Chapitre II. Le droit applicable dans le silence des époux
p. 107-171
Texte intégral
1Le régime légal constitue, en droit positif, le droit commun applicable aux rapports pécuniaires entre personnes mariées. Il est le régime établi par la loi de 1965, lorsque les époux n’en ont pas choisi contractuellement un autre.
2La problématique ne se pose pas en ces termes pour les pays de droit écrit d’Ancien Régime. Cependant, il convient de se demander si des dispositions, héritées du droit romain et interprêtées par les jurisconsultes et la jurisprudence, ne s’appliquaient pas lorsque les époux ne s’étaient pas prononcés sur tout ou partie du régime matrimonial auquel ils voulaient adhérer. Dès lors, la question du sort des biens en cas de silence des époux se pose dans deux cas précis dans la mesure où, aucune législation royale, ni coutume, ne supplée en Provence à la volonté des parties. D’une part, si les époux n’ont établi, dans le contrat de mariage, que le régime juridique de certains biens de la femme mariée sans rien décider du sort des autres biens. C’est le cas fréquent de la constitution de dot limitée dans le contrat de mariage sans que l’acte authentique – ou l’acte sous signature privée – ne porte aucune mention des autres biens que possède l’épouse, s’il en existe. D’autre part, si les époux n’ont purement et simplement rien décidé du statut juridique de leurs biens au moment de l’établissement du mariage : c’est le cas d’absence de contrat de mariage452. Des règles s’appliquent-elles automatiquement à défaut de choix des époux ?
3La détermination du droit applicable aux rapports pécuniaires entre époux lorsque ceux-ci n’ont pas exprimé leur volonté ou lorsqu’ils ne l’ont fait que partiellement renvoie à l’idée actuelle d’un régime légal. Ainsi, dès la célébration du mariage, des règles interprétées par les juristes d’Ancien Régime et reçues par la jurisprudence du Parlement de Provence s’appliquent à tous les époux provençaux qui se marient sans faire de contrat de mariage. De plus, ce corpus de règles a des conséquences secondaires et une vocation résiduelle, car il s’applique pour deux époux qui ont fait un contrat de mariage. En effet, en cas de défaillance de la charte volontaire, le règlement des intérêts pécuniaires des époux se fait en vertu des mêmes principes qui régissent leurs rapports patrimoniaux en l’absence de contrat de mariage. Un véritable régime de fait unanimement admis par les jurisconsultes et appliqué par les notaires s’est imposé dans la Provence du xviiie siècle et joue le même rôle que la coutume ou la loi à l’égard des époux qui n’ont pas conclu de contrat de mariage.
4L’existence d’un corpus de règles juridiques applicables dans le silence des époux conduit, de plus, à se demander à quel titre il s’applique aux gens mariés qui n’ont pas fait de contrat : est-ce la volonté présumée des parties ou les règles applicables dans le silence des époux qui déterminent le sort de leurs biens ? La question est semblable à celle que soulève l’application du droit des successions lorsque le de cujus n’a pas exprimé ses dernières volontés dans un acte écrit et qu’il décède ab intestat. La réponse à cette question ne peut être que nuancée même si la recherche de l’intention des parties ne paraît pas être le critère déterminant. La protection du patrimoine de l’épouse semble être le facteur décisif. Tout se passe comme si une norme s’appliquait en l’absence de volonté clairement exprimée des époux.
5Ainsi, après avoir rappelé le statut juridique des biens de l’épouse pour lesquels rien n’est contractuellement décidé (Section 1), il conviendra de démontrer, à la lumière des actes de la pratique, que le droit applicable en cas de défaillance du contrat n’est pas qu’une hypothèse d’école mais que celui-ci règle les rapports de nombreux époux (Section 2), pour établir enfin les principes régissant le droit applicable aux biens acquis par les époux durant le mariage (Section 3).
SECTION 1. LE SORT DES BIENS DE LA FEMME MARIÉE
6Selon la doctrine du xviiie siècle453, qui maintient une analyse traditionnelle depuis Dumoulin au xvie siècle, le « régime légal » était fondé sur la volonté probable des époux ; il traduisait ce que les parties auraient fait si elles avaient conclu un contrat de mariage454.
7Dans un pays de droit écrit comme la Provence où, comme le notait Nicole Arnaud-Duc, l’attachement au régime dotal ne peut pas être contesté455, la connaissance de ce corpus de règles applicables dans le silence des époux permet de mettre en lumière les fondements profonds du droit des régimes matrimoniaux à la fin de l’Ancien Régime et l’esprit dans lequel il est appliqué. Bien que libres dans le choix de leur régime matrimonial, les parties adoptent contractuellement le régime habituellement applicable dans la région où ils demeurent, quitte à la modifier sur tel ou tel point. À défaut de choix, ou dans le cas d’une volonté insuffisamment exprimée, les époux sont censés avoir tacitement choisi le régime de leur premier domicile conjugal comme l’a suggéré Dumoulin. Dès lors, une seule alternative est envisageable dans la mesure où la Provence ne connaît pas un système suppléant la volonté des parties et instaurant un régime de communauté456. Les Provençaux restent fidèles à l’esprit du droit romain : soit tous les biens de l’épouse seront présumés dotaux, soit ils seront présumés paraphernaux457. L’enjeu de la problématique est essentiel dans la mesure où, suivant la position adoptée, les rapports pécuniaires entre époux seront totalement différents et la place de la femme dans la société provençale d’Ancien Régime s’en trouvera, par voie de conséquence, modifiée. Dans le cas de la présomption de paraphernalité, la liberté d’administration de ses biens par l’épouse sera la règle et l’établissement d’un régime dotal qui confie l’administration au mari, l’exception. Inversement, dans le cas de la présomption de dotalité, il sera nécessaire d’établir une convention matrimoniale réservant expressément des biens comme extra-dotaux qui permettra à l’épouse de les administrer. Ainsi donc, après avoir posé clairement l’enjeu de la question centrale du sort des biens de la femme mariée dans le silence des époux (§ 1), il conviendra de voir la solution retenue en Provence à la fin de l’Ancien Régime (§ 2).
§ 1. L’unique alternative : présomption de dotalité ou présomption de paraphernalité
8La seule référence prise en compte pour déterminer le régime des biens entre époux, dans le silence des parties, est le modèle romain et son vocabulaire et c’est sur ces fondements que raisonnent les juristes des pays de droit écrit.
9La dot n’était pas, en droit romain, une simple libéralité faite par la femme - ou sa famille - au mari. Son but était avant tout de contribuer aux charges du mariage. Dans le mariage sine manu la femme était ou devenait sui iuris à la mort de son père ou au moment de son émancipation, c’est-à-dire qu’elle était appelée à avoir un patrimoine. Pendant le mariage ses biens formaient deux blocs distincts : les biens constitués en dot au mari et ceux qui ne l’ont pas été, ce que les romains appelaient « choses qui sont en dehors de la dot »458. Concernant les paraphernaux le régime matrimonial applicable était celui de la séparation totale de biens.
10Au cours du xiie siècle, le régime dotal, consécutivement à la renaissance du droit romain, occupe une place de choix en pays de droit écrit. La dot est essentiellement constituée en numéraire. Les paraphernaux sont très rares et tous les biens de la femme sont censés être dotaux. Avant le xvie siècle, la pratique est fort éloignée du modèle romain. La distinction entre biens dotaux et biens paraphernaux était confuse, voire inexistante, et très souvent tous les biens de la femme se trouvaient entre les mains du mari459. En ce sens Gabriel de Bonnecorse de Lubières précise concernant le droit des régimes matrimoniaux en Provence du xive au xvie siècles : « On peut donc l’affirmer sans témérité. Dans l’ancien droit provençal le principe moderne était renversé : la dotalité était la règle ; la paraphernalité au sens moderne du mot l’exception. Tout ce qui n’est pas expressément déclaré paraphernal est dotal. Dans la pratique les exceptions sont infiniment rares, le patrimoine de la femme est presque toujours dotal »460. La variété des usages méridionaux est très grande au cours des siècles qui suivent l’an mil et les tendances communautaires dans le sud du Royaume sont importantes. Le mari a donc au Moyen Age de très larges prérogatives qui pouvaient mettre en danger les intérêts de la famille de la femme.
11La fin du Moyen Age, malgré un maintien des traditions communautaires dans le sud-ouest de la France, marque un retour énergique aux règles romaines de Justinien. Sous l’influence des Parlements du Midi, le régime dotal reprend ses caractères romains. À Toulouse et à Aix il s’agit en la matière d’une véritable restauration des règles romaines. L’historiographie retient, d’une manière générale, que les biens possédés par la femme avant le mariage ou ceux qu’elle peut acquérir durant le mariage (dits adventifs ou adventices) sont considérés par les Parlements d’Aix et de Toulouse comme paraphernaux. La situation diffère dans les pays de droit écrit du ressort du Parlement de Paris où, sous l’influence de Dumoulin ils sont, au contraire, présumés dotaux.
12Si tous les biens de l’épouse sont présumés dotaux, alors que rien n’a expressément été décidé dans un contrat de mariage, le régime dotal qui par essence est un régime séparatiste est détourné de sa vocation profonde. Ainsi, cette solution revient à instaurer de fait entre les époux une coexistence forcée des patrimoines et une administration par le mari seul des biens du ménage. Si, au contraire, les biens de l’épouse sont présumés paraphernaux dans le silence des époux, le régime dotal retrouve son essence romaine où seuls les biens expressément constitués en dot pouvaient être considérés comme dotaux. D’autant que le régime applicable en l’absence de stipulation expresse des époux - ou dans le silence du contrat - concerne non seulement les biens que l’épouse possède au moment du mariage et qui n’ont pas expressément été constitués en dot, mais également les biens que l’épouse pourra acquérir à titre gratuit ou à titre onéreux durant le mariage.
13De plus, le choix entre présomption de dotalité et présomption de paraphernalité est déterminant. Si l’on présume la dotalité des biens de la femme mariée, pour que le régime dotal mis en place permette l’existence de biens paraphernaux propres à l’épouse, il faudra que les conjoints déclarent expressément dans un contrat de mariage que l’épouse entend se réserver des propres compris soit dans les biens qu’elle possède au moment du mariage, soit dans ceux qu’elle est susceptible d’acquérir après la célébration religieuse. Alors que dans le cas où l’on présume la paraphernalité, les propres de la femme restent libres entre ses mains sans aucune stipulation précise. Ainsi, le régime dotal sera véritablement un régime de séparation de biens aménagé dans une convention. Les époux qui manifesteront de l’intérêt pour ce régime seront obligés de faire, le plus souvent, la démarche de se présenter devant un notaire pour que ce dernier mette en langage juridique leurs volontés.
14Dans l’hypothèse où l’on présume la dotalité, au contraire, le régime perd sa vocation séparatiste au profit d’une confusion des biens du ménage entre les mains du mari et d’une unité de gestion de l’ensemble des biens en dehors de toute volonté clairement exprimée par les époux. Dès lors, des biens passent sous le commandement d’un mari tout puissant sans que l’épouse, ni sa famille, n’ait manifesté la volonté de voir cet « étranger » prendre en main la destinée d’une partie des biens du lignage.
15En consultant quelques dictionnaires de droit et de jurisprudence d’Ancien Régime, on s’aperçoit en réalité que la question du sort des biens de l’épouse en l’absence de contrat de mariage ou dans le silence de celui-ci n’allait pas de soi dans les deux derniers siècles de l’Ancien Régime. La doctrine juridique a été, au sujet de l’ancien droit des régimes matrimoniaux, très prolifique notamment concernant la problématique du sort des biens entre époux en pays de droit écrit et dans le silence des parties. La question est d’ailleurs clairement posée dans le répertoire Guyot à l’entrée dot : « Lorsqu’une femme s’est mariée sans se constituer aucune dot, tous ses biens sont-ils censés dotaux ? »461.
16On apprend immédiatement que : « les auteurs sont partagés sur cette question. Les uns ont tenu l’affirmative, pourvu que la femme ait laissé la jouissance de ses biens à son mari et qu’il soit d’usage dans les pays que les femmes se marient avec des dots […]. D’autres, guidés par un mouvement d’équité ont décidé que les biens de la femme ne doivent être réputés dotaux que pour en laisser la jouissance au mari »462. Dans le même sens, Boucher d’Argis reconnaissait que : « c’est une grande dispute entre les Docteurs de sçavoir quand la femme ne s’est point constituée de dot, si les biens qu’elle possède au tems du mariage ou qui lui échéent depuis sont dotaux ou paraphernaux »463. Le Provençal Decormis faisait, dans ses consultations, le même constat : « La femme qui commence par se marier sans se faire aucune constitution de dot, les docteurs sont partagés pour savoir si les biens qu’elle a sont dotaux ou non. Les uns estiment qu’il n’y a point de dot parce que le mariage peut être sans dot comme ne consistant qu’au consentement mutuel de se prendre mari et femme. Les autres veulent que tous les biens que la femme a soient censés tacitement constitués en dot464 ».
17Pour Domat, « si dans le contrat de mariage la femme ne spécifie pas ce qu’elle met en dot, tous les biens qu’elle peut avoir au temps des fiançailles seront réputés biens dotaux »465. Guy Pape est du même avis, toutefois il observe qu’il faut une tradition de ces biens et que le mari en ait réellement joui. De son côté Dumoulin soutient que si la femme s’est mariée sans contrat de mariage tous ses biens sont présumés dotaux sans exception « et cette décision est suivie dans les pays de droit écrit du Parlement de Paris »466. Dumoulin donne tout de même trois conditions : d’une part, qu’il soit d’usage dans le pays que les femmes se constituent une dot ; d’autre part, que le mari retienne habituellement les biens de la femme ; enfin, que le mari se soit mis en possession des biens de sa femme et qu’il en jouisse comme biens dotaux467. On retrouve cette troisième condition d’exigence de remise et d’administration effectives chez Guy Pape468. Boucher d’Argis affirme d’ailleurs que c’est une maxime en pays de droit écrit et en pays de droit coutumier que tous les biens que la femme a au temps de son mariage sont réputés dotaux s’il n’y a pas de stipulation contraire. L’avocat ajoute : « Je crois que l’opinion de ceux qui tiennent qu’ils sont dotaux est plus juridique »469. Denisart, dans sa Collection de décisions nouvelles et de notions de jurisprudence, rapporte un arrêt de la première chambre de la Cour des aides de Paris du 13 mars 1739 qui a jugé que les biens d’une femme mariée en pays de droit écrit, sans contrat de mariage, sont réputés dotaux et non paraphernaux470.
18En revanche, Furgole rapporte qu’au Parlement de Toulouse un arrêt du 6 juillet 1744 a jugé que des sommes données à la femme étaient paraphernales dans la mesure où le contrat de mariage ne précisait pas que ces sommes devaient être dotales471. Dès le xve siècle, le jurisconsulte méridional Etienne Bertrand semblait défendre l’idée qu’en l’absence de constitution de dot les biens de la femme lui restent paraphernaux472. Dans l’édition de la Science des notaires de Ferrière en 1758 par F.-B. de Visme il est clairement mentionné qu’« en pays de droit écrit pour que le mari ait quelque pouvoir sur les biens de sa femme pendant le mariage, il faut qu’il y ait un contrat, parce que tout son pouvoir se réduit à la jouissance de ce qui a été constitué en dot. Or, la constitution de dot ne peut se faire que par un contrat, d’autant que la loi ne supplée pas à cet égard au défaut des contractants comme la Coutume supplée à leur défaut en pays coutumiers »473.
19Question à la fois récurrente et controversée celle-ci oppose principalement deux courants doctrinaux. Une partie de la doctrine soutient qu’à défaut de contrat de mariage il y a une présomption de dotalité de l’ensemble des biens de l’épouse. Ainsi, le mariage, même en l’absence de volonté exprimée par les époux, change la nature juridique des biens de la femme mariée. Quatre arguments sur lesquels se fondent les auteurs sont avancés : premièrement, un passage de Cicéron dans ses Topiques « qui dit que la femme en se mariant passe avec tous ses biens sous la puissance de son mari »474 ; deuxièmement une règle, héritée du droit romain, en vertu de laquelle une femme mariée et divorcée qui se remarie avec le même homme est présumée apporter la même dot que lors du premier mariage et ce sans stipulation expresse ; troisièmement, la dot est un accessoire du mariage pour aider le mari à supporter les charges du mariage ; enfin, quatrièmement, la tradition fait présumer la constitution. Ces auteurs « guidés par un mouvement d’équité » décidaient que les biens de la femme ne devaient être réputés dotaux que pour en laisser la jouissance au mari et non pour lui en transmettre la propriété475.
20Néanmoins, pour une autre partie de la doctrine les biens dont le sort n’est pas précisé doivent être réputés paraphernaux et dans ce cas la séparation totale des biens l’emporte sur le régime dotal. Le mariage n’a aucune incidence sur la nature juridique des biens de l’épouse et cette dernière, en l’absence de volonté expresse, reste dans la même situation que lorsqu’elle était célibataire. Cette tendance paraît être le courant dominant476. Les tenants de la présomption de paraphernalité des biens de la femme mariée dans le silence des époux rappellent, d’une part, que la dot est un contrat et qu’un contrat doit être prouvé et, d’autre part, que « quoiqu’il n’y ait pas de dot sans mariage, il peut y avoir des mariages sans dot et que l’un n’est pas la conséquence nécessaire de l’autre »477. Ensuite, le droit romain ne regarde comme biens dotaux que ceux qui sont expressément constitués. Enfin, la jouissance que le mari peut avoir eu des biens de son épouse, en dehors de toute stipulation contractuelle, ne fait pas présumer la constitution tacite « parce que c’est une pure tolérance de la femme qui en laisse le gouvernement à son mari et dont elle peut lui ôter l’administration quand il lui plait »478.
21Dans le répertoire de Guyot, les quatre arguments avancés par ceux qui défendent l’idée qu’en l’absence de constitution de dot -ou dans le silence du contrat sur le régime juridique de certains biens de l’épouse - il y a une présomption de dotalité ne résistent pas à l’analyse. Ainsi, « il est facile de réfuter les raisons de ceux qui admettent la constitution tacite […] car suivant l’usage des pays de droit écrit, les femmes ne passent pas sous l’autorité de leurs maris, elles ne peuvent donc pas être mises au rang de celles que Cicéron appelle mères de famille ; mais bien de celles qui n’avoient que le titre d’épouse. Il n’y a en droit aucun exemple de constitution tacite. Celui qu’on voudroit trouver dans le cas où la femme, après un divorce, retournant avec son mari, ne reçoit aucune application, car le divorce étoit odieux et n’étoit toléré que comme un remède violant dans des maladies désepérées, il n’étoit pas étonnant qu’un homme et une femme qui se remettoient ensemble effaçassent jusqu’aux traces de leurs dissensions »479. De plus, le Code de Justinien déclarait nulle toute constitution de dot dans laquelle l’épouse n’avait pas précisé l’objet ou la quantité de sa dot. « Peut-on dire que tous les biens de la femme sont dotaux quand elle aura gardé le silence, tandis que la constitution qu’elle aura faite sera nulle, quand elle ne sera pas expliquée assez clairement. Cette dernière opinion est confirmée par trois arrêts du Parlement de Toulouse du 11 Août 1615, 13 juillet 1619 et 6 juillet 1744 »480. Argou, dans les Institutions au droit françois, affirme qu’ « en pays de droit écrit tous les biens de la femme qui ne sont pas apportés en dot sont des biens paraphernaux, soit qu’elle les ait eût lors de son mariage ou qu’ils lui soient échus durant le mariage. Il est vrai qu’on appelle proprement ces derniers biens adventifs, mais ils y sont compris tous sous le terme général de biens paraphernaux »481. L’avocat Roussilhe, dans son Traité de la dot, reprend ces propos à son compte482. Denisart, quant à lui, rappelle que l’on nomme biens paraphernaux ceux qui sont en dehors de la dot et qui n’ont pas été constitués dans un contrat de mariage ou ceux que la femme s’est expressément réservée483. De même de Ferrière estime que la femme qui s’est mariée sans dot n’est pas censée s’être constituée tous ses biens484.
§ 2. Les solutions retenues dans le ressort du Parlement de Provence
22Après avoir rappelé les raisons qui ont poussé le Parlement à rendre quelques décisions de circonstance favorables à la présomption de dotalité (A), il conviendra de rappeler son attachement au principe de la présomption de paraphernalité à la fin de l’Ancien Régime (B).
A. Quelques décisions de circonstance favorables à la présomption de dotalité
23En pays de coutumes, lorsque les conventions matrimoniales n’ont pas été rédigées par écrit, « la Coutume y supplée et règle les principaux droits des conjoints […] on a recours à la Loy municipale du pays qui est un contrat public et commun à tous les peuples d’une province »485. Mais les « provinces qui n’ont point de Loix municipales uniformes rédigées en Coûtumes »486 comme la Provence487 sont régies par « l’esprit du droit romain »488. Ainsi, « La Loy à cet égard ne [supplée] pas à la volonté des contractans comme en pays coûtumier », nous apprend au xviiie siècle Guerin de Tubermont. « Ce qui n’est point compris dans la dot, affirme-t-il, est paraphernal. Le mary n’a aucune part dans la jouissance des biens de la femme de cette espèce quand elle ne le veut pas […]. Mais quand elle ne s’y oppose point, il peut en jouir à la charge d’en appliquer les revenus à l’entretien du ménage »489.
24Scipion Dupérier se rangeait pourtant au xviie du côté des tenants de la présomption de dotalité. Il exprime son opinion en commentant un arrêt du Parlement de Provence dans les Nouvelles questions notables de droit dans l’espèce suivante490. En février 1654, Madeleine Laroche achète, pour la somme de 2400 livres, une métairie491 avec son tenement492 qui était alors en mauvais état et elle se sert du reste de son argent pour faire réparer ses acquisitions. Neuf mois plus tard, elle se marie avec Pierre Montolieu. Aucun contrat de mariage n’a été passé par écrit, mais dans les faits, nous dit l’avocat, l’épouse s’est constituée en dot ce qu’elle possédait, à savoir sa métairie493. Le couple a eu quatre enfants mais six ans après leur mariage, le mari est accusé du meurtre du nommé Perret. Pour organiser sa fuite, le suspect a besoin d’argent et il veut vendre la métairie de son épouse au sieur Félix. Il menace alors violemment sa compagne pour qu’elle consente à la vente. Mais cette dernière, face à la menace, fait une protestation devant un notaire et deux témoins le 27 novembre 1659. Elle voulait conserver la possibilité de demander en justice l’annulation de l’acte de vente. Finalement, le 12 décembre 1659, la dame Laroche est contrainte par son mari de passer l’acte de vente avec le sieur Félix et devant notaire. Elle vend son bien en son nom et, sur ordre du notaire, ne prend pas dans l’acte la qualité d’épouse de Montolieu. La vente est faite pour 4000 livres et elle confesse en avoir reçu 2000 au comptant. En réalité, c’est le mari qui a reçu la somme. L’acheteur de son côté utilise 685 livres pour payer deux créanciers privilégiés de la dame Laroche à qui elle devait cette somme pour reste de l’achat de la métairie. Dans les quittances, la qualité d’épouse de Montolieu n’est pas non plus mentionnée. Montolieu tente de s’évader pour échapper à la justice et il meurt quelque temps après. L’épouse prend alors des lettres de rescision en vue de l’annulation de cette vente devant le Lieutenant de Marseille et contre le sieur Félix. En l’espèce, et c’est un fait incontestable, il n’y a point eu de contrat de mariage écrit entre Laroche et Montolieu et par conséquent aucune constitution de dot expresse. En effet, même si l’avocat rapporte les faits de manière partiale et à l’avantage de sa démonstration, insinuant qu’il y a eu entre les époux une constitution verbale de dot, force est de constater qu’aucune dot, même verbalement, n’a été constituée à l’épouse. L’avocat explique que la célébration du mariage entre Montolieu et Laroche a été faite dans les formes prescrites par les ordonnances royales en la Cathédrale de Marseille. Le mariage a donc été public et notoirement connu. Félix, qui fréquentait Montolieu et duquel il était cousin germain et ami intime, n’a pas pu l’ignorer. Il ajoute que de cette situation de fait on tire deux arguments incontestables. D’une part, le sieur Felix connaissait l’existence du mariage, savait qu’il achetait un bien dotal et a consciemment consenti à ce que les actes litigieux ne portent pas la mention que la femme était mariée494. D’autre part, de manière très sûre, l’avocat provençal avance une argumentation juridique remarquable en l’espèce : « L’autre étant que le contrat de mariage de Montolieu étant véritable et légitime, on ne peut point mettre en doute que cette métairie ne fût dotale ; parce que quand il n’y a point de constitution de dot rédigée par écrit, la présomption de droit est que la femme a entendu se constituer en dot tous les biens qu’elle possède, par deux raisons sensibles : la première est qu’aux contrats de bonne foi, entre lesquels le mariage tient le premier rang, les pactions et conventions ordinaires et accoutumées sont toujours sous-entendues […]. Or en cette province, la Coutume et l’Usage font que les femmes qui se marient, usant librement de leurs droits, c’est-à-dire, qui ne sont pas sous la puissance d’un père, se constituent en dot généralement tous leurs biens, et surtout quand ils sont d’une modique valeur : et pourtant il est indubitable que cette femme a entendu en se mariant avec Montolieu, se constituer en dot cette métairie […]. La seconde raison, est quand il n’y a pas de contrat de constitution de dot, il faut nécessairement en conclure une de ces deux choses, ou que l’intention des parties a été que la femme ne se constituât aucune dot : ou bien qu’elle se constitua généralement tous ses biens : étant impossible d’y trouver un milieu avec certitude : or la première est sans apparence quelconque ; car comme la Loi dit que le mariage contracte une société entre le mari et la femme de la même durée de leur vie, elle seroit bien inégale si la femme ne contribua pas du sien à l’entretien, tant d’elle que de ses enfans, et aux autres charges du mariage, pendant que le mari y contribue de tout ce qu’il a : et ainsi il faut présumer que la femme a entendu de porter en dot tous ses biens et droits présens et sur le fondement desquels, le mary a vraisemblablement contracté cette société conjugale »495.
25L’avocat fait alors référence aux développements du « judicieux »496 Guy Coquille qui affirme, sur la question, que la présomption de dotalité était le droit applicable en droit romain à l’époque de Cicéron « et que la France l’a trouvé si juste et si équitable, qu’elle est même observée dans les pays coutumiers à l’exemple du Droit écrit »497. Dupérier rapporte un arrêt du Parlement de Provence de décembre 1644 qui l’a ainsi jugé en décidant que dans le silence des époux la constitution de dot se présumait. Le Parlement de Provence aurait affirmé sa jurisprudence, en l’espèce, en apportant un tempérament : la présomption de constitution de dot ne porte que sur les biens présents et non sur les biens à venir498. Dès lors, n’ont été présumés dotaux par le Parlement de Provence que les biens que l’épouse possédait au moment de la célébration du mariage et non ceux qui lui sont revenus après. L’avocat avoue, néanmoins, que l’opinion inverse, selon laquelle les biens de la femme ne sont pas présumés dotaux mais extra-dotaux, est avancée par plusieurs auteurs.
26Dupérier paraît donc favorable, au xviie siècle, à la présomption de dotalité de l’ensemble des biens présents de l’épouse en l’absence de contrat de mariage. Il reprend cette idée dans ses développements sur les Maximes du droit au livre V De la dot499. Mais la solution retenue par l’avocat semble être une position médiane dans la mesure où, s’il argumente en faveur de la présomption de dotalité des biens de l’épouse en l’absence de contrat de mariage écrit, cette dotalité présumée ne peut l’être que pour les biens que l’épouse possède au moment de la célébration du mariage et non pour ceux qu’elle est susceptible d’acquérir au cours du mariage.
27De La Touloubre, qui commente l’œuvre de Dupérier au xviiie siècle, note qu’au regard du droit des régimes matrimoniaux en Provence : « L’auteur va trop loin, lorsqu’il soutient que, dans le cas même où il n’y a point de contrat de mariage, il faut présumer que la femme a entendu se constituer en dot tous ses biens. On n’a jamais suivi dans l’usage cette décision et la femme en pareil cas est censée n’avoir pas voulu se constituer une dot »500.
28En effet, l’opinion de Dupérier ne sera pas celle communément admise par les juristes provençaux au xviiie siècle. Cependant, l’arrêtiste Debézieux rapporte un arrêt du Parlement de Provence conforme à l’avis de son confrère. La Cour souveraine a décidé que quand le mari et la femme n’ont pas fait de contrat de mariage dans le but de faire passer au mari, qui n’a point de biens, ceux de la femme, il convient de pourvoir à l’assurance des biens de l’épouse en ordonnant que ni elle, ni son mari, ne les recevront sans caution. En l’espèce, Jeanne Arnousse épouse un vitrier d’Aix sans faire de contrat civil de mariage. Elle réclame à son oncle 1000 livres que ce dernier est chargé de lui payer pour tous les droits paternels et maternels qu’elle a à prétendre dans l’hoirie de son aïeule. La somme devait lui être payée au moment de son mariage. L’oncle propose de se dessaisir des 1000 livres à la condition qu’elles soient placées sur un fonds sûr et solvable ou que les époux en donne une caution. L’épouse en appelle à la justice royale et le Lieutenant condamne purement et simplement l’oncle à payer les 1000 livres à sa nièce. Ce dernier forme un appel devant le Parlement de Provence. L’argument fort de l’appelant est de dire que la sentence n’est pas conforme au droit car « la commune opinion sur une pareille matière est que quand il n’y a point de constitution de dot expresse, la présomption est que la femme s’est constituée tous ses biens et droits. Ce qui montre que la Loi présume ; que quand la femme ne s’explique point en se mariant, elle est censée se constituer en dot tout ce qu’elle a »501. Faire présumer que les biens sont dotaux permet, en l’espèce, de les rendre inaliénables, d’en garantir une meilleure restitution à l’épouse ou à ses héritiers à la dissolution du mariage par le décès d’un des conjoints et de préserver les biens du lignage. Le Parlement a reçu cette argumentation. L’idée est que comme la femme donne son corps à son mari, il est vraisemblable qu’elle lui donne aussi ses biens pour que celui-ci en ait l’administration et l’usage. Par un arrêt du Parlement de Provence du 21 juin 1701, la sentence du Lieutenant a été réformée. L’arrêtiste ajoute : « J’étois des juges et de cet avis : parce qu’il paroissoit au procès que le mari d’Arnousse n’avoit pas de biens, et qu’à cause de cela et dans l’idée que la femme pourroit retirer les 1000 livres et les donner de la main à la main à son mari on avoit point fait de contract civil. Ce mariage ayant été fait sans le consentement des propres parens et surtout de Roux oncle de la femme lequel étoit chargé de lui payer les 1000 livres en question, pour tous droits paternels et maternels qu’elle avoit à prendre dans l’hoirie de son ayeul qui avoit survécu à son père et à sa mère et la Cour crût dans ces circonstances devoir venir veiller à la sûreté de la dot et empêcher que ce mari que l’on savoit être insolvable ne dissipât les 1000 livres »502. Le Parlement en rendant dotaux des biens qui n’avaient pas été constitués en dot les rend ipso facto inaliénables. L’épouse jouit dès lors d’une hypothèque sur les biens de son mari qui lui donne la garantie d’une meilleure restitution à la dissolution du mariage.
29Il est important de noter que dans les cas rapportés par Dupérier et Debézieux, la protection du patrimoine de l’épouse semble être la seule et véritable motivation des magistrats. En effet, le mari est pauvre et il a besoin de l’argent de son épouse pour sortir d’une situation difficile. Dans l’espèce commentée par Dupérier, les parties ont bien pris la peine de ne pas mentionner dans l’acte de vente la qualité de femme mariée, conformément à l’avis du notaire. C’était, en effet, le moyen le plus sûr d’échapper au droit qui est habituellement en vigueur dans le ressort du Parlement de Provence : quand il n’y a pas de contrat de mariage on présume la paraphernalité totale des biens de l’épouse. Cet élément de fait nous permet de voir que le notaire connaissait, en l’espèce, le droit en vigueur en l’absence de contrat de mariage, à savoir la présomption de paraphernalité des biens de l’épouse. Ce subterfuge n’a pas fonctionné car le mariage était notoire et que l’épouse avait pris ses précautions en déclarant devant un notaire qu’elle avait été forcée à faire ces actes. La seule solution était donc pour le Parlement de rendre ces biens dotaux pour qu’ils deviennent inaliénables.
30Dans l’espèce rapportée par Debézieux, outre le fait que le mari soit désargenté, il convient de noter qu’il s’agit de l’argent d’un héritage familial et que l’intention du Parlement a sans doute été de protéger le lignage car l’épouse venait en représentation de ses parents dans la succession de son aïeule. Le seul moyen de protéger cette somme était alors de la rendre dotale et par voie de conséquence inaliénable et garantir à la dissolution du mariage par le décès de l’un des deux époux la restitution des 1000 livres à l’épouse ou à ses héritiers503.
31Ces décisions de circonstance ne sauraient jeter le trouble sur une présomption qui nous semble bien établie, celle de la paraphernalité des biens de l’épouse en l’absence de contrat de mariage. En effet, et contrairement à ce qu’affirmait Georges Boyer, les avis, en Provence, ne nous semblent pas partagés sur cette question, du moins au xviiie siècle504. De plus, les actes de la pratique montrent bien que les notaires connaissaient et appliquaient le droit qui leur a été enseigné, reproduisent les clauses de leurs prédécesseurs et les formules utilisées ne traduisent à aucun moment une quelconque incertitude : la présomption de paraphernalité est la règle en l’absence de convention matrimoniale.
B. L’attachement à la présomption de paraphernalité des biens de l’épouse à la fin de l’Ancien Régime
- Le principe de la présomption de paraphernalité des biens de l’épouse
32En dépit des décisions mentionnées ci-dessus, force est de constater qu’en Provence à la fin de l’Ancien Régime, et comme l’affirmait de La Touloubre505, en l’absence de contrat de mariage ou dans le silence des parties sur le statut de certains biens de l’épouse, il faut présumer que ces biens sont restés paraphernaux à l’épouse. Pour le jurisconsulte provençal Julien, la question des rapports pécuniaires entre époux en l’absence de contrat de mariage ne souffre aucune discussion : « s’il n’y a point de contrat, la femme conserve la libre disposition de ses biens et nulle charge, nulle obligation n’est imposée sur ceux du mari »506. De même affirme-t-il : « Si la constitution de dot est particulière de certains biens, tous les autres biens de la femme sont appelés paraphernaux. La femme en a la jouissance et la libre disposition. Elle peut les aliéner »507.
33Gassier ne doute pas non plus du droit applicable en l’absence de contrat de mariage ou dans le silence de la convention : on présume la paraphernalité des biens de l’épouse. Ainsi, dans une consultation donnée aux créanciers de Blanche Lebel Grazielli qui agissaient contre le fils de cette dernière décédée - ce dernier était héritier pur et simple de son père et héritier sous bénéfice d’inventaire de sa mère - l’avocat précisait comme fondement de son raisonnement juridique : « Il faut observer que Lange Grazielli n’avoit point de mariage écrit avec Blanche Lebel sa femme. Les biens de cette dernière étoient paraphernaux et libres sur sa tête »508. De même, dans une instance opposant deux négociants de la ville de Marseille, Gassier, conseil de Dominique Ferraudy le demandeur, précise que le sieur Ferraudy épouse en 1721 la demoiselle Marie-Anne Leydet et qu’« il ne fut point passé de conventions matrimoniales. Cette dernière demeuroit donc libre dans ses actions, qu’elle a contracté pendant sa vie. Elle recueillit les biens de ses père et mère par la profession religieuse d’un frère qu’elle avoit, qui l’institua héritière, en se réservant 50 livres de pension. La modicité de cette réserve ne donne pas idée bien avantageuse de l’opulence des successions recueillies par la demoiselle Leydet, soit au moyen du décès de ses père et mère, soit au bénéfice des dernières dispositions de son frère »509. C’est de manière catégorique enfin que dans une consultation donnée avec son confrère Barlet, Gassier affirme que Thérèse Bérenguier qui s’est mariée avec Estienne Vidal sans contrat civil de mariage a conservé l’usus, le fructus et l’abusus de ses biens propres « puisque tel est le droit »510.
34Les actes de notoriété du Parlement de Provence montrent bien que la jurisprudence constante est favorable à la présomption de paraphernalité. En effet, sur une question aussi délicate que le sort des biens de l’épouse dans le silence des parties il est important de trouver un acte de notoriété y faisant référence. Ce sont des décisions qui, sans avoir la valeur des arrêts de règlement, émanent des Cours suprêmes et fixent de manière permanente la doctrine des juges ou de la Cour sur un point de droit déterminé. Ainsi, il est établi qu’en Provence le mari, « n’a absolument aucun droit, sur les biens paraphernaux, c’est-à-dire, sur ceux qui ne sont pas entrés dans la constitution de la dot. Dans les païs coutumiers on ne connoit pas cette distinction. Tout y est réputé dotal à la femme »511.
35Malgré la controverse doctrinale et certains arrêts du xviie siècle où le juge a décidé de privilégier la protection des biens de l’épouse, en les rendant dotaux, contrairement au droit habituellement applicable, les juristes provençaux restent attachés aux régimes séparatistes.
36Finalement, si l’on établit une typologie des différents types de régimes matrimoniaux que l’on est susceptible de rencontrer en Provence on retrouve trois grands types :
L’épouse apporte en dot à son mari, dans un contrat de mariage, tout ce qu’elle possède et tout ce qu’elle pourra acquérir pendant le mariage. Dans ce cas là, deux catégories de biens vont cohabiter durant le mariage : les propres du mari et les biens dotaux.
L’épouse, ou un membre de sa famille pour elle, apporte en dot une partie de ses biens en contrat de mariage et reste silencieuse sur les autres biens possédés ou sur ceux qu’elle pourra recueillir durant le mariage. Dans ce type de régime vont coexister, en vertu de la présomption de paraphernalité, trois catégories de biens : les propres du mari, les biens dotaux et les biens paraphernaux.
Si aucun contrat de mariage n’est conclu entre les époux, ceux-ci restent totalement séparés de biens et il n’y aura que des biens propres à l’époux et des biens propres à la femme mariée appelés paraphernaux par les juristes de l’ancien droit.
37Il convient cependant de souligner que le terme employé en l’absence de contrat de mariage – paraphernaux – renvoie au régime dotal dans la mesure où ce qui est paraphernal est ce qui est en dehors de la dot et ce, même si aucune dot n’a été constituée. Une fois de plus, on constate l’attachement au vocabulaire romain et l’attachement au régime dotal hérité du droit romain. Les juristes désignent les propres de l’épouse comme étant en dehors de la dot alors que ce n’est pas le régime dotal qui règle les rapports pécuniaires entre époux, au sens où on l’entend, à savoir lorsque le mari administre certains biens de son épouse.
38Il est donc clair que pour la doctrine du xviiie siècle en Provence et pour la jurisprudence, lorsqu’un contrat de mariage ne parle que de la dot qui est constituée à l’épouse sans dire un mot du reste des biens de l’épouse ceux-ci sont paraphernaux et il en va de même lorsqu’il n’y a pas de contrat de mariage. Tout au long de nos développements à venir nous tenterons de démontrer cet attachement de l’ensemble des provençaux, praticiens et usagers, à un droit matrimonial séparatiste qui, en dehors de la volonté exprimée des parties, se prononce en faveur d’une séparation stricte des biens des mariés.
39Le Provençal Durand de Maillane, canoniste gallican, a d’ailleurs repris cette idée dans son projet de Code civil : « La loi ne prononce rien sur les intérêts respectifs des époux entre eux »512. Et l’auteur qui a bien connu l’ancien droit d’ajouter : « L’on aurait su ménager les esprits sur les différentes coutumes en matière des pactes nuptiaux ou des droits matrimoniaux, sans tomber ou dans l’ineptie ou dans l’embarras même d’où nous avons voulu sortir en frappant cette diversité monstrueuse d’usages et de pratiques en cette matière. Il a donc fallu rendre tous les pays égaux, en abolissant à cet égard les coutumes de tous, sans néanmoins faire de tort à chacun, en laissant partout liberté aux intéressés et les seules intéressées au changement. Ce sera donc à elle de s’arranger : comme les mœurs, les habitudes de leurs pays les tiennent encore liées, elles disposeront leurs accords comme elle l’entendront ; il importe seulement à la République de faciliter les mariages par tous les moyens en corrigeant d’une part les injustices ou les excès contraires dans les dispositions coutumières, et en prévenant de l’autre les dissensions domestiques et les procès dans les familles. C’est donc ainsi et dans cet esprit que les époux libres désormais de convenir entre eux comme il leur plaira sur les intérêts pécuniaires, la loi qui est à faire doit se borner à régler la forme publique de ces arrangements privés de manière qu’ils ne blessent ni l’intérêt du tiers, ni celui des enfants dans leurs droits successifs et c’est ce que porte le premier article »513.
40De même si l’on consulte les débats du Code civil, le droit ancien est rappelé et la règle de la présomption de paraphernalité clairement exprimée. Bigot de Préameneu demandait comment les intérêts de chaque époux étaient distingués, surtout dans les classes les moins aisées, comment ils étaient conciliés et aménagés lorsque les parties n’avaient pas fait de contrat, et s’il ne résultait pas de l’absence de contrat toute une série de difficultés. Maleville répondait que chacun des époux administrait ses biens pendant le mariage et les reprenait après. Les acquêts appartenaient entièrement au mari514. Le Provençal Siméon dira d’ailleurs à ce propos : « Le principe qui veut qu’il n’ y ait dans les contrats que ce que les parties y déclarent eût peut-être fait désirer que la communauté ne fût pas présumée de droit ; et que comme il n’y a pas de dot sans stipulation, il n’y eût pas de communauté sans convention. Bien que la communauté soit plus naturelle que le régime dotal, elle s’est compliquée de tant d’interventions civiles, de tant d’embarras inconnus dans les pays de droit écrit, qu’on devrait ce semble n’y être assujetti que par une volonté expresse »515.
41Hors la convention des parties, la paraphernalité était la règle et la dotalité l’exception dans l’ancien droit provençal. Le point culminant de ce régime séparatiste est l’absence totale de contrat de mariage. Dans ce cas la femme conservait tous ses biens paraphernaux. En fait, si l’on conserve le vocabulaire romain pour désigner les biens en dehors de la dot - les paraphernaux - on s’aperçoit en réalité qu’on est face à un tout autre régime que le régime dotal puisqu’il il y une séparation franche entre les patrimoines des deux époux. Ces derniers se trouvent dans une situation proche, relativement à leurs biens, du concubinat actuel ou encore d’époux mariés sous le régime contractuel de la séparation de biens. Cette solution retenue dans le ressort du Parlement de Provence, qui n’a pas empêché quelques arrêts de circonstance contraires à la solution dominante, est conforme à la conception que les Provençaux avaient de la famille dans la mesure où, comme nous le verrons dans la seconde partie, si le mariage donne des droits au mari sur la personne de la femme, il ne lui en donne aucun sur ses biens. Seul un contrat de mariage et la mise en place d’un régime dotal peut le faire. Dès lors, le choix de ne pas faire de contrat – ou le choix d’une dotalité limitée dans une moindre mesure – traduit une volonté de garder les biens de l’épouse dans sa famille de sang et ainsi de conserver un contrôle total sur le patrimoine de la fille mariée et par-là même protéger les biens du lignage. Cette présomption de paraphernalité des biens de l’épouse non expressément constitués en dot connaît tout de même une exception.
- L’exception au principe de présomption de paraphernalité : le cas du remariage de la femme
42Si la présomption de parapheralité reste la règle en l’absence de contrat de mariage notarié, il existe une exception que les historiens du droit rapportent fréquemment : « Si les Parlements de Toulouse et d’Aix imposent, en principe, une stipulation expresse de dotalité, ils jugent cependant suivant l’opinion de la Glose, que la constitution de dot faite pour un premier mariage vaut tacitement pour le second »516. Cette exception n’a pas lieu bien entendu lorsque lors du remariage de la femme les époux ont fait un contrat de mariage et ont exprimé leur volonté.
43Les jurisconsultes des pays de droit écrit soulignent que, selon Accurse, la constitution de dot faite lors d’un premier mariage doit exister au moment du remariage, bien que la femme n’ait promis aucune dot à son second mari517. En effet, dans un seul cas la présomption de dotalité est admise. Lorsqu’il y a eu lors du premier mariage des biens qui ont été constitués en dot à l’épouse, ces biens sont censés demeurer dotaux si la veuve convole en secondes noces « car on présume que la veuve qui se remarie veut traiter son second mari comme elle avait traité le premier »518.
44Ainsi donc, dans le ressort du Parlement de Provence, comme dans celui de Toulouse, Bordeaux ou Pau, le silence s’interprète par la paraphernalité. Toutefois, le principe de la présomption de paraphernalité des biens de l’épouse qui n’ont pas été constitués en dot dans un contrat de mariage connaissait une exception dans le cas où la femme mariée une première fois avec une constitution de dot formelle, à savoir exprimée dans un contrat de mariage, se mariait une seconde fois sans faire de contrat : elle était alors présumée avoir apporté à son second mari la même dot qu’au premier.
45Tel est l’avis de Dupérier : « la veuve en se remariant est censée s’être constituée la même dot qu’au premier mariage ce qui est une opinion fort plausible »519. Et le jurisconsulte précise : « mais quand c’est un second mariage, je tiens qu’elle ne doit être censée s’être constituée que la même dot qu’au premier, si ce n’est que par des circonstances particulières on puisse présumer le contraire, comme si elle avoit souffert que son second mari qui étoit de beaucoup plus grand mérite, que le premier, fût administrateur de ses biens »520. Pour le célèbre avocat, il est clair que cette présomption de dotalité en cas de remariage est une présomption simple et que les époux pourront rapporter la preuve contraire et montrer qu’en réalité ils ont voulu se marier sans contrat de mariage ou que l’épouse a voulu se constituer une dot plus ou moins importante. De la Touloubre exprime une opinion conforme : « s’il s’agit d’un second mariage, la femme ne doit être censée avoir voulu faire que la même constitution, qu’elle avoit faite pour le premier ; à moins qu’il n’y eut des circonstances qui puissent faire présumer le contraire par exemple si elle avoit souffert que le second mari qui étoit de beaucoup plus grand mérite que le premier administrât tous ses biens »521.
46Comme le reconnaît Decormis dans ses consultations imprimées : « Il faut distinguer en cette matière la femme qui n’a jamais fait de contrat de mariage d’avec la veuve qui s’étoit fait une constitution de dot dans son premier mariage »522. Bonnemant précise dans le même sens en commentant les Maximes du Palais que : « Cependant on juge en ce Parlement que la veuve qui se remarie est censée s’être constituée la même dot qui lors de son premier contrat de mariage, quoiqu’elle n’en ait fait aucune mention dans le second. Mais ce qu’elle a acquis entre le premier et le second contrat, n’est point censé constitué, à moins que le contrat ne renferme une constitution générale de tous les biens présents et à venir »523.
47Boniface rapportait d’ailleurs sur cette question un arrêt du Parlement de Provence dans l’espèce suivante. Louise Lisle s’est mariée en 1666 avec Jean Molard, bourgois du lieu d’Eyrargues, sous une constitution de dot de tous ses biens présents et à venir tant pour ses droits paternels que maternels. Devenue veuve au bout de quelques années, la dame Lisle convole en secondes noces avec Pierre Catelan son fermier. Elle ne passe aucun contrat de mariage avec ce dernier et ne se constitue donc expressément aucune dot, voulant ainsi préserver son patrimoine de l’administration d’un mari dont la condition sociale est inférieure à la sienne et pensant ainsi être protégée par la séparation totale de biens entre époux applicable à ceux qui se sont mariés sans contrat. Mais le mari, mécontent du sort qui lui était réservé, a intenté une action en justice contre son épouse en 1684 devant le juge d’Eyrargues pour voir celle-ci être condamnée à se constituer une dot générale de tous ses biens présents et à venir comme lors de son premier mariage. C’est finalement une sentence arbitrale qui a déclaré que la demande du mari était légitime et qui a fait droit à ses prétentions. Louise Lisle a appelé de cette sentence devant le Parlement de Provence. L’appelante fonde son argumentation sur le droit romain : il n’a jamais présumé, dit-elle, que la femme mariée sans une constitution de dot expresse entendait se constituer l’ensemble de ses biens présent et à venir. Son avocat affirme qu’on ne doit rien décider, relativement aux biens de l’épouse, dans le silence des parties c’est-à-dire en l’absence de contrat de mariage : « Enfin il est vray que la constitution générale n’est jamais présumée […] parce que la constitution générale exige un consentement exprès et formel »524. L’intimé évoque également de son côté le droit romain pour établir que : « que les conventions du premier mariage règlent toujours celles du second, lorsqu’il a été fait sous convention ou contrat civil »525. Boniface pense que le droit romain n’est pas déterminant, en l’espèce, car il s’agit de deux lois concernant le divorce. L’une oblige la femme qui retourne avec le mari duquel elle était divorcée à lui restituer la dot dont il a été privé durant le temps de la séparation526. L’autre loi romaine invoquée par le défendeur concerne la femme remariée et elle précise que si la femme a eu des enfants avec son premier mari la constitution générale au moment de son second mariage lui est expressément prohibée. L’arrêtiste ajoute « que la qualité du second mary devoit encore servir d’un motif très sûr aux arbitres pour ne pas présumer cette constitution générale, lorsqu’elle l’épousa il étoit actuellement son fermier et ainsi au dessous d’elle et en biens et en condition on ne dit pas cela pour luy faire injure ny pour choquer la bienséance mais puisque ce fait est véritable, il ne doit pas s’offenser qu’on en ait pris advantage pour appliquer icy l’autorité de Dumoulin […] où il dit que l’inégalité des conditions entre les mariés, forme une présomption contraire à la constitution générale »527. La constitution générale, décidée par les arbitres, semble également injuste car elle donne au second mari des pouvoirs sur les biens de son épouse plus étendus que ceux du premier mari car la femme, du fait de son veuvage et du décès d’un de ses enfants du premier lit, a recueilli des biens et elle est donc plus riche au moment du second mariage qu’au moment du premier où elle avait déclaré qu’au regard de la dot qui lui avait été constituée elle n’aurait plus rien à prétendre sur la succession à venir de ses père et mère528. Le Parlement de Provence dans un arrêt du 17 juin 1686 rendu par la Grand’Chambre « régla au second mari pour la dot les biens paternels et maternels constitués lors de la conclusion du premier mariage et réserva ceux de la libéralité du premier mari à l’enfant du premier mariage »529. Cet arrêt est cité comme fondant le principe en la matière dans les Maximes du Palais530.
48Louis Ventre de La Touloubre apporte sur cet arrêt quelques éléments complémentaires. Ce dernier nous apprend, en effet, qu’au cours du procès l’épouse avait déclaré qu’elle consentait à cette constitution de dot alors qu’ « il y avoit des circonstances particulières qui indisposoient contre le mari ». De La Touloubre semble vouloir dire qu’en l’absence de cette reconnaissance les juges auraient laissé à la femme la liberté de choisir la dot qu’elle entendait se constituer. Malgré ce tempérament, cet arrêt servira à tous les juristes provençaux d’Ancien Régime d’arrêt de principe sur la matière alors qu’il y a sans doute des circonstances de fait qui ont dicté la décision des juges royaux531. À travers cette espèce, on mesure de nouveau à quel point la jurisprudence figurant dans les recueils imprimés pouvait influencer les acteurs de la vie juridique dans leurs raisonnements et dans leurs démonstrations. La jurisprudence des arrêtistes est ainsi comprise parmi les sources du droit privé et ce même si les faits ne sont pas toujours rapportés avec exactitude ou impartialité. Ce n’est pas tant l’arrêt du Parlement qui est une source du droit mais c’est la solution telle qu’elle est rapportée par l’arrêtiste.
49Le Parlement de Provence aura l’occasion, à l’aube du xviiie siècle, de confirmer sa jurisprudence. Cependant, il ne le fera pas dans une espèce où, malgré les hésitations des magistrats provençaux, une application trop rigoureuse de la règle, selon laquelle la femme est présumée se constituer lors de son second mariage la même dot que lors du premier, aurait permis à la femme mariée de se soustraire à ses obligations et aurait porté préjudice à un créancier des époux. En effet, le 24 juin 1679, la demoiselle Dubac se marie avec le sieur Nègre, marchand de Marseille, sous une constitution de dot de tous ses biens et droits présents et à venir. Nègre décède quelque temps après et la demoiselle Dubac épouse le sieur Séguier « sans faire avec lui aucun contract civil »532. Pendant le temps de son veuvage, la demoiselle Dubac achète quelques marchandises chez Bessode commerçant Marseillais. Il convient immédiatement de noter que Séguier, le second mari de Dubac, doit également de l’argent au marchand Bessode. Le 10 novembre 1691, Bessode délivre devant notaires une quittance à Séguier pour les sommes que ce dernier lui devait et le même jour et devant le même notaire la demoiselle Dubac contracte une obligation envers Bessode de la somme de 450 livres pour des marchandises qui lui auraient été livrées la veille de son second mariage, ainsi que pour de l’argent prêté antérieurement par le marchand. Séguier décède quelque temps après ce contrat. La demoiselle Dubac demande la rescision de l’obligation du 10 novembre 1691 sous prétexte qu’elle ne s’était pas obligée pour sa dette propre mais pour celle de Séguier, son second mari. Bessode a demandé, au contraire, au Lieutenant la condamnation de la somme portée dans l’obligation notariée. Le 20 septembre 1696, le Lieutenant rend une sentence par laquelle la demoiselle Dubac est condamnée à payer le prix des marchandises livrées entre ses deux mariages et elle est déchargée du paiement du restant de la somme mentionnée dans l’obligation du 10 novembre 1691. Le Lieutenant a jugé, vu les pièces du dossier, que la demoiselle Dubac n’avait rien reçu de Bessode et que le restant de la somme due au marchand correspondrait en fait à des marchandises qui avaient été livrées à feu Jean Séguier, son mari. Bessode appelle de la sentence sur le fondement de son acte notarié qui ne peut être ni détruit, ni détérioré par une quelconque preuve contraire. Il en conclut que la veuve Dubac doit être condamnée à toute la somme contenue dans l’acte objet du litige car « elle étoit libre lorsqu’il fût passé, n’y ayant point encore de contract civil de mariage et par conséquent point de transport de domaine de ses biens à son mari, qui n’y avoit alors aucun droit. Car il est de règle que la femme peut s’obliger sans la permission même de son mari […]. Et le sieur Séguier ne s’est, en effet, jamais plaint de l’obligation dont il s’agit, parce que lorsque la demoiselle Dubac la contracta elle étoit encore maîtresse absolue de ses biens et droits »533. La demoiselle Dubac disait au contraire, que l’appel était mal fondé, parce que lors de l’obligation du 10 novembre 1691, elle était déjà mariée au sieur Séguier et qu’elle ne pouvait pas par conséquent s’obliger pour de l’argent prétendu prêté, parce que par son second mariage, tous ses droits étaient devenus dotaux de la même manière et dans les mêmes proportions que lors du premier mariage. Les conseils de l’épouse poursuivent en disant que : « Suivant l’opinion des Docteurs […] la dot constituée au premier mari, est nécessairement celle du second mariage ; et c’est pour cela particulièrement que nos Docteurs ont cru que sans aucun contract civil la femme a porté en dot au second mari, ce qu’elle avoit donné au premier de sorte que dès le second mariage de la demoiselle Dubac avec le sieur Séguier il a été le maître de la même dot qu’elle s’étoit constituée avec le sieur Nègre, c’est-à-dire de tous ses biens et droits »534. Par arrêt du 10 mars 1698, rendu par la Chambre des enquêtes du Parlement de Provence, les opinions des magistrats ont été partagées. Celle du rapporteur était de confirmer la sentence du Lieutenant, c’est-à-dire que la dame Dubac soit simplement condamnée à payer le prix des marchandises livrées entre ses deux mariages et non celui du restant de la somme mentionnée dans l’obligation du 10 novembre 1691. L’opinion du compartiteur était, au contraire, de réformer la sentence et, ce faisant, de condamner la dame Dubac au payement de l’ensemble des sommes contenues dans l’obligation du 10 novembre 1691 passée en faveur de Bessode. « Le 12 juin suivant le partage fut vuidé en la Grand’Chambre, de l’opinion de M. le compartiteur ». Le Parlement a réformé la sentence rendue par le Lieutenant et a condamné la dame Dubac à payer l’ensemble des sommes dues à son créancier considérant ainsi que n’ayant fait avec son second mari aucun contrat civil de mariage elle était restée libre de contracter une dette qu’elle devait rembourser de ses propres deniers.
50Debézieux donne son sentiment sur cette décision et, conformément au droit habituellement appliqué en Provence en cas de second mariage, il déclare : « J’étois de l’autre opinion tant parce que le plus commun sentiment des Docteurs est que quand il n’y a point de constitution de dot expresse et qui paroisse, on présume que la femme s’est constituée tous ses biens et droits, suivant la disposition du droit romain attestée par Cicéron dans ses Topiques […] où il est formellement décidé, que la femme qui se remarie sans avoir expliqué et déclaré sa dot, est censée se constituer celle qu’elle avoit apporté lors de son premier mariage ; mais à cause aussi qu’il paraissait de certaines démarches affectées de ce marchand, qu’il avoit voulu se procurer l’obligation de la femme, en payement des sommes qui lui étoient dues par Séguier, dont il n’auroit pu être payé à cause du mauvais état de ses affaires »535. Puis à la manière d’un journaliste juridique l’arrêtiste ajoute : « J’ai appris cependant de M. le compartiteur, que MM. de la Grand’Chambre s’étoient rendus à son opinion, parce que la Dubac, en contractant avec Bessode, avoit dit qu’elle étoit libre en ses actions ; ce qui étoit de sa part une fourberie inexcusable »536. Cette confidence conforte l’idée selon laquelle la présomption de dotalité en cas de second mariage n’est qu’une présomption simple qui peut être renversée par la preuve contraire. L’épouse qui a passé un contrat avec un tiers et qui a déclaré qu’elle avait agi sur des biens dont elle avait l’administration ne peut ensuite se prévaloir de sa propre turpitude. L’ancien Président de la Chambre des enquêtes du Parlement de Provence rapporte également, sous forme de confidence faite au lecteur, une idée fondamentale qui aurait emporté la décision des juges mais que nous n’avons nulle part ailleurs retrouvée même si, a priori, sa véracité ne paraît faire aucun doute : « J’ai appris aussi, nous dit Debézieux, de M. le compartiteur que quelques uns des juges avoient souvenir, que la difficulté qui consiste à savoir si la femme est censée s’être constituée tous ses droits, quand elle se marie sans contract civil, ne regarde que le mari, pour savoir s’il a l’administration de tous ses biens, quoiqu’elle ne se soit rien constitué et nullement le tiers »537. Ainsi, une femme mariée sans contrat pourrait être considérée comme libre dans ses actions à l’égard des tiers et mariée sous le régime dotal à l’égard de son mari. Situation pour le moins ambiguë que l’arrêtiste dénonce comme une « erreur ». Le jurisconsulte avance très justement un contre-argument et il établit que ce serait faux de croire que le tiers n’est pas intéressé par le droit applicable aux rapports patrimoniaux entre époux « car si l’on suppose une fois que la dot est censée telle à l’égard du mari, elle l’est nécessairement à l’égard du tiers, parce que la femme n’en a plus l’administration et qu’elle ne sauroit être dotée à l’égard de celui-là et indotée à l’égard des autres ». Et l’arrêtiste de conclure de manière catégorique : « Aussi cet arrêt ne doit pas servir de préjugé »538. Il donne pour référence l’arrêt qui fonde le principe sur cette matière et qui est celui du 17 juin 1688 rapporté par Boniface, qui est conforme à l’avis du rapporteur et qui règle pour la dot au second mari, les biens constitués à la femme lors de son premier mariage539.
51D’ailleurs, des tribunaux situés dans l’ancien ressort du Parlement de Provence réaffirmeront postérieurement à la Révolution et à la promulgation du Code civil que dans le cas où la femme convole en secondes noces, si elle s’était constituée une dot lors de son premier mariage, elle était censée la constituer à son second mari et pour qu’il en soit autrement il fallait que cette dernière en fasse une déclaration expresse540. Il ne semble y avoir eu dans l’ancien droit, mis à part l’arrêt rapporté par Debézieux, qu’une exception à cette exception. Si une femme fortunée reçoit dans sa maison son mari pauvre, on présume, même en second mariage, que ses biens sont restés paraphernaux même si elle s’était constituée une dot lors du précédent mariage. C’est du moins ce que rapporte Gassier541.
52Les actes notariés permettent de mettre en évidence le fait que les notaires ont parfaitement intégré le droit applicable aux épouses remariées. Les praticiens prennent la peine de préciser qu’une femme est remariée sans contrat civil de mariage et qu’elle entend rester libre sur ses biens paraphernaux. Dans les minutes d’un notaire marseillais on peut lire la formule suivante : le 18 janvier 1788 Marguerite Maurel, « veuve de Jean Maurel et épouse en secondes noces d’Henry Benezet et d’iceluy libre dans l’administration de ses biens et affaires ainsy qu’elle l’a dit », reconnaît avoir reçu de Louis Bonnardel, par l’intermédiaire de son représentant le notaire de Cormis, 149 livres 12 sols 3 deniers que Bonnardel doit à l’épouse viagèrement542. De même, le notaire Aixois Perrin affirme dans la quittance de 3052 livres 10 sols consentie par Marie Anne Veran André Rouard que cette dernière « épouse en secondes noces de Delange Milliard du lieu de Velaux » est « libre dans ses actions pour n’y avoir entreux aucun contrat civil de mariage comme elle a dit »543. De ces actes, il est possible de déduire soit que l’épouse se marie une nouvelle fois sans faire de contrat de mariage, soit qu’elle se remarie sans, cette fois-ci, apporter de dot. Dans l’un ou l’autre des circonstances, la précision du notaire permet de renverser la présomption que l’épouse est mariée sous le même régime dotal que lors de son premier mariage.
53Si les archives permettent de rapporter la preuve que certaines veuves se remarient sans qu’aucune dot ne soit constituée et sans qu’un contrat de mariage ait été conclu entre les époux nous trouvons des veuves qui font avec leur nouveau mari un contrat de mariage et tout y est détaillé comme lors d’un premier mariage, ce qui permet également de renverser la présomption suivant laquelle elle a apporté la même dot que lors de son premier mariage ; le mari acquitte d’ailleurs les dettes contractées par son épouse pendant son veuvage544.
54Néanmoins, dans tous les cas nous ne connaissons pas le régime matrimonial qui était applicable au moment du premier mariage et nous ne savons pas si l’épouse s’était à ce moment-là constituée une dot. Les actes de la pratique nous permettent simplement de conclure que si dans quelques cas la femme s’était constituée une dot lors de son premier mariage, la présomption simple selon laquelle elle aurait apporté à son second mari la même dot en cas de litige tomberait car ces actes démontrent pour les uns que la femme a voulu rester libre sur ces biens au moment de son second mariage et pour les autres qu’elle a déterminé de manière précise son apport et sa contribution aux charges du second mariage en se constituant une dot545.
55Même si Decormis reconnaît que d’une manière générale, le second mariage est présumé être fait suivant les mêmes conditions que le premier546, il ajoute que si la femme a acquis des biens entre les deux mariages ils ne font pas partie de la dot. Telle est la position des tribunaux provençaux. Concluant sur cette question, le jurisconsulte affirme avec justesse : « De tout ce que dessus il résulte que la matière est fort conjecturale et dépend des circonstances. Mais ce que l’on peut assurer est que si la femme a continué à jouir de son bien comme en veuvage sans que le mari n’ait entrepris de faire aucun acte pour ce regard et d’en prendre aucune jouissance : c’est une grande présomption que les mariés ont entendu que la femme demeure libre en ses biens ; et en ce cas le mari n’en gagnant pas les fruits il est certain qu’il ne peut pas répondre des prescriptions ou insolvabilités des débiteurs de la femme ni des détériorations de son bien foncier si elle en a […] joui par elle-même ; à la différence que si le mari étoit le jouissant et l’administrateur de tout ce bien là ce seroit une présomption du renouvellement tacite de la constitution générale du premier mariage »547.
56On peut ainsi noter, à la lumière des propos de l’avocat et des actes de la pratique, la rigueur dont les notaires font preuve dans leurs formules pour déterminer que l’épouse n’a pas voulu, au moment de son second mariage, se constituer de dot. La volonté des familles et la terminologie utilisée par les praticiens du droit prouvent que ces derniers veulent établir de manière irréfragable que les époux veulent rester séparés de biens. Tel est le cas du notaire dignois Charles Simon qui dans deux actes différents précise que l’épouse est mariée sans contrat avec son second mari alors que l’on apprend que lors de son premier mariage une dot de 1200 livres lui avait été constituée. La présomption est ainsi renversée et la femme est « épouse en secondes noces de Pierre Guieu de cette ville charretier libre dans l’exercice de ses actions pour n’avoir avec ledit Guieu aucun contrat civil de mariage »548. En prenant de telles précautions, ils ne font pas courir le risque à leurs clients qu’une constitution de dot, éventuellement stipulée lors d’un premier mariage, soit présumée constituée pour le second.
57Il n’est pas aisé à travers les écrits de juristes de l’ancien droit d’établir des règles aussi claires que celles que peuvent rapporter les juristes positivistes à la lumière des articles du Code civil sur le régime légal. Il est cependant possible de donner les grands principes régissant les rapports pécuniaires entre époux dans le silence des parties. Finalement, ces solutions peuvent apparaître très théoriques, et les conflits doctrinaux de pures hypothèses d’école, si l’on s’en tient à l’idée couramment évoquée qu’en pays de droit écrit tout ce qui concerne le droit des gens mariés est dans le contrat de mariage. Il convient désormais de mettre en perspective ce corpus de règles en démontrant que tout n’est pas dans la convention des conjoints. Les solutions ainsi retenues comme étant celles applicables dans le silence des parties prennent toute leur importante lorsque les archives révèlent qu’il est des cas où les rapports pécuniaires entre époux ne sont pas complètement ou pas du tout régis par le contrat de mariage. La détermination initiale du matrimonial dépend alors en tout ou partie des règles applicables dans le silence des époux.
SECTION 2. L’APPLICATION EFFECTIVE DE LA PRÉSOMPTION DE PARAPHERNALITÉ
58Deux situations juridiques permettent de dire que la question du sort des biens de la femme mariée dans le silence des époux a une portée dans la vie quotidienne de ces derniers. D’une part, il s’agit du cas où les époux ont choisi comme régime la séparation totale de leurs intérêts et n’ont pas fait de contrat de mariage (§ 1). D’autre part, il peut arriver que les époux aient déterminé le sort de certains biens de l’épouse dans le contrat de mariage sans se prononcer sur celui d’autres biens qu’elle possède au moment de la conclusion du contrat ou qu’elle est susceptible d’acquérir durant le mariage (§ 2).
§ 1. Le cas de silence total des époux : l’absence de contrat de mariage
59Après avoir rapporté la preuve de l’existence de mariage sans contrat (A), il conviendra de déterminer, dans cette hypothèse, de quelle manière l’épouse contribue aux charges du mariage (B).
A. La preuve de l’existence de mariages sans contrat
60La présomption de paraphernalité des biens de l’épouse dans le silence des parties enlève de fait, au contrat de mariage, considéré comme le pacte des familles dans les anciens pays de droit écrit, une part de son importance. Si le rôle social du contrat de mariage en Provence, comme nous le verrons dans la suite de nos développements, reste essentiel, son rôle juridique paraît moindre dans une telle situation dans la mesure où chaque époux est théoriquement, après la célébration du mariage, dans la même situation patrimoniale qu’avant le mariage. En effet, dans l’hypothèse où la présomption de dotalité s’applique dans le silence des époux, un contrat est nécessaire pour que ces derniers puissent clairement déclarer qu’ils ne veulent pas de ce régime matrimonial. À l’inverse, la présomption de paraphernalité, même si elle fait directement référence au régime dotal par le vocabulaire utilisé, est un statu quo pour les époux relativement à leurs rapports pécuniaires et pousse ces derniers à faire un acte volontaire pour choisir leur régime matrimonial dans un contrat de mariage.
61L’étude du droit des régimes matrimoniaux en pays de droit écrit est, en général, menée à partir des contrats de mariage figurant dans les minutes notariales. En pays de coutumes il est nécessaire de connaître le contenu de la coutume, qui s’applique dans le silence des parties549. Il convient cependant de se demander si l’inaction des époux qui ne font pas de contrat de mariage et donc ne choisissent pas le régime dotal n’est pas en réalité une passivité voulue par des époux et leur famille, notamment celle de la femme, qui cherchent à faire jouer à plein les effets de la séparation de biens et ainsi garder la mainmise sur les biens du lignage.
62La question de l’existence d’un « régime légal » en pays de droit écrit, et plus particulièrement en Provence, peut paraître de prime abord inutile dans le sens où il est communément admis que sous l’Ancien Régime, et notamment à la fin du xviiie siècle, on a recours au contrat de mariage avec une extrême fréquence et dans toutes les catégories sociales. D’ailleurs, Claude-Joseph de Ferrière, dans La Science parfaite des notaires ou le parfait notaire, ouvrage présenté par Auguste Dumas comme le « guide autorisé » des notaires de la fin de l’Ancien Régime550, rappelait que « le contrat de mariage est sans doute le plus important de tous ceux qui se passent entre les hommes, parce qu’il sert de fondement à la vie civile, au repos des familles et au bien de l’Etat ; aussi est-il celui à qui on a donné de plus grands privilèges et une autorité toute particulière »551. Cette définition est communément admise par les juristes de l’Ancien Régime et figure à ce titre comme la première maxime du palais, en Provence, au titre quatrième de jure dotium. L’avocat au Parlement de Provence, qui commente ces Maximes, ajoute qu’« entre toutes les conventions des hommes, il n’y en a point de plus importantes qui aient plus d’autorité et qui engagent plus fortement que les contrats de mariage »552. Les époux qui décident de conclure un contrat de mariage opèrent un double choix. En vertu de la liberté des conventions matrimoniales, ils choisissent explicitement les rapports pécuniaires qu’ils entretiendront durant le mariage et, au moins implicitement, ils décident d’écarter le régime qui s’applique dans le silence des parties553.
63La pertinence de la question du sort des biens en l’absence d’acte écrit paraît a priori discutable en pays de droit écrit car l’on admet communément qu’il n’y pas de mariage sans contrat civil et sans qu’une dot ait été constituée à la femme mariée. L’idée commune est que tout est dans le contrat. Brillon dans son Dictionnaire des arrêts est affirmatif : « Ce sont les dots qui depuis quelques années font faire les mariages. Il n’en est plus ou il en est rarement sans dot »554. D’ailleurs, le professeur Jean Hilaire, dans une étude sur les régimes matrimoniaux dans la région de Montpellier aux xviie et xviiie siècles, avoue sans réserve que la question de l’étendue d’une éventuelle présomption de dotalité universelle en l’absence de contrat de mariage ou dans le cas d’une rédaction incomplète de celui-ci n’est pas « d’une très grande portée pratique car les archives notariales de notre région [Montpellier] ne nous ont jamais révélé d’actes apportant la preuve d’un mariage sans contrat ». L’auteur ajoute au même endroit note 5 : « À en juger par le grand nombre de contrats de mariage dont témoignent les notaires de notre région »555. La possibilité que des époux se soient mariés sans contrat apparaît à la lecture de ces propos marginale, voire inexistante. Pour Jean Hilaire, il paraît impossible que des époux aient pu se marier sans contrat dans la région de Montpellier au cours des deux derniers siècles de l’Ancien Régime. C’est d’ailleurs la même idée que l’on retrouve dans l’ouvrage synthétique de Jean-Philippe Lévy Diachroniques. L’auteur montre bien l’intérêt statistique et quantitatif de rechercher dans les minutes notariales les pratiques conformes à la règle de droit. Il prend comme exemple les contrats de mariage et affirme que « l’examen des actes notariés a prouvé que le contrat de mariage était extrêmement répandu au xviiie siècle. Très rares étaient ceux qui se mariaient sans en passer un : des palefroniers et des femmes de chambre qui possédaient pour tout patrimoine quelques hardes et quelques livres d’argent se mariaient sous contrat »556. De même, Yves Thomas écrit à propos des contrats de mariage dans le Périgord vers la fin de l’Ancien Régime : « l’usage est très répandu sinon général du contrat de mariage notarié »557. La situation de la Provence, pays de droit écrit, amène-t-elle à de pareilles conclusions pour le xviiie siècle ?
64Guerin de Tubermont, auteur d’un traité des contrats de mariage au xviiie siècle affirme : « Quoiqu’il en soit nous voyons très souvent qu’on se passe de l’acte que nous appelons contrat de mariage, surtout parmy les gens de campagne »558. En réalité, la question des mariages sans contrat civil ne peut pas être considérée en Provence que comme une simple hypothèse d’école permettant aux jurisconsultes de renouveler leur attachement aux régimes matrimoniaux séparatistes hérités du droit de Justinien. Roussilhe, dans son Traité de la dot, reconnaît cependant que la question du mariage célébré sans contrat civil est épineuse et qu’il est nécessaire d’y donner une solution sûre. Ainsi, il avoue, au moins implicitement, que des mariages peuvent exister sans contrat559.
65La présomption de paraphernalité a, en Provence, une réelle portée. Jean-Joseph Julien dans ses Elémens de Jurisprudence affirme à la première phrase de son titre des conventions matrimoniales, de la dot, et des avantages nuptiaux : « Le contrat n’est point de l’essence du mariage »560. Il donne ensuite le régime juridique applicable aux biens des époux en l’absence de contrat de mariage en pays de coutumes puis en pays de droit écrit. Il ne fait aucun doute que l’auteur parle, en l’espèce, du contrat civil de mariage et non de l’institution religieuse du mariage car il commence par cette affirmation au moment où il traite du droit des régimes matrimoniaux et non lorsqu’il traite des conditions de validité du mariage. C’est bien en ce sens que Nicole Arnaud-Duc prend l’affirmation de Julien mais pour y donner une interprétation différente de la notre. Ainsi, elle écrit : « Le contrat n’est point de l’essence du mariage nous dit d’emblée le juriste provençal Julien en 1785. Mais c’est pour ajouter presque aussitôt qu’il en va autrement dans cette région qui est régie par le droit écrit. On entend évidemment par contrat l’acte qui établi le régime dotal commun aux pays du Midi »561. Cette interprétation de la deuxième partie des propos de Julien par Nicole Arnaud-Duc nous paraît discutable. En effet, le passage où Julien dit « il en va autrement dans notre région qui est régie par le droit écrit »562 figure au paragraphe 2 de son titre sur les conventions matrimoniales après que l’auteur ait donné le régime matrimonial applicable aux époux mariés sans contrat de mariage en pays de coutumes. Julien dit ensuite qu’il en va différemment en pays de droit écrit car en l’absence de contrat de mariage entre les époux aucune communauté n’est instituée dans le silence des époux et ceux-ci restent séparés de biens563. Dès lors, Julien affirme bien que la conclusion d’un contrat de mariage notarié n’est pas essentielle en pays de droit écrit, se référant sans doute aux habitudes provençales de se marier sans contrat qui lui sont, par ses origines géographiques, les plus familières564.
66Pour mettre en évidence le phénomène des mariages sans contrat notarié, il a fallu chercher dans nos archives des actes notariés qui nous permettent, de manière incontestable, de démontrer que des époux étaient mariés sans contrat. Pour ce faire, nous nous sommes attachés à retrouver le régime matrimonial applicable à certains époux en dehors du contrat de mariage. Nous avons dépouillé dans chaque registre, de manière exhaustive pour les années de référence, tous les actes où une femme mariée intervenait. Ensuite, nous avons tenté de déterminer la raison pour laquelle elle pouvait agir. Etait-elle mariée sous une constitution de dot limitée ou était-elle mariée sans contrat ? Ainsi, si l’on veut déterminer de manière indiscutable si des époux provençaux se marient parfois sans faire de contrat et si la présomption de paraphernalité a une portée pratique, il convient de rechercher tous les éléments ou indices qui en dehors du contrat de mariage, nous éclairent sur le régime juridique applicable aux rapports pécuniaires entre époux et aux rapport des gens mariés avec les tiers. Il faut voir ensuite si certains actes peuvent nous apporter la preuve littérale que des époux n’ont pas passé de contrat civil de mariage.
67En pays de droit écrit, l’historiographie rappelle comme un leitmotiv que tout était dans le contrat de mariage dans la mesure où aucune disposition coutumière ne s’appliquait dans le silence des parties. Cependant, l’étude de la vie du droit provençal au xviiie siècle nous amène à revenir sur cette affirmation en la modérant. L’analyse des actes permet de mettre en évidence le fait que certains époux se mariaient sans faire de contrat de mariage et décidaient de rester totalement séparés de biens. Sur ce point les archives notariales ne laissent aucun doute. Lorsqu’une femme mariée passe un acte notarié, l’homme de l’art précise de manière quasi systématique la raison pour laquelle elle peut agir. Deux types formules sont alors utilisées par le notaire.
68Le premier type de formules utilisé par le notaire est dame X « épouse libre dans ses actions » du sieur Y565 ou dame X « épouse libre dans l’exercice de ses actions »566 du sieur Y, ou encore dame X « épouse libre dans l’exercice de ses droits et actions »567 de sieur Y. Le second type de formules utilisé est encore plus précis dame X « épouse libre dans ses actions pour n’y avoir aucun contract civil de mariage » du sieur Y568 et dame X « épouse libre [ de sieur Y ] pour n’y avoir entre elle et lui aucun contrat civil de mariage »569.
69Le second type de formules est tout à fait clair et prouve de manière indiscutable que des époux se sont mariés sans rien décider de leurs rapports pécuniaires. Le premier type de formules, au contraire, peut paraître plus vague. Cependant, à la lecture de l’ensemble des actes de la pratique on s’aperçoit que ces différents types de formules recoupent une seule et même réalité : des époux mariés sans avoir passé de contrat de mariage notarié. Le premier type de formules s’avère être la version abrégée du second type de formules. En effet, lorsqu’une épouse agit sur des biens qui lui propres mais qu’elle a conclu devant notaire un contrat de mariage, ce dernier précise de manière systématique la raison pour laquelle l’épouse peut agir. Clairement les notaires peuvent désigner indifféremment dans des actes distincts la femme mariée comme étant libre dans ses actions puis comme étant libre dans ses actions car elle est mariée sans contrat et revenir dans un troisième acte à la première formule570. Ainsi, une quittance nous apprend que l’avocat au Parlement de Provence Cabassole donne quittance au Roi et aux Etats de Provence en qualité de procureur d’Anne Gody « épouse libre dans ses actions ». La procuration passée devant un notaire d’Oraison, lieu de résidence des époux, est annexée à l’acte et précise que s’est présentée devant le praticien pour donner procuration à l’avocat « Anne Gody épouse du sieur Pierre Chabran maître menuisier du lieu d’Oraison et libre dans l’exercice de ses actions pour n’y avoir entr’eux aucun contrat de mariage »571. De même, Anne Aubert est désignée dans un acte du 23 août 1770 par le notaire Jean-François Allard d’Aix comme « comme une épouse libre dans ses actions de Pierre Eyguesier travailleur du lieu de Meyreuil ». Près de 18 années plus tard, c’est-à-dire le 28 juillet 1788, son confrère aixois François Boyer, plus précis, stipule dans l’acte authentique qu’Anne Aubert est « épouse et libre dans l’exercice de ses droits de Pierre Eyguesier travailleur du lieu de Meyreuil demeurant à Aix pour n’y avoir entr’eux aucun contrat civil de mariage ainsi qu’elle et ledit Eyguesier son mari icy présents l’ont déclaré et attesté »572. Le notaire Millard de Velaux désigne par deux fois une épouse libre dans ses actions « pour n’avoir aucun contract civil de mariage » ou encore « pour n’avoir aucun contract civil de mariage écrit ». Dans un troisième acte passé quelques mois plus tard il désigne l’épouse comme étant « libre dans l’administration de ses droits » sous-entendant ainsi que cette dernière est mariée sans contrat573.
70Les archives notariales provençales apportent la preuve incontestable que dans la deuxième moitié du xviiie siècle des mariages sont célébrés sans convention portant sur les biens. Il arrive parfois que la famille de l’épouse prenne d’ailleurs la peine de déclarer que cette dernière a été mariée sans contrat574. Tous les registres que nous avons consultés contiennent des actes permettant de prouver que des époux se sont mariés sans contrat. C’est ainsi que les notaires dignois précisent, à la même manière que leurs confrères aixois ou marseillais, qu’une épouse X est « libre dans l’exercice des ses actions pour n’avoir avec ledit Y aucun contrat civil de mariage »575. On trouve de même, plus rarement, la formule « épouse libre dans ses actions » dans les registres des notaires de Digne576. La démonstration qui consiste à affirmer que les deux formules notariales recouvrent une même réalité juridique se trouve d’ailleurs corroborée par le fait que le notaire peut dans le titre qu’il donne en-tête de son acte employer la formule « épouse libre de X » et dans le contenu de l’acte préciser qu’elle est une « épouse libre dans ses actions pour n’y avoir aucun contrat civil de mariage de X »577.
71Cette habitude des mariages sans contrat a peu intéressé les historiens du droit des pays de droit écrit car, à l’évidence, Lyon578, Toulouse579 et Montpellier580 par exemple ne présentent pas les mêmes particularités que la Provence. Il convient cependant d’émettre des réserves sur la situation de Grenoble qui mériterait une recherche approfondie en ce sens, pour savoir si les indices donnés par Marielle Romier ne traduisent pas en réalité une pratique fréquente des mariages sans contrat comparable à celle constatée en Provence581. La formule utilisée par les notaires grenoblois est, en effet, très proche de celle de leurs confrères provençaux « il nintervint entreux, aucun contrat de mariage »582. Toutefois, le phénomène des mariages sans contrat notarié semble tout de même être un particularisme provençal583.
72Les catégories sociales qui se marient sans faire de contrat civil sont toutes représentées. À Aix et dans la campagne aixoise, la profession du mari ne semble pas déterminante dans le choix que font les époux et leur famille respective de ne pas faire de contrat de mariage. Toutes les catégories socioprofessionnelles sont présentes : travailleurs, ménagers, commerçants, négociants, artisans, bourgeois, nobles. À Digne, en revanche, nous ne trouvons que des ménagers, artisans et commerçants alors qu’à Marseille nous ne trouvons que des négociants, des commerçants, et des artisans584 à l’exception d’un mari qui n’a pas reçu de dot de son épouse et qui est « avocat du Roy au bureau des finances de cette généralité »585 et d’un mari « gendarme en la garde du Roi »586.
73Les couples où le mari est commerçant, négociant et artisan sont ceux où l’on retrouve le plus souvent la mention d’un mariage sans contrat alors que les pourcentages les moins élevés de mariages sans contrat par rapport au nombre de mariages célébrés se retrouve chez les commerçants et les professions libérales587.
74Cette contrariété des chiffres n’est en réalité qu’une contrariété apparente. En effet, le but économique poursuivi par les époux et leur famille exposés à des risques financiers est de protéger les biens de la femme mariée. Il est donc nécessaire de clairement établir devant le notaire que le mari n’a rien à prétendre sur les biens ou sur les sommes d’argent qui rentrent ou qui sortent du patrimoine de l’épouse dans la mesure où celui-ci, ayant une profession à risques, ses créanciers pourraient tenter de se payer sur ces sommes. La séparation totale des patrimoines est une meilleure garantie que le régime dotal, surtout si la dot est constituée en argent ou en biens meubles. La présomption de paraphernalité joue alors à plein et la femme conserve son patrimoine sans que le mari et ses éventuels créanciers n’y puissent rien prétendre. D’un autre côté, les commerçants plus que les autres professions passent des actes à caractère financier. Une analyse critique de nos sources pousse à constater qu’il est normal que les commerçants, négociants et même les artisans soient le plus représentés dans les actes portant la mention qu’il n’y a pas de contrat de mariage entre les époux car ce sont ceux qui sont amenés à passer le plus d’actes de part leur activité et qui doivent s’assurer d’une grande sécurité juridique. Parallèlement, il est logique qu’en dépit des inconvénients que représente le régime dotal pour les activités de commerce - en particulier l’inaliénabilité de la dot -la famille de l’épouse protège par un contrat de mariage les biens apportés à un mari commerçant. Deux solutions juridiques différentes sont privilégiées par les commerçants, pour atteindre un même but économique. En faisant un contrat de mariage, le capital dotal bénéficie de toutes les garanties de restitution, même si une dot constituée en biens meubles et en espèces est exposée. A contrario, l’absence de contrat de mariage permet une séparation totale des biens entre époux et donc un meilleur contrôle de l’épouse ou de sa famille sur ses propres. Mais, la séparation de biens expose la femme aux sollicitations de son mari qui dans des périodes difficiles pourrait avoir besoin du crédit de son épouse. On peut faire la même remarque pour toutes les catégories qui sont susceptibles de posséder des biens ayant une certaine valeur. Par conséquent, il est logique que les commerçants, mariés sans contrat, soient la catégorie sociale la plus représentée si l’on considère le nombre d’actes passés mais aussi celle qui passe le plus souvent un contrat de mariage dans la mesure où le régime dotal fait bénéficier les biens de l’épouse des garanties de restitution inhérentes au régime dotal.
75La situation est différente concernant les travailleurs journaliers les plus pauvres. En l’espèce, le but économique recherché est sans doute celui d’éviter les frais d’un contrat de mariage. De plus, le peu de biens détenus par l’épouse au moment du mariage peut parfois déterminer les époux à ne pas faire de contrat de mariage. Il est probable que dans cette catégorie socioprofessionnelle, malgré l’absence de contrat de mariage, un trousseau a tout de même été apporté en dot au mari pour l’aider à soutenir les charges du mariage.
76De leur côté, les avocats et des arrêtistes provençaux d’Ancien Régime précisent également avec une extrême minutie la raison pour laquelle l’épouse peut ou a pu agir sur ses biens propres. L’avocat Scipion Dupérier dans Les nouvelles questions notables de droit rapporte un mariage de février 1624 qui « fut fait et solennisé dans l’Eglise Cathédrale de Marseille publiquement [mais] il n’en fut fait aucun acte, ni par conséquent aucune constitution de dot expresse et par écrit »588. De même, l’arrêtiste Balthazar Debézieux rapporte un arrêt du Parlement de Provence du 21 juin 1701 où une femme a épousé un vitrier de Marseille « sans avoir fait de contract civil »589. Lejourdan emploie d’ailleurs la formule « libre dans ses actions » dans un plaidoyer pour désigner un mariage qui n’avait été ni précédé ni suivi d’un contrat civil de mariage590. Gassier fait de même précisant qu’une épouse « n’ayant jamais contracté que comme une femme libre dans ses actions » prouve qu’il n’a pas été conclu entre elle et son mari de contrat de mariage notarié591. Dès lors, une femme mariée sans contrat « demeurera donc libre dans ses actions ; c’est aussi sous la qualité de femme libre dans ses actions, qu’elle a contracté pendant sa vie »592. Julien dans les Elemens de jurisprudence en parle avant même de décrire le fonctionnement du régime dotal593.
77Nous pourrions ainsi multiplier les exemples car les juristes provençaux connaissent bien la situation des époux mariés sans qu’il y ait entre eux de contrat de mariage et ils manient avec beaucoup d’habileté de telles situations594. La possibilité de se marier sans contrat de mariage et sans qu’aucune dot ne soit constituée à l’épouse figure d’ailleurs dans les Maximes du palais : « Le mariage peut être contracté sans qu’il y ait de contrat de mariage, et sans que la femme se constitue une dot »595. Bonnemant ajoute à cette maxime : « La dot ne peut exister sans le mariage, puisqu’elle n’est censée donnée qu’à cette condition ; mais le mariage n’a pas besoin d’être suivi ou précédé de contrat entre les parties, pour être valable »596. Decormis exprimait d’ailleurs quelques années auparavant le même avis : « La femme ne peut être contrainte à se faire une dot parce que le mari se doit imputer de l’avoir épousée sans dot, laquelle n’est pas de l’essence du mariage, qui peut être et subsister sans dot »597. « À moins que la grande équité ne l’emporte sur la rigueur des principes », pour l’avocat Bonnemant l’avis de son confrère est le bon. Conformément au « sentiment de plusieurs auteurs », le jurisconsulte soutient que « la femme ne peut être contrainte de se faire une dot » car « son mari se doit reprocher de l’avoir épousée indotatam »598. Bonnemant précise encore : « le mariage n’a pas besoin d’être suivi ou précédé de contrat entre les parties pour être valable »599. Gassier et Pazery rapportent dans une consultation commune une espèce dans laquelle le sieur Bourrelly s’est marié avec la dame Mouraille et le mari se plaint « que sa femme n’a point de dot »600.
78Le phénomène des mariages sans contrat civil notarié est d’ailleurs expressément mentionné dans les actes de notoriété des avocats au Parlement de Provence qui ont une valeur juridique comparable aux coutumes prouvées par l’enquête par turbe. L’acte de notoriété manuscrit CLXX du 4 mai 1696, expédié à Paris le 9 septembre 1767, parle de « la femme qui n’a point de contrat de mariage »601. Dans la version imprimée et commentée des actes de notoriété, donnés par les avocats et les procureurs généraux au Parlement de Provence, celui du 7 mai 1726 contient exactement la même formule602.
79L’opinion de Portalis lors des travaux préparatoires du Code civil qui, obscure pour certains603 est apparue erronée pour d’autres604, prend ainsi toute sa dimension à la lumière des archives notariales et écrits d’avocats provençaux d’Ancien Régime. Au cours de la séance du 6 vendémiaire an XII (29 septembre 1803), Berlier donne lecture du Titre X et place la discussion sur le terrain du régime matrimonial légal. Il convient de savoir, selon ses mots, si « la communauté sera ou non de droit commun quand il n’y a aura point de stipulation contraire »605. Portalis, qui combat la proposition d’instauration d’un régime légal de communauté606, avoue sans réserve que « dans la plupart des pays de droit écrit, les habitans des campagnes se marient sans contrat. Il est d’ailleurs des circonstances où il peut répugner à l’amour propre de faire un contrat pour dire qu’on ne veut pas de contrat. Ces obstacles empêcheront plusieurs mariages ; et cependant l’intérêt de l’Etat est qu’ils se multiplient »607. Pour Portalis, le législateur doit laisser aux époux la liberté de faire ou de ne pas faire de contrat. Et l’avocat de conclure : « Pourquoi priver de cette liberté les habitans des pays qui en ont contracté l’habitude ? »608. Portalis rattache essentiellement l’habitude de se marier sans contrat à la volonté d’éviter des frais importants. Il fait incontestablement référence aux pays de droit écrit et plus particulièrement à la Provence dont il connaît le droit et les usages. Il avance deux autres arguments pour soutenir sa démonstration. D’une part, les problèmes entraînés par la redistribution des biens au moment de la dissolution du mariage, d’autant que le divorce a été introduit dans le projet de Code civil. D’autre part, l’instauration de la communauté de biens entre époux en l’absence de contrat de mariage s’oppose, de manière radicale, au droit en vigueur en pays de droit écrit, à savoir la présomption de paraphernalité des biens de l’épouse. En effet, cette présomption de communauté de biens dans le silence des époux « aurait de plus le désavantage de transmettre à la femme la moitié des fruits dus aux labeurs du mari, et d’en faire ainsi le prix des chagrins que celle qui les recueille a donnés à celui qui les a acquis »609. Portalis trouve ainsi l’angle d’attaque susceptible de faire douter les rédacteurs partisans de la communauté. En effet, il montre que cette mesure est défavorable au mari alors que le droit d’Ancien Régime justifiait les rigueurs de l’application du régime matrimonial de séparation de biens par la protection de l’épouse. À l’appui de son raisonnement Portalis teinte ses propos d’une idée susceptible de toucher les co-rédacteurs du Code civil : la liberté. En effet, ce dernier précise que les parties auront la faculté d’exclure le régime de droit commun, à savoir la communauté, en concluant un contrat de mariage. En matière de mariage la liberté est avant tout « celle de stipuler ou de ne pas stipuler » car « rien n’oblige à établir un droit commun qui donne aux époux un contrat de mariage lorsqu’ils n’en ont pas voulu »610. Portalis ne sera pas suivi sur ce point.
80Les propos de Portalis se trouvent corroborés par ceux de son confrère Siméon lors d’un discours prononcé devant le corps législatif à la séance du 20 pluviôse An XII, le 10 février 1804 : « Les conventions matrimoniales ne sont dans le mariage qu’un accessoire dont il peut se passer »611. Il ajoute ensuite reprenant les propos de Portalis : « et souvent dans les campagnes on se marie sans contrat »612. Bernard Beignier dans une publication récente, reprenant ce passage des débats du Code civil, rappelait que Portalis, suite à la l’âpre diatribe du Tribunal d’appel de Montpellier relativement à l’instauration de la communauté comme régime de droit commun, a été le seul à soutenir entre les deux pôles de la nation, non pas un, mais deux régimes de droit commun613. C’était en réalité le droit qu’il connaissait et qu’il avait vu pratiquer.
81Il est toutefois difficile de chiffrer la part exacte des époux provençaux qui se marient sans faire de contrat. Du nombre de contrats passés chez les notaires, on ne peut pas déduire la proportion des mariages sans contrat. Sans le secours des registres de mariage, la représentativité des contrats est difficile à établir. Même s’il conviendrait de comparer, en chaque lieu, le nombre de mariages célébrés avec le nombre des contrats de mariage retrouvés dans les registres de minutes notariales614 pour le même lieu et à la même époque, ces résultats devraient être pondérés en tenant compte du fait qu’en Provence un contrat de mariage peut être établi après la célébration du mariage615, que certains contrats de mariage ne sont pas passés dans la forme authentique mais sous-seing privé616, sans oublier la possible mobilité des époux617. Dans une ville comme Marseille, il arrive fréquemment qu’au moins un des deux époux ne soit pas originaire de la ville. Le cas est également fréquent à Aix. Parfois, il peut arriver que le contrat civil de mariage ait été conclu en dehors de la ville où il a été célébré et plusieurs années après. Nous en trouvons un exemple marquant dans un formulaire manuscrit à l’usage d’un notaire provençal. Jean Authemant marchand facturier passe un contrat de mariage devant un notaire d’Eygalières avec Marie Brun fille d’un bourgeois de Marseille le 11 avril 1722 alors que le mariage « par l’entremise de leurs bons parents et amis a été accomply et consumé depuis environ trois ans en face de notre Sainte-Mère Eglise catholique apostolique et romaine dans laditte ville de Marseille »618. Le simple comptage ne suffirait pas. Il conviendrait non pas simplement de comparer le nombre de mariages retrouvés dans les registres paroissiaux et le nombre de contrats de mariage retrouvés dans les minutes notariales dans un lieu donné et pour une période de référence. Il faudrait, de plus, pour chaque mariage, comparer le nom des parties et les dates de la célébration religieuse et de la conclusion du contrat civil pour être sûr que des personnes mariées dans un lieu n’ont pas passé un contrat de mariage dans un autre lieu ou encore postérieurement au mariage619.
82Nous avons tenté d’illustrer, quantitativement, l’existence de mariages sans contrat notariés en prenant deux exemples où le risque d’erreur est faible. D’une part, nous avons comparé le nombre de mariages célébrés à Eguilles avec le nombre de contrats de mariage contenus dans les minutes du notaire du lieu en prenant la peine de comparer également le nom des parties et la date du mariage620. Le résultat est surprenant : entre 1788 et 1789 seulement 25 % des époux ont fait un contrat de mariage notarié. Pour le même type d’enquête à Vauvenargues, nous relevons que 75 % des époux ont conclu un contrat de mariage. Ces constats chiffrés et partiels corroborent les conclusions tirées des formules utilisées par les notaires provençaux. On peut noter en ce sens que pour les années 1788-1789, on retrouve dans les minutes du notaire Charles Simon de Digne 14 épouses agissant sur des biens paraphernaux et au moins 7 d’entre elles le font car elles ne sont pas liées à leur mari par un contrat de mariage. Dans le même registre, on ne trouve qu’un seul contrat de mariage. Le fait est incontestable : dans des proportions plus ou moins importantes des personnes se marient en Provence sans rien décider contractuellement du sort de leurs biens respectifs et de ceux acquis durant le mariage. Les juristes provençaux, notaires, avocats et magistrats sont clairs dans leurs formules - ils utilisent d’ailleurs les mêmes - et semblent accoutumés à ce fait au xviiie siècle.
83Une première recherche effectuée pour 1770 à Aix indique que le pourcentage des contrats de mariage par rapport au nombre de mariages célébrés est bien plus faible que dans les autres pays de droit écrit. En effet, sur 227 mariages célébrés seuls 140 ont été précédés d’un contrat de mariage notarié. Sur ces 140 contrats 39 concernent des époux qui se sont mariés en dehors d’Aix. Ainsi seuls 44,49 % des gens mariés ont fait un contrat de mariage notarié en 1770 à Aix621. Nicole Arnaud-Duc nous apporte d’ailleurs des éléments éclairants sur le phénomène. Ainsi, pour l’année de référence 1785, sur 414 mariages célébrés à Aix seuls 190 d’entre eux ont été accompagnés d’un contrat de mariage. Ainsi, à Aix en 1785, 64,11 % des mariages se font sans contrat civil. Là encore les résultats chiffrés sont surprenants mais correspondent à l’impression qui se dégage du dépouillement des minutes des notaires aixois où l’on rencontre fréquemment des femmes qui agissent seules car elles ne sont pas liées à leur mari par un contrat civil de mariage. Les chiffres connus pour l’année 1770 sont d’ailleurs comparables à ceux avancés pour l’année 1785. Le pourcentage des mariages sans contrat est à Aix excessivement élevé d’autant que pour l’année 1785, Nicole Arnaud-Duc suppose l’existence de 20 contrats de mariage sous signature privée et 10 mariages où la mariée aurait été dotée par l’hôpital Saint-Jacques d’Aix car elle en était pupille. Pour les contrats sous seing-privé, il est délicat de donner des statistiques sûres car par définition ils échappent aux sources que nous possédons. En réalité, seuls 160 contrats de mariage authentiques ont été retrouvés sur 414 mariages dénombrés en 1785 à Aix ce qui ramène le pourcentage à 38,64 % des époux mariés sous contrat. D’ailleurs, aucune partie de la Provence occidentale n’échappe au phénomène. Pour ce qui concerne Salon 25,85 % des époux se marient sans contrat en 1785, alors que ce chiffre s’élève à 40,9 % à Gardanne et 46,75 % à Martigues pour la même année622. Des sondages effectués à Allauch chaque décennie de 1690 à 1790 et portant sur deux années révèlent que 75,6 % des mariages étaient précédés d’un contrat notarié623.
84Incontestablement, la pratique du mariage sans contrat civil notarié n’est pas un phénomène rare. De plus, il n’est pas nouveau, en Provence à la veille de la Révolution même s’il n’a fait que s’accentuer624. Enfin, il n’est pas particulier à un lieu : Aix, Marseille625, et Digne626, et dans des proportions moins importantes dans tous les registres de minutes contiennent la preuve de mariages sans contrat627.
85Le phénomène est plutôt localisé dans les pôles urbains et dans leur périphérie que dans les zones rurales. Cette découverte des mariages sans contrat met le chercheur dans la position inconfortable décrite il y a quelques années par le professeur Hilaire. En effet, « les historiens du droit privé actuellement sont en proie à des sentiments partagés, entre la satisfaction d’apporter de nouvelles révélations et la difficulté de plus en plus évidente à raccrocher leurs découvertes au schéma général sur lequel se fonde encore notre historiographie »628. Quelles conclusions tirer de ces habitudes provençales sans faire d’erreur d’interprétation dans la mesure où la Provence se distingue sensiblement de la pratique des autres pays de droit écrit où le contrat de mariage notarié règne en maître ?
86D’abord, un premier constat s’impose. Les différentes formules utilisées par les notaires provençaux traduisent un souci manifeste de rendre public à l’égard de la famille des époux et à l’égard des tiers le fait que les biens qui entrent ou qui sortent du patrimoine de l’épouse durant le mariage lui sont propres, qu’ils ne sont pas dotaux et qu’ils échappent donc juridiquement à toute intervention du mari. On voit bien là, le souci de conserver les intérêts du lignage car, le plus souvent, il s’agit de biens qui sont recueillis pendant le mariage suite à l’ouverture d’une succession. Les époux qui se marient sans faire de contrat ont, d’après les formules utilisées par les notaires, une véritable volonté de rester séparés de biens. Loin d’être uniquement une pure négligence ou un simple manque de ressources ne permettant pas de payer les frais notariés et les droits royaux, l’absence de contrat de mariage s’inscrit, pour certains, dans une véritable stratégie familiale et dans la recherche de buts économiques précis qui consistent à ne confier aucun bien de la femme au mari. En effet, si seuls les gens les plus pauvres ne faisaient pas de contrat de mariage nous n’en retrouverions pas la trace dans les registres de minutes provençaux. Si l’on voit des épouses mariées sans contrat passer des actes devant les notaires c’est qu’elles ont du bien. De même, si le but recherché par les époux et leur famille n’était pas la séparation de biens pure et simple au moment d’établir le régime matrimonial, les notaires qui agissent dans l’intérêt de leurs clients et qui sont chargés de traduire dans la langue du droit les volontés de ces derniers, ne prendraient pas la peine de rappeler systématiquement les raisons qui font qu’une femme, bien que mariée, agit librement sur ses biens.
87Ensuite, cette découverte amène une autre remarque. Les époux qui se marient sans contrat connaissent dans la plupart des cas le fait qu’ils seront séparés de biens en vertu de la règle de la présomption de paraphernalité applicable dans le silence des époux car, dans leur famille, leurs ascendants ou leurs collatéraux plus âgés se sont, pour certains, mariés sans contrat629. Ainsi, le notaire marseillais de Bécary, nous apprend que Marie Bourriquet est « épouse libre en ses actions de Joseph Julien portefaix de cette ville [Marseille] et Elizabeth Julien leur fille épouse aussi libre dans ses actions de Joseph Légier »630. Il nous est également arrivé de trouver deux sœurs mariées sans contrat631.
88Enfin, la troisième conclusion que nous pouvons tirer de l’usage mis en lumière est que le contrat de mariage n’occupe plus à la fin du xviiie siècle la place qu’il occupait auparavant. Il n’est plus utile pour apporter la preuve de l’union de deux personnes. Par un jeu de miroir, le nombre non négligeable de mariages sans contrat tend à prouver une meilleure tenue des registres paroissiaux. En effet, le mariage est valable dès l’instant où il a été célébré à l’Eglise et que les formalités prescrites par les ordonnances royales ont été respectées632. D’ailleurs, Ferrière prend la peine de préciser dans son Dictionnaire de droit et de pratique à l’entrée mariage clandestin que « l’inégalité des conditions et le défaut de contrat de mariage, ne rendent pas clandestin un mariage célébré entre majeurs en plein jour par leur Curé et suivi d’une cohabitation publique »633. Une meilleure tenue des registres paroissiaux permet aux époux de prouver leur mariage sans avoir besoin de faire un contrat notarié. Certains actes de la pratique démontrent qu’il est possible de prouver son mariage sans avoir besoin de contrat notarié. Des maris obtiennent les sommes allouées à leur femme « pauvre » en donnant simplement un extrait des registres paroissiaux634. Le pouvoir royal a transformé les registres paroissiaux en véritables registres d’état civil. La tenue réglementée et effectivement appliquée des registres paroissiaux marque la naissance de l’état civil635. La plupart du temps lorsqu’un mariage est conclu après la célébration du mariage les époux rapportent sans mal la preuve de la date de leur mariage636. Ainsi, « le mariage se prouve par des registres publics, et non par témoins, afin que la vérité du mariage, qui est le fondement des familles et la partie la plus essentielle du droit public, ne dépende pas de la foi douteuse et suspecte des témoins, et qu’il ne soit pas à la liberté des particuliers d’être mariés, ou de ne l’être pas, selon qu’il leur plairoit de faire parler des témoins séduits par l’attrait de l’amitié ou celui de l’intérêt »637. Le contrat de mariage n’est plus à la fin du xviiie siècle en Provence un moyen juridique, ni social de preuve du mariage. Les registres paroissiaux permettent avec une certaine sécurité de juridique de faire la preuve de son état civil sans qu’il soit nécessaire de prendre d’autres précautions. Les familles provençales peuvent donc puiser dans le corpus de règles applicables dans le silence des époux, les moyens juridiques de mettre en place une véritable séparation de biens, sans qu’aucune dot ne soit constituée.
89La liberté des conventions matrimoniales, pierre d’angle de notre matière, se présente comme étant celle de conclure ou de ne pas conclure de contrat de mariage avant d’être la liberté des conventions entre les parties. Si les époux choisissent de ne pas faire de contrat, c’est que le régime auquel ils seront soumis est parfaitement connu et établi. Il présente une sécurité juridique incontestable. Par des mécanismes mis en place, l’absence d’un régime contenu dans un texte normatif a été compensée par les pratiques judiciaire et notariale qui ont façonné un régime de fait ayant les mêmes effets qu’un régime légal.
B. Les possibles contributions de l’épouse aux charges du mariage en l’absence de contrat
90La séparation stricte des biens des époux amène plusieurs questions. Quelles sont les règles applicables aux dépenses du ménage ? Le droit les ignore-t’-elles ? Comment les époux se comportent-ils dans leur vie quotidienne et concernant les dépenses courantes ? Existe-t-il des dispositions qui s’appliquent dans le silence des parties ? La vie en commun des époux rend sans doute difficile la stricte application de la séparation de biens. En pratique, comment maintenir la cloison étanche dressée entre les deux patrimoines ?
91Il est de principe que « C’est le mari qui doit pourvoir à la subsistance de la famille »638. Il doit garantir un minimum de revenus pour faire face aux besoins du ménage qu’il s’agisse d’acheter le pain chez les plus pauvres ou encore de fournir le nécessaire chez les plus riches pour que chaque membre de la famille puisse tenir son rang639. L’idée est commune à tous les milieux sociaux. Celui qui ne remplit pas ce rôle encourt la réprobation sociale640. La femme, de son côté, doit à son ménage l’accomplissement des tâches domestiques. L’arrêtiste Janety pose un principe fondé « en droit comme en raison » selon lequel « la femme dans les conditions où l’aisance ne fait pas de l’oisiveté un honneur, un principe d’état ; elle doit à son mari, à son ménage, ses soins, son travail »641. D’un autre côté, si le mari l’estime nécessaire, l’épouse peut avoir un emploi pour aider le ménage à assumer ses charges financières642. En ce sens, « la femme est tenue de travailler pour le mari auquel elle acquiert tout ce qu’elle gagne par son travail et son industrie »643 affirment les Maximes du Palais. Mais la femme ne doit que opera reverentiales et non industriales et fabriles644. Cependant, si une femme est d’une condition sociale au-dessus de la roture, elle n’a pas à apporter les fruits, par elle gagnés, à son mari645. Pour la femme d’une condition roturière son travail est réputé faire partie de la dot646. Gassier reconnaît dans le même sens qu’ « on ne peut pas douter […] que la femme ne doive travailler pour le profit de son mary rien n’est plus frivole et plus déplacé dans l’usage quand il s’agit des personnes du peuple que la distinction sur laquelle les Docteurs s’agitent entre les œuvres révérencielles et les serviles. La femme doit ses œuvres à son mary en conformité de son état […]. Ainsi, les gens de travail et les artisans, même les marchands occupent tous les jours leurs femmes soit à leur travail, soit à leur commerce et il n’a jamais été dit ni pu l’être avec succès en Provence que le produit de ce travail appartenoit à la femme. On pense au contraire que c’est au mari chef de la famille à qui ce produit doit appartenir, tout comme le travail de l’enfant dans l’état de son père appartient indubitablement à ce dernier »647. Finalement il apparaît que : « l’ordre de la justice et de l’Equité exigent que chacun des conjoints fournissent proportionnellement à son état et à ses forces de quoy supporter les charges du mariage »648.
92De plus, même s’il arrive que des époux se marient sans faire de contrat notarié. Il est probable que, quelquefois, l’épouse apporte un trousseau et quelques biens pour aider le mari à supporter les charges du mariage, notamment dans les milieux les plus modestes. Dans une consultation commune des avocats Gassier, Pascal649 et Pascalis cette idée est exprimée d’une manière tout à fait claire. Ces derniers constatent que : « le mariage il est vray peut exister sans dot, et celuy des parties en est un exemple ; mais il est bien vray de dire que ces exemples sont rares ; il est peu de mariages dans lesquels la femme ne mette de son chef comme membre de la société une partie de ce qu’il faut pour en supporter les charges. La dame de Tremouil se seroit sans doute constituée une dot ou on la lui auroit constituée »650. Mais bien entendu le quotidien des époux nous échappe et il est très difficile de savoir qu’elle est la contribution pécuniaire exacte aux besoins du ménage d’une épouse mariée sans contrat651.
93Parfois, les archives notariales apportent la preuve que des maris ont reçu, sans que soit passé un acte écrit, le trousseau de leur épouse. Il se peut que le notaire, mais cela est malheureusement rare, fasse des confidences. En ce sens, le 17 avril 1788 un praticien aixois mentionne le fait qu’Ignace Herner commerçant originaire d’Alsace et vivant depuis de nombreuses années à Aix « pour éviter des contestations qui pourroient survenir en cas de prédécès de saditte épouse », Anne Marie Isnard, a déclaré « avoir reçu d’icelle présente, stipulante libre dans ses actions d’iceluy pour n’avoir été passé entreux aucun contract civil de mariage ainsi qu’ils nous l’ont déclaré tous les meubles effets et marchandises qui lui appartenoit et qui se trouvoient dans les appartements qu’occupe saditte épouse […] lesquels effets pouvoient être de la valeur de 48 livres »652. C’est dans un même souci de rendre à chacun le sien à la dissolution du mariage que Barthélémy Rouard déclare dans son testament que son épouse pourra prétendre sur son héritage à la somme de 300 livres « que ledit testateur déclare lui être dû du montant de la dot attendu qu’il n’a aucun contrat civil de mariage avec ladite Rose Rouard sa femme et qu’ils seront payés à ladite Rose Rouard par son héritier général »653. Il peut même arriver qu’un contrat civil de mariage conclu après la célébration indique que le jour de la célébration du mariage la future mariée a reçu un trousseau mais qu’elle entend pour le reste de ses biens rester libre dans ses actions654. À certains égards, quelques actes périgourdins à la veille de la Révolution paraissaient présenter des similitudes avec les actes provençaux655.
94La jurisprudence a œuvré en ce sens dans un arrêt rendu par la Chambre des tournelles le 15 juin 1671. La question qui s’est posée à la Cour souveraine était la suivante : une épouse, à la dissolution de son mariage, peut-elle demander aux héritiers de son mari le paiement du prix de ses « coffres, bagues et joyaux » même si aucun trousseau ne lui a été reconnu par ce dernier dans un contrat de mariage ? La présomption étant qu’« une femme ne vient pas toute nuë dans la maison du mary », la Cour a décidé, dans l’arrêt précité, que les héritiers du mari doivent rendre à la veuve le prix de son trousseau « à connoissance d’expert » et la valeur supposée de ce trousseau sera déterminée selon la qualité des parties656. Cette règle figure parmi les Maximes du Palais de Provence657. L’avocat Bonnemant ajoute à l’instar de ses confrères provençaux : « Cette maxime est fondée sur cette présomption légitime qui est telle, qu’il n’est pas à supposer qu’une femme entre dans la maison de son mari, sans y apporter de hardes »658. Ainsi lorsqu’il n’y pas de contrat - ou lorsque le contrat n’indique pas l’existence d’un trousseau659 - on attribue, à la dissolution du mariage, une valeur à l’épouse pour les habits, linges, bagues et joyaux suivant la qualité des parties – ou suivant la valeur de la dot s’il en a été constitué une660.
95De plus, certains actes rares portent la mention qu’il n’existe entre le mari et la femme aucun contrat de mariage écrit laissant ainsi supposer qu’il existe peut être entre les époux une convention verbale661.
96Si l’application effective de la présomption de paraphernalité des biens de l’épouse dans le silence des parties se mesure à travers la preuve de l’existence de mariage sans contrat, elle apparaît également dans le contrat que les juristes de l’ancien droit appellent dotalité « particulière ». En effet, dans ces contrats une dot déterminée est apportée au mari et rien n’est décidé du sort des autres biens de l’épouse.
§ 2. Le cas de silence partiel des époux : la dotalité « particulière »
97Comme nous l’avons vu concernant les mariages sans contrat, les notaires provençaux manient avec une certaine aisance la présomption de paraphernalité des biens de l’épouse. Il en va de même lorsque les époux ont fait un contrat de mariage. En effet, on peut lire dans un formulaire manuscrit du xviiie siècle : « Lorsque c’est une constitution particulière la femme est libre et peut agir sans autorisation ny consentement de son mary seulement pour ce quy ne regarde point la doct qu’elle s’est constituée »662. De même dans un formulaire manuscrit à l’usage de plusieurs notaires du xviiie siècle il est précisé qu’« une constitution n’est pas généralle lorsqu’elle ne contient que la constitution de tous les biens décrits et que les biens qui surviennent après à une femme sont aventifs ou paraphernaux »663.
98Les praticiens retranscrivent dans leurs minutes la situation juridique de l’épouse en précisant qu’elle est « libre dans ses actions pour n’y avoir entre elle et son mari aucun contrat civil de mariage » ou « libre dans ses actions ». Il en va de même lorsque l’épouse - ou un membre de sa famille - a apporté dans le contrat de mariage une dot déterminée et évaluée et que rien n’a été décidé concernant le reste des biens de l’épouse664. Le notaire utilise la formule suivante : la dame X « épouse libre dans l’exercice de ses actions » du sieur Y « ladite X n’étant mariée que sous une constitution particulière avec ledit Y suivant leur contrat de mariage du » et le notaire indique le plus souvent la date du contrat de mariage665. D’ailleurs, quand un contrat de mariage est passé devant un notaire et que ce contrat ne comprend qu’une dot dont le montant est déterminé et que rien n’est mentionné sur le restant des propres de l’épouse, à savoir ceux qu’elle possède déjà au moment de la célébration du mariage ou ceux qu’elle est susceptible d’acquérir pendant la durée du mariage, ces biens sont paraphernaux et restent libres entre les mains de la femme mariée en vertu de la présomption de paraphernalité.
99Les notaires provençaux font ici, encore une fois, preuve de la même rigueur que lorsque les époux sont mariés sans contrat. Ils donnent la raison pour laquelle la femme peut agir666. Ainsi le 11 août 1787, Gabriel Pradal menuisier de Marseille épouse Anne Pialoux. Cette dernière se constitue en dot 1000 livres et le contrat ne mentionne pas le sort réservé au reste des ses biens667. Le 14 février 1789 et le 28 mars de la même année, Anne Pialoux fait une procuration en blanc au sujet d’un procès que son frère a engagé contre elle concernant la succession de leur mère. Le notaire précise que Marianne Pialoux a la qualité d’« épouse libre quant à ce de Gabriel Pradal menuisier de cette ville pour être mariée sous une constitution de dot particulière suivant leur contrat de mariage reçu par nous notaire le 11 août 1787 »668.
100En Provence, tout ce qui est constitué à la femme dans le contrat de mariage est considéré comme dotal contrairement à la jurisprudence du Parlement de Toulouse669669, à moins que certains biens ne soient expressément réservés comme étant paraphernaux. Le droit applicable dans le ressort du Parlement de Toulouse et dans celui du Parlement de Provence se rejoignent cependant sur un point : le mari n’a aucun droit sur les biens qui n’ont pas été constitués en dot dans le contrat de mariage et ce en vertu de la présomption de paraphernalité qui détermine le statut des biens de l’épouse en cas de silence partiel. Pour Gassier, la constitution des droits indéfinis, c’est-à-dire une constitution de dot qui porte sur tous les droits de l’épouse, ne comprend que les biens présents et ne peut pas englober les biens à venir sans stipulation expresse670. Cet avis est d’ailleurs conforme à la jurisprudence du Parlement de Toulouse671.
101Dans les registres des notaires provençaux, on ne trouve presque jamais de contrats où l’épouse se réserve expressément des paraphernaux, même si un formulaire manuscrit à l’usage de praticiens donne un exemple de « Contrat de mariage par lequel ladite demoiselle Brun n’a pas voulu se faire une constitution généralle se réservant tous les autres biens adventifs afin de pouvoir les vendre ou en disposer »672. Decormis dans ses célèbres consultations mentionne tout de même l’existence d’un contrat de mariage étrange par lequel la future épouse s’est réservée tous ses biens paraphernaux sans qu’aucune dot n’ait été établie. En l’espèce, l’épouse est une femme riche qui épouse un homme pauvre. L’avocat conclut que le mari en acceptant le contrat a donné un consentement exprès et doit pourvoir à l’entretien de son épouse sans rien lui demander. Decormis précise : « tellement qu’il n’y a que la considération de l’équité qui puisse faire réussir cette affaire, le mari faisant voir l’importance des revenus de sa femme et la modicité des siens de quoi en effet il protesta par la déclaration publique peu de mois après son mariage »673 et il ajoute « et l’autorité souveraine d’un Parlement pourroit bien se dispenser de faire contribuer par cette femme une pension raisonnabe pour son entretien vu qu’autrement le mariage durant et le mari épuisant ses revenus et voyant diminuer son fonds, il seroit indispensablement à nourrir par la femme, par la raison de l’affection conjugale et de l’honneur du mariage, qui veut que le mari n’ayant plus de bien soit nourri honnêtement avec sa famille par la femme aussi bien que la femme par le mari ; ce devoir étant réciproque entr’eux : et non seulement lorsque la femme répète ses biens dotaux […] mais aussi lorsqu’elle a d’autres biens et que le mari n’en a pas pour son honnête entretien. De sorte que, pour éviter un inconvénient qui retomberoit en définitive sur la femme, la Jutice pourroit par équité le prévenir, en ordonnant dès à présent la contribution par la femme pour son entretien et des domestiques la concernant »674.
102Plus fréquents sont les contrats dans lesquels une épouse - ou un membre de sa famille pour elle - s’est constituée une dot bien déterminée dans le contrat sans dire un seul mot du reste de ses biens675. Cette habitude des praticiens traduit bien la connaissance qu’ils ont du droit applicable aux régimes matrimoniaux. En effet, dans l’ensemble des minutes notariales consultées il est très clair que les clauses utilisées dans le contrat de mariage ont un but bien précis. Chaque notaire connaît l’ensemble des règles applicables dans le silence des époux, car pas un seul d’entre eux ne fait de différence entre un contrat où la dotalité ne porte que sur un bien ou une somme déterminée, et que rien n’est stipulé concernant le sort des autres biens de l’épouse, et les quelques rares contrats où est mentionnée de manière expresse une clause réservant certains biens extra-dotaux à l’épouse. Lorsque l’épouse ne veut se constituer en dot qu’une partie de ses biens, le notaire garde le silence sur le sort de ses autres biens sachant qu’ils lui resteront paraphernaux. En revanche, lorsque l’épouse veut se constituer en dot tous ses biens, le notaire va insérer dans le contrat une clause spéciale et dans tous les registres nous retrouvons des contrats comportant une clause de dotalité universelle et des contrats de mariage ne mentionnant rien du sort des biens de l’épouse non constitués en dot.
103Cette réalité amène à deux remarques. D’une part, en gardant le silence sur les biens qui n’ont pas été constitués en dot par l’épouse les notaires répondent à un désir de leurs clients. En effet, lorsque la volonté des contractants est inverse, ils insèrent une clause spéciale pour répondre à leur demande - la dot ne comprenant que ce qui est expressément constitué dans le contrat de mariage -. D’ailleurs, chaque fois que l’épouse fait une constitution de dot universelle les notaires utilisent des formules précises676. D’autre part, le silence du notaire a des conséquences juridiques, puisqu’en restant muet sur le sort réservé à certains biens de l’épouse le praticien les répartit de fait en deux catégories : les biens dotaux, à savoir ceux qui ont expressément été constitués dans le contrat de mariage et les biens paraphernaux qui sont, en vertu de la présomption de droit, tous ceux qui n’ont pas été constitués ou ceux qui entreront dans le patrimoine de la femme au cours du mariage.
104Le régime mis en place est un régime particulier où peuvent cohabiter propres du mari, biens dotaux et biens paraphernaux. Seuls les notaires de Ventabren sont ambigus dans leurs formulaires et semblent dans un même contrat mettre en place une dotalité particulière et faire référence à des biens dotaux susceptibles d’entrer dans le patrimoine dotal de l’épouse et passer ainsi sous l’administration du mari durant le mariage677. Cependant, ces derniers manient tout de même comme leurs confrères dotalité et paraphernalité avec la même aisance. Ainsi, dans une transaction du 19 octobre 1788, ils désignent tout à la fois dans le même acte Antoine Bourlion ménager comme « mari et maître de la dot et droits » de Marie Audran son épouse en vertu du contrat de mariage du 14 janvier 1782 reçu par un notaire de Lançon et Marguerite Audran « épouse libre dans ses actions pour n’avoir qu’une constitution de dot particulière d’avec Alexis Boyer son mari maître facturier en soye de la ville de Lambesc »678.
105Il n’y a guère que les formules employées par les notaires de Digne qui diffèrent légèrement de leurs confrères provençaux. En effet, ces derniers outre la formule « épouse libre dans l’exercice des ses actions pour n’avoir avec ledit Y aucun contrat civil de mariage »679, qui ne prête à aucune discussion, les praticiens dignois utilisent la formule suivante : X épouse de Y « libre dans l’exercice de ses actions pour ses biens adventifs »680 ou encore X « épouse libre dans l’exercice de ses actions pour ses biens et droits à elle adventifs » de Y681. Plusieurs hypothèses peuvent être avancées, d’autant qu’il n’est pas exclu que dans d’autres lieux de la Provence certains notaires utilisent cette formule pour désigner les biens propres de l’épouse. Cette formule, même si elle n’est pas totalement absente des autres registres, est bien plus rare. Jean-Antoine Baille notaire à Aix, et qui utilise habituelle la formule « épouse libre dans ses actions », emploie pour désigner la situation juridique d’une femme mariée de Forcalquier la formule suivante : « épouse libre dans ses biens adventifs »682 ou encore Henry Gros notaire à Vitrolles utilise la formule « libre quant aux biens adventifs » - alors qu’il utilise habituellement la formule « libre dans ses actions » - pour donner dans un acte de vente de la femme d’un tonnelier marseillais le régime matrimonial qui leur est applicable683.
106Les biens qui ne font pas partie de la dot sont appelés biens paraphernaux si l’épouse en est déjà propriétaire au temps du mariage. Ceux qui viennent après la célébration du mariage sont « extra-dotaux ou adventifs mais ils sont compris sous le terme général des biens paraphernaux »684. Boucher d’Argis rappelle d’ailleurs que : « les Docteurs distinguent les biens paraphernaux en deux espèces. La première comprend les biens dont la femme par son contrat de mariage se réserve la jouissance et la disposition se sont là les véritables paraphernaux. La seconde comprend tous les biens qui viennent à la femme pendant le mariage, soit par succession donation ou autre voye légitime ; on appelle ceux-ci biens adventifs »685. Les biens adventifs sont ceux qui reviennent à la femme durant le mariage et qui ne sont pas dotaux. Dès lors deux hypothèses sont envisageables. Premièrement, les notaires de Digne désignent un mariage qui s’est fait sous une constitution de dot particulière c’est-à-dire seulement les biens présents énumérés dans un contrat de mariage. Cette situation nous semble envisageable car la plupart des contrats de mariage n’établissent pas à Digne une dotalité universelle, c’est-à-dire que seuls les biens présents de la femme mariée sont dotaux. De plus, certains notaires dignois précisent que la dot constituée représente l’ensemble des biens présents de l’épouse. La formule qui indique que l’épouse est libre sur ses biens adventifs est la formule usuelle dans la pratique dignoise. Elle recouvre la même réalité que la formule épouse libre dans ses actions car mariée sous une constitution de dot particulière. En effet, cette dernière formule que nous avons retrouvée dans l’ensemble des registres provençaux ne se retrouve pas à Digne. Cette première solution est plausible mais il convient de noter que le notaire ne fait jamais référence à un contrat de mariage qui aurait été passé antérieurement et qui aurait établi cette dotalité limitée, alors que quand il n’y a pas de contrat de mariage notarié les notaires de Digne prennent la peine de le préciser. Deuxièmement, les notaires de Digne désignent en fait un mariage qui n’a pas donné lieu à un contrat de mariage notarié ce qui nous semble une hypothèse également vraisemblable. La formule employée par les notaires de Digne recouvrirait alors la même réalité que celle employée par leurs confrères « libre dans ses actions ». D’autant qu’il arrive parfois que la formule « biens adventifs » soit utilisée pour désigner l’ensemble des biens paraphernaux686. Dans ce cas, il pourrait s’agir de biens propres à une femme mariée sans contrat mais qu’elle ne possédait pas au moment de l’échange des consentements et qu’elle a acquis pendant le mariage et dans ce cas la formule « biens adventifs » pour désigner des paraphernaux serait correctement employée.
107Mais nos faveurs vont à la première hypothèse et les notaires utilisent cette formule semble-t-il pour désigner une constitution de dot particulière, les biens dotaux étant ceux constitués dans le contrat de mariage et les biens adventifs ceux acquis par l’épouse durant le mariage et qui lui sont restés propres. D’ailleurs, le notaire dignois Charles Simon dans une quittance parle, concernant une épouse mariée sous contrat et ayant eu une dot constituée de 1200 livres par acte du 20 août 1782, des 62 livres « pour les intérêts de la dot et biens adventifs »687. En ce sens, le notaire désigne les biens qui au cours du mariage sont entrés dans le patrimoine de l’épouse et qui lui sont restés propres car elle était mariée sous une constitution de dot particulière.
108La présomption de paraphernalité des biens de l’épouse reçoit en Provence une stricte application et permet de déterminer le régime matrimonial initialement choisi par les époux. Outre le statut juridique des biens que l’épouse possède au moment de la célébration du mariage, il convient de déterminer le sort des biens acquis par les époux durant le mariage dans la mesure où les conventions matrimoniales restent muettes sur la répartition de ces biens ou sommes d’argent qui entrent dans le patrimoine des époux après la célébration du mariage.
SECTION 3. LE SORT DES BIENS ACQUIS DURANT LE MARIAGE
109Après avoir déterminé qu’il existe une présomption en vertu de laquelle tous les biens acquis, après la célébration du mariage, par les époux sont présumés acquis des deniers du mari (§ 1), il conviendra de voir le cas particulier du couple où l’épouse est marchande publique, ce qui constitue une exception à cette règle (§ 2).
§ 1. Les biens acquis après la célébration du mariage sont présumés acquis des deniers du mari
110Maleville exposant brièvement les règles inhérentes aux régimes matrimoniaux séparatistes d’Ancien Régime lors des débats sur le Code civil remarquait que les acquêts appartenaient entièrement au mari688. Ainsi, « tous les biens que peut avoir une femme, sont censés appartenir à son mari si elle ne justifie pas du titre en vertu duquel ils lui appartiennent et cela afin d’éviter tous les mauvais soupçons »689, nous rappelle Boucher d’Argis dans la réédition du célèbre recueil de Bretonnier. Que les époux aient choisi de faire un contrat de mariage et donc décidé de soumettre leurs rapports pécuniaires au régime dotal – qu’il s’agisse de la dotalité universelle ou de la dotalité limitée – ou qu’ils aient choisi de ne pas faire de contrat de mariage, rien n’est jamais décidé sur le sort des biens acquis pendant le mariage à la différence du régime communautaire où les biens tombent dans la communauté690. Les règles s’appliquent alors en dehors de toute volonté expresse des époux à moins que dans un acte particulier ceux-ci prennent la peine de renverser cette présomption en affirmant que les biens ont été acquis des deniers propres de la femme. Cette règle trouve son origine en droit romain. En effet, la vie commune entre époux, malgré le principe de séparation de biens, entraînait fatalement des confusions entre les éléments du patrimoine du mari et de la femme. Jurisconsultes et législateurs se sont préoccupés de remédier à ces inconvénients. Dès la fin de la République, la présomption Mucienne (D. 24, 1, 51 et C. 5, 16, 6 § 1) admet que les biens dont la femme est titulaire sans pouvoir prouver l’origine de son acquisition seront considérés comme donnés par le mari. En Provence, cette règle sera interprétée et appliquée de manière particulière mais servira de base juridique pour déterminer le sort des biens acquis par un couple durant le mariage dans la mesure où il n’existe aucune masse commune partageable à la dissolution du mariage691.
111L’une des conséquences d’un droit des régimes matrimoniaux séparatiste est que, même si chacun des conjoints reste propriétaire des biens qu’il possédait avant le mariage, il existe une incertitude sur les acquisitions faites durant le mariage dans la mesure où ils ne tombent pas dans une communauté que les époux se partageront à la dissolution du régime. La jurisprudence inspirée du droit romain est venue combler ce vide juridique. Les auteurs, précise l’arrêtiste Janety, affirment que les acquisitions faites pendant le mariage sont censées appartenir au mari si la femme n’en indique pas la provenance. A contrario, si l’épouse indique comment elle a acquis ces biens, il suffit de vérifier la validité du titre en vertu duquel elle prétend les avoir acquis692. Dans le même sens, l’avocat Gassier notait dans l’une de ses consultations au sujet des biens acquis par une épouse après la célébration de son mariage que : « ces biens sont censés acquis des deniers du mary par la présomption de la Loy Quintus Mucius dès que la femme n’avoit d’ailleurs ni ressources ni industrie personnelle et particulière qui eut pu lui servir pour lui procurer les deniers qu’elle a employés à ces acquisitions »693. En ce sens, de La Touloubre observe que ce n’est là qu’une présomption simple, qui peut être détruite par des preuves contraires, « par exemple, si la femme exerce quelque art ou trafic ; comme marchande »694. Bonnemant donne les raisons qui font présumer que les biens acquis durant le mariage le sont toujours des deniers du mari : « Les acquisitions faites par elle durant le mariage, n’appartiennent au mari que par un principe d’honnêteté. C’est le motif de la Loy sur laquelle est fondée cette maxime »695. Dans le même sens, Roussilhe reconnaissait que les biens acquis par la femme pendant son mariage sont présumés acquis des deniers du mari, sauf si elle prouve qu’elle les a acquis de ses deniers propres et qu’elle justifie de la manière dont elle a obtenu les fonds nécessaires pour faire de pareilles acquisitions. Rappelant les raisons qui avaient déterminé une telle solution juridique en droit romain, le jurisconsulte notait qu’il en va de « l’honneur et de la réputation de la femme afin d’éviter les soupçons que l’on pourroient former contre elle d’avoir fait les acquisitions par des voies déshonnêtes, comme par soustraction qu’elle auroit pu faire des biens de son mari, ou par un commerce scandaleux, contraire à son honheur et à sa réputation »696.
112En effet, cette présomption simple a une conséquence sociale évidente dans la mesure où elle met la femme à l’abri de tout soupçon concernant la manière dont elle s’est procurée les biens puisqu’ils sont présumés acquis des deniers du mari. La femme ne court pas le risque d’être accusée d’avoir acquis des biens de manière malhonnête, et par voie de conséquence l’opprobre ne pourra en aucun cas être jetée sur son mari : « le soupçon même seroit une injure et pour la femme et pour le mari ou sa mémoire »697. De plus, cette règle évite beaucoup de difficultés au moment de la dissolution du mariage. Pour Gassier, Boniface établit clairement dans son recueil « comme règle fondamentale que l’industrie de la femme appartient au mary ; et tel est notre usage en Provence ; usage qui est de décence et même de nécesssité ; sans quoy toutes les successions des femmes du peuple qui sont vouées au travail soit par leur état, soit par la volonté de leurs maris qui sont dans l’usage de disposer de leurs œuvres seroient suivies d’une foule de discussions et de débats. On ne peut les éviter qu’en décidant que toutes les œuvres de la femme dans l’état de ce dernier sont dans le patrimoine du mary. L’industrie de la femme étant considérée comme portion de la dot et l’on en excepte que le cas d’une femme marchande publique »698.
113L’avocat Bonnemant rappelle un arrêt du Parlement de Provence rapporté par Debézieux qui met en lumière l’autre conséquence de cette présomption : le mari est tenu de payer les dépenses raisonnables faites par son épouse699. En l’espèce, le mari, par arrêt de la Chambre des enquêtes du 11 avril 1696, a été condamné à payer les marchandises fournies à sa femme dans la mesure où elles étaient présumées acquises des deniers de ce dernier700. Dans une consultation commune, Gassier, Barlet et Pascalis reconnaissaient de même : « les soussignés estiment qu’elle [la question posée] n’est pas susceptible de la plus légère difficulté tout le monde connoit les principes et la décision de la Loy Quintius Mutius ff. de donat. inter vir. et uxor. qui décident que les deniers employés ou placés par la femme pendant le mariage appartienent au mary et sont censés venir de luy »701.
114Cette jurisprudence du Parlement de Provence est constante au xviiie siècle. Ainsi, dans une espèce rapportée dans le Journal du Palais, Anne Bonifay originaire de Marseille épouse Jean Lyon qui l’institue héritière. Après le décès de son mari elle continue à diriger l’auberge dont son premier mari lui avait transmis l’arrentement702. Elle avait également une boutique de saleuse « où les muletiers de la montagne avoient la facilité de se pourvoir » précise l’arrêtiste Janety703. En 1744, Anne Bonnifay achète une maison au prix de 6750 livres. Elle en paie 4000 livres en 1746 et prête la même année la somme de 800 livres à un tiers. Toujours en 1746, elle épouse en secondes noces Joseph-Jérôme Roman. Par son contrat de mariage, elle se constitue une dot de 7110 livres comprenant le prix et la valeur de ses hardes et tous les meubles meublants du logis des Pommes - l’auberge transmise par son mari -. Joseph Roman se charge de l’arrentement du logis. Chacun des deux époux continue le commerce qui lui était propre. Le 2 mai 1751, Anne Bonifay fait une donation à son fils du premier lit, Jean Lyon, de 2000 livres à prendre sur les biens qu’elle avait avant son second mariage. En 1753, elle achète en son nom une maison au prix de 650 livres et dans les années suivantes plusieurs terres d’une valeur totale de 15000 livres. Anne Bonifay meurt en 1777. Joseph Roman saisit le Lieutenant de Marseille pour reprendre toutes les maisons et propriétés achetées par sa femme avec promesse de remplir toutes les obligations contractuelles qui y sont attachées. Le Lieutenant de Marseille le déboute de sa demande avec dépens. Roman interjette appel devant le Parlement de Provence. Ses arguments reposent sur la présomption issue du droit romain selon laquelle : « la femme a acquis ex pecunia viri à moins quelle ne prouve undè habuerit ; la Loi explique ses motifs ad evitandam turpis quaestus suspicionem. La femme qui veut se placer dans l’exception, doit donc prouver qu’elle a eu des ressources d’ailleurs, des biens paraphernaux capables d’avoir produit des acquisitions »704. En effet, le mari précise que la présomption de la loi romaine peut être détruite par une présomption contraire, mais il faut avoir une certitude sur le fait que la femme a eu, à un moment donné, des ressources propres lui permettant de faire ces acquisitions. Les ressources de l’épouse ne peuvent pas être présumées ; elles doivent être prouvées et la démonstration faite, on présume que ces ressources ont servi aux acquisitions faites par la femme. Donc, suivant ce raisonnement, si les héritiers d’Anne Bonifay prouvent qu’elle a eu des biens paraphernaux assez considérables et des ressources suffisantes pour pouvoir faire environ 27000 livres d’acquisitions, la sentence doit être confirmée. Mais « s’ils ne remplissent pas cette preuve ; s’ils n’ont pas même des présomptions à opposer ; s’il est constant qu’Anne Bonifay n’a eu que des biens paraphernaux de peu de valeur, dont elle a même donné la majeure partie à ses enfants ; s’il est vrai qu’elle n’ait eu, ni pu avoir, aucun commerce particulier et séparé de celui de son mari, la présomption de la Loi s’applique dans toute sa force ; les acquisitions de cette femme sont faites ex pecunia viri et elles appartiennent à Roman »705. Par son contrat de mariage, Anne Bonifay s’est constituée en dot tout ce qui était renfermé dans son auberge et son second mari Roman s’est chargé du loyer. Il est devenu, poursuit le conseil de l’appelant, acquéreur de tous les effets de sa femme et locataire de l’auberge706. L’arrêtiste ajoute : « Rien n’est plus vrai que le principe général invoqué par Roman ; il tient aux mœurs, à l’honnêteté publique, et il faut pour l’honneur même du sexe, que tout ce qu’il acquiert, tout ce qu’il paye, ou tout ce qu’il dépense constante matrimonio, soit censé provenir ex substanciâ mariti »707.
115Mais il ne s’agit que d’une présomption simple et la femme peut en rapporter la preuve contraire708. La présomption n’a pas lieu lorsqu’une femme riche s’est mariée avec un homme pauvre, ni lorsqu’elle fait, du consentement de son mari, des acquisitions pour son compte personnel, de même lorsque le mari présent et consentant à l’acte, la femme a fait un prêt, et a affirmé qu’elle le faisait de ses deniers. Bretonnier conseille à l’épouse, qui possède des biens propres consistant en meubles ou effets mobiliers comme des billets ou des obligations, de faire signer à son mari « un état », surtout si son intention est de les apporter au domicile de ce dernier qui sert de résidence familiale. La femme procèdera ainsi « pour justifier qu’ils lui appartiennent, car de droit tout est présumé appartenir au mari à moins que la femme ne prouve le contraire »709.
116Le principe est donc incontestable. S’il est vrai d’une part, que tout ce qui est acquis par la femme constante matrimonio, est censé être acquis des deniers du mari, il n’est pas moins vrai, d’autre part, que la présomption cesse :
si la femme a accueilli le mari chez elle ;
si elle n’est mariée que sous une constitution particulière ou sans contrat de mariage et que l’on prouve qu’elle a des biens propres ;
si elle a fait un commerce particulier indépendant de celui de son mari ;
si le mari a su et connu que sa femme faisait des acquisitions pour son propre compte710.
117Dès lors, si le mari connaît l’état des biens de son épouse et la manière dont elle les emploie pour faire des acquisitions, personne d’autre que ce dernier ne peut contester les acquisitions car la femme mariée n’est responsable de sa conduite qu’à l’égard de son époux. Si le mari tolère les acquisitions faites par sa femme, nul autre ne peut les remettre en cause. « Il ne faut donc pas être surpris si, lors même que la femme est mariée sous une constitution générale, les Arrêts ont jugé que les acquisitions qu’elle avoit faites au vu et su de son mari, n’étoient et ne pouvoient être que pour elle »711. Il résulte du contrat de mariage qu’Anne Bonifay régit une auberge ; qu’elle a constitué à Joseph Roman son mari pour dot tous les meubles meublants et l’arrentement de cette auberge. Elle s’est réservée tout ce qu’elle avait par ailleurs, et notamment son commerce. Elle possédait également la succession de Jean Lyon son premier mari qui l’avait instituée héritière. Elle détenait encore tous les bénéfices faits entre la mort de son premier mari et son remariage en continuant à louer des voitures et à exploiter l’auberge. Anne Bonifay n’était donc pas sans ressource et si elle a acquis des biens constante matrimonio, ce ne peut être que de ses deniers propres et non avec l’argent de son mari. Par arrêt du 4 juin 1783, le Parlement de Provence a confirmé la sentence et a décidé que la dame Bonifay avait acquis les biens de ses deniers propres et qu’en l’espèce la présomption selon laquelle tous les biens acquis durant le mariage sont présumés acquis des deniers du mari a été renversée712.
118Il convient de faire une subtile distinction concernant le sort des biens acquis durant le mariage. Chaque fois que l’on peut écarter la présomption et prouver que les acquisitions faites par la femme procèdent de son travail et que le mari n’y a point coopéré, les acquisitions faites en propriété appartiennent « indubitablement » à l’épouse et les fruits appartiennent au mari pour soutenir les charges du mariage et ce quel que soit son régime matrimonial713. Ainsi, par deux arrêts du mois de juin 1664 et par un arrêt du 16 juin 1671, le Parlement de Provence a décidé que les paiements faits par une femme mariée sous une constitution de tous ses biens présents et à venir en présence de son mari étaient propres à la femme « parce que le mary y ayant été la présomption de la Loy cessoit », et Pascalis de conclure : « et rien n’est plus juste »714. Dès lors, il apparaît sous la plume des juristes provençaux des considérations sociales prises en compte par les tribunaux et susceptibles de déterminer un juge en cas de litige. En effet, une femme « d’une condition au dessus de la roture » et qui a des biens propres acquiert pour son compte en pleine propriété et en usufruit. A contrario, si la femme est d’une condition roturière, les acquisitions faites pendant le mariage sont censées faites de l’argent du mari en propriété comme en usufruit715, sauf si l’épouse prouve le contraire.
119Le principe en vertu duquel les biens acquis pendant la durée du mariage sont présumés acquis des deniers du mari connaît une extension jurisprudentielle qui prouve combien les juristes provençaux étaient attachés à ce principe romain. C’est sur ce fondement que, dès le xvie siècle, s’est dégagée une jurisprudence selon laquelle non seulement les biens acquis pendant le mariage sont présumés acquis des deniers du mari, mais également les biens acquis par cette dernière durant la première année de deuil716. Le souci étant de protéger, outre la mémoire du mari - la femme ne doit pas être suspectée d’avoir acquis des biens malhonnêtement lors de son veuvage -, les droits des héritiers du de cujus. C’est ce qu’a décidé le Parlement de Provence dans un arrêt du 15 décembre 1588717.
120Néanmoins, il ne s’agit là encore que d’une présomption simple qui peut être combattue par la preuve contraire. Le Parlement a tout de même dans un arrêt du début du xviiie siècle renversé la charge de la preuve et demandé au représentant de l’héritier du mari décédé de rapporter la preuve que certains biens avaient été acquis des deniers du de cujus au lieu de présumer qu’ils avaient été acquis des deniers de ce dernier. Une épouse, veuve en premières noces, et son second mari ont assigné le tuteur du fils de cette dernière né de sa première union718 pour qu’il rembourse les dépenses faites entre les deux mariages pour les habits de deuil719. En effet, les héritiers du mari décédé doivent, en Provence, payer à la veuve les habits de deuil720. Le tuteur a refusé de payer les habits de deuil au motif qu’ils sont présumés acquis des deniers du mari dans l’an de deuil, a fortiori si l’épouse a continué à vivre avec le père de son défunt mari. Le nouveau mari soutenait, au contraire, que les habits de deuil avaient été acquis des deniers de la mère de la mariée et que donc l’héritier du premier mari de son épouse était obligé de les rembourser. Par une sentence du mois d’octobre 1701, le juge de première instance a décidé que le fils n’avait pas à rembourser à sa mère les dépenses faites par cette dernière pour les habits de deuil721. Les époux appellent de cette décision devant le Parlement de Provence, car l’on ne peut appliquer à cette cause la loi Quintus Mutius ff. de donat. inter. vir. et uxor. qui n’a lieu que dans le cas où l’on ne peut prouver d’où les deniers employés par la veuve proviennent. Par arrêt du 21 mars 1702722, rendu par la Chambre des enquêtes, le tuteur a été condamné à prouver que les habits de deuils avaient été payés des deniers du premier mari723. Le Parlement, en l’espèce, a renversé purement et simplement la charge de la preuve et Debézieux le déplore : « on auroit unanimement débouté la femme du payement des habits de deuil, si le tuteur n’eût offert la preuve que la fourniture lui en avoit été faite par son beau-père. Car outre que la présomption étoit contre elle il est certain suivant la Loi Quintus Mutius ff. de donat. inter. vir. et uxor que tout ce que la femme acquiert pendant la vie du mari et dans l’an de deuil, est censé provenir des effets du mari s’il ne paroit pas du contraire. Ainsi la sentence, étoit de la dernière justice en ce chef ; et en tout cas on auroit chargé la femme de la preuve »724. Le Parlement en a ainsi décidé car à la lecture des faits rapportés par Debézieux, pourtant adversaire de cette décision, il apparaît clairement que les habits de deuil avaient été achetés des deniers de la mère de la veuve même si à l’évidence il n’y avait ni d’un côté, ni de l’autre de preuve formelle. Malgré le caractère circonstanciel de cet arrêt, l’arrêtiste, en l’espèce, l’a placé dans un paragraphe intitulé : « Tout ce que la femme acquiert pendant la vie du mari et dans l’an de deuil est présumé provenir des biens du mari »725.
121Par arrêt rendu par la Cour souveraine de Provence à la fin de l’Ancien Régime, la jurisprudence sur la question du sort des biens acquis durant le mariage et pendant l’année de deuil a été confirmée. Le Parlement a précisé à cette occasion que le délai d’un an après le décès du mari ne pouvait en aucun cas être prorogé. André Tirat, ménager de la ville de Salon décède le 3 janvier 1774. Ses trois fils se partagent sa succession. Lors de l’acte de partage des biens de leur père défunt, il a été convenu que les héritiers supporteraient au profit d’Anne Nalin, épouse en secondes noces du de cujus, une pension viagère de 30 livres à raison des droits qu’elle avait à prétendre sur la succession de son défunt mari. L’un des trois fils, André Tirat fils, n'a pas payé le tiers de la pension qui le concernait. De plus, il n'a pas remboursé la somme de 226 livres qu’il avait reconnu devoir dans une obligation passée sous-seing privé avec sa marâtre Anne Nalin. Cette dernière a assigné son beau-fils pour obtenir le remboursement des 226 livres et les arrérages du tiers de la pension viagère. Le débiteur n'a pas contesté la véracité de l’acte sous-seing privé, ni la demande dans son ensemble. Son moyen de défense a été tout autre. Il a cherché à compenser la somme due avec le prix d’un fonds de terre acquis par Anne Nalin le 13 janvier 1775. En l’espèce, cette dernière date est importante car l’acquisition a été faite par la veuve un an et dix jours après le décès de son mari. L’argument du défendeur était que la veuve avait payé cet immeuble des deniers de son mari décédé. Il a proposé de payer les sommes demandées sous la déduction du tiers de l’argent employé à l’achat. Il considérait, en effet, que ce bien entrait dans la succession de son père. Le juge de Salon a rejeté cette compensation et a condamné André Tirat fils à payer à Anne Nalin la somme de 226 livres augmentée des arrérages du tiers de la rente viagère. Tirat a appelé de cette décision devant le Parlement de Provence. L’appelant a développé l’argumentation suivante : les terres acquises par sa marâtre l’ont été des deniers du de cujus car il a été facile à Anne Nalin de s’en emparer, soit avant la mort de celui-ci, « parce que dans la caducité de son âge elle le dirigeoit selon ses désirs », soit après sa mort. L’appelant alléguait qu’Anne Nalin n’avait aucune ressource qui ait pu lui procurer la partie du prix engagée lors du contrat de vente, « n’ayant point de biens, ne faisant aucun commerce et ne montrant pas la voie par laquelle elle avoit eu ces deniers ; d’où il concluoit qu’ils étoient censés venus ex rebus mariti, selon la disposition de la Loi Quintus-Mutius, ff. de donat. int. vir. et uxor. ». Le conseil de l’appelant conclut : « les acquisitions faites par la femme durant le mariage sont présumées être faites des effets du mari, evitandi turpis quaestius gratia ; cette même présomption ayant lieu par rapport aux acquisitions faites pendant l’année de deuil, suivant les Arrêts et entr’autres celui du 15 décembre 1558 »726. Enfin, Anne Nalin ne s’est pas mise à l’abri de la présomption de droit, selon l’appelant, pour avoir passé le contrat quelques jours après l’année de deuil révolue. Le défenseur d’Anne Nalin reconnaissait la véracité des principes invoqués par son confrère : « par la présomption de la Loi, tout ce que la femme acquiert pendant le mariage, ou même pendant l’année de deuil, est censé acquis des deniers du mari ». Mais il ajoutait « que la Loi ne se décide que sur une présomption légale juris et de jure, à laquelle elle donne le caractère de preuve. Ainsi, lorsque la femme fait des acquisitions pendant le mariage, ou pendant la première année de viduité que le mariage est encore censé durer, elle est présumée avoir acquis avec les deniers du mari, si elle ne détruit pas cette présomption »727. Pour détruire cette présomption, elle peut prouver qu’elle a un commerce indépendant de celui de son mari ou des biens paraphernaux suffisants pour pouvoir faire des acquisitions. Mais la présomption regarde seulement les acquisitions faites constante matrimonio ou pendant l’année de deuil, sans qu’il en puisse être question à l’égard de celles qui sont faites hors de ces deux temps. Le lien du mariage est dissout par la mort du mari et l’année de son décès s’étant écoulée, la femme retrouve tous ses droits : « Avec la liberté elle recouvre la faculté d’acquérir en son nom et pour elle sans qu’elle puisse être inquiétée à raison des achats ou des paiements qu’elle a faits. Elle jouit alors du droit commun, qui veut que personne ne soit tenu de déclarer ou justifier de quelle manière sont venus les deniers employés à quelque affaire que ce puisse être. Le temps a jetté sur ces actions un voile qu’il n’est pas permis de pénétrer. En un mot, il suffit que le terme fixé par la Loi et prorogé par la jurisprudence des Arrêts, soit expiré, pour que ses acquisitions lui appartiennent, quoiqu’elle ne prouve pas d’où viens les deniers »728. Dans l’arrêt du 10 mai 1780, le Parlement de Provence a confirmé la sentence et a décidé que le bien acquis par une veuve plus d’un an après le décès de son mari – même à quelques jours près – ne peut plus être présumé acquis des deniers de ce dernier729. Gassier, Barlet et Pascalis ont le même raisonnement. Les acquisitions faites en dehors de l’an de deuil doivent appartenir à la veuve ou à ses héritiers, sans qu’on puisse demander par quels moyens elle a pu faire ces acquisitions730.
122Ainsi, les biens acquis durant le mariage et pendant l’an de deuil sont présumés acquis des deniers du mari. Un cas particulier renverse cette présomption : le cas de la femme marchande publique. En effet, dans le cas où la femme est marchande publique on présume que les deniers acquis pendant le mariage l’ont été des deniers de l’épouse, ce qui n’empêche pas le mari d’être tenu des dettes de son épouse s’ils sont mariés sans contrat ou sous une constitution de dot particulière, et ce malgré la présomption de paraphernalité.
§ 2. Le cas particulier de l’épouse marchande publique
123Pascalis écrivait dans un mémoire imprimé de 1779 : « Qui est-ce qui ignore qu’à Marseille il n’est presque point de femme, surtout dans l’état d’artisan qui n’aie un commerce particulier ? C’est souvent ce petit commerce subalterne et de détail qui donne le ressort et vivifie le commerce en général »731. Ainsi, toutes les fois que la femme pourra écarter le soupçon de malhonnêteté au sujet des biens qu’elle aura acquis, c’est-à-dire toutes les fois où elle démontrera que ses acquisitions « procèdent de son travail et de son industrie, que le mari n’y a coopéré en rien », les acquisitions faites lui appartiendront sans aucune contestation possible732. Néanmoins, quels sont les critères retenus pour qualifier une femme de marchande publique ?
124Après avoir rappélé les critères retenus pour qu’une femme soit qualifiée de marchande publique (A), il conviendra de voir de quelle manière le droit des régimes matrimoniaux s’adapte à la situation professionnelle de l’épouse (B).
A. La notion de marchande publique
125Suivant la Coutume de Paris, la marchande publique est la femme qui fait un commerce « distinct, séparé et différent de celui de son mari »733. Pour de Ferrière, la marchande publique « est celle qui fait un négoce séparé de celui de son mari, à son vû et sçû ; et pour raison des dettes qu’elle contracte au sujet de ce négoce, elle s’oblige par corps et aussi son mari »734. Les marchandes publiques n’ont pas, en principe, besoin d’être autorisées par leurs maris en pays de coutumes pour être tenues des dettes et obligations qu’elles contractent dans le cadre de leur activité commerciale : « la femme marchande publique, sans avoir besoin de l’autorisation de son mari, peut faire valablement tous les contrats qui dépendent de son commerce, comme les ventes, les achats des marchandises, les achats des ustensiles, les louages des ouvriers et des ouvrières qu’elle emploie pour son commerce » suivant l’article 8 du titre 34 de l’ordonnance de 1667735. La connaissance que le mari a du commerce de son épouse, qui exerce des activités commerciales publiquement, est une preuve de sa tolérance736. Decormis reprend d’ailleurs cette règle à son compte : un mari qui se trouve à diverses reprises présent aux différents actes de commerce de son épouse produit « un fait de vérification qui tomboit en preuve oculaire à Toulon »737.
126Ce consentement tacite du mari a des conséquences juridiques importantes : « Il y a plus, c’est qu’elles [les femmes] engagent en ce cas leurs maris comme elles ; ainsi le mari et la femme sont obligés par corps, quoiqu’il ne parle pas en l’obligation »738. La justification étant, que dans le silence du mari, l’épouse marchande publique est censée agir en vertu du consentement de ce denier pour tout ce qui concerne son négoce. De plus, le mari est engagé pour les actes de commerce de sa femme car si les biens sont présumés acquis des deniers propres de la femme, le mari est présumé profiter des revenus du commerce de son épouse. Il est donc logique qu’il soit également tenu des dettes.
127A contrario, une épouse qui fait le même commerce que son mari n’est pas considérée comme une marchande publique739. Ainsi, Pothier note que la femme d’un marchand n’est pas ce que la coutume entend par marchande publique740. Gassier sur ce point renvoie directement à la Coutume de Paris et estime que les critères retenus par cette dernière doivent être appliqués en Provence pour déterminer si une femme doit être considérée comme une marchande publique741. Un arrêt a été rendu en ce sens par le Parlement de Provence le 22 juin 1784. On a opposé à une épouse une foule d’actes desquels on induisait qu’elle était marchande publique. Son mari était cafetier et les actes par elle passés concernaient le commerce de cafetier. Mais son mari était absent. Elle a été assignée plusieurs fois devant les juges consuls742 et plusieurs fois condamnée. Elle appelle d’une des dernières sentences. Le Parlement a décidé que les actes de commerce de l’épouse étaient de la même nature et non séparés des actes du commerce exercé par son mari. Quand le mari et la femme contractent ensemble, seul le mari est responsable et la femme qui fait le même commerce que son mari « négocie sous les ordres de ce dernier » et « elle n’est qu’instrument de cette négociation »743. Ainsi, l’épouse d’un commerçant qui fait des actes de commerce relativement à la profession de son mari ne peut être considérée comme une marchande publique.
B. L’adaptation du droit des régimes matrimoniaux à l’activité de l’épouse
128L’état de marchande publique a des conséquences directes sur le droit des régimes matrimoniaux. La femme marchande publique peut s’obliger pour raison de son commerce744. Seule la femme mariée sous le régime de la dotalité universelle, devrait en principe, en Provence, engager le mari. Dans le cas d’une dotalité limitée ou d’une séparation totale de biens entre époux, le mari ne devrait pas être tenu des dettes contractées par sa femme marchande publique dans la mesure où cette dernière a des biens propres sur lesquels les créanciers peuvent se payer.
129Sous l’influence du droit coutumier, plus particulièrement de la Coutume de Paris745, le Parlement de Provence, conformément à l’avis de Decormis746, a décidé que la marchande mariée par ses actes de commerce engageait son mari, quel que soit son régime matrimonial car les bénéfices de son commerce profitent au ménage. Ferrière résume d’ailleurs la raison pour laquelle les règles applicables à une marchande publique sont dérogatoires au droit commun quel que soit le lieu : « la foi publique et l’intérêt du commerce, a exigé qu’on s’éloignât de la règle ordinaire »747. Telle est la jurisprudence dégagée par ces Messieurs d’Aix dans l’espèce suivante. Les sieurs Ginoux, fabricants d’indiennes de la ville d’Aix, ont livré à l’épouse de Gaspard Barlatier ménager du lieu de Trets des marchandises. Ces derniers n’ont pas été entièrement payés, ils ont donc assigné Barlatier devant le Lieutenant d’Aix en condamnation de ce qui restait à payer des marchandises livrées à l’épouse du défendeur. Le Lieutenant a débouté les demandeurs. Ces derniers ont interjeté appel devant le Parlement d’Aix. L’argument développé par les appelants était le suivant : le mari connaissait le commerce de sa femme, il était donc valablement obligé748. Les arguments en faveur de Barlatier étaient au contraire que « les principes reçus dans les pays de coutumes ne pouvoient être appliqués dans cette province, où nous sommes régis par d’autres lois et d’autres usages ; on ne peut leur donner une extension qu’ils n’ont pas »749. Mais le raisonnement du substitut devant le Parlement a été le suivant. La marchande publique est celle qui fait un négoce séparé de son mari à son « vu et su » et pour raison des dettes qu’elle contracte, elle est contraignable par corps ainsi que son mari750. Les marchandes publiques mariées n’ont pas besoin de l’autorisation expresse de leurs maris pour faire des actes de commerce. De plus, ce dernier est censé profiter des bénéfices engendrés par l’activité de son épouse : il doit donc être tenu des dettes contractées par cette dernière pour raison de son commerce. Le substitut fait directement référence au droit suivi dans les pays de coutumes : « Tous les Auteurs coutumiers, d’accord sur ce principe, soutiennent la même décision. Tous les Arrêts intervenus sur ce sujet ont formé une jurisprudence constante »751. En pays de droit écrit, la femme mariée sous une constitution générale ne peut agir sans l’autorisation de son mari : « Sans cette autorité son obligation seroit nulle, et ne produiroit aucun effet. Toutes les actions résident sur la tête du mari ; il est seul administrateur des biens de sa femme ». A contrario, une femme qui est mariée sous une constitution particulière, peut par elle-même agir, contracter pour tout ce qui concerne ses biens paraphernaux : elle a l’entière et libre administration de ses propres. Mais « la bonne foi du commerce qui en constitue l’essence, et qui en maintien la durée et la tranquillité » oblige, comme l’a préconisé Decormis, à adopter une position conforme à celle des pays de coutumes d’autant qu’aucune règle de droit romain n’est connue des juristes provençaux en la matière. Rien ne s’oppose donc à ce que la solution des pays de coutumes soit retenue752. Il n’y aurait que dans le cas d’une séparation de biens prononcée par un juge que l’épouse n’engagerait pas son mari pour raison de son commerce et « il en seroit de même de la femme mariée sous une constitution particulière qui pourroit agir relativement aux biens dont elle auroit la libre administration »753. Les créanciers de l’épouse peuvent donc agir contre le mari, même si la marchande est mariée sous une constitution de dot générale et que son époux ne l’a pas expressément autorisée à contracter pour les besoins de son négoce. Dans l’espèce Ginoux contre Barlatier, les magistrats ne connaissent pas l’étendue de la dotalité, mais ils présument qu’il y avait entre les époux une dotalité universelle. Une présomption contraire entraînerait des craintes pour les cocontractants des femmes marchandes publiques dans la mesure où ils ne pourraient plus agir en paiement des marchandises contre un mari du fait de la séparation de biens754. Par arrêt du 5 juillet 1776, le Parlement de Provence a condamné Barlatier au paiement de la somme de 1502 livres pour les marchandises livrées à son épouse.
130Ainsi le mari, qui connaît le commerce de sa femme alors que les époux sont mariés sous une constitution de dot générale, est supposé l’autoriser par son silence à exercer une activité de marchande publique. Il est tenu par corps des obligations de cette dernière, étant présumé profiter des revenus de son activité même si les biens dotaux appartiennent à son épouse et qu’il n’en a que l’usufruit durant le mariage.
131Dans un arrêt du 15 juillet 1777, le Parlement de Provence va plus loin et décide que le mari d’une marchande publique qui commerce à son « vu et su » répond des dettes de son épouse même si cette dernière à des biens paraphernaux, ce dernier est présumé une nouvelle fois l’autoriser et profiter de ce commerce. En l’espèce, messieurs Pontés et Juglas, marchands de la ville de Manosque, livrent à la demoiselle Françoise Durand épouse de Jacques Richard de la ville de Barjols, diverses marchandises pour en faire des bonnets d’enfants et d’autres objets de cette nature. Le 10 décembre 1776, les sieurs Pontés et Juglas assignent Richard pour qu’il soit condamné au paiement de 303 livres 18 sols qui restent dues par son épouse. Une sentence du 5 janvier 1774 a fait droit à cette demande. Richard, le mari, a appelé de la sentence devant le Lieutenant de Brignoles. Ses arguments étaient d’une part, que la dette était personnelle à son épouse et d’autre part, qu’au moment de la sentence il était détenu à la maison des insensés et qu’il aurait alors fallu lui pourvoir un curateur, ce qui n’a pas été fait. Le Lieutenant de Brignoles, passant outre les moyens du mari, a confirmé la décision des premiers juges par une sentence du 7 novembre 1775. Richard a formé un appel devant le Parlement de Provence. Devant la Cour supérieure, le mari avance l’argument suivant lequel les époux sont mariés sous une constitution de dot particulière. L’épouse est donc libre dans ses actions concernant les biens qui lui sont restés paraphernaux ou les biens adventifs recueillis pendant le mariage. En ce cas, le mari n’a pas à répondre des dettes contractées par son épouse pour les besoins de son commerce dans la mesure où elle a le crédit suffisant pour s’en acquitter et où elle est censée profiter des fruits de ses acquisitions755. La femme mariée sans contrat ou sous une constitution particulière a la disposition de ses biens « sans réserve »756. Elle peut librement les administrer, les aliéner, les vendre, en percevoir et en consumer les fruits. À l’égard des biens paraphernaux, l’autorisation du mari est aussi inutile que l’autorisation du père à l’égard de son fils émancipé. « De ces principes il suit qu’autant que le mari doit être responsable du commerce fait sous ses yeux, quand elle est mariée sous une constitution générale, autant il serait absurde et injuste de le soumettre à cette responsion, quand elle a des biens dont la libre disposition lui appartient »757. Les auteurs, précise Janety, affirment que les acquisitions faites pendant le mariage sont présumées appartenir au mari, si la femme n’en indique pas la provenance. A contrario, si l’épouse indique comment elle a acquis ces biens il suffit de vérifier la validité du titre en vertu duquel elle prétend les avoir acquis. D’ailleurs, « parmi les difficultés auxquelles cette discussion a souvent donné lieu, les auteurs ont toujours convenu que les acquisitions faites par la femme ne peuvent être suspectées, quand elle a fait un négoce dont le profit a pu servir à ses acquisitions […]. Si la femme libre qui a des biens adventifs acquiert pour elle, la présomption légale est donc dans ce cas, que le négoce qu’elle a fait, a été de ses biens adventifs. Le mari ne sauroit donc être tenu d’un commerce auquel il n’a aucun intérêt, puisqu’il est fait d’un bien sur lequel il n’a aucun droit »758. En pays de droit coutumier la femme marchande publique oblige son mari. C’est sur ce fondement qu’ « on avoit tenté dans le procès des sieurs Ginoux, marchands d’indiennes de la ville de Marseille et du sieur Gaspar Barlatier du lieu de Trets, de proposer une exception à cette règle, qui est que lorsque la femme a des biens à l’égard desquels elle est libre dans l’exercice de ses actions, le mari n’est pas responsable des obligations qu’elle contracte ; mais l’Arrêt du 5 juillet 1775 ou 1776, prononcé par M. de la Tour, réforma la sentence qui l’avoit adoptée. La femme est en la puissance du mari ; la patience du mari qui ne peut ignorer son état public de marchande et qui pourroit l’empêcher, vaut préposition ; c’est d’après ce principe que la règle a été portée ; c’est ainsi que l’explique Decormis ». Conformément à la Coutume de Paris, seul dans le cas d’une séparation judiciaire entre époux, le mari ne sera pas tenu aux dettes de son épouse. L’arrêtiste justifie d’ailleurs l’adoption des règles coutumières par la jurisprudence provençale car « elle étoit implicitement dans les principes du droit romain »759.
132En ce sens, un acte retrouvé dans les minutes du notaire aixois Jean Honoré Estienne montre qu’un époux marié sans contrat peut « pour la décharge de sa conscience et en faveur de la vérité » affirmer devant notaire « que depuis quelques années il vit de l’industrie de ladite Reynier », son épouse760. De même, un acte contenu dans les registres du notaire Aixois Nicolas Joseph Gabriel Dufour semble confirmer les principes dégagés par la jurisprudence provençale dans la mesure où le mari d’une épouse commerçant publiquement paie les dettes de cette dernière, en partie avec le capital dotal761. D’ailleurs, il apparaît dans une quittance qu’un mari veut établir, par acte authentique, que sa femme fait un commerce séparé du sien et que, mariée sans contrat, elle a la libre et complète administration de ses biens paraphernaux. Le mari paraît d’ailleurs reprendre une partie des biens qui lui sont propres pour les faire échapper à la mauvaise fortune de son épouse, en cas de dissolution du mariage par décès de cette dernière762. L’épouse, quelque temps après, est désignée par le notaire François Boyer comme étant « libre dans l’exercice de ses droits de Ignace Herner meunier pour n’y avoir entre eux aucun contrat civil de mariage ainsi qu’elle nous l’a déclaré ». Par cet acte, elle paie des dettes à l’un de ses débiteurs ce qui tend à prouver les problèmes financiers de l’épouse et explique les précautions prises par le mari de cette dernière763.
133Il est notable de remarquer que pour une marchande bijoutière aixoise nous avons retrouvé onze actes authentiques passés par cette dernière au cours des années 1788-1789764. Le notaire précise dans chaque acte qu’elle est libre dans ses actions pour n’y avoir avec son mari aucun contrat civil de mariage. Le praticien veut tenter d’épargner au mari les risques liés à l’activité de son épouse.
134D’après la jurisprudence du Parlement de Provence, peu importe que la femme ait employé pour les activités de commerce ses biens propres. On présume toujours que le mari qui laisse sa femme devenir marchande publique ne le fait qu’en vue de l’intérêt qu’il pourra en retirer. De ce fait, il est censé avoir profité des bénéfices. Le mari et la femme font duo in carne una « par une liaison plus intime que celle qui identifie en une seule personne le père et le fils. La puissance maritale emporte dans un sens la propriété de la personne de la femme. Si la femme commerce, elle engage sa personne, puisqu’elle est contraignable par corps ; elle engage la propriété de son mari. Si elle commerce publiquement, le mari est censé approuver son négoce »765. La règle établie suivant laquelle tous les biens acquis durant le mariage sont présumés acquis des deniers du mari vaut même dans le cas où la femme a des biens libres, sauf si elle indique leur provenance. La femme est donc supposée verser tout ou partie des revenus de ses activités pour le support des charges du mariage. Ainsi, si la femme est marchande publique, elle pourra prouver facilement que les biens acquis durant le mariage l’ont été de ses propres deniers et renverser la présomption. D’un autre côté, quel que soit le régime matrimonial des époux, le mari sera tenu des dettes de son épouse, quoique sa femme ait des paraphernaux pour pouvoir s’en acquiter.
135Cette solution, qui engage le mari pour les dettes contractées par son épouse, paraît être également une solution de bon sens garantissant la sécurité des activités commerciales : « La règle que l’on invoque est fondée sur l’ordre public et la nature des choses. Si le mari en pareil cas n’étoit pas tenu de payer les dettes de la femme marchande, le public seroit trompé facilement par l’accord frauduleux qui existeroit entr’eux. La femme achèteroit de toute main ; le mari en recevoit le prix, et le marchand qui auroit livré sa marchandise n’auroit aucun débiteur, ou n’en auroit souvent qu’un insolvable »766. Toutes ces raisons ont déterminé le Parlement de Provence à adopter une solution conforme au droit applicable en pays coutumiers, et dérogatoire aux règles applicables en matière de régimes matrimoniaux en Provence au xviiie siècle, en vertu desquelles : « le mari ni la femme ne sont point tenus l’un pour l’autre de leurs dettes »767. En effet, un acte de notoriété du Parlement de Provence précise que : « Nous syndics, &c., attestons que la Loi, Cod Ne uxor pro marito vel marito pro uxore qui a décidé que la femme n’est pas tenue des dettes du mari, ni le mari des dettes de la femme, est exactement observée en ce Parlement et dans tous les Tribunaux de la Province, soit que le mariage ait été fait sous une constitution particulière ou sous une constitution générale de tous les biens et droits de la femme, pour l’avoir toujours vu juger et pratiquer ainsi »768.
136Les règles propres aux régimes matrimoniaux séparatistes ne sont pas applicables lorsque l’épouse est marchande publique. Cette exception est parfaitement intégrée par les jurisconsultes provençaux769. Le mari est tenu des dettes de son conjoint commerçant même s’il n’a aucun pouvoir sur les biens paraphernaux de cette dernière770.
137Après avoir rappelé l’ensemble des règles applicables aux régimes matrimoniaux provençaux, l’étude du contenu du contrat de mariage est essentielle pour la connaissance pleine et entière de la matière. La liberté des conventions matrimoniales permet aux époux de stipuler ce que bon leur semble et ils peuvent, sinon totalement détourner les régimes matrimoniaux de leur esprit séparatiste, du moins en amoindrir les conséquences. Les contrats de mariage permettent donc de mettre en avant la diversité des possibilités de relations pécuniaires mises en place par les époux et s’inscrivant dans le cadre plus général du droit patrimonial de la famille.
Notes de bas de page
452 « Au reste, on ne croit pas qu’il y ait une distinction à faire du cas où le contrat ne parleroit ni de dot, ni de paraphernaux avec le cas où il n’y a point de contrat » ; BRETONNIER, verbo « Paraphernaux » dans Recueil par ordre alphabétique…, op. cit., Tome second, pp. 8-9.
453 « Bien que cette communauté soit appelée légale, ce n’est pas néanmoins comme l’observe Dumoulin, la Loi qui en est la cause immédiate. La cause immédiate qui produit et établit cette communauté est une convention qui n’est pas à la vérité expresse et formelle, mais qui est virtuelle et implicite, par laquelle les parties en se mariant – quand elles ne se sont pas expliquées sur leur convention matrimoniale – sont censées s’être tacitement convenues d’une communauté de biens. Cette communauté de biens n’est appelée légale que parce que c’est une communauté sur laquelle les parties par cette convention tacite s’en sont entièrement référés à la loi ». R.-J. POTHIER, Traité de la communauté, op. cit., Tome VIII, Article préliminaire, n° 12.
454 Dans le Traité de la dot de l’avocat Roussilhe on peut voir la comparaison entre le droit des régimes matrimoniaux et le droit des successions : « L’homme n’ayant point disposé, la Loi ou la Coutume prend sa place et use de la faculté qu’elle lui avoit donnée et dont il ne s’est pas voulu prévaloir ». Roussilhe utilise à propos de l’absence de contrat de mariage l’idée de l’existence d’un contrat légal. Ainsi, poursuivant son raisonnement l’avocat écrit : « La Loi opère le même effet à défaut de contrat de mariage avant la bénédiction nuptiale ; car il s’en forme un légal auquel les parties sont présumées s’être soumises, et avoir laissé au pouvoir de la Loi de régler les conventions qu’elles-mêmes auroient pu fixer par des stipulations expresses » ; op. cit., Tome premier, p. 80.
455 En effet, et ce n’est pas une surprise, comme Nicole Arnaud-Duc l’a remarqué, quand un contrat de mariage était établi en Provence à la fin de l’Ancien Régime s’ensuivait automatiquement un régime dotal. Nous reviendrons sur ce point dans le titre second de la présente partie mais il convient immédiatement de noter que « les statistiques […] sont parfaitement éloquentes » : 100 % des époux mariés à Aix, Salon, Gardanne et Martigues en 1785 et qui ont passé un contrat de mariage ont opté pour le régime dotal ; N. ARNAUD-DUC, Droit, mentalités et changement social..., op. cit., p. 43.
456 Lorsqu’en pays de coutumes, les époux se marient sans passer devant un notaire c’est « la Loy municipale du pays, qui est un contrat commun et public à tous les peuples d’une province, auquel les conjoints se sont tacitement soumis lorsqu’ils se sont mariés, sans aucun traité ni convention matrimoniale régie par écrit » ; C.-J. de FERRIERE, La science parfaite des notaires…, op. cit., Tome premier, p. 173.
Ainsi, « en pays coûtumier, tous biens sont réputés dotaux, car les biens que la femme se stipule propres ne sont pas des paraphernaux, l’effet de cette stipulation est seulement d’empêcher que le fond de ces biens n’entre dans la communauté, du reste le mari en a seul la jouissance et administration de même que des biens de la communauté et les fruits de ces mêmes propres entrent dans la communauté » ; BRETONNIER, verbo « Paraphernaux. » dans Recueil par ordre alphabétique…, op. cit., Tome second, p. 4.
En pays de coutumes, ce sont les dispositions coutumières qui s’appliquent : c’est-à-dire le plus souvent le régime de communauté de biens. Pour Dumoulin, la communauté n’est pas formée par la force de la coutume mais elle résulte d’un contrat exprès ou tacite de la volonté des époux exprimée dans un contrat de mariage ou d’une volonté présumée en l’absence de contrat. C’est ce que l’on appelle de manière anachronique la doctrine de l’autonomie de la volonté. Un procès verbal de conférences tenu à Paris de 1710 à 1715 entre des avocats et des magistrats montre que si le contrat de mariage exprime formellement l’adoption d’un régime légal on doit suivre ses stipulations. Si le contrat n’exprime pas le choix d’un régime, les interprètes doivent rechercher dans l’acte des éléments desquels on peut induire la volonté des époux. Enfin, s’il n’y a aucun contrat de mariage les juristes hésitent. La majorité pense que l’on doit adopter comme coutume celle du premier domicile matrimonial mais ce n’est là qu’une présomption simple qui peut être écartée lorsque l’on prouve que les époux ont voulu adopter un autre régime ; Voir : J.-P. LEVY, A. CASTALDO, Histoire du droit civil, op. cit., p. 1402.
457 « En pays de droit écrit, tous les biens de la femme sont dotaux ou paraphernaux » ; BRETONNIER, verbo « Paraphernaux » dans Recueil par ordre alphabétique…, op. cit., Tome second, p. 3.
458 « L’usage des paraphernaux vient des Grecs […]. Le Jurisconsulte Ulpien, dans la Loi Si ergo 9 § 3 de jur. dot. remarque que les anciens Gaulois appeloient ce genre de biens, le pécule de la femme […]. Il ajoute qu’à Rome la femme avoit un petit registre des choses qu’elle avoit portées dans la maison de son mari pour son usage particulier, sur lequel le mari reconnoissoit que sa femme, outre sa dot, lui avoit apporté tous les effets couchés sur ce registre, afin que la femme à la dissolution du mariage pût les reprendre » ; BRETONNIER, verbo « Paraphernaux. » dans Recueil par ordre alphabétique…, op. cit., Tome second, pp. 1-2.
459 Au xve et au xvie siècle les paraphernaux sont assimilés à la dot « aussi bien au point de vue de leur administration que de leur restitution. C’est le mari qui les reçoit et en passe reconnaissance dans la forme d’une reconnaissance de dot, les assure sur tous ses biens, c’est-à-dire qu’ils sont garantis par la même hypothèque que les biens dotaux : ils suivent donc exactement le sort de la dot […]. On aurait pu soutenir que si le mari administrait les parafernalia, c’était par une pure complaisance de sa femme qu’elle les lui confiait volontairement [mais un acte de la pratique] montre, au contraire, que la femme était juridiquement tenue de les remettre à son mari » ; G. de BONNECORSE DE LUBIERES, La condition des gens mariés…, op. cit., pp. 106-107.
460 Ibid., pp. 111-112.
461 GUYOT, verbo « Dot » dans Répertoire universel…, op. cit., Tome sixième, p. 226.
462 Ibid.
463 BRETONNIER, verbo « Paraphernaux » dans Recueil par ordre alphabétique…, op. cit., Tome second, p. 5.
464 F. DECORMIS, Recueil de consultations…, op. cit., Tome premier, Colonne 1226.
465 J. DOMAT, Les loix civiles…, op. cit., Tome premier, p. 168.
466 Voir P. ROUSSILHE, Traité de la dot…, op. cit., Tome premier, p. 170.
467 BRETONNIER, verbo « Paraphernaux » dans Recueil par ordre alphabétique…, op. cit., Tome second, p. 6.
468 Ibid.
Voir également sur ce point P. ROUSSILHE, Traité de la dot…, op. cit., Tome premier, p. 170 et p. 172.
469 BRETONNIER, verbo « Paraphernaux » dans Recueil par ordre alphabétique…, op. cit., Tome second, p. 5. Bretonnier opère une distinction et estime que si dans son contrat de mariage la femme s’est expressément constituée une dot, le reste de ses biens doit être considéré comme étant paraphernal. Cependant, s’il n’y a pas de contrat de mariage ou si dans le contrat de mariage il n’y a aucune constitution de dot mais que la femme a, en fait, apporté des biens à son mari ceux-ci doivent de plein droit être réputés dotaux à moins que l’épouse ne se les soit expressément réservés comme étant des biens paraphernaux.. Cette opinion est également rapportée par P. ROUSSILHE, Traité de la dot…, op. cit., Tome premier, pp. 174-175.
470 En l’espèce la dame d’Anicourt, mariée en Beaujolais sans contrat de mariage, avait acheté un domaine avec des deniers qui provenaient de ses droits héréditaires. Il y avait une stipulation, dans le contrat d’acquisition, précisant qu’elle entendait se réserver expressément à titre de biens paraphernaux la propriété et la jouissance de ce domaine. Les créanciers du mari « et singulièrement les collecteurs des tailles » ont fait saisir les fruits de ce domaine pour dettes personnelles du mari et il a donc été question de savoir si le domaine était dotal ou paraphernal. La Cour des aides l’a jugé dotal parce que la stipulation faite en fraude des créanciers du mari ne peut changer la nature des biens de la femme qui sont « naturellement dotaux ». J.-B. DENISART, verbo « Paraphernaux » dans Collection de décisions nouvelles…, op. cit., Tome troisième, pp. 569-570.
Cet arrêt est également mentionné dans BRETONNIER, verbo « Paraphernaux » dans Recueil par ordre alphabétique…, op. cit., Tome second, p. 7. L’auteur rapporte à la page 8 « on m’a dit que le motif de l’arrêt avoit été que la clause du contrat d’acquisition étoit une contre-lettre contre le contrat tacite de mariage ».
471 Les raisons avancées par le jurisconsulte sont les suivantes : d’une part, la dot est ce qui est donné au mari par sa femme pour supporter les charges du mariage, d’autre part que les biens dotaux sont exclusivement ceux qui ont expressément été constitués en dot et enfin, par voie de conséquence, les biens paraphernaux sont ceux qui ne sont pas constitués en dot. L’auteur conclut que tous les biens que la femme a, en pays de droit écrit, sont naturellement paraphernaux et ils ne deviennent dotaux que par convention lorsqu’ils sont expressément constitués en dot parce que la femme n’est pas censée s’être constituée tous ses biens. Le fait qu’elle en ait laissé jouir son mari ne peut pas permettre d’induire une constitution tacite. Le jurisconsulte languedocien Despeisses est de la même opinion : les biens de la femme ne sont jamais présumés dotaux sans une constitution de dot expresse ; P. ROUSSILHE, Traité de la dot…, op. cit., Tome premier, pp. 165-167.
Boucher d’Argis précise que devant le Parlement de Toulouse, quand il n’y a point de contrat de mariage, ou que la femme n’a fait aucune constitution de dot « l’on juge que tous les biens qu’elle possède, ou qui lui échéent dans la suite, sont paraphernaux ; cela a été ainsi jugé par deux arrêts des 11 août 1615 et 13 juillet 1619 […]. La constitution de tous les biens, sans dire présents et à venir, ne comprend que les biens que la femme possède au tems du mariage et non ceux qui lui échéent dans la suite, qui sont réputés paraphernaux » ; BRETONNIER, verbo « Paraphernaux » dans Recueil par ordre alphabétique…, op. cit., Tome second, p. 38.
472 P. OURLIAC, Droit romain et pratique méridionale au xve siècle, Etienne Bertrand, Thèse droit Paris, Librairie du recueil Sirey, Paris, 1937, p. 113.
473 C.-J. de FERRIERE, La science parfaite des notaires…, op. cit., Tome premier, p. 262.
474 GUYOT, verbo « Dot » dans Répertoire universel…, op. cit., Tome sixième, p. 226.
475 Ibid.
476 « Mais la plus grande partie ont pensé que, lorsque la femme s’est mariée sans constitution de dot, on n’en devoit pas induire une tacite par plusieurs raisons » ; GUYOT, verbo « Dot » dans Répertoire universel…, op. cit., Tome sixième, p. 227.
477 Ibid.
478 Ibid., p. 226.
479 Ibid., p. 227.
C’est la même opinion qui est exprimée à l’entrée contrat de mariage : « Après avoir spécifié dans le mariage les biens du futur époux, on doit y faire mention de la dot de la future épouse, et déclarer en quoi elle consiste. Cette déclaration est d’autant plus importante que tout ce que la femme n’apporte pas en dot, est censé paraphernal, c’est-à-dire, qu’il n’y a que la dot dont le mari soit en droit de jouir pour soutenir les charges du mariage. La femme a la libre disposition de ses biens paraphernaux sans le consentement de son mari ; mais souvent elle lui en confie l’administration par son contrat de mariage […]. Au reste, pour que le mari ait quelque pouvoir, en pays de droit écrit, sur les biens de sa femme, il faut qu’il y ait un contrat de mariage, parce que son pouvoir se réduit à ce qui a été constitué en dot. Or la constitution de dot ne peut avoir lieu que par contrat de mariage, attendu que la Loi ne supplée pas à cet égard au silence des conjoints, comme les coutumes y suppléent sur plusieurs points en pays coutumiers » ; GUYOT, verbo « Contrat de mariage » dans Répertoire universel…, op. cit., Tome quatrième, p. 630.
480 GUYOT, verbo « Dot » dans Répertoire universel…, op. cit., Tome sixième, p. 227.
481 ARGOU, Institution au droit françois, Neuvième édition revue, corrigée et augmentée par A.-G. Boucher d’Argis., Chez Dessaint et Saillant, Paris, 1764. Voir : J. DEPINAY, Le régime dotal, étude historique, critique et pratique, Marchal et Billard imprimeurs-éditeurs, Paris, 1902, p. 61.
482 « Les biens paraphernaux, en pays de droit écrit, sont ceux qui ne font pas partie de la dot, sur lesquels le mari n’a aucun droit, et dont la femme est libre d’en disposer. Tous les biens qu’elle n’apporte pas en dot à son mari, lui sont biens paraphernaux, si elle les a au temps du mariage ; ceux qui viennent après sont biens adventifs ou extra-dotaux mais ils sont compris sous le terme général de biens paraphernaux » ; P. ROUSSILHE, Traité de la dot…, op. cit., Tome premier, p. 180.
483 « Les biens paraphernaux se distinguent de ceux de la dot par le contrat de mariage qui doit exprimer ce qui est dotal ; et on considère comme paraphernal ce qui n’est pas compris dans la dot, ou tacitement ou expressément quand même la femme le délivreroit au mari avec les biens dotaux, si ce n’est qu’il parût, lors de la délivrance, que ce ne fût qu’un accessoire dont la femme voulût augmenter sa dot » ; J.-B. DENISART, verbo « Paraphernaux » dans Collection de décisions nouvelles…, op. cit., Tome troisième, p. 569.
484 L’avis de Ferrière est d’ailleurs cité en référence dans la réédition des questions de droit de Bretonnier. Ferrière précise ainsi : « Dot en pays de droit écrit ne comprend pas tous les biens de la femme ; il n’y a que ceux qu’elle ou ses parents ou quelques autres personnes se constituent dans le contrat de mariage ou durant le cours du mariage qui deviennent dotaux et les autres biens de la femme sont appelés paraphernaux ou adventices » ; C.-J. de FERRIERE, verbo « Dot en pays de droit écrit » dans Dictionnaire de droit et de pratique…, op. cit., Tome premier, p. 486.
Guy du Rousseaud de la Combe. est d’un avis conforme : « ainsi tous les biens de la femme sont censés paraphernaux, s’ils ne sont pas donnés en dot » ; G. du ROUSSEAUD de LA COMBE, verbo « Dot » dans Recueil de jurisprudence civile, du pays de droit écrit et coutumier, Chez Nyon fils, Paris, 1767, p. 150.
485 GUERIN de TUBERMONT, Traité des contrats de mariage…, op. cit., p. 118.
486 Ibid., p. 607.
487 L’auteur ajoute, à juste titre, à la Provence d’autres provinces régies par l’« esprit des Loix Romaines » : la Gascogne, le Languedoc, le Lyonnais, le Dauphiné, le Beaujolais, le Forez, le Mâconnais et « autres pays adjacens » ; Ibid., p. 607.
488 Ibid.
489 Ibid., p. 609.
490 Œuvres de Scipion Dupérier, op. cit., Tome troisième, pp. 388-393.
491 « Métairie est l’habitation d’un métayer avec les logemens convenables pour exploiter les terres qu’on lui donne à cultiver, soit pour y serrer les grains, soit pour y faire des nourritures de bestiaux » ; C.-J. de FERRIERE, verbo « Métairie » dans Dictionnaire de droit et de pratique…, op. cit., Tome second, p. 201.
492 « Tenement est une métairie qui dépend d’une Seigneurie. Ce terme signifie aussi une pièce de terre de plusieurs arpens qui tiennent tous ensemble » ; C.-J. de FERRIERE, verbo « Tenement » dans Dictionnaire de droit et de pratique…, op. cit., Tome second, p. 201.
493 Dupérier précise que : « Montolieu qui étoit d’une humeur étrange, voyant que toute la dot de sa femme consistoit en cette métairie, et qu’il n’y avoit point d’argent à recevoir, voulut épargner la dépense d’un Contrat de fiançailles ; en sorte qu’il n’en fut fait aucun acte, ni par conséquent aucune constitution de dot expresse par écrit : mais en effet, elle se constitua tout ce qu’elle avoit, consistant en cette métairie » ; Œuvres de Scipion Dupérier, op. cit., Tome troisième, p. 388.
494 « L’une est que la dissimulation et la suppression de qualité de femme de Montolieu qui se trouve dans ce contrat de vente découvrent l’artifice du sieur Félix et la fraude de ce même contrat, et la connoissance que le sieur Félix avoit, qu’il achetait un fonds dotal, puisqu’il ne voulût pas que la venderesse prit une qualité qui ne pouvoit et ne devoit pas être omise, une femme mariée ne pouvant pas taire et supprimer son mariage, et le nom de son mari » ; Œuvres de Scipion Dupérier, op. cit., Tome troisième, p. 390.
495 Œuvres de Scipion Dupérier, op. cit., Tome troisième, pp. 390-391.
496 Ibid., p. 391.
497 Ibid., p. 391.
498 Et l’avocat de conclure : « Mais la question a bien encore moins de doute en ce cas particulier, où il s’agit d’une femme qui s’est mariée à un homme pauvre, et laquelle n’avoit néanmoins autres biens et droits que cette seule métairie : en sorte qu’il faut nécessairement, ou que cette métairie fût dotale, ou qu’elle n’eût point de dot ». Il faut ajouter les raisons de faits qui font que la vente a été faite sous la contrainte et la menace comme cela est attesté dans l’acte de protestation fait par l’épouse le 27 novembre 1659 ; Ibid., p. 391.
499 « Les Docteurs ne sont pas d’accord, si la femme est censée s’être tacitement constituée en dot tous ses biens et droits quand il n’y a point de constitution expresse : les uns tiennent absolument pour la négative […] les autres pour l’affirmative, c’est à dire pour tous les droits présents et non pour les droits à venir et notre Parlement l’a ainsi jugé au rapport de Monsieur De Gourdon en la cause du sieur Designières d’Arles au mois de décembre 1644 […]. Mais il faut observer en cette matière que cette constitution de dot est beaucoup plus favorable, par conséquent beaucoup plus facilement présumée parmi nous où le mari ne gagne rien sur la propriété des biens dotaux qu’au Parlement de Toulouse où le mari gagne toute la dot par le prédécès de sa femme comme il la gagnoit parmi les romains […]. Je tiens qu’en ce pays, l’opinion autorisée par l’Arrêt donné au rapport de M. de Gourdon doit être suivie, quand c’est le premier mariage de la femme » ; Œuvres de Scipion Dupérier, op. cit., Tome troisième, pp. 507-508.
500 Ibid., p. 393.
Commentant les Maximes du droit, De La Touloubre note dans le même sens : « Il [Dupérier] rappelle la question, si n’y ayant aucune constitution expresse de dot, la femme est censée s’être constituée tous ses biens. A juger cette question par [la disposition du droit romain] il faudroit décider contre cette présomption. En effet suivant cette même Loi, la femme qui a promis seulement de se constituer une dot, n’en doit aucune, à plus forte raison, ne la doit-elle pas, lorsqu’il n’en est pas absolument parlé et c’est ce qu’établit Cambolas » ; Ibid., p. 514.
501 Telle est l’opinion de Guy Pape précise Debézieux. ; B. DEBEZIEUX, Arrests notables…, op. cit., Livre 5, Chap 2, §. 10, p. 365.
Voir : G. PAPE, La jurisprudence du célèbre conseiller et jurisconsulte Guy Pape dans ses décisions avec plusieurs remarques importantes dans lesquelles sont entr’autres employés plus de milles Arrêts du Parlement de Grenoble, seconde édition corrigée et augmentée par N. Chorier, La veuve d’André Giroud, Imprimeur-Libraire du Parlement, Grenoble, 1769, p. 222.
502 B. DEBEZIEUX, Arrests notables…, op. cit., Livre 5, Chap 2, §. 10, p. 365.
503 Dans une espèce où l’on ne connaissait pas l’étendue de la constitution de dot entre un mari et une femme marchande publique, le Parlement de Provence dans un arrêt du 5 juillet 1776 fit droit à l’opinion suivant laquelle lorsque « l’on ne peut connoître quelle est la constitution de dot, il faut décider contre le mari ». On voit une fois de plus que c’est la protection de l’épouse et de ses biens qui détermine une telle solution lorsqu’il existe une incertitude sur le régime matrimonial applicable aux époux ; JANETY, Journal du Palais…, op. cit., Années 1775-1776-1777-1778, Arrêt V, p. 46.
504 L’auteur montre bien cependant que Debézieux justifie cette décision par des circonstances de fait et par la fréquence des constitutions universelles en Provence. Julien de son côté affirme que la jurisprudence de son temps déclare paraphernaux tous les biens de la femme en l’absence de contrat de mariage ; G. BOYER, « Réflexions sur la capacité de la femme mariée à Toulouse avant 1804 » dans Mélanges, Tome I Mélanges d’histoire du droit occidental, Recueil de l’académie de législation, 6ème série, 112ème année, Sirey, Paris, 1962, p. 140.
505 Œuvres de Scipion Dupérier, op. cit., Tome troisième, p. 393 et p. 514.
506 J.-J. JULIEN, Elémens de Jurisprudence…, op. cit., p. 45.
507 Ibid., p. 48.
508 L’avocat ajoute :» On agitera sans doute sur la prescription la question de savoir si elle peut courir entre le mari et la femme pendant le mariage et cette question n’est point douteuse dans l’ordre des principes généraux desquels il résulte que les biens paraphernaux de la femme étant pleinement et parfaitement libres sur sa tête sans que le mari puisse y prétendre droit de jouissance ni d’administration » ; AD BdR., 10 F 112, n° 23, Pour les créanciers de Blanche Lebel Grazielli contre le sieur Grazielli son fils (Le Biot), 10 septembre 1788.
509 AD BdR., 10 F 22, Mémoire n° 14, Pour Dominique Ferraudy jadis négociant de la ville de Marseille intimé en appel de la Sentence rendue par le Lieutenant de Marseille le 6 février 1767 contre Louis Roux négociant de ladite ville de Marseille en qualité de mari et maître de la dot et droits de demoiselle Marie Anne Feraudy icelle héritière par inventaire de la demoiselle Leydet sa mère appelant, 1769, pp. 2-3.
510 Consultation de Gassier, AD BdR., 10 F 104, n° 20, Pour le sieur Grégoire Vidal contre Etienne Vidal (Gonfaron), 27 juillet 1786.
511 Actes de notoriété…, op. cit., acte LXVII délibéré le 28 mars 1692, p. 102. Voir également, acte XXI délibéré le 4 mai 1686, pp. 34-35 et AD BdR., 240 E 203, Recueil des actes de notoriété expédiés par M.M. les syndics des avocats et avocats postulants au Parlement d’Aix depuis 1688, acte de notoriété CLXX délibéré à Aix le 4 mai 1696 et le 7 mai 1726 et expédié à Paris le 9 septembre 1767, f° 140-141.
512 DURAND DE MAILLANE, Plan de Code civil et uniforme pour toute la République lu au Comité de législation le 8 juillet 1793, l’An II de la République dans Archives Parlementaires de 1787 à 1860, Recueil complet des débats législatifs et politiques des Chambres françaises, Première série 1787 à 1789, Tome LXX, du 30 juillet 1793 au 9 août 1793, Imprimerie et librairie administrative des chemins de fer, Paul Dupont éditeur, Paris, 1906, p. 666.
513 DURAND DE MAILLANE, Motifs et développements des articles de lois …, op. cit., p. 674.
514 Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, op. cit., Tome Treizième, p. 528.
Jean-Louis Halperin notait à propos de ce projet : « Quant à Durand-Maillane, ancien membre de la Constituante et spécialiste de droit canon, il rédigea son projet, se plaçant ainsi en concurrence avec le comité de législation : il proposait la liberté la plus complète des relations matrimoniales » ; J.-L. HALPERIN, L’impossible code civil, P.U.F., « Histoires », Paris, 1992, p. 119.
515 Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, op. cit., Tome Treizième, pp. 806-807.
516 P. OURLIAC, J. de MALAFOSSE, Histoire du droit privé, P.U.F., « Thémis », Tome III « Le droit familial », Paris, 1968, p. 287.
517 Tel est l’avis de Despeisses rapporté par P. ROUSSILHE, Traité de la dot…, op. cit., Tome premier, p. 170.
518 P. OURLIAC, Droit romain et pratique méridionale au xve siècle, Etienne Bertrand, Thèse droit Paris, Librairie du recueil Sirey, Paris, 1937, p. 113.
519 Œuvres de Scipion Dupérier, op. cit., Tome troisième, p. 507.
Le principe est le même s’il s’agit d’un troisième mariage. En ce sens, Gassier reconnaît dans un mémoire imprimé qu’ « on insinue et qu’on a vainement tenté d’établir au procès, que quoique la demoiselle Espanet se fût remariée avec Jean Houivet sans contrat de mariage, la présomption de la Loi est néanmoins qu’elle doit être censée avoir contracté ce troisième mariage sous la même constitution que le précédent » ; AD BdR., 10 F 56, Mémoire n° 10, Pour la demoiselle Marguerite Bouret intimée en appel de la Sentence rendue par le Lieutenant au siège de Toulon rendue le 17 septembre 1787 contre sieur Jean-Louis-André Vantage en qualité de mari et maître de la dot et droits de demoiselle Anne-Rose Lantelme, Aix, 1789, p. 3.
520 Œuvres de Scipion Dupérier, op. cit., Tome troisième, p. 508.
521 Ibid., p. 514.
522 F. DECORMIS, Recueil de consultations…, op. cit., Tome premier, Colonne 1226.
523 On trouve le commentaire de l’avocat sous la Maxime suivante : « Les biens paraphernaux. n’entrent point dans la constitution de dot, qui ne s’y trouvent compris ni expressément ni tacitement, et dont la femme s’est réservée particulièrement la jouissance pendant le mariage ». On voit bien que la règle de présomption de dotalité en second mariage est une exception au principe général selon lequel en l’absence de contrat de mariage il y a une séparation totale des biens entre époux ; Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, pp. 254-255.
524 H. de BONIFACE, Suite d’Arrests notables…, op. cit., Tome second, Livre VI, Titre III, Chapitre I, p. 339.
525 Ibid.
526 Guyot rappelle qu’en droit romain la femme divorcée et qui retourne avec son futur ex-mari, rapporte la dot constituée au moment du premier mariage quoique le divorce l’ait dissolu ; GUYOT, verbo « Dot » dans Répertoire universel…, op. cit., Tome sixième, p. 226.
527 H. de BONIFACE, Suite d’Arrests notables…, op. cit., Tome second, Livre VI, Titre III, Chapitre I, p. 440.
528 L’arrêtiste précise : « Cependant les arbitres ont fait cette étrange injustice, que de comprendre dans cette constitution même les biens et droits par elle acquis de la libéralité de son premier mary et par le prédécès des enfants du premier lit, ou du moins l’usufruit de ces mêmes droits dont elle a perdu la propriété par son second mariage c’est-à-dire qu’ils ont cru que la première constitution les comprenoit, puisqu’elle leur a servi de règle pour établir la seconde, ce qui est une pensée évidemment déraisonnable car qui n’a jamais pensé que le mary recevant une constitution générale de tous droits ait entendu y comprendre ceux que son épouse recueilleroit après son décès, soit de sa propre libéralité, ou d’ailleurs, et dans un temps que le mariage n’existoit plus. Ainsi l’on voit assés combien la sentence des Arbitres est injuste de tous côtés et que c’étoit bien assés de renfermer la constitution dotale, dont il s’agit aux biens que l’appelante a eu pendant son premier mariage, et lui laisser au moins ses biens qu’elle a acquis pendant sa viduité ou par la libéralité de son premier mary qui sont les seuls biens auxquels elle restreint sa jouissance en les exceptant de la constitution générale pour pouvoir être en état de donner quelque secours à un fils du premier lit qu’elle a eu particulièrement en vue lorsqu’elle ne s’est point assignée de dot en se remariant et surtout étant déjà âgée de 50 ans et hors d’estat d’avoir des enfans de ce second mary, lequel pour fonder cette constitution générale qu’il prétend n’a eu la faveur ny la volonté expresse, ny la volonté tacite de son épouse » ; Ibid.
529 H. de BONIFACE, Suite d’Arrests notables…, op. cit., Tome second, Livre VI, Titre III, Chapitre I, p. 440.
530 « L’arrêt fixa à la même somme qu’elle s’étoit constituée dans son premier mariage, lui réservant les gains nuptiaux et les libéralités de son premier mari, pour l’enfant du premier lit » ; Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 159.
531 De La Touloubre s’étonne que Boniface n’ait pas pris la peine de rapporter ces faits, au demeurant, déterminants dans la décision du Parlement : « Cet arrêt est rapporté par Boniface Tome 4, Livre 6, Titre 3, Chapitre 1, mais il ne fait pas mention de cette anecdote que j’ai retrouvée dans les mémoires d’un magistrat » ; Œuvres de Scipion Dupérier, op. cit., Tome troisième, p. 514.
532 B. DEBEZIEUX, Arrests notables…, op. cit., Livre 5, Chap 3, §. 6, p. 386.
533 Ibid.
534 Les conseils de l’intimé ajoutent : « Mais pour faire toujours mieux voir que la sentence du Lieutenant est juste c’est que tout concourt à prouver que le prétexte d’argent prêté, n’étoit que pour obliger la femme de payer la dette du mari. Car il est constant que ce mari étoit débiteur et il paroit que Bessode ne vouloit point suivre sa foi et qu’il aimoit mieux l’obligation de sa femme, d’une telle manière que ce changement lui ait assuré sa dette, dont il ne pouvoit être payé de sa part, parce que ses affaires étoient dans un mauvais état : car il est mort insolvable et toutes ces considérations doivent infailliblement opérer la confirmation de la sentence » ; B. DEBEZIEUX, Arrests notables…, op. cit., Livre 5, Chap 3, §. 6, pp. 386-387.
535 B. DEBEZIEUX, Arrests notables…, op. cit., Livre 5, Chap 3, §. 6, p. 387.
536 Debézieux nous apprend de plus que « dans ses lettres royaux de rescision envers l’obligation par elle passée, elle avoit aussi exposé qu’on l’avoit fait obliger pour argent prêté et marchandises reçues ; quoiqu’elle n’eût jamais rien reçu de Bessode, ni en argent, ni en marchandises, ce qui n’étoit pas vrai, y ayant preuve au procès du contraire, par un extrait pris du livre de Bessode, qui justifioit qu’elle avoit pris dans sa boutique, et avant son remariage pour 280 livres de marchandises, au payement desquelles le Lieutenant l’avoit même condamnée. Ainsi après une telle preuve, on n’avoit pas dû déférer à ce qu’elle avoit avancé, pour faire croire qu’elle avoit été trompée ; puisque par ces deux réflexions on l’avoit trouvée en mauvaise foi » ; Ibid.
537 B. DEBEZIEUX, Arrests notables…, op. cit., Livre 5, Chap 3, §. 6, pp. 387-388.
538 Ibid.
539 L’arrêtiste Debézieux, sur l’arrêt Bessode contre Dubac du 10 mars 1698, marque bien sa volonté de ne pas le faire apparaître comme un revirement de jurisprudence mais bel et bien comme un arrêt de circonstance. A cet effet, il le résume de la sorte dans son propos liminaire sur cet arrêt : « La femme qui lors de son premier mariage s’est constituée tous ses droits, est censée s’être remariée sous cette même constitution, si lors de son remariage elle n’a point fait de contract civil et elle ne peut néanmoins, sur ce fondement, faire rescinder une obligation par elle contractée intermédiairement à ces deux mariages » ; B. DEBEZIEUX, Arrests notables…, op. cit., Livre 5, Chap 3, §. 6, p. 385.
540 Nîmes, 30 décembre 1808, Sirey 1810, 2, pp. 559 et s. Cité par A. EYQUEM, Le régime dotal…, op. cit., p. 60.
541 AD BdR., 10 F 56, Mémoire n° 10, Pour la demoiselle Marguerite Bouret intimée en appel de la Sentence rendue par le Lieutenant au siège de Toulon rendue le 17 septembre 1787 contre sieur Jean-Louis-André Vantage en qualité de mari et maître de la dot et droits de demoiselle Anne-Rose Lantelme, Aix, 1789, p. 4.
542 AD BdR., 355 E 564, Jean-François de Cormis notaire à Marseille, f° 58 verso à 59 recto.
On peut voir également le 6 avril 1788 un notaire de Ventabren qui se déplace à la Fare où il n’y a pas de notaire pour recevoir la quittance de Marie Rouard veuve de François Coulet « et à présent épouse de Claude Aillaud travailleur dudit la Fare ». L’épouse agit seule et est libre dans ses actions. Elle reçoit la somme de 32 livres que Barthélémy Ambard lui devait en vertu d’un acte notarié du 19 octobre 1785. Ambard déclare avoir reçu de la dame Rouard peu avant l’acte la somme de 9 livres 4 sols en paiement d’arrérages pour une terre située au terroir de Ventabren que ce dernier lui a vendu ; AD BdR., 310 E 484, Dominique Louis Devolx notaire à Ventabren, f° 662 verso à 664 recto.
543 AD BdR., 302 E 1472, Alexandre Marcellin Perrin notaire à Aix, f° 786 verso à 787 recto.
Nous trouvons de nombreux exemples dans nos archives de femmes veuves et remariées sans avoir fait avec leur second mari de contrat de mariage. Le notaire Perrin d’Aix précise dans une quittance qu’il reçoit le 24 juillet 1788 qu’ Esprit Bernard d’Albert Chevalier Baron de Bormes conseiller du Roi, « Président en la souveraine Cour des comptes aides et finances de ce pays » en qualité de procureur fondé par acte du 14 juin 1788 passé devant un notaire de Toulon, « de demoiselle Marie Anne Bernaduque veuve de sieur Charles Maillard dit La Motte et épouse en secondes noces de sieur Laurens Julien professeur royal de dessin de messires les élèves de la marine au département de laditte ville de Toulon y demeurante libre dans l’exercice de ses droits et actions pour n’avoir entreux aucun contract civil de mariage » ; AD BdR., 302 E 1472, Alexandre Marcellin Perrin notaire à Aix, f° 845 verso à 848 verso.
De même, le 27 février 1789, Hélène Roustang épouse du sieur Reyne donne une procuration au sieur Emerigon. Le notaire précise que la veuve remariée Hélène Roustang est une « épouse en secondes noces et libre dans ses actions de Jean Reyne maître menuisier de cette ville [Aix] laquelle a donné pouvoir à Me Louis Emerigon procureur au Parlement d’offrir et signer l’expédient dont la teneur suit : entre Hélène Roustang épouse en secondes noces et libre dans ses actions de Jean-Baptiste Reyne appelante de la sentence prise par le lieutenant des soumissions en cette ville le 2 juillet 1786 d’une part et Jean Balthazard Martel maître maçon de cette même ville intimé d’autre […] la Cour a mis l’appellation et ce dont est appel au néant quant à ce et par nouveau jugement sans s’arrêter à la requête incidente de Jean Balthazard ». La décision date de février 1789 mais on ne connaît pas la teneur du litige ; AD BdR., 303 E 496, Jean-Boniface Brémond notaire à Aix, f° 639 verso à 640 verso.
Le 23 avril 1789, Marie Bargetone veuve d’André Faure cuisinier « et épouse libre dans ses actions en secondes noces de Pierre Daumenge résidant audit Aix » a donné une procuration en blanc ; AD BdR., 303 E 496, Jean-Honoré Estienne notaire à Aix, f°1293 recto à 1294 recto.
544 Par exemple, le 16 juin 1788, Jean-Christophe Blanc bourgeois du lieu de Varages d’une part et dame Magdeleine de Vaugier, veuve en premières noces de Messire Jean-Baptiste Bernard avocat en la Cour « de leurs bon gré due et mutuelle stipulation intervenant ont promis de se prendre en légitimes époux en face de l’Eglise à la première réquisition de l’un d’eux et voulant rédiger en acte public leurs conventions civiles de mariage à ces causes ladite dame Magdeleine de Vaugier pour donner à son futur mary le moyen de supporter plus facilement les charges du mariage elle s’est constituée en dot et pour elle audit Blanc son futur époux en premier lieu la somme de 1000 livres au prix des coffres, robes, bagues et joyaux à ce estimés et apprétiés par amis communs des parties lesquelles hardes ledit sieur Blanc déclare les avoir reçues peu avant les présentes de ladite dame Vaugier à son contentement. En second lieu ladite dame de Vaugier se constitue encore tous ses meubles meublans linges effets ustencilles qu’il a été convenu entre les futurs mariés qu’un inventaire estimatif en seroit fait par Messire Barbaroux curé perpétuel et Messire Secondaire desservant la paroisse du lieu du Puy amis communs des parties lesquels procèderont sans formalité de justice sans prêter serment ny donner assignation aux parties et pourront procéder en leur présence ou absence, duquel inventaire fait en deux doubles il en sera remis un à chacun des futurs conjoints pour leurs frais et valoir ce que de droit les cas arrivant lesquels meubles meublans linges effets et ustencilles ont été évalués […] à la somme de 600 livres. En troisième lieu ladite dame de Vaugier se constitue encore tous ses biens et droits présens et à venir pour le recouvrement desquels biens ci dessus constitués particulièrement et ceux compris dans la constitution générale ladite dame de Vaugier a constitué ledit sieur Blanc son futur époux son procureur général et irrévocable pour les recouvrir de qui il appartiendra ou faire et jouir comme chaque mary a le droit de faire des biens et droits de sa femme, à la charge pour lui de les lui reconnoitre et assurer sur tous ses biens meubles et immeubles présens et à venir comme en effet dès maintenant comme pour lors il les lui reconnoit et assure sur tous ses biens meubles et immeubles présens et à venir même les 1000 livres des hardes ci dessus déclarées reçues et ses meubles meublans pour les lui rendre et restituer à elle ou à autres à qui de droit le cas de restitution arrivant : et de plus en considération de la constitution générale ci dessus ledit sieur Blanc futur époux soit obligé comme il s’oblige par ces présentes de payer à la décharge de ladite dame de Vaugier sa future épouse les dettes papiers qu’elle avoit contracté jusques à présent et qu’elle a déclaré consister primo en la somme de 100 livres qu’elle doit à Jaques Cavapes secondo à celle d’environ 36 livres dues au sieur Champrour marchand, tertio celle de 36 livres à Amiel de Perricard, quarto celle de 48 livres à Aufratet de Rognes, quinto celle de 30 livres à Laurens Bernard, sexto celle 250 livres au sieur Giraud de Lambesc, septimo celle de 40 livres à Giraud boulanger du lieu de Rognes, octavo celle 72 livres à la dame Vaugier sa cousine pour nourriture qu’elle a fourni à ladite dame Magdeleine Vaugier jusques à présent et là où ladite cousine voudroit prétendre à une plus grande somme elle seroit portée jusqu’à 96 livres et de plus ledit sieur Blanc sera tenu de payer les sommes quelle peut devoir par contract et autre privilègiés n’excédant ensemble environ celle de 2000 livres et moyennant le payement des sommes que ledit sieur Blanc futur époux faira ainsi qu’il s’y oblige, ledit sieur Blanc demeure subrogé aux actions et hipothèques des créanciers par lui payés : d’amour mutuelle les futurs mariés se sont donnés et donnent par donnation de survie et pour causes nopces sçavoir ledit sieur Blanc futur époux à ladite dame de Vaugier sa future épouse de la somme de 2000 livres et ladite dame de Vaugier future épouse audit sieur Blanc futur époux de la somme de 1000 livres les futurs époux se font pareille et réciproque donnation que dessus des coffres, robes, bagues et joyaux prix et reconnus d’iceux à prendre le tout par le survivant sur les biens du premier décédé et toujours ensuite des accords matrimoniaux ledit sieur Blanc promet payer annuellement à ladite dame de Vaugier sa future épouse une pension de 50 livres pour servir à ses menus dépenses ; et pour l’observation de ce que dessus les parties obligent respectivement tous leurs biens présens et à venir à toutes cours des soumissions et autres requises ainsi l’ont promis et requis acte fait et publié audit Aix dans notre étude [devant témoins] » ; AD BdR., 308 E 1589, Nicolas Joseph Gabriel Dufour notaire à Aix, f° 164 recto à 166 verso.
545 Si une femme veuve puis remariée s’était constituée une dot lors de son premier mariage et n’a passé aucun contrat lors du second et qu’elle a au cours du second mariage passé des actes notariés où elle était désignée comme étant libre dans ses actions l’épouse remariée n’est plus présumée avoir constitué la même dot que lors du mariage précédent. Dans ce cas, « la présomption ne pourroit que s’évanouir, parce qu’il est de nature de toutes les présomptions, tant de fait que de droit, de céder à la preuve de la vérité contraire » ; Mémoire de l’avocat Gassier, AD BdR., 10 F 56, Mémoire n° 10, Pour la demoiselle Marguerite Bouret intimée en appel de la Sentence rendue par le Lieutenant au siège de Toulon rendue le 17 septembre 1787 contre sieur Jean-Louis-André Vantage en qualité de mari et maître de la dot et droits de demoiselle Anne-Rose Lantelme, Aix, 1789, pp. 3-4.
De même, dans une consultation du 29 février 1772, le jurisconsulte affirme qu’ « il est vrai qu’on présume que la dot constituée lors du premier mariage a également été constituée lors du second. Mais la Loi reçoit les présomptions contraires » ; Consultation de Gassier, AD BdR., 10 F 78, n° 16, Pour le sieur Messalguy contre la demoiselle Meyffren (Marseille), 29 février 1772.
546 « Mais pour ce qui est de la veuve qui au premier mariage s’étoit fait une constitution de tous ses biens et droits présents et à venir et qui au second mariage ne fait aucun contrat ni aucune constitution de dot mais seulement la célébration des épousailles la plupart des interprètes tiennent qu’elle est censée s’être constituée dans le second mariage la même dot qu’au premier » ; F. DECORMIS, Recueil de consultations…, op. cit., Tome premier, Colonne 1226.
547 F. DECORMIS, Recueil de consultations…, op. cit., Tome premier, Colonnes 1227-1228.
548 AD AdHP., 2 E 14942, Charles Simon notaire à Digne, f°156 recto à 157 recto et f°212 verso à 214 verso.
549 Dans un article récent sur le régime des biens entre époux de 1650 à 1789 à Villiers-sur-Tholon où s’applique la coutume de Troyes, Xavier François notait que seulement 20 % des villarois passaient devant le notaire avant de se présenter devant le curé. Bien évidemment, l’auteur commence son étude par établir les relations patrimoniales entre époux qui n’ont pas fait de contrat de mariage ; X. FRANCOIS, « Continuités et ruptures dans le régime des biens entre époux et les transferts de patrimoines à Villiers-sur-Tholon de 1650 à 1789 » dans M.S.H.D.B., Volume 60, Dijon, 2003, pp. 203-216, particulièrement pp. 205-206.
550 A. DUMAS, « Dieu nous garde de l’et caetera du notaire » dans Mélanges Paul Fournier, Librairie du recueil Sirey, Paris, 1929, p. 165.
551 C.-J. de FERRIERE, La science parfaite des notaires…, op. cit., Tome premier, p. 174.
Dans la Nouvelle introduction à la pratique de Claude-Joseph de Ferrière la formule utilisée est la suivante : le contrat de mariage « passe avec raison pour le plus important de tous ceux qui se font entre les hommes » ; C.-J. de FERRIERE, verbo « Contrat de mariage » dans Nouvelle introduction à la pratique contenant les termes de pratique de droit et de coutume avec les juridictions de France, Nouvelle édition revue, corrigée et augmentée, Tome premier, Chez Joseph Saugrain, Paris, 1745, p. 425.
Il convient de noter que dans la réédition de la Science des notaires de Claude de Ferrière, père de Claude-Joseph, la formule est beaucoup plus catégorique et le « sans doute » n’y apparaît pas : « C’est le plus important de tous les contrats qui se font entre les hommes parce qu’il règle l’état et la condition des familles » ; C. de FERRIERE, La science parfaite des notaires…, op. cit., p. 24.
Le contrat de mariage n’a peut-être plus dans la deuxième moitié du xviiie siècle la place qui était la sienne précédemment.
552 Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 135.
553 « Il y a une observation importante à faire ici ; c’est que quand il n’y point de contrat de mariage, les parties sont censées avoir suivi pour leurs conventions matrimoniales, le domicile du mari, tel qu’il était lors de la célébration du mariage » ; C.-J. de FERRIERE, La science parfaite des notaires…, op. cit., Tome premier, pp. 173-174.
554 P.-J. BRILLON, verbo « Dot » dans Dictionnaire des arrêts ou jurisprudence universelle des Parlemens de France et autres tribunaux, Nouvelle édition revue, corrigée et augmentée, Chez Guillaume Cavelier père et fils, Michel Brunet et Nicolas Gosselin, Paris, 1727, p. 817.
555 J. HILAIRE, « L’évolution des régimes matrimoniaux dans la région de Montpellier aux xviie et xviiie siècles », op. cit., p. 140 et p. 140 note 5.
556 J.-P. LEVY, Diachroniques…, op. cit., p. 210.
557 Y. THOMAS, « Le contrat de mariage dans le Périgord vers la fin de l’Ancien Régime », dans Hommage à Romuald Szramkiewicz, Editions Litec, Paris, 1998, p. 558.
558 GUERIN de TUBERMONT, Traité des contrats de mariage…, op. cit., p. 118.
559 « Parmi nous, on passe des contrats de mariage pour y régler les conventions ; ordinairement on y explique si les biens de la femme seront dotaux ou paraphernaux ; quelques fois l’on en dit rien ; d’autrefois on ne passe point de contrat de mariage, ou le notaire le laisse imparfait ; de là le doute si l’on doit regarder les biens de la femme comme dotaux, ou comme paraphernaux » ; P. ROUSSILHE, Traité de la dot…, op. cit., Tome premier, pp. 164-165.
560 J.-J. JULIEN, Elémens de Jurisprudence…, op. cit., p. 45.
561 N. ARNAUD-DUC, Droit, mentalités et changement social..., op. cit., p. 8.
562 J.-J. JULIEN, Elémens de Jurisprudence…, op. cit., p. 45.
563 Ibid.
564 Nous donnons le passage dans son intégralité pour que chacun puisse se faire une opinion :
« TITRE IV. Des conventions matrimoniales, de la dot, des avantages nuptiaux.
I. Le contrat n’est point de l’essence du mariage. Dans les pays coutumiers où la communauté des biens entre les mariés et le douaire en faveur de la femme, sont établis par la seule force de la coutume et sans stipulation, la coutume fait le contrat. L’article 220 de la Coutume de Paris est en ces termes : « Homme et femme conjoints ensemble par mariage, sont communs en biens meubles et conquêts immeubles faits durant et constant ledit mariage, et commence la communauté du jour des épousailles et bénédiction nuptiale ». Et l’article 247 de la même coutume dit : « Femme mariée est douée de douaire coutumier, posé que par exprès au traité de son mariage ne lui eût été constitué ni octroyé aucun douaire ».
II. Il en est autrement dans cette Province, qui est régie par le droit écrit. S’il n’y point de contrat, la femme conserve la libre disposition de ses biens et nulle charge, nulle obligation n’est imposée sur ceux du mari » ; J.-J. JULIEN, Elémens de Jurisprudence…, op. cit., p. 45.
565 AD BdR., 305 E 198, Jean-Bernard Barbezier notaire à Aix, f°266 verso à 267 verso.
566 AD BdR., 301 E 656, Luc Giraud notaire à Eguilles, f°748 verso à 749 recto.
567 AD BdR., 360 E 184, J. Bte Gourdan notaire à Marseille, f°8 verso à 9 recto.
568 AD BdR., 301 E 387, André Joseph Bertet notaire à Aix, f°861 verso à 863 verso.
569 Ibid., f°836 recto à 837 verso.
570 François Jouvet reçoit en espèces 599 livres 10 sols 11 deniers de « Marguerite Fassy épouse libre dans ses actions du sieur Charles Leroy marchande de mode de cette ville ici présente, stipulante et acceptante ». Elle lui doit de l’argent en vertu d’un acte du 14 février 1788 ; Quittance du 24 février 1789 de la somme de 599 livres10 sols 11 deniers par le sieur Jouvet maître sellier à Dame Fassy AD BdR., 305 E 589, Joseph Germain Symphorien Brousse notaire à Aix, f°11 recto à 12 recto.
Le 19 avril 1788, le notaire aixois François Boyer a vendu à Marguerite Fassy marchande bijoutière, « épouse libre dans ses actions de sieur Charles Leroy, pour n’y avoir entre eux aucun contrat civil de mariage ici présente stipulante et acceptante et le sien une maison entière, droits, dépendances et appartenances dans l’enceinte de cette ville […] ». Le montant de la transaction est de 4000 livres. L’acquéreur devra d’ailleurs payer une rente annuelle de 300 livres à demoiselle Françoise Ginoux épouse du sieur Lacourbe. La dame Leroy reçoit également cinq cent vingt cinq livres en espèces du notaire Boyer qu’elle s’oblige à rembourser dans un an ; Vente de maison par maître François Boyer notaire à dame Marguerite Fassy le Roy, AD BdR., 305 E 198, Jean-Antoine Baille notaire à Aix, f°102 recto à 105 verso.
Le 4 février 1789, Marguerite Fassy « épouse libre dans ses actions de sieur Charles Leroy, marchand bijoutier demeurant à Aix laquelle a reconnu et confessé devoir à sieur Joseph Leydet, marchand verrier demeurant audit Aix icy présent, stipulant et acceptant la somme de six cent huit livres que ladite dame Fassy Leroy a tout présentement et réellement reçue à titre d’amiable prêt dudit sieur Leydet en espèces de cours de ce jour […] ». L’épouse s’engage à rembourser le 4 août 1789 en espèces ; Obligation par dame Fassy Leroy à sieur Joseph Leydet, AD BdR., 305 E 198, Jean-Bernard Barbezier notaire à Aix, f°394 recto à 394 verso.
C’est devant le notaire François Boyer que Marguerite Fassy paye deux de ses créanciers et dans deux actes différents elle est désignée par le praticien comme étant « libre dans ses actions de Charles Leroy pour ny avoir entre eux aucun contrat civil de mariage » ; AD BdR., 302 E 1388, François Boyer notaire à Aix, f°811 verso à 812 recto et f°817 verso à 818 verso.
Autre exemple : Dans l’acte d’achat d’Antoine Fabre, des frères Yvan et de Catherine Castel cette dernière est mariée, et désignée comme étant libre dans ses actions pour être mariée sans contrat. Le 2 juin 1788 devant notaires et témoins « furent présens Joseph Yvan travailleur du lieu d’Eguilles tant pour luy que pour Jean-Jacques Yvan son frère marinier résidant ordinairement à Marseille pour lequel il se fait fort avec promesse de rapporter d’iceluy la ratification du présent acte pour tout le mois de décembre prochain et Catherine Castel épouse libre dans ses actions de Michel Merende travailleur du lieu de Pericard pour n’y avoir entr’eux point de contrat civil de mariage » ; AD BdR., 307 E 1297, Jean-Boniface Brémond notaire à Aix, f°267 recto à 272 recto.
Dans la ratification par Jean-Jacques Yvan marinier en faveur d’Antoine Fabre et la procuration d’Yvan à Joseph Yvan son frère, Catherine Castel est désignée comme étant libre dans ses actions. Le 1er août 1788, devant notaire et témoins « fut présent Jean-Jacques Yvan marinier résident ordinairement à Marseille lequel d’après la lecture que nous lui avons présentement faite de l’acte du second juin dernier reçu par nous notaire portant vente par Joseph Yvan agissant tant pour luy que pour ledit comparant et par Catherine Castel épouse libre dans ses actions de Michel Merende travailleur de Pericard en Faveur d’Antoine Fabre Marchand de vin de cette ville d’une propriété de terre contemplée de vignes et olliviers de la contenance de six carterées et demi environ dont ledit Jean-Joseph Yvan étoit propriétaire d’un tiers au prix de 3900 livres » ; AD BdR., 307 E 1297, Jean-Boniface Brémond notaire à Aix, f°327 verso à 328 verso.
Dans une quittance du 3 novembre 1788, le notaire précise de nouveau que l’épouse est libre dans ses actions car mariée sans contrat. Joseph Yvan travailleur d’Eguilles, Jean-Jacques Yvan son frère marinier résident à Marseille et Catherine Castel « épouse libre dans ses actions de Michel Merende travailleur du lieu de Perricard pour n’y avoir entr’eux point de contrat civil de mariage ainsi qu’elle et sondit mary icy présent et l’autorisant en tant que de besoins l’on déclare lesquels déclarent avoir présentement reçu d’Antoine Fabre marchand de vin de cette ville […] présent acceptant et stipulant la somme de trois mille trois cent soixante cinq livres quatre sols six deniers en monnaye de cours réelle numération faite au vû de nous notaires et témoins que ledit Fabre restoit devoir auxdits Yvan et à ladite Castel par le prix de la propriété qu’ils ont vendu audit Fabre par acte du second juin dernier [1788] ». La somme due comprend le principal et les intérêts. La dame Castel retire de la somme 1020 livres 16 sols 8 deniers ; AD BdR., 307 E 1297, Jean-Boniface Brémond notaire à Aix, f°486 recto à 487 recto.
571 Quittance du 26 février 1788 de la demoiselle Anne Gody au Roi et aux Etats de Provence ; AD BdR., 307 E 1297, Jean-Boniface Brémond notaire à Aix, f°82 recto à 83 recto.
572 Voir pour l’exemple cité : Vente de propriété pour 1050 livres par Anne Aubert à Pierre Amphoux voiturier d’Aix, AD BdR., 309 E 1455, Jean-François Allard notaire à Aix, f°255 verso à 258 recto et vente Anne Aubert épouse Eyguesier à Melchior Ravel, AD BdR., 302 E 1388, François Boyer notaire à Aix, f°788 recto à 790 verso.
573 Voir : AD BdR., 310 E 476, Joseph Millard notaire à Velaux, f°2733 recto à 2734 recto ; f°2734 recto à 2735 recto et f°2757 recto à 2757 verso.
574 Le 3 juillet 1788, dame Catherine Reboul veuve du sieur Dessuard et sieur Roch Mallet de la ville de Marseille tant en son nom propre qu’en qualité de père et légitime administrateur d’Estienne Roch, Joseph Pascal et de Françoise Mallet ses trois enfants de son mariage avec feue Marie Reboul sœur de ladite dame Catherine Reboul « lesquels ont déclaré à serment à Joseph Leidet ménager de cette ville d’Aix icy présent stipulant et acceptant que ladite Marie Reboul fille de Louis Reboul praticien du droit à Aix et de deffunte Elizabeth Brousset avoit été mariée sans contract civil de mariage et sans que ladite Elizabeth Brousset sa mère lui ait constitué aucune dot que ladite Marie Reboul est morte avant ladite Elizabeth Brousset sa mère et que par conséquent elle n’a jamais rien eu à prétendre ni dot ni légitime sur la succession de ladite Elizabeth Brousset sa mère » ; Quittance, bail à ferme et obligation, AD BdR., 301 E 387, André Joseph Bertet notaire à Aix, f°781 recto à 786 recto.
575 Le 20 février 1788, Marie Thérèse Pelissier, fille et héritière testamentaire de Gaspard son père de son vivant apothicaire de Digne, a vendu à Paul Lombard bourgeois de Digne « une Bastide, biens et domaines dépendants pour la somme de 3999 livres 19 sols. Marie Thérèse Pelissier épouse de Jean Antoine Gaubert est désignée par le notaire comme « libre dans l’exercice de ses actions pour n’avoir avec ledit Gaubert aucun contrat civil de mariage » ; Achat par le sieur Lombard, AD AdHP, 2 E 14942, Charles Simon notaire à Digne, f°29 recto à 33 recto.
Le 4 novembre 1788, Marianne Rancunel épouse d’Etienne Ripart maître maçon « libre dans l’exercice de ses actions pour n’avoir avec son mary aucun contrat civil de mariage » a confessé avoir reçu de 99 livres 10 sols ; Ibid., f°191 recto à 192 verso.
576 Le 30 juillet 1788, Jean-Pierre Colomb du Villard résidant à Digne a vendu à « Elizabeth Gros femme de Thomas Trabuc ménager du lieu de Champterier libre dans l’exercice de ses actions icy présente stipulante et acceptante le droit et faculté de jouir et de disposer pendant deux jours de chaque semaine qui sont le lundy et le jeudy de l’eau d’une source qui jaillit au coin du pied de Chabaud dans le terroir de Champterier » ; AD AdHP, 2 E 14942, Charles Simon notaire à Digne, f°139 recto à 139 verso.
577 Constitution de rente du 22 juin 1789 par Magdeleine Castel épouse libre de François Martin a sieur Jacques Bœuf, AD BdR., 308 E 1589, Nicolas Joseph Gabriel Dufour notaire à Aix, f°459 verso à 460 verso.
De même, le notaire Henry Gros parle dans le titre de son acte d’ « arrentement Elizabeth Panisson épouse libre d’Henry Emery à Jean-Antoine Roubert » et dans le contenu de l’acte le notaire précise qu’ « Elizabeth Panisson épouse d’Henry Emery meunier de cedit lieu [Vitrolles] et libre dans ses actions pour n’avoir aucun contrat civil de mariage ainsi qu’elle a dit » ; Arrentement du 29 août 1788 d’Elizabeth Panissson épouse libre d’Henry Emery à Jean-Antoine Roubert, AD BdR., 310 E 545, Henry Gros notaire à Vitrolles, f°715 verso à 717 verso.
578 Autour de 95 % des gens mariés faisaient un contrat de mariage à Lyon de 1730 à 1787. Mais le nombre de mariages conclus sans contrat varie, dans des études situées en dehors de la ville de Lyon, de 6 % en 1730 à 30 % en 1787. A. DAUMARD, « Structures sociales et classement socio-professionnel, l’apport des archives notariales aux xviiie et xixe siècles », dans R. H., Tome CCXXVIII, P.U.F., Paris, 1962, p. 142.
579 En 1785, 93 % des nouveaux mariés faisaient un contrat de mariage à Toulouse. Sur 425 mariages 394 ont été précédés d’un contrat de mariage et 364 d’entre eux ont été établis par un notaire toulousain ; Ibid., p. 141.
Germain Sicard note : « La comparaison avec les registres de catholicité montre que le recours au notaire était de règle constante en pays toulousain avant d’en venir à la célébration religieuse ». Pour 472 mariages célébrés l’auteur et son équipe de recherches ont retrouvé 468 contrats de mariage ; G. SICARD, « Comportements juridiques et société : les contrats de mariage avant et après la Révolution (Toulouse et pays toulousain) » dans Notaires, Mariages, Fortunes dans le Midi toulousain sous la direction de G. Sicard, P.U. des sciences sociales de Toulouse, Toulouse, 1997, pp. 95-96 et p. 95 note 5.
580 Voir les arguments avancés par Jean Hilaire et déjà cités.
581 M. ROMIER, « Le régime matrimonial des commerçants et artisans au xviiie siècle (1724-1793) d’après les actes des notaires grenoblois », dans R.H.D, n° 2 avril-juin 1999, pp. 191-211.
582 Archives départementales de l’Isère, 3 E 1397/6, acte du 24 janvier 1763, f°7 ; cité par M. ROMIER, « Le régime matrimonial des commerçants et artisans … », op. cit., p. 192.
583 Yves Thomas note concernant le Périgord que les archives ne semblent pas apporter la preuve certaine de mariage sans contrats notariés, mais : « la proportion très élevée d’héritiers dans les contrats ne peut s’expliquer que si certains cadets se mariaient entre eux sans contrat notarié ». L’auteur renvoie à la note 53 de son article où il donne l’exemple d’un mariage dont les effets patrimoniaux n’ont été que verbalement accordés ; Y. THOMAS, « Le contrat de mariage dans le Périgord vers la fin de l’Ancien Régime », op. cit., p. 558 note 8. Pour la note 53 voir p. 566.
A Dijon en 1748, 82 % des contrats de mariage au moins donnaient lieu à la rédaction de contrats et M. Garden, auteur de cette étude, pense que cette proportion est sans doute inférieure à la réalité ; « Niveaux de fortune à Dijon au milieu du xviiie siècle » dans Cahiers d’histoire publiés par les universités de Clermont, Lyon et Grenoble, Tome IX, 1964, pp. 212-260. Jean Bart reprend à son compte ces observations et ajoute que les mariages avec contrat sont tout aussi nombreux à la fin du xviie siècle, sous la Révolution et pendant la plus grande partie de l’Empire. « Ils se rencontrent dans toutes les classes sociales » ; « La pratique des contrats de mariage dans la région dijonaise à la fin du xviiie et au début du xixe siècle » dans Du droit de la province au droit de la nation, Publications du Centre Georges Chevrier, Volume 17, Dijon, 2003, p. 82 note 5. Cet article avait été publié une première fois en 1966 dans MSHDB, n° 27, pp. 285-313.
584 Les développements suivants sont une synthèse de tableaux et graphiques établis grâce aux recherches faites par Nicole Arnaud-Duc, Droit, mentalités et changement social…, op. cit., pp. 108 et s.
Par rapport à la profession du mari on note qu’à Aix en 1785 : 52,5 % des propriétaires font un contrat de mariage, 100 % des professions libérales, 68,42 % des commerçants, 39,75 % des artisans, 34,78 % des employés et 39,39 % des cultivateurs.
- Lorsqu’une fille de propriétaire épouse un propriétaire en 1785 71,42 % font un contrat de mariage, 100 % si elle épouse un commerçant, 66, 66 % lorsqu’elle épouse un artisan, 100 % lorsqu’elle épouse un employé et 50 % lorsqu’elle épouse un cultivateur.
- Lorsqu’une fille d’un père exerçant une profession libérale se marie elle fait dans tous les cas un contrat.
- Lorsqu’une fille d’un commerçant épouse une propriétaire en 1785 100 % font un contrat de mariage, 60 % si elle épouse un commerçant, 55,55 % lorsqu’elle épouse un artisan, 100 % lorsqu’elle épouse un employé.
- Lorsqu’une fille d’un employé épouse un artisan en 1785 50 % font un contrat de mariage, 50 % lorsqu’elle épouse un employé et 100 % lorsqu’elle épouse un cultivateur.
- Lorsqu’une fille de cultivateur épouse un propriétaire en 1785 66,66 % font un contrat de mariage, 100 % si elle épouse un commerçant, 66, 66 % lorsqu’elle épouse un artisan, 75 % lorsqu’elle épouse un employé et 55,76 % lorsqu’elle épouse un cultivateur.
Par rapport à la profession du mari on note qu’à Salon en 1785 : 76,47 % des propriétaires font un contrat de mariage, 100 % des professions libérales, 100 % des commerçants, 75,43 % des artisans, 80,48 % des employés et 79,25 % des cultivateurs.
- Lorsqu’une fille de propriétaire épouse un propriétaire en 1785 95 % font un contrat de mariage, 100 % lorsqu’elle épouse un mari exerçant une profession libérale, 100 % si elle épouse un commerçant, 63 % lorsqu’elle épouse un artisan, 75 % lorsqu’elle épouse un employé et 80 % lorsqu’elle épouse un cultivateur.
- Lorsqu’une fille d’un père exerçant une profession libérale se marie elle fait dans tous les cas un contrat.
- Lorsqu’une fille de commerçant épouse un propriétaire en 1785 100 % font un contrat de mariage, 100 % lorsqu’elle épouse un mari exerçant une profession libérale, 100 % si elle épouse un commerçant, 75 % lorsqu’elle épouse un artisan, 100 % lorsqu’elle épouse un employé et 50 % lorsqu’elle épouse un cultivateur.
- Lorsqu’une fille d’un artisan épouse un propriétaire en 1785 62,5 % font un contrat de mariage, 100 % si elle épouse un commerçant, 85,18 % lorsqu’elle épouse un artisan, 80 % lorsqu’elle épouse un employé et 100 % lorsqu’elle épouse un cultivateur.
- Lorsqu’une fille d’un employé se marie elle fait toujours un contrat de mariage.
- Lorsqu’une fille d’un cultivateur épouse un propriétaire en 1785 50 % font un contrat de mariage, 66,66 % lorsqu’elle épouse un artisan, 50 % lorsqu’elle épouse un employé et 79,87 % lorsqu’elle épouse un cultivateur. Par rapport à la profession du mari on note qu’à Gardanne en 1785 : 70 % des propriétaires font un contrat de mariage, 100 % des professions libérales, 85,71 % des commerçants, 72,22 % des artisans, 55,55 % des employés, 69,33 % des cultivateurs et 66,66 % des ouvriers.
- Lorsqu’une fille de propriétaire épouse un propriétaire en 1785 90 % font un contrat de mariage, 100 % lorsqu’elle épouse un mari exerçant une profession libérale, 100 % si elle épouse un commerçant, 50 % lorsqu’elle épouse un artisan, 80 % lorsqu’elle épouse un employé, 69,9 % lorsqu’elle épouse un cultivateur et 100 % lorsqu’elle épouse un ouvrier.
- Lorsque la fille d’un père exerçant une profession libérale se marie elle fait dans tous les cas un contrat.
- Lorsqu’une fille de commerçant épouse un propriétaire en 1785 50 % font un contrat de mariage, 100 % lorsqu’elle épouse un mari exerçant une profession libérale, 100 % si elle épouse un commerçant et 50 % lorsqu’elle épouse un artisan.
- Lorsqu’une fille d’artisan épouse un commerçant en 1785 100 % font un contrat de mariage, 66,66 % lorsqu’elle épouse un artisan, 66,66 % lorsqu’elle épouse un employé et 40 % lorsqu’elle épouse un cultivateur.
- Lorsqu’une fille d’employé de marie elle fait toujours un contrat.
- Lorsqu’une fille de cultivateur épouse un artisan en 1785 100 % font un contrat de mariage, 100 % lorsqu’elle épouse un employé, 74,71 % lorsqu’elle épouse un cultivateur et 100 % lorsqu’elle épouse un ouvrier
- Lorsqu’une fille d’ouvrier épouse un cultivateur en 1785 100 % font un contrat de mariage, 50 % lorsqu’elle épouse un ouvrier.
Par rapport à la profession du mari on note qu’à Martigues en 1785 : 86,76 % des propriétaires font un contrat de mariage, 100 % des professions libérales, 50 % des commerçants, 44 % des artisans, 41,66 % des employés, et 53,19 % des cultivateurs.
- Lorsqu’une fille de propriétaire épouse un propriétaire en 1785 97,22 % font un contrat de mariage, 100 % lorsqu’elle épouse un mari exerçant une profession libérale, 57,89 % lorsqu’elle épouse un artisan, 47,05 % lorsqu’elle épouse un employé et 52,94 % lorsqu’elle épouse un cultivateur.
- Lorsque la fille d’un père exerçant une profession libérale se marie elle fait dans tous les cas un contrat.
- Lorsqu’une fille de commerçant épouse un propriétaire en 1785 100 % font un contrat de mariage, 100 % lorsqu’elle épouse un mari exerçant une profession libérale, 50 % lorsqu’elle épouse un commerçant, 66,66 % lorsqu’elle épouse un artisan, 100 % lorsqu’elle épouse un employé.
- Lorsqu’une fille d’artisan épouse un propriétaire en 1785 90,90 % font un contrat de mariage, 75 % lorsqu’elle épouse un commerçant, 43,75 % lorsqu’elle épouse un artisan et 63,15 % lorsqu’elle épouse un employé.
- Lorsqu’une fille d’employé épouse un employé en 1785 27,58 % font un contrat de mariage et 35,29 % lorsqu’elle épouse un cultivateur.
- Lorsqu’une fille de cultivateur épouse un propriétaire en 1785 80 % font un contrat de mariage, 43,33 % lorsqu’elle épouse un employé et 57 % lorsqu’elle épouse un cultivateur.
585 AD BdR., 357 E 219, Guairard notaire à Marseille, f°545 recto à 546 recto.
586 AD BdR., 361 E 169, Laurent Sard notaire à Marseille, f°13 recto à 14 verso.
587 On constate cependant qu’à Martigues en 1785 les moins favorables au contrat de mariage sont les commerçants, les artisans, les employés et les cultivateurs.
588 Œuvres de Scipion Dupérier, op. cit., Tome troisième, p. 388.
589 B. DEBEZIEUX, Arrests notables…, op. cit., Livre 5, Chap 2, §. 10, p. 364.
590 « Malheureusement pour elle, elle est libre dans ses actions et son mari a bien abusé de cette liberté. Il a envahi et dissipé une partie considérable de sa fortune » ; Plaidoyer, AD BdR., 11 F XII, Pour la dame Gabrielle Guien épouse du sieur Jean Robert Playart défenderesse en requête principale du 23 août 1787 et en requête incidente du 6 octobre suivant contre ledit sieur Jean Robert Playart demandeur auxdites qualités, 24 janvier 1788, f°642.
591 AD BdR., 10 F 56, Mémoire n° 10, Pour la demoiselle Marguerite Bouret intimée en appel de la Sentence rendue par le Lieutenant au siège de Toulon rendue le 17 septembre 1787contre sieur Jean-Louis-André Vantage en qualité de mari et maître de la dot et droits de demoiselle Anne-Rose Lantelme, Aix, 1789, p. 3.
L’avocat utilise fréquemment la formule « épouse libre dans ses actions » pour désigner une femme mariée sans contrat de mariage ; Voir par exemple AD BdR., 10 F 39, Mémoire n° 7, Pour la demoiselle Claire Vial, épouse libre dans ses actions du sieur Jean-Baptiste Giraud Bourgeois du lieu de Mougins appelante de Sentence rendue par le Lieutenant au siège de Grasse le 30 juin 1778 contre le sieur Jean-Antoine Saissi, Bourgeois du lieu de Mougins, intimé, Aix, 1779, p. 1.
592 Consultation de Gassier, AD BdR., 10 F 22, Mémoire n° 14, Pour Dominique Ferraudy jadis négociant de la ville de Marseille intimé en appel de la Sentence rendue par le Lieutenant de Marseille le 6 février 1767 contre Louis Roux négociant de ladite ville de marseillais en qualité de mari et maître de la dot et droits de demoiselle Marie Anne Feraudy icelle héritière par inventaire de la demoiselle Leydet sa mère appelant, Aix, 1769, p. 2.
593 J.-J. JULIEN, Elémens de Jurisprudence…, op. cit., p. 45.
594 « Louise l’Isle s’étant mariée en 1666 avec Jean Molard Bourgeois du lieu d’Eiragues sous la constitution en dot de tous ses biens présents et à venir, tant pour les droits paternels que maternels et en 1681 s’étant remariée sans contrat civil et par conséquent sans aucune constitution de dot, avec Pierre Castelan qui étoit son fermier » ; H. de BONIFACE, Suite d’Arrests notables…, op. cit., Tome second, Livre VI, Titre III, Chapitre I, p. 338.
Bonnet expose les faits d’une espèce ayant donné lieu à un arrêt du Parlement de Provence : « le 17 novembre 1688 Esprite Fregier se marie avec Jacques Boyer garçon cordonnier sous une constitution de dot de 300 livres outre les coffres de la valeur de 100 livres. Boyer meurt le 9 février 1709 et Esprite Fregier se remarie le 9 novembre 1710 sans contrat civil de mariage avec Barthélémy Bonnefoy travailleur. Bonnefoy décède le 16 octobre 1720 et le 18 juillet 1721 la dame Fregier convole en troisièmes noces avec Maurice Mitre sous une constitution de dot de 3000 livres réparties de la façon suivant 300 livres en coffres, 1500 livres que Mitre déclare avoir reçues avant le mariage et 1300 livres en biens fonciers » ; J. BONNET, Recueil d’arrêts notables…, op. cit., lettre D, Arrêt XIV, pp. 112-114.
De même Jean-Joseph Julien rapporte un arrêt du Parlement de Provence du 16 juin 1759. Dans cette espèce Julien était le conseil du demandeur et il précise que la partie adverse, la dame Thérèse Bucan était « épouse, ayant le libre exercice de ses actions, de Me. François Baux Docteur en médecine » ; J.-J. JULIEN, Elémens de Jurisprudence…, op. cit., p. 55.
Un mémoire imprimé d’un avocat provençal Gassier précise que Sébastien Hugues, père de la partie adverse, décédé en 1739 « pauvre faiseur de moules de boutons […] se maria sans dot et sans contrat civil de mariage avec Marie Anne Bontemps » ; AD BdR., 10 F 33, Mémoire n° 6, Pour sieur Joseph Monier, Maître orfèvre de la ville d’Apt contre les sieurs Pierre, Charles et Jean Hugues frères défendeurs, p. 2.
Dans un autre factum l’avocat Barlet signale que la dame Gautier a épousé le sieur Gombert en secondes nôces et « sans passer aucun contrat civil de mariage » ; AD BdR., 10 F 39, Mémoire n° 11, Pour Noble François-Joseph de Pochet, avocat en la Cour en qualité de mari et maître de la dot et droits de dame Thérèse de Bessière, appelant de la sentence arbitrale du 15 février 1775 contre Dame Jeanne de Burle de Champclos épouse libre dans ses actions de Noble de Raspaud, Chevalier de l’Ordre Royal et Militaire de Saint Louis, Maître André de Gassaud et Maître Joseph Robert, Avocat en la Cour, tous de la ville de Manosque, intimés appelants, Aix, 1778, p. 8.
Avec la même précision l’avocat au Parlement de Provence Gassier, conseil de Dominique Ferraudy négociant de la ville de Marseille, précise que ce dernier a épousé en 1721 la demoiselle Marie-Anne Leydet et qu’« il ne fut point passé de conventions matrimoniales » ; Consultation de l’avocat Gassier, AD BdR., 10 F 22, Mémoire n° 14, op. cit., p. 2.
595 Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 113.
596 Ibid.
597 F. DECORMIS, Recueil de consultations…, op. cit., Tome premier, Colonne 1197.
598 Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, pp. 159-160.
599 Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 113.
600 Il semble en l’espèce que le père de la mariée même s’il n’a pas constitué de dot dans un contrat de mariage notarié ait payé les créanciers de son beau-fils. Le montant des dettes de ce dernier s’élevant à l’importante somme de 18 000 livres et les avocats « cela lui fournit tout les avantages et tout le profit d’une dot. La demoiselle Mourraille ne pourroit pas mettre son père en cause pour l’obliger à lui fournir une dot ou des alimens » ; AD BdR., 10 F 73, n° 37, Pour la demoiselle Mouraille épouse du sieur Bourelly contre ledit sieur Bourrely (Marseille), 7 avril 1769.
601 AD BdR., 240 E 203, Recueil des actes de notoriété expédiés par M.M. les syndics des avocats et avocats postulants au Parlement d’Aix depuis 1688, acte de notoriété CLXX délibéré à Aix le 4 mai 1696 et le 7 mai 1726 et expédié à Paris le 9 septembre 1767, f°140.
602 Actes de notoriété…, op. cit., acte CLXXVIII délibéré le 7 mai 1726, p. 224.
603 Jean Hilaire est en effet sceptique sur le phénomène des mariages sans contrat en pays de droit écrit. En ce sens il écrit que : « L’affirmation de Portalis lors des Discussions du Conseil d’Etat sur le Code civil (T. III, p. 31) quant à la rareté des contrats de mariage dans les classes paysannes des pays de droit ne saurait être reprise sans discussion » ; J. HILAIRE, « L’évolution des régimes matrimoniaux dans la région de Montpellier aux xviie et xviiie siècles », op. cit., p. 140 et p. 140 note 5.
604 De manière surprenante Nicole-Arnaud Duc, qui dans son étude sur les mentalités en Provence occidentale rapporte la preuve chiffrée qu’il existe des mariages sans contrat à la fin de l’Ancien Régime, écrit : « Cette paraphernalité totale se déduisait de la jurisprudence parlementaire, notamment de celle du Parlement d’Aix, qui suivant en cela l’avis de la doctrine dominante : le régime dotal n’existe que s’il a été expressément convenu. Si l’opinion contraire fût souvent soutenue, ce n’est qu’à la suite d’une mauvaise interprétation de la pratique, la tradition voulant que les époux se présentent souvent devant le notaire pour établir un régime dotal qui ne portait que sur une somme dérisoire, parfois même sur rien, la dot visant abstraitement tous les biens présents et à venir de l’épouse. Ni la discrétion du jurisconsulte provençal Serres, ni les affirmations de Portalis, cheville ouvrière du Code civil français ne doivent être crues sur ce point » ; N. ARNAUD-DUC, Droit, mentalités et changement social..., op. cit., p. 10.
605 Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, op. cit., Tome Treizième, p. 523.
606 « Elle pose sur le faux principe que pour établir le droit commun, le Conseil est forcé de choisir entre le système des biens dotaux et celui de la communauté légale. Il est un troisième système qui fait cesser cette alternative, c’est de ne soumettre de plein droit les parties ni au système dotal, ni au système de la communauté, et de leur laisser à elles-mêmes le choix de la loi sous laquelle elles consentent à se placer par une stipulation formelle. Il ne s’agit pas d’examiner lequel des deux systèmes est préférable, mais de ne donner à aucun une injuste préférence » ; Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, op. cit., Tome Treizième, pp. 526-527.
607 Ibid., p. 527.
608 Ibid.
609 Ibid., p. 528.
610 Ibid., p. 527.
611 Ibid., p. 803.
612 Ibid., p. 807.
613 B. BEIGNIER, « Portalis, rédacteur du Code civil » dans Portalis le Juste, op. cit., p. 121.
Si Maleville et Cambacérès ont fait valoir des arguments d’une grande subtilité pour obtenir la survie du droit écrit et du régime dotal, ce compromis mis en place par l’article 1393 du Code civil portait en lui la ruine annoncée du régime dotal [article 1393 du Code civil : « A défaut de stipulations spéciales qui dérogent au régime de la communauté ou le modifient, les règles établies dans la première partie du chapitre 2 forment le droit commun de la France]. Dès lors, « d’un côté on érigeait la communauté au rang de régime légal ; de l’autre on réduisait la dot au rang de régime conventionnel. La force inhérente au premier, en un siècle, allait réduire la prépondérance du second sur son territoire d’origine » ; Ibid., p. 122
614 Le rapport entre le nombre de mariages célébrés et le nombre de contrats de mariage notariés restait au début du xxe siècle une préoccupation pour les juristes qui ne disposaient pas des moyens techniques actuels. Bonnecase reconnaissait qu’« il faudrait, en premier lieu posséder le chiffre exact des mariages pendant un certain nombre d’années, par exemple les vingt dernières années, et avoir en même temps le chiffre rigoureusement exact des contrats de mariage rédigés durant cette période ; ce rapprochement donnerait la proportion des mariages sans contrat […]. Ce serait là un résultat purement arithmétique, cela va sans dire, mais qui n’en constituerait pas moins le premier élément nécessaire pour arriver à un résultat final appréciable » ; J. BONNECASE, « La réforme du régime de la communauté légale et les enseignements de la pratique » dans R.T.D. civil, Librairie de la société du recueil Sirey, 10e Tome, Paris, 1911, p. 324.
615 Il arrive d’ailleurs que le contrat de mariage soit passé quelques fois plusieurs années après la célébration du mariage, comme nous l’avons constaté.
616 Nous reviendrons dans le détail sur ces deux questions dans la suite de nos développements.
617 On sait par exemple qu’à Lyon en 1787 le nombre de mariages conclus chez des notaires instrumentant hors de la ville était de 30,4 % alors qu’il n’était que de 6,3 % en 1730 et 11,3 % en 1750.
618 « Attendu qu’audit temps lesdittes parties ne passèrent aucun acte de mariage pour plus facile supportation des charges d’icelluy nous aura requis d’en dresser un » ; AD BdR., 300 E 6, Formulaire manuscrit à l’usage d’un notaire d’Eygalières, f°64 recto.
Nous en trouvons également un autre exemple dans les minutes du notaire aixois Jean-François Allard. Un contrat de mariage est passé le 13 août 1770 devant un notaire aixois entre André Jourdan (dont on ne connaît pas la profession) et Thérèse Bourrelly (dont on ne connaît pas la profession du père). Le praticien précise au début de l’acte « comme soit que mariage auroit été célébré depuis environ deux années dans la paroisse Saint-Férréol de la ville de Marseille » ; AD BdR., 309 E 1455, Jean-François Allard notaire à Aix, f°238 recto à 239 recto.
619 Germain Sicard notait en ce sens : « Les deux décomptes ne correspondent pas exactement aux mêmes mariages, car le contrat est passé devant le notaire quelques jours et parfois quelques semaines avant la cérémonie religieuse. Etablir une correspondance entre le nom des contractants et des mariés à l’Eglise aurait constitué un travail hors de proportion avec la faiblesse de nos moyens de recherche et de très peu de profit au demeurant, car il n’est pas impossible que des futurs mariés à Toulouse aient fait rédiger un contrat par un notaire étranger à la ville. La comparaison entre les deux chiffres est suffisamment éloquente » ; G. SICARD, Comportements juridiques et société : les contrats de mariage avant et après la Révolution (Toulouse et pays toulousain) dans Notaires, Mariages, Fortunes dans le Midi toulousain sous la direction de G. Sicard, P.U. des Sciences Sociales de Toulouse, Toulouse, 1997, p. 95 note 5.
Nicole Arnaud-Duc concernant le même type d’enquête pour Gardanne en 1785 : « On ne peut douter que les résultats de 1785 aient été faussés par l’absence de 30 % des données. En effet, le taux de mariage avec contrat obtenu ici est d’environ 74 %, alors que nous savons que le taux général était de 59 % » ; N. ARNAUD-DUC, Droit, mentalités et changement social..., op. cit., p. 144.
620 Grâce à des relevés effectués par des généalogistes ; AD BdR., 36 F 32 pour Vauvenargues et 36 F 87 pour Eguilles.
621 A. DAUMARD, « Structures sociales et classements socio-professionnel, l’apport des archives notariales aux xviiie et xixe siècles », op. cit., p. 142.
622 N. ARNAUD-DUC, Droit, mentalités et changement social..., op. cit., p. 40.
623 Sur 475 mariages 359 ont été précédés d’un contrat tandis que 39 suivent le mariage quelques mois ou quelques années plus tard ; G. BARBEROUX, Vie juridique économique et sociale d’une communauté de basse Provence, Allauch au dernier siècle de l’Ancien Régime, Thèse droit Aix, 1970, p. 41.
624 Claire Dolan mentionne un mariage sans contrat en 1567 ; C. DOLAN, Le notaire, la famille et la ville…, op. cit., p. 73.
625 Le 18 juin 1788, a été présente devant notaire et témoins Magdeleine Delieuze « épouse libre dans l’exercice de ses actions de sieur François Augustin Mézard coiffeur de femmes de cette ville demeurant rue de Silvabelle […] pour n’y avoir entr’eux aucun contrat civil de mariage écrit » ; Procuration, AD BdR., 361 E 169, Laurent Sard notaire à Marseille, f°446 verso à 447 verso.
626 AD AdHP, 2 E 14942, Charles Simon notaire à Digne, f°212 verso à 214 verso.
627 Nos recherches nous ont permis de voir que dans l’ensemble de la Provence on trouve des traces de mariages qui ont existé sans contrat :
Gabriel Rambot, notaire aixois nous apprend, dans un acte de vente du 4 février 1750, que Thérèse Mimie Reydet est une « épouse libre dans ses actions de sieur Jacques Arnaudon marchand bijoutier originaire du lieu de Veyne diocèse de Gap résidant en cette ville [Aix] pour n’avoir été passé entre eux aucun contrat civil de mariage » ; AD BdR., 301 E 390, Gabriel Rambot notaire à Aix, f°782 verso à 783 verso.
Le 10 février 1788, devant notaire et témoins a été présente « Elizabeth Mounet épouse libre dans ses actions de Louis Giraud ménager » ; AD AdHP, 2 E 389, Chaudon notaire à Valensole, f°243 à 245.
Le 29 août 1788, « Elizabeth Panisson épouse d’Henry Emery meunier de cedit lieu [Vitrolles] et libre dans ses actions pour n’avoir aucun contrat civil de mariage avec son mari ainsi qu’elle a dit laquelle de son gré a donné à titre d’arrentement à Jean-Antoine Roubert travailleur » une propriété de terre et vignes et quelques oliviers ; AD BdR., 310 E 545, Henri Gros notaire à Vitrolles, f°115 verso à 717 verso.
Le 12 janvier 1750, Anne Chauvin, originaire de la ville de Pernes dans le Comtat Venaissin habitante de cette ville d’Aix « épouse libre dans ses actions de Jean Baptiste Benoit cocher dudit Aix pour n’y avoir entr’eux aucun contrat civil de mariage ainsi qu’elle a dit » ; Arrentement, AD BdR., 302 E 1307, Pierre Garcin notaire à Aix, f°9 verso à 10 verso.
Le 8 février 1788, Magdeleine Bourelly de Reynier de la ville de Sisteron « épouse libre de François Mille natif de la ville de Digne travailleur d’habits […] pour n’y avoir entreux aucun contrat de mariage comme elle l’a dit » ; Procuration Bourrely à Beraud, AD BdR., 302 E 1472, Alexandre Marcellin Perrin notaire à Aix, f°702 recto à 703 recto.
Le testament de Barthélémy Rouard du 18 juin 1770 ménager reçu à Ventabren par un notaire de Velaux nous apprend « qu’il n’a aucun contrat civil de mariage avec laditte Rose Rouard sa femme » à laquelle il lègue l’ensemble de ses biens en usufruit ; AD BdR., 310 E 473, Joseph Millard notaire à Velaux, f°441 verso à 442 verso.
Le 21 novembre 1772, « Jeanne Elizabeth Delaberge épouse libre dans ses actions de sieur Michel Gautier et demoiselle Claire Hélène Delaberge épouse aussy libre dans ses actions de sieur Honoré Gautier demeurant en cedit lieu [Vauvenargues] pour n’y avoir entreux aucun contrat civil de mariage ainsy qu’elles et lesdits Gautierleurs mary […] l’on déclaré et attesté […] » ont constitué leur mari et beau-frère Michel Gautier leur procureur ; Procuration des demoiselles Delaberge à Michel Gautier, AD BdR., 303 E 620, Pierre Garcin notaire à Aix, f°326 recto à 327 verso.
Le 24 mai 1788, transaction portant quittance passée entre Jean et Pierre Roux frères et Françoise Roux leurs sœurs. Denis Roux est décédé depuis le mois de mars et ses héritiers testamentaires sont ses deux fils. Leur mère est décédée ab intestat en 1787. Françoise Fabre et son mary ont reçu 693 livres 10 sols dans un acte du 3 février 1781 par un notaire de Marignane. Mais l’épouse prétend que cette somme ne remplit pas ses droits légitimaires qu’elle a dans la succession de ses père et mère. Une transaction est donc passée entre frères et sœur. La fille du de cujus recevra 1043 livres 10 sols somme à laquelle il faut soustraire 693 livres 10 sols reçue par « laditte Roux ou soit ledit Fabre son mary » mais en tout état de cause si le notaire hésite sur le fait de savoir à qui la somme a été versée il désigne Françoise Roux en tant qu’ « épouse de François Fabre Berger du lieu de Vitrolles y résidant […] étant libre dans ses actions pour n’avoir aucun contrat civil de mariage entre eux passé ainsy a nous déclaré » ; AD BdR., 301 E 387, André Joseph Bertet notaire à Aix, f°655 verso à 657 recto.
De même le 31 mars 1788, Marguerite Lucie Jeanne Merlé Lemoine, native de la ville de Marseille résident au lieu de Marignane est qualifiée par le notaire aixois Alexandre Perrin d’« épouse libre et sans contrat civil de mariage de sieur Jean-Baptiste Viguier ménager de Marignane » ; Quittance Clev a Merlé Lemoine, AD BdR., 302 E 1472, Alexandre Marcellin Perrin notaire à Aix, f°761 recto à 762 recto.
On peut encore voir une épouse « en secondes noces de sieur Laurens Julien professeur royal de Messires les élèves de la marine audit département de laditte ville de Toulon y demeurante libre dans l’exercice de ses droits et actions pour ny avoir entreux aucun contract civil de mariage » ; Quittance du 24 juillet 1788 Dollivary à Bernarduque, AD BdR., 302 E 1472, Alexandre Marcellin Perrin notaire à Aix, f°845 verso à 846 verso.
628 J. HILAIRE, « Des sources à redécouvrir », op. cit., p. 278.
629 Nous n’avons pas mené de recherches approfondies dans les minutes notariales sur le xviie siècle et pour le début du xviiie siècle mais de nombreux indices nous laissent penser que déjà des époux se mariaient sans faire de contrat de mariage.
Paul Ourliac rapporte un exemple de mariage sans contrat au xve siècle (Beaulieu, 24 septembre 1449) ; P. OURLIAC, Droit romain et pratique méridionale …, op. cit., p. 115 note 3.
De même, dans un acte de vente du 28 octobre 1716 une épouse agit car elle est mariée sans contrat : « Magdeleine de Burle épouse de noble Joseph de Thomassin écuyer de cette ville d’Aix ayant ses actions libres pour n’y avoir entre eux aucun contract civil de mariage comme elle a dit laquelle a vendu remis et transporté » ; AD BdR., 301 E 484, Michel Ollivier notaire à Eguilles, non folioté.
Le 28 janvier 1750 Marie Magdeleine Bourrelly « épouse libre dans ses actions du sieur Jean-Baptiste Simon Guerin Bourgeois de cette ville d’Aix pour ny avoir entre eux aucun contrat civil de mariage ainsi qu’elle a dit » a donné une procuration à un tiers ; AD BdR., 302 E 1307, Pierre Garcin notaire à Aix, f°30 recto à 30 verso.
630 Obligation et cautionnement du 26 mars 1788 ; AD BdR., 356 E 208, Jn. Pre. Mr. Rd. de Becary notaire à Marseille, f°407’’verso à 408’’verso.
De même, un acte notarié du 21 avril 1788 nous apprend que la mère et la fille n’ont avec leur mari « aucun contrat de mariage écrit » ; Procure par Marie Allemand et Marie Thérèse Hugues, AD BdR., 355 E 564, Jean-François de Cormis notaire à Marseille, f°281 recto à 282 verso.
631 « ont été présentes Claire Gastaud épouse de Toussaint Mery libre dans ses actions pour n’avoir aucun contract de mariage ainsy qu’elle a dit et Magdeleine Gastau sa sœur épouse de Sébastien Jourdan aussy libre dans ses actions pour n’avoir aucun contrat de mariage ainsy qu’elle a dit touttes les deux filles d’Antoine Gastau » ; AD BdR., 360 E 184, J. Bte Gourdan notaire à Marseille, f°56 recto à 57 recto.
Voir également pour un autre exemple : AD AdHP., 2 E 14942, Charles Simon notaire à Digne, f°294 verso à 296 verso.
632 « Le contrat de mariage fait solennellement dans l’Eglise Cathédrale après trois proclamations de ban ne laisse pas d’être public et notoire à tous les habitants de Marseille » ; Œuvres de Scipion Dupérier, op. cit., Tome troisième, p. 389.
633 C.-J. de FERRIERE, verbo « Mariage clandestin » dans Dictionnaire de droit et de pratique…, op. cit., Tome second, p. 190.
634 Le 22 janvier 1788, Louis Henri Catarnet ménager du lieu de Jouques « en qualité de mari de Marie Anne Elizabeth Roman ainsi qu’il conste par l’extrait de leurs épousailles expédié le jourd’hui par Messire Revest curé de la paroisse dudit lieu de Jouques et Jean-Baptiste Hugues travailleur de cette ville en qualité de mari de Françoise Palissian suivant l’extrait de leurs épousailles expédié ce jourd’hui par Messire Isnardon prêtre sacristain de la paroisse Sainte Magdeleine de cette ville lesquels de leur gré ont tout présentement et réellement reçu de Sieur Pons Champsaur ici présent et stipulant des deniers de sa recette comme recteur trésorier de l’hôpital général notre dame de Miséricorde de cette ville sçavoir par ledit Catarnet 96 livres et par ledit Hugues 60 livres le tout en espèces et monnoie de cours » ; AD BdR., 302 E 1340, Jean-Joseph Pissin notaire à Aix, f°68 verso à 69 verso.
Le 1er février 1788, Simphorien Boulian berger du lieu de Lançon « en qualité de mari de Marie Anne Françoise Emeric suivant et ainsi qu’il est énoncé dans le certificat expédié le 6 juillet dernier par le sieur juge maire consul et curé du lieu de Lançon lequel de son gré en laditte qualité a tout présentement et réellement reçu du Sieur Pons Champsaur marchand de cette ville ici présente et stipulant comme recteur trésorier de l’hôpital général Notre Dame de Miséricorde la somme de 50 livres en espèces et monnoie de cours » ; AD BdR., 302 E 1340, Jean-Joseph Pissin notaire à Aix, f°104 recto à 105 recto.
Même lorsqu’il y a un contrat notarié entre les époux c’est l’extrait des registres paroissiaux qui prouve le mariage. Le 17 mars 1788 Joseph François Ravoust ménager en qualité de mari de Jeanne Audibert suivant un contrat de contrat de mariage reçu par un notaire de la Tour d’Aigues « mariés selon toutes les formes et rites de notre Sainte-Mère l’Eglise suivant l’extrait de leurs épousailles expédiés par Messire Roubaud curé de la paroisse de la Tour d’Aigues le 18 février dernier lequel de son gré a tout présentement et réellement reçu de les recteurs généraux de notre Dame de la Miséricorde de cette ville par les mains de Sieur Pons Champsaur dudit Aix ici présent stipulant en qualité de trésorier dudit hôpital et payant des deniers de sa recette la somme de 50 livres en espèces et monnoie de cours » ; AD BdR., 302 E 1340, Jean-Joseph Pissin notaire à Aix, f°234 recto à 235 recto.
Nous pourrions ainsi multiplier les exemples. Il convient tout de même de noter que les époux se sont mariés dans différents endroits de la Provence et pas seulement à Aix et qu’ils rapportent sans peine la preuve de leur mariage.
De Ferrière note que « le mariage se prouve par des registres publics et non par témoins, afin que la vérité du mariage, qui est le fondement des familles et la partie la plus essentielle du droit public, ne dépende pas de la foi douteuse et suspecte des témoins, et qu’il ne soit pas à la liberté des particuliers d’être mariés, ou de ne l’être pas, selon qu’il leur plairoit de faire parler des témoins séduits par l’attrait de l’amitié ou celui de l’intérêt » ; C.-J. de FERRIERE, verbo « Mariage » dans Dictionnaire de droit et de pratique…, op. cit., Tome second, p. 185.
635 Les registres paroissiaux apparus au Moyen Age, vont commencer à faire l’objet d’une législation royale à partir de 1539. L’ordonnance de Villers-Cotterêts prescrit en son article 51 l’enregistrement des baptêmes. L’enregistrement des décès n’étant prévu que pour les « bénéficiers » (art. 50). L’ordonnance prévoit également un dépôt des registres au greffe de la justice royale. Mais c’est l’ordonnance de Blois de 1579 qui va prescrire de manière générale l’enregistrement des naissances mariages et décès conformément d’ailleurs aux prescriptions du Concile de Trente. L’article 181 de l’ordonnance de Blois précise : « Pour éviter les preuves par témoins que l’on est souvent contraint de faire en justice, touchant les naissances, mariages, morts et enterrements ». L’ordonnance renouvelle l’obligation de dépôt au greffe et prescrit la délivrance d’extraits. Généralisant la tenue des registres, l’ordonnance de Blois laisse néanmoins encore à l’Eglise le soin d’en régler le contenu. L’ordonnance sur la procédure civile de 1667 élimine la preuve par témoins et rend obligatoire la preuve par les registres paroissiaux sauf s’il n’y a jamais eu de registres ou s’ils ont été perdus. Le pouvoir royal règle les différentes mentions qui doivent figurer dans les actes, la rédaction « selon l’ordre des jours et sans aucun blanc » sur des registres « côtés et paraphés par le juge royal du lieu, tenus en double, la délivrance des extraits ». Complétée par l’ordonnance du 6 avril 1736 et celle du 17 août 1737, l’ordonnance de 1667 marque une étape capitale : plus on avance vers la fin de l’Ancien Régime plus son application devient effective [A. LEFEBVRE-TEILLARD, Introduction historique au droit des personnes et de la famille, op. cit., p. 77]. La preuve par témoins n’est plus admise pour éviter les fraudes. Seuls les registres peuvent servir de preuve en justice. « La raison est que des témoins sont quelquefois des échos fidèles qui répète le langage de celui qui les produit ». Alors que « ces registres publics sont un témoignage de ce qu’ils renferment le plus certain, le plus solennel et le plus invariable qui soit dans la société civile ». Ces registres sont faits pour chaque année en double dans chaque paroisse pour les baptêmes, mariages et sépultures, les feuillets cotés et paraphés. L’un sert de minute au curé et l’autre est porté au greffe du juge pour servir de grosse [C.-J. de FERRIERE, verbo « Registres des naissances, mariages et sépultures » dans Dictionnaire de droit et de pratique…, op. cit., Tome second, p. 185]. Ainsi, « les progrès de l’administration apparaissent dans le soucis, nouveau au xvie siècle, d’individualiser les sujets par leur nom, leur état civil et leur domicile et de les soumettre à des règles uniformes » [Voir P. OURLIAC, J.-L. GAZZANIGA, Histoire du droit privé français de l’An mil au Code civil, op. cit., p. 200 et pp. 200-202].
636 Par exemple, « Denis Lambert et Madelaine Merende ont déclaré vouloir rédiger en contrat civil les articles et accords matrimoniaux qui furent verbalement arrêtés lors du traité de leur mariage sous la foi desquels il a été célébré et solennisé dans l’Eglise métropolitaine St Sauveur de cette ville le 12 novembre dernier ». Contrat de mariage du 18 février 1788 entre Denis Lambert travailleur journalier et Madeleine Mérende fille d’un travailleur journalier ; AD BdR., 305 E 198, Jean-Antoine Baille notaire à Aix, f°50 recto à 52 verso.
637 C.-J. de FERRIERE, verbo « Mariage se prouve par des registres publics » dans Dictionnaire de droit et de pratique…., op. cit., Tome second, p. 185.
638 Plaidoyer de l’avocat Lejourdan, AD BdR., 11 F XII, Pour la dame Gabrielle Guien épouse du sieur Jean Robert Playart défenderesse en requête principale du 23 août 1787 et en requête incidente du 6 octobre suivant contre ledit sieur Jean Robert Playart demandeur auxdites qualités, 24 janvier 1788, f°642.
639 Le Parlement de Provence a tout de même décidé par un arrêt de la Chambre des tournelles, après que les magistrats siégeant en la Grand’Chambre aient été divisés sur la question, que la Communauté d’Allauch qui avait fourni à une famille le nécessaire pour sa subsistance pendant la peste de 1650 pouvait se payer sur les biens dotaux à défaut de biens propres du mari. Ainsi, par cet arrêt il a été décidé que les femmes sont tenues d’entretenir leur famille en temps de peste et de payer les fournitures faites pour leur subsistance si le mari est insolvable ; H. de BONIFACE, Suite d’Arrests notables…, op. cit., Tome second, Livre VI, Titre X, Chapitre III, p. 362.
640 D. GODINEAU, Les femmes dans la société française…, op. cit, p. 33.
641 JANETY, Journal du Palais…, op. cit., Années 1775-1776-1777-1778, Arrêt XXIX, p. 225.
642 « Si la femme est industrieuse et laborieuse, il faut croire qu’il l’a ainsi choisie pour supporter les charges du mariage, et qu’il a compté sur ce travail et sur cette industrie pour fonds et pour revenu » ; Ibid.
Dominique Godineau note que la femme du peuple est une travailleuse. « Son activité représente la limite si mouvante entre pauvreté et indigence : compagnons, journaliers, gagne-deniers arrivent difficilement à nourrir seuls leur famille ; en cas de chômage ou d’accident, comment survivre si l’épouse n’a pas son propre emploi ? » ; D. GODINEAU, Les femmes dans la société française…, op. cit., p. 59.
Nos minutes notariales ne mentionnent que très rarement l’activité économique de l’épouse sauf lorsqu’elle fait une activité de commerce ou lorsqu’elle est domestique et qu’elle a fait des économies pour se constituer une dot. Très souvent dans le milieu paysan la femme aide sans doute son mari dans les travaux de la terre ou de la ferme, comme dans le milieu des artisans ou des commerçants elle collabore avec ce dernier apportant ainsi de fait sa contribution aux charges du mariage.
643 Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, pp. 111.
644 Ibid.
645 « Cela doit être appliqué aux femmes d’une condition au dessus de la roture : c’est la raison par laquelle on adjuge à celles qui ont quelques charges à la Cour qu’elles gagnent, non seulement en propriété, mais encore en usufruit » ; Ibid.
646 Ibid., p. 112.
647 AD BdR., 10 F 91, n° 56, Pour Paul Dozol maître d’hôtel de Monsieur de Gourdon contre l’héritier de son épouse (Grasse), 26 mars 1780.
648 AD BdR., 10 F 70, n° 29, Pour Messire de la Vallonne commissaire de guerre au département du Dauphiné contre dame Trémonil et Messire Pellagne (Montélimar), 7 février 1767.
649 Jean-Jacques Pascal (1701-1772) était avocat au Parlement d’Aix et subdélégué général de 1760 à 1771.
650 AD BdR., 10 F 70, n° 29, op. cit.
651 Decormis précise que la femme ne peut pas être contrainte à se faire une dot mais que le mari peut à l’extrême lorsqu’elle est riche la chasser de la maison et lui refuser l’entretien. L’auteur ajoute : « Mais comme il y a de la dureté du côté de la femme, qui étant riche ne veut pourtant pas s’établir aucune dot ; les auteurs résolvent que le mari en ce cas lui peut refuser ses alimens et son entretien et l’obliger à founir en ne l’expulsant pas de la maison » ; F. DECORMIS, Recueil de consultations…, Tome second, Colonne 1197.
652 AD BdR., 302 E 1388, François Boyer notaire à Aix, f°732 recto à 733 recto.
653 Testament du 18 juin 1770 ; AD BdR., 310 E 473, Joseph Millard notaire à Velaux, f°441 verso à 442 verso.
654 Dans le contrat de mariage de Claude Frary et Hiermanine Grac du 24 janvier 1788, Claude Frary résidant dans le Dauphiné en service chez le Comte de Valbelle passe un contrat de mariage avec Hiermanine Grac fille de Dominique Grac marchand de la ville d’Entrevaux « lesquelles parties duement mariées depuis environ six mois en face de notre Sainte Mère l’Eglise catholique, apostolique et romaine désirant rédiger en acte public leurs conventions matrimoniales nous les ont dictées et prononcées ainsi que s’ensuit ladite demoiselle Grac épouse dudit Frary a déclaré ce constituer en dot toutes ses hardes, robes et bijoux qui ont été évaluées d’après l’estime qui en a été faite par amis communs à la somme de 96 livres lesquelles hardes, robes et bijoux ledit sieur Claude Frary a reconnu et déclaré à nous dit notaire et aux mêmes présences que dessus avoir reçues lors de sondit mariage de ladite Grac son épouse a son contentement lesquelles hardes robes et bijoux ladite Frary reconnoit par tous ses biens présents et à venir » ; AD BdR., 301 E 387, André Joseph Bertet notaire à Aix, f°655 verso à 657 recto.
Dans le contrat de mariage conclu entre Alexandre Coquillac et Rose Bourillon du 6 janvier 1750 les époux sont mariés depuis le 13 février 1748 et le père de l’époux a reçu100 livres « au prix des coffres, robes bagues et proviments […] depuis lesdittes épousailles » ; AD BdR., 302 E 1307, Pierre Garcin notaire à Aix, f°6 recto à 8 recto.
De même dans le contrat de mariage notarié entre Jean-Sauveur Cheilan et Margueritte Pelison du 5 janvier 1770 on apprend que le mariage est célébré depuis 19 ans et que le jour de la célébration du mariage le mari a reçu 66 livres au prix du trousseau ; AD BdR., 301 E 497, Michel Giraud notaire à Eguilles, f°65 recto à 66 recto.
Dans le contrat de mariage du 5 mai 1788 ente Jean-Louis Balp et Rose Chabrier le mariage est célébré depuis le 13 septembre 1787 et l’on apprend dans le contrat que le mari a reçu un trousseau de 99 livres 19 sols avant même la célébration du mariage ; AD BdR., 355 E 564, Jean-François de Cormis notaire à Marseille, f°334 verso à 336 recto.
Nous pourrions là encore multiplier les exemples car tous contrats de mariage postérieur à la célébration de celui-ci mentionnent un trousseau reçu par le mari antérieurement ou le jour de la célébration religieuse.
655 En effet, Yves Thomas note qu’il n’a retrouvé qu’une quittance de paiement de dot et qu’elle ne concerne pas un contrat de mariage notarié mais une promesse verbale de constitution de dot « preuve qu’il existait, note l’auteur, des substituts à la constitution d’apports par contrat notarié » ; Y. THOMAS, « Le contrat de mariage dans le Périgord vers la fin de l’Ancien Régime », op. cit., p. 566 note 53.
656 Tel est l’arrêt rendu par la Chambre des tournelles le 15 juin 1671 par le Président de Régusse suivant lequel l’épouse peut demander le paiement de son trousseau même si le contrat de mariage n’en porte pas la trace ; H. de BONIFACE, Suite d’Arrests notables…, op. cit., Tome second, Livre VI, Titre II, Chapitre II, p. 326.
Cet arrêt est donné en référence par Bretonnier qui ajoute que pour Boniface : « cette présomption doit être reçûe dans tous les païs où l’usage est de donner un trousseau quand elles se marient ». Mais l’auteur donne un avis contraire à celui de Boniface : « Je ne crois pas que cet arrêt singulier puisse servir de règle, étant directement contraire à l’ordonnance de 1667 tit. 20 des faits qui gisent en preuve vocale ou littérale ». A l’endroit cité, article 20 de l’ordonnance dispose que les actes de plus de 100 livres devront être passés devant notaire ou sous signature privée et ne sera reçue aucune preuve par témoins contre ou outre le contenu des actes ; BRETONNIER, verbo « Coffre, trousseau » dans Recueil par ordre alphabétique…, op. cit., Tome premier, pp. 128-129.
657 « Quoiqu’il n’y ait point de reconnoissance, dans le contrat de mariage, des habits, linges, bagues et joyaux, la femme peut en répéter le prix de son mari ou de ses héritiers, suivant ses facultés et connoissance d’experts » ; Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 248.
658 Maximes du Palais sur les titres les plus utiles des Institutes et du Code, par un ancien magistrat au Parlement de Provence, avec des observations sur chaque maxime, conférées avec la jurisprudence des Parlemens de Droit Ecrit, et plus particulièrement avec celle des Parlemens de Toulouse et de Provence, par Monsieur G. Bonnemant, Avocat au Parlement de Provence, Tome premier, Chez Castor Belle, imprimeur du Roi, Nîmes, 1785, p. 248.
659 Nous n’avons jamais rencontré dans les actes de la pratique provençale un contrat de mariage dans lequel aucun trousseau n’a été constitué.
660 L’avocat précise que quelques fois quand une dot a été constituée « sans entrer dans aucune vérification » on évolue le trousseau au 10e de la dot ; Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 148.
661 Voir par exemple : Quittance du 8 octobre 1770, AD BdR., 309 E 1455, Jean-François Allard notaire à Aix, f°316 verso à 317 recto. De même, le notaire marseillais de Cormis emploi usuellement dans les actes où des femmes libres dans leurs actions interviennent la formule « épouse libre dans l’administration de ses biens pour n’avoir avec iceluy aucun contrat civil de mariage écrit » ; AD BdR., 355 E 564.
662 AD BdR., 300 E 70, Formulaire à l’usage d’un notaire provençal sans plus de précision, vers 1731, n° 72.
663 AD BdR., 9 F 100, Diverses questions de droit sur la pratique et de fait sur les contracts et autres actes rangées par lettre alphabétique tant au commencement de la page qu’à la table servant pour toutes sortes de personnes et à l’usage de Me Irisson notaire royal à Goult, 1751, paraphé par le notaire Gravier le 31 juillet 1760, f°47.
664 Le notaire Jean-Baptiste Gase de La Ciotat désigne ainsi une épouse « une épouse libre dans ses actions pour être mariée sous une constitution de dot particulière » et une autre épouse comme étant « libre dans l’exercice de ses actions » pour désigner une femme mariée sans contrat ; AD BdR., 369 E 416, Jean-Baptiste Gase notaire à La Ciotat, f°35 recto à 35 verso et f°102 recto à 103 recto.
665 Par exemple quittance du 29 mars 1788 ; AD BdR., 302 E 1340, Jean-Joseph Pissin notaire à Aix, f°257 verso à 258 verso.
666 Le 18 décembre 1788, Marguerite Garcin « épouse sous une constitution de dot particulière de Joseph Blanc travailleur de cette ville » déclare avoir reçu 1000 livres ; Quittance de Marguerite Garcin épouse de Blanc à sieur Michel Reymond, AD BdR., 307 E 1297, Jean-Boniface Brémond notaire à Aix, f°554 verso à 555 recto.
De même, « Augustin Tramier travailleur de cette ville d’Aix en qualité de père et légitime administrateur de Jean Tramier icellui aussi ici présent et Marthe Tramier épouse libre dans l’exercice de ses actions de Laurens Floupin travailleur du lieu de Ventabren […] ladite Marthe n’étant mariée que sous une constitution particulière suivant leur contrat de mariage du 24 octobre 1755 reçu par Lantelme ancien notaire de cette ville » ont reçu de Christophe Tramier leur frère 50 livres pour Marthe et 25 livres pour Agustin. Ces sommes correspondent à un legs fait dans le testament de Joseph Tramier leur autre frère ; Quittance du 29 mars 1788 entre Tramier et Tramier ; AD BdR., 302 E 1340, Jean-Joseph Pissin notaire à Aix, f°12 recto à 13 recto et f°46 verso à 46 verso. Le 20 mars 1788, Elizabeth, Magdeleine et Thérèse Barbaroux sœurs filles majeures de feu Barthélémy Barbaroux « et épouses libres dans l’administration de leurs biens et affaires savoir la première de Pierre Honoré Bonhomme, la seconde de François Bellon et la troisième de Jean-Pierre Hermian tous ménagers du terroir de cette ville suivant qu’il en résulte par leurs contrats de mariage [ du 2 novembre 1757, du 14 septembre 1759 et du 23 juin 1764 ] par lesquels il résulte que lesdittes Barbaroux sœurs se sont mariées sous des constitutions de dot particulières » lesquelles agissent en vertu d’un acte de vente et reconnaissent avoir reçu de Thomas Guès 50 livres en espèces en paiement d’une année d’intérêts de la somme de 1000 livres dont ledit Guès se trouve débiteur pour solde de l’acquisition d’une propriété qu’il a faite le 14 février 1787 des sœurs Barbaroux ; Quittance faite par Elizabeth, Magdeleine et Thérèse Barbaroux sœurs en faveur du sieur Thomas Guès, AD BdR., 355 E 564, Jean-François de Cormis notaire à Marseille, f°200 recto à 200 verso.
Le 5 avril 1788, Marie Magdeleine Félicité et Julie Daniel sœurs « la première épouse de Silva négociant et la seconde dudit Joseph Maurel aussi négociant l’une et l’autre libres dans l’administration de leurs biens et affaires la première pour n’avoir avec sondit mary aucun contract civil de mariage écrit et la seconde pour être mariée sous une constitution de dot particulière suivant son contrat de mariage » donnent procuration à leurs maris pour faire les démarches nécessaires pour recouvrer les biens dont elles sont héritières ; Procuration faite par demoiselles Marie Magdeleine Félicité et Julie Daniel sœurs aux sieurs Sylva et Maurel leurs maris, AD BdR., 355 E 564, Jean-François de Cormis notaire à Marseille, f°220 verso à 221 verso.
667 Le 11 août 1787, « Gabriel Pradal du lieu de Dolouzac au diocèse de St Pons sénéchaussée de Carcassonne fils mineur à feu Joseph et de Anne Rouanet résidente audit lieu garçon menuisier demeurant audit Marseille d’une part et honnête fille Marie Anne Pialoux fille majeure de feu Pierre et feue Marguerite Prat au lieu du Bourg St Pierre diocèse de Valence en Dauphiné résidente en cette ville depuis quatorze ans d’autre part lesquelles parties agissant savoir ledit Prat avec l’assistance de Messire Aynaud, […] curateur pourvu à sa minorité […] et encore autorisé à l’effet des présentes de sieur Etienne Guillaume Azema de la ville de Béziers Messire Maçon établi à Marseille en qualité de procureur fondé de la dite Anne Rouanet [ par acte notarié ] […]lesdites parties de leur gré sous due et mutuelle stipulation et acceptation ont promis et promettent se prendre et épouser en légitime mariage et de solenniser devant notre Sainte Mère l’Eglise à la première réquisition de l’une d’elles la future épouse s’est constituée et assignée en dot la somme de 1000 livres que sondit futur époux confesse avoir reçue un peu avant ces présentes tant en la valeur du trousseau, des robes, linges et bijoux à l’usage de la future épouse qu’en effets mobiliers se trouvant dans ses appartements actuels le tout à ce estimé par les parties et leurs amis communs desquelles 1000 livres ledit Pradal futur époux a quitté et quitte ladite épouse et les reconnaît et assure sur ses biens et droits présents et à venir avec promesse de restitution à qui et aux cas de droit » ; Contrat de mariage Gabriel Pradal et Marianne Pialoux, AD BdR., 356 E 208, Jn. Pre. Mr. Rd. de Becary notaire à Marseille, f°336’’ verso à 337’’ recto.
668 Ibid., f°541’’recto à 542’’ recto et f°558’’ verso à 559’’ verso.
669 L’avocat Bonnemant note :» Nous tenons pour principe certain que tout ce qui est donné à la femme en contrat de mariage et en faveur d’icelui est dotal, de quelque part qu’il vienne. En effet, il suffit qu’il résulte expressément de la nature de l’acte et des stipulations intervenues entre les parties que telle a été leur intention, peu importe que la constitution soit faite par la femme en termes solennels […]. La jurisprudence du parlement de Toulouse est tout à fait contraire. Tout ce que la femme possède lors de la constitution, comme tout ce qui lui est donné en faveur du mariage dans le contrat est paraphernal si elle ne comprend expressément les biens dans la constitution de dot. Cette jurisprudence est fondée sur ce principe, qu’il ne peut exister de dot sans constitution expresse et sans convention » ; Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 254.
Dans une consultation commune les avocats Gassier et Pascalis développaient la même idée suivant laquelle « la femme est toujours personne contemplée dans les conventions matrimoniales » ; AD BdR., 10 F 74, n° 41, Pour la dame Serpillon de Carmejeanne contre les hoirs de Carmejeanne (Avignon), 4 may 1770.
6 69 AD AdHP, 2 E 14942, Charles Simon notaire à Digne, f°29 recto à 33 recto.
670 Consultation de Gassier ; AD BdR., 10 F 99, n° 36, Pour la demoiselle Roux veuve du sieur Desmichels (Le Val), 15 octobre 1783.
671 Deux arrêts du 17 mars et 24 mai 1668 l’ont ainsi décidé : « La constitution faite par la femme de tous ses biens sans dire présents et à venir ne comprend les biens à venir » ; P.-J. BRILLON verbo « Dot » dans Dictionnaire des arrêts…, op. cit., Tome premier, p. 822.
672 AD BdR., 300 E 6, Formulaires de divers notaires d’Eygalières, Orgon, Saint-Rémy xviie-xviiie siècles, f°64 recto.
673 Il semble qu’en l’espèce l’épouse ait verbalement promis de donner toutes les années 400 livres pour subvenir aux dépenses de la maison.
674 F. DECORMIS, Recueil de consultations…, op. cit., Tome second, Colonne 1199.
675 Par exemple, contrat de mariage du 29 janvier 1770 : « Joseph Bonsignour maître maçon fils de François et de Claire Deluy assisté de son père icy présent et consentant d’une part et Elizabeth Bourelly fille à feu François Laboureur du quartier de Notre Dame et de Rose Constance assistée de Mathieu Bourrely son frère et autorisée de Claude Bellue cordonnier curateur pourvu à sa minorité par ordonnance du Lieutenant civil au siège de Marseille « lesquelles parties de leur gré réciproque stipulation et acceptation intervenant promettent se prendre en vrais mariés et célébrer leur mariage en face de notre Ste mère Eglise à leur première réquisition ayant été convenu lors du traité de mariage que laditte Constance constitueroit ainsy que ledit Bourrely son fils agissant de son ordre constitue en dot à laditte Elizabeth Bourrely et pour elle audit Bonsignour touts deux acceptant la somme de 299 livres 19 sols 6 deniers que lesdits Bonsignour père et fils confessent avoir reçue par les mains dudit Bourelly sçavoir 30 livres présentement et réellement en écus au vu de nous notaires et témoins cy après nommés et que laditte Constance les a remis à cet effet et le surplus avant ces présentes des mains de laditte Constance en la valeur des coffres robbes linges et nippes composant le trousseau de la future épouse a ce le tout évalué entre lesdittes parties et leurs amis communs le tout retiré par ledit Bonsignour père de laquelle somme de 299 livres 10 sols 6 deniers lesdits Bonsignour père et fils en quittent l’hoirie dudit François Bourrely ainsy que le tout procède de l’argent de laditte hoirie ledit Bourrely l’ayant déclaré d’ordre de saditte mère laquelle somme lesdits Bonsignour père et fils solidairement l’un pour l’autre, l’un d’eux seul pour le tout sans division ny discussion renonçant à tout droit contraires l’autorisation paternelle intervenant, reconnoissent et assurrent sur tous leurs biens présents et à venir pour le rendre te restituer à laditte Bourrely ou à qui de droit la cas ayant lieu auquel cas le trousseau sera restitué en déduction sur le pied d’une nouvelle estime d’amis communs ». AD BdR., 360 E 184, J. Bte Gourdan notaire à Marseille, f°32 verso à 33 verso.
676 Voir le titre second de la première partie de notre étude.
677 Alors qu’il n’y a dans certains contrats de mariage qu’une constitution de dot particulière le mari - ou le père de celui-ci si le futur marié est encore sous la puissance paternelle - « promettent de rembourser toute la dot ensemble tout ce qu’il pourra retirer des droits de sa future belle fille » ; ou encore « promettant lesdits Martin père et fils d’assurer et reconnoitre du tous leurs biens présents et à venir tout ce qu’ils ont reçu et tout ce qu’ils pourront exiger de la dot et droits de ladite Marianne Marroc future épouse ». La formule est d’autant plus ambiguë que les maris reçoivent immédiatement l’intégralité de la dot constituée à leur épouse. Il semble bien que cette formule corresponde à une constitution de dot particulière car lorsque l’épouse a la volonté de faire une constitution de dot générale le notaire précise : « Ladite Rouard s’est constituée ses autres plus grands biens présents et à venir tels qu’ils soient et puissent consister pour le recouvrement desquels elle a fait et institué ledit Gibaud son futur époux pour son procureur général, spécial et irrévocable aux fins de les exiger et recouvrer à qui de droit en faire ainsy et tout de même qu’un mary peut faire des biens et droits de sa femme » ; AD BdR., 310 E 484, Dominique Louis Devolx notaire à Ventabren, f°597 recto à 599 verso ; f°600 recto à 602 recto et f°657 verso à 660 verso.
678 Ibid., f°767 verso à 769 bis verso.
679 AD AdHP, 2 E 14942, Charles Simon notaire à Digne, f°29 recto à 33 recto. Le 20 février 1788, Marie Thérèse Pelissier, fille et héritière testamentaire de Gaspard son père de son vivant apothicaire de Digne, a vendu à Paul Lombard bourgeois de Digne « une Bastide, biens et domaines dépendants pour la somme de 3999 livres 19 sols. Marie Thérèse Pelissier épouse de Jean Antoine Gaubert est désignée par le notaire comme « libre dans l’exercice de ses actions pour n’avoir avec ledit Gaubert aucun contrat civil de mariage ».
680 AD AdHP, 2 E 14942, Charles Simon notaire à Digne, f°25 recto à 26 recto.
Le 13 février 1788, « fût présente Jeanne Fabry épouse de Jean-Pierre Arnoux ménager du lieu de Gaubert libre dans l’exercice de ses actions pour ses biens adventifs » ; Quittance pour le sieur Joseph, AD AdHP, 2 E 14951, Jean-Alexandre Hermitte notaire à Digne, f°225 recto à 227 verso.
Le 3 mars 1788, Cécile et Marie-Claire Rochebrun déclarent avoir reçu une partie du legs fait par leur père. Le notaire précise que « la première [des deux sœurs, Cécile] est libre dans l’exercice de ses actions pour ses biens adventifs ».
On retrouve chez le même notaire la formule suivante : le 2 septembre 1788, Dorothée Baudour « épouse libre dans l’exercice de ses actions de Louis Garde ménager du lieu de Beauvezet pour ses biens et droits a elle adventifs » déclare avoir reçu de son beau-frère Antoine Peyron ménager du lieu de Dauribeau la somme de 150 livres pour le droit de supplément de légitime que Dorothée Baudour a sur la succession de son père ».
681 Le 14 juin 1788, Antoine Audibert d’une part et Elizabeth Audibert épouse d’Antoine Mouvanchon ménager, Magdelaine Audibert épouse de Jean Gaspard ménager et Marie Audibert épouse de Jean Brémond ménager d’autre part « lesdittes Magdelaine, Elizabeth et Marie Audibert libres dans l’exercice de leurs actions pour leurs biens adventifs » ; AD AdHP, 2 E 14942, Charles Simon notaire à Digne, f°97 recto à 98 verso.
Le 3 mai 1789, « fut présente Thérèse Gieu épouse libre dans l’exercice de ses actions de ses biens et droits à elle adventifs d’André Fabre ménager du lieu de la Javie […] » ; AD AdHP, 2 E 2035, Jean-Joseph Yvan notaire à Digne, f°588 verso à 589 verso.
682 Le 14 février 1770, « Lucrece Beauchamp épouse libre dans ses biens adventifs de Joseph David maître boulanger de la ville de Forcalquier et sieur François Janssaud bourgeois de la même ville, ce dernier ayant droit et charge de Catherine Beauchamp épouse libre de Louis Cabasse cabaretier résident à Marseille » reconnaissent avoir reçu en espèces de Anne de Gérard de Lubac 150 livres ; Quittance par Lucrece et Catherine Beauchamp au profit de dame Anne de Gérard veuve Esimenard, AD BdR., 305 E 190, Jean-Antoine Baille notaire à Aix, f°256 recto à 257 verso.
683 AD BdR., 310 E 545, Henry Gros notaire à Vitrolles, f°706 verso à 710 verso.
684 P. ROUSSILHE, Traité de la dot…, op. cit., Tome premier, p. 180.
685 Et l’auteur d’ajouter : « on peut dire que tous les biens adventifs sont des paraphernaux, mais tous les paraphernaux ne sont pas des biens adventifs. Le terme de paraphernaux est le genre et celui d’adventif est la différence » ; BRETONNIER, verbo « Paraphernaux » dans Recueil par ordre alphabétique…, op. cit., Tome second, p. 4 et p. 14.
686 « Dans quelques-uns des pays de droit écrit, comme au Parlement de Bordeaux, on comprend quelques fois sous le terme de biens adventifs tous les biens que la femme ne s’est point constituée en dot, tant ceux qu’elle avoit lors du mariage que ceux qui lui sont advenus depuis […]. Mais c’est improprement que l’on se serviroit du terme de biens adventifs, pour exprimer les biens que la femme avoit au temps du mariage et qu’elle ne s’est pas constituée en dot, le vrai nom qui leur convient est celui de paraphernaux, celui de biens adventifs ne convient qu’à ceux qui sont advenus pendant le mariage » ; BRETONNIER, verbo « Paraphernaux » dans Recueil par ordre alphabétique…, op. cit., Tome second, pp. 14-15.
687 Accord entre Aubert et Gayde et quittances, AD AdHP., 2 E 14942, Charles Simon notaire à Digne, f°212 verso à 214 verso.
688 Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, op. cit., Tome Treizième, p. 528.
689 BRETONNIER, verbo « Paraphernaux » dans Recueil par ordre alphabétique…, op. cit., Tome second, pp. 4-5.
690 Le régime le plus répandu dans les pays coutumiers est caractérisé par la distinction de trois groupes de biens : les propres du mari, ceux de la femme et les meubles et acquêts qui constituent une masse commune. L’ensemble est géré par le mari et les biens communs sont partagés à la dissolution du mariage. Tous les biens immeubles qui ne sont pas propres sont considérés comme des acquêts. En cas de doute sur la qualité d’un immeuble il sera considéré comme acquêts. C’est ce qu’affirme Loisel dans un adage du début du xviie siècle : « Tous biens sont réputés acquêts s’il n’appert du contraire ». Les acquêts ou conquêts sont les biens qui sont acquis tant que dure le ménage grâce à l’activité des conjoints. Les meubles tant ceux acquis par les époux durant le mariage que ceux qu’ils possédaient avant sont communs. Mais la masse des biens communs outre un actif comprend également un passif à savoir toutes les dettes contractées par les époux même celles contractées avant le mariage. « Qui épouse le corps épouse les dettes » écrivait Loisel.
691 En droit romain, les règles des donations entre époux seront applicables à la présomption Mucienne. La femme pour se réserver la preuve de ses droits paraphernaux faisait en général dresser un inventaire des biens qu’elle apportait dans la maison de son mari et ce dernier souscrivait à cet inventaire (D. 23, 3, 9 §3) ; Voir G. BOYER, « Réflexions sur la capacité de la femme mariée à Toulouse avant 1804 », op. cit., p. 123.
692 JANETY, Journal du Palais…, op. cit., Années 1775-1776-1777-1778, Arrêt XXIX, p. 222.
693 Consultation de Gassier, AD BdR., 10 F 85, n° 8, Pour Antoine Roman contre les héritiers d’Anne Bonifay (Lajavy), 26 avril 1777.
694 « La Loi 6 ; cod. De donat. inter vir. & uxor. s’explique assez clairement sur ce point » ; Actes de notoriété…, op. cit., acte XXVI délibéré le 5 janvier 1689, p. 60.
695 Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, pp. 111-112.
696 P. ROUSSILHE, Traité de la dot…, op. cit., Tome premier, p. 223.
697 JANETY, Journal du Palais…, op. cit., Année 1780, Arrêt LXI, p. 367.
698 Consultation de Gassier, AD BdR., 10 F 91, n° 56, Pour Paul Dozol maître d’hôtel de Monsieur de Gourdon contre l’héritier de son épouse (Grasse), 26 mars 1780.
Dans des cours de droits manuscrits du xviiie siècle il est indiqué à l’entrée « des docts et mariages » que la femme acquiert exclusivement pour son mari pendant le mariage ; AD BdR., 9 F 1 Bis, Cours de droit manuscrits xviiie siècle.
699 Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 112.
700 Debézieux, Président de la chambre des enquêtes, précisait : « J’étois des juges et de ce sentiment ; parce que le mari doit nourrir et entretenir sa femme pendant le mariage, et que nomine alimentorum vestimenta continentur si ce n’est qu’il y a de l’excès ». Ce dernier arrêt confirme d’ailleurs une jurisprudence du Parlement de Provence du mois de juin 1644. Cet arrêt a décidé « que les drogues fournies à la femme durant le mariage, doivent être fournies par le mari et que l’apothicaire n’a point d’action dans ce cas contre la femme : ce qui avoit aussi été jugé pour fourniture de pain en la cause du sieur Général de Rians, hôte du Sauvage » ; B. DEBEZIEUX, Arrests notables…, op. cit., Livre 5, Chap 1, § 9, p. 348.
Ces arrêts rapportés par Debézieux sont cités en référence par Roussilhe dans son Traité de la dot [op. cit, Tome premier, p. 481].
701 AD BdR., 10 F 97, n° 10, Pour les hoirs Boyer contre les hoirs Gravier, 28 janvier 1783.
702 L’arrentement est « un bail à rente, par lequel on prend un héritage à rente foncière, ou à bail de rente d’héritage » ; C.-J. de FERRIERE, verbo « Arrentement » dans Dictionnaire de droit et de pratique…, op. cit., Tome premier, p. 113.
Le bail à rente ou le bail d’héritage « est un contrat par lequel le propriétaire d’une maison ou d’un héritage se démet et dessaisit entièrement à perpétuité de toute sa propriété et la transfère en la personne du preneur, pour en jouir, comme il faisoit, moyennant une certaine pension payable par chaque année, soit en argent, ou en gains, ou autres espèces. Ce contrat est appelé arrentement, comme le bail à sens est appelé accencement. Le bail d’héritage emporte une espèce d’aliénation et transfère toute la propriété de l’héritage en la personne de l’acquéreur et ce pour toujours : en quoi il diffère du bail emphitéotique qui ne transfère le domaine utile, qu’à condition qu’après un long-tems, il retournera au bailleur. Comme ce contrat emporte une espèce d’aliénation, il ne peut être fait que par celui qui est propriétaire de l’héritage […]. Ce contrat se fait moyennant une redevance en argent ou en grains, que le bailleur se réserve dessus son héritage et que le preneur s’oblige de lui payer par chacun an. Cette rente est appelée foncière, par ce qu’elle est due pour raison du fonds et on tient lieu au bailleur, à la différence de la rente qui est simplement constituée en prix d’argent. Ainsi, la rente foncière est subrogée au lieu et place de l’héritage et par conséquent au bailleur de même qualité qu’étoit l’héritage, c’est-à-dire propre ou acquêt […] » ; C.-J. de FERRIERE, verbo « Bail à rente ou bail d’héritage » dans Dictionnaire de droit et de pratique…, op. cit., Tome premier, p. 156.
703 JANETY, Journal du Palais…, op. cit., Années 1782-1783 et 1784, Arrêt XXVIII, p. 228.
704 L’appelant ajoute : « La Loi ne dit pas hundè habere potuerit mais undè habuerit ; il ne suffit donc pas que la femme ait pu avoir ; il faut qu’elle prouve undè habuit : or, une preuve, une démonstration ne se firent jamais par simple présomption » ; Ibid., p. 229.
705 Il est noté en marge de la page 229 et de manière manuscrite : « Mais quand la femme plaide elle-même, quel moyen de lui prouver qu’elle a acquis de ses deniers ? Ou bien quand le mari revendique après avoir reconnu les deniers » ; Ibid.
706 Suivant ce raisonnement, Anne Bonifay « cessa d’être dès lors chez elle, et ne fut plus que chez son mari » et « s’il étoit vrai que la femme qui accueille son mari chez elle, dût être exceptée des dispositions de la Loi Quintus-Mutius, il faudroit au moins entendre cette exception d’une femme qui ayant une maison et un commerce établi, recevoit véritablement son mari chez elle, sans se constituer sa maison ni son commerce ; mais peut-on appliquer cette exception à la femme qui se dépouille de sa maison, de son commerce, et de tout ce qu’il y a dans cette maison et qui fait tout passer sur la tête de son mari ? Cette femme ainsi dépouillée peut-elle exciper de sa renonciation à tout ce qui lui appartenoit, pour dire qu’elle a pu faire des acquisitions à son particulier ? Ne diroit-on pas avec plus de fondement que les bénéfices étant pour le mari qui s’étoit chargé de tout, que la femme a tiré de la caisse de celui-ci le prix des acquisitions qu’elle a fait ? Si les acquisitions d’Anne Bonifay ne peuvent être justifiées que par des ressources étrangères au commerce de l’auberge, la circonstance du transport fait par Anne Bonifay à son mari, dans leur contrat de mariage, est toute contre ses hoirs. Une femme peut-être mariée sous une constitution particulière et n’avoir aucun bien paraphernal ; il faut donc prouver que la femme a eu des biens paraphernaux dont elle a pu disposer, pour tirer quelque utilité de la constitution particulière » ; JANETY, Journal du Palais…, op. cit., Années 1782-1783 et 1784, Arrêt XXVIII, pp. 230-231.
707 Ibid., p. 231.
708 « Telle est la disposition de la fameuse Loi Quintius-Mutius, ff. de donat. Inter vir. et uxor. Mais plus cette disposition est austère et rigoureuse, moins il faut en abuser ; ainsi ce seroit une erreur de croire que quand une femme a acquis ou payé constante matrimonio, la Loi ne voulût absolument rien voir de plus, ou que la justice ne voulût connoitre que les acquisitions ou les paiements faits par la femme, et ne pas s’enquérir ni si la femme avoit des fonds qui pûssent fournir aux dépenses ou aux acquisitions qu’elle a faites, ni si elle avoit d’autres ressources également honnêtes qui pussent y suppléer. Et s’il falloit rappeler la règle dans toute son étendue il ne sera pas difficile de prouver d’après les auteurs, Guy Pape, Ferrière, Minzinger, Despeisses, que l’industrie quoique déshonnête apparoissant les acquisitions faites par la femme ne lui sont pas moins propres : Si turpiter facit, non tamen turpiter accipit. Si la femme, en acquérant pendant le mariage, acquiert pour le mari, ce n’est que parcequ’elle est censée avoir acquis des deniers du mari. Ainsi où la femme doit prouver hundè habuerit, ou tout est censé provenir ex substanciâ mariti ; c’est la Loi elle-même qui nous dit l’un et l’autre. La disposition de la Loi n’est donc fondée que sur une présomption et la présomption tombe si la femme démontre undè habeat. Le système du Législateur est encore mieux développé dans la Loi 6, cod. De donat. Enter vir. et uxor. Elle porte : Nec est ignotum quod cum probari non possit undè uxor, matrimonii tempore honestè quaesierit, de mariti bonis eam habuisse, veteres juris autores merito crediderunt. Ce n’est encore qu’une présomption, veteres crediderunt, mais une présomption qui doit céder à la preuve contraire, cum uxor probare non possit undè quaesierit » ; JANETY, Journal du Palais…, op. cit., Années 1782-1783 et 1784, Arrêt XXVIII, pp. 231-232.
709 BRETONNIER, verbo « Paraphernaux » dans Recueil par ordre alphabétique…, op. cit., Tome second, p. 10.
710 « Dès lors personne n’est en droit de se formaliser d’où la femme a pris l’argent parce que le mari le sachant, la femme n’est responsable de sa conduite qu’à lui » ; Mémoire de l’avocat Pascalis, B.U. droit Aix-en-Provence, Réserve, Recueil de factums du xviiie siècle, Réserve cote 10646, Pour les hoirs de la demoiselle Anne Bonifay, veuve en secondes noces du sieur Joseph Roman aubergiste de la ville de Marseille, intimés en appel de la sentence rendue par le Lieutenant au siège de la même ville le 2 septembre 1779 contre le sieur Joseph-Antoine Roman du lieu de La Javie en qualité d’héritier du sieur Joseph Roman son oncle appelant, p. 17.
711 JANETY, Journal du Palais…, op. cit., Années 1782-1783 et 1784, Arrêt XXVIII, p. 233.
712 Ibid., p. 234.
713 Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 112.
714 Mémoire de l’avocat Pascalis, op. cit., p. 18.
715 Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 111 note 1 et p. 112.
716 On retrouve la même idée dans le commentaire des actes de notoriété du Parlement de Provence : « Au reste, cette même présomption a aussi lieu par rapport aux acquisitions faites pendant l’année de deuil » ; Actes de notoriété…, op. cit., acte XXVI délibéré le 5 janvier 1689, p. 60.
717 Œuvres de Scipion Dupérier, op. cit., Tome second, p. 418.
Cet arrêt est repris par l’ensemble des arrêtistes. Par exemple : Actes de notoriété…, op. cit., acte XXVI délibéré le 5 janvier 1689, p. 60 et JANETY, Journal du Palais…, op. cit., Année 1780, Arrêt LXI, p. 366.
718 En février 1696, Marguerite Jean s’est mariée avec Honoré Arnaud. Elle s’est constituée par contrat de mariage une dot de 9000 livres composée d’argent comptant, du trousseau et de meubles meublants. Son mari lui a fait une donation de 1000 livres dans le contrat à la condition qu’il prédécède à son épouse. En 1698, Arnaud meurt et laisse un fils. La dame Jean continue à vivre avec son beau-père jusqu’en 1700 date du décès de ce dernier. Le 28 février 1700, elle assigne le tuteur de son fils devant le juge des baux en paiement de la dot, de la donation, des intérêts de ces deux sommes depuis le dernier jour de l’an de deuil. La veuve demande également le paiement des habits de deuil qu’elle a acquis des deniers de sa mère. Marguerite Jean se remarie et son mari intervient à l’instance.
719 Le Parlement de Provence attribue à la femme le paiement de ses habits de deuil et de ses alimens par les héritiers du mari. Par arrêt du 30 juin 1664 rendu en la Chambre des tournelles ces Messieurs d’Aix l’ont ainsi décidé ajoutant que celle-ci bénéficiait d’une hypothèque pour le remboursement de ses habits de deuil qui débutait le jour de la célébration du mariage. Cet arrêt confirme une jurisprudence bien établie. On trouve en ce sens un arrêt du mois de février 1640 et un arrêt du 19 janvier 1655 ; H. de BONIFACE, Arrests notables…, op. cit., Tome premier, Livre VI, Titre IV, Chapitre III, p. 435.
720 Consultation de Gassier, AD BdR., 10 F 99, n° 36, Pour la demoiselle Roux veuve du sieur Desmichels (Le Val), 15 octobre 1783. Voir sur cette question le dernier chapitre de seconde partie de notre étude.
721 Par cette même sentence le tuteur du fils de Marguerite Jean a été condamné au paiement des intérêts de la dot et de la donation de survie constituée lors du premier mariage. Pour la restitution de la dot le mari devra faire la preuve de sa solvabilité (le mari ayant consenti avant la décision que le tuteur de son beau-fils pourrait conserver les 1000 livres de la donation de survie jusqu’à son décès).
722 B. DEBEZIEUX, Arrests notables…, op. cit., Livre 5, Chap 1, § 11, pp. 350-352.
723 Le tuteur a été également condamné à la restitution de la dot constituée lors du premier mariage à condition que le nouveau mari la place sur un fonds sûr et solvable. Sur cette question, Debézieux nous apprend que les avis des juges étaient partagés car certains pensaient que la dot devait être donnée au second mari sans que celui ne soit obligé de placer ces fonds. L’arrêtiste ayant par ailleurs participé au jugement était de cet avis précisant qu’habituellement la Cour a coutume de prononcer la restitution pure et simple de la dot, d’autant qu’en l’espèce le mari n’était pas insolvable. Il rapporte à l’appui de sa démonstration quatre arrêts du Parlement de Provence : 22 octobre 1620, 19 juin 1646, 30 octobre 1659 et 12 février 1662.
724 B. DEBEZIEUX, Arrests notables…, op. cit., Livre 5, Chap 1, § 11, p. 352.
725 Ibid., p. 350
726 JANETY, Journal du Palais…, op. cit., Année 1780, Arrêt LXI, p. 366.
727 Ibid., p. 367.
728 Ibid., p. 368.
729 Bonnemant sur cette question donne en référence l’arrêt du 10 mai 1780 rapporté par Janéty ; Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 112.
730 « Après l’an de deuil expiré la femme devient libre comme tout autre citoyen et les deniers dont elle a fait usage lui appartiennent pleno jure sans qu’on puisse la soumettre à rendre à eux comptes » ; AD BdR., 10 F 97, n° 10, Pour les hoirs Boyer contre les hoirs Gravier, 28 janvier 1783.
731 Mémoire de l’avocat Pascalis, B.U. Droit Aix-en-Provence, Réserve, Recueil de factums du xviiie siècle, Réserve cote 10646, Pour les hoirs de la demoiselle Anne Bonifay, veuve en secondes noces du sieur Joseph Roman aubergiste de la ville de Marseille, intimés en appel de la sentence rendue par le Lieutenant au siège de la même ville le 2 septembre 1779 contre le sieur Joseph-Antoine Roman du lieu de La Javie en qualité d’héritier du sieur Joseph Roman son oncle appelant, p. 31.
732 Bonnemant précise qu’il en va de même dans le cas d’une séparation de biens entre époux ; Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 112.
Nous reviendrons sur ce point dans le dernier titre de la seconde partie.
733 J.-B. DENISART, verbo « Marchande publique » dans Collection de décisions nouvelles…, op. cit., Tome premier, p. 237.
Pour Roussilhe, « pour qu’une femme soit marchande publique et dans le cas de l’article 235 [ de la Coutume de Paris ], il faut donc qu’elle fasse publiquement un commerce dont son mari ne se mêle pas, soit que le mari n’en fasse aucun, ou soit qu’il en fasse un autre différent de celui de sa femme ; que les envois soient faits à elle et que les billets soient pour elle souscrits » ; Traité de la dot…, op. cit., Tome premier, p. 474.
734 C.-J. de FERRIERE, verbo « Marchande publique » dans Dictionnaire de droit et de pratique…, op. cit., Tome second, p. 178.
735 P. ROUSSILHE, Traité de la dot…, op. cit., Tome premier, p. 475.
736 « Quand celle-ci est réellement marchande publique, elle peut pour le fait de son commerce, non seulement s’obliger, mais encore obliger par-là son mari, parce que ce dernier voyant le commerce que sa femme fait, s’il ne s’y oppose pas, il est présumé approuver tous les engagements qu’elle contracte à raison de son commerce » ; Ibid.
737 F. DECORMIS, Recueil de consultations…, op. cit., Tome second, Colonne 1311.
738 C.-J. de FERRIERE, verbo « Marchande publique » dans Dictionnaire de droit et de pratique…, op. cit., Tome second, p. 179.
739 « Ainsi une femme qui ne fait que vendre et débiter les marchandises de son mari ne seroit pas pour cela tenue des dettes que son mari auroit contractées pour raison desdites marchandises, à moins qu’elle ne s’y fut personnellement obligée » ; C.-J. de FERRIERE, verbo « Marchande publique » dans Dictionnaire de droit et de pratique…, op. cit., Tome second, p. 179.
« La femme n’est réputée marchande publique (dit l’article 235) pour débiter la marchandise dont son mari se mêle » ; J.-B. DENISART, verbo « Marchande publique » dans Collection de décisions nouvelles…, op. cit., Tome premier, p. 237.
740 R.-J. POTHIER, Traité du contrat de mariage et de la puissance du mari, op. cit., Tome VII, p. 443.
741 « Or il est de règle constante que pour que la femme puisse être réputée marchande publique, il faut qu’elle exerce publiquement un commerce autre que celuy de son mary. La Coutume de Paris est formelle là-dessus dans l’article 235, la femme il y est-il dit n’est réputée marchande publique que pour débiter les marchandises dont son mari se mêle, mais est réputée marchande publique quand elle fait marchandise séparée et autre que celle de son mari ». L’avocat mentionne sur ce point les écrits de Ferrière, Denisart et Pothier et cite un acte de notoriété du Parlement de Paris du 26 août 1702. Il donne un exemple à l’appui de sa démonstration : si un mari est épicier et que la femme vend dans la boutique de son mari « elle n’est pas pour cela marchande publique parce que le commerce n’est pas séparé de celui de son mari ». Un arrêt du Parlement de Dijon du 21 février 1715 a été rendu en faveur de la femme d’un marchand de vin qui n’a pas été déclarée marchande publique quoiqu’elle se soit interposée comme telle dans le commerce de son mari ; AD BdR., 10 F 108, n° 41, Pour la demoiselle Morin Miffre contre la demoiselle Rougier (Marseille), 15 avril 1788.
Le Parlement de Paris dans un arrêt du 14 octobre 1766 a ordonné l’élargissement d’une épouse détenue pour des dettes impayées. Les juges-consuls avaient qualifié cette dernière de marchande publique alors qu’elle avait signé une lettre de change avec son mari pour fourniture de vin. Mais le Parlement a considéré qu’elle n’avait jamais été marchande publique dans la mesure où elle avait simplement collaboré au commerce de son mari et ce conformément aux articles 234 et 235 de la Coutume de Paris ; J.-.B. DENISART, verbo « Marchande publique » dans Collection de décisions nouvelles…, op. cit., Tome premier, p. 237.
742 L’ordonnance de 1667 titre 38 article 8 précise que la femme marchande publique est justiciable des juges consuls et contraignable par corps. L’avocat Gassier précise : « C’est ce que les arrêts de la Cour ont constamment jugé ». Le jurisconsulte renvoie à l’arrêt rapporté par Bonnet. Voir AD BdR., 10 F 108, n° 41, Pour la demoiselle Morin Miffre contre la demoiselle Rougier (Marseille), 15 avril 1788.
Dans une consultation du 26 septembre 1757, Gassier et Pazery rapportent un arrêt de la Chambre des vacations du Parlement de Provence du 19 juillet de la même année qui a déclaré compétents les juges consuls concernant les obligations contractées par une femme marchande publique ; AD BdR., 10 F 59, n° 38, Pour le sieur Le Long (Marseille), 15 septembre 1757.
L’avocat Bonnet rapporte l’espèce suivante : la dame Marguerite Olivier épouse de Louis Degras de la ville de Marseille, avocat en la Cour, avait signé des billets à ordre en faveur de plusieurs personnes pour des valeurs reçues comptant ou en marchandises. Marguerite Olivier voulut se faire restituer envers toutes ces obligations, fondant son principal moyen sur ce qu’elle n’avait pu les contracter valablement, « étant sous la puissance d’un mari ». La femme a impétré des lettres royaux adressées au Lieutenant de Marseille. Pendant cette instance, quatre de ces créanciers se sont pourvus devant les juges et consuls contre la dame Degras, en condamnation des sommes qui leur étaient dues. L’épouse Olivier a présenté un déclinatoire alléguant pour premier moyen l’instance en rescision pendante devant le Lieutenant. Elle soutenait, entre autres arguments, qu’elle n’avait contracté qu’en qualité de procuratrice de son mari et qu’elle ne devait pas être réputée marchande même si elle avait géré pour son propre compte car argumente son conseil « quelque petit négoce fortuit ne pouvant pas imprimer ce caractère à la femme d’un avocat ». Les juges et consuls « n’ayant eu aucun égard à ces raisons déboutèrent de son déclinatoire avec dépens la dame Olivier par une sentence du 24 mars 1727 ». Cette dernière a interjeté appel devant le Parlement de provence. Les arguments développés ont été les mêmes qu’en première instance. L’épouse ajoutant que le Lieutenant était le seul compétant pour connaître de cette espèce attendu qu’il s’agissait de savoir « si une femme mariée pouvoit obliger et aliéner sa dot dans un état de négoce ; ce qui tomboit dans une pure question de droit, que les juges et consuls ne sçauroient décider ». Elle ajoute qu’elle n’avait agi que dans l’intérêt du sieur Degras son mari. Elle apporte à l’appui de son argumentation une procuration par laquelle l’avocat lui avait donné le pouvoir d’administrer tous ses biens, de vendre et de négocier en son nom. Enfin, l’appelante affirme que, même si elle a contracté en son nom propre et pour son négoce, elle ne relève pas de la compétence des juges et consuls car seules les marchandes publiques en sont justiciables suivant l’article 8 de l’ordonnance de 1667 car la femme d’un avocat ne peut-être considérée comme une marchande publique pour avoir signé des billets à ordre et fait casuellement quelques actes de commerce. A contrario, les créanciers de l’épouse répondent que l’instance dont le Lieutenant de Marseille est saisi ne les empêche pas de poursuivre devant les juges et consuls la condamnation de l’épouse au paiement des sommes qui leur sont dues. En effet, selon les intimés, les juges et consuls « ne sont pas moins compétents des lettres royaux […] que s’agissant seulement de sçavoir si les obligations qu’une femme mariée et dotée contracte par fait de négoce, étoient légales et valables, ils pouvoient très bien juger cette contestation ». De plus, les créanciers de la dame Olivier précisent que dans les billets à ordre cette dernière n’a jamais pris la qualité de procuratrice de son mari et qu’elle a donc fait des actes publics de commerce lors de divers achats et ventes : sa qualité de femme d’avocat n’est pas exclusive de sa qualité de marchande publique « surtout à Marseille où les gentilshommes même peuvent négocier, sans déroger à leur noblesse ». Le Parlement de Provence a fait droit à cette argumentation et par arrêt du 2 août 1727, la sentence a été confirmée et les parties renvoyées aux juges et consuls pour statuer sur le fond ; J. BONNET, Recueil d’arrêts de la Cour de Parlement de Provence concernant la compétence des juges et consuls des marchands, Chez Claude Paquet, Aix, 1733, pp. 70-73.
A travers cette espèce, on retrouve les reproches faits aux juridictions consulaires sous l’Ancien Régime. Créées au xvie siècle, les juridictions consulaires, qui ont prolongé les juridictions marchandes médiévales, sont composées de juges consuls négociants, suivant une procédure sommaire et rapide car les parties devaient se présenter sans l’assistance d’avocat. Ces juridictions faisaient largement appel à l’équité plus qu’aux subtilités juridiques. Même si elles relevaient en appel des juridictions civiles, on reprochait à ses juridictions de ne pas connaître le droit ou de négliger son application. Les conseils des créanciers de la dame Olivier précisent d’ailleurs que la juridiction consulaire est compétente : « puisqu’on y doit statuer suivant la disposition des ordonnances faites pour les marchands ; que quand il entre des questions de droit dans les affaires de leur compétence, ils appellent des assesseurs graduez ce qui rend même en ce cas leur jugement très juridique » ; ibid., p. 72.
Voir : J. HILAIRE, Introduction historique au droit commercial, P.U.F., Collection droit fondamental, Paris, 1986, pp. 73-75.
743 « Le mari auroit trop d’avantages sur sa femme, s’il pouvoit se servir impunément de son nom, pour rejeter sur sa tête les risques et les évènements d’un commerce dont-il pourroit s’approprier tous les profits et dont il est de droit et de fait le seul agent par la nécessité dans laquelle la femme se trouve de se soumettre aux volontés ainsy qu’aux dispositions de son mari » ; Gassier mentionne un arrêt du Parlement de Provence rendu en ce sens conformément à l’avis de l’avocat général mais il n’en donne pas la date. Il mentionne simplement le nom des parties ; AD BdR., 10 F 108, n° 41, Pour la demoiselle Morin Miffre contre la demoiselle Rougier (Marseille), 15 avril 1788.
744 Consultation de Gassier et Pazery, AD BdR., 10 F 59, Consultation n° 38, Pour le sieur Le Long (Marseille), 15 septembre 1757.
745 « En effet, dès que le mari souffre que sa femme fasse un commerce particulier, il semble par-là donner une autorisation à sa femme pour agir pour lui : s’est pourquoi elle l’oblige solidairement avec elle dans tous les engagemens qu’elle contracte relativement à ce commerce particulier ; et cette obligation engendre même la contrainte par corps contr’elle et contre son mari » ; J.-.B. DENISART, verbo « Marchande publique » dans Collection de décisions nouvelles…, op. cit., Tome premier, p. 237.
746 F. DECORMIS, Recueil de consultations…, op. cit., Tome second, Colonne 1311.
747 C.-J. de FERRIERE, verbo « Marchande publique » dans Nouvelle introduction à la pratique, Nouvelle édition revue, corrigée et augmentée, Tome second, Chez Joseph Saugrain, Paris, 1745, p. 212.
748 « Ce principe, utile à la bonne foi du commerce, à la sûreté publique, adopté dans les coutumes est suivi en Provence. Ici il étoit prouvé par les certificats des consuls et du curé, que Barlatier vivoit avec sa femme, n’ayant qu’une même habitation, un même ménage » ; JANETY, Journal du Palais…, op. cit., Années 1775-1776-1777-1778, Arrêt V, p. 44.
749 L’intimé ajoute comme argument que dans les faits il vit à la campagne séparé de son épouse et qu’il n’a plus avec elle aucun contact. Il tente de rapporter la preuve par des témoins qu’il n’a jamais participé à l’activité marchande de son épouse et qu’il n’en a même jamais eu connaissance.
750 La contrainte par corps « est le droit qu’à un créancier de contraindre en matière civile son débiteur par emprisonnement de sa personne ». La contrainte par corps est réglementée par l’ordonnance royale de 1667 ; C.-J. de FERRIERE, verbo « Contrainte par corps » dans Dictionnaire de droit et de pratique…, op. cit., Tome premier, p. 362.
Louis XIII dans une Ordonnance de 1629 (article 156) a déchargé de la contrainte par corps toutes les femmes et les filles. Louis XIV par l’ordonnance de 1667 (titre 34, article 8) ordonna que les femmes et les filles ne pourront s’obliger, ni être contraintes par corps, si elles ne sont marchandes publiques. Un acte de notoriété du Parlement de Paris du 24 juillet 1705 indique également que les femmes ne sont pas contraignables par corps excepté les marchandes publiques.
Dans le ressort du Parlement de Toulouse, la contrainte par corps n’est possible contre la marchande publique que si, outre le non-paiement de ses dettes, celle-ci s’est rendue coupable de manœuvres dolosives. L’ordonnance de 1667, en effet, dit que les marchandes publiques « pourront » être contraintes par corps si elles sont marchandes publiques mais elle ne décide pas qu’elles doivent obligatoirement l’être ce qui laisse aux juges une certaine liberté d’appréciation ; BRETONNIER, verbo « Femme » dans Recueil par ordre alphabétique…, op. cit., Tome premier, pp. 278-280.
751 JANETY, Journal du Palais…, op. cit., Années 1775-1776-1777-1778, Arrêt V, p. 45.
Brillon dans son dictionnaire note : « Il n’est pas besoin qu’elle soit expressément autorisée par son mari, d’autant qu’elle vend et trafique publiquement, à son vû et sçû, et porte en la communauté le gain qu’elle fait, dont le mari est le maître et qui est présumé avoir tacitement autorisé sa femme pour le négoce dont elle se mêle […]. La marchande oblige son mari par corps pour le fait de son commerce, encore qu’il ne parle pas en l’obligation » ; P.-J. BRILLON, verbo « contre-lettres, mariage » dans Dictionnaire des arrêts ou jurisprudence universelle des Parlemens de France et autres tribunaux, Nouvelle édition revue, corrigée et augmentée, Tome sixième, Chez Guillaume Cavelier père et fils, Michel Brunet et Nicolas Gosselin, Paris, 1727, p. 205.
752 « Pourquoi ne pas les adopter en pays de droit écrit ? Quelles autorités contraires peut-on rapporter ? Quelles raisons peut-on alléguer pour détruire ce principe de toute sûreté dans la société ? L’autorité de de Cormis est précise : la question soumise à sa décision ne lui laissa entrevoir aucun doute ; il connoissoit le droit ; il savoit qu’il ne renfermoit aucun texte précis pour la matière ; il n’hésita pas cependant à décider contre le mari » ; JANETY, Journal du Palais…, op. cit., Années 1775-1776-1777-1778, Arrêt V, p. 46.
753 Ibid.
754 « On remédie à des abus considérables ; la bonne foi du commerce seroit détruite et anéantie ; le marchand toujours dans la crainte de perdre son argent, lorsqu’il seroit question de vendre ses marchandises, se verroit dans la nécessité de ne plus donner à crédit, ce qui porteroit un préjudice considérable à son intérêt. Le mari doit donc être responsable des dettes de sa femme qui commerce à son vu et su ; son silence prouve son autorisation. Il est vraisemblable qu’il participe au profit ; et dès lors pourquoi ne pas le soumettre aux pertes qu’elle peut essuyer ? » ; Ibid.
755 « On ajoutoit que le mari n’est pas tenu des obligations contractées par sa femme à raison de son commerce, quand elle a des biens à l’égard desquels elle est libre dans ses actions. Tel est le cas où se trouvent les sieurs Pontés et Juglas, puisque la femme Richard mariée sous une constitution particulière, a d’ailleurs des biens libres ou paraphernaux » ; JANETY, Journal du Palais…, op. cit., Années 1775-1776-1777-1778, Arrêt XXIX, p. 221.
756 Ibid., p. 222.
757 Ibid.
758 JANETY, Journal du Palais…, op. cit., Années 1775-1776-1777-1778, Arrêt XXIX, p. 224.
759 Ibid.
760 Déclaration du 24 novembre 1770 pour Jean Fraize en faveur de Marie Reynier ; AD BdR., 303 E 493, Jean Honoré Etienne notaire à Aix, f°1186 recto à 1187 recto.
761 Le 27 mai 1788, « Elizabeth Vigne épouse d’Esprit Rolland […] auroit, précise le notaire, entrepris un commerce de revendeuse de savon et denrées et à raison d’icelui elle auroit contracté diverses dettes et entre autres pour la somme de 352 livre 2 sols envers le sieur François Massie marchand magasinier de cette ditte ville laditte Vigne ne pouvant parvenir à payer les dettes qu’elle avoit contracté se seroit absentée sans prévenir ny son mary ny ses créanciers ledit sieur Massie lui auroit fait donner une assignation pardevant Mr le Lieutenant juge royal de cette ville par exploit du sept février dernier sur laquelle il seroit intervenu sentence adjudication de la susdite somme le 7 mars suivant dans ce total des choses ledit Esprit Rolland pour éviter des plus grands fraix et la commune exécution que ledit Massie se proposoit de demander contre lui des adjudications rapportées il lui auroit proposé de lui cédder un capital de la somme de 300 livres qu’il possédoit en qualité de mary et maître de la dot de ladite Elizabeth Vigne établi sur François Reinaud ménager du lieu de St Cannat ou ses hoirs ensemble le prorata de la pension couru depuis le jour St Michel dernier jusques à aujourd’huy à condition que ledit sieur Massie réduiroit toutes ses prétentions au principal intérêts et fraix d’instance jusques a concurrence du susdit capital et prorata ce qu’ayant accepté par ledit sieur Massie il ne reste plus qu’a passer l’acte au nécessaire à ces causes fut présent ledit Esprit Rolland en la qualité de mary et maître de la dot et droits de ladite Elizabeth Vigne pour laquelle il se fait fort lequel de son gré a céddé, remis et transporté audit sieur François Massie ici présent stipulant et acceptant la somme principale de 300 livres a prendre exiger et recouvrer de François Reinaud ou ses ménagers du lieu de St Cannat ensemble le prorata de la pension de quinze livres couru depuis le jour de St Michel dernier jusques à aujourd’huy pour le recouvrement de laquelle pension et du principal de 300 livres qui est a constitution de rente 5 % lorsque ledit Reinaud voudra s’en libérer ledit Esprit Rolland a mis et subrogé ledit sieur Massie a tous ses droits lieux et places actions obligations hipotèques et préférances pour quitter et contraindre le débiteur céddé tout comme il auroit pu le faire lui-même avant ladite cession avec promesse de lui être tenu personnellement et comme caution en tant que de besoin seroit de la validité de la présente cession et de tout ce dont un céddant est de droit tenu envers son cessionnaire ; lequel capital de 300 livres avoit été céddé par André Arquier ménager dudit St Cannat à Jean-Baptiste Vigne père de laditte Elizabeth Vigne par acte du 17 juin 1757 [reçu par notaire de St Cannat] et dont ledit Reinaud étoit débiteur suivant l’acte constitutif du 15 janvier 1742 [reçu par notaire de St Cannat] laquelle cession est faite et consentie pour et moyennant pareille somme de 312 livres que ledit François Massie a compensé avec ce que ladite Elizabeth Vigne lui devoit en principal intérêts et frais d’instance » ; Cession par Esprit Rolland maçon en sa qualité qu’il agit en faveur de sieur François Massie, AD BdR., 308 E 1589, Nicolas Joseph Gabriel Dufour notaire à Aix, f°148 recto à 149 verso.
762 « lequel étant bien aise de faire de faire son commerce à part avec Anne Marie Isnard son épouse pour éviter des contestations qui pourroient survenir en cas de prédécès de sadite épouse a déclaré avoir reçu d’icelle ici présente stipulante libre dans ses actions d’icelui pour n’avoir été passé entreux aucun contract civil de mariage ainsi qu’ils nous l’ont déclaré tous les meubles effets et marchandises qui lui appartenoient et qui se trouvoient dans les appartements qu’occupe sadite épouse » ; Quittance Ignace Herner à Anne Marie Isnard, AD BdR., 302 E 1388, François Boyer notaire à Aix, f°732 recto à 733 recto.
763 Cession du 6 décembre 1788 Marie Isnard à Jean-Pierre Cabaret, AD BdR., 302 E 1388, François Boyer notaire à Aix, f°845 verso à 847 verso.
764 En effet, les actes de la pratique portant la mention d’une femme marchande et mariée sont forts rares. Nous avons tout de même retrouvé une procuration donnée à une femme commerçante en date du 16 février 1788. Alexandre Brémond « a fait et constitué sa procuratrice spéciale et générale quant à ce la dame Miffren marchande de cire de la ville de Marseille a laquelle absente comme présente il donne pouvoir de pour luy et en son nom exiger et recevoir de sieur Gilibert Me cordonnier de laditte ville la somme de 400 livres pour les deux payes échues à Pâques et à la St Michel 1787 du loyer de la boutique et entresol de la maison du sieur Brémond situé en ladite ville de Marseille […] concéder toute quittance et décharges valables et deffaut de payement y contraindre ledit Gilibert par toutes les voyes de droit […] et généralement faire pour raison de tout ce que dessus et dépendances tout ce que besoin sera et que pourroit faire le constituant luy même s’il y étoit présent ». Le mandant promet ainsi d’approuver tout ce que la dame Miffren fera en vertu de la procuration ; Procuration Brémond à Miffren, AD BdR., 302 E 1472, Alexandre Marcellin Perrin notaire à Aix, f°718 recto à 719 recto.
765 « Si elle commerce, elle emploie à ce commerce les soins, le travail, l’industrie qu’elle doit à son ménage, et le mari est censé avoir au négoce un intérêt, sans lequel il ne consentiroit pas à cette distraction du ménage, à ce divertissement des soins domestiques » ; JANETY, Journal du Palais…, op. cit., Années 1775-1776-1777-1778, Arrêt XXIX, p. 225.
766 Ibid., pp. 225-226.
767 Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 111.
768 Délibéré à Aix le 16 décembre 1697 ; Ibid., pp. 112-113 note 1.
769 L’avocat Gassier précise qu’ « il est de règle » que le mari dont la femme est marchande publique « est obligé par le commerce de cette dernière, parce qu’il est censé en profiter ». L’avocat renvoie aux développements de Brillon et de Decormis. Il rappelle l’arrêt du Parlement de Provence du 5 juillet 1775. Le jurisconsulte ajoute : « Or en réfléchissant sur ce principe on trouve dans ce cas des dettes de la femme que parce qu’il est censé profiter du produit de son travail attendu le droit qu’il en a. Or son droit est encore plus plein, plus entier, plus indubitable dans le cas d’une industrie exercée par la femme sous les yeux et dans l’état de son mary et ne prend rien sur l’état de dépendance dans lequel la femme doit vivre vis à vis ce dernier » ; Consultation de Gassier, AD BdR., 10 F 91, n° 56, Pour Paul Dozol maître d’hôtel de Monsieur de Gourdon contre l’héritier de son épouse (Grasse), 26 mars 1780.
770 Il reste tout de même une question en suspend : la femme marchande publique engage-t-elle sa dot par son commerce ?
Il semble que les auteurs aient proposé trois solutions différentes. Pour les uns, la femme engage valablement sa dot et elle peut valablement aliéner sa dot lorsqu’elle est marchande publique dans la mesure où elle est contraignable par corps. « La foi publique et la faveur du commerce » exigent que la femme engage ses biens dotaux pour les dettes qu’elle contracte en exerçant son activité. La femme pouvant être emprisonnée pour les dettes qu’elle contracte dans son commerce il est normal et équitable qu’elle puisse engager ses biens dotaux pour éviter la prison puisque ce pouvoir d’aliénation des biens dotaux lui est reconnu pour éviter la prison à son mari. Un arrêt du 27 août 1693 du Parlement de Toulouse a déclaré valable la vente faite par une marchande publique de son fonds dotal pour acquitter les dettes par elle contractées dans son commerce. Pour d’autres, la femme quoique marchande publique n’oblige pas sa dot parce que tous les profits du commerce appartiennent au mari « ou du moins il en profite » et de plus la dot est inaliénable. La règle générale d’inaliénabilité dotale l’emportant dans ce cas sur le fait que la femme est marchande publique. Le cas de commerce public de la femme mariée n’est pas une exception à l’inaliénabilité dotale. L’avocat Roussilhe pense que la première solution est « plus raisonnable ». Nous penchons personnellement pour la seconde dans la mesure où si la femme engageait ses biens dotaux à raison de son commerce nous en aurions retrouvé une trace chez les arrêtistes ou les commentateurs voire dans les consultations d’avocats. Il n’en est rien. Tout doit donc se passer sans que l’état de marchande publique n’ait aucune incidence sur les biens constitués en dot. Ce qui d’ailleurs s’explique aisément car dans la mesure où la femme est mariée sans contrat ou sous une constitution de dot particulière elle a des biens paraphernaux sur lesquels les créanciers peuvent de payer. Si elle est mariée sous une constitution de dot générale tous les biens de la femme sont placés pendant le mariage sous l’administration du mari et il répond seul des dettes contractées par sa femme car il profite seul des revenus de son activité ; Voir sur ce point P. ROUSSILHE, Traité de la dot…, op. cit., Tome premier, pp. 476-478.
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