d’énergie nucléaire ne laisse subsister que de rares causes d’exonération au profit de l’exploitant nucléaire : cataclysmes exceptionnels totalement imprévisibles et guerre.
391 V. MARTIN (G. J), De la responsabilité pour fait de pollution au droit à l’environnement, précit., p. 71.
392 V. nos développements sur les fonds d’indemnisation infra. n° 561 et s.
393 Le système américain repose lui aussi sur deux nivaux d’indemnisation
394 Conv. SNPD. Art. III 2 a, Conv. CLC, Art. 7. 2. a
395 Toutefois, ces derniers termes doivent être interprétés de façon stricte, ils ne semblent pas comprendre les actes de terrorisme, de sabotage, ou de piraterie.
396 Pour plus de précisions V. MILLER (C.), Marine War risks, 1994, 2 nd ed, et plus spécifiquement le chapitre 24 relatif à la couverture du risque de guerre par les P§ I Clubs.
397 L’acte de guerre constitue également un cas exonératoire dans l’OPA. Sur ce point V. WU (C.), La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures : responsabilité et indemnisation, précit., n° 924.
398 On peut donc penser que ce cas d’exonération soit invoqué en présence d’une éventuelle négligence de l’équipage. V. par exemple une espèce anglaise ancienne Leyland Shipping Company Limited v. Norwich Union Fire Insurance Society Limited [1918] AC 350, HL. Un navire atteint par une torpille avait réussi à gagner le port mais s’était échoué pour un motif tout autre.
399 Sur cette question V. DE LA RUE (C.) et ANDERSSON (C.B.), Shipping and the Environnement, Law and practice, précit., p. 88.
400 On peut penser ici aux vagues dites scélérates. En douze ans, les mesures objectives de hauteur de vague en mer du nord ont enregistré 466 vagues scélérates. Ces dernières dépassent 25 mètres, V. sur ce point NEUMEISTER (M), Plus de 10 vagues scélérates en février-mars dernier, JMM du 20 août 2004, p. 10
401 Aussi, s’il est permis d’établir que le navire avait la possibilité de contourner l’ouragan, sa seule présence ne saurait valoir cas d’exonération au titre des Conventions CLC et FIPOL V. sur ce point ABECASSIS (D.W) and JARASHOW (R.L.), Oil polution from ships, London Stevenson & Sons, 1985, p. 205. A l’exact opposé, si une vaste zone est sinistrée en raison de ce même phénomène, le cadre des dommages déborde le strict phénomène de pollution. On ne saurait par conséquent condamner l’armateur à réparer les dommages, pas plus qu’on ne saurait exiger de lui qu’il assume l’intégralité du préjudice subi par les victimes en présence d’un fait intentionnel d’un tiers.
402 Convention SNPD, Art. 7. 2. a
403 Sur cette notion V. CHERKAOUI (H.), Le péril de mer, notion maritime de force majeure, DMF, 1991, p. 211.
404 LOPUSKI (J.), La responsabilité pour le dommage dans le domaine maritime, DMF, 1970, p. 330, spéc,. p. 334.
405 V. Affaire du Ben Franklin, Aix en Provence, 2ème chambre, 29 juin 1984, commentée par BONASSIES (P.), DMF, 1985, p. 233.
406 V. sur ce point FORSTER (M.), Civil liability of shipowners for Oil Pollution, JBL, 1973, p.26 et BUNDDOCK (M.), Oil spillages at sea, Sollicitors’Journal, 1993, p. 97.
407 Rule 7.
408 Sur cette question V. CHERKAOUI (H.), Le péril de mer, notion maritime de la force majeure, précit, spéc., p. 211.
409 Nous reprenons ici l’expression du Professeur P. BONASSIES, Le projet de Convention internationale sur la responsabilité pour les dommages liés au transport par mer de marchandises dangereuses, précit., p. 53.
410 Sur ce point V. ABECASSIS (D.W) and JARASHOW (R.L.), Oil pollution from Ships, précit., spéc. p. 205.
411 Convention SNPD, Art. 7. 2. b - CLC, Art. 3 § 2, b
412 Sur cette idée V. SIMON (P.), La réparation civile des dommages causés en mer par les hydrocarbures, précit., p. 236.
413 Cf. Travaux préparatoires de la Convention de 1971 LEG/ Conf 2/ C.1/S.R.7 p. 5
414 Sur ce point Cf., STARCK (B.), ROLLAND (H.), BOYER (L.), La responsabilité délictuelle, précit, n° 610
415 Art. 7 2. c Chap. II
416 Sur cette affaire V. not. PINEUS (K.) L’échouement du Tsesis. Suite et fin du feuilleton, DMF, 1983, p. 248.
417 Sur le fondement de l’article III.2 (c) de la Convention CLC.
418 TIBERG (H.), Oil pollution at the sea and the Swedish Tsesis decision, LMCLQ, 1984, p. 218.
419 Rapport annuel du FIPOL 1987 p. 16. Le Jose Marty à la suite d’une erreur du pilotage, s’était échoué et avait déversé des hydrocarbures.
420 Convention SNPD, Art. III. 3-Convention CLC, Art. 7. 3.
421 Rapport annuel du FIPOL. 1997 p. 54 - L’Agean Sea, un pétrolier grec s’était échoué par mauvais temps au large de la Corogne, la cargaison s’était répandue dans la mer. Le pilote, dans cette affaire, n’avait pas jugé nécessaire de se rendre à bord. Il s’était contenté d’assister par radio le capitaine en lui donnant des instructions.
422 Décision de la Cour d’appel de janvier 1994, Rapport annuel du FIPOL 1994, p. 36. Le pétrolier grec le Patmos, avait abordé un navire espagnol dans le détroit de Messine. Sa cargaison de 700 tonnes s’était répandue dans la mer. Une bonne part des polluants s’était dispersée dans la mer, tandis que le restant avait atteint les côtes siciliennes.
423 Conv. SNPD, Art. 7. 2.
424 L’absence d’informations correctes peut causer ou contribuer à la réalisation des dommages de plusieurs façons dans la mesure où le propriétaire du navire ne peut prendre les mesures nécessaires pour les transporter dans les meilleures conditions. .
425 Une enquête réalisée sur le port de Marseille révèle que moins de 20% des marchandises dangereuses conteneurisées seraient réellement déclarées. Pour un aperçu de cette enquête V. La Revue Maritime, 4 ième trimestre, 1993 p. 43.
426 Sur cette question V. LITTLE (G.), The Hazardous and Noxious Substances Convention : a new horizon in the regulation of marine pollution, LMCLQ, 1998, p. 554, spéc. p. 556
427 Sur ce point V. GORANSSON (M.), The HNS Convention, ULR, 1997, Vol. II p. 249.
428 Sur cette approche V. GAUCI (G.), Compensation for oil pollution damage from ships, in The carriage of bulk oil and chemicals at sea, 1994, edited by Kenneth Rauson ICHEME p. 11.
429 defenses of responsability selon la terminologie anglo-saxonne
430 V. sur ce point WU (C.), La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures, précit., n° 931 L’OPA Act ne prévoit pas de cas d’exonération spécifique pour le tiers responsable. Toutefois, il semble possible de les déduire à partir de ceux dont bénéficie la partie responsable. Un tiers pourrait par exemple se dégager de sa responsabilité envers le gouvernement demandeur d’indemnisation, s’il venait à prouver la faute grave de celui-ci, par exemple dans l’aide à la navigation.
431 Sur ce point V. not. KENDE (C.), Liability for pollution damage and legal assessment of damage to the marine environment, Journal of Energy and natural ressources Law, 1993, Vol. 11, p. 105, spéc. p. 112
432 OPA section 1003
433 OPA sec. 1003- a-3
434 Ainsi au terme de l’arrêt N v. M/V Dauntless Colocotroni, le juge a pu noter que la négligence du propriétaire qui ne réussit pas dans l’enlèvement de l’épave ne supplantait pas la négligence antérieure d’une tierce partie ayant contribué au naufrage, que dans la mesure où elle est la cause unique de la collision.
513 F. Supp. 720, 1981 AMC 1951 ED.
435 42 USC§ 960(1)
436 Dans le contentieux qui opposait l’État américain au M/ V. Santa Clara, des conteneurs renfermant de l’arsenic, matière répertoriée comme substance dangereuse au sens du CERCLA Act, étaient passés par dessus bord par gros temps au large des côtes du New Jersey. Des données météo concernant cette zone avaient pu être collectées. A la lecture de celles-ci, la Cour avait considéré que l’armateur ne pouvait se prévaloir de cet événement naturel pour invoquer un motif d’exonération. Le phénomène avait été prévu par plusieurs services météo et les prévisions étaient connues du capitaine et de l’équipage. Espèce citée par DE LA RUE (C.) et ANDERSON (C.B), Shipping and the environment, law and practice, précit., spéc. p. 324.
437 .OPA Sec. 1003-b
438 (CLC 69- article 3-2-c) FWPCA Sec. 1321-g.
439 § 103 (c)
440 M. Sttuds 135 Cong. Rec., H8241-H8255, H 8288 : House of Representatives Floor Debates (November 9, 1989) n° 1401 cité p. WU (C.), La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures, précit., n° 926.
441 OPA Sec. 1011.
442 Nous empruntons ici la formule de M. P. GIROD, La réparation du dommage écologique, précit., p. 269
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