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Introduction générale

p. 19-50


Texte intégral

11. « L’Erika et le Prestige, avec leur cortège de préjudices incommensurables [...] pourraient-ils avoir englouti avec eux nos dernières illusions quant à l’aptitude du droit de la responsabilité civile à régir les catastrophes ? »1. Si la question mérite assurément d’être posée, on ne saurait à ce stade prétendre la résoudre, car c’est précisément, ce à quoi va s’attacher la présente recherche. En revanche, le simple fait qu’elle puisse être formulée à l’occasion d’un colloque intitulé « la responsabilité civile à l’aube du xxième siècle, Bilan prospectif »2 mérite déjà à lui seul attention. En effet, ne trouve-t-on pas là exprimée de façon très explicite l’idée selon laquelle le sort des pollutions majeures résultant du transport maritime pourrait s’inscrire dans l’évolution de la responsabilité civile et de ses vicissitudes. Dès lors, à travers ces phénomènes particuliers, il serait possible d’envisager les glissements ou les transformations du droit de la responsabilité civile, d’où notre choix d’ancrer l’étude de l’évolution du droit de la responsabilité civile3 dans le contexte spécifique des pollutions maritimes majeures. Nombre d’innovations fondamentales du droit de la responsabilité comme celle de la responsabilité du fait des choses sont presque nées en matière maritime4. Ainsi, certains auteurs5 n’hésitent plus à le dire : « l’histoire de la responsabilité civile est intimement liée à celle de la navigation ». Et qui plus est « si les avaries dommageables du remorqueur Marie, du Lamoricière, ou encore l’incident à bord du paquebot de la Compagnie Générale Transatlantique en 1911 avaient provoqué des remous dans le droit de la responsabilité civile, cette dernière s’en serait sortie plutôt renforcée »6. La mer n’a-t-elle pas été présentée comme la « mère du droit »7 ?

22. Si pour le poète, elle procure la liberté de rêver à des horizons plus ou moins lointains, pour le négociant, convaincu de ce que même « dans ses pires colères, Neptune n’a jamais découragé Mercure »8, elle évoque la liberté marchande9, et plus largement la possibilité de s’enrichir. « Homme libre, toujours tu t’enrichiras sur mer ». Dût-il pour cela pasticher son poète favori, le Pr A. Vialard à travers cette formule bien frappée souhaite attirer l’attention ; loin de relever d’une quelconque fatalité, les catastrophes environnementales d’origine maritime pourraient plus sûrement révéler un usage abusif de cet espace de liberté conçu essentiellement comme un espace marchand dont il s’agit de tirer profit au risque de commettre, parfois, les pires excès. La pollution des mers est assurément à classer au rang de ceux-là. Les richesses de l’Océan, voilà ce qui aiguise toujours plus l’appétit féroce des hommes. Garde-manger, réserve de richesses minérales et énergétiques, réceptacle des rejets des hommes10, élément de bonification du cadre de vie, voie de communication à moindre coût, la mer est tout cela à la fois11. Elle est le lieu d’affrontement d’intérêts divergents.

33. Est-ce à dire, pour autant, que l’illustrissime vers de Baudelaire, « homme libre, toujours tu chériras la mer » aurait perdu de son lustre d’antan ? Loin s’en faut... L’adossement d’une version revisitée au vers originel, moins qu’un sacrilège, traduit la relation particulière et parfois si ambigüe qu’entretient l’homme avec cet espace. Si le principe de liberté des mers a prévalu pendant des siècles, il est aujourd’hui vivement critiqué. Toujours, plus sûrement, la mer paraît se voir contester son statut d’espace de liberté. Il est plus que jamais impératif de réglementer les activités qui s’y déroulent. Pourtant, et assez paradoxalement au premier abord du moins, la mer loin d’être protégée paraît toujours plus menacée. La contradiction n’est qu’apparente. Car « sapé » par les assauts successifs des vagues législatives, le principe de liberté des mers est, dans le même temps, violé par des « pirates économiques ». Et ce que paraissent révéler les récentes catastrophes de l’Erika et du Prestige, c’est une « mer de tous les vices »12.

44. Pour quelques centaines de milliers de dollars de bénéfice, ceux que l’on a baptisé les voyous des mers n’hésitent plus à mettre en péril des vies humaines sur des navires que d’aucuns qualifient de poubelles, au risque de surcroît de défigurer des centaines, voire des milliers de kilomètres de littoral. Les dommages occasionnés dépassent souvent le milliard de dollars. Et alors même que plusieurs mois de travail seraient consacrés à leur remise en état, les résultats s’avèrent rarement satisfaisants13. Mais la pollution du milieu marin a des effets encore plus sournois sur le long terme. Elle perturbe concomitamment l’écosystème marin et l’économie littorale. L’industrie de la pêche, de la mariculture, et celle du tourisme sont, sans conteste, les secteurs économiques les plus sévèrement touchés.

55. Face à l’insatisfaction suscitée par le dispositif conventionnel spécifique de responsabilité et d’indemnisation CLC14/ FIPOL15, il convient plus que jamais de se demander comment le droit de la responsabilité civile pourrait espérer mieux appréhender les pollutions majeures résultant du transport maritime. La résolution de cette question pourrait supposer de surmonter deux types de difficultés susceptibles de refléter les interrogations actuelles du droit de la responsabilité civile. La première réside incontestablement dans la spécificité du problème juridique à résoudre. Le dommage écologique qu’engendre la pollution est de ceux qui se laissent difficilement saisir par le droit. La seconde tient à l’hésitation qu’il pourrait y avoir quant à la nature des règles juridiques appelées à régir la matière. Le droit spécifique est-il encore adapté ? Ne gagnerait-on pas à tenter de le renouveler à partir d’une réflexion sur le droit commun de la responsabilité civile ?

66. L’étendue des questions à aborder suggère dans le cadre de cette introduction que nous adoptions la démarche suivante : après avoir cerné le domaine matériel de la recherche, en l’occurrence, les pollutions majeures résultant du transport maritime (I), nous nous attacherons à mettre en exergue son domaine juridique (II) en cernant la problématique dans laquelle pourrait s’insérer la recherche d’une solution juridique adaptée à ces phénomènes. L’arbitraire d’un tel découpage pourrait nous être reproché, car il ne saurait exister entre ces deux domaines de frontière étanche. Toutefois, un tel choix paraît pouvoir se justifier par un souci de clarification des développements.

I. Le domaine matériel de la recherche : les pollutions majeures résultant du transport maritime

77. A la manière du peintre, il importe de délimiter la toile qui va servir de support à notre réflexion. Parce que « toute définition est une limite »16, il convient de s’attacher à en réunir quelques unes. Alors même que certains développements apparaîtraient quelque peu techniques, ils participent de la compréhension globale de cette étude juridique. Les pollutions maritimes majeures appartiennent à cette catégorie de dommages que le droit civil qualifie de dommages de masse ponctuels. Si ces dommages ont une origine unique17, en l’occurrence, le plus souvent, le naufrage d’un navire chargé d’une cargaison polluante, ils touchent une pluralité de victimes dans leur individualité. L’étude des dommages de masse résultant des accidents maritimes de pollution suppose d’envisager non seulement le contexte économique spécifique du transport maritime (A), mais encore de cerner la notion de pollutions maritimes majeures (B).

A. Le contexte économique spécifique du transport maritime

88. Si le respect des normes de sécurité du transport maritime peut être a priori conçu comme un moyen d’endiguer les pollutions majeures, cet objectif est difficilement atteint en raison notamment de l’éclatement des responsabilités au sein de la chaîne du transport maritime. L’armateur n’est pas toujours aisément identifiable du fait d’un démembrement toujours plus important de ses fonctions. Or, précisément au fur et à mesure que la chaîne des transports se segmentait, l’insécurité maritime augmentait en dépit d’une réglementation toujours plus draconienne.

99. Car immanquablement tout effort de régulation juridique en matière maritime suscite des réflexes de dérégulation économique18. Ces phénomènes dans les transports maritimes se manifestent par un « jeu permanent » de déplacement de pouvoirs19. Ainsi pendant longtemps et ce jusqu’aux années soixante, les groupes pétroliers intégrés, c’est-à-dire ceux qui contrôlaient toute la chaîne de production de pétrole brut jusqu’à la vente de produits raffinés, ont possédé leur propre flotte. Avoir la maîtrise de la production et du transport était, à cette époque, considéré comme procurant un avantage, puisque l’activité d’armateur était bénéficiaire. Toutefois, parce que la possibilité de recourir au marché présentait l’avantage non négligeable de la souplesse, les groupes pétroliers continuaient de disposer d’une flotte susceptible de couvrir à peu près la moitié de leur besoin, l’autre moitié étant satisfaite au moyen d’affrètement à temps de longue durée.

1010. A la suite du choc pétrolier, parce que les frets sur le marché prompt dit aussi spot étaient particulièrement bas, donc alléchants, décision fut prise de ne pas reconduire les affrètements à temps pour recourir plus fréquemment à ce marché spot. L’objectif bien compris étant à terme, de réduire à la portion congrue une flotte propre coûteuse et potentiellement attentatoire à la réputation en cas de pollution. Cette décision de désengagement seulement partielle au début ne répondait pas à une logique purement économique, laquelle aurait commandé un désengagement total. Elle était suggérée à l’intérieur de certains groupes par les professionnels du shipping qui s’inquiétaient de la baisse sensible de la qualité des navires. Au même moment, d’autres groupes, minoritaires il est vrai, franchissaient le pas en se séparant définitivement de leur flotte pétrolière, comme le groupe Elf en France, ou le groupe Amoco aux États-Unis. Le risque de voir souiller leur image par une pollution n’était assurément pas étranger à cette décision, d’autant que ce risque était double. Il existait tant lorsque les compagnies pétrolières recouraient à un tiers affrété pour transporter leur cargaison, que lorsqu’elles proposaient à l’affrètement un de leurs navires20. Cette nouvelle stratégie des compagnies pétrolières ne pouvait se concevoir sans le concours de traders. Ces derniers, davantage financiers qu’armateurs, ayant eux-mêmes recours à d’autres spécialistes, des exploitants de navires ou ship-managers.

1111. Quoi qu’elles s’en soient toujours défendues, les nations maritimes traditionnelles, plus que jamais exposées à une farouche concurrence économique, paraissent avoir elles aussi participé à cette course frénétique à l’insécurité. Car bien qu’ayant de concert demandé à l’Organisation Maritime Internationale davantage de réglementations, aucune d’elles, à l’exception notable des États-Unis avec leur Coast Guard, ne se souciera de mettre en place une politique visant à mettre sérieusement à l’amende les navires n’appliquant pas la réglementation. Ce contexte économique particulièrement libéral devait favoriser le recours toujours plus fréquent aux pavillons de complaisance. Et l’on en arrive alors à s’expliquer cette situation quasi-ubuesque où les grands groupes pétroliers, après s’être débarrassés de toutes contraintes sécuritaires, s’en sont imposées de nouvelles en prenant l’initiative de contrôler les navires affrétés. La réunion de ces données explique comment en dépit des améliorations constantes de la technologie et des efforts de régulation de l’Organisation Maritime Internationale et de l’Union européenne, les naufrages de pétroliers aient pu perdurer.

1212. Aussi, ce que pourrait masquer cette récente répétition de catastrophes maritimes ce n’est pas tant un paradoxe, mais peut-être plus sûrement une insuffisante coordination entre l’économie et le droit, voire au pire une absence totale de dialogue. Or, « le juriste quel qu’il soit est inévitablement impliqué dans un ensemble de rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses[...]. Aux facteurs techniques, aux facteurs sécurité, viennent s’ajouter, d’une façon plus ou moins impérative encore, les facteurs socio-économiques »21. Parce qu’il n’est de difficultés identifiées qui ne sauraient restées sans remède, le juriste22 se laisse toujours plus séduire par les « sirènes » de l’analyse économique du droit, car précisément à travers elle, il s’agit de rapprocher ces deux disciplines que tout paraît opposer au premier abord.

1313. Selon l’analyse économique, le droit de la responsabilité civile peut être considéré comme un système de règles juridiques dont l’objet est de minimiser le coût social des accidents. Celui-ci comprend non seulement le coût des dommages mais encore le coût des mesures prises pour réduire les risques. Ainsi le choix d’une règle de responsabilité particulière peut potentiellement inciter les acteurs économiques à modifier leur comportement en matière de gestion des risques23. Dans le cadre d’une recherche juridique mâtinée, comme la nôtre, de considérations économiques, l’intérêt d’une telle analyse ne saurait être démenti24. Alors même que nous n’userions de ce nouvel outil qu’à la manière d’un pointilliste, c’est-à-dire par petites touches successives, il peut s’avérer utile au moment de choisir un système de responsabilité adapté aux pollutions maritimes majeures, notion qu’il convient maintenant de tenter de définir.

B. Notion de pollutions maritimes majeures

1414. Parce les pollutions des mers n’ont pas exclusivement attiré l’attention en tant que phénomènes de pollution stricto sensu (1) mais davantage en qualité de phénomènes catastrophiques (2), nous aborderons successivement ces deux notions.

1. Notion de pollution

1515. D’origine latine, la première signification du terme « pollution » est religieuse. Ce terme exprime l’idée de profanation, de souillure25 mais dans une acception purement psychologique. Son utilisation aux fins de décrire la dégradation du milieu naturel par l’introduction d’un polluant est beaucoup plus récente, elle remonte aux années soixante26. Les scientifiques considèrent que la pollution existe « lorsque la quantité d’une matière ou d’une forme d’énergie introduite dans la nature devient supérieure à la capacité de résorption par l’environnement »27. De cette première définition, le juriste peut déjà tirer un enseignement. La pollution qu’il qualifiera plus volontiers de dommage écologique n’existe que lorsqu’un certain seuil, considéré comme critique, est dépassé, rendant alors nécessaire la réparation dudit dommage. La Convention de Montego Bay sur le Droit de la mer28 rend bien compte de cette réalité. Elle retient l’existence d’une pollution en présence d’une introduction directe ou indirecte, par l’homme de substances ou d’énergie dans le milieu marin pour peu que celle-ci entraîne des effets nuisibles tels que les dommages aux ressources biologiques, à la faune et à la flore marines, ou crée des risques pour la santé de l’homme voire encore entrave les activités maritimes, y compris la pêche et les autres utilisations légitimes de la mer. La pollution marine se traduit par une altération de la qualité de l’eau du point de vue de son utilisation et de la dégradation des valeurs d’agrément29.

1616. Le risque de pollution maritime s’il doit s’envisager au travers du risque produit, ne saurait être dissocié du risque inhérent aux transports maritimes. La pollution ne peut se concevoir sans l’intervention de substances polluantes. Selon les critères d’identification et de classification de l’Organisation Maritime Internationale, plus de la moitié des cargaisons transportées actuellement par voie maritime peuvent être considérées comme dangereuses ou nuisibles pour le milieu marin. La distinction entre produits dangereux et produits polluants n’est pas toujours facile à établir tant ces deux catégories sont assimilées dans le langage courant. Cette distinction s’explique par la volonté de différencier ce qui a trait à la sécurité de la vie humaine en mer par rapport à ce qui concerne la préservation de l’environnement30. Les marchandises sont qualifiées de dangereuses au regard des risques encourus par les opérateurs et les usagers du transport maritime, sur la base notamment de critères de toxicité, d’inflammabilité, de réactivité, de corrosivité. Plus de 5 000 substances dangereuses sont recensées dans le monde. Dans le cadre de la sauvegarde de la vie humaine, le chapitre VII de la Convention Solas31 répartit les marchandises dangereuses en quatre groupes en se basant sur deux critères : le mode d’expédition, vrac ou colis, et l’état physique des marchandises, liquide, solide ou gazeux. Les marchandises polluantes, quant à elles sont identifiées à partir de données sur les risques pour les ressources vivantes, la santé de l’homme, l’agrément des sites et les atteintes à d’autres usages légitimes de la mer. La Convention MARPOL32 recense les différents types de polluants marins. Elle distingue trois groupes de marchandises polluantes : les hydrocarbures transportés en vrac33, les substances liquides ou nocives transportées en vrac34, les substances nuisibles en colis35.

1717. Cette distinction théorique n’est toutefois pas sans limite. En effet l’analyse du caractère dangereux ou polluant des marchandises transportées ne s’accommode pas toujours au mieux de cette classification. La distinction entre matières dangereuses et matières polluantes doit être considérée comme relative. On s’aperçoit que la qualification d’une même marchandise en produit polluant ou produit dangereux peut varier en fonction de son mode de transport. Si l’on prend l’exemple des marchandises solides en vrac, on constate que certaines de ces matières sont considérées comme dangereuses non pas en raison de leurs propriétés physiques et chimiques intrinsèques, mais simplement du fait qu’elles sont transportées en vrac36. De même, de nombreuses marchandises sont assimilées à des polluants marins uniquement lorsqu’elles sont transportées en vrac37. Par conséquent une même marchandise peut être considérée soit comme dangereuse mais non polluante38 soit comme polluante mais non dangereuse39 soit comme dangereuse et polluante40.

1818. Outre la nature de la substance transportée, le risque de pollution maritime peut aussi s’envisager à l’aune du mode de transport. Il convient à ce titre de s’intéresser non seulement au navire proprement dit, mais encore à son mode d’exploitation. D’un point de vue technique et statistique, certaines catégories de navires sont plus exposées aux accidents que d’autres. Les vraquiers apparaissent à plusieurs égards comme le type de navires le moins sûr. Les porte-conteneurs suscitent également certaines craintes, non pas tant à cause de la structure du navire qu’en raison de la possibilité de perte de conteneurs. L’accroissement tendanciel du volume de boîtes transportées fait effectivement peser un risque sur ce type de navires. Chaque colis doit en principe être étiqueté de manière à ce que son contenu soit identifiable et que son emplacement soit connu, il reste que les pertes de conteneurs sont aujourd’hui fréquentes et préoccupantes41.

1919. Les défaillances du transport pétrolier sont davantage liées aux méthodes de management des navires, même si les conditions d’exploitation jouent un rôle non négligeable. Le transport pétrolier est le premier segment du secteur du transport maritime de marchandises en terme de volumes d’échange. Il met en œuvre des navires-citernes spécialisés répondant à ce titre à des exigences de conception de plus en plus restrictives42. Malgré l’adoption de dispositifs techniques élaborés, double gouvernail et moteur de secours depuis l’Amoco-Cadiz, réservoirs à ballasts, doubles coques et ponts intermédiaires depuis l’Exxon Valdez, les caractéristiques de ce mode de transport exposent sensiblement plus les navires à la corrosion. Les ballasts doivent être remplis d’eau de mer fortement corrosive, mais nécessaire à la stabilité du navire lorsqu’il est lège c’est-à-dire lorsqu’il est vide de cargaison. Ainsi l’Erika et le Prestige étaient gangrenés par la corrosion, phénomène inéluctable que des réparations périodiques ne sauraient avoir enrayé43. Il faudrait toutefois se garder de conclure que le transport pétrolier par voie maritime est fondamentalement moins sûr que d’autres types de transports. Les pétroliers transportant des produits blancs et du pétrole brut ne font généralement pas l’objet d’accident mettant en cause leurs caractéristiques intrinsèques44.

2020. Les flottes dédiées au transport de produits chimiques et radioactifs, moins importantes, font dans l’ensemble l’objet de plus grandes précautions. C’est ce qui expliquerait que le nombre d’accidents soit moindre. La situation n’en reste pas moins très contrastée en matière de sécurité. Ainsi il conviendrait de distinguer les navires spécialisés, tels que les méthaniers, les parcels tankers45, ou les products chemical tankers46, des petits vraquiers secs, potentiellement plus dangereux47. La sécurité des navires transportant des déchets radioactifs ou des matières nucléaires recyclées est plus particulièrement assurée par le mode de confinement des cargaisons48. La flotte est très restreinte et les voyages ne sont pas si éprouvants pour la structure de ces navires49. Assez curieusement, au premier abord du moins, les risques de pollution résultant du transport maritime paraissent aussi être appelés à varier en fonction des modes d’affrètement.

2121. Si l’affrètement d’un navire peut dans l’absolu revêtir plusieurs formes, ces dernières paraissent essentiellement découler de deux régimes. L’affrètement à temps qui est un contrat par lequel l’affréteur s’engage à recourir à un navire sur une certaine durée, l’affrètement au voyage ou spot qui mobilise le navire pour une opération précise. Or, le choix d’un mode de transport n’est pas neutre pour la sécurité du déplacement de la marchandise. Tous les intervenants du secteur conviennent que l’affrètement au voyage, commode en raison des marges de réactivité qu’il procure, est moins sûr que l’affrètement à temps, qui permet d’envisager une relation de partenariat entre l’affréteur et le propriétaire de navire. Dès lors, ce dernier paraît en mesure d’exiger un véritable suivi de la maintenance et l’armateur est plus enclin à engager des investissements, notamment pour renouveler sa flotte.

2222. Le caractère volatile du marché se traduit aussi par l’abandon des contrats à long terme entre affréteurs et transporteurs au profit d’affrètement à court terme. Les observations effectuées sur le marché montrent qu’il n’y a pas de différence notable au niveau des taux de fret entre les vieux pétroliers et les pétroliers récents : apparemment c’est souvent le tonnage disponible le moins cher, offert par les plus vieux navires qui dicte les prix50 . A l’inverse, on notera que la quasi-totalité des navires gaziers naturels appartiennent aux chargeurs ou font l’objet d’un affrètement à temps. Il en va de même pour le transport des matières nucléaires recyclées. La notion de pollution cernée, il nous faut appréhender celle de catastrophe pour espérer dessiner au mieux les contours de la notion de pollution majeure.

2. Notion de catastrophe

2323. Si l’on s’en tient à l’étymologie, « la catastrophe est l’instant où les choses tournent mal »51. Par rapport à ses racines, le concept moderne de catastrophe recouvre deux formes de risques a priori distinctes : le risque naturel et le risque industriel. Le transport, vecteur indispensable entre la production et la consommation de biens, source manifeste de nuisances52 appartient manifestement à cette dernière catégorie. Plus exactement les pollutions résultant du transport maritime peuvent être classées au rang des risques technologiques majeurs53. Ces derniers traduisent la capacité de l’homme à produire des désastres, son incapacité à maîtriser les risques. Les risques technologiques majeurs sont donc nécessairement « imputables à des responsabilités humaines »54. Dans une acception contemporaine, la catastrophe se distingue d’abord par la diversification des dommages en cause55. Il est bien révolu le temps où son unique critère de référence résidait dans le nombre de victimes humaines. D’autres, comme les dégâts matériels, économiques mais aussi écologiques ne peuvent désormais plus être ignorés.

2424. La catastrophe se signale ensuite par la brutalité de l’événement. Il y a « unité de temps, de lieu et d’action »56. Mais que l’on ne s’y trompe pas : unité d’action ne saurait nécessairement signifier unité de cause57. En dépit de sa brutalité « la catastrophe s’inscrit dans la durée quand l’accident frappe sur l’instant. Dès lors au moment de l’événement, la catastrophe ne s’est pas déjà accomplie : elle ne fait que commencer »58. La catastrophe se singularise enfin et surtout par son ampleur. Elle exprime un changement d’échelle par rapport aux dommages qu’il est traditionnellement demandé à la responsabilité civile d’appréhender. Dès lors en choisissant d’envisager uniquement dans le cadre de cette étude les pollutions dites majeures, nous ne nous intéresserons qu’aux seules pollutions accidentelles. Les autres, pour être opérationnelles, si elles ne répondent pas à cette définition de pollutions majeures, ne sauraient pour autant être considérées comme nécessairement mineures lorsqu’il s’agit d’atteintes au milieu marin59. Cette délimitation du domaine matériel de la recherche bien que parfois fastidieuse pour le juriste pourrait toutefois se révéler indispensable pour appréhender au mieux le domaine proprement juridique de cette recherche, c’est-à-dire la recherche d’un système juridique adapté aux pollutions majeures résultant du transport maritime. En effet, l’expérience montre que bien souvent, ce n’est qu’en faisant d’abord l’effort de dépasser les cloisonnements juridiques que l’on peut ensuite espèrer proposer des solutions juridiques adaptées60.

II. Le domaine juridique de la recherche : un système juridique adapté au traitement des pollutions majeures résultant du transport maritime

2525. « Comme les règles de la tragédie ou les lois de la science, le droit est en mesure de maîtriser des situations qui, si différentes soient-elles les unes des autres, se répètent selon un schéma assez structuré pour que ces traits communs justifient l’apparition d’une norme précise consolidée par son application répétée »[...]. La catastrophe apparaît comme telle irréductible au droit, au sens d’un corpus normatif de règles préétablies, « guide sûr pour affronter l’avenir »61. Parce que le droit ne saurait capituler, même dans l’adversité, il s’agit de construire un système adapté aux pollutions majeures résultant du transport maritime (B). S’il s’agit là de l’étape ultime, il importe au préalable d’identifier quelles pourraient être ses sources (A).

A. L’identification des sources du système

2626. Qui ambitionne d’étudier les phénomènes de pollutions majeures, dans le cadre d’une recherche juridique de droit privé, peut hésiter quant au choix d’une discipline de rattachement. Il est, en effet, légitime de s’interroger sur la nature de la branche du droit qui a compétence pour régir la matière. Il est vrai que l’événement de mer singulier que constitue la pollution maritime apparaît au premier abord, comme quelque peu réfractaire à tout effort de classification.

2727. « Le droit de la pollution des mers se trouve à la charnière de deux systèmes : droit maritime et droit commun qu’il lui incombe de concilier »62. Toutefois son positionnement au sein des disciplines juridiques pourrait avoir été récemment précisé. A en croire un auteur63,« le droit maritime pourrait s’être enrichi, à l’époque moderne, d’une branche nouvelle : le droit maritime de l’environnement... ou faudrait-il dire plutôt, le droit de l’environnement maritime ».

2828. Néanmoins ce que d’aucuns qualifient d’enrichissement, est considéré par d’autres comme la manifestation ostensible d’une lutte d’influence entre deux disciplines juridiques au terme de laquelle l’une d’elles sortirait au mieux affaiblie, au pire anéantie. Ainsi si la décision rendue le 18 avril 1984, à propos de l’Amoco-Cadiz a été présentée comme l’affaire « Droit de l’environnement » versus « Droit maritime »64, l’affrontement se serait soldé par une victoire du droit de l’environnement au détriment du droit maritime65. Il n’y aurait toutefois pas là matière à inquiétude s’agissant de la vigueur de ce dernier droit. Car le droit maritime ne serait, en définitive, « amené à connaître de défaite que lorsque ses partisans voudraient à tort lui faire franchir des frontières ». Et précisément, le Pr Antoine Vialard de se demander à l’occasion de l’affaire de l’Erika, si les catastrophes écologiques de source maritime n’ont pas réduit « le droit maritime à l’état d’épave »66.

2929. En dépit de ces controverses, il faut semble-t-il se souvenir ici que l’on ne peut construire une branche spécifique du droit, qu’il s’agisse du droit maritime ou du droit de l’environnement si l’on n’a pas une bonne connaissance du droit civil. Ainsi le Pr A. Vialard considère le droit maritime comme une branche spécifique du droit qui relève en principe du cadre conceptuel méthodologique et réglementaire du droit civil67. Le Pr P. Bonassies défend la même thèse considérant que bien qu’original, le droit maritime serait dominé68 malgré sa propre logique, il serait asservi aux principes généraux de la responsabilité civile »69.

3030. Ainsi lorsque le droit maritime subirait de plein fouet les nouvelles préoccupations environnementales »70, il faudrait considérer qu’il en est de même s’agissant du droit civil. Lui aussi serait en définitive condamné à l’état de quasi épave par ces catastrophes environnementales d’origine maritime. On ajoutera que les activités maritimes, à l’instar des activités terrestres paraissent avoir été touchées par les affres de l’industrialisation au point d’en présenter les mêmes stigmates, au point encore de soulever les mêmes difficultés juridiques71. Ainsi encore se justifie le choix, qui est le nôtre, d’envisager les pollutions majeures résultant du transport maritime à travers le prisme de « la technique de la responsabilité civile »72.

3131. Ce choix est assurément stratégique. « L’extension considérable de la responsabilité est le fait essentiel de ces cent vingt dernières années »73. Le principe de responsabilité civile absorberait l’ensemble des autres règles juridiques74. En ce sens n’a-t-on pas écrit à propos de la responsabilité qu’elle constituait « l’épicentre d’un système juridique » ? La nature des droits, la structure des obligations et de leur violation, la définition des sanctions, tout y converge et s’entremêle en des rapports logiques et des relations étroites d’interdépendance. Un droit se dit, avoue ses fondements, trahit ses lacunes, démontre son efficacité et son degré d’intégration, à travers son système de responsabilité75.

3232. Reste qu’une telle entreprise peut s’avérer périlleuse, car elle conduit inexorablement à mener une réflexion sur l’évolution du droit de la responsabilité civile tout en se privant de la liberté de procéder à un balayage systématique de la matière. Les propositions formulées doivent nécessairement s’inscrire dans une thématique. Et il devient alors sans doute beaucoup moins aisé de se défausser, si toutefois la tentation nous en venait. Ceci dit, et cela constitue sans conteste un intérêt majeur de cette recherche, la réflexion menée dans ce cadre étroit peut alimenter des problématiques juridiques plus larges, comme celles des « dommages de masse »76.

3333. La présente étude sans faire totalement abstraction des questions pratiques posées par les phénomènes de pollution maritime majeure s’inscrit dans une démarche de conceptualisation. Elle se singularise donc des recherches précédemment entreprises quand bien même elle s’en nourrirait77. Cette démarche de conceptualisation est à notre sens la seule susceptible de conduire à un renouvellement de la matière face à un système sclérosé dans son approche des pollutions majeures.

3434. Bien que notre thème d’investigation s’insère à l’évidence dans une perspective internationale, nous le savons le droit des pollutions maritimes ne saurait s’analyser « comme une pure dépendance du droit français, et donc s’interpréter à la seule lueur des concepts civilistes nationaux, sous peine d’introduire des disparités »78 que précisément les conventions internationales ont eu l’ambition de gommer, le choix que nous faisons de replacer cette étude dans l’évolution des grands courants qui animent le droit de la responsabilité civile national ne nous paraît pas contradictoire. Rien ne paraît s’opposer à ce que les découvertes permises par l’examen du droit national soient transposées dans le système conventionnel international.

3535. Il n’en reste pas moins vrai qu’une réflexion sur la responsabilité civile pour pollution en droit maritime, même limitée à l’essentiel, implique une analyse portant tout à la fois sur le droit commun dont relèvent les éléments de la responsabilité, mais aussi sur le droit maritime parce que les circonstances engendrant cette responsabilité, relèvent du transport maritime, et enfin sur le droit de l’environnement parce que l’objet de la responsabilité, à savoir les dommages de pollution sont du ressort de cette sphère juridique. Ces différentes branches spéciales du droit doivent être associées en vue de la recherche d’un système juridique adapté dont le tronc commun pourrait être le droit commun de la responsabilité civile.

B. La construction d’un système juridique adapté

3636. L’idée que nous entendons défendre ici est celle d’une possible reconstruction de l’actuel système de responsabilité et d’indemnisation spécifique aux dommages de pollution, largement critiqué à l’occasion des dernières catastrophes environnementales d’origine maritime à partir d’une réflexion sur le droit commun de la responsabilité civile. Toutefois parce que ce dernier est réduit à l’état de « bateau ivre »79, une telle entreprise ne peut être envisagée que pour autant que l’on entreprenne de revoir, de renouveler voire de préciser les fonctions de la responsabilité civile80. Pour justifier notre démarche, il s’agira de montrer qu’un parallèle peut être établi entre la mise en échec du droit commun de la responsabilité civile par les dommages catastrophiques (1) et la mise en échec du système CLC/ FIPOL par les pollutions majeures (2), et partant de ce constat de proposer un système de réglementation mieux adapté à la prise en charge des pollutions majeures résultant du transport maritime (3).

1. La mise en échec du droit commun de la responsabilité civile par les dommages catastrophiques

3737. C’est essentiellement à l’occasion de dommages catastrophiques qu’un constat d’échec partiel a été dressé à l’endroit de la responsabilité civile81. Le phénomène catastrophique est de ceux qui ont la dangereuse propriété d’entraîner un dérèglement instantané du droit. Les schémas juridiques traditionnels qui constituent l’armature de la responsabilité civile ne tardent pas à ployer sous le poids de la catastrophe quand ils ne rompent pas. La nécessité d’engager une chasse aux payeurs commande de faire fi de la fonction de régulation des comportements. Ces difficultés rencontrées par le droit de la responsabilité, quoi qu’elles aient été récemment mises en exergue par les catastrophes écologiques82, ne sont pourtant pas nouvelles. Il faut y voir une variante moderne des écueils du machinisme. Or précisément ces derniers ne sont assurément pas de ceux que les rédacteurs du Code civil ont entendu résoudre, comme a pu l’observer le Pr G. Viney83.

3838. Qui tente de retracer dans ses grandes lignes, l’évolution du droit de la responsabilité civile, ne peut manquer de relever le passage à la fin du xixème siècle d’une responsabilité pour faute, engagée à raison des fautes commises, à une responsabilité sans faute liée à l’étendue des dommages. Pareil mouvement de balancier s’explique aisément si l’on prend soin de le replacer dans un contexte historique. Les fautes étant devenues difficiles à identifier, la nécessité d’indemniser les victimes se faisant plus pressante, il convenait pour assurer la réparation des préjudices subis de recourir à cette quasi-fiction de responsabilité sans faute. Alors que la responsabilité reposait classiquement sur l’appréciation des agissements d’un ou plusieurs sujets responsables à qui il s’agissait d’imputer une faute au titre d’une responsabilité subjective, la responsabilité sans faute prenait, elle, le parti de ne s’intéresser qu’à la matérialité des dommages, autrement dit à un fait objectif. Le responsable, dans cette dernière acception de la responsabilité n’a pas nécessairement commis de faute. Il est désigné à raison de sa capacité à financer la réparation des dommages engendrés par le risque que fait courir son activité. Cette forme de responsabilité, dite aussi pour risque consacre donc une forme de démission. « Oracle de la responsabilité durant le xixème siècle, la faute est souvent apparue au cours du xxème siècle, comme un obstacle à l’indemnisation, dès lors son rôle est allé en s’amenuisant. L’histoire du droit de la responsabilité est celle d’une régression constante de la faute » constate le Pr D. Mazeaud84. Dans le cadre de la responsabilité sans faute ou pour risque, la personne préalablement désignée comme responsable doit s’attendre à être déclarée automatiquement comme tel. L’indemnisation des victimes en dépend.

3939. Mais le mouvement vers l’objectivation de la responsabilité ne pourrait avoir été qu’une étape dans l’amélioration du sort des victimes. En effet, on ne saurait prétendre retracer l’évolution du droit de la réparation sans évoquer le phénomène de socialisation, indirecte d’abord avec le développement de l’assurance, puis surtout directe avec la création des fonds de garantie. Il convient d’observer que ces mécanismes de collectivisation du risque ont, parfois, été associés à un régime de responsabilité classique. En d’autres termes, leur intervention n’a été conçue qu’à titre subsidiaire, à savoir pour l’hypothèse où les règles classiques de la responsabilité se révéleraient défaillantes. On se trouve donc en présence d’un procédé semi-direct de réparation. Reste que cet amalgame conduit à s’interroger sur la nature des rapports qu’entretiennent ces deux composantes. Or précisément à l’occasion de cette association, la responsabilité civile devait non seulement consentir à se délester de sa fonction normative pour privilégier sa fonction indemnitaire, mais encore admettre qu’il existait des procédés plus efficients qu’elle pour assumer cette fonction.

4040. En l’absence de désignation d’un fautif, la responsabilité sans faute confinait à l’impunité. En se focalisant sur la réparation, c’est donc à une mission fondamentale que le droit de la responsabilité renonçait : celle de réguler les comportements par l’intermédiaire des fonctions normatives et répressives85 qui lui étaient traditionellement attribuées.

4141. Toutefois cette controverse sur le rôle de la faute au sein de la responsabilité pourrait n’être que l’arbre qui cache la forêt. En effet, ce qui pourrait ici apparaître en filigrane c’est une problématique autrement plus fondamentale, à savoir la place qu’il convient de réserver à la responsabilité. Peut-elle encore se pérenniser dans son rôle indemnitaire ou n’y a-t-il pas là les signes avant-coureurs d’une nécessaire mutation ? Le simple fait que l’on soit amené à se poser la question montre déjà que l’institution de la responsabilité n’est pas encore stabilisée. Le dommage écologique, parce qu’il cristallise les problèmes de responsabilité86 rend « admirablement » compte, oserait-on dire, de cette instabilité. Les catastrophes écologiques d’origine maritime ont motivé l’adoption d’un dispositif conventionnel original de responsabilité et de réparation, qui s’il a été présenté comme un prototype en matière de prise en charge du risque environnemental est aujourd’hui mis en échec par les récentes pollutions maritimes majeures.

2. La mise en échec du dispositif CLC/ FIPOL par les pollutions maritimes majeures

4242. Le dispositif conventionnel de responsabilité et d’indemnisation CLC-FIPOL spécialement adopté pour régler les problèmes d’indemnisation et de responsabilité, à l’instar du droit commun de la responsabilité civile témoigne de son incapacité à gérer les phénomènes catastrophiques particuliers que sont les pollutions majeures résultant du transport maritime. Et l’on trouve dans ce système élaboré à la fin des années soixante, les stigmates de la crise traversée par la responsabilité civile.

4343. Avec le sinistre du Torrey-Canyon87, la Communauté maritime a pris conscience de la nécessité d’élaborer une convention ad hoc, convaincue en cela par l’incapacité des systèmes juridiques traditionnels à prendre en charge la réparation des pollutions majeures88. Sous l’impulsion de la France et du Royaume-Uni, principales victimes de la marée noire du Torrey Canyon, un système international d’indemnisation totalement neuf va être institué. Ce système repose sur une répartition de la charge de réparation financière afférente aux dommages de pollution entre les deux mondes industriels à l’origine de la pollution : armateurs pétroliers et destinataires du pétrole transporté. Deux conventions sont chargées de le mettre en œuvre.

4444. La première d’entre elles, la Convention internationale du 29 novembre 1969 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, dite « CLC 69 »89 régit la responsabilité de l’armateur. Elle innove en ce sens que la responsabilité du propriétaire du navire, contrairement à ce qui prévaut dans la tradition maritime, est engagée en l’absence de toute faute. Face à la difficulté d’imputation de la responsabilité en présence d’un phénomène catastrophique, la responsabilité sans faute, fondée sur la désignation automatique d’un responsable, offre donc une solution de facilité. On pourrait y voir une forme de contamination du droit maritime par le droit civil à la différence près que cette Convention reprendra à son compte un principe traditionnel du droit maritime, à savoir le principe de limitation de responsabilité. Si cette convention a sensiblement contribué à renforcer les aspects objectifs de la responsabilité pour pollution en droit maritime, elle n’a pas pour autant porter atteinte à la coexistence de la faute et du risque qui sous-tend la responsabilité objective. En effet, la présence éventuelle d’une faute est conçue dans l’esprit des rédacteurs de la convention CLC comme offrant la possibilité de jeter une passerelle vers une responsabilité illimitée puisqu’elle entraîne la déchéance du droit de limitation.

4545. Loin de clarifier le débat, la présence de cet élément contribue à l’obscurcir, car en raison de sa nature inexcusable, ladite faute se révèle d’un maniement peu commode pour la victime. Difficile à établir, elle exige aussi le recours à une procédure judiciaire, susceptible de rebuter la victime désireuse d’obtenir une indemnisation rapide. Aussi, on s’expliquera que l’éventuelle présence d’une faute inexcusable ne puisse être nécessairement conçue comme un gage de sécurité en terme de sanction voire de prévention des comportements défectueux.

4646. Reste que si le choix d’une responsabilité dite objective dans le cadre d’une convention reflète incontestablement un choix de société au moment de sa discussion, en l’occurrence celui de structurer le droit de la réparation environnementale autour du dommage indemnisable90 plutôt qu’autour du comportement du responsable91, il cesse d’être pertinent si les aspirations de la société viennent à changer. Or, précisément, « l’histoire de la responsabilité analysée au travers de quelques fenêtres ouvertes sur son évolution nous montre que la victime est passée d’un besoin de réparation à un besoin de vérité »92.

4747. La seconde Convention93 portant création d’un Fonds international d’indemnisation dite FIPOL est conçue comme le pendant de la première. Elle règle la contribution de l’industrie à la réparation des dommages en aménageant un mécanisme de financement fondé non plus sur la responsabilité mais sur la solidarité d’une profession face à un risque. On retrouve là une autre grande tendance de l’évolution contemporaine de la responsabilité. Le recours à ces procédés d’indemnisation consacre une socialisation directe de la réparation sans passer par le relais d’un individu désigné responsable94.

4848. Il convient de le souligner, dans l’esprit des rédacteurs, ce dispositif ad hoc devait être le lieu exclusif de règlement des litiges nés à l’occasion d’une pollution par hydrocarbures. En conséquence, aucune demande d’indemnisation n’aurait dû être engagée hors de ce cadre. Cet espoir aura été déçu si l’on considère les stratégies judiciaires développées à l’occasion des récents contentieux de l’Erika et du Prestige pour esquiver ce système mis en échec par les pollutions majeures95.

4949. Le système conventionel repose sur un amalgame de responsabilité et d’indemnisation automatique, il est accusé de tous les maux. Non seulement, bien que concentrant son effort sur la réparation des dommages il serait incapable de fournir une indemnisation complète en cas de pollutions majeures ; à ce titre il méconnaîtrait un principe fondamental de notre droit de l’environnement, le principe du pollueur-payeur »96 ; mais encore il renoncerait à la régulation des comportements des acteurs du transport maritime libres d’agir en toute impunité. Ce reproche vaudrait essentiellement pour les opérateurs susceptibles de s’abriter derrière le mécanisme de canalisation dont la finalité est de permettre la désignation d’un responsable unique, en l’occurrence le propriétaire du navire. Ce dispositif aura été particulièrement accusé de consacrer une quasi-irresponsabilité du propriétaire de cargaison.

5050. Aussi, ce système bien qu’hybride paraît refléter les blocages du droit de la responsabilité civile lorsqu’il est confronté à des dommages catastrophiques. Bien qu’ayant sacrifié sa fonction normative sur l’autel de l’indemnisation, il demeure défaillant dans sa fonction curative97. Si « la connaissance du droit n’a de sens que si elle débouche sur sa critique, sur la dénonciation de ses malfaçons de ses erreurs »98, elle doit aussi inciter à formuler des propositions en vue de son amélioration.

3. Proposition d’un système adapté

5151. Force est d’admettre au vu des développements précédents qu’il n’existe pas d’appréhension globale du phénomène catastrophique par les sciences juridiques. Dès lors on pourrait presque penser que la catastrophe est reléguée au rang de fatalité. « Elle ne se laisserait ni prévoir ni prévenir, elle ne pénètrerait dans le champ du réel que par les dommages qu’elle a effectivement entraînés. Si pendant longtemps la seule loi scientifique dont la catastrophe tolérait l’application était le calcul de probabilité, cette époque est apparemment désormais révolue ». Les sciences du danger dites cyndinies refusent d’assimiler les accidents à la fatalité99. Elles ambitionnent de dégager une morphologie du danger afin d’isoler rétrospectivement le processus de construction du danger. Ce réflexe manque cruellement dans la sphère juridique. Or précisément n’est-il pas possible de le susciter à partir d’une réflexion sur les fonctions de la responsabilité civile. Il faut faire ici « l’apologie des faiseurs de systèmes »100. « Les juristes les plus lucides ont compris qu’ils ne pouvaient pas se résigner »101.

5252. « La difficulté de réussir ne fait qu’ajouter à la nécessité d’entreprendre »102. Mais il existe peut-être malgré tout matière à se rassurer. Car « loin d’apparaître comme l’antithèse de l’ordre [...], le désordre opère comme condition de l’ordre, d’un ordre nouveau qui garantirait l’indispensable adaptation du système »103. En ce sens le désordre pourrait s’analyser « comme la figure d’émergence d’une rationalité qui si elle nous échappe, encore, pourrait bien nous éclairer demain »104. En d’autres termes, dans le système à la dérive » que nous venons d’identifier, il serait déjà possible de deviner bien qu’elles soient encore évanescentes les formes du « modèle en devenir »105. Cela pourrait aussi signifier qu’à l’instar des organismes vivants, les systèmes juridiques pourraient avoir des cycles de vie. Ainsi selon Savatier, dès le départ, « les juristes prendraient l’initiative de tracer leurs lignes sur le sable d’institutions mouvantes ». La fin d’un cycle traduirait la nécessité de réfléchir à l’élaboration d’un nouveau système capable de rétablir les équilibres juridiques rompus.

5353. Si certains systèmes à l’instar du dispositif conventionnel CLC/FIPOL peuvent faire l’objet de corrections, d’ajustements ponctuels, c’est ainsi que doit s’analyser, à notre sens, la révision des Protocoles de 1992, ou même encore le tout nouveau fonds d’indemnisation complémentaire, les simples rehaussements des plafonds de responsabilité ne sauraient pour autant suffire106. Parce que confronté à des catastrophes à répétition107, ce système n’a pas su offrir une quelconque résistance, on peut légitimement finir par douter de la pertinence de son architecture. Face à un système qui menace ruine, le peu de satisfaction procuré par un simple colmatage des brèches conduit à se demander si ce ne sont pas ses fondations qui sont à revoir.

5454. Or, aux lendemains des catastrophes, dont les marées noires ne constituent que l’expression d’un genre particulier, le mode de production législative tend à s’apparenter à une opération de marketing. Appelé à agir dans l’urgence, et incapable d’avoir une vision d’ensemble du problème dans un laps de temps, somme toute court, le législateur se refuse fort logiquement à engager des réformes d’envergure. Les traditionnelles promesses de pain et de jeux faites aux populations romaines dans l’Antiquité, ont vite fait de se transformer en lois nouvelles mais superficielles et mannes financières conjoncturelles108, à l’adresse des populations littorales. Loin d’apparaître comme une panacée, toute initiative en ce sens, certes louable, n’est pourtant pas exempte de critique109. On la soupçonnerait presque de drainer un nouveau risque de pollution, « juridique ou réglementaire »110, confinant à l’« overdose »111 lorsqu’il s’agit de sécurité maritime. Pareille façon de légiférer ne saurait passer avec succès le test de bonne législation imaginé par le Doyen Carbonnier112. Il convient dès lors d’engager une réflexion de fond, fondée sur une mise à plat de l’existant. Cette démarche participe de l’esprit même de l’objet de notre recherche.

5555. Dès lors à l’invitation du Pr A. Jeammaud113, il convient de faire l’effort, « de comprendre en quel sens le droit opère régulation ». Pareille entreprise doit débuter par une interrogation sur la façon dont les normes influencent le comportement des opérateurs. Si toute action procède d’une transformation d’informations, tout système juridique implique de la part de ses concepteurs une réflexion quant aux agissements futurs des catégories d’individus auxquels il a vocation à s’appliquer. Une crise grave vient à révéler les défaillances d’un système juridique et c’est dans l’examen des relations précédemment décrites qu’il convient d’en rechercher les causes. Ainsi « l’évaluation rétrospective et la simulation prospective sont-elles appelées à s’enchevêtrer dans un processus permanent d’adaptation du donné juridique »114.

5656. La modification de l’actuel dispositif conventionnel pourrait se trouver motivée par deux préoccupations ; d’une part celle d’assurer la réparation intégrale des dommages catastrophiques, d’autre part celle de réguler les comportements des acteurs du transport maritime par un mécanisme ad hoc. La responsabilité est assurément de celui-là. En d’autres termes, il s’agirait dans le contexte actuel de forte dérégulation de faire en sorte qu’aucun « fauteur d’eaux troubles »115 ne puisse échapper à sa responsabilité mais encore que toutes les victimes puissent être intégralement indemnisées. La répétition lancinante des catastrophes tend, en effet, à démontrer qu’un dispositif juridique qui s’obstinerait à s’intéresser exclusivement à l’indemnisation des pollués, en espérant des mécanismes du marché une quelconque incitation à un comportement plus rationnel est, à terme, voué à l’échec.

5757. S’agissant des phénomènes accidentels, le droit a secrété la théorie du risque116, laquelle a constitué un socle pour la mise en place des régimes d’indemnisation généraux ou sectoriels, comme les conventions pétrolières. Toutefois, parce que ces systèmes spéciaux se sont écroulés tels des châteaux de cartes sous la pression exercée par les catastrophes majeures, il est légitime de se demander si cette théorie et le système juridique qui la sous-tend ne sont pas désormais obsolètes.

5858. La problématique qui apparaît ici en filigrane est celle de la « prise en charge par le droit d’un système à grand risque »117. Plus largement, c’est à sa capacité d’organisation qu’il pourrait être ici fait appel. Le temps ne serait-il pas venu d’échafauder une construction nouvelle dont l’épine dorsale, pourrait être selon l’expression de Carbonnier, l’« ultra-risque »118. La sauvegarde de l’édifice de la responsabilité qui menace de s’écrouler sous les assauts répétés des « catastrophes environnementales de source maritime119, pourrait en dépendre.

5959. Dès lors « si le droit de l’environnement pouvait être comparé à un labyrinthe dont le spectre de l’ineffectivité ferait figure de Minotaure, l’idée de responsabilité pourrait être son fil d’Ariane »120. D’aucuns121 n’hésitent pas à soutenir que le droit de l’environnement pourrait permettre de reconstruire l’essentiel du droit de la responsabilité122, à condition cependant d’en repenser les modalités et d’en élargir les finalités.

6060. Reste que les plus sceptiques pourraient douter de l’opportunité d’engager une réforme pour les seuls évènements catastrophiques, car cela reviendrait à construire un droit de l’exceptionnel. En effet, les dommages graves à l’environnement, parfois appelés catastrophes écologiques sont un sujet sur lequel l’attention ne se porte qu’épisodiquement. « Les catastrophes n’auraient lieu qu’une fois, et toujours en parfaite contradiction avec les lois de la statistique »123. Fort de ce constat, on pourrait penser que le problème juridique, du reste exceptionnel, que constitue la prise en charge par le droit des pollutions majeures puisse cesser d’en être un à l’avenir, compte tenu des récentes initiatives visant à relever les plafonds d’indemnisation. Ce serait admettre ce disant que la pathologie du système puisse se réduire à un problème d’indemnisation, qui serait sur le point d’être éradiqué compte-tenu du rehaussement substantiel des plafonds.

6161. L’analyse de la courbe de la sinistralité n’est-elle pas déjà en soi de nature à conforter cet optimisme. Elle montre, en effet, une diminution sensible du nombre des accidents au cours des dernières décennies, portant à croire que les réglementations ont fini par porter leurs fruits124. Ainsi à partir du début des années quatre-vingts, on observe une réduction très significative des pollutions marines accidentelles125. Mais l’augmentation126 continue du transport maritime international incite elle à relativiser cet optimisme127. Et nul doute que la survenance de deux catastrophes majeures sur les côtes françaises à moins de trois ans d’intervalle renforce la nécessité d’agir.

6262. Toutes ces observations témoignent de l’urgence qu’il y a pour le juriste à intégrer le phénomène catastrophique dans une démarche de gestion globale des risques. Se refuser à le faire c’est se condamner à devoir remettre sans cesse l’ouvrage sur le métier, avec de surcroît toujours une catastrophe de retard. Si le système CLC/ FIPOL a pu être considéré comme révolutionnaire et innovant à ses débuts, il a cessé de l’être. Il convient donc de le modifier. Si l’objectif est fixé : la méthode pour y parvenir doit être précisée.

6363. Ce dispositif conventionnel international à l’instar de la responsabilité est réductible à l’idée de système. Si tout peut a priori faire système, c’est à la condition toutefois qu’il puisse exister un, voire plusieurs principes fondateurs (a) susceptibles de conférer son unité à l’ensemble, c’est à la condition encore qu’il existe une logique de construction (b) capable de donner à l’ensemble sa cohérence.

a) Les principes fondateurs du système

6464. L’équité (α) et la sécurité (β) pourraient être les deux principes fondateurs de notre système.

α. Le principe d’équité

6565. Ainsi que cela a été justement souligné, « l’histoire du droit de la responsabilité pour fait de pollution par hydrocarbures est marquée par la recherche permanente de l’équité. Toujours, il s’agit de mettre en balance les intérêts des parties en cause »128. Une solution n’est acceptable que pour autant qu’elle est équilibrée. L’équilibre n’est-il pas l’axe de tout arrangement en matière de droit ? Dans le domaine des pollutions, la présence d’intérêts divergents rend la situation peu aisée à maîtriser. L’équilibre auquel il s’agit de parvenir est multi-dimensionnel. Il intéresse, non seulement le rapport d’intérêts unissant les victimes de pollution aux responsables, mais encore celui reliant les principaux responsables entre eux. Le second principe, qui n’est pas sans rappeler le premier, pourrait être celui de la sécurité.

β. Le principe de sécurité

6666. Demogue classait la sécurité au premier rang des notions fondamentales du droit privé129. D’elle, il n’hésitait pas à dire qu’elle était non seulement le plus grand desiderata de la vie juridique et sociale, mais encore son moteur central. En ce sens, il pensait que la sécurité était un des intérêts dont la législation moderne devrait se préoccuper le plus. Offrir de la sécurité aux individus revêtait à ses yeux une importance colossale. Mais encore convenait-il à son sens d’opérer une distinction entre sécurité dynamique, celle qui favorise les affaires, en l’occurrence l’activité de transport maritime et la sécurité statique, celle qui défend les droits acquis, et notamment la propriété privée affectée par la pollution130.

6767. Le droit maritime a toujours entendu privilégier la sécurité dynamique au détriment de la sécurité statique131. Toutefois force est d’admettre que le caractère international fortement prononcé du droit maritime est susceptible d’affecter la sécurité que l’on est en droit d’attendre. Ce n’est pas tant l’absence de système de régulation qui est à craindre, que l’ineffectivité de la règle de droit dans un contexte de forte mondialisation.

6868. Concept-pivot s’il en est, dans un système à risque, la sécurité a encore pu être présentée comme traduisant un changement de paradigme dans l’évolution du droit de la responsabilité. Mâtiné par des considérations solidaristes, le droit de la responsabilité serait en passe de s’en libérer. Ce mouvement de retrait serait motivé par le souci de mieux prendre en compte les comportements. Dès lors la capacité d’un système à infléchir des comportements dangereux deviendrait un étalon à part entière pour apprécier sa pertinence.

6969. Si le droit pénal tente d’apporter une réponse aux lacunes de l’approche civiliste en s’attachant à établir des responsabilités individuelles, il ne saurait représenter une alternative satisfaisante. « En ne se préoccupant que de réparation, la responsabilité sans faute a amputé le droit civil d’une mission essentielle : la régulation des comportements »132. La responsabilité de « type systémique » telle que nous la concevons, ne saurait résider dans un unique élargissement de la mutualisation du risque. La restauration de l’effet prophylactique de la responsabilité passe nécessairement par une réhabilitation de la faute. Le droit qu’il s’agit de construire dans le cadre de ce système, doit rester celui de la défaillance et non celui de la perfection133. Il serait vain en effet, de croire qu’un système juridique puisse rendre les hommes infaillibles. Que leur activité ait ou non du reste un rapport avec la mer, la sécurité reste un idéal dont il convient de se rapprocher. A cette fin, la fixation d’objectifs mobilisateurs, dont le plus élémentaire serait l’application effective des réglementations existantes134 est nécessaire.

7070. En d’autres termes, partant de l’idée que le risque zéro n’existe pas, conscient de ce qu’un système juridique peut finalement se révéler « accidentogène », il s’agit dans le cadre d’une démarche de gestion, rappelons-le, nécessairement globale des risques, d’imaginer un système juridique capable d’appréhender la sécurité dans sa double dimension : garantir l’indemnisation des victimes ; assurer la régulation du comportement des acteurs du transport maritime.

7171. Il est des modèles qui sont cités en référence lorsqu’on évoque le droit de la responsabilité pour faits de pollution maritime. L’américain est de ceux-là. Dans l’absolu, en notre matière l’« américanisation de la réparation »135 ne saurait être nécessairement synonyme de dérive136. Toutefois quand bien même la tentation d’un système régional se serait manifestée au sein de l’espace européen, les chances d’y voir prospérer ce prototype d’Outre-Atlantique, là ou à l’échelon mondial137 sont minimes pour ne pas dire inexistantes. Ces espaces, à la différence de l’espace américain, ne peuvent se targuer d’une homogénéité sans faille. Or précisément, ce qui explique essentiellement pour ne pas dire exclusivement que l’Oil Pollution Act ait pu s’imposer aux États-Unis, c’est la présence sur ce territoire d’un fort consensus pro-environnementaliste138. Aussi il convient de se rendre à l’évidence, la protection de l’environnement du reste du monde est définitivement-une autre histoire139 . Aussi convient-il d’envisager un système ad hoc dont la construction140 pourrait s’ordonner autour d’une logique.

b) La logique de construction du système

7272. Elle repose sur une combinaison de deux logiques, celle de séparation (α) d’une part, celle de responsabilisation d’autre part (β).

α. La logique de séparation

7373. Le Pr G. Viney l’a démontré, cette crise de la responsabilité civile pourrait résulter de l’interférence entre la responsabilité civile objective et les procédés de collectivisation141, configuration que l’on retrouve dans le dispositif CLC/ FIPOL. Si l’idée d’une séparation n’est pas neuve, elle a du mal à pénétrer le droit positif142. Partant du constat que le droit commun de la responsabilité civile ne permet plus d’assurer la conciliation de ses deux fonctions traditionnelles, à savoir indemnitaire et normative, et cela parfois même en dépit d’un gauchissement de ces règles143, il s’agirait d’opérer une scission radicale entre l’indemnisation et la responsabilité stricto sensu par « l’interposition d’une tierce personne faisant écran entre la victime et l’auteur potentiel du dommage144.

7474. En définitive ce qui apparaît bien comme une « tentative de recomposition du paysage juridique » selon l’expression du Pr M. Delmas-Marty, pourrait reposer sur une idée simple. Il serait nécessaire « que l’imputation de la responsabilité et la revendication de l’indemnisation soient dans un premier temps nettement dissociées pour être ensuite ultérieurement mieux coordonnées »145. En d’autres termes, cela reviendrait « à séparer la notion de risque de celle de responsabilité »146. Quand le risque, notion collective est associé au hasard, la responsabilité, relève elle, du comportement individuel, elle implique l’existence d’un individu qui l’assume. Mais cette initiative de nature à redonner un peu de cohérence au vaste édifice que constitue la responsabilité civile supposerait que la responsabilité renonce à l’une de ses fonctions, à savoir celle d’indemnisation147. En effet la responsabilité se voyant toujours plus disputer cette fonction par les mécanismes collectifs d’indemnisation, autrement plus performants qu’elle en ce domaine, devrait finir par se résoudre à l’abandonner en présence de dommages catastrophiques. Du reste, ne suffit-il pas pour se convaincre du bien-fondé de cette démarche de se souvenir qu’en notre matière, la Convention de Bruxelles établissant la responsabilité objective du propriétaire du navire a pu être présentée comme « un simple tremplin destiné à passer à l’étape décisive » à savoir la réparation des dommages par le fonds d’indemnisation148, en l’occurrence, le FIPOL ?

7575. Si pareille observation est sans conteste influencée par des considérations d’ordre pratique, elle pourrait aussi se révéler pertinente d’un point de vue théorique. En effet, l’actuel système CLC/ FIPOL par sa structure-responsabilité exclusive du propriétaire du navire, par ses composantes-limitation de responsabilité-de par l’organe qui l’a créé l’Organisation Maritime Internationale149, pourrait laisser faussement à penser que le risque qu’il s’agit de gérer est de nature maritime. En effet, seule la nature particulière de la cargaison transportée confère à un événement de mer qui aurait pu rester, somme toute, anodin150 son « statut » de catastrophe. Dès lors bien qu’indéniablement de source maritime, ladite catastrophe est d’abord écologique.

7676. Dès lors le risque qu’il convient essentiellement d’appréhender au travers d’un système juridique restant à construire, ne serait pas tant un « risque-navire » ou maritime, mais bien un « risque-produit » donc écologique. Pareil constat doit naturellement déboucher sur une tentative de rétablissement de l’ordre naturel. Cette dernière pourrait passer par une nécessaire mise en conformité du système sur deux points au moins. La logique voudrait s’agissant d’un risque-marchandise que la communauté chargée d’assurer la réparation des dommages soit celle des réceptionnaires de cargaisons polluantes, et cela à titre exclusif. Elle voudrait aussi que le traditionnel principe de limitation justifié par l’idée de réciprocité et de réversibilité, tel qui profite aujourd’hui de la limitation poura demain se la voir opposer, s’efface en présence de victimes de pollution, parfaitement étrangères fondées dès lors à revendiquer une réparation intégrale de leur dommage.

7777. En d’autres termes, en perfectionnant le droit spécial des fonds d’indemnisation, lesquels sont considérés comme une possible transcription du principe du pollueur-payeur, c’est la situation des victimes que l’on pourrait espérer améliorer. Encore conviendrait-il d’admettre pour cela que l’indemnisation puisse reculer « au rang technique de gestion de la dimension du risque dans les interactions humaines »151. L’indemnisation devenant l’affaire exclusive des fonds d’indemnisation, à tout le moins peut-on espérer que la responsabilité civile retrouve sa fonction première à savoir la régulation des comportements152. Dès lors, la seconde logique qui pourrait sous-tendre notre système est celle de responsabilisation.

β. La logique de responsabilisation

7878. « Les rapports de l’homme à la nature sont devenus, en effet, dramatiques davantage par absence de responsabilisation que par absence de législation »153. Les fonds d’indemnisation pourraient, après avoir indemnisé intégralement les victimes, s’attacher à établir les différentes responsabilités qui ont concouru à la catastrophe. Plus pratiquement, il leur incomberait d’exercer systématiquement une action récursoire en présence d’une faute avérée154. Ce faisant c’est l’idée selon laquelle « l’univers du transport maritime d’hydrocarbures pourrait se réduire à un jeu de miroir où chacun se rejette la responsabilité »155 que l’on pourrait espérer combattre.

7979. En d’autres termes, il s’agirait d’opérer un retour sur l’auteur du fait générateur. La démarche à n’en pas douter pourrait s’analyser comme une nécessaire et constructive réaction à la focalisation sur la victime. Certes, l’imputation d’une responsabilité n’est pas chose aisée en présence d’une chaîne d’intervenants, mais encore faut-il commencer par se poser la question. Le concept de due diligence156 , fondé sur une présomption de faute, s’inscrit résolument dans une perspective maritime d’appréciation des comportements à risque, puisqu’il sert de référent dans l’appréciation de la responsabilité du transporteur maritime. Il conviendrait aussi de se souvenir dans ce cadre que « lié au rôle normatif qui ressort de l’éthique, la fonction première de la responsabilité civile serait de prévenir les dommages, plus que de les réparer »157. Faudrait-il alors aller jusqu’à admettre qu’une prise de risque inconsidérée puisse être en elle-même fautive ? Il s’agirait là de rompre, d’aucuns diront au prix d’acrobaties juridiques, avec une tradition multi-séculaire qui veut que la responsabilité soit nécessairement de type curatif. Suivant en cela les commandements du principe de précaution, l’objectif de « la responsabilité de type préventif née de l’absence d’adoption par l’intéressé de mesures de nature à éviter un dommage prévisible serait d’obliger quiconque le pourrait à déployer tous les moyens pour enrayer par avance un risque de dommage important »158. La question quoique polémique ne peut manquer d’être envisagée159.

8080. Les pollutions majeures résultant du transport maritime n’en demeurent pas moins une épreuve pour la responsabilité civile. Tenter de la surmonter peut, quoiqu’on en dise, se révéler un pari risqué. Alors peut être faut-il à ce moment précis où commence l’entreprise se souvenir que « dans une vie qui repose sur un perpétuel pari, le risque peut être un perpétuel bonheur »160.

8181. Parce qu’« il n’est de vent porteur que pour celui qui sait où il veut aller »161, toujours il s’agit de se fixer un objectif. Il s’agirait, les développements qui précèdent l’ont montré de tenter de restituer au droit de la responsabilité civile une cohérence particulièrement mise à mal par les phénomènes catastrophiques que sont les pollutions maritimes majeures. Parce qu’il est trop hasardeux de suivre « le rythme de la lame »162. Il s’agit encore de déterminer des caps. Les nôtres, à l’instar des escales que nous entendons faire dans ce vaste océan tumultueux, que constitue le droit de la responsabilité, sont au nombre de deux. A l’occasion d’une première escale dédiée aux victimes de pollutions majeures, il s’agira de mettre le cap vers un régime d’« indemnisation garantie, indépendant de la responsabilité civile »163 (Première partie). Lors de la seconde, laquelle visera précisément à nous conduire au terme de cette aventure « constructive », il s’agira de mettre le cap vers un régime de responsabilité civile restauré dans sa fonction de régulation des comportements des acteurs du transport maritime (seconde partie).

82Ière PARTIE : Vers un régime d’indemnisation garantie, « indépendant de la responsabilité civile »

83IInde PARTIE : Vers un régime de responsabilité civile restauré dans sa fonction de régulation des comportements

Notes de bas de page

1 BRUN (Ph.), Rapport introductif, in La responsabilité à l’aube du xxième siècle, Bilan prospectif Colloque organisé par la Faculté de Droit et d’économie de l’Université de Savoie et le barreau de l’ordre des avocats de Chambéry, le 7 et 8 décembre 2000, Resp. civ. et assur. 2001, n° 6, Hors-série, p. 4

2 Ibid.

3 Sur cette question voir :
- s’agissant des thèses et monographies : Les métamorphoses de la responsabilité, PUF 1998, VINEY (G.), Le déclin de la responsabilité individuelle, LGDJ, 1965.
- s’agissant des numéros spéciaux de revues, La responsabilité, APD, t. XXII, 1977 - Fin de la faute ? Droits, n°5, 1987.
- s’agissant des articles et chroniques, CADIET (L.) Sur les faits et les méfaits de la réparation, LAMBERT-FAIVRE (Y.), L’évolution de la responsabilité civile d’une dette de responsabilité à une créance d’indemnisation, RTD civ. 1987, p. 1, REMY (P.), Critiques du système français de responsabilité civile, Dr. et cultures 1996, p.19, THIBIERGE (C.), Libres propos sur l’évolution du droit de la responsabilité civile, RTD civ. 1999, p. 561- VINEY (G.), De la responsabilité personnelle à la répartition des risques in La responsabilité, précit., Les grandes orientations du droit de la responsabilité civile, JCP, Cah.dr.entr., Entretien de Nanterre, 6-1992, p. 29, Rapport de synthèse in Les métamorphoses de la responsabilité précit., p. 323

4 V. en ce sens BONASSIES (P.), La responsabilité pour pollution en droit maritime in Droit de l’environnement marin, SFDE, Colloque de Brest Economica 1988 p. 291, spéc. p. 293.

5 BRUN (Ph.), Rapport introductif, in La responsabilité à l’aube du xxième siècle, Bilan prospectif, précit., p. 4.

6 ibidem

7 SCHADÉE (R.), La mer comme mère du droit in Etudes offertes à René Rodière. Dalloz 1981 p. 513.

8 RODIERE (R.), Avant-propos à La mer, droit des hommes ou proie des états, en collaboration avec REMOND-GOUILLOUD (M.), Pédone, 1980, p. 7.

9 Sur cette question V. VIALARD (A.), La liberté marchande sur les mers, intervention au colloque la liberté des mers, enjeux du xxième siècle, Toulon, 29 et 30 juin 1999, Bulletin d’études de la Marine, n° 18, juillet 2000, p.56. On notera la différence de fondement juridique entre la liberté de commercer sur mer, et celle d’exploiter les ressources. En effet, si à la liberté de commercer, c’est-à-dire à la liberté de naviguer pour les besoins du commerce, correspond une mer res communis ; à la liberté d’exploiter les ressources de la mer correspond tout au plus une conception de la mer res nulllius

10 Contrairement à une opinion largement répandue, ce sont les activités humaines exercées à terre qui sont responsables pour environ 75 % de la pollution des mers et des océans. S’agissant de ces pollutions provenant de la terre, on évoque les pollutions telluriques par opposition aux pollutions maritimes, Sur ce point V. DAGORNE (J.-P.), La lutte contre la pollution d’origine tellurique en droit français et communautaire, LPA 1998, n° 73, p. 4.

11 V. sur ce point BUCHET (C.), Une autre histoire des océans et de l’homme, Editions Robert Laffont, 2004.

12 Nous reprenons ici partiellement le titre d’un rapport parlementaire LANDRAIN (E.) et PRIOU (C.), De l’Erika au Prestige : la mer de tous les vices, Les Documents d’information de l’Assemblée nationale, Rapport, n° 1018.

13 V. LANDRAIN (E.) et PRIOU (C), De l’Erika au Prestige : la mer de tous les vices, précit., tome 1, p. 9.

14 Convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures. infra n° 44.

15 Convention portant création d’un fonds international d’indemnisation dite FIPOL V. nos développements infra. n° 47.

16 SUARES (A.), Variable, Ed. Emile-Paul.

17 GUINCHARD (S.), Une class action à la française, D. 2005, Chro. p. 2180.

18 BEURIER (J.-P.), Le transport maritime, le droit et le désordre économique international, in Mélanges L. Lucchini et J.-P. Quéneudec, Pédone, 2003, p. 87.

19 BUHLER (J.-C.), Les affréteurs et la sécurité des transports maritimes, D.M.F, 1999 p. 785.

20 Aussi les groupes Shell et BP décidèrent-ils à partir de 1995 de confier par priorité leurs cargaisons à leurs navires, considérant en cela que l’environnement pouvait être une « nouvelle donne économique » V. en ce sens LONDON (C.), L’environnement, une nouvelle donne économique, LPA, 1995, n° 78, p.4. L’expérience montrant, que dans une hypothèse comme dans l’autre, les médias ne retenaient que leur nom, celui du propriétaire le plus souvent peu connu faisant figure d’anecdocte. V. en ce sens VALOIS (Ph.), Le transport du pétrole par mer, éd. CELSE, coll. maritime, 1999, spéc. p. 116. Ce scénario paraît s’être vérifié à l’occasion de l’affaire de l’Erika.

21 MONTESQUIEU cité par de JUGLART (M.), Droit commun et droit maritime, D.M.F, 1986, p. 259, spéc. p. 264.

22 V. not. les développements consacrés à cette question par FABRE-MAGNAN (M.), Les obligations, Thémis, PUF, 2004, spéc. p. 659. « L’objectif de l’analyse économique consiste à déterminer quelles sont les règles juridiques les plus efficaces. En matière de responsabilité civile, il s’agit de définir quelle est la règle d’attribution de la responsabilité qui diminue globalement les coûts pour la société, définis comme toujours par l’adition des coûts à supporter par chacun des individus qui la composent ». V. aussi LE TOURNEAU (Ph.), Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz Action, 2004/ 2005, n°48-2.

23 DEFAINS (B.), Le dédit de l’analyse économique du droit : le point de vue du juriste, Analyse économique du droit : quelques points d’accroche, cycle Chaire régulation/ Cour de cassation, sous la direction scientifique de CANIVET (G.), DEFFAINS (B.), et FRISON-ROCHE (M.-A.), LPA, 2005, n°99, p. 6, spéc. p. 9.

24 Sur cette approche. KIRAT (T.), L’économie de la responsabilité et les dispositifs institutionnels de prise en charge des risques, in Les mondes du droit de la responsabilité : regards sur le droit en action, Maison des Sciences de l’Homme. Recherches et travaux, LGDJ, coll. « Droit et société », 2003, t. 10, p. 67; MAITRE (G.), La responsabilité civile à l’épreuve de l’analyse économique, préf. H. MUIR-WATT, LGDJ, Coll. Droit et Economie, 2005, et plus spécifiquement FAURE (M) and HUI (W), Economic analysis of compensation for oil pollution damage, JMLC, Vol. 37, n° 2, april 2006, 179 ISAMBERT (B) Responsabilité civile et régulation du risque de marée noire, AFSE, 2006, NESTEROWICZ (M) An economic analysis of compensation for oil pollution damage : Recent developments in respect of International Oil pollution compensation funds, JMLC, Vol. 37, n° 4, october 2006.

25 Cela n’est pas sans rappeler la devise de la Bretagne, « plutôt la mort que la souillure ».

26 V. en ce sens le dictionnaire Le Petit Robert.

27 La recherche n° 30, janvier 1973, volume 4, p. 71.

28 Convention des Nations-Unies sur le Droit de la Mer du 10 décembre 1982, Doc. N.U. A/ CONF. 62/ 122.

29 Partie I- article 1 de la CMB. Nous choisissons de reprendre à dessein la définition donnée par ce texte souvent présenté comme l’acte fondateur du droit de la mer contemporain. Pour une approche plus large de la notion de pollution marine, nous renvoyons à TOMCZAK (Jr.), Defining marine pollution. A comparison of definitions used by international conventions. Marine Policy, 1984, p. 311.

30 V. sur ce point, PAUL (D.) et LE DRIAN (J.-Y.) Après l’Erika, l’urgence, précit., p. 51.

31 Safety Of Life at Sea. Convention internationale relative à la sauvegarde de la vie en mer.

32 Convention Internationale pour la prévention de la pollution des mers par les navires.

33 Cette catégorie comprend le pétrole sous toutes ses formes, à savoir le pétrole brut, les boues, les résidus d’hydrocarbures et les produits raffinés autres que ceux considérés comme des substances liquides nocives. On distingue les produits noirs (résidus non raffinés tels que le fioul lourd n° 2) des produits blancs (produits transformés tels que l’essence). Les premiers, visqueux, sont très polluants, alors que les seconds, volatiles, le sont moins.

34 Les degrés de dangerosité de ces substances font l’objet de nuances selon qu’elles présentent des risques graves (catégorie A), des risques avérés (catégorie B), de faibles risques (catégorie C) ou des risques discernables (catégorie D). Il s’agit principalement des produits chimiques, mais on y trouve également d’autres substances telles que certaines huiles.

35 Mentionnée par la Convention MARPOL, cette catégorie regroupe des polluants présentant des risques graves et d’autres moins dangereux. Il s’agit en effet des substances qui sont identifiées comme des polluants marins dans le code IMDG lequel répertorie plusieurs centaines de produits, les matières et déchets radioactifs figurent dans cette catégorie. Sur ce code V. KHODJET EL KHIL (L.) La valeur juridique du Code maritime international des marchandises dangereuses (Code IMDG), Evolution et perspective du point de vue de son application, RJE, 1/ 2002, p. 25.

36 C’est le cas de la chaux vive par exemple. A l’inverse des produits liquides, comme l’acétone ou les boissons alcoolisées, ces produits sont dangereux en colis mais pas en vrac.

37 On peut citer à cet égard l’acide chlorhydrique, l’acide sulfurique ou l’eau de javel.

38 Le gaz, le charbon par exemple.

39 Par exemple les produits pétroliers ayant un point d’éclair excédant 60° C.

40 Par exemple l’eau oxygénée, l’acide chlorhydrique, l’acide sulfurique ou l’eau de javel.

41 Le MSC Carla a coulé au large des Açores avec à son bord un conteneur renfermant deux irradiateurs de laboratoire.

42 La flotte mondiale de pétroliers de plus de 300 tonneaux de jauge brute s’élevait à 7 195 unités au 1er janvier 2000.

43 La principale cause des accidents de pétroliers est l’incendie (35,3 % des dommages entre 1992 et 1997), devant les avaries de machines (19,6 % des incidents sur la même période), les éléments climatiques (15 %), les collisions (6,3 %) et les échouages (4, 6 %) sources : ISL : pertes mondiales de navires par type et nature d’avarie, janvier 1992-janvier 1997, SSMR, juillet 1999, cité par V. LANDRAIN (E.) et PRIOU (C.), De l’Erika au Prestige : la mer de tous les vices, précit., p. 60

44 Ainsi que le soulignait le rapport provisoire du BEA-Mer sur le naufrage de l’Erika, « ce navire était, comme la plupart des product-tankers de son âge, exploité pour le transport des produits noirs (fioul, goudrons) c’est- à-dire les plus polluants, mais les moins exigeants en matière de qualité de citernes et de qualité de nettoyage entre deux chargements. Les produits blancs (gazole, essence, kérosène, naphta) sont beaucoup plus dangereux à cause de leur inflammabilité, mais moins polluants du fait de leur volatilité. Il s’agit en outre de produits exigeants en ce qui concerne la propreté des citernes. Ce sont généralement les product-tankers les plus récents qui sont affectés à leur transport. Les navires âgés, principalement affectés au transport des produits noirs, sont statistiquement plus susceptibles d’accidents que les navires récents. Force est donc de constater que les produits pétroliers les plus polluants sont transportés par les navires les moins sûrs ».

45 Il s’agit de navires variant entre 2 000 et 40 000 tonnes, avec un grand nombre de cuves individualisées qui peuvent convoyer des lots de 200 à 5 000 tonnes.

46 Ces navires sont utilisés pour le transport de produits chimiques très simples de type méthanol.

47 Si les trois premières catégories de navires sont considérées comme des navires sophistiqués, et en ce sens dotés de cuves inox plus résistantes que celles équipant les navires pétroliers, l’état de la flotte des chimiquiers transportant des produits chimiques solides est moins bien connu. Les vracquiers sont des navires non dédiés au transport de produits dangereux. Ils peuvent transporter des phosphates, des nitrates ou des engrais aussi bien que des céréales ou du charbon. Les risques collectifs les plus fréquents sont l’incendie et l’explosion. Le Mont-Blanc transportant de l’acide picrique a explosé à la suite d’un abordage causant la mort de 3 000 personnes en 1917. Le Fort Stikine transportant des explosifs a causé la mort de 1250 personnes. Le Grandcamp chargé de nitrate d’ammonium a explosé en 1947 occasionnant le décès de 468 personnes à Texas City. Quelques mois plus tard, en rade de Brest, le même scénario se reproduisait et entraînait la mort de 21 personnes.

48 Elles sont insérées dans des conteneurs spéciaux.

49 A titre indicatif, le nombre de voyages de navires transportant des matières nucléaires à destination ou au départ de la France s’élevait à 188 en 1998. Ministère de l’économie et des finances et de l’industrie, Rapport sur l’application des dispositifs de la loi n° 80-572 du 25 juillet 1980 sur la protection et le contrôle des matières nucléaires, année 1998, annexe III.

50 Le cas de l’Erika constitue un exemple révélateur des faiblesses de ce mode d’affrètement. Dans son rapport provisoire, le BEA mer indique que le navire a été reconnu par Total comme affrètable au voyage mais non à temps, mode d’affrètement pour lequel les critères de la compagnie sont beaucoup plus rigoureux. Rien en l’état des informations dont disposait la division maritime du groupe pétrolier ne l’a incité à la méfiance, ce qui est d’autant plus inquiétant lorsqu’on sait que cette compagnie recourt à l’affrètement au voyage pour 60 % des navires qu’elle utilise.

51 REMOND-GOUILLOUD (M.), Evénement de mer et responsabilité, ADMO, Tome XVI, 1998, p. 188.

52 PUTZEY (J.), Les dommages dus au transport de marchandises in La réparation des dommages catastrophiques, Travaux des XIII es Journées d’études juridiques Jean Dabin Bruylant 1990 p. 551.

53 LAGADEC (P.), La civilisation du risque, Catastrophes technologiques et responsabilités sociales, Seuil science ouverte, 1981

54 BOURG (G.) et SCHLEGEL (J.-L.), Parer aux risques de demain, le risque de précaution, Seuil 2001, p. 44

55 LAGADEC (P.), La civilisation du risque, Catastrophes technologiques et responsabilités sociales, Seuil science ouverte, 1981.

56 FEUERBACH-STEINLE (M.-F.), Le droit des catastrophes et la règle des trois unités de temps, de lieu et d’action, LPA, 1995, n° 90, p. 9.

57 idem.

58 LAGADEC (P.), précit., p. 62.

59 V. LE COUVIOUR (K.), Récents développements normatifs et judiciaires de la répression des rejets polluants des navires-Chronique d’une pollution marine ordinaire annoncée, JCP, éd. G, 2003, n° 24, aperçu rapide, act. 295, p. 1081. Les rejets illicites d’hydrocarbures se révèlent plus fréquents et donc nécessairement plus importants en terme de volumes. La lecture d’un Rapport de la World Wild Foundation France publié en 2003 et intitulé, Pollution marine par hydrocarbures et dégazages sauvages en Méditérranée suffit à se convaincre de cela. « La pollution volontaire par rejet délibéré d’hydrocarbures (slops ou déballastages), représenterait pas moins de 75 Erika ou de 20 Prestige par an ».

60 Lettre de la Mission de recherche droit et justice, n° 20, Printemps 2005, p. 1.

61 RIGAUX (F.), Préface à La réparation des dommages catastrophiques, Travaux des XIII journées d’études juridiques Jean Dabin, Bruxelles 1990, p. vii.

62 REMOND-GOUILLOUD (M.), Pollutions des mers, Juris-classeur art. 1982 à 1386, Fasc. 1386 Fasc. 430-1.

63 SCAPEL (C.), Préface à la thèse de L. KHODJET EL KHIL, La pollution, de la Mer Méditerranée du fait du transport maritime de marchandises- Régime juridique applicable et pratique des États, PUAM, 2003.

64 V. du PONTAVICE (E.) Affaire droit de l’environnement versus droit maritime ou la décision rendue le 18 avril 1994 concernant l’Amoco- Cadiz, ADMA, t. VIII, 1985, p. 9.

65 HUGLO (C.), 20 ans après l’échouement de l’Amoco- Cadiz ou les trésors juridiques de l’épave, Gaz. pal., 25 juin 1985. L’auteur a toutefois tenu à préciser qu’il s’agissait là d’une victoire d’un droit français naissant de l’environnement et non du droit américain de l’environnement.

66 VIALARD (A.), De quelques enseignements de l’Erika, in Mélanges offerts à Pierre Bonassies, 2000, p. 409, spéc p. 411. Nul ne saurait pourtant contester l’originalité irréductible du droit maritime. Ainsi selon l’auteur précité « trois facteurs pourraient militer en faveur de l’autonomie du droit maritime : le facteur historique par lequel on montre que l’origine du droit maritime est autonome par rapport à celle du droit terrestre ; le facteur géographique par lequel on montre que le droit maritime est appelé à s’appliquer dans un monde hostile et étranger au monde terrien ; et le facteur international par lequel on montre que le droit maritime international est par essence celui des relations internationales et qu’il se doit, dans un souci de sécurité, de proposer des solutions aussi universelles que possible tranchant par le fait même sur le nationalisme, inhérent à des systèmes juridiques nationaux ». VIALARD (A.), Droit maritime, PUF, 1997, n° 12. Monsieur G. VAILLANCOURT considère que « le droit maritime est fascinant, car il n’est pas limité à un territoire géographique défini par des frontières précises. Sa frontière c’est le globe ». in Les mutuelles d’armateurs (P and I Clubs) et la couverture des responsabilités de leurs adhérents, D.M.F, 1986, p. 719, spéc. p. 724. Sur cette originalité V. notamment, RODIERE (R.), Le particularisme du droit maritime, DMF, 1972, p. 195 ; V. encore, de JUGLART (M.), Le particularisme du droit maritime, D. 1959, Chron. p. 183.

67 ANTAPASSIS (A.), Antoine Vialard : l’homme de science et l’enseignant universitaire, DMF, 2005, Numéro spécial en l’honneur d’Antoine Vialard, p. 777, spéc. p. 780.

68 BONASSIES (P.), Le droit maritime français (1950-2000). Evolution et perspective du droit maritime français, Rev. Scap., 2002, p. 5.

69 BONASSIES (P.), DMF, 2003, HS n° 7, p. 22.

70 VIALARD (A.) Droit maritime, précit., n° 22.

71 Sur ce point V. LOPUSKI (J.), Liability for damage in maritime shipping under the aspect of risk allocation, Polish Yearbook of international Law, 1980, Vol. X., p. 177, spéc. p. 175 V. aussi du même auteur, La responsabilité pour le dommage dans le domaine maritime, D.M.F, 1970 p. 330, spéc. p. 334.

72 Préf. de HAUSER (J.) à la thèse de RADÉ (C.), Droit du travail et responsabilité civile, L.G.D.J, 1997. spéc. p. xvi.

73 MALAURIE (Ph.), AYNES (L.) et STOFFEL-MUNCK (Ph.), Droit civil -les obligations, Défrénois, 2003.

74 MAZEAUD (H.), L’absorption des règles juridiques par le principe de responsabilité civile, DH, 1935, chron., p. 5

75 DUPUY (J.-.R), La responsabilité internationale des États, RCADI, 1984, V, Tome 188, n° 21.

76 GUEGAN-LECUYER (A.), L’indemnisation des dommages de masse, Paris I, 2004.

77 Comp. WU (Ch.), La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures : responsabilité et indemnisation des dommages, Pédone, préf. B. Stern, 1994. « Sans doute l’intérêt de la présente étude est-il plus pratique que théorique, étant donné que les conventions sont de pure conception empirique, et que notre démonstration suit de près leur structure. Le contenu même des conventions, détermine que cette recherche s’attache plus à l’examen du fonctionnement du système institué qu’à la justification des concepts théoriques ». Il n’en reste pas moins que cette recherche a largement nourri notre réflexion.

78 VIALARD (A.), Droit maritime, PUF, 1997, spéc. 12

79 RADE (C.), L’impossible divorce de la faute et de la responsabilité civile, D. 1998, p. 301, spéc. p. 305.

80 Sur cette question V. not. DELEBECQUE (Ph.) et PANSIER (F.J.), Droit des obligations, responsabilité civile, délit et quasi-délit, Litec, 2001, n° 21.

81 LARROUMET (C.), Réflexions sur la responsabilité civile, Université de Mac Gill- Institut de droit comparé, 1983, p. 52.

82 V. sur ce point VINEY (G.), Traité de droit civil, Introduction à la responsabilité civile, 2ème éd., LGDJ, 1995, n° 47-5.

83 VINEY (G.), Traité de droit civil, Introduction à la responsabilité civile, précit, n.°33.

84 MAZEAUD (D.), Famille et responsabilité, Réflexions sur quelques aspects de l’idéologie de la réparation, Mél. P. CATALA, p. 570.

85 MAZEAUD (D.), Famille et responsabilité, Réflexions sur quelques aspects de l’idéologie de la réparation, précit., p. 569.

86 REMOND- GOUILLOUD (M.), Du risque à la faute, Risques, n°11, 1993, p. 11, spéc. p. 16.

87 Il serait inexact de penser que le droit maritime a attendu les grands sinistres du Torrey-Canyon ou de l’Amoco- Cadiz, pour se préoccuper de la pollution marine [...], ». Ainsi, l’ordonnance de la Marine de 1681 s’intéresse déjà à la question puisqu’elle consacre un de ses titres à la seule pollution connue à l’époque, celle par le lest. Il faut voir dans cette première disposition une préfiguration de l’obligation faite aux commandants de pétroliers de tenir un registre des hydrocarbures. La nécessité d’encadrer le risque de pollution dans son acception contemporaine est apparue avec le développement du transport pétrolier. Ainsi dès 1926, la Conférence préliminaire de Washington a établi un projet qui devait poser les bases de la future Convention de Londres dite Oilpol du 10 mai 1954 sur la limitation des rejets d’hydrocarbures en mer.

88 En l’absence de régime juridique ad hoc, la responsabilité du propriétaire du navire pollueur était examinée sous l’angle des conventions relatives à la limitation de responsabilité de cet opérateur.

89 Publiée par le D.M.F, 1970, 746.

90 THUNIS (X.), Le droit de la responsabilité, instrument de la protection de l’environnement, Réflexions sur quelques tendances récentes, in L’actualité du droit de l’environnement ?, Actes du Colloque des 17-18 novembre 1994, Faculté de Droit de l’Université Libre de Bruxelles, I. G.A.T., éd. Bruylant, 1995, p. 262.

91 Par référence à un critère comparable à celui du bon père de famille.

92 SCHNEIDER (A.), Réparation et répression : histoire d’une transformation des besoins par la notion de risque, LPA, 1999, n° 123, p. 13.

93 Ces deux textes ratifiés par la France en 1971 (26 juin 1975, J.O. 3 juil.) et 1978 (v. déc. 18 déc. 1978 ; J.O. 22 déc.) sont respectivement entrés en vigueur en 1975 et 1978.

94 VINEY (G.) et JOURDAIN (P.) Traité de droit civil, sous la direction de J. GHESTIN, Introduction à la responsabilité, 2ème éd LGDJ, 1995.

95 Ainsi que le remarque le Professeur P. BONASSIES, il existerait quatre niveaux de réparation possibles en présence de dommages résultant d’une pollution maritime par hydrocarbures. Le dernier recensé, situé au delà du dispositif conventionnel de 1969/ 1992 ne serait pas délaissé, loin s’en faut par les victimes, in Rev. Scap, 2000, p. 140, spéc. p. 144.

96 V. HUGLO (C.), A propos de l’insécurité maritime, La lettre du Juris-Classeur-environnement, décembre 2000, n° 2.

97 Si notre étude n’entend pas ignorer les systèmes de responsabilité et de réparation dédiés aux dommages de pollutions majeures résultant du transport d’autres substances, il n’en reste pas moins que le système pétrolier est celui qui a été le plus éprouvé. Outre qu’il doit être considéré comme un modèle précurseur, c’est celui qui a généré la jurisprudence la plus importante et à ce titre présente le plus d’intérêt pour une recherche juridique.

98 LE TOURNEAU (Ph.) Responsabilité (en général), Rép. civ. Dalloz, p. 27.

99 RIGAUX (F.), Préface, à La réparation des dommages catastrophiques, Travaux des XIII journées d’études juridiques Jean Dabin, Bruxelles 1990. p. VII

100 RIVERO (J.), Apologie pour les faiseurs de systèmes, D. 1951, chron. XXIII, p. 99.

101 VINEY (G.), Les métamorphoses de la responsabilité, colloque des Sixièmes journées R. Savatier, Les métamorphoses de la responsabilité, Poitiers, 15 et 16 mai 1997, P.U.F., 1988, p. 325.

102 BEAUMARCHAIS

103 OST (F.) & VAN DE KERCHOVE (M.), Le système juridique entre ordre et désordre, PUF, 1993, p. 30.

104 ibid

105 DELMAS- MARTY (M.), Le flou du droit, les voies du droit, PUF, 1986, p. 173-215.

106 Pour un aperçu des tentatives d’adaptation du régime international d’indemnisation suite aux récentes catastrophes, V. JACOBSSON (M.), Le régime international d’indemnisation des victimes des marées noires en pleine mutation, DMF, 2004, p. 793.

107 GHYS (R.), Influence of disasters and accidents on the legislation covering transport of dangerous goods, International congress on transport of dangerous goods and transfer of dangerous wastes, Antwerp, april 25-26, 1991, DET, VOL. XXVI Nos 1 & 2 -1991, p. 3, V. aussi STERN (B.) dans la préface de la thèse de WU (Ch.), La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures : responsabilité et indemnisation des dommages, Pédone, 1994. L’auteur souligne que les avancées du droit sont fréquemment liées aux crises majeures de la société ou aux grandes catastrophes qui la frappent. Le développement du droit de la responsabilité en présence de pollutions majeures est une illustration éloquente de ce phénomène. Les catastrophes aux noms tristement célèbres, qui semblent apparaître à intervalles réguliers comme les vagues de la mer paraissent scander l’adoption des textes juridiques.

108 S’inscrit, à notre sens, dans cette démarche, toute initiative visant à relever les plafonds d’indemnisation. La récente création d’un fonds supplémentaire ne constitue qu’une variante de cette technique.

109 V. en ce sens ZARKA (J.-C.), A propos de l’inflation législative, D., 2005, Point de vue, p. 660. L’auteur note que « l’inflation législative qui trouve son origine dans une demande renouvelée de normes, aboutit bien souvent à l’adoption de loi dont la qualité est pour le moins contestable ».

110 CHARBONNEAU (S.), L’état et le droit de l’environnement, Esprit, oct., 1976, p. 339.

111 VALLAT (F.), Sécurité maritime : risque d’overdose ?, La Revue Maritime, n° 464, p. 4, spéc. p. 5.

112 Cité par le Professeur VIALARD (A.), Faut-il réformer le régime d’indemnisation des dommages de pollution par hydrocarbures?, DMF 2003 n° 637, Spécial prévention et indemnisation des pollutions par hydrocarbures, p. 435 .

113 JEAMMAUD (A.), Les règles juridiques et l’action, D., 1993, chron. p. 207-212.

114 OST (F.), Le temps virtuel des lois postmodernes ou comment le droit se traite dans la société de l’information, in Recherches et travaux du RED & S à la Maison des Sciences de l’Homme, vol. 5, 1998, p. 423.

115 Nous reprenons ici l’expression du Professeur A. VIALARD. Faut-il réformer le régime d’indemnisation des dommages de pollution par hydrocarbures ?, DMF, 2003, p. 435, spéc. p. 444.

116 Sur cette théorie V. nos développements infra.n° 262

117 Nous reprenons ici le titre de la contribution du Professeur M.-A FRISON-ROCHE in COLLOQUE organisé par la Faculté de Droit et de Sciences politiques d’Aix- Marseille, Le droit face à l’exigence contemporaine de sécurité, Avant Propos J. MESTRE, (11-12 mai 2000), PUAM, 2000, p. 259.

118 CARBONNIER (J.), Droit civil, Les obligations, Tome 4, 22ème édition refondue, PUF, 2000, n° 203.

119 Nous reprenons ici l’expression du Professeur A. VIALARD, Le préjudice économique pur, in Etudes à la mémoire de Christian Lapoyade- Deschamps, Ouvrage édité par le Centre d’études et de recherches en droit des affaires et des contrats Université Montesquieu- Bordeaux IV, PUB, 2003, p. 283, spéc. p. 284.

120 OST (F.) La responsabilité, fil d’Ariane du droit de l’environnement, Droit et société, 1995, n° 30/ 31, p. 281

121 OST (F.), La responsabilité fil d’Ariane du droit de l’environnement, précit., p. 285.

122 Idem, p. 282.

123 SMETS (H.), Indemnisation des dommages exceptionnels à l’environnement causés par les activités industrielles, in L’avenir du droit international de l’environnement, Colloque La Haye, 12-14 novembre 1984 préparé par R.-J. Dupuy 1985 Martinus Nijhoff Publishers, p. 16.

124 Le nombre d’accidents maritimes et la quantité de pétrole déversé ont connu un pic à la fin des années 1970, culminant à 35 sinistres sur des pétroliers de plus de 700 tonnes en 1979, résultant du fort accroissement du transport d’hydrocarbures et de l’insuffisance des réglementations existantes.

125 Le nombre des naufrages de pétroliers de plus de sept cents tonnes serait passé, en trois décennies, de 30 événements en moyenne à moins de sept au cours de la période actuelle. Mais il n’en demeure pas moins qu’on ne saurait un jour considérer que sept accidents de pétroliers, de plus de sept cents tonnes par an constitue un niveau acceptable. V. BERNARD (A.B.), Transport maritime et pollution accidentelle par le pétrole, faits et chiffres (1951-1999), éditions TECHNIP, 2000.

126 Environ 90 % du transport de marchandises se font par voie de mer. Sur le long terme, on constate qu’avec la croissance des échanges internationaux, les tonnages acheminés par voie maritime ont très fortement augmenté. Quand bien même, les volumes transportés auraient fortement varié au gré des chocs et contre-chocs pétroliers, les hydrocarbures constituent toujours le premier produit transporté par voie maritime, soit environ 45 % de l’ensemble des marchandises transportées dans le monde, Et de nouvelles menaces planent. En effet, si le transport des produits pétroliers a crû d’environ 2,4 % au cours des dix dernières années, celui des produits chimiques a progressé d’environ 5,1 % par an.

127 Transport et transporteurs de produits chimiques, Revue de l’Académie de Marine n° 3, 1997-1998, p. 9. S’agissant des déversements pétroliers, la décroissance apparaît régulière depuis les dix dernières années, à une importante exception près, l’année 1991, avec le naufrage d’un pétrolier de grande taille- l’ABT Summer, 260 000 tonnes.

128 WU (C.), La pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures : responsabilité et indemnisation des dommages, spéc. n° 8.

129 DEMOGUE (R.), Les notions fondamentales du droit privé, Librairie Nouvelle de droit et de jurisprudence, 1911, p. 63 cité par SCAPEL (C.), L’insécurité maritime : l’exemple de la pollution par les hydrocarbures, in Le droit face à l’exigence contemporaine de sécurité, Actes du Colloque de la Faculté de droit et de Science politique d’Aix-Marseille (11-12 mai 2000) Avant-propos Jacques MESTRE, PUAM, 2000, p. 121, spéc. p. 121.

130 PAITRA (J.) cité par EWALD (F.) Responsabilité, solidarité et sécurité, la crise de la responsabilité en France à la fin du xxème siècle, Risques, n° 12, 1992. p. 9, spéc. p. 19. Si la demande de sécurité de type économique, défense des biens et des patrimoines est ancienne, plus récemment, s’est exprimée une demande de sécurité plus active, plus préventive plus anticipatrice, qui porte davantage sur la qualité de vie.

131 SCAPEL (Ch.), L’insécurité maritime : l’exemple de la pollution par les hydrocarbures précit., p. 121.

132 ENGEL (L.), Réguler les comportements, in De quoi sommes-nous responsables ? Textes réunis et présentés par T. Ferenczi Editions Le Monde 1997 p. 80, spéc. p. 86

133 FRISON-ROCHE (M.-F.), La prise en charge par le droit des systèmes à risques, in Le droit face à l’exigence contemporaine de sécurité, Actes du Colloque de la Faculté de droit et de Science politique d’Aix-Marseille (11-12 mai 2000) Avant-propos Jacques MESTRE, PUAM, 2000, p. 259, spéc. p. 265.

134 La Commission européenne considérait à l’époque du naufrage du Prestige avoir fait son devoir en présentant des paquets de mesures pour renforcer la sécurité maritime : les États membres devant désormais les appliquer. Or, aucun pays européen à l’exception du Danemark ne les a transposées jusqu’à présent dans son droit interne. Il faut noter que si la législation post-Erika avait été en vigueur, un navire à simple coque comme le Prestige aurait dû être inspecté en profondeur au moins une fois par an. Or, la dernière inspection a eu lieu à Rotterdam en 1999.

135 V. en ce sens, VIALARD (A.), De quelques enseignements de l’Erika, précit., spéc. p. 409. La question qui se pose ici est celle de l’éventuelle transposition du régime spécial d’indemnisation américain de l’OPA- réputé plus performant- dans le régime international.

136 Le système judiciaire américain outre l’usage qu’en font les justiciables pourrait favoriser en lui-même le recours au procès, V. COHEN-TANUGI (L.) et RUEGG (M.), Responsabilité civile : la dérive des continents, Le débat, n° 76, sept.-oct. p. 137, et en réponse, ENGEL (L.), Sur la responsabilité civile, Le Débat, n° 77, nov.-déc. 1993, p. 191 ; et plus largement sur cette question V. L’américanisation du droit, APD, 45, Dalloz 2001.

137 DELMAS- MARTY (M.), La mondialisation du droit : chances et risques, D. 99, p. 43, spéc. p. 47. Cet auteur souligne qu’à l’échelle mondiale, l’unification reste exceptionnelle.

138 V. sur ce point les propos tenus par WIEVIORKA (M.), sociologue, directeur des d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, dans le quotidien régional Ouest-France du 7 janvier 2003 « Mondialisation, États-Unis et Prestige ». « Souvent nous associons la mondialisation et les États-Unis. Cette idée nourrit en partie les grandes mobilisations contre la mondialisation ou pour inventer un autre monde. Dans cette perspective, les maux qui accablent la planète en général et notre société en particulier, seraient autant de conséquences de l’hégémonie américaine [...]. La pollution massive causée par le pétrolier Prestige relève bien de la mondialisation la plus sauvage. Elle s’inscrit dans les logiques économiques planétaires, portées par des intérêts qui se moquent des États et que n’entravent pas les lois, nationales ou même internationales [...]. Mais le mal vient-il des États-Unis ? Certainement pas ni directement, ni indirectement. Il procède des calculs irresponsables d’hommes d’affaires cyniques dont les activités ne sont pas localisées spécialement de l’autre côté de l’Océan. Il témoigne aussi de la triste impuissance de l’Europe, incapable de mettre en place et de faire respecter une législation adaptée. Les États-Unis depuis la catastrophe de l’Exxon-Valdez ont mis en place une réglementation exigeante ; celle-ci leur apporte une protection qui ne porte pas le moins du monde tort à d’autres pays. Et ils ne sont pas responsables ni de la catastrophe, ni de la mauvaise gestion qui en a suivi. Les pires acteurs de la mondialisation ne sont pas nécessairement américains, et leurs agissements sont rendus possibles par les carences de nos propres États et notre manque d’ardeur à construire une Europe active et efficace ».

139 NEUMEISTER (M.), $ 25 millions d’amendes pour Evergreen, JMM du 22 avril 2005, p. 12. Alors qu’on dénonce en France une politique ultra répressive en matière de rejets illicites et intentionnels d’hydrocarbures [V. not. le D.M.F, spécial « Pollutions maritimes », juillet-août, 2005], le Ministère américain de la justice a annoncé le 4 avril 2005 que le groupe Evergreen avait accepté de payer 25 millions de Dollars US d’amendes à cinq États fédéraux américains pour pollution intentionnelle. C’est la plus forte amende jamais payée à ce jour aux États-Unis.

140 De fait le droit n’est pas seulement un donné. Il est aussi très largement un construit, V. en ce sens AGUILA (Y.), Construire le droit, Lettre de la Mission de recherche droit et justice, n° 20, Printemps, 2005.

141 VINEY (G.), Le déclin de la responsabilité individuelle, L.G.D.J, 1965.

142 VINEY (G.), L’avenir des régimes d’indemnisation indépendants de la responsabilité civile, in Le juge entre deux millénaires, Mélanges offerts à Pierre Drai, Dalloz, 2002, p. 671

143 V. en ce sens HASSLER (T.), Le gauchissement des règles de la responsabilité civile en cas d’accidents collectifs ou risques majeurs, LPA, 1994, n° 68, p. 10.

144 V. en ce sens MEKKI, (M.), Les fonctions de la responsabilité civile à l’épreuve des fonds d’indemnisation des dommages corporels, LPA, 2005, n° 8, p. 3. et plus largement CASSON (Ph.) Les fonds de garantie, Préf. G. VINEY, LGDJ, coll., « Droit des affaires », 2001.

145 DELMAS- MARTY (M.) Le flou du droit, précit., p. 69.

146 ENGEL (L.) Réguler les comportements in De quoi sommes-nous responsables ? Textes réunis et présentés par T. Ferenczi Editions Le Monde 1997 p.80, spéc. p. 87.

147 V. sur ce point TUNC (A.), La fonction d’indemnisation de la responsabilité, in Mélanges Dorhout Mees, Deventer Kluwer, 1974, p. 143.

148 LUCCHINI (L.), La pollution des mers par les hydrocarbures : les conventions de Bruxelles de novembre 1969 ou les fissures du droit international classique, JDI, 1970 p. 795, spéc. p. 823

149 Ci-après désignée par son acronyme OMI

150 Abordage, naufrage, échouement.

151 Citée par RICOEUR (P.), Le concept de responsabilité, in Le juste, Esprit, 1995, p. 41, spéc. p. 58.

152 V. REMOND-GOUILLOUD (M.), Evénements de mer et responsabilité civile, précit., spéc. p. 193.

153 ROMI (R.), Droit et administration de l’environnement, Paris, Montchrestien, 1994, p. 91.

154 « La faute reste l’une des valeurs fondamentales de notre société. Malgré le développement de la responsabilité, elle n’a jamais cessé d’exister », V. en ce sens DELEBECQUE (Ph.), L’évolution de la responsabilité en France, Europa e dirrito privatao, Giuffré, Milan, 1999/1, p. 389.

155 DAGORNE (J.-P.), Sécurité maritime : état des lieux et dernières avancées de la réglementation européenne, LPA, 2000, n° 238, p. 9.

156 V. en ce sens les Règles de Hambourg ou encore l’article 3-1 de la Convention de Bruxelles du 25 août sur le transport sous connaissement qui prescrit au transporteur maritime de mettre son navire en bon état de navigabilité en vue du voyage, son devoir consiste non à garantir son état, mais à faire diligence raisonnable à cette fin

157 LE TOURNEAU (Ph.), Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz Action, 2004/ 2005, n° 26.

158 SERIAUX (A.), L’avenir de la responsabilité civile. Quel(s) fondement(s)?, in La responsabilité civile à l’aube du xxième siècle Bilan prospectif, Colloque organisé par la Faculté de Droit et d’économie de l’Université de Savoie et le barreau de l’ordre des avocats de Chambéry. Les 7 et 8 décembre 2000, Resp.civ. et assur. Hors série, juin 2001 p. 58, spéc. p. 61.

159 Le Professeur D. MAZEAUD résume toute l’ambiguité du principe de précaution. Faire de lui un nouveau nouveau fondement conduirait à de grands bouleversements, une responsabilité sans victime, sans préjudice et sans indemnisation ! V. Responsabilité civile et précaution, in La responsabilité civile à l’aube du xxième siècle Bilan prospectif, précit., Pour une vision plus optimiste de l’avenir dudit principe V. THIBIERGE (C.), Libres propos sur l’évolution du droit de la responsabilité (vers un élargissement de la fonction de la responsabilité civile),.précit., 1999, p. 561. BOUTONNET (M.), Le principe de précaution en droit de la responsabilité civile, Th. Orléans, 2003, MARTIN (G. J.), Précaution et évolution du droit. D., 1995 p. 299.

160 GRENIER (J.), Inspirations méditerranéennes, Galimard.

161 SENEQUE.

162 BAUDELAIRE (Ch.), Le voyage.

163 VINEY (G.), L’avenir des régimes d’indemnisation indépendants de la responsabilité civile, précit., p. 671.

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