Chapitre I. les faveurs accordées au régime dotal
p. 61-106
Texte intégral
1La constitution de dot est l’élément central du droit des régimes matrimoniaux en Provence et pour le professeur de droit français Reboul c’est tout simplement et à juste titre « la première chose, qu’on a coutume de régler dans les conventions matrimonialles »206. Les faveurs accordées au régime dotal par les jurisconsultes provençaux et les notaires se manifestent de trois manières. Si ces raisons paraissent parfois éloignées les une des autres, elles ont toutes un même esprit : donner aux époux des moyens juridiques privilégiés pour que ceux-ci mettent en place un régime dotal qui assure une contribution de l’épouse aux charges du mariage tout en faisant une large place aux garanties de restitution des biens dotaux, la séparation des biens entre époux restant le socle commun de ces diverses faveurs.
2D’une part, le droit des régimes matrimoniaux en Provence à la fin de l’Ancien Régime applique strictement l’obligation de doter héritée du droit romain (Section 1). D’autre part, la mutabilité du régime est admise dans la mesure où celle-ci est favorable au régime dotal (Section 2). Enfin, le droit provençal reconnaît la validité des contrats de mariage sous signature privée qui sont tous des contrats organisant un régime dotal (Section 3).
SECTION 1. L’OBLIGATION DE DOTER
3Après avoir mesuré l’étendue de l’obligation de doter et l’avoir confrontée à la pratique notariale (§ 1), nous tenterons de déterminer les effets de cette obligation et le degré de pénétration de cette règle dans les actes de la pratique (§ 2).
§ 1. L’étendue de l’obligation de doter
4Le jurisconsulte Jean-Joseph Julien reconnaissait que l’« on dit communément que c’est le devoir du père de doter sa fille »207. Cette obligation impérieuse, héritée du droit romain208, où comme le notait le professeur Jean-Pierre Coriat la paternité était une valeur civique209, est unanimement rappelée par l’ensemble des juristes de l’Ancien Régime. L’obligation paternelle de doter sa fille est reconnue par tous les Parlements du Midi au xviiie siècle210. Cette obligation fondée sur la maxime paternum officium est dotare filias était déjà présente dans le droit des régimes matrimoniaux des régions méridionales au xve siècle211. Après avoir rappelé que le père est tenu de doter sa fille (A), et qu’il doit la doter de nouveau si le capital dotal a été dépensé (B), nous déterminerons si d’autres personnes sont tenues à ces obligations (C).
A. Une obligation pesant sur le père de la future mariée
5Pour Jean Domat, « la fille qui se marie, doit être dotée par son père s’il est vivant. Car le devoir du père de pourvoir à la nourriture de ses enfants, renferme celui de doter sa fille »212. L’obligation de doter pèse en premier lieu sur le père de la future mariée et se présente au xviiie comme une obligation naturelle de celui-ci213. En se mariant, il s’est engagé à nourrir et à élever ses enfants et l’obligation de doter la fille qui va se marier est comprise dans cette obligation214. En pays de droit écrit, la maxime ne dote qui ne veut des régions coutumières pouvait être renversée pour devenir ne marie qui ne dote215. L’obligation alimentaire du père envers ses filles ne s’éteint pas lorsque les filles sont en âge de se marier ou de subvenir à leurs besoins en travaillant. Le père doit leur donner un établissement et si elles veulent se marier, leur constituer une dot suivant ses facultés. S’il refuse, « les Loix romaines qui sont suivies dans plusieurs endroits du pays de droit écrit »216 permettent à la fille, à 25 ans, de se marier contre la volonté de son père, après avoir requis son consentement par écrit et elles lui accordent une action pour le contraindre à lui constituer une dot, dont le montant sera déterminé en fonction des ressources du pater familias217. Cette obligation ne s’éteint pas si la fille a de quoi se marier, qu’elle a des biens propres ou qu’elle est déjà mariée et qu’elle s’est constituée une dot ou réservée des biens comme paraphernaux. Dans ces cas, le père est tout de même tenu de doter sa fille. S’il ne le fait pas, cette dernière peur engager une action en justice pour l’y contraindre.
6La raison donnée par les jurisconsultes pour justifier cette obligation est que le père est obligé de soutenir les charges du ménage et qu’une de ces charges est de pourvoir à l’établissement de ses enfants218. Par un arrêt du 21 janvier 1567, le Parlement de Provence a d’ailleurs reconnu que l’obligation de doter les filles incombe en principe au patrimoine paternel même si la fille possède des biens par ailleurs219. Cette jurisprudence est restée constante lors de deux arrêts du Parlement en 1618 et du 11 décembre 1645. Elle a été une nouvelle fois confirmée par un arrêt prononcé en robes rouges le 29 octobre 1646 par les chambres réunies. L’avocat au Parlement de Provence Boniface conclut ainsi qu’« on peut avec assurance soutenir, qu’il n’y eut jamais proposition dans le Palais plus solide et mieux affermie »220. Cette disposition est suivie dans les autres pays de droit écrit, comme il apparaît dans des arrêts du Parlement de Toulouse des 15 août 1587 et 13 juin 1612 et dans un arrêt du Parlement de Bordeaux du 16 avril 1604221.
7Jean-Joseph Julien fait de cette obligation de doter une limite apportée par le droit romain à la puissance paternelle et que le Parlement de Provence a toujours strictement appliquée222. L’obligation de doter les filles de 25 ans qui ont requis le consentement de leur père est d’ailleurs selon l’avocat provençal Bonnemant une Maxime du Palais223 et le jurisconsulte François Decormis faisait de cette obligation l’un des fondements du mariage en Provence : « C’est un devoir de nature, de religion et de politique, pour l’intérêt de la République […], pour empêcher le désordre et le scandale des fornications et de nature car qui le fera si le père ne le fait pas ? C’est une des obligations essentielles du mariage, comme celle de la procréation d’enfans et de leur éducation et de leur établissement »224. Un arrêt du Parlement de Provence de 1765 a d’ailleurs décidé que la fille qui a rempli auprès de son père les formalités prescrites par les ordonnances royales sur le mariage peut exiger de son père la constitution d’une dot si celui-ci ne lui en constitue pas de son propre chef225.
8Cependant lorsqu’un père a de justes raisons de ne pas consentir au mariage de sa fille majeure, s’il ne peut empêcher le mariage, du moins la justice ne l’oblige pas à constituer une dot à sa fille. Néanmoins, il peut être contraint à lui verser des aliments comme nous le verrons plus loin. La raison de cette exception est que le droit des régimes matrimoniaux n’autorise les poursuites de la fille contre son père qu’autant qu’il refuse sans raison de consentir à la doter. Au contraire, « si l’on voit que c’est une passion qui fait agir la fille, et qu’elle ne fait pas un établissement suivant sa condition, on ne lui accorde aucune action, et il y auroit même de la déraison d’obliger le père à constituer une dot en faveur d’un mariage qui déshonore sa fille et lui »226. Gabriel de Bonnecorse de Lubières apporte une seconde exception dispensant le père de doter sa fille : l’extrême indigence. Néanmoins, dans ce cas, précise-t-il, « on va s’efforcer d’épargner à la malheureuse femme le déshonneur de n’avoir point de dot »227. En ce sens, des institutions ou des personnes charitables, comme les hôpitaux ou les testateurs, considèrent la dotation des femmes indigentes comme une œuvre pie et il nous est arrivé de retrouver dans les contrats de mariage le témoignage de dots constituées par des bienfaiteurs228. De Bonnecorse rapporte même un acte du 17 mai 1348 par lequel un mari constitue à sa future épouse une partie de sa dot ; l’autre partie étant constituée par une aumône. Au xviiie siècle, nous n’avons jamais rencontré de mari qui dote expressément son épouse, ce qui n’exclut pas le fait qu’il puisse le faire de manière déguisée en reconnaissant dans le contrat de mariage une dot qu’il n’a en réalité jamais reçue : l’épouse étant assurée ainsi, en cas de veuvage, de se voir restituer un minimum.
9Les actes de la pratique provençale ne précisent pas que l’apport dotal est le résultat d’une obligation juridique pesant sur le père. Nous ne l’avons retrouvée que dans un formulaire à l’usage de notaires sous la forme suivante : « et parce les femmes et filles qui entrent dans le mariage doivent être dottées »229. Lorsqu’un père dote sa fille dans son contrat de mariage, c’est une véritable volonté de sa part et non une contrainte230. Là encore un formulaire à l’usage d’un notaire d’Eygalières illustre parfaitement notre propos. La phrase utilisée par le notaire est tout à fait claire : « et d’autant que c’est d’ancienne coustume de tout temps observée de constituer doct pour le plus facile support des charges du mariage »231.
10D’ailleurs, lorsque le père est encore vivant au moment du mariage de sa fille il lui constitue une dot. Force est de constater que dans un peu plus d’un contrat sur deux, les dots sont constituées par des pères. Si l’on ne prend en compte que les contrats de mariage où le père est encore vivant, le pourcentage s’élève à près de 90 % environ. Ces chiffres montrent bien, s’il était besoin, que l’obligation de doter pesant sur le père est presque toujours remplie lorsque celui-ci est vivant. Dans environ 9 contrats de mariage sur 10 le père, lorsqu’il est vivant, dote sa fille en Provence.
11Nous pouvons également affirmer qu’il n’y pas de dissemblance de comportement notable entre les différents lieux étudiés sauf à Marseille où l’activité salariée des futures épouses nous donne plus d’exemples de filles se constituant une dot de leurs épargnes alors que leur père est vivant et qu’il ne les dote pas : nous l’estimons environ à un cinquième des cas232.
12Dans le cas où la future mariée se constitue une dot seule alors que son père est vivant, les notaires font preuve d’une certaine rigueur juridique dans leur formulaire. Ils précisent, dans le contrat de mariage, d’où proviennent les deniers que la future épouse apporte en dot. Le 12 janvier 1788, Antoine Louis Taxil passe un contrat de mariage notarié avec Marie Blanc, fille majeure de Michel toujours vivant. La future épouse, précise le notaire Perrin, « se constitue et assigne en dot la somme de 1600 livres que le sieur Antoine Louis Taxil son futur époux confesse avoir reçu à sa satisfaction un peu avant le présent acte […] déclarant ladite Marie Blanc que la somme de 1600 livres n’est formée uniquement que des épargnes qu’elle a faites depuis qu’elle est hors de la maison de son père et qu’il n’y est compris aucun droit paternel ou maternel qu’elle pourra avoir à prétendre »233. De même, un notaire de Marseille précise que Marguerite Guiraudy s’est constituée en dot 1999 livres 18 sols alors que son père est toujours vivant et que « laquelle a déclaré que la dot qu’elle vient de se constituer cy-dessus procéder de ses économies qu’elle s’est faitte depuis environ quinze années qu’elle a quitté la maison paternelle pour venir travailler en cette ville [Marseille] et ce sans aucun secours de la part de sondit père ». Et le notaire donne les raisons qui la poussent à une telle précision : « Faisant laditte déclaration pour luy servir et valloir a tout ce que de droit ; et notamment pour quel objet de sa constitution de dot ne puisse en rien luy nuire ni préjudicier à aucun de ses droits sur les biens et hoiries dudit Jean Antoine Guès sondit père à l’époque de son décès ; et plus encore pour les droits qu’elle a à prétendre dans les biens et hoirie de laditte feue Anne Jullien sa mère »234. On perçoit déjà à travers les formules précises utilisées par les notaires provençaux, les enjeux de la conclusion d’un contrat de mariage et le lien ténu qui unit régimes matrimoniaux et droit des successions à l’intérieur du droit patrimonial de la famille.
13Cependant, dans la plupart des contrats de mariage, le père donne toute l’étendue de sa puissance : c’est lui qui établit le plus convenablement possible sa fille en lui constituant une dot. D’ailleurs, il arrive fréquemment de voir que, même lorsque le père est décédé, il a pris, avant de mourir, toutes les dispositions pour établir sa fille et lui constituer une dot en lui faisant un legs dans un testament. Ainsi Balthazard Carlué lègue à ses deux filles 300 livres « outre et par dessus le droit de légitime à elle afférant payable ainsi que ledit droit de légitime lorsqu’elles se colloqueront en mariage ou lorsqu’elles auront atteint leur vingt cinquième année et dès le jour de la délivrance de leur legs laditte demoiselle Goguard leur mère sera déchargée de leur logement nourriture et entretien »235. De même, dans le testament du 22 avril 1788, le sieur Roux travailleur journalier a fait un legs à sa fille. En effet, « dans le cas qu’elle veuille s’établir en mariage […] son héritier universel ci après nommé sera obligé de lui compter dans son contrat de mariage la somme de 600 livres une fois païées outre et par dessus son trousseau de hardes coffres robbes bagues et joïaux lesdites 600 livres seront païées en argent comptant ou en biens fonds au choix de sondit héritier universel »236. Parfois ce sont les contrats de mariage qui portent la trace du legs fait par le père : « La dot faisant le propre patrimoine des femmes pour supporter plus aisément les charges du mariage à cette cause ladite Rouard s’est constituée et assignée en dot et pour elle audit Gibaud son futur époux la somme de 500 livres à elle légué par ledit feu Rouard père suivant son testament du 16 février 1784 »237.
14Nicole Arnaud-Duc fait découler l’attachement au régime dotal en Provence de l’obligation de doter qui pesait sur le père238. Cette interprétation nous semble devoir être discutée. En effet, si l’obligation de doter est juridiquement sanctionnée, il faut tout de même noter que celle-ci est, à l’évidence, plus « naturelle » que juridique239. L’obligation de doter en tant qu’obligation juridiquement sanctionnée ne paraît pas être le facteur déterminant de l’attachement au régime dotal en Provence à la veille de la Révolution. C’est simplement une possibilité offerte à une fille de pouvoir agir contre son père qui refuse de lui constituer une dot. La fidélité au régime dotal se traduit par un attachement séculaire des familles à ce régime et n’est pas la conséquence d’une règle de droit strictement appliquée par les tribunaux. De plus, lorsque le père est décédé, le régime choisi par les époux dans le contrat de mariage reste le régime dotal. La question de la constitution de dot se résout au sein de la famille et non devant les tribunaux. Le faible nombre de contentieux entre père et fille tend à montrer que les filles qui se marient avec le consentement de leur père reçoivent une dot. Si elles n’en reçoivent pas, c’est, sauf exception, en raison soit d’une volonté délibérée de l’épouse et de sa famille de ne rien apporter au mari et de garder un contrôle total sur les biens du lignage240, soit une totale impossibilité eu égard à l’état de pauvreté de la famille. Parfois, le pater familias ne constitue pas de dot car il n’est pas favorable au mariage mais ce conflit reste dans la sphère privée.
15Néanmoins, nos archives nous apportent quelques fois la preuve d’un conflit entre un père et sa fille. Ainsi, André Jacques, travailleur de Venelles, épouse en 1771 Marie Roche, fille de Jean. Ce dernier ne constitue aucune dot à sa fille mais il loge et nourrit le nouveau couple et leurs enfants. Treize ans plus tard, et sans raison apparente, Jean Roche chasse sa fille, son beau-fils et ses quatre petits-enfants de chez lui. André Jacques consulte l’avocat Gassier pour connaître les possibilités de recours qu’il peut avoir contre son beau-père. L’avocat est clair, il convient d’agir contre le père Roche pour l’obliger à constituer une dot à sa fille241.
16En cela, Gassier ne semble pas commettre d’erreur car une fille non dotée qui agit contre son père obtient toujours gain de cause. Ainsi, le 26 février 1788, Marie Marguerite Rose Rougier donne quittance de la somme de 150 livres à son père qui a été condamné à la doter par une sentence du Lieutenant civil de Marseille le 18 du même mois242. Le contrat de mariage entre la fille Rougier et Joseph Girard ouvrier maçon243 nous apprend que l’instance s’est poursuivie entre le père et sa fille et que les 150 livres n’étaient qu’une provision. Le 20 décembre 1787, la fille Rougier a été autorisée en justice par le Lieutenant à agir contre son père. Elle demandait que son ascendant lui constitue une dot de 4000 livres avec 800 livres de provision. Elle n’en a obtenu que 150, le 18 février 1788. Le père Rougier déclarait « faire le payement contraint et forcé ». La fille continue les poursuites contre son père « lorsque des amis communs se sont entremis pour faire cesser ce procès en luy observant que sa demande étoit d’autant plus exorbitante que la maison qui paraissoit former le principal avoir de son père ne luy appartenoit pas ». Cette maison appartient en réalité à la succession de Marie Anne Magnan, mère de la demanderesse, dont elle est héritière pour un tiers. Le père est donc dans l’impossibilité de constituer une dot aussi importante que celle réclamée par sa fille. Dans ces conditions, la demoiselle Rougier « s’est volontiers prêtée à écouter les propositions et le foyer de pacification et en conséquence il a été convenu que ledit sieur Rougier son père luy constitueroit et pour elle audit Joseph Girard son mari la somme de 600 livres acompte de laquelle 100 livres des 150 livres de provision par luy payées seroient compensées et les 500 livres restantes seroient payées 3 mois après son décès et qu’il supporteroit jusqu’alors les intérêts de laditte somme à raison du denier vingt revenant à 25 livres en faveur dudit Girard […] et il est convenu que les droits de controlle et insinuation s’il y écheoit seront supportés par ledit Girard et les honoraires de nousdits notaire […] seront supportées par ledit sieur Rougier »244.
17Cependant, nous pouvons légitimement nous demander sur quelles bases peut s’établir le montant de la dot, lorsque le père est contraint d’en constituer une à sa fille ? Classiquement, les juristes répondent que la dot doit être fixée de la même manière que l’on calcule les droits de légitime245. Néanmoins, en matière de constitution de dot, il n’y a pas lieu de soumettre son évaluation à des experts. En effet, le juge en fait la fixation arbitrio boni viri, ou celle-ci est faite par une assemblée de parents. Telle est la jurisprudence des Parlements de Toulouse et de Bordeaux246. Les tribunaux situés dans le ressort du Parlement de Provence fixent, de même, le montant de la dot que le père doit constituer à sa fille sur des bases comparables à celles de la légitime247. Toutefois, si un père a constitué une dot à sa fille qui ne remplit pas sa légitime, cette dernière ne peut pas demander un supplément alors que son père est toujours vivant : « quant à la fixation et à la quotité les Lois s’en rapportent à la piété paternelle ; le père est seulement obligé de constituer une dot à sa fille convenable »248. On veut, précise Decormis249, que le père « l’ayant une fois fait bien ou mal, la fille ne soit pas recevable à demander une dot plus forte »250. Le père est donc tenu de faire une dot « honnête et congrue »251.
18Les populations provençales restent attachées au régime de séparation de biens qu’est le régime dotal et l’obligation de doter n’est qu’une des faveurs accordées à ce régime. Elle traduit un relatif respect des règles romaines. Toutefois, il convient de noter que la jurisprudence du Parlement de Provence rapportée par certains arrêtistes et commentateurs n’a pas toujours fait preuve dans toutes les circonstances de la même rigueur concernant l’obligation paternelle de constitution de dot. Quelques arrêts ont, en cas de conflit entre un père et une fille, adjugé à cette dernière une pension annuelle estimant que la légitime est simplement due après la mort du père et que de son vivant ce dernier ne doit que des aliments. En effet, ce raisonnement est juridiquement cohérent dans la mesure où le père ne doit la légitime qu’après sa mort. Cette possibilité offerte au père de ne pas constituer de dot à sa fille serait tout simplement une prérogative de la puissance paternelle. Il peut se contenter de lui verser une pension. Un arrêt du Parlement de Toulouse du 20 juillet 1693 a adjugé à la fille, que le père refusait de doter, une pension annuelle de 500 livres. Un arrêt du Parlement d’Aix du 22 juin 1769, confirmatif de la sentence du Lieutenant de Marseille, entre Joseph-Ange Giraud et Anne Giraud sa fille, a condamné le père à payer une dot de 6000 livres à sa fille « si mieux il n’aimoit payer une pension alimentaire de 400 livres »252. Cette jurisprudence qui réduit l’obligation de doter à une simple pension est confirmée par Gassier dans une consultation du 27 juillet 1776. Ce dernier ajoute comme condition que la fille se soit mariée contre l’avis de son père253 ou que les affaires du père soient dans un mauvais état. Cette pension doit être proportionnelle aux biens et revenus du père254.
B. L’obligation du père de doter de nouveau sa fille
19L’obligation pour le père de doter sa fille peut, le cas échéant, être complétée par une obligation de la doter de nouveau quand la première dot constituée par le père a été perdue par l’insolvabilité du mari car « le père qui lui a choisi un mari le lui devoit choisir solvable »255. Gassier, Siméon et Pazery dans une consultation commune donnée à la dame Pons Audier contre ses frères, affirmaient avec force que « les règles et les principes de la redotation » ont lieu toutes les fois que le montant donné en dot a péri sans faute ni dol de l’épouse dotée256. Ainsi, « l’action en redotation a son principe dans les sources du droit » et ce principe est « reçu en Provence toutes les fois que la dot a été perdue sans le fait et la faute de la femme. Les principes de cette matière se retrouvent dans tous nos auteurs »257 bien qu’« il n’y a point de loi qui oblige le père à redoter sa fille qui a perdu la dot qui lui avoit été constituée »258. Dupérier précise qu’une telle règle n’est qu’« un mouvement d’équité », « une raison morale et de police » quand la fille est devenue veuve et que la première dot n’a pas été perdue par sa faute259.
20L’hypothèse de la « redotation » de la fille suppose une dot dilapidée par le premier mari, la dissolution du premier mariage et la volonté de la veuve de se remarier. En aucun cas l’obligation de nouvelle dotation ne peut avoir lieu si le premier mariage subsiste toujours et ce même si la dot a été perdue. Bonnemant reconnaît que le principe en vertu duquel le père est tenu de donner à sa fille la même dot que lors de son premier mariage « est exactement observé parmi nous » mais il ajoute « à moins que dans l’intervalle, sa fortune [celle du père] n’eût souffert quelque échec et qu’elle ne fût pas aussi considérable que ce qu’elle étoit lors de la première constitution »260. Cependant, l’obligation de doter de nouveau sa fille ne pèse pas sur le père, si le mari est devenu insolvable après la célébration du mariage et qu’il est décédé depuis261.
21À l’inverse, l’état de la fortune personnelle de l’épouse ne peut pas être un obstacle à l’obligation de « redoter » pesant sur le père de la mariée dans le cas où la dot de cette dernière aurait été dilapidée : « C’est une erreur de prétendre que la redotation n’est due qu’autant que la femme est pauvre. La circonstance est indifférente »262. Ainsi, le père - et à son défaut son ou ses héritiers - est tenu de « redoter » sa fille jusqu’à la concurrence de sa légitime263 car il ne peut pas faire peser sur cette dernière l’erreur qu’il a commise en lui choisissant un mari prodigue264 . Cette obligation, communément admise par les juristes provençaux d’Ancien Régime265, ne pèse sur aucun autre parent de la mariée. Elle ne repose que sur son héritier266. En effet, seul « le père est censé choisir le mari à sa fille et non point la mère ni le frère »267.
22De plus, en Provence, l’obligation de « redoter », contrairement à la jurisprudence du Parlement de Toulouse, est strictement personnelle à la femme mariée et ne peut pas passer à ses héritiers268. Elle ne s’applique qu’en cas de remariage d’une fille dont le défunt mari aurait dissipé la dot. Cette obligation n’est pas héritée du droit romain, mais elle s’est imposée comme étant « fondée sur un motif d’honnêteté publique et pour empêcher que la femme ne se livre à la débauche, faute de dot pour convoler à de secondes noces »269. Sur ce point précis du droit des régimes matrimoniaux, les minutes notariales sont silencieuses et la question reste très théorique à la fin de l’Ancien Régime.
C. Les autres personnes susceptibles d’être tenues de l’obligation de doter
23En cas de défaillance du père - pauvreté, absence ou décès -, la personne susceptible de constituer une dot à la future mariée est la mère. Cependant, celle-ci n’est tenue en pays de droit écrit de doter sa fille qu’à défaut de moyens de la part du père tandis qu’en pays coutumiers, c’est un devoir commun. Cette différence vient du fait qu’en pays de droit écrit les femmes n’ont aucune part aux acquêts ou conquêts sauf à ce qu’il y ait une convention expresse. À défaut de moyens de la part du père, la mère doit y suppléer. Certains auteurs étendent même l’obligation de doter à l’aïeul maternel. Roussilhe pense, cependant, qu’une action de la future mariée n’aurait aucune chance d’aboutir contre l’aïeul maternel270.
24En Provence, la solution semble différente. Les Maximes du Palais affirment « le père est tenu de doter sa fille et non pas la mère »271 et Bonnemant ajoute : « telles sont les dispositions des Loix qui sont citées et qui sont en vigueur parmi nous »272.
25La question de la dotation par la mère ne trouve aucun écho dans les consultations d’avocats. Dans les contrats de mariage, on peut relever que la mère constitue une dot à sa fille dans 12 % des cas, mais dans 3,2 % seulement elle le fait seule alors que son mari est décédé et il est presque toujours précisé qu’une partie des fonds provient de la succession de son défunt mari273. Une seule fois la provenance des fonds dotaux n’est pas indiquée, mais dans ce même contrat de mariage la fille renonce à un legs fait par son père dans un testament274. Quelquefois la mère constitue conjointement avec son fils une dot à sa fille alors que son époux est décédé275 mais le plus souvent elle constitue conjointement avec son mari une dot à sa fille.
26Concernant les autres personnes susceptibles de constituer une dot à la future mariée, une jurisprudence bien connue des historiens du droit, obligerait, dans le ressort du Parlement de Provence, le frère germain à doter sa sœur. Mais cet arrêt du 13 mai 1709, rapporté par le Président à la Chambre des enquêtes du Parlement de Provence Balthazar Debézieux, et repris par la suite par l’ensemble des jurisconsultes des pays de coutumes et des pays de droit écrit, concernait en réalité une espèce où Anne Francoul réclamait la constitution d’une dot pour son entrée en religion. Debézieux cite, en commentant cet arrêt, Despeisses, Tiraqueau et Guy Pape qui sont tous favorables à l’obligation de doter du frère germain mais il précise que ce qui est ordonné en faveur de la dot temporelle est infiniment plus favorable concernant la dot spirituelle276. Les actes de la pratique notariale et les consultations d’avocats ne montrent pas un attachement à une quelconque obligation de doter du frère germain. Il est très rare de voir un frère doter sa sœur277 et a contrario très fréquent de voir une future épouse se constituer seule une dot alors qu’elle a un frère germain.
27Cet arrêt sur l’obligation de doter du frère germain, communément regardé comme un arrêt de principe dans le ressort du Parlement de Provence, nous paraît être un arrêt de circonstance tenant aux faits de l’espèce et au caractère particulier de l’entrée en religion. Nous n’avons pas retrouvé l’équivalent de cette obligation concernant la constitution d’une dot en vue d’un mariage même si la plupart des juristes d’Ancien Régime ont sur ce point de droit raisonné par analogie, occultant le fait que l’espèce concernait en réalité la dotation d’une fille entrant au couvent278. Nous pouvons mesurer le poids que pouvait avoir une décision rapportée par un arrêtiste sur la règle de droit.
28Dans les actes de la pratique, nous pouvons trouver concernant les autres collatéraux, un oncle paternel qui dote sa nièce, mais cette situation est fort rare279.
29Enfin, en principe selon la Lex Julia lorsque le père de la future mariée est pauvre et l’aïeul paternel riche, celui-ci peut-être contraint de doter sa petite-fille280. En pratique, cette règle de droit a une portée quasiment nulle car l’espérance de vie a pour conséquence que cette situation ne se rencontre que de manière très exceptionnelle. Les registres de minutes des notaires provençaux n’en portent la trace que rarement à la fin du xviiie siècle281. Les recueils de jurisprudence et les consultations d’avocats ne font jamais référence à une telle obligation.
30D’une manière générale, nous pouvons remarquer que le père est le principal constituant de la dot de sa fille lorsqu’il est encore vivant282. Après sa mort c’est la fille seule qui se constitue le plus souvent une dot283. La future épouse est d’ailleurs, après son père, la principale personne qui se constitue une dot dans son contrat de mariage, à savoir dans près de 32 % des contrats de mariage. Ce constat permet de mettre en exergue le fait que les femmes sui juris possèdent quelques biens qui leur parviennent à titre successif ou qu’elles ont acquis grâce à une activité professionnelle284.
31Malgré ce, on peut noter la place relativement importante de la mère dans la constitution de la dot de sa fille, ce qui tend également à montrer que cette dernière a des biens. Très souvent, en effet, quand le père constitue une dot à sa fille une partie de son montant provient de la mère285 et quelquefois la mère constitue conjointement la dot avec son mari286.
§ 2. Les effets de l’obligation de doter
32L’obligation pour le père de doter sa fille a deux conséquences juridiques, outre le fait que les tribunaux royaux peuvent contraindre le père à apporter de quoi contribuer aux charges du mariage de sa fille.
33D’abord, un père qui constitue une dot à sa fille sans préciser combien il donne de son chef et combien il donne du chef de son épouse, est censé avoir constitué toute la dot de ses biens287. Cette disposition suivie par les Parlements de Grenoble et de Toulouse288 est également de principe en Provence.
34Un arrêt de règlement fait à Aix en Parlement le 15 juin 1646 et prononcé en audience en arrêt général, les chambres assemblées en Robes rouges le 29 octobre 1646, a décidé que « semblables constitutions faites pour tous droits paternels et maternels présens et à venir, doivent être rejetées sur les biens des pères constituans, en cas qu’ils soient suffisants et capables pour lesdites constitutions ». Cet arrêt a été envoyé à tous les sièges et sénéchaussées de Provence « pour y être lu, publié, gardé et observé selon la forme et teneur »289. Les notaires ont donc une obligation d’information à l’égard des parties contractantes au moment de la passation des contrats de mariage et des constitutions de dot de la teneur de cet arrêt sous peine d’une condamnation à 100 livres de dépens, dommagesintérêts290. Portalis, au moment de l’adoption du Code Napoléon, précisait en donnant la raison de cette règle, qu’il faut « quelque chose de plus que la présence de la mère pour faire présumer son consentement ; car en raison de la subordination de la femme au mari, cette présence pourrait être forcée »291.
35Ainsi, un père qui a constitué une dot à sa fille sans distinction des droits paternels et maternels ne peut pas par un acte postérieur faire une distinction précise entre ce qui a été constitué de ses biens et ce qui a été constitué des biens de son épouse. Par un arrêt du Parlement de Provence rendu en 1745, la constitution de dot faite par Jean-Baptiste Soucheiron en faveur de Catherine sa fille « avec une énonciation vague » a été imputée en entier sur les droits paternels quoique le père se trouvait, à l’époque de la constitution, débiteur envers sa fille de 3000 livres pour droits maternels (la mère étant prédécédée) et de 6000 livres procédant d’un legs qui avait été fait à la jeune mariée par son oncle292. Telle est la décision qui a de nouveau été prise dans un arrêt du Parlement de Provence du 30 mars 1746 car la mère de la mariée dans l’hypothèse inverse aurait perdu la possibilité de rejeter toute la constitution de dot sur les biens de son mari293, « attendu que la femme n’est pas obligée de doter comme le père »294. Dans le même sens, un père ne peut pas pendant la vie de son épouse et sans son consentement constituer une dot à sa fille pour laquelle il prétend donner de l’un et de l’autre chef. Ainsi, le père ne peut pas donner à sa fille une dot dont une partie est constituée des biens de sa femme contre la volonté295 de cette dernière.
36Conformément à l’avis de Dupérier296, Decormis observe que cette décision doit être restreinte à son cas précis et doit être interprétée dans un sens strict297. En effet, lorsqu’un père constitue à sa fille une dot plus importante que celle que ses moyens lui permettent et qu’il paraît clairement qu’il n’a pas entendu la constituer seul, cette décision ne peut pas être appliquée strictement. Le juge doit donc raisonner in concreto. L’arrêt de principe de 1646 précise d’ailleurs que les dots ne seront prises sur les biens du père que s’ils sont suffisants298. Les avocats Gassier et Pazery dans une consultation de 1785 rappelaient que cette jurisprudence était toujours suivie par ces Messieurs d’Aix299.
37Lorsque le père et la mère apparaissent dans l’acte notarié comme ayant ensemble constitué une dot à leur fille, cette décision ne s’applique pas car l’hypothèse visée par la jurisprudence est celle d’une constitution faite par le père seul300. Néanmoins, quand la mère promet avec son mari une dot à sa fille sans exprimer dans un acte notarié ce qu’elle entend donner, elle n’est tenue qu’au payement de la légitime à laquelle sa fille peut prétendre sur ses biens301. A contrario, et conformément à un arrêt du Parlement de Provence du 11 février 1666 rapporté par Boniface, si le père est décédé ne laissant que peu de biens pour payer le montant de la dot promise conjointement avec son épouse l’obligation doit s’exécuter sur les biens de la mère de la mariée302.
38Sur ce point précis du droit des régimes matrimoniaux, les actes de la pratique provençale dans la deuxième moitié du xviiie siècle montrent bien que les notaires connaissent la jurisprudence et que le plus souvent ils l’appliquent scrupuleusement. La jurisprudence provençale, en vertu de laquelle en contrat de mariage il faut distinguer lorsque le père seul constitue une dot ce qui provient de ses deniers propres et ce qui provient des deniers de son épouse, est connue. Les notaires jouent pleinement leur rôle en ne faisant courir aucun risque à leurs clients et en évitant de mettre le père de la mariée dans une position délicate. Les formules utilisées dans les contrats de mariage sont claires et le notaire prend soin de préciser ce qui provient des deniers de l’un et l’autre des parents de la mariée : « Ledit sieur Pierre Pignon a fait et constitué en dot à laditte demoiselle Pignon sa fille et pour elle en faveur dudit sieur François Barret son futur époux la somme de 3000 livres procédant sçavoir 2200 du chef dudit Pierre Pignon père et 800 du chef de la demoiselle Catherine Roux mère »303. De même, les praticiens provençaux prennent la peine de préciser lorsque les époux ont conjointement constitué une dot à leur fille304 : « comme la dot est le patrimoine des femmes et pour que les charges du mariage puissent être plus facilement supportées lesdits sieurs et dame Daubergue ont constitué et assigné en dot à leur fille et pour elle audit sieur Jean-Baptiste Seguin son futur époux présent stipulant et acceptant la somme de 14000 livres lesquelles il en procède 8000 livres du chef et biens propres dudit sieur Daubergue père et 6000 livres du chef de laditte dame Vallon [mère] »305. Pour éviter toute contestation ultérieure, le notaire précise, dans les deux cas, la part de chaque époux dans l’apport dotal. Ils limitent ainsi les conséquences de l’obligation de doter pesant sur le père. Une telle précision a pour résultat que la part de chacun est clairement déterminée dès l’instant du contrat des jeunes mariés. Le père ne court pas le risque de se voir imputer, sur ses seuls deniers, la totalité de la dot promise306.
39Cependant, l’obligation pesant sur le père est tellement étendue, que si la dot est constituée distinctement, tant pour droits paternels que maternels, les paiements qui sont faits indistinctement s’imputent sur les droits maternels que le père a désignés307.
40L’obligation de doter a pour autre effet que la dot qui est promise à l’épouse doit être payée. Ainsi, la libéralité qui consiste à apporter à une fille sur le point de se marier des biens meubles, immeubles ou une somme d’argent est libre dans sa constitution - mise à part l’obligation de doter incombant au père de famille - mais elle cesse de l’être dans son exécution. Une fois qu’un membre de la famille ou un étranger a constitué une dot, dans un contrat de mariage, il ne peut plus refuser de la payer308.
41D’ailleurs, « la dot est tellement favorable »309 qu’il n’est pas nécessaire de l’avoir promise pour être tenu de la payer. Si quelqu’un a pendant dix ans payé les intérêts d’une dot sans que l’on retrouve l’acte écrit de constitution, ce paiement suffit à prouver la constitution et le présumé constituant est tenu de régler la somme principale. De même, celui qui a promis une dot par erreur croyant être débiteur de la femme doit payer la dot qu’il a promise nonobstant le recours qu’il pourra exercer à la dissolution du mariage par la mort du mari310.
42L’état de la jurisprudence à la fin de l’Ancien Régime et la rigueur des formules utilisées par les notaires marquent véritablement un attachement au régime dotal. D’une part, à travers l’obligation de doter pesant sur les pères et rappelée comme un leitmotiv par les juristes des pays de droit écrit, on voit les faveurs accordées au régime séparatiste qu’est le régime dotal. D’autre part, les formules scrupuleuses utilisées par les notaires montrent bien qu’entre les parents de la mariée aucune autre forme de communauté que la communauté de vie ne s’est établie. Leurs biens restent séparés et le notaire prend la peine de stigmatiser à travers l’ensemble des actes qui jalonnent la vie des époux cette situation juridique. En effet, lorsque le père et la mère pourvoient chacun pour partie à l’établissement de leur fille, le praticien désigne méthodiquement ce qui provient du patrimoine de l’épouse et ce qui provient du patrimoine de son mari. Aucune confusion n’est dès lors possible entre les biens de l’un et de l’autre. L’obligation de doter permet de noter que, malgré la liberté de principe des conventions matrimoniales, seul le régime dotal de type romain tient lieu de référence en Provence. Elle permet également de mettre en évidence à travers les formules précises utilisées par les notaires le penchant pour la séparation stricte de biens entre époux. Le régime dotal même s’il n’a aucun caractère obligatoire en Provence est le régime de référence. Toutes les règles relatives au droit des rapports pécuniaires entre époux s’articulent autour de ce modèle et l’obligation du père de constituer une dot à sa fille paraît en être le fondement, même si le régime dotal est avant tout le régime usuellement choisi par les époux au xviiie siècle du fait de traditions familiales multi-séculaires.
43Limite juridique à la puissance paternelle, occasion de conflits à l’intérieur des familles, l’obligation de doter ne résistera pas à la « magistrature » du père sur ses enfants soumis et respectueux mis en place par le Code civil (article 317). Si les époux ont le devoir de « nourrir, entretenir et élever les enfants » (article 203), cette obligation alimentaire éternelle et réciproque (article 205) « est plutôt une sorte de succession anticipée qu’un témoignage d’affection ». L’enfant ne peut réclamer une dot à ses parents lors de son mariage car il doit être dépourvu de « moyens d’attaque » contre son père. Ce dernier doit pouvoir récompenser et punir311.
44Les faveurs accordées au régime dotal sont plurielles et, outre l’obligation de doter, elles trouvent également un point d’ancrage dans la possibilité offerte aux époux de faire muter leur régime dotal.
SECTION 2. LA MUTABILITÉ DU RÉGIME DOTAL
45Pour Claude-Joseph de Ferrière le contrat de mariage est « inviolable après que le mariage a été célébré sous la foi et sous l’assurance d’icelui ; et il n’est pas au pouvoir des conjoints, même de leur mutuel consentement, d’en changer la moindre clause »312. De même Roussilhe reconnaissait que les contrats de mariage devaient se faire et être signés avant la bénédiction nuptiale parce que celle-ci « met un sceau à toutes les conventions, comme le fait le moment de la mort à l’égard des successions »313.
46Cependant, le principe de l’immutabilité des conventions matrimoniales formulé par le Parlement de Paris le 19 mai 1589 dans un arrêt rendu en robes rouges, dit arrêt Le Coignieux, n’a jamais été d’une application générale dans tout le Royaume. Certes, conséquence directe de la prohibition des donations entre époux au xvie siècle, il est devenu au xviiie siècle d’ordre public en pays de coutumes, comme d’ailleurs tout ce qui touche au mariage. En Provence, l’attachement à la tradition romaine, le réduira à la portion congrue, même si les Maximes du Palais affirment que : « Le contrat de mariage est l’acte dans lequel on établit le nœud indissoluble d’une alliance et les lois d’une famille qui doivent demeurer à postérité, fixes, stables, perpétuelles, immuables »314. Le principe de l’immutabilité implique que les conventions matrimoniales soient signées avant le mariage et qu’elles ne soient plus modifiées par la suite315. Jean-Baptiste Reboul enseigne d’ailleurs à l’Université d’Aix que c’est « une coutume générale qu’on doit arrester les articles et les conventions matrimoniales avant que de procéder à la célébration du mariage » mais il ajoute presqu’aussitôt que « ces articles sont ensuite rédigés en contrat public. Ce qui se fait quelques fois avant la célébration, quelques fois après »316. Cette souplesse laisse aux familles et aux époux de multiples possibilités d’adaptation de leur régime matrimanial, même postérieurement à la célébration du sacrement. Ainsi, « l’immutabilité des conventions matrimoniales gardera toujours dans le Midi un sens très précis et très restreint »317, la dot pouvant toujours être, à l’instar des règles romaines, constituée ou augmentée durant le mariage (§ 1). Cette possibilité offerte aux époux est un signe évident de la favor dotis. À l’inverse, toute contre-lettre au contrat de mariage tendant à diminuer la dot sera déclarée nulle (§ 2).
§ 1. La validité de la constitution et de l’augmentation de la dot après la célébration du mariage
47Conformément à la jurisprudence développée par le Parlement de Toulouse dans deux arrêts du 15 mars 1577 et du 22 avril 1664 et à l’opinion exprimée par le juriste languedocien Serres318, la dot constituée ou augmentée durante matrimonio est valable en Provence. Même si certains auteurs provençaux ont été influencés par leurs confrères parisiens concernant l’application du principe de l’immutabilité des conventions matrimoniales, c’est plus par la crainte des contre-lettres que par une véritable pénétration de ce principe coutumier en pays de droit écrit. Les développements confus de l’avocat provençal Bonnemant dans ses Maximes du droit sont là pour en témoigner. L’auteur y mêle immutabilité des conventions matrimoniales, constitution et augmentation de dot319 au cours du mariage et contre-lettres en fait de mariage320. En réalité, le Parlement de Provence n’a jamais formulé la règle de l’immutabilité des conventions matrimoniales et, bien au contraire, est resté attaché au principe romain selon lequel « les dots peuvent être augmentées et constituées pendant le mariage »321.
48S’il est « hors de doute que la dot peut être constituée pendant le mariage »322 comme le rappellent tous les juristes provençaux, seuls les illettrés ne semblent pas pouvoir jouir de la possibilité de faire un contrat authentique, basé sur des négociations privées, postérieurement à la célébration du mariage « parce qu’ils ne peuvent pas dire qu’ils ont signé des accords privés avant les épousailles […] mais quand les parties ont pu se lier par écrit, il est indifférent qu’on fasse rédiger plutôt ou plutard les conventions privées en contrat public ; leur date et leur hypothèque ne remontent pas moins au jour des épousailles »323.
49On relève, dans la plupart des contrats de mariage, que le formulaire utilisé par le notaire met l’accent sur la promesse de mariage ce qui prouve que le mariage n’est pas encore célébré et que le régime matrimonial est, d’une manière générale, établi avant la célébration religieuse324. Cette situation concerne plus de 90 % des contrats de mariage. De plus, le praticien précise parfois que le passage à la forme authentique de l’acte n’est que le résultat d’une négociation entre les époux et leurs familles qui par leur contrat de mariage notarié ne font que rendre publiques des obligations prises verbalement325. Ce phénomène existait d’ailleurs à Aix au moins dès le xvie siècle326. Il n’est pas rare cependant de trouver dans les registres de minutes notariales en Provence des contrats de mariage qui ont été conclus après la célébration du mariage et qui interviennent, soit pour donner un caractère d’authenticité à un écrit sous-seing privé, soit pour constater de simples stipulations verbales intervenues avant la bénédiction nuptiale327. Parfois il ne s’agit que de quelques heures, quelques jours ou quelques mois328. D’autres fois, le contrat de mariage est passé plusieurs années après sa célébration : « L’an mil sept cens soixante dix et le cinquième jour du mois de janvier après midy comme soit que mariage ait été célébré puis environ dix neuf années en face de notre Sainte église catholique apostolique et romaine entre Jean Sauveur Cheilan travailleur de ce lieu d’Eguilles […] et Marguerite Pelison […] et du depuis lesdites parties n’ayant contracté aucun contract civil de mariage et décident quant à présent rédiger leur accord verbal en acte public »329. D’ailleurs, les notaires provençaux n’hésitent pas à faire figurer dans leurs formulaires des exemples de contrats de mariage passés postérieurement à la célébration religieuse330.
50Le notaire essaie toujours de faire preuve d’une certaine rigueur même lorsque les parties ont du mal à rapporter la preuve de la date exacte de leur mariage car la situation patrimoniale des époux peut être différente avant et après la conclusion du contrat de mariage331. Par l’exactitude de son acte, il doit rendre publique la situation des époux mais également préserver les droits des éventuels créanciers du couple332. C’est ainsi que l’on retrouve dans les fragments d’un formulaire à l’usage d’un notaire d’Aubagne, maître Bastier, un contrat-type intitulé « Forme que faut user pour dresser d’un contrat de mariage qui fût fait après les épousailles »333.
51Si la dot peut être constituée, comme l’attestent tous les juristes provençaux334, alors que le mariage est déjà célébré, elle peut être également augmentée durant le mariage par l’épouse elle-même, sa famille ou un étranger335. Les questions de constitution et d’augmentation de la dot sont intimement liées et les juristes provençaux les traitent sans jamais les dissocier. La validité de la constitution et de l’augmentation de dot au cours du mariage doivent être signalées comme étant des faveurs accordées au régime dotal qui nous permettent de déterminer le régime initial applicable aux conjoints. Mais c’est surtout sous l’angle de la modification du régime au cours du mariage qu’elles doivent être analysées. Conclure un contrat post nuptias a pour effet de modifier le régime préalablement applicable, c’est-à-dire celui en vigueur en l’absence de contrat de mariage et auquel les époux étaient initialement soumis.
52Toutefois, à la lumière de nos archives, il paraît clair que même lorsque le contrat est conclu longtemps après la célébration du mariage il n’est en fait que la forme écrite, et souvent modifiée, d’un régime dotal qui s’appliquait effectivement depuis la célébration du mariage. La question de la constitution de dot dans un contrat de mariage après la célébration de celui-ci s’efface devant celle de l’augmentation de la dot au cours du mariage. D’une part, les contrats de mariage passés longtemps après la célébration sont rares et ceux passés peu de temps après ne donnent aucun indice d’un changement pur et simple de régime. D’autre part, lorsque les dots sont constituées durant le mariage on s’aperçoit en réalité qu’un régime dotal était en place mais que les évènements familiaux font que la dot s’est accrue au cours du mariage et le contrat sert de reconnaissance écrite de dot et donne à l’épouse l’occasion de se constituer en dot l’universalité de ses biens336. Il ne s’agit donc pas d’un changement de régime matrimonial pur et simple mais, le plus souvent, d’une modification du régime initialement établi entre les époux. La problématique de la constitution de dot pendant le mariage rejoint donc la question de la modification du régime matrimonial conclu ante nuptias que nous étudierons dans notre seconde partie337.
53La règle selon laquelle la dot peut être constituée ou augmentée durant le mariage disparaîtra au moment de l’adoption du Code civil comme étant contraire au principe de l’immutabilité des conventions matrimoniales résultant de l’article 1395 du Code. Les rédacteurs prendront la peine d’ajouter un article 1543 précisant : « La dot ne peut être constituée ni augmentée durant le mariage », contre l’avis du Consul Cambacérès, qui était favorable à ce que l’on autorise les augmentations de dot faites en biens immeubles, ce qui aurait permis à un père dont le patrimoine s’est accru, au cours de sa vie, de maintenir une égalité entre les filles dotées avant l’augmentation de sa fortune et celles dotées après338.
54Le Parlement de Provence, qui a appliqué avec rigueur le principe romain selon lequel la dot peut être constituée et augmentée durant le mariage, a développé une jurisprudence précisant que la dot ne pouvait pas être diminuée durante matrimonio car une pareille diminution aurait pour effet d’augmenter la contribution du mari aux charges du mariage339. Mais la question se posait en réalité sous une autre forme : on se demandait si les contre-lettres qui prévoyaient des clauses différentes de celles stipulées dans le contrat de mariage notarié étaient valables.
§ 2. Le sort des contre-lettres modifiant le régime dotal : l’interdiction de la diminution de la dot constituée dans un contrat de mariage340
55La définition de la notion de contre-lettre se retrouve chez l’ensemble des jurisconsultes du xviiie siècle : « On entend par contre-lettres un acte secret par lequel on déroge à un acte public, soit pour expliquer, restreindre ou changer certaines conventions : elles offrent une ressource à la mauvaise foi, parce que par leur moyen on cache ce qui est et l’on fait paroitre ce qui n’est pas »341. On retrouve la même définition dans la Science parfaite des notaires de Claude de Ferrière342 mais l’auteur ajoute : « Toutes les contre-lettres, sont de foi odieuse et devoient être nulles, n’ayant qu’un dessein de fraude et de dissimulation ; néanmoins, la foi respective qui doit être gardée entre ceux qui les ont passées, a fait que l’on a pû s’empêcher de les faire valider entre eux. Il faut excepter les contre-lettres contre les contrats de mariage étant des actes importans et publics qui donnent la loi aux familles, ils ont mérité toute autre considération. C’est pourquoi toutes contre-lettres contre contrats de mariage, faites hors la présence des parents qui ont assisté au contrat de mariage, soit devant ou après sont absolument nulles »343.
56La contre-lettre est, par définition, un acte secret que l’on ne peut retrouver dans les actes de la pratique des notaires provençaux, soit parce que ce type d’accords ne prend pas la forme authentique, soit parce que, quand il prend la forme authentique, le notaire se garde bien de signaler qu’il s’agit en réalité d’une contre-lettre. Tous les dictionnaires de droit d’Ancien Régime ont une entrée au terme « contre-lettres » ; certains, plus précis, parlent de « contre-lettres en fait de contrat de mariage »344 et « l’abondance de la jurisprudence tant en pays coutumiers qu’en pays de droit écrit autorise à penser que du milieu du xvie au xviiie siècle elles furent de nature à susciter des problèmes pratiques »345. Ainsi, des cours de droit manuscrits du xviiie siècle précisent, après avoir rappelé que les contrats de mariage sont susceptibles de toutes sortes de clauses et de conventions, que « le second privilège des mariages est qu’on ne peut point déroger aux pactes matrimoniaux par aucune contre lettre ny aucune contraire déclaration »346.
57L’autorisation ou la condamnation des contre-lettres est en relation directe avec l’immutabilité ou la mutabilité des conventions matrimoniales, surtout si ces contre-lettres sont passées après la célébration du mariage347. Dans le dictionnaire de Brillon on peut lire : « il n’y a que les contre-lettres qui vont contre la substance du contrat de mariage, et qui en détruisent les clauses qui soient défendues : on permet celles qui ajoutent au contrat, l’exécutent ou l’expliquent »348.
58La jurisprudence du Parlement de Provence est conforme à cette idée. Dans un arrêt du 4 novembre 1621, la Cour souveraine a établi une jurisprudence favorable à l’annulation d’une contre-lettre détruisant l’économie générale du contrat de mariage même si, en l’espèce, le mari était seul lésé par l’acte secret. Jacques Bouchony se marie en 1602 avec Catherine Ribe et son père lui donne dans son contrat de mariage son office de notaire et la moitié de tous ses biens meubles et immeubles dont il se réserve les fruits sa vie durant. Le père se réserve également la somme de 300 livres. Mais par une contre-lettre, le fils consent à ce que son père puisse disposer de l’office de notaire. Par un testament de 1613, le père lègue l’office à un autre de ses fils. Jacques Boucheny demande, après la mort de son père en 1620, l’annulation de la contre-lettre consentie à son ascendant. Le Parlement par l’arrêt précité a déclaré cette contre-lettre nulle, contre l’avis de Dupérier qui considérait qu’en l’espèce « il y a de la part de ce fils, une ingratitude et une perfidie inexcusable »349 : ce dernier n’ayant pas, pour l’avocat, respecté la parole donnée à son père. À l’évidence, le père et le fils s’étaient entendus pour simuler la donation de l’office notarial et permettre ainsi à Jacques Bouchony de faire un « bon mariage ». Le père et le fils étaient complices. Ce qui a pu déterminer le Parlement à prendre une telle décision, et à annuler la contre-lettre, c’est sans doute le fait que le beau-père n’a consenti au mariage de sa fille et ne lui a constitué une dot que parce qu’il savait que son gendre était le bénéficiaire de la donation faite dans le contrat de mariage.
59Dans le sillage de cet arrêt, le Parlement de Provence va prendre une décision comparable concernant une contre-lettre modifiant les modalités de paiement d’une dot dans l’espèce suivante. Lunel a constitué en dot à sa fille et pour elle à son mari 300 livres payables trois ans après la conclusion du contrat. Le mari fait une déclaration privée à son beau-père sans date dans laquelle il est stipulé que les 300 livres seront payées par un legs et non pas dans trois années. Cette contre-lettre signifie que le paiement est conditionné au décès du père constituant. Après la mort des époux, leur fille unique et seule héritière demande à l’avocat Bellanger, héritier de Lunel, les 300 livres avec intérêts car, semble-t-il, le père n’avait pas respecté son engagement et n’avait pas légué les 300 livres promises. Elle invoque le fait que la déclaration secrète faite par son père et non datée est une contre-lettre « contraire aux conventions matrimoniales et à l’honnêsteté et utilité publique »350. Le Lieutenant d’Aix a condamné Bellanger au paiement des 300 livres. Bellanger appelle de la décision. Par arrêt du 29 mai 1643, le Parlement a confirmé le jugement de première instance au motif que cette déclaration est une contre-lettre faite par un mari qui n’a pas le droit d’en faire351.
60Cette jurisprudence sur les contre-lettres a été, semble t-il, renversée par un arrêt du Parlement du 25 mai 1664 sur une plaidoirie de Dupérier contre son confrère Boniface. En l’espèce, Balthasard Gache s’est marié avec la demoiselle Autel sous une constitution de dot faite par son père et composée notamment de 1500 livres de coffres et hardes qu’il devait expédier à sa fille. Deux mois plus tard, le père du mari a donné une quittance de 700 livres à Autel père de la mariée pour reste des 1500 livres constituées en contrat de mariage. La quittance précisait que les 800 livres supplémentaires, faisant l’entier paiement de la somme de 1500 livres mentionnée dans le contrat de mariage, « avoit esté adjoustez pour l’honneur du mariage et qu’ainsi ils en avoient demeuré d’accord »352. Gache, le mari, absent depuis de longues années revient après le décès de son père, qui avait donné la quittance litigieuse de 700 livres à son beau-frère. Il demande le paiement des 800 livres restantes, promises en contrat de mariage, nonobstant la quittance faite par son père. Il considère que cet acte est une contre-lettre prohibée car faite hors sa présence. Le Parlement de Provence n’a pas retenu cette argumentation. Il a confirmé la sentence du Lieutenant de Marseille estimant que les contre-lettres faites par les pères ou les parties en présence des parents sont valables « la présomption étant que les pères et légitimes administrateurs des mariez, auquel la nature aussi bien que la Loy civile ont confié le soin et la conduite de leurs enfans l’on ainsi convenu »353. La puissance paternelle, en l’espèce, semble primer les faveurs accordées à la dot et le père du marié peut par une contre-lettre accepter la diminution de la dot de sa belle-fille.
61Le 14 février 1670, une question comparable s’est présentée en la Chambre des enquêtes du Parlement de Provence. Louise Essautière a marié sa fille Phélise Arnaud avec Jacques Clément procureur au siège d’Arles. La dame Eissautière a constitué à sa fille une dot de 4950 livres. Sur cette somme, 2950 livres ont été payées au moment du contrat et 2000 livres devaient être payées à la mort de la mère. Le mariage a été conclu en présence des parents communs. Le même jour, et en présence seulement d’une partie des parents présents devant le notaire, un acte secret précisait que les 2000 livres restantes n’avaient été constituées que « pour certaines considérations »354 et qu’en réalité les époux s’engageaient à ne jamais réclamer une telle somme aux héritiers de la dame Eissautière. Au décès de cette dernière, les époux contestent la validité de cette contre-lettre. Le Lieutenant d’Arles les déboute. Ils en appellent devant le Parlement au motif que les contre-lettres qui vont contre la substance du contrat de mariage et qui tendent à diminuer la dot constituée à l’épouse sont nulles : « Comme de tous les contrats, il n’y en a aucun qui doive être plus étroitement exécuté, il est certain que des pareilles contre-lettres contraires aux conventions des mariages et à l’honnêteté publique sont nulles et invalables et comme telles ont été toujours condamnées »355. Par l’arrêt du 14 février 1670, le Parlement a confirmé la décision du Lieutenant d’Arles et a refusé d’annuler la contre-lettre356. L’arrêtiste Boniface précise d’ailleurs : « La Cour confirma la sentence contre le sentiment de plusieurs Messieurs, ayant failli d’y avoir partage »357. La fin du xviie siècle nous laisse une jurisprudence incertaine, en matière de « contre-lettres en fait de contrat de mariage », qui divise apparemment les magistrats du Parlement. Ces arrêts semblent être le résultat d’éléments factuels dont la marge d’interprétation reste entière.
62C’est finalement par un arrêt du 26 mai 1698 et un arrêt du 6 mars 1714 que le Parlement de Provence a fixé définitivement sa jurisprudence en matière de « contre-lettres en fait de mariage » après avoir rendu des arrêts contradictoires. Par le premier des deux arrêts, le Parlement a décidé que la contre-lettre du mari en faveur du beau-père ne peut nuire, ni préjudicier à l’épouse en faveur de laquelle une dot a été constituée. Ainsi une contre-lettre stipulant qu’une dot n’est que de 2100 livres, alors que dans un contrat notarié la valeur de la dot constituée à l’épouse par son père a été portée à 3000 livres, doit être considérée comme nulle et de nul effet. Debézieux précise le sentiment de ces Messieurs d’Aix au moment de prendre leur décision : « la conséquence du contraire seroit dangereuse, puisqu’il dépendroit du mari, d’intelligence avec son beau-père, de diminuer la dot et de la réduire à ce qu’il leur plairoit, en changeant les pactes du mariage ; ce qui seroit contre l’utilité publique comme dit Dumoulin ». L’arrêt du Parlement de Provence était conforme en l’espèce à la sentence du juge de Cotignac358.
63Concernant l’arrêt de 1714, la question consistait à savoir si par un acte séparé une aïeule pouvait modifier en l’augmentant une dot qu’elle avait constituée dans le contrat de mariage de sa petite-fille359. Les héritiers du constituant doivent-ils payer le supplément de dot mentionné dans la « contre-lettre » ? Une sentence arbitrale du 4 octobre 1712 avait suivi le raisonnement suivant lequel « s’agissant d’une contre-lettre faite pour augmenter la dot […] elle étoit autorisée par les arrêts, qui n’ont condamné que celles qui vont à détruire la dot déjà constituée »360. Les héritiers interjettent appel devant le Parlement. Par l’arrêt du 6 mars 1714, le Parlement de Provence a confirmé la sentence arbitrale rendue le 4 octobre 1712. Il établit que les contre-lettres qui ne se font pas contre la substance et la teneur du contrat de mariage mais qui au contraire augmentent la dot sont valables. L’argument développé par les appelants est que les contre-lettres sont nulles lorsqu’elles sont faites séparément et hors la présence des parents qui ont assisté au contrat de mariage même lorsqu’elles augmentent la dot car « c’est cet augment qui fait préjudice à la famille et aux parens qui n’ont pas été présents à ces contre-lettres » et « il n’y eut peut-être jamais de cause où le public fut plus intéressé qu’à celle-ci, par l’événement qu’elle peut avoir »361. Claude Aboucaya estime que l’arrêtiste Debézieux était favorable à cette argumentation juridique362. En réalité, c’est l’argumentation de l’intimé qui avait sa préférence : les contre-lettres ne sont prohibées que lorsqu’elles diminuent la dot ou les donations contenues dans un contrat de mariage. Les actes séparés des contrats de mariage qui sont à l’avantage des mariés et qui tendent à augmenter la dot « sont légitimes mais [ils] sont encore favorables »363. La Chambre des enquêtes le 6 mars 1714 a fait droit à cette argumentation et Debézieux de conclure : « J’étois des juges et de cet avis qui fut unanimement suivi. Car il n’y a que les contre-lettres qui vont contre la substance et la teneur du contract et qui en détruisent les clauses ou y dérogent qui soient défendues »364. Le même avis sera d’ailleurs exprimé quelques années plus tard par Gassier dans une consultation du 25 juillet 1784 : « les contre-lettres ne sont nulles qu’autant qu’elles frapent contre la dot et qu’elles tendent à lui porter préjudice »365.
64Cette argumentation concernant le sort des contre-lettres rejoint donc le droit commun des régimes matrimoniaux en Provence au xviiie siècle. En effet, la dot peut être augmentée au cours du mariage donc tout acte séparé qui tend à augmenter la contribution de l’épouse aux charges du mariage est valable dans la mesure où il contient une réelle numération et qu’il n’est pas fait en fraude des créanciers366. À l’inverse, tout acte tendant à diminuer la dot est nul et par extension, tout acte séparé qui tendrait à réduire une libéralité faite aux époux en contrat de mariage serait déclaré nul367 alors qu’une libéralité qui tendrait à augmenter celle faite dans le contrat de mariage serait valable368. La sévérité à l’égard des contre-lettres s’explique d’une part car « la passion des jeunes gens étoit capable de les engager à promettre tout et à renoncer aux avantages qui leur auroient été faits par leurs contrats de mariage »369, et d’autre part car les contrats de mariage « sont des Loix que deux familles se font mutuellement en s’alliant »370. Le contrat de mariage n’engage pas seulement les époux. Il engage leurs familles respectives et les tiers présents au contrat. De plus, il permet aux tiers extérieurs à ces accords matrimoniaux d’apprécier le crédit qu’ils peuvent accorder au couple.
65En réalité, dans le ressort du Parlement de Provence n’est considéré comme une contre-lettre que l’acte par lequel la dot est diminuée371, c’est-à-dire celle qui porte atteinte aux droits des époux. Si la dot est augmentée, les tiers ne peuvent la contester qu’en demandant à l’épouse de prouver la réalité de l’augmentation et jamais en tentant de faire qualifier l’acte contenant l’augmentation de contre-lettre prohibée. En ce sens, serait considérée comme nulle une convention par laquelle le père ne serait pas tenu de doter sa fille. Gassier est consulté par une personne anonyme qui cherche un moyen de ne rien apporter en dot à son beau-fils sans risquer une action du couple pour l’obliger à doter. Le jurisconsulte précise que ne serait pas considéré comme une contre-lettre un acte par lequel, avant le mariage, un futur beau-fils transigerait avec son futur beau-père sur une somme dont il se reconnaîtrait débiteur à titre de dommages-intérêts. Suite à cet acte, le père constituerait à sa fille une dot de la même somme que celle portée dans le premier acte et ainsi « le mari se rendroit débiteur personnel et réel de cette somme »372. Gassier déconseille au père de se faire consentir par son beau-fils une reconnaissance de dot qu’il n’aurait pas réellement constituée à son épouse, car son annulation serait facilement obtenue devant les tribunaux sur le fondement que la dot n’a pas été effectivement payée373.
66Si la notion d’immutabilité des conventions matrimoniales, fondement du droit des régimes matrimoniaux en pays de droit coutumier, a progressé en pays de droit écrit374, force est de constater que l’attachement des juristes provençaux au régime dotal n’a pas permis une greffe du principe à notre matière et ce n’est qu’une méfiance à l’égard des contre-lettres qui a amené la mise en place de certaines règles concernant la modification des conventions matrimoniales. Les époux peuvent toujours établir leur régime dotal après la célébration ou lui apporter des changements substantiels.
67La question des contre-lettres échappe totalement aux actes de la pratique et il est difficile de connaître la portée réelle des règles jurisprudentielles.
68Ce délicat point du droit des régimes matrimoniaux ne peut être envisagé que du point de vue pathologique. Les problématiques touchant à la fois à la constitution et à l’augmentation de la dot au cours du mariage et aux contre-lettres en fait de mariage sont récurrentes dans les écrits des juristes provençaux ce qui tend à prouver qu’elles ont une existence réelle, même si elles échappent le plus souvent à l’autorité du notaire et au contrôle du juge. Plusieurs raisons évidentes, et qui sont en lien direct avec la vie économique du ménage et le secret des familles, déterminent la volonté de faire des contre-lettres.
69La raison qui pousse la famille de la mariée à diminuer la dot par une contre-lettre traduit, sans doute, une volonté de dissimuler aux yeux du public une méfiance à l’égard du futur mari. Malgré les apparences, la famille de la mariée protège les biens du lignage. Dans le même temps, elle donne au nouveau ménage plus de crédit qu’il n’en a en réalité et fait ainsi paraître l’épouse pour mieux établie qu’elle ne l’est et le père de celle-ci plus riche aux yeux des tiers.
70La raison qui détermine la famille de la mariée à augmenter la dot par un acte séparé du contrat de mariage traduit, au contraire, une volonté manifeste de frauder les créanciers du mari en tentant de se servir des rigueurs du régime séparatiste pour que celui-ci échappe à certaines de ses obligations. De plus cette attitude tend, sans doute, à faire échapper une partie de la dot aux droits fiscaux et ainsi garder secret le véritable état de la fortune de la famille.
71Les faveurs accordées au régime dotal font que les régimes matrimoniaux sont modulables mais dans un cadre juridique déterminé : la validité des contrats de mariage sous signature privée en est l’exemple le plus marquant.
SECTION 3. LES CONTRATS DE MARIAGE SOUS-SEING PRIVÉ
72« Quand on fait un contrat de mariage, il doit être fait pardevant notaires, et auparavant la célébration du mariage »375. Le principe de l’immutabilité des conventions matrimoniales exige non seulement que le contrat de mariage soit passé avant la célébration du mariage mais également qu’il soit passé en la forme publique, c’est-à-dire devant un notaire compétent. Pothier affirme, en effet, que « ces conventions doivent se faire par un acte qu’on appelle contrat de mariage. Cet acte doit être passé devant notaires. On rejette dans la plupart de nos provinces les contrats de mariage passés sous signature privée »376. La crainte des donations entre époux et la crainte des antidates en sont les principales raisons. Un arrêt du Conseil du Roi du 13 décembre 1695 a, en ce sens, ordonné que les contrats de mariage et les actes qui seront faits en conséquence seront passés devant notaires à peine de nullité et de privation des privilèges et hypothèques. L’article 8 de la déclaration royale du 19 mars 1669 et l’arrêt du Conseil du 16 décembre 1698 ont prescrit la même chose et ces dispositions ont été réitérées dans une déclaration royale du 11 décembre 1703 concernant les fonctions de notaire en Normandie. Une décision du Conseil du Roi du 15 juin 1748, sur ces fondements, a été rendue en ces termes : « Les contrats de mariage sous signature privée ne méritent aucun ménagement, et il seroit bien essentiel de détruire cet abus qui peut jeter les familles dans les plus grands embarras »377.
73Mais Pothier reconnaît à juste titre qu’« il y a quelques provinces où les contrats de mariage passés sous signature privée, sont admis. La signature des parents des deux familles, qui se trouve au bas de ses actes, a paru devoir écarter tout soupçon d’antidate »378. De même dans le répertoire de Guyot, on peut lire que dans certaines provinces il existe des contrats de mariage sous signature privée. L’auteur de l’article dénonce par ailleurs cette pratique craignant les actes simulés et la collusion entre époux379.
74La Provence, comme la Normandie, fait partie de ces provinces où les contrats de mariages qui ne sont pas passés devant un notaire sont valables et produisent les mêmes effets que l’acte authentique entre époux et à l’égard des tiers. Ces contrats de mariage sous signature privée portent le nom d’articles de mariage380.
75Les articles de mariage sont « les clauses et conventions qui doivent faire la substance d’un contrat de mariage »381. Ils constituent le projet de contrat de mariage. Ils se passent en général entre les futurs époux et leur famille respective au moment de la négociation portant sur les aspects financiers du mariage qui doit être célébré. C’est la famille de la future épouse qui compose la teneur de ces articles qui sont ensuite envoyés au futur époux et à ses parents. Ces derniers peuvent modifier ces articles. Une fois que l’accord entre les deux familles est définitivement acquis, les articles de mariage sont signés par les futurs époux et par leurs parents respectifs. Le notaire doit ensuite dresser le contrat de mariage authentique conformément à ces articles sans rien y changer. D’une manière générale ces articles de mariage obligent les parties à célébrer le mariage sous peine de dépens, dommages-intérêts382, mais dans le ressort du Parlement de Provence ils ont des effets beaucoup plus importants. Après avoir démontré que la doctrine et la jurisprudence s’accordent pour reconnaître la pleine validité d’un contrat de mariage sous-seing privé, lui attribuant les mêmes effets qu’un contrat de mariage notarié (§ 1), il nous faudra rechercher si les époux utilisent effectivement les articles de mariage pour mettre en place leurs relations pécuniaires (§ 2).
§ 1. La validité des contrats de mariage sous-seing privé
76Le contrat de mariage passé devant un notaire et inscrit au registre des minutes a une certaine publicité. Il a, d’une part, pour conséquence de déterminer l’étendue du gage des créanciers qui varie selon le régime matrimonial choisi : le créancier a donc intérêt à savoir quels biens son débiteur peut engager quand il est marié. Le contrat de mariage détermine, d’autre part, les pouvoirs de chacun des époux sur les biens du ménage : cette publicité est d’autant plus importante en présence d’un régime dotal. Deux idées contradictoires dominent cette problématique : les époux et leur famille, notamment les plus riches383, ont un souci légitime de discrétion et les tiers ont intérêt à connaître les règles régissant les rapports pécuniaires entre les époux.
77L’avocat au Parlement de Provence Bonnemant remarque qu’« il est fort d’usage parmi nous de dresser avant le mariage des articles privés, pour régler les conventions des parties ; ils tiennent souvent lieu de contrat de mariage, ils ont le même privilège »384. Ainsi, force est de constater que des articles de mariage sous signature privée qui règlent le régime matrimonial des époux sont valables et ont les mêmes effets juridiques qu’un contrat authentique. Ils sont utilisés par les familles provençales et Gassier en donne clairement la raison : « il est bien vrai que des articles de mariage quoique privés et non contrôlés portent hypothèque ; mais c’est parce que des vrais articles ont pour ainsi dire la solennité d’un contrat, parce que d’une part c’est sous la foi de ces articles que le mariage se célèbre. D’autre part, les vrais articles de mariage présentent le concours de deux familles, la signature et la convocation de tous les parents. Ils forment par cette circonstance une espèce de titre public et de là vient qu’on leur accorde l’hypothèque »385.
78La validité des articles de mariage sous signature privée se retrouve à travers toute la jurisprudence et les différents commentaires de jurisconsultes provençaux386. Ainsi, il est entendu que « les conventions matrimoniales peuvent être consignées dans un acte sous signature privée comme dans un contrat public. L’un n’a ni plus ni moins de force que l’autre »387. La raison invoquée pour justifier la validité et les effets juridiques de cet acte sous-seing privé à l’égard des tiers est que la cérémonie religieuse rend le mariage public « et dès lors chacun est averti que les parents de la femme ont du s’imposer des obligations pour la doter, n’étant pas à présumer que le mariage ait été constitué sans dot. Cette considération doit obliger ceux qui contractent après le mariage avec les parents de la femme à se tenir sur leur garde sans quoi ils s’exposent »388.
79L’acte de notoriété rendu par les avocats au Parlement de Provence le 30 mars 1780 est clair sur le point de la validité des contrats de mariage sous signature privée : « La maxime est dans cette province que les articles de mariage quoique sous écriture privée et non contrôlés, ni enregistrés donnent hypothèque pour la dot du jour de la célébration du mariage et qu’ils sont aussi irrévocables qu’un contrat public passé devant notaire »389. Les articles de mariage dressés par les conjoints sous signature privée et en présence de leurs parents390 ont la même force que les contrats de mariage et « ils en tiennent lieu »391.
80Du jour de la célébration du mariage l’épouse a une hypothèque pour sa dot sur les biens de son mari392 et les époux peuvent agir en justice pour faire exécuter ce contrat de mariage sous-seing privé et notamment obliger celui qui a promis la dot à la payer393 : « Les articles de mariage portent hypothèque. Ce principe est établi par les arrêts de toutes les Cours et même par les arrêts du Conseil qui ont confirmé ceux que le Parlement de Provence avoit rendu sur cette matière. Le Parlement de Paris vient de le décider depuis peu en faveur du sieur de Gernis Ricard lieutenant de l’Amirauté de Marseille et cette décision n’a même été donnée que ensuite d’un acte de notoriété du Parlement de Provence : on ne peut donc douter de la règle qui d’ailleurs est établie sur les principes du droit romain qui accordoient l’hypothèque légale à la dot »394.
81Le 28 octobre 1778, le sieur Roche conclut avec la demoiselle Ripert des articles de mariage qui seront contrôlés le 28 novembre 1781. Par ce contrat de mariage sous-seing privé, la future épouse assistée de son père apporte en dot à son mari 13056 livres395, soit l’ensemble des biens qu’elle possède au moment du mariage396 et elle se constitue, en outre, à titre de dot tous ses autres biens présents et à venir. Le mari ne recevra rien en augmentation de dot au cours du mariage malgré la constitution générale contenue dans les articles. Durant le mariage, Jeanne Annezin a prétendu être créancière de la demoiselle Ripert en vertu d’une reconnaissance de dette contenue dans un billet privé portant la date du 17 août 1778, soit un peu plus de deux mois avant le contrat de mariage sous signature privée, billet qui a été contrôlé le 9 février 1779 et qui n’a donc eu date certaine qu’à ce moment-là. La dame Annezin, en qualité de pauvre, s’est pourvue devant le Parlement de Provence et a demandé au sieur Roche de lui payer en tant que mari et maître de la dot et droits de son épouse les 600 livres dont cette dernière se trouve débitrice en vertu de la reconnaissance de dette. L’avocat du mari, maître Pochet397, avance, entre autres, deux arguments. D’une part, le mari n’est tenu de payer les dettes de son épouse antérieures à la constitution dotale que si ces dettes sont constatées par un acte authentique « autrement ce seroit ouvrir une voie très facile aux femmes pour ruiner les maris »398. D’autre part, affirme le conseil du mari, « nous tenons […] pour maxime que les billets privés ne prennent existence vis à vis des tiers que du jour du contrôle et de l’avération »399. Ainsi, un acte sous signature privée ne suit pas le même régime juridique qu’un contrat de mariage sous signature privée. Si le premier n’acquiert date certaine qu’au moment où il est contrôlé, le second produit tous ses effets dès sa conclusion. Le Parlement de Provence dans un arrêt rendu par la Grand’Chambre le 3 juin 1785 « tout d’une voix »400 a fait droit à cette argumentation. La Cour souveraine provençale a confirmé à cette occasion sa jurisprudence favorable à la constitution d’une dot et a reconnu que la conclusion du contrat de mariage sous signature privée emportait ipso facto une hypothèque comme les contrats de mariage authentiques : « Billet sous seing privé souscrit par une femme mariée sous une constitution générale quoiqu’antérieur à des articles de mariage ne donne pas une hypothèque antérieure. Il n’a été contrôlé qu’après quoique le contrôle des articles soit postérieur au contrôle du billet »401.
82Le mari peut sur le fondement des articles de mariage agir en justice contre le constituant de la dot402.
83Les faveurs accordées au régime dotal permettent donc de constituer à l’épouse une dot en dehors de l’autorité du notaire. Cette possibilité est à l’évidence un particularisme provençal. En Normandie, la validité des articles de mariage est reconnue mais ils n’emportent hypothèque que dans la mesure où ils sont reconnus par un notaire. De son côté le Parlement de Toulouse « malgré son attachement connu pour les maximes du droit romain, s’en écarte toutes les fois qu’il s’agit de ne pas compromettre les droits des tiers »403. Ainsi, ce Parlement a décidé dans un arrêt du 6 septembre 1735 que les articles de mariage ne pouvaient emporter hypothèque que du jour où ils sont passés sous la forme authentique. De plus, les articles de mariage ne peuvent avoir d’effets, à Toulouse, qu’entre les parties qui les ont signés - ou leurs héritiers - et non à l’égard des tiers404.
84Le problème de la validité des articles de mariage se règle par analogie avec une question de droit international privé : les contrats passés en dehors du Royaume peuvent-ils être exécutés en France et portent-ils hypothèque sur les biens situés en Provence ? Les contrats passés hors du Royaume par des notaires étrangers à qui le Roi n’a pas confié l’autorité publique, ne sont exécutoires en France que s’ils ont été reconnus par un juge royal405. La question portant sur le fait de savoir si les contrats passés par-devant les notaires d’une monarchie étrangère portent hypothèque sur les biens situés en France est beaucoup plus délicate. Certains auteurs considèrent que l’obligation passée hors du Royaume ne doit être considérée que comme une simple promesse. D’autres pensent que les contrats passés hors du Royaume ne portent pas hypothèque en France et sont tenus pour dettes purement privées, comme l’a décidé le Parlement de Paris dans un arrêt du mois de septembre 1621. Mais certains autres arrêts ont jugé le contraire. Loyseau, dans son Traité des offices, considère que les contrats passés hors du Royaume portent hypothèque en France du jour de leur date. Une ordonnance de Louis XIII en 1629 dispose dans son article 121 que les jugements rendus, les contrats ou les obligations reçus à l’étranger « n’auront aucune hypothèque ni exécution en ce Royaume ; ainsi tiendront lieu les contrats de simple promesse ». Mais cette ordonnance n’a pas été enregistrée au Parlement de Provence et l’« on a constamment jugé dans cette province que les contrats de mariage passés dans une Monarchie étrangère portoient hypothèque en France pour la dot et les avantages nuptiaux, du jour de la célébration du mariage. Mais il faut remarquer que ce n’est point par une hypothèque contractuelle, mais par une hypothèque légale, qu’on a donné cet avantage à la dot et aux avantages nuptiaux. La Loi […] donne à la femme une hypothèque tacite pour sa dot du jour du mariage »406. Les Arrêts du parlement d’Aix ont suivi cette décision407 et les actes de notoriété sont catégoriques sur la manière de juger du Parlement d’Aix408. Julien conclut en ce sens : « C’est sur ce principe que nous donnons l’hypothèque aux articles de mariage d’écriture privée pour la dot et les avantages nuptiaux du jour du mariage »409.
85Ainsi par arrêt du 24 mars 1733, Marguerite-Françoise d’Attenoux, veuve de Vincent Dossolin, s’est vue reconnaître une hypothèque pour ses biens constitués en dot par des articles de mariage. Il est d’ailleurs indifférent que les articles aient été faits ou non par écrit410. Les faveurs accordées à la dot constituée ou promise dans des articles d’écriture privée n’ont pas lieu seulement du jour du mariage sur les biens du mari qui l’a reçue. Elle a lieu encore en faveur du mari contre la femme ou les autres personnes qui ont constitué la dot tel que cela a été jugé par l’arrêt du 11 février 1647. Il convient cependant de remarquer que l’on peut présumer une fraude lorsque les articles de mariage ont été faits après la célébration du mariage et alors que le mari avait des créanciers. Comme pour les constitutions de dot, les augmentations de dot, et les contre-lettres, les articles de mariage consentis durante matrimonio peuvent être un moyen de faire échapper des biens aux prétentions des créanciers légitimes.
86L’hypothèque donnée à l’épouse pour la dot constituée par des articles de mariage ne doit pas préjudicier aux droits des tiers par le jeu de l’antidate. Le Parlement de Provence a rendu un arrêt en ce sens le 26 juin 1755, et par un second arrêt du 30 juin 1760 le Parlement a chargé la partie qui demandait l’exécution d’articles de mariage d’en faire la preuve411.
87La jurisprudence, tout en reconnaissant la validité des articles de mariage, reste méfiante à leur égard. Ainsi, des articles de mariage peuvent être passés après la célébration religieuse. Ils seront respectés et exécutés, sauf s’ils ont été faits en fraude des créanciers. Mais la seule présomption de fraude ne suffit pas à les rendre nuls. À la différence de l’augmentation de dot faite pendant le mariage, il existe une présomption simple de validité des contrats sous-seing privé établissant les rapports patrimoniaux entre époux412. Les articles de mariage conclus après le mariage sont moins suspects aux yeux de la jurisprudence que les reconnaissances de dot faites pendant le mariage. Ils sont, à l’image du contrat de mariage, notarié la « loi des familles »413. C’est à celui qui en conteste la validité d’en prouver la simulation. Inversement, lorsqu’une reconnaissance de dot porte sur des biens meubles, c’est à celui qui se prétend bénéficiaire de cette reconnaissance d’en prouver la validité414. Un arrêt du Parlement de Provence a d’ailleurs permis, en 1772, à une partie à un litige qui se prévalait d’articles de mariage « disparus » de rapporter la preuve qu’ils s’étaient égarés ou qu’ils avaient été dérobés par une des parties intéressée au contrat415. Les articles invoqués n’étaient pas, en l’espèce, présumés frauduleux même si l’acte écrit qui en était le support formel ne pouvait être produit. D’ailleurs, si une partie arrive à contester la sincérité d’articles de mariages qui auraient été conclus après la célébration religieuse, mais qui auraient une hypothèque du jour de la bénédiction nuptiale car présumés exécutés depuis lors, l’épouse peut toujours tenter de démontrer qu’il s’agit d’une reconnaissance de dot faite pendant le mariage. Elle devra donc, pour que soit reconnue la qualité de biens dotaux à ceux compris dans les articles contestés, prouver qu’elle avait les moyens de se constituer une telle dot et qu’il y a eu réelle numération des deniers dotaux. Dans cette hypothèse, son hypothèque prendra rang le jour de la reconnaissance416. Les articles de mariage seront alors requalifiés en reconnaissance de dot faite pendant le mariage.
88Néanmoins, quel est le sort des articles de mariage lorsqu’ils sont suivis d’un contrat authentique ? Le sieur Bruis, marchand, et la demoiselle Guerine ont conclu des articles de mariage suivis cinq jours après par un contrat de mariage authentique et par la célébration du mariage. Pendant ce laps de temps, un bien de l’épouse a été vendu. À la dissolution du mariage, et sur le fondement des articles de mariage, l’épouse veut faire reconnaître son privilège sur les biens de son mari pour la restitution de la valeur du bien vendu estimant que son hypothèque a débuté le jour de la conclusion des articles. Le tiers acquéreur pense, au contraire, que l’hypothèque de l’épouse ne débute que le jour de la célébration du mariage et que l’épouse est donc par rapport à lui une créancière postérieure. La Chambre des enquêtes dans un arrêt du 12 juin 1676 a donné hypothèque à l’épouse du jour de la signature des articles417. Cet arrêt paraît surprenant dans le sens où le contrat notarié est contemporain de la célébration du mariage et que l’hypothèque devrait débuter le jour de la célébration418. Toutefois, le Parlement a considéré, en l’espèce, que le contrat de mariage notarié constituait une sorte de contre-lettre en fait de mariage, tendant à réduire les droits de l’épouse sur sa dot. La situation a changé entre les articles et l’acte authentique et cette modification était loin d’être favorable aux droits dotaux de l’épouse. Cet arrêt est en contradiction avec les Maximes du Palais, rapportées par l’avocat Bonnemant, qui affirment que si les articles de mariage sont suivis d’un contrat de mariage ils sont censés révoqués419. Dupérier était également favorable à la solution exprimée par les Maximes qui, pour le jurisconsulte, paraît conforme à nos usages.420
89De La Touloubre, dans son commentaire sur Les questions notables de droit de Dupérier, reconnaît que de nombreux jurisconsultes défendent cette position doctrinale. Il précise, cependant, que les développements de Dupérier constituent une consultation et non une synthèse sur une problématique juridique. Il sous-entend que l’auteur donne son avis et qu’il ne fait pas état de la jurisprudence. L’avocat mentionne l’expression utilisée par Dupérier « selon notre usage » par des caractères italiques, comme s’il en doutait. Il rapporte un arrêt du Parlement de Provence du 30 mars 1746 qui a décidé qu’un contrat de mariage notarié postérieur à des articles ne pouvait pas modifier l’acte sous-seing privé421. En l’espèce, un père constitue seul à sa fille une dot, dans des articles de mariage, puis, dans le contrat notarié, précise que cette même dot est constituée des droits paternels et maternels. Il convient de remarquer que le contrat notarié, postérieur aux articles, est défavorable à la mariée. Certes, l’épouse a désormais deux débiteurs, mais elle perd corrélativement un recours pour l’ensemble de sa dot contre son père et également un possible recours sur la succession de sa mère au moment de son ouverture. On peut légitimement se demander si la jurisprudence du Parlement de Provence n’aurait pas reconnu comme valable un contrat de mariage postérieur à des articles mais qui tendrait à augmenter la dot ou les donations faites aux époux ?
90Bonnemant, pour sa part, est sceptique à l’égard de cette jurisprudence de 1746 rapportée par son confrère de La Touloubre : « Je doute fort si la question se présentoit encore, qu’on regarda cet Arrêt comme un vrai préjugé. Il y avoit sans doute quelque autre circonstance que l’annotateur de Dupérier ne dit pas : car tant que les parties sont encore dans cette liberté de consentement, on ne peut pas regarder un contrat de mariage, dans lequel un père redresse des stipulations mal conçues, comme une contre-lettre dérogatoire à un acte qui n’a reçu encore aucune perfection »422. La question semble opposer la doctrine pour laquelle un acte authentique présente plus de garanties pour les parties au contrat et pour les tiers qu’un acte sous-seing privé et la jurisprudence qui, coûte que coûte, se pose en gardienne du régime dotal et des droits patrimoniaux des futurs mariés, en accordant de larges effets au contrat privé.
91Si tous les juristes reconnaissent la validité des contrats de mariage sous signature privée, est-il fréquent, comme certains d’entre eux le prétendent, que des époux, et des familles provençales utilisent ce moyen pour mettre en place leur régime matrimonial ?
§ 2. La preuve de l’existence de contrats de mariage sous-seing privé
92Il est, par définition, difficile de rapporter la preuve de pactes secrets qui sont faits dans l’intention d’échapper aux autorités royales et d’une manière générale à la publicité. Nicole Arnaud-Duc reconnaissait, en ce sens, que les papiers de famille sont difficilement accessibles quand ils existent et que « des recherches très poussées dans ce fonds [les archives de l’enregistrement] comme dans les fonds notariaux n’ont presque rien donné »423. L’auteur admettait cependant que le nombre des contrats sous-seing privé à Aix en 1785 était grand. D’ailleurs, Maleville au moment des débats sur l’adoption du Code civil observait qu’il était d’usage en pays de droit écrit de faire des contrats sous-seing privé424.
93Bonnemant affirme que la pratique des mariages sous signature privée est fréquente dans les familles provençales425. Gassier corrobore ce constat : « Il suffit d’observer que rien ne defendoit au sieur Chaix et à son épouse de porter dans des articles leurs conventions matrimoniales que c’est dans cette forme que les mariages se contractent ordinairement »426. Une lecture exhaustive des registres notariés permet de retrouver des articles de mariages qui, à un moment donné de la vie des époux, ont été enregistrés. Quelques formulaires à l’usage de notaires portent d’ailleurs la trace d’articles de mariage427.
94De même, les litiges qui peuvent s’élever durant le mariage entre époux, ou entre les époux et des tiers, permettent de mettre en évidence une pratique certaine des mariages sous signature privée428.
95Tous les contrats de mariage sous signature privée mettent en place, à l’instar des contrats de mariage qui seront analysés au titre suivant, un régime dotal. Ces articles de mariage sont comparables aux contrats contenus dans les minutes des notaires et nous n’avons rencontré aucune clause extraordinaire.
96Dans une consultation commune donnée en 1784, Gassier, Pascalis429 et Barlet430 apportent deux raisons justifiant la pratique des mariages sous signature privée. La première est qu’il peut arriver que le père, ou tout autre constituant de la dot, ne puisse pas payer l’intégralité de la somme promise au moment du mariage. Grâce à la validité des articles de mariage, on évite les renonciations à mariage, faute de moyens du constituant. Cependant, la pratique montre, que dans la deuxième moitié du xviiie siècle, les dots sont assez souvent payées en intégralité au moment de la constitution ou ont été payées avant même le contrat431.
97De plus, rien n’empêche celui qui est désigné dans l'acte comme étant le principal constituant de la dot de la future épouse, de n'en payer qu’une partie au moment de la conclusion du contrat de mariage et de se reconnaître débiteur d’une autre partie, en prévoyant une échéance pour le paiement de la somme restant due432.
98La seconde raison donnée par les jurisconsultes nous semble plus proche de la véritable motivation qui conduit les parties et leur famille à faire des contrats de mariage sous signature privée : « la nécessité de payer les frais énormes d’un acte public qu’on est toujours bien aise d’éviter et cette facilité de contracter en pareil cas avec la sûreté sous seing privé est d’autant plus précieuse qu’elle conserve au citoyen un moyen facile pour ne pas manifester des secrets qui souvent tiennent plus à la gloire et à l’honneur des familles qu’à l’intérêt des tiers »433. En effet, la volonté qui anime les époux et leur famille qui concluent des contrats de mariage sous-seing privé est avant tout de s’« épargner les droits royaux parfois même pour l’avenir »434 - si les articles de mariage restent toujours secrets -et également de conserver les secrets des familles.
99La discrétion sur l’état de la fortune familiale est sans doute un élément au moins aussi important que la « fraude fiscale » pour les familles les plus riches. On s’aperçoit d’ailleurs que le plus souvent les contrats de mariage sous signature privée ont été contrôlés435 et quelques fois insinués. Même si le Parlement de Provence reconnaît leur validité sans que ces formalités ne soient remplies et ces droits acquittés, on peut relever que par ce moyen les époux et leurs familles donnent plus de force à ce qui constitue la base de leur régime matrimonial en conférant à leurs articles une date incontestable436.
100L’ensemble des questions qui sont liées à l’existence des contrats de mariage sous seing privé a été parfaitement résumé par Siméon fils devant le corps législatif le 10 février 1804 : « Les conventions matrimoniales devront être reçues par des notaires antérieurement au mariage. L’usage conservé dans quelques contrées de les rédiger sous seing privé est abrogé. Si l’on prive les familles de l’avantage d’épargner des frais d’enregistrement auquel le fisc avait pourtant autant de droits que sur les autres actes dont la foi publique a la sauvegarde, elles en sont bien dédommagées par le nombre de fraudes que l’on prévient, par la meilleure garantie que l’on donne aux droits et à la fortune des époux et de leurs enfants »437.
101Par exemple, un futur gendre commerçant peut recevoir une dot de son beau-père et consentir à ce dernier un prêt d’argent bien supérieur au montant de la constitution de dot. Le gendre, comme son beau-père, ont intérêt à ce que ce pacte reste secret. D’une part, le gendre ne montre pas à ses partenaires commerciaux qu’il s’est démuni d’une importante somme d’argent et que son crédit est moins important qu’il n’y paraît. D’autre part, le beau-père reste discret sur ses difficultés financières et ne révèle pas publiquement, chose déshonorante pour un père, qu’il a eu du mal à établir sa fille. Parallèlement on perçoit, dans une telle situation, l’intérêt de s’acquitter des droits fiscaux : le gendre donne date certaine aux articles de mariage et sera préféré aux créanciers postérieurs de son beau-père. De plus, le mari donne plus de force à sa créance et court un risque moins grand de voir un jour son épouse ou ses héritiers contester la qualité de prêt à la transaction et demander que cette somme soit reconnue comme étant dotale438.
102Cependant, il arrive que les articles de mariage restent totalement secrets. Dans ce cas, les époux peuvent passer un acte délibérément frauduleux. C’est ainsi qu’un mari qui voulait vendre une propriété constituée en dot dans des articles de mariage non contrôlés a fait déclarer dans le contrat de vente que son épouse agissait sur des biens qui lui étaient paraphernaux et a en réalité bénéficié du prix de cette vente439.
103Généralement, la dot consignée dans des articles de mariage est une dot conséquente, ce qui tend à prouver que les contrats de mariage sous signature privée se font le plus souvent dans les familles les plus riches. Les dots apportées dans des articles de mariage que nous avons retrouvés ou qui sont mentionnés par les avocats ou les arrêtistes sont la plupart du temps supérieures à 3000 livres. Elles vont parfois jusqu’à plus de 10000 livres alors qu’il est très rare que les dots constituées dans des actes authentiques dépassent, en Provence, 1500 livres.
104Nicole Arnaud-Duc a tenté de déterminer les personnes qui, à Aix, étaient susceptibles d’avoir conclu un mariage sous signature privée en prenant en considération l’origine sociale des gens mariés. Elle en arrive à la conclusion que sur 414 mariages célébrés dans la capitale provençale en 1785, vingt auraient été précédés d’articles de mariage non passés dans la forme authentique et elle soupçonne essentiellement les parlementaires d’une telle pratique440 . Elle ne tient pas compte, parmi les catégories sociales qui passent des contrats de mariage sous signature privée, des commerçants et des bourgeois. En effet, c’est dans ces catégories sociales que nous avons trouvé le plus de contrats de mariage sous signature privée.
105Le régime dotal n’est pas un régime qui convient aux commerçants du fait de l’inaliénabilité des biens dotaux. Dans un rapport présenté à l’Académie des Sciences morales et politiques du 29 juin 1901 M. Lyon-Caen notait que : « le régime dotal ne convient ni aux commerçants, ni à ceux qui vivent de leur travail et non des revenus de la fortune acquise […]. Le régime dotal ne peut convenir qu’aux oisifs, aux personnes ayant une fortune définitivement acquise, à certains fonctionnaires, aux grands commerçants que l’immobilisation des biens de la femme ne peut gêner »441. Ces inconvénients étaient apparus dès le xviie siècle dans les pays de droit écrit proche de Lyon et situés dans le ressort de son Parlement. Un édit du 16 avril 1664 avait permis à l’épouse de consentir à l’aliénation des immeubles dotaux dans les régions du Forez, du Beaujolais, du Mâconnais et du Lyonnais afin de maintenir des usages « plus favorables aux affaires de famille et même nécessaires au grand commerce qui fleurit en notre ville de Lyon »442.
106En revanche, le régime dotal permet de mettre à l’abri une partie des ressources du ménage et il protège le patrimoine des épouses des mauvaises affaires du mari. La pratique des mariages sous signature privée concilie sans doute pour cette catégorie sociale ces deux impératifs. En effet, les articles de mariage sous signature privée permettent d’abord au père constituant, s’il est commerçant, de cacher à ses créanciers qu’il s’est démuni d’une somme souvent importante qui va jouir d’une hypothèque privilégiée : la dot de sa fille. Ensuite, ils donnent la possibilité au mari, s’il est commerçant, et qu’il reçoit une dot en argent, d’avoir fictivement plus de crédit vis-à-vis de ses partenaires qui ignorent qu’une partie de ses ressources financières ne lui appartiennent pas. Enfin, les articles de mariage par leur solidité permettent à tout moment, en cas de mauvaises affaires du mari, de s’en prévaloir et de mettre à l’abri des actions des créanciers une partie des ressources du ménage. Evidemment, les commerçants, négociants ou artisans importants sont plus exposés que les autres professions à la poursuite des créanciers ce qui peut expliquer, qu’à un moment, ils aient eu besoin de rendre public le contrat de mariage secret pour protéger le patrimoine de l’épouse. Au-delà, ils ont intérêt à conserver le plus possible le secret de leur fortune, comme l’ensemble des catégories sociales aisées, qui avaient recours aux contrats de mariage sous signature privée443.
107Si ces contrats doivent, par définition, rester secrets certains évènements de la vie des familles poussent parfois une des parties intéressée soit à leur donner la forme authentique, soit à les faire reconnaître comme valables par une juridiction royale. En fait, il ressort des actes et des consultations que trois types d’évènements poussent les époux à avérer publiquement qu’il existe des articles de mariage :
- L’ouverture de la succession d’un des membres de la famille. Dans ce cas, la publicité permet de montrer que le de cujus est le constituant d’une dot promise dans des articles de mariage et, lorsqu’il y a eu une constitution de dot de tous les biens de l’épouse, que celle-ci a des droits à prétendre sur les biens du de cujus. Le mari, en tant qu’administrateur, peut agir pour les réclamer.
- L’action des créanciers contre les biens des époux. Dans cette situation, la publicité des articles permet de montrer qu’une partie des biens, sur laquelle les créanciers veulent se payer est dotale ; elle appartient à l’épouse et ne peut être saisie.
- La demande en séparation de biens qu’une épouse a le droit de demander contre son mari. L’exhibition des articles de mariage permet à l’épouse de prouver au juge le montant exact des droits dotaux dont elle demande la restitution durant le mariage.
108La consultation des articles de mariage prouve qu’ils sont toujours faits en la présence du notaire et qu’ils sont rédigés par un clerc444. L’utilisation du la langage juridique, la teneur des clauses du contrat, la rigueur du vocabulaire, montrent bien que ces articles n’ont pas été mis en forme par des profanes et les formules utilisées sont les mêmes que celles utilisées habituellement par les notaires dans des contrats de mariage authentiques445. D’ailleurs, la manière de rédiger ces articles de mariage figure dans les formulaires imprimés446 et dans les formulaires manuscrits à l’usage des notaires447. Ces éléments tendent à prouver que les familles n’économisaient pas les frais inhérents à la présence d’un praticien du droit. Le secret des fortunes apparaît une nouvelle fois comme étant la principale motivation des parties.
109Par la présence du notaire, les époux et leurs familles s’assuraient que les clauses insérées dans le contrat de mariage sous-seing privé étaient rédigées suivant des formules usuelles. Les parties échappaient ainsi, par anticipation, à toute interprétation qu’un juge pouvait donner à une clause qui n’aurait pas été rédigée avec la rigueur juridique habituelle. Elles évitaient que l’acte sous-seing privé produise des effets qu’elles n’avaient pas escomptés.
110Néanmoins, il est très difficile d’apporter la preuve formelle de la présence d’un notaire à l’acte privé même si celle-ci ne fait aucun doute. En effet, la justice royale ordonne que les articles de mariage sous-seing privé soient rédigés par les parties elles-mêmes. « Les curés, vicaires, notaires, procureurs, huissiers ou autres personnes publiques ne peuvent écrire pour autrui des actes sous seing-privé ; il leur est défendu et à toutes personnes de les signer comme témoins » suivant la jurisprudence du Conseil et les arrêts du 21 juillet 1693, 13 décembre 1695, 23 octobre 1696 et les déclarations des 14 juillet 1699 et 20 mars 1708448.
111Enfin, il convient de noter qu’une partie de la population provençale, plus défavorisée, peut également utiliser la constitution de dot en dehors de tout écrit et en dehors de la présence du notaire, un événement survenu dans la vie des époux peut permettre d’en prendre connaissance. D’ailleurs, un formulaire manuscrit du xviiie siècle à l’usage d’un notaire d’Eygalières contient un acte-type du 16 février 1683 à savoir une « quittance portant reconnaissance de dot faite par un mari sur une somme reçue de sa belle-mère suite à l’ouverture de la succession de son beau-père »449. Les raisons qui poussent alors les époux à rendre public leur accord verbal sont la nécessité de faire reconnaître, sans contestation possible, une partie de leurs biens comme étant dotaux.
112En ce sens, le 11 juin 1789, Pierre Carmet travailleur demeurant à Châteauneuf-les-Martigues « a déclaré et déclare en faveur de la vérité au profit de l’hoirie de Claude Bibar son beau- père ce accepté par Pierre et Simon Bibar deux de ses enfants icy présents et stipulant que le jour de la célébration de son mariage avec Anne Bibar fille dudit sieur Claude Bibar, il reçut de ce dernier à titre de constitution de dot de ladite Anne Bibar son épouse, la somme de deux cents livres dont cinquante quatre livres en argent comptant et cent quarante six livres en valeur des coffres, hardes, robes, et trousseau de ladite Anne Bibar au moyen de laquelle déclaration ledit Carmet quitte ladite hoirie dudit Claude Bibar son beau-père »450. Les parties ont cherché, en l’espèce, à échapper en totalité aux frais inhérents à un acte notarié. De plus, la constitution de dot étant modique, il n’est pas nécessaire qu’elle soit protégée par un acte écrit451. Le respect de la constitution de dot verbale suffit.
113La pratique des contrats de mariage sous signature privée est incontestablement avérée dans la Provence du xviiie siècle et elle y occupe une place non négligeable. Le Parlement de Provence a, en ce qui concerne les contrats de mariage sous-seing privé, une jurisprudence libérale qui favorise le plus souvent le régime dotal et par-là protège l’épouse à qui appartient cette dot. Cette réalité jurisprudentielle a sans doute permis le développement de cette pratique. L’usage des populations provençales d’établir leur régime dotal dans un acte privé permet de mettre en évidence le phénomène suivant lequel la détermination initiale du régime matrimonial ne peut pas s’analyser à la seule lumière des contrats de mariage notariés. Ce constat se trouve d’ailleurs corroboré lorsque l’on cherche à savoir si tout est dans le contrat de mariage ou si des règles de droit s’appliquent dans le silence des époux à leurs rapports patrimoniaux.
Notes de bas de page
206 BMVR, Bibliothèque de l’Alcazar, Marseille, Fonds rares et précieux, J.-B. REBOUL, Traité « Du contract de mariage des constitutions de dot des conventions matrimoniales et de tout ce qui regarde le droit des mariez » n° 3, Ms 622, pp. 8-9.
207 J.-J. JULIEN, Elémens de Jurisprudence…, op. cit., p. 64.
On retrouve les mêmes considérations dans une consultation des avocats Gassier et Pazery : « Il est pourtant de règle certaine qu’un des premiers devoirs des pères est de doter leurs filles. C’est ce qui dérive de toutes les loix, ce qu’observent tous les interprètes et ce que tous les arrêts ont jugé » ; AD BdR., 10 F 94, n° 63, Pour Mr de Vedol contre Mr de Ledenon (Avignon), 8 novembre 1781.
Le père est également tenu de doter sa fille lors de son entrée en religion : « Il est bien vrai que le père est obligé de fournir une dot spirituelle à sa fille » ; AD BdR., 10 F 76, n° 48, Pour le sieur Julien contre les légitimaires (Marseille), 7 juin 1771.
208 La dot profectice est celle qui est constituée par un père de famille (a patre profecta). On considérait à Rome que les pères qui possédaient une fortune avaient l’obligation morale de doter leurs filles, et l’on voyait dans cette obligation le prolongement de l’obligation alimentaire. Déjà une comédie de Plaute (Trinummus, v. 569, voir aussi 630 et 647), au début du iie siècle avant J.C., souligne le caractère scandaleux d’un mariage qui aurait lieu sans dot (l’union ressemblerait plutôt à un concubinat). Ce principe était si fort qu’à certains moments ou dans certains cas, l’existence d’un instrumentum dotale sert de critère sommaire entre le concubinat et le mariage. Pour contraindre les pères réticents à doter leurs filles, les consuls intervenaient parfois officieusement (extra ordinem). Cette intervention des magistrats a été reconnue sous Auguste par la Lex Iulia sur le mariage. Elle a été réglementée aux alentours des années 200 par Septime Sévère et Caracalla (D. 23, 2, 19). Toute autre dot s’appelait adventice, qu’elle soit constituée par la femme elle-même lorsqu’elle est sui juris, ou par un tiers le plus souvent un ascendant maternel. Jean Gaudemet ajoutait qu’en droit romain : « Le pater n’est pas juridiquement obligé de doter sa fille. Mais cela devint progressivement un usage, qui se transforma en obligation morale. C’est un officium pietatis (D. 38, 5, 1, 10 et 37, 6, 6). Peut-être fût-il consacré par la loi Iulia de maritandis ordinibus ? Dans le droit de Justinien, cette obligation est certaine (C. 5, 11, 7, 2 ; Nov. 97, 5). La dot peut aussi être constituée par un tiers. C’est alors une dos adventicia. A l’époque classique, la mère n’est pas obligée de doter sa fille. Dioclétien l’y obligera, mais dans des cas mal définis (C. 5, 12, 14). Peut-être ce texte est-il interpolé, l’obligation ne daterait que de l’époque de Justinien. Pour cette époque l’obligation est certaine » ; J. GAUDEMET, Droit privé romain, op. cit., pp. 59-60.
209 J.-P. CORIAT, « La dot en droit romain : une vue d’ensemble » dans Les annales de Clermont-Ferrand, Colloque Dot, femme et mariage, op. cit., p. 121.
Ainsi, « la contrainte que le magistrat pouvoit exercer suivant la Loy […] contre le père qui ayant des enfants en sa puissance, négligeoit de les marier, montre combien les romains regardoient favorablement les mariages et que s’étoit parmi eux aussi bien que parmi nous, une chose rare et difficile, de soutenir un mariage sans biens » ; GUERIN de TUBERMONT, Traité des contrats de mariage…, op. cit., p. 610.
210 Voir : P.OURLIAC, J. de MALAFOSSE, Histoire du droit privé, P.U.F., « Thémis », Tome III « Le droit familial », Paris, 1968., p. 287.
Le professeur Anne Lefebvre-Teillard note que : « L’obligation de doter est consacrée par la jurisprudence : elle incombe principalement au père, subsidiairement à la mère, voire au grand-père paternel ou au frère » ; Introduction historique au droit des personnes et de la famille, op. cit., p. 180.
211 P. OURLIAC, Droit romain et pratique méridionale au xve siècle, Etienne Bertrand, Thèse droit Paris, Librairie du recueil Sirey, Paris, 1937, p. 14.
212 J. DOMAT, Les loix civiles…, op. cit., Tome premier, p. 160.
213 « L’obligation de doter paraît être une conséquence de celle que la nature impose aux pères et aux mères de nourrir leurs enfants et de pourvoir à leur subsistance » ; MERLIN, verbe « Dot » dans Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, Chez Ganery, 4e édition, Tome quatrième, Paris, 1812, p. 162.
214 P. ROUSSILHE, Traité de la dot…, op. cit., Tome premier, p. 11.
215 « Dans les pays de droit écrit, le père et subsidiairement la mère peut être contraint de doter leur fille ; mais dans les pays coutumiers les pères et mères sont maîtres de l’établissement de leurs enfants ». Cependant, les filles peuvent exiger des aliments en espèces lorsqu’elles n’en ont pas ou qu’elles ne sont pas en état d’en gagner ; J.-B. DENISART, verbo « Dot » dans Collection de décisions nouvelles…, op. cit., Tome second, p. 492.
Voir : A. EYQUEM, Le régime dotal, son histoire, son évolution et ses transformations au xixe siècle sous l’influence de la jurisprudence et du notariat, Marchal et Billard Imprimeurs-Editeurs, Librairie de la Cour de cassation, Paris, 1903, p. 25.
216 P. ROUSSILHE, Traité de la dot…, op. cit., Tome premier, p. 13.
217 Ibid.
218 Ibid., pp. 12-13.
219 Boniface montre bien alors qu’il commente un arrêt du Parlement de Provence du 29 octobre 1646 que : « c’est le propre office des pères de doter leurs filles […] cette nécessité de doter la fille est imposée au père, nonobstant qu’elle ait des droits maternels et adventifs suffisants pour sa dotation » ; H. de BONIFACE, Arrests notables de la Cour de Parlement de Provence Cour des comptes aydes et finances du mesme pays, Tome premier, Jean Guignard et René Guignard, Paris, 1670, Livre VI, Titre I, Chapitre I, p. 400.
Le père est obligé de doter sa fille naturelle suivant un arrêt du Parlement de Provence de mars 1566 car le père doit des aliments aux bâtards même adultérins ou incestueux. De La Touloubre précisant : « J’ai vû plusieurs arrêts du Parlement de Provence qui en accordant une indemnité à une fille ravie ou séduite, ont en même tems fixé une somme pour servir de dotation à une fille naturelle, et condamné le père à la payer dès que la fille seroit parvenue à l’age nubile » ; Œuvres de Scipion Dupérier, Nouvelle édition revue, corrigée et augmentée de la jurisprudence actuelle par D.L.T., Tome deuxième, Chez Henri-Joseph Joly, Avignon, 1759, pp. 376-377.
Pour l’avocat Roussilhe cette obligation pour le père de doter sa fille légitime comme sa fille naturelle est conforme au droit romain ; Traité de la dot…, op. cit., Tome premier, p. 12.
220 H. de BONIFACE, Arrests notables …, op. cit., Tome premier, Livre VI, Titre I, Chapitre I, p. 400.
Voir sur l’obligation de doter au xvie siècle et plus généralement sur l’autorité et la responsabilité du père à la fin du xvie siècle à travers les actes de la pratique notariale : C. DOLAN, Le notaire, la famille et la ville (Aix-en-Provence à la fin du xvie siècle), P. U. du Mirail, Toulouse, 1998, pp. 86 et s.
221 MERLIN, verbo « Dot » dans Répertoire universel…, op. cit., Tome quatrième, p. 162.
222 « Suivant les Loix romaines toutes favorables qu’elles étoient à la puissance paternelle, les pères qui éloignent injustement ou négligeoient l’établissement de leurs enfants, étoient obligés par les pro-consuls ou les présidents de provinces de les marier et de les doter » ; J.-J. JULIEN, Elémens de Jurisprudence…, op. cit., p. 24.
L’obligation de doter analysée comme une limite à la puissance paternelle n’est, de manière surprenante, pas mentionnée dans K. FIORENTINO, « La puissance paternelle en Provence : une juridiction domestique tempérée par des devoirs », R.H.D., n° 1, Janvier-Mars 2009, pp. 18-19.
223 Maximes du Palais …, op. cit., Tome premier, p. 144.
224 F. DECORMIS, Recueil de consultations…, op. cit., Tome premier, Colonne 1313 à 1314.
Dans le même sens : « C’est encore une obligation dans l’ordre politique, car quoique la dot soit en elle-même indifférente au mariage, comme la fin du mariage est de donner de nouveaux sujets à l’Etat, dont ils perpétuent la durée en se succédant les uns aux autres, et que dans l’ordre actuel des choses, on ne se marie pas sans dot, il importe à l’Etat que les pères et les mères constituent des dots à leurs filles, afin de favoriser les mariages » ; GUYOT, verbo « Dot » dans Répertoire universel…, op. cit., Tome sixième, p. 217.
225 « La fille mariée malgré son père après néanmoins avoir rempli les préalables de l’Ordonnance et c’est ainsy que la Cour le jugea sur la plaidoierie et le mémoire du premier des soussignés [l’avocat Gassier] par arrêt du 28 juin 1765 en faveur de la demoiselle Gassen devenue dame Audon de la ville de Martigues contre le sieur Jacques Gassen son père de ladite ville. La dame Audon ne s’étoit mariée qu’après avoir tenu des actes de respect de son père et ce dernier n’en fut pas moins obligé de la doter. La plupart des arrêts et des doctrines que l’on vient de citer soumettent le père à donner une dot à sa fille lors même qu’elle a des biens d’ailleurs » ; Consultation de Gassier et Pazery, AD BdR., 10 F 94, n° 63, Pour Mr de Vedol contre Mr de Ledenon (Avignon), 8 novembre 1781.
Voir en ce sens : K. FIORENTINO, op. cit., pp. 15-16.
226 P. ROUSSILHE, Traité de la dot…, op. cit., Tome premier, pp. 14-15.
Dans le même sens, Merlin précise : « Si le père avait de justes raisons pour ne pas consentir au mariage de sa fille, comme si elle voulut se mésallier, et qu’il ne pût pas l’en empêcher, sa fille étant majeure, et pouvant se passer du consentement de son père, en lui faisant des sommations respectueuses, il ne doit pas être forcé à la doter ; car la loi n’autorise les poursuites des enfants contre leur père, qu’autant qu’il refuse de les doter sans raison et par une affectation injuste. Il est bien de laisser au père ce frein, afin qu’il puisse contenir ses enfans au moins par le motif de l’intérêt ; et qu’il ne puisse pas mépriser son autorité, en le contraignant à leur fournir de quoi vivre dans une union qui lui déplait » ; verbo « Dot » dans Répertoire universel…, op. cit., Tome quatrième, p. 162.
227 G. de BONNECORSE DE LUBIERES, La condition des gens mariés…, op. cit., p. 40. Voir également, J.-M. TURLAN, « Recherches sur la quarte du conjoint pauvre », dans R.H.D, n° 2, Avril-Juin 1966, p. 215.
228 Le professeur Vernier rappelle dans sa thèse que dès le Moyen Age et jusqu’à la fin de l’Ancien Régime de nombreux testateurs charitables vont également permettre par des legs particuliers la dotation de filles pauvres « leur épargnant le déshonneur et l’humiliation de la mulier indotata ». Ces libéralités vont traverser les siècles et continuer à se rencontrer dans la région de Nice ; O. VERNIER, D’espoir et d’espérance, l’assistance privée dans les Alpes-Maritimes au xixe siècle, Editions Serre, Collection Actual, Nice, 1993, p. 116.
On peut voir sur cette question : R. AUBENAS, Cours d’histoire du droit privé, Anciens pays de droit écrit (xiiie-xvie siècles), Tome II Aspects du mariage et droit des gens mariés, Librairie de l’université, Aix-en-Provence, 1954, p. 39.
Paul-Louis Malaussena notait qu’outre les legs faits aux filles pauvres, les testateurs consentaient des legs particuliers aux hôpitaux ou aux établissements de bienfaisance qui avaient pour charge de « secourir les malheurs de la cité » ; La vie en Provence orientale aux xive et xve siècles. Un exemple : Grasse à travers les actes notariés, L.G.D.J., Paris, 1969, p. 354.
Il convient également de consulter : M.-L. CARLIN, « Quelques aspects de la vie religieuse à Nice d’après les testaments » dans S.H.D.E., Mélanges Roger Aubenas, op. cit., p. 135.
De plus, les bureaux de la miséricorde avaient pour activité charitable le secours apporté aux pauvres filles et aux pauvres garçons : « L’existence de fondations ou de legs en faveur des pauvres filles est anciennement attestée dans la région toulousaine » ; L.-P. RAYBAUD, « Le bureau de la Miséricorde de Toulouse aux xviie et xviiie siècles » dans S.H.D.E., Mélanges Roger Aubenas, op. cit., p. 679.
Nous reviendrons sur cette question dans notre seconde partie en analysant les actes du mari « maître de la dot ».
229 AD BdR., 300 E 5, Formulaire à l’usage d’un notaire d’Eygalières, 1726, f°90 verso.
230 Gabriel de Bonnecorse de Lubières reconnaissait qu’en Provence entre le xive et le xvie siècle, il était aussi déshonorant de se marier sans dot que de mourir ab intestat. Même si nous ne pouvons pas pour le xviiie siècle reprendre entièrement à notre compte cette remarque force est de constater que le mariage de la fille est le moment de montrer que l’on a au mieux établi sa fille. C’est l’occasion aussi pour les plus démunis de faire étalage de leurs « richesses ». A l’inverse, les plus aisés chercheront la discrétion pour échapper aux droits fiscaux et à la publicité, comme nous le verrons dans la suite de nos développements. On retrouve deux éléments dans les formules utilisées par les notaires : la dot est le patrimoine des femmes et la dot aide le mari à supporter les charges du mariage
Jamais le notaire ne fait référence à cette obligation : « et d’autant que la dot est le patrimoine des femmes à cette cause » le père a constitué en dot à sa fille telle somme ; Voir AD BdR., 301 E 656, Luc Giraud notaire à Eguilles. Autres exemples :
- « et d’autant que la dot est le patrimoine des femmes afin que les charges du mariage soient plus facilement supportées aux causes ledit sieur X a constitué et assigné en dot à ladite demoiselle Y sa fille et pour elle à son futur époux acceptant et remerciant leurdit père et beau-père la somme de […] » ; AD BdR., 308 E 1589, Nicolas Joseph Gabriel Dufour notaire à Aix.
- « et pour l’honneur et support des charges du présent mariage constitué en sa personne ledit X père de la future épouse lequel de son gré a institué et assigné en dot à laditte Y sa fille future épouse et pour elle audit Z son futur époux » ; AD AdHP, 2 E 14951, Joseph Alexandre Hermitte notaire à Digne.
Quelques fois le notaire mentionne la constitution de dot faite par le père à sa fille sans aucune autre précision ; AD BdR., 355 E 564, Jean-François de Cormis notaire à Marseille.
231 Contrat de mariage du 4 décembre 1717 entre Jean Cosse et Françoise B. (le nom est illisible) ; AD BdR., 300 E 5, Formulaire à l’usage d’un notaire d’Eygalières, 1726, f°339 recto.
232 Par exemple, le 31 janvier 1788, le contrat de mariage entre Jean-Joseph Simian travailleur journalier et Thérèse Guitton fille d’un travailleur journalier toujours vivant contient la clause suivante : « pour contribuer aux charges dudit mariage ladite Guitton s’est constituée en dot et pour elle audit Simian son futur époux acceptant la somme de 525 livres qu’elle s’est amassée de son travail et de ses épargnes depuis qu’elle a quitté la maison paternelle » ; AD BdR., 361 E 169, Laurent Sard notaire à Marseille, f°84 verso à 85 recto.
233 AD BdR., 356 E 208, Jn. Pre. Mr. Rd. de Becary notaire à Marseille, f°383’’ recto à 384’’ recto.
Nous en donnons encore une illustration : « Ladite Françoise Nuri s’est constituée et assignée en dot et pour elle audit Bonfillon son futur époux acceptant la somme de trois cent quatre vingt dix neuf livres provenant des épargnes qu’elle a faites étant au service depuis environ neuf ans qu’elle est sortie de la maison paternelle » ; Contrat de mariage du 9 janvier 1788 entre Joseph Bonfillon journalier et Françoise Nuri fille de journalier ; AD BdR., 302 E 1340, Jean-Joseph Pissin notaire à Aix, f°29 verso à 30 verso.
Voir pour un autre exemple : AD BdR, 301 E 656, Luc Giraud notaire à Eguilles, f°624 verso à 626 recto.
234 Contrat de mariage du 3 octobre 1788 entre Benoit Fenouil garçon pâtissier et Marguerite Guirandy fille d’un travailleur à la terre ; AD BdR., 355 E 564, Jean-François de Cormis notaire à Marseille, f°641 verso à 643 verso.
235 La pratique qui consiste à prévoir, dans un testament, la dot qui sera versée à la fille au moment de son mariage est fréquente en Provence. Nous mentionnerons, à titre indicatif, les apports faits dans les testaments dans le titre second de la seconde partie : AD BdR., 305 E 198, Jean-Antoine Baille notaire à Aix, f°585 verso à 587 verso.
236 AD BdR, 302 E 1340, Jean-Joseph Pissin notaire à Aix, f°318 verso à 320 recto
237 Contrat de mariage du 8 avril 1788 entre Joseph Giraud ouvrier Bourrelier et Thérèse Rouard fille de journalier ; AD BdR., 310 E 484, Dominique Louis Devolx notaire à Ventabren, f°797 recto à 799 verso.
238 « Le régime dotal paraît avoir été la règle en Provence à cause de l’obligation de doter admise par tous les Parlements mais particulièrement étendue dans cette province, qui faisait souvent du contrat de mariage un contrat de donation de dot de la femme au mari » ; N. ARNAUD-DUC, Droit, mentalités et changement social en Provence occidentale. Une étude sur les stratégies et la pratique notariale en matière de régime matrimonial de 1785 à 1855, Edisud, Paris, 1985, p. 10.
239 C’est la position qu’a adopté par la suite le Code civil de 1804, après une âpre discussion entre les partisans du système coutumier et ceux favorables au système des pays de droit écrit, et une grande partie de la doctrine du xixe siècle. En effet, l’article 204 dispose : « L’enfant n’a point d’action contre ses père et mère pour un établissement par mariage ou autrement ».
240 Roussilhe remarque à juste titre dans son Traité de la dot qu’il est très rare qu’un père ne constitue pas de dot à sa fille et qu’entre eux s’élève un contentieux ; op. cit., Tome premier, p. 14.
241 « La justice est incontestable et le succès est indubitable. Tout père doit une dot à sa fille […]. C’est la disposition formelle de la Loy, l’esprit évident de nos statuts dans plusieurs de leurs dispositions, la doctrine de tous les interprètes et la jurisprudence de tous les arrêts. Cela n’a pas besoin d’être autorisé. On a même jugé que toutes les fois que la question s’en est présentée que le père doit une dot à sa fille lors même que cette dernière s’est mariée contre son gré pourvu que le mariage soit d’ailleurs légitime. Ainsi, dans le cas d’une fille majeure qui se marie après les actes de respect prescrits par les Ordonnances on adjuge une dot à cette dernière ainsi qu’il a été jugé dans la cause de la dame Audon contre le sieur Gassen son père de Martigues. Dans cette hypothèse on citoit plusieurs autres arrêts qui l’avoient décidé de même et comment pourroit-on se dispenser d’adjuger une dot dans pareil cas, dès qu’il est certain que tout ascendant doit les alimens à ses descendants, sauf le cas de l’ingratitude et de l’exhérédation : or entre le père et la fille la dot est le représentatif des alimens c’est-à-dire que l’obligation où le père se trouve de constituer une dot à sa fille tient de la faveur et de la nature des alimens. En vain opposeroit-on à André Jacques qu’il s’est marié sans exiger qu’on luy constituat une dot. Il n’a pas renoncé à ce droit que les Loix et la nature établissent de concert en faveur des gendres pour les mettre en état de supporter les charges du mariage. Par conséquent ce droit existe encore : le mariage a été consenti et célébré dans l’espoir d’une cohabitation qui dureroit jusqu’à la mort du beau-père. Cet espoir devient illusoire le cas d’insupport non prévu vient d’arriver. Il est juste que le beau-père qui s’est exonéré de toutes fournitures d’alimens et d’entretiens vis à vis de sa fille y supplée par une dot congrue ou compétente » ; AD BdR., 10 F 102, n° 37, Pour André Jacques contre son beau-père (Venelles), 20 novembre 1784.
242 AD BdR., 355 E 564, Jean-François de Cormis notaire à Marseille, f°156 recto à 156 verso.
243 Nous ne connaissons pas les raisons exactes qui ont conduit le père à refuser de constituer une dot à sa fille. Cependant, le registre du notaire nous apprend que le père Rougier est constructeur en bâtiments et donc d’un niveau social bien plus élevé que son gendre. On peut même se demander si Girard qui est ouvrier maçon n’est pas tout simplement l’employé de Rougier. Ce dernier n’aurait-il pas épousé la fille de son patron ?
244 AD BdR., 355 E 564, Jean-François de Cormis notaire à Marseille, f°194 recto à 196 verso.
245 Pour M. PEGUERA POCH : « Le terme légitime, au sens strict, désigne le résultat d’une action que le droit romain accorde aux enfants contre les héritiers institués par le testament de leur auteur : quand un père dépouille ses enfants par l’institution d’autres héritiers dans son testament, ses enfants ont le droit de se retourner contre ces dispositions et de demander aux héritiers institués de leur donner une partie des biens du de cujus, une legitima pars, une part légitime. Par extension, le terme légitime en est venu à signifier, à la fois, le droit de l’enfant à une part des biens dans la succession testamentaire de son père et la part des biens paternels elle-même. Chaque enfant a droit à sa légitime. Le fondement de l’action est l’affection présumée du père pour ses enfants, qui doit l’inciter à leur laisser au moins une partie de son patrimoine lorsqu’il fait son testament » ; Aux origines de la réserve héréditaire du Code civil : la légitime en pays de coutumes (xvie-xviiie siècles), thèse à paraître en 2009, PUAM, dans la collection Histoire du droit, n° 17.
Ainsi, la légitime est une portion de l’hérédité qui est due en pays de droit écrit aux enfants nés en légitime mariage sur la succession de leurs ascendants et aux ascendants sur la succession de leurs enfants légitimes. La légitime accordée aux ascendants n’est due qu’aux parents les plus proches et elle est égale au tiers de la succession que les ascendants doivent se partager. Elle pourrait être comparée à la réserve héréditaire que nous connaissons en droit positif. La légitime des enfants est différente selon le nombre et elle est dévolue selon les dispositions de la Novelle 118 de Justinien. Elle est égale au tiers des biens du de cujus c’est-à-dire au tiers de ce qu’ils auraient dû se partager si ce dernier n’avait pas disposé de ses droits par testament et était donc décédé ab intestat. S’il y a plus de quatre enfants cette légitime s’élève à la moitié des biens du de cujus. Les enfants doivent donc se partager le tiers ou la moitié de la succession du défunt. Si un seul enfant demande sa légitime alors qu’il a trois frères et sœurs il aura un 1/4 du 1/3 de la succession du défunt soit un 1/12e. En présence de 7 enfants celui qui demande sa légitime aura 1/7e de la moitié soit 1/14e. Denisart remarque d’ailleurs que cette répartition comporte un inconvénient : dans le cas où il y cinq enfants, chaque enfant aurait droit en réalité pour sa légitime à 1/10e de la succession alors qu’en présence de quatre enfants la légitime n’est que de 1/12e. Le calcul de la quotité de la légitime se révèle en réalité fort complexe et la part de l’appréciation discrétionnaire du juge en cas de conflit compte, sans doute, pour beaucoup dans le calcul de l’assiette. Il est parfois difficile de voir quels biens rentrent dans la succession pour le calcul de la légitime.
Voir sur cette question : P. ROUSSILHE, Les institutions au droit de légitime, ou recueil de la jurisprudence actuelle concernant la légitime et le supplément d’icelle, 3ème édition, Pierre Delaire, Avignon, 1778 ; C.-J. de FERRIERE, verbo « Légitime en fait de succession » dans Dictionnaire de droit et de pratique…, op. cit., Tome second, pp. 102-104 et J.-B. DENISART, verbo « Légitime » dans Collection de décisions nouvelles…, op. cit., Tome troisième, p. 95 et s.
Voir sur la Provence : Œuvres de Scipion Dupérier, op. cit., Tome premier, pp. 531 et s. avec les observations de de La Touloubre.
Il convient cependant de noter que la légitime n’est normalement due qu’au moment de l’ouverture de la succession et il est donc très délicat de calculer des droits légitimaires sur un patrimoine dont le détenteur est toujours vivant ; Maximes du Palais …, op. cit., Tome second, p. 78.
En vertu d’un acte de notoriété des avocats au Parlement de Provence du 10 mars 1689 : « La légitime ne se prend que sur les biens délaissés par le père lors de sa mort » ; Actes de notoriété donnés par M.M. les avocats et procureurs généraux au Parlement de Provence avec des observations, Nouvelle édition, Chez Veuve Girard et François Seguin, Avignon, 1772, acte XXXVIII délibéré le 10 mars 1689, p. 61.
En effet, dans les pays de droit écrit, la légitime est considérée comme pars bonorum. Suivant la définition romaine, les bona sont constitués par ce qu’il reste une fois les dettes payées et aussi par les biens donnés rapportés à la succession ; P. OURLIAC, J. de MALAFOSSE, Histoire du droit privé, Tome III « Le droit familial », Collection Thémis, P.U.F., Paris, 1968, p. 487.
246 P. ROUSSILHE, Traité de la dot…, op. cit., Tome premier, p. 15.
247 « Il est juste que le beau-père qui s’est exonéré de toutes fournitures d’alimens et d’entretien vis à vis de sa fille y supplée par une dot congrue ou compétente. On dit congrue ou compétente parce que tout de même il ne dépend pas du beau-père de ne point constituer de dot, de même il ne peut pas dépendre de luy de constituer une dot dérisoire ou insuffisante et cette dot doit au moins être à la portée et au niveau de la légitime que la fille auroit à prétendre sur les biens du père. C’est par une espèce d’approximation à cette quotité que les tribunaux sont dans l’usage de fixer en pareil cas les dots dont ils rendent la constitution forcée » ; AD BdR., 10 F 102, n° 37, Pour André Jacques contre son beau-père (Venelles), 20 novembre 1784.
Voir également B. DEBEZIEUX, Arrests notables de la Cour de Parlement de Provence, Chez P.G. Le Mercier, Desaint et Saillant, Jean-Thomas Herissant, Paris, 1750, Livre 5, chap. 2, § 2, p. 355.
248 Maximes du Palais …, op. cit., Tome premier, pp. 144-145.
Gassier est du même avis : « et l’on ne peut pas douter soit en droit, soit en jurisprudence que le père ne soit dans l’obligation de doter sa fille paternum est officium dotare filiam ». Cette dot que le père est tenu de constituer à sa fille se fixe suivant « l’état et les facultés du père. C’est tout au plus une légitime quelquefois moins suivant les circonstances » ; AD BdR., 10 F 84, n° 35, Pour un anonyme, 27 juillet 1776.
249 François Decormis (1639-1734) a été avocat au Parlement d’Aix.
250 F. DECORMIS, Recueil de consultations…, op. cit., Tome premier, Colonnes 1313 à 1314. L’auteur précise que le Parlement de Provence dans un arrêt du 23 novembre 1683 a accordé sur sa plaidoirie à la demoiselle Claire Garcin épouse du sieur Albinot un augment de dot de 6000 livres contre son père Jean Garcin. Mais, en l’espèce, on peut supposer que la constitution de dot au moment du mariage n’était pas du tout en proportion avec les facultés du père et était à l’évidence déraisonnable.
251 Maximes du Palais …, op. cit., Tome premier, p. 166.
252 J.-J. JULIEN, Elémens de Jurisprudence…, op. cit., p. 25.
253 Un arrêt antérieur avait d’ailleurs en la matière déjà adopté la même solution. En l’espèce, Anne de Thomas fille d’un enquêteur au siège général d’Aix a été la victime du rapt de Maître Guiran avocat à la Cour. Alors que l’avocat est emprisonné, une instance s’ouvre contre ce dernier pour crime de rapt. La fille demande une provision d’argent à son père mais celui-ci par un testament solennel du 16 janvier 1686 exhérède sa fille. Guiran est condamné à mort par sentence du lieutenant criminel « si mieux il n’aimoit l’épouser ». Le mariage a eu lieu en présence d’un commissaire de la Cour et d’un curé à la paroisse Sainte Magdeleine d’Aix. La fille a assigné ensuite son père pour qu’il lui constitue une dot congrue suivant ses facultés et à dire d’experts. Une sentence a attribué 300 livres de provision à la fille mariée en attendant de se prononcer sur le reste de la demande. Le père a interjeté appel de la sentence sur le fondement de multiples atteintes à l’autorité paternelle du fait de l’attitude de sa fille. La Grand’Chambre du Parlement de Provence par un arrêt du 6 mars 1687 a débouté la fille de ses requêtes en provision et en dot mais a adjugé la somme de 100 livres par an pendant la vie du père et pour ses aliments conformément à l’avis de l’avocat général qui dit que : « les alimens ne pouvoient pas être refusés comme dûs par droit de nature et que les bêtes les plus féroces nourrissent leurs productions » ; H. de BONIFACE , Suite d’Arrests notables de la Cour de Parlement de Provence, Cour des comptes aydes et finances du mesme païs, Tome second, Chez Pierre Bailly, Lyon, 1689, Livre VI, Titre VI, Chapitre I, pp. 347-351.
254 AD BdR., 10 F 84, n° 35, Pour un anonyme, 27 juillet 1776.
255 Œuvres de Scipion Dupérier, op. cit., Tome premier, p. 506.
Suivant la jurisprudence du Parlement de Provence le père ne doit « redoter » sa fille que jusqu’à concurrence de la légitime car précisent les arrêts : « la dot lui tient lieu de légitime » ; Ibid.
256 La fille Pons épouse Audier avait reçu en contrat de mariage une dot de 7000 livres qui lui avait été constituée par son père. La dame Pons a par la suite été séparée de biens de son mari et a dépensé environ 600 à 700 livres par an pour son entretien et ses aliments. Son mari est depuis décédé et la dame Pons qui a dépensé 6800 livres de la dot qui lui a été constituée dans son contrat de mariage demande une nouvelle dotation à ses frères jusqu’à concurrence de sa légitime. Les avocats préconisent aux parties d’avoir recours à des arbitres qui auront « plus de tems et plus de patience et plus de facilité que des juges de vigueries pour rapprocher les parties et pour leur donner la paix, les héritiers du père éviteront par ce moyen une estimation juridique dont ils supporteroient les onze douxièmes » ; AD BdR., 10 F 78, n° 56, Pour la dame Pons Audier contre ses frères, 31 mars 1773.
257 Consultation de Gassier ; AD BdR., 10 F 76, n° 51, Pour Messire de Callan contre Messire de Lisle de Callian (Toulon-Grasse), 11 mars 1771.
258 Œuvres de Scipion Dupérier, op. cit., Tome troisième, p. 77.
259 Ibid.
260 Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 153.
261 « Le père est tenu de redoter sa fille jusques à la concurrence de sa légitime, après la mort du mari mais non point pendant sa vie » ; Ibid., p. 146.
262 Consultation de Gassier ; AD BdR., 10 F 76, n° 51, op. cit.
263 Telle est la jurisprudence établie par le Parlement de Provence le lundi 26 janvier 1646. Cet arrêt a confirmé la sentence du Lieutenant de Draguignan. En l’espèce, le sieur Gaston a constitué en dot à sa fille Isabeau lors de son mariage 2000 livres. Son mari décède quinze mois plus tard. La veuve ne reprend sur sa dot que 1200 livres car son défunt mari est mort alors qu’il était dans une situation financière difficile. La dame Isabeau Gaston se remarie avec le sieur Mérindol. Ce dernier assigne son beau-père en paiement des 800 livres dont son épouse est perdante du fait de son premier mariage. Mérindol fonde son action sur le fait que le père qui donne à sa fille un mari insolvable est obligé de doter encore une fois sa fille quand celle-ci perd tout ou partie de sa dot du fait d’un mari insolvable. Le père se défend en invoquant le fait qu’il n’est tenu de doter une nouvelle fois sa fille que jusqu’à concurrence de la légitime et que les 1200 livres que sa fille a déjà reçues sont proportionnellement plus importantes que la légitime à laquelle cette dernière a droit eu égard aux biens du père. Cette argumentation a été reçue en première instance et en appel et le demandeur Mérindol a été débouté ; H. de BONIFACE, Arrests notables…, op. cit., Tome premier, Livre VI, Titre VII, Chapitre I, pp. 442-443.
264 « La redotation est réduite à la légitime, et cette circonstance nous apprend que la fille ne doit pas être en perte de sa légitime par la faute de son père. L’imprudence de ce dernier, le mauvais choix qu’il a fait ne doit pas faire perdre à sa fille ce droit sacré que la loy civile lui donne de concert avec celle de la nature ; il faut donc qu’elle ait toujours la légitime pleine et l’on ne peut lui passer au compte de ce droit que ce qu’elle a retiré des mains de son mari. L’hoirie du père est tenue du reste. Le père doit payer la légitime en entier quand la dot est toute perdue. Quand elle ne l’est qu’en partie, le père doit bonifier ce qui manque. Le principe de la décision est tiré de ce que la fille ne doit pas perdre sa légitime en tout ou partie par un mauvais mariage que son père lui aura fait contracter et par les payemens imprudens qu’il aura fait à son gendre » ; AD BdR., 10 F 76, n° 51, op. cit.
265 Gassier dans une consultation anonyme du 14 avril 1785 qui faisait suite à un mémoire de la partie adverse montrait bien que son confrère n’avait pas trouvé d’arguments juridiques pour éviter à son client de « redoter » sa fille et que la question ne portait en réalité que sur le montant de cette « redotation » : « La dot payée au mari est perdue tant pour le père que pour la fille. Elle est tellement perdue pour cette dernière qu’elle est au cas de demander une redotation qui doit s’élever au niveau de la légitime ainsy que le père est forcé de le reconnaître dans le mémoire à consulter » ; AD BdR., 10 F 109, n° 34, Pour un anonyme sur la question de la « redotation », 14 avril 1785.
266 Œuvres de Scipion Dupérier, op. cit., Tome premier, p. 507.
« Cette obligation passe à l’héritier du père, mais non point à la mère, au frère, ni aux autres parents collatéraux ». Telle est la jurisprudence du Parlement de Provence énoncée dans un arrêt du 27 novembre 1751 conforme d’ailleurs à la jurisprudence développée sur ce point par le Parlement de Toulouse ; Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 146.
« De ce que c’est le devoir du père de doter sa fille, le père sera-t-il tenu de la redoter, lorsque la dot est perdue par l’insolvabilité du mari[…]. On tient communément dans les pays de droit écrit, que le père est obligé de redoter sa fille, parce que lui choisissant un mari, il devoit le choisir solvable ou du moins assurer la dot, pourvu néanmoins que la perte de la dot ne doit pas arriver par la faute et la négligence de la fille […]. Mais l’obligation de redoter n’a lieu qu’à concurrence de la légitime […]. Il faut remarquer encore que cette obligation ne regarde que le père. La mère qui a constitué la dot à sa fille, ni le frère qui a constitué une dot à sa sœur, n’en sont pas tenus ». En ce sens, un arrêt du Parlement de Provence du 29 mars 1634 a jugé que l’action en « redotation » intentée par la fille n’a pas lieu contre les tiers possesseurs des biens du père ; J.-J. JULIEN, Elémens de Jurisprudence…, op. cit., pp. 67-68.
267 Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 146.
268 Cet avis est exprimé par Dupérier dans ses nouvelles questions notables de droit ; Œuvres de Scipion Dupérier, op. cit., Tome troisième, p. 77. Par arrêt du 23 décembre 1655 entre Esprite Darbon femme de Simon Hugolin et Laurent Barronil, il fut jugé par le Parlement de Provence que ce droit à la redotation étant une faveur personnelle à la femme, « une espèce d’équité », il ne peut passer à ses héritiers. Cette jurisprudence a été confirmée le 30 mars 1740, dans une espèce où des enfants héritiers de leur mère demandaient contre leur aïeul maternel une seconde dotation leur père étant insolvable. Ils ont été déclarés non recevables ; J.-J. JULIEN, Elémens de Jurisprudence…, op. cit., p. 68.
269 Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 147.
270 P. ROUSSILHE, Traité de la dot…, op. cit., Tome premier, p. 18. Voir également sur cette question les pages précédentes.
271 Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 144.
272 Ibid.
273 Voir par exemple : Contrat de mariage du 18 janvier 1770 entre Jacques Thumain marchand quincaillier et Thérèse Seguin fille d’un notaire décédé : « afin que les charges en soyent plus facilement supportées à cette cause ladite dame Marianne Chauvel veuve Seguin a constitué et assigné en dot à laditte demoiselle Thérèse Seguin sa fille et pour elle audit sieur Jacques Thumin son futur époux et gendre acceptant le somme de 8000 livres dont il procède deux milles livres du chef dudit feu Joseph Michel Seguin son père et 6000 livres du chef de ladite Marianne Chauvet » ; AD BdR., 301 E 656, Luc Giraud notaire à Eguilles, f°69 recto à 74 verso. Ou encore : « Pour le support des charges dudit mariage ladite Pardigon a constitué et assigné en dot à laditte Mittre sa fille et pour elle audit Teste son futur époux […] la somme de 1400 livres procédant du legs à elle fait par le testament dudit Pierre son père » reçu par un notaire en date du 28 février 1784. La future mariée reçoit également en dot 200 livres du chef de sa mère ; Contrat de mariage du 14 avril 1789 entre Joseph Teste jardinier et Marie Mittre fille d’un jardinier décédé ; AD BdR., 302 E 1337, François Boyer notaire à Aix, f°68 recto à 71 verso.
De même dans le contrat de mariage du 9 mai 1789 entre Jean-Michel Gautier garçon charron et Magdeleine Guiran fille d’un travailleur décédé la mère constitue à sa fille une dot de 800 livres. 600 livres proviennent du legs fait par testament du père de la mariée et 200 livres proviennent de la mère constituante ; AD BdR., 303 E 621, François Martin Guiran notaire à Vauvenargues Le-Puy-Sainte-Réparade, f°335 recto à 336 verso.
Dans le contrat de mariage du 2 septembre 1788 entre le notaire Joseph Millard et Marie Thérèse Jouglard fille d’un bourgeois décédé la mère constitue à sa fille une dot de 2000 livres procédant du legs fait par son père dans un testament du 30 juin 1772 ; AD BdR., 310 E 476, Joseph Millard notaire à Velaux, f°2753 verso à 2755 recto.
274 La constitution de dot est de 700 livres à savoir 600 livres au prix du trousseau et 100 livres en meubles meublants et effets « au moyen de quoy ladite Marie Ollivier ne pourra point demander le legs que ledit feu Honnoré Ollivier son père luy a fait par son testament » ; Contrat de mariage du 13 août 1770 entre Joseph Garcin garçon meunier et Marie Ollivier fille d’un ménager décédé ; AD BdR., 305 E 190 Jean-Antoine Baille notaire à Aix, f°382 recto à 385 recto.
275 Par exemple : « laditte Constance constitueroit ainsy que ledit Bourrely son fils agissant de son ordre constitue en dot à laditte Elizabeth Bourrely et pour elle audit Bonsignour tous deux acceptant la somme de 299 livres 19 sols 6 deniers » ; Contrat de mariage du 29 janvier 1770 entre Joseph Bonsignour maître maçon et Elizabeth Borrely fille d’un laboureur, AD BdR., 360 E 184, J.-Bte Gourdan notaire à Marseille, f°32 verso à 33 verso.
Voir également le contrat de mariage du 25 avril 1789 entre Joseph Rizons travailleur journalier et Anne-Rose Martine dont le père est décédé. La mère et le fils constituent une dot de 355 livres à leur fille et sœur. 200 livres proviennent du chef paternel et 100 livres du chef maternel ; AD BdR., 310 E 545, Henry Gros notaire à Vitrolles, f°771 recto à 773 verso.
276 B. DEBEZIEUX, Arrests notables…, op. cit., Livre 5, chap. 2, § 2, p. 355.
277 Sur un échantillon de 248 contrats de mariage nous ne trouvons qu’à 16 reprises un frère qui dote sa sœur soit dans 6,45 % des cas sachant que pour 110 de ces mariages le père est décédé. Sur un échantillon plus large de 430 contrats de mariage 26 fois le frère constitue une dot à sa sœur soit dans 5,2 % des contrats. De plus, dans plus d’un tiers des contrats le frère dote sa sœur conjointement avec sa mère : « la dot faisant le propre patrimoine des femmes pour que les charges du mariage puissent être plus facilement supportées à ces causes laditte Terris mère et Orinier frères solidairement les uns pour les autres ont constitué et assigné en dot a laditte Orinier future épouse et pour elle audit Marroc acceptant, la somme de deux cent cinquante deux livres a compte des droits successifs sur l’hérédité dudit feu Orinier père que laditte future épouse auroit à prétendre » ; Contrat de mariage du 27 janvier 1789 entre Jean Baptiste Marroc domestique berger et Rose Orinier fille de journalier, AD BdR., 310 E 484, Dominique Louis Devolx notaire à Ventabren, f°797 recto à 799 verso.
Quand le frère dote sa sœur le notaire prend la peine de préciser l’origine des deniers qui proviennent presque toujours de la succession des parents décédés. En réalité lorsque le frère dote sa sœur il le fait avec de l’argent qu’il lui doit : « à cette cause Joseph Aymard frère, fils unique et héritier ab intestat de feu Joseph son père a constitué et assigné en dot à laditte Marie Aymard sa sœur et pour elle audit Rouard futur époux acceptant la somme de quatre cents livres […] pour les droits que laditte Marie Aymard auroit à prétendre dans la succession dudit feu Joseph Aymard père » ; Contrat de mariage du 4 janvier 1789 entre Joseph Rouard journalier et Marie Aymard fille de journalier, AD BdR., 310 E 484, Dominique Louis Devolx notaire à Ventabren, f°788 verso à 791 recto.
Il arrive que plusieurs frères constituent une dot à leur sœur : « et pour aider à supporter les charges dudit mariage, lesdits Pierre et Honnoré Bourrillon ont constitué et assigné en dot à la demoiselle Rose Bourrillon leur sœur la somme de 200 livres pour tous droits tant paternels que maternels » ; Contrat de mariage du 6 janvier 1750 entre Alexandre Coquillac travailleur et Rose Bourrillon fille d’un ménager décédé ; AD BdR., 302 E 1307, Pierre Garcin notaire à Aix, f°6 recto à 8 recto. De même, dans le contrat de mariage du 6 mai 1770 entre Antoine Gibaud ménager et Marie Giraud fille d’un ménager, deux frères constituent à leur sœur une dot en qualité d’héritiers testamentaires. La dot de 700 livres provient d’un legs fait par le père dans un testament du 14 septembre 1762 ; AD BdR., 310 E 473, Joseph Millard notaire à Velaux, f°422 verso à 424 recto.
Une seule fois un frère dote sa sœur alors que ses parents sont encore vivants mais ce dernier agit en vertu d’une procuration de son père : « ledit Sébastien Amphoux en la susditte qualité et suivant son pouvoir a constitué en dot en nom et cause d’icelui à laditte Magdeleine Amphoux sa sœur et pour elle audit Jean-Joseph Farcy son beau-frère la somme de cinq cent nonante neuf livres […] sçavoir la somme de cinq cent nonante neuf livres cinq cent soixante trois livres du chef dudit Jean Amphoux père et trente six livres du chef de laditte Durbec sa mère » ; Contrat de mariage du 31 octobre 1788 entre Jean Joseph Farcy ménager et Magdeleine Amphoux fille de ménager, AD BdR., 310 E 541, Jean Baptiste Bertrand notaire à Vitrolles, f°271 verso à 274 recto.
278 « A l’égard du frère, il ne doit rien à ses sœurs ; ainsi on ne seroit l’obliger à leur constituer des dots. Cependant M. Debézieux […] atteste que son Parlement a jugé que le père et à défaut les frères germains sont tenus de doter leurs sœurs ; eu égard à leur légitime. Cela est particulier à ce Parlement » ; P. ROUSSILHE, Traité de la dot…, op. cit., Tome premier, p. 18.
Julien pense que c’est « improprement » que l’on appelle dot spirituelle la somme que donne le père pour l’entrée en religion de sa fille : « il ne peut y avoir de dot que dans le mariage et s’il n’y point de mariage il ne peut y avoir de dot ». L’avocat rappelle que par un arrêt du 18 mai 1656 et un du 26 juin 1759 le Parlement de Provence a appliqué à la constitution de « dot spirituelle » faite par le père des règles différentes de celles qu’il applique habituellement en matière de mariage ; J.-J. JULIEN, Elémens de Jurisprudence…, op. cit., pp. 66-67.
279 Contrat de mariage du 5 mai 1788 entre Alexis Rouard ménager et Françoise Apy fille de travailleur ; AD BdR., 310 E 476, Joseph Millard notaire à Velaux, f°2736 verso à 2738 recto.
280 « La Loi Julia impose l’obligation de doter aux parents paternels de la femme, et à défaut de parents, celle –ci doit à l’aide d’un tuteur ou d’un curateur, se constituer une dot ; cette dot peut-être également apportée à la femme par un étranger » ; A. EYQUEM, Le régime dotal…, op. cit., p. 7.
281 Ainsi, « l’an mil sept cent quatre vingt huit et le neuvième jour du mois d’avril après midy il est ainsy que Me Joseph Chapus docteur en médecine de la ville de St Chamas diocèse d’Arles auroit contracté mariage avec demoiselle Anne Catherine Thérèse Carry fille de M Pierre Joseph Carry bourgeois et de Dame Thérèse Amalric de cette ville et par son contrat de mariage du quatorze septembre mil sept cent soixante et treize reçu par Me Sard notaire en cette ville ledit sieur Joseph Carry ayeul de laditte demoiselle Carry auroit entre autre constitué en dot a sa petite fille la somme de 6000 livres » ; Accord portant quittance respective par le sieur Pierre Joseph Carry et Me Joseph Chapus ; AD BdR., 355 E 564, Jean-François de Cormis notaire à Marseille, f°237 verso à 240 verso.
Dans un contrat de mariage du 14 janvier 1788 unissant un travailleur journalier et la fille d’un travailleur journalier, on peut voir un père et une grand-mère paternelle constituer une dot à une future épouse de 500 livres dont 400 livres du chef paternel et 100 livres du chef de l’aïeule. Mais la situation est différente dans la mesure où le père est toujours vivant ; AD BdR., 302 E 1472, Alexandre Marcellin Perrin notaire à Aix, f°686 recto à 688 verso.
282 Sylvie Ollier donne des chiffres comparables concernant les contrats de mariage à Draguignan ; S. OLLIER, Régime dotal et pratiques communautaires d’après les notaires de Draguignan (1655 à 1715), op. cit., pp. 25 et s. Germain Sicard arrive à des conclusions comparables concernant Toulouse et la campagne toulousaine pour la même période ; G. SICARD, « Comportements juridiques et société : les contrats de mariage avant et après la Révolution (Toulouse et pays toulousain) » dans Notaires, Mariages, Fortunes dans le Midi toulousain sous la direction de G. Sicard, P.U. des sciences sociales de Toulouse, Toulouse, 1997, p. 104 et 122.
283 En effet, 82 fois sur 248 contrats de mariage retenus pour notre sondage la fille se constitue seule une dot étant précisé que seulement dans six cas le père est encore vivant. Donc dans 33,06 % des cas une fille se constitue seule une dot dans son contrat de mariage. Ce chiffre s’élève à plus de 70 % si l’on considère le nombre de fois où une fille se constitue seule une dot alors que son père est décédé.
284 Fréquemment le notaire précise d’où proviennent les deniers constitués en dot par l’épouse seule. Par exemple dans le contrat de mariage du 20 avril 1788 Thèrèse Gazelle qui promet de se marier avec Thomas Blanc travailleur journalier se constitue en dot 699 livres 15 sols. Le notaire nous apprend que 300 livres lui ont été léguées par sa mère dans son testament et 399 livres 15 sols pour les droits qui lui reviennent dans la succession de son père » ; AD BdR., 301 E 656, Luc Giraud notaire à Eguilles, f°707 verso à 708 verso.
Dans le contrat de mariage du 16 mai 1789 entre Michel Bourre laboureur et Geneviève Cauvin orpheline de père, la future épouse se constitue 200 livres de dot « qu’elle s’est acquittée du fruit de son travail et de ses épargnes » ; AD BdR., 357 E 219, Guairard notaire à Marseille, f°531 recto à 531 verso.
De même dans le contrat de mariage du 26 janvier 1788 entre François Mouren travailleur journalier et Rose Maurin fille d’un travailleur journalier décédé le notaire fait preuve d’une extrême précision « pour contribuer aux charges du mariage ladite Maurin future épouse s’est constituée en dot et pour elle audit Mouren son futur époux acceptant la somme de 453 livres et 15 sols qui consistent en 175 livres pour le montant de sa légitime paternelle et maternelle liquidée au douzième attendu le nombre de quatre enfants sur 2100 livres du montant des biens délaissés par sesdits père et mère y compris la dot de sa mère en 78 livres quinze sols pour 9 années d’intérêts desdits droits légitimaires et en deux cents livres pour le montant des gages ou salaires » ; AD BdR., 361 E 169, Laurent Sard notaire à Marseille, f°71 recto à 73 verso.
285 « Et d’autant que la dot est le patrimoine des femmes afin que les charges du mariage soient plus facilement supportées à ces causes ledit sieur Joseph Leydet a constitué et assigné en dot à laditte demoiselle Adelaïde Anne Leydet et pour elle audit sieur François Balthazard Ehiriès son futur époux acceptant et remerciant leurdits père et beau-père la somme de deux mille livres dont il procède sçavoir mille huit cents livres du chef paternel et deux cents livres du chef maternel » ; Contrat de mariage du 23 juillet 1788 entre François Balthazard Ehiriès maître tailleur d’habits et Adelaïde Anne Leydet fille d’un distillateur d’eau de vie ; AD BdR., 308 E 1589, Nicolas Joseph Gabriel Dufour notaire à Aix, f°203 verso à 206 recto.
286 On s’aperçoit même si le père est le constituant principal, c’est-à-dire celui que le notaire désigne comme étant le membre de la famille qui apporte une dot à la future mariée, dans près de 27 % des constitutions une partie de la dot provient du chef maternel. Quelques fois le père et la mère constituent conjointement une dot à leur fille. Le notaire Jean-Antoine Baille, par exemple, utilise fréquemment ce type de constitution, faisant figurer le père et la mère comme constituants principaux.
287 « Il est essentiel que le père qui constitue une dot à sa fille, et dans laquelle il veut comprendre ce qui lui revient des biens de sa mère, spécifie ce qu’il entend lui donner de ce chef ; autrement s’il emploie dans le contrat des termes vagues, tant pour droits paternels que maternels, sans faire une distinction plus précise, cette dot est censée faite de son propre chef, et tout le payement s’en prend sur ses biens propres, à moins qu’ils ne fussent insuffisans » ; Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 148.
288 Le Parlement de Bordeaux décide, au contraire, que si le père a fait, dans le contrat de mariage, une constitution de dot à prendre sur ses biens et sur ceux de son épouse sans préciser la part de chacun, la dot se paie par moitié sur le capital de l’un et de l’autre. Voir sur cette question BRETONNIER, verbo « Dot » dans Recueil par ordre alphabétique des principales questions de droit qui se jugent diversement dans les différents Tribunaux du Royaume avec des réflexions pour concilier la diversité de la Jurisprudence et la rendre uniforme dans tous les Tribunaux, Troisième édition augmentée de nouvelles notes et additions par Monsieur Boucher d’Argis, Tome premier, Chez Guillin, 1756, p. 207 et p. 209.
289 H. de BONIFACE, Arrests notables…, op. cit., Tome premier, Livre VI, Titre I, Chapitre I, p. 403.
290 Ibid.
Cet arrêt de règlement est rappelé par J.-J. JULIEN, Elémens de Jurisprudence…, op. cit., p. 64 et dans les Maximes du Palais… , op. cit., Tome premier, p. 148.
291 Le rédacteur du Code civil ajoutait : « Dans l’ancienne jurisprudence lorsque le père déclarait que la dot était constituée sur les biens paternels et maternels, sans fixer la quotité pour laquelle elle serait imputée sur chacun des deux patrimoines, la dot demeurait tout entière à la charge du père » ; Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, op. cit., Tome treizième, pp. 595-596.
292 « Le père [est] censé s’être chargé lui seul de toute la constitution quoiqu’il l’ait vaguement imputée sur les droits tant paternels que maternels et nonobstant la constitution ainsi conçue la fille demeure toujours créancière de ce dernier […]. Telle est la maxime de la Cour » ; Consultation de Gassier et Arnulphy, AD BdR., 10 F 65, n° 33, Pour le sieur Turcan et autres gendres de feu Joseph Caire (Apt), 13 avril 1764.
293 Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 142.
294 Ibid., p. 148.
295 Ibid., p. 150.
296 Œuvres de Scipion Dupérier, op. cit., Tome premier, pp. 505 et s et p. 513 pour les observations du commentateur de La Touloubre.
297 F. DECORMIS, Recueil de consultations…, op. cit., Tome premier, Colonne 1311.
298 La valeur du patrimoine paternel sera appréciée le jour de la mort du père constituant et non le jour du contrat de mariage ; Œuvres de Scipion Dupérier, op. cit., Tome premier, p. 505.
Il convient cependant de noter que l’avis contraire a été défendu et que de La Touloubre rapporte un arrêt du Parlement de Provence rendu en 1643 qui a décidé qu’une constitution de dot imprécise sur la répartition entre droits paternels et maternels doit être entièrement rejetée sur les biens du père constituant mais le juge doit tenir compte de l’état des biens du constituant au moment du mariage de sa fille et au jour de son décès ; Ibid., p. 513. Mais le dernier état de la jurisprudence est conforme à l’avis de Dupérier : « La seule exception que l’on pouvoit faire à la règle dans le cas d’une constitution faite effuso sermone sur les droits tant paternels que maternels serait si le père constituant n’était pas assez riche pour faire la constitution en entier de son chef. Cette exception est littérale dans les arrêts de la Cour mais l’on a raison de dire dans le mémoire à consulter que c’est au tems de la mort du père que cette considération de la suffisance de ses biens doit être consultée : c’est donc sur l’état de son héritage lors de son décès s’il avoit ou non du bien en suffisance pour faire une pareille constitution » ; AD BdR., 10 F 65, n° 33, op. cit.
299 Si la mère est prédécédée et que le père constitue une dot à sa fille effuso sermone pour tous les droits tant paternels que maternels la loi décide que dans ce cas « n’ayant point été fait de distribution de la somme sur les droits paternels et sur les maternels la constitution doit être rejetée en entier sur les droits paternels et demeure tout à la charge du père » mais « quoique la règle soit constamment que la constitution faite par le père effuso sermone s’impute régulièrement sur les droits paternels tant seulement sans qu’on puisse la porter sur les droits maternels, néanmoins les arrêts de la Cour même ceux de règlement et notamment celui du 28 septembre 1645 ont décidé que quand le père constituant est insolvable, ou que son patrimoine ne peut pas suffire à remplir en entier la dot constituée, on en rejette une partie sur les droits maternels » ; AD BdR., 10 F 103, n° 17, Pour André Hugues contre Vincent Hugues (Toulon), 17 février 1785.
300 Dupérier rapporte à ce sujet un arrêt du Parlement de Provence de 1662 ; OEuvres de Scipion Dupérier, op. cit., Tome premier, p. 506. Voir également : J.-J. JULIEN, Elémens de Jurisprudence…, op. cit., p. 66.
301 Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 149.
302 H. de BONIFACE, Arrests notables…, op. cit., Tome premier, Livre VI, Titre I, Chapitre V, pp. 405-406.
Mais pour que le mari puisse agir contre sa belle-mère pour exiger l’entier paiement de la dot promise il faut qu’il attende que son beau-père insolvable soit décédé. Cette jurisprudence est la même devant le Parlement de Grenoble et le Parlement de Toulouse.
303 Contrat de mariage entre François Barret ménager et Thérèse Pignon fille de ménager ; AD BdR., 310 E 476, Joseph Millard notaire à Velaux, f°2716 verso à 2718 recto.
Les notaires des autres lieux font preuve de la même rigueur. En voici quelques exemples :
« Et parce que la dot est le patrimoine des femmes et que par ce moyen les charges du mariage en sont plus facilement supportées à cette cause ledit Louis Sibaud père a constitué et assigné en dot et pour elle audit Teston son futur époux qu’elle constitue pour l’exaction et acquittement son procureur irrévocable la somme de neuf cents livres de laquelle il en procède huit cents livres du chef paternel et cent livres du chef de la mère » ; Contrat de mariage du 21 janvier 1788 entre François Teston travailleur journalier et Marie Catherine Sibaud fille d’un travailleur journalier ; AD AdHP, 2 E 389, Chaudon notaire à Valensole, f°199 verso à 202 recto.
« Ledit Thorame père a constitué et assigné en dot à ladite Magdeleine Thorame sa fille et pour elle audit Roux son futur époux et beau-fils la somme de cinq cents livres sçavoir quatre cent septante cinq livres du chef paternel et vingt cinq livres du chef maternel » ; Contrat de mariage du 15 avril 1788 entre Jean Baptiste Roux journalier et Magdeleine Thorame fille de journalier ; AD BdR., 310 E 484 Dominique Louis Devolx notaire à Ventabren, f°660 verso à 662 verso.
« Ledit Pierre Martin a constitué en dot à ladite Anne Rose Martin sa fille la somme de huit cents livres sçavoir cent vingt cinq livres du chef de laditte Félicité Deleuil [la mère de la mariée] desquelles ledit Martin en fait l’avance et six cent soixante et quinze livres de son chef » ; Contrat de mariage du 14 avril 1789 entre Jean François Salier travailleur journalier et Anne Rose Martin fille d’un travailleur journalier ; AD BdR., 310 E 545, Henry Gros notaire à Vitrolles, f°767 verso à 768 verso.
On trouve les mêmes précisions chez les notaires d’Aix, de Marseille ou de Digne et dans tous les endroits consultés.
304 Par exemple : « ledit Michel Merende et ladite Catherine Castel son épouse qu’il authorise à l’effet des présentes ont constitué et assigné en dot à laditte Madeleine Merende leur fille et pour elle audit Lambert son époux » ; Contrat de mariage entre Denis Lambert travailleur journalier et Madeleine Mérende fille de travailleur journalier, AD BdR., 305 E 198, Jean-Antoine Baille notaire à Aix, f°50 recto à 52 verso.
305 Contrat de mariage du 29 décembre 1787 entre Jean Baptiste Seguin bourgeois de la ville d’Aix et Thérèse Scholastique Daubergue fille de bourgeois ; AD BdR., 308 E 1589, Nicolas Joseph Gabriel Dufour notaire à Aix, f°203 verso à 206 recto.
306 « Pierre Chauvin et Jeanne Elizabeth Gassaud père et mère de la future épouse lesquels de leur gré ont constitué et assigné en doct à laditte Marie Catherine Chauvin leur fille et pour elle audit Antoine Serraire son futur époux […] la somme de cent nonante livres procédant savoir cent livres du chef dudit Chauvin père et nonante livres du chef de laditte Gassaud mère » ; Contrat de mariage du 28 juillet 1788 entre Antoine Serraire travailleur journalier et Marie Catherine Chauvin fille d’un travailleur journalier ; AD AdHP, 2 E 14942, Charles Simon notaire à Digne, f°327 verso à 329 verso.
Si la constitution de dot a été faite par le père et la mère mais par deux actes distincts, le paiement se fait séparément sur l’un et l’autre des patrimoines sans que la mère ne puisse être tenue en cas d’insolvabilité de son mari. Nous n’avons jamais rencontré cette hypothèse dans les minutes notariales.
A l’inverse, si le père et la mère ont conjointement constitué une dot à leur fille sans que cette constitution soit solidaire et que le père insolvable au moment du mariage est mort insolvable, la fille dotée ou ses héritiers peuvent demander l’entier paiement de la dot à sa mère ou à ses héritiers. Ainsi, Honoré Goiran a épousé Marguerite Aymesse. Une dot de 210 livres a été constituée par le père et la mère sans plus de précision dans le contrat de mariage. Goiran n’a pas reçu les 210 livres. Il se retourne contre les héritiers de ses beaux-parents. Ces derniers avaient répudié l’héritage de leur père et se proposaient de payer la moitié de la valeur de la dot pour remplir l’obligation pesant sur l’héritage de leur mère. Le Lieutenant d’Istres a condamné les héritiers à payer entièrement la dot promise faisant droit à la demande du mari. Les frères de la mariée interjettent appel devant le Parlement de Provence estimant qu’ils n’ont pas à payer la totalité du montant de la dot constituée à leur sœur car, d’une part, ils n’ont pas recueilli la succession de leur père et, d’autre part, l’obligation portée dans le contrat de mariage n’est pas solidaire. L’intimé oppose que dans la mesure où une dot a été constituée conjointement il n’est pas nécessaire de préciser qu’il en découle une obligation solidaire entre le mari et la femme. Par un arrêt du 7 février 1702 de la Chambre des enquêtes la Cour, par un arrêt confirmatif de la sentence du Lieutenant, a jugé que si le père de la mariée était insolvable lors du mariage, sa femme qui avait conjointement constitué une dot à sa fille devait la lui payer entièrement. La fille, ou son mari, doit cependant prouver l’insolvabilité du constituant au moment du mariage. Cette jurisprudence est comparable à celle élaborée par le Parlement de Toulouse ; B. DEBEZIEUX, Arrests notables…, op. cit., Livre 5, Chap. 2, § 1, pp. 353-355.
307 Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 149.
308 Seule la jurisprudence relative à une dot constituée par un mineur à sa sœur reste contradictoire. Une fille mineure qui se constitue en contrat de mariage une dot trop importante par rapport à l’état de sa fortune peut être rescindée « nonobstant la faveur de la dot » car « la lésion du mineur est beaucoup plus considérable que le privilège de la dot ». Cette règle rapportée par Dupérier s’applique-t-elle au frère mineur constituant ? La jurisprudence n’est pas fixe sur ce point. Certains arrêts ont reconnu le droit au frère de faire annuler la constitution de dot promise à sa sœur notamment lorsqu’elle constituait tout ou partie de son patrimoine. Certains autres arrêts, en particulier celui de 1629, considéraient que l’on ne pouvait pas revenir sur la constitution de dot faite à une sœur qui avait fait un mariage avantageux. A contrario, un arrêt du Parlement de Provence du 14 juin 1651 a accordé à un mineur la restitution envers le cautionnement d’une dot promise à sa sœur par leur père. Louis Ventre de La Touloubre reconnaît avec justes raisons que « la diversité des arrêts a eu pour principe celle des circonstances ; et je ne doute pas que dans un cas semblable […] ou qui en approchât, c’est-à-dire si la constitution de dot absorboit une partie des biens du mineur, il ne fut restitué. C’est comme l’a observé Dupérier, une raison très faible à opposer, que cette considération du mariage contracté sur la foi de cette constitution. Le mari doit s’imputer de n’avoir pas fait attention au secours que celui avec qui il contractoit, trouveroit un jour dans la disposition des Loix pour s’affranchir de son obligation. Il faut observer qu’en pareil cas on ne réduit pas la dot […] on accorde sans restriction la restitution au mineur » ; Œuvres de Scipion Dupérier, op. cit., Tome troisième, p. 285.
309 Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 145.
310 Ibid.
311 J.-L. HALPERIN, Histoire du droit privé français depuis 1804, P.U.F., Quadrige, Paris, 2001, p. 30.
312 C.-J. de FERRIERE, verbo « Contrat de mariage » dans Nouvelle introduction à la pratique contenant les termes de pratique de droit et de coutume avec les juridictions de France, Nouvelle édition revue, corrigée et augmentée, Tome premier, Chez Joseph Saugrain, Paris, 1745, p. 425.
313 L’avocat ajoute au même endroit : « Ce seroit inutilement qu’après la bénédiction des conjoints, feroient un acte pour y déclarer que tous les biens de la femme seront dotaux ou paraphernaux, qu’elle aura tel avantage ; un pareil acte ne pourroit rien opérer et il n’en faudroit pas moins suivre la Loi à laquelle sont assujettis ceux qui n’ont point passé de contrat de maraige » ; P. ROUSSILHE, Traité de la dot…, op. cit., Tome premier, p. 80.
314 Maximes du Palais..., op. cit., Tome premier, p. 135.
315 « Les conventions matrimoniales doivent se faire avant la célébration du mariage ; il n’est plus temps de les faire après que le mariage ait été célébré » ; R.-J. POTHIER, Traité de la communauté, op. cit., Tome VIII, p. 4.
316 BMVR, Bibliothèque de l’Alcazar, Marseille, Fonds rares et précieux, J.-B. REBOUL, « Du contract de mariage des constitutions de dot des conventions matrimoniales et de tout ce qui regarde le droit des mariez » Traité n° 3, Ms 622, p. 160.
317 R. VILLERS, « Note sur l’immutabilité des conventions matrimoniales dans l’ancien droit français. Origines de l’article 1395 (ancien) du Code civil » dans Etudes historiques offertes à Jean Yver, Droit privé et institutions régionales, P.U.F., Paris, 1976, p. 681.
318 « La dot peut être constituée pendant le mariage tout comme elle peut être aussi augmentée, même en argent pendant le mariage […] et la femme aura pour cette dot constituée ou augmentée le même privilège que la Loi adsiduis […] observée dans cette province donne aux dots constituées lors du mariage […] pourvu toutes fois que la constitution ou l’augmentation faite durant le mariage ait été faite en fonds et en immeubles et que si elle a été faite en objets mobiliers ou en argent ç’ait été sans fraude, en un tems où le mari n’avoit aucun créancier et pourvue encore que cette dot constituée ou augmentée ait été réellement comptée » ; C. SERRES, Les institutions du droit français suivant celles de Justinien accomodées à jurisprudence moderne et aux nouvelles ordonnances, enrichies d’un grand nombre d’arrêts du Parlement de Toulouse, Seconde édition revue et corrigée, Chez la veuve Cavelier et fils, Paris, 1760, p. 187.
319 L’expression « augmentation de dot » ne désigne pas en Provence une donatio propter nuptias comparable au douaire. « Augment de dot » s’emploie pour désigner une augmentation de la dot faite au cours du mariage c’est-à-dire un apport fait par l’épouse ou un tiers pour elle au mari destiné à augmenter la part de la contribution de l’épouse aux charges du mariage. Bonnemant précise : « Il ne faut pas entendre ici par l’augment celui qui vient ex dispositione legis, qui n’a pas lieu parmi nous, et qui dans d’autres pays fait partie des gains nuptiaux » ; Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 151.
320 Ibid., p. 140.
321 J.-J. JULIEN, Elémens de Jurisprudence…, op. cit., p. 49.
322 Consultation de Gassier ; AD BdR., 10 F 65, n° 46, Pour demoiselle Elizabeth Laure contre le sieur Jacques Chabert (Cuers), 6 juin 1764.
323 JANETY, Journal du Palais de Provence ou recueil des arrêts rendus depuis les derniers journalistes par le Parlement et la Cour des Aides de cette province, Années 1782-1783-1784, Chez André Adibert, imprimeur du Roi, Aix, 1785, Arrêt XXXIV, p. 298.
324 Les futurs époux « ont promis et promettent se prendre et épouser en vrai et légitime mariage en face de notre Sainte Mère l’église catholique apostolique romaine à la première réquisition que l’une des parties fera à l’autre » ; Contrat de mariage du 15 janvier 1788 entre Simon Megy travailleur journalier et Marie Anne Baume fille d’un maçon ; AD AdHP, 2 E 14951, Joseph Alexandre Hermitte notaire à Digne, f°206 verso à 211 recto. Le même type de formule est utilisé par tous les notaires provençaux : « lequels futurs mariés ont promis se prendre l’un et l’autre pour vrays et légitimes époux et le présent mariage faire célébrer et solenniser en face de notre Sainte Mère l’Eglise Catholique apostolique et romaine à la première réquisition de l’un d’eux » ; Contrat de mariage du 15 octobre 1770 entre Antoine Fouque et Cécile Pons (on ne connaît pas les professions des futurs maris et beau-père), AD BdR., 309 E 1455, Jean-François Allard notaire à Aix, f°326 recto à 328 verso.
325 « ensuite du mariage entre eux conclud qu’ils ont promis faire célébrer et solenniser » ; Contrat de mariage du 10 janvier 1750 entre Ambroise Curvier travailleur et Anne Roussier Fille d’un travailleur ; AD BdR., 301 E 390, Gabriel Rambot notaire à Aix, f°716 verso à 717 verso.
Voir encore la formule suivante : « et voulant les futurs mariés rédiger en contrat public leurs accords et conventions matrimoniales » ; Contrat de mariage du 6 janvier 1770 entre Jean-Pierre Davin horloger et Marie Thérèse Couteron fille d’un maître tonnelier ; AD BdR., 305 E 190, Jean-Antoine Baille notaire à Aix, f°224 verso à 227 recto.
« les parties ont déterminé de rédiger en contrat civil les articles et accords matrimoniaux verbalement arrêtés lors dudit traité » ; Contrat de mariage du 31 mars 1788 entre Joseph Clauss garçon cordonnier et Rose Barriol fille d’un cordonnier ; AD BdR., 305 E 198, Jean-Antoine Baille notaire à Aix, f°89 verso à 91 recto.
326 En 1567, le fils d’un écuyer d’Aix se marie avec la fille d’un seigneur. Une dot de 1800 écus est déterminée mais le contrat de mariage notarié ne sera signé que le 10 janvier 1575 soit 8 ans plus tard (AD BdR., 307 E 784, f°1 à 5). Les mariés ont déjà à cette date 6 enfants. Voir : C. DOLAN, Le notaire, la famille et la ville…, op. cit., p. 73.
327 J. DEPINAY, Le régime dotal étude historique, critique et pratique, Marchal et Billard Imprimeurs-Editeurs, Librairie de la Cour de cassation, Paris, 1902, p. 13.
328 En voici quelques exemples : « lesquels voulant rédiger en contrat public les conventions matrimoniales faites avant leur mariage qui a été célébré depuis le huit janvier dernier » ; Contrat de mariage du 3 février 1789 entre Pierre Martel tailleur de pierres et Marianne Marthe Bonfillon fille d’un meunier ; AD BdR., 307 E 1297, Jean-Boniface Brémond notaire à Aix, f° 608 recto à 609 verso.
« lesquelles parties duement mariées depuis environ six mois en face de notre église catholique apostolique et romaine désirant rédiger en acte public leurs conventions matrimoniales » ; AD BdR., 301 E 387, André Joseph Bertet notaire à Aix, f° 203 verso à 206 recto.
« ensuite des épousailles par eux célébrées dans le courant du mois de septembre à la paroisse Saint Sauveur de cette ville et voulant rédiger en acte public leurs conventions verbales » ; Contrat de mariage du 15 février 1789 entre Antoine Girard travailleur journalier et Marie Becaru fille d’un travailleur journalier ; AD BdR., 308 E 1589, Nicolas Joseph Gabriel Dufour notaire à Aix, f°354 recto à 356 recto.
329 Pour le contrat cité : AD BdR., 301 E 497, Michel Giraud notaire à Eguilles, f° 65 recto à 66 recto.
« comme soit que le mariage auroit été célébré depuis environ deux années dans la paroisse Saint-Ferréol de la ville de Marseille » ;Contrat de mariage du 13 août 1770 entre André Joudan et Thérèse Bourelly (on ne connaît pas les professions du mari et du beau-père) ; AD BdR., 309 E 1455, Jean François Allard notaire à Aix, f° 238 recto à 239 recto.
330 Contrat de mariage du 11 avril 1722 entre Jean Autheman marchand facturier et Marie Brun fille d’un bourgeois : « lequel mariage par l’entremise de leurs bons parents a été accomply et consumé depuis environ trois ans en face de nottre sainte mère Eglise catholique apostolique et romaine dans laditte ville de Marseille » ; AD BdR., 300 E 6, Formulaires de divers notaires d’Eygalières, Orgon, Saint-Rémy xviie-xviiie siècles, f° 64 recto.
331 Les notaires de Haute-Saône font preuve de la même rigueur au xviiie siècle comme le notait Philippe Sturmel dans un récent article. Dans un contrat de mariage du 3 avril 1751 le notaire utilisait la formule suivante : « ayant réfléchi qu’ils se sont mariés depuis environ deux mois et demi sans avoir fait rédigé par écrit les conventions de leur mariage qu’ils avaient déjà réglés verbalement entre eux ». L’auteur précise cependant que sur un échantillon de 500 contrats de mariage environ il n’a rencontré qu’une seule fois un contrat de mariage authentique postérieur à au mariage. Le principe de l’immutabilité des conventions matrimoniales semble ainsi beaucoup plus prégnant qu’en Provence ; P. STURMEL, « De quelques comportements matrimoniaux en Haute-Saône au xviiie siècle » dans M.S.H.D.B., Volume 61, 2004, Dijon, 2005, p. 140 et p. 140 note 14.
332 « Lesquels de leur gré mutuelle stipulation intervenant ont déclaré qu’ensuite du traité et accord de leur mariage et articles sur ce dressés, ils se sont pris l’un l’autre en vrays et légitimes époux en face de notre sainte mère église catholique apostolique et romaine par devant le sieur curé de l’église dudit Saint Marc de Gaumegarde depuis le treize février mille sept cent quarante huit » ; Contrat de mariage du 6 janvier 1750 entre Alexandre Coquillac travailleur et Rose Bourrillon fille d’un ménager ; AD BdR., 302 E 1307, Pierre Garcin notaire à Aix, f° 117 recto à 118 recto.
Il arrive de trouver des formules plus imprécises de ce type mais elles font toujours référence à un accord préalablement conclu : « lesquelles parties voulant rédiger en contrat public les conventions matrimoniales entre eux arrêtés et sous lesquelles elles se sont mariées » ; Contrat de mariage du 3 mars 1770 entre Jacques Lauzat et Marianne Deleil ; AD BdR., 309 E 1455, Jean François Allard notaire à Aix, f° 117 recto à 118 recto.
« ayant été convenu lors du traité de mariage » ; Contrat de mariage du 16 février 1770 entre Jean-Joseph Rey négociant et Marianne Thérèse Daraynes ; AD BdR., 360 E 184, J. Bte Gourdan, notaire à Marseille, f° 72 verso à 73 verso.
333 AD BdR., 300 E 77, Formulaire d’un notaire d’Aubagne, fin xvie siècle, non folioté.
334 « Françoise Hugues avoit un contract de mariage portant constitution de dot et ce contract étoit sans doute légitime quoiqu’intervenu après le mariage contracté, d’autant que d’une part le contract fait après les épousailles est considéré comme la rédaction des pactes antérieurement accordés et d’un autre côté la Loi déclare en termes bien exprès que la dot peut être constituée soit avant, soit lors du mariage, soit après. Il est donc certain que la constitution de dot existe légitimement. Elle ne pourroit être attaquée qu’autant que Françoise Hugues seroit en état de prouver qu’elle a été forcée et que la constitution n’a pas été volontaire auquel cas il faudroit se pourvoir en réscision » ; Consultation de l’avocat Gassier défavorable à la partie qui le consulte ; AD BdR., 10 F 76, n° 7, Pour Françoise Hugues contre André Faye son mari (Toulon), 29 septembre 1771.
335 « Cet augment peut se faire ainsi que la constitution, pendant le mariage, tant par la femme mariée, que par ses parens » ; Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 151.
336 Dans un contrat de mariage conclu deux ans après sa célébration : « Pour aider à suporter les charges du mariage lesdits Pierre et Honnoré Bourrillon ont constitué et assigné en dot à ladite Rose Bourrillon leur soeur la somme de deux cens livres pour tous ses droits tant paternels que maternels, laquelle ladite somme lesdits Coquillac père et fils ont confessé avoir reçu desdits Bourrillon frères sçavoir 100 livres réellement en espèces du cours au vu de nous notaires et témoins et 100 livres au prix des coffres, robes bagues et proviments a ce estimé par amis communs depuis lesdites épousailles le tout retiré par ledit Coquillac père, par-dessus la susdite constitution ladite Rose Bourrillon s’est constitué tous ses autres biens et droits meubles et immeubles présents et à venir » ; Contrat de mariage du 6 janvier 1750 entre un travailleur et la fille d’un ménager décédé ; AD BdR., 302 E 307, Pierre Garcin notaire à Aix, f° 6 recto à 8 recto. On peut voir par exemple que suite à l’ouverture d'une succession un contrat peut-être passé durant le mariage : « Lesquelles parties voulant rédiger en contrat public les conventions matrimoniales entr'eux arrêtées et sous lesquelles elles se sont mariées ; à ces causes ladite Marianne Deleuil s’est constituée en dot et pour elle audit Lauzat son mary la somme de 400 livres du legs en argent à elle fait par le dit Mathieu Deleuil son père dans son testament du 7 mars 1763 » ; Contrat de mariage du 3 mars 1770 entre Jacques Lauzat et Anne Deleuil, AD BdR., 309 E 1455, Jean François Allard notaire à Aix, f° 117 recto à 118 verso.
Dans le contrat de mariage entre Jean-Louis Balp frippier et Rose Chabrier les époux passent un contrat de mariage le 5 mai 1788 alors qu’ils sont mariés depuis le 13 septembre 1787. L’épouse se constitue en dot 199 livres 19 sols et le mari déclare avoir reçu 99 livres 19 sols avant la célébration du mariage et les 100 livres restantes il doit les prendre au bureau des pauvres de Remoulon ; AD BdR., 355 E 564, Jean-François de Cormis notaire à Marseille, f° 334 verso à 336 verso.
De même dans le contrat de mariage du 18 février 1788 entre Denis Lambert travailleur journalier et Madeleine Meren fille d’un travailleur journalier on apprend que les époux sont mariés depuis le 12 novembre 1787. Le père et la mère constituent une dot à leur fille de 899 livres 18 sols et le contrat précise que 399 livres 18 sols ont été reçues le jour de la célébration du mariage ; AD BdR., 305 E 198, Jean-Antoine Baille notaire à Aix, f° 50 recto à 52 verso.
337 On peut consulter sur la problématique des changements apportés au régime matrimonial initial : J.-F. POUDRET, « Liberté et mutabilité des conventions matrimoniales en pays romands (xiiie-xvie siècles) dans R.H.D., n° 2 Avril-Juin 2000, p. 233-247.
338 Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, op. cit., Tome treizième, pp. 594-595.
339 A. EYQUEM, Le régime dotal…, op. cit., p. 33.
340 Nous employons dans notre titre, à la manière des juristes d’Ancien Régime, le terme contre-lettres pour des actes qui n’ont parfois rien d’une simulation comme nous le verrons dans nos développements. En effet, il arrive qu’un acte authentique modifie le contrat de mariage et il sera assimilé à une contre-lettre. En réalité, est considérée comme une contre-lettre au contrat de mariage tout acte fait avant ou après la bénédiction nuptiale et qui tend à modifier l’économie du régime mis en place par le contrat de mariage. En effet, un acte qui tendrait simplement à expliquer le contrat ne pourrait pas être considéré comme une contre-lettre.
341 P. ROUSSILHE, Traité de la dot…, op. cit., Tome premier, p. 92.
342 « Les contre-lettres sont des pactions ou conventions secrettes faites contre un contrat, dérogeantes à icelui ou aux clauses qui y sont portées » ; C. de FERRIERE, La science parfaite des notaires…, op. cit., p. 65
343 Telle est la disposition de la nouvelle Coutume de Paris dans son article 258 ; Ibid.
344 « On appelle ainsi toutes les conventions qui attaquent la substance ou teneur du contrat de mariage, qui en détruisent les clauses, qui le altèrent, les diminuent ou y dérogent. Ces contre-lettres sont défendues et ne peuvent donner atteinte au contrat mariage, si elles ne sont faites avant la célébration du mariage, et en présence des parens qui ont signé au contrat, ou du moins en présence de ceux au préjudice de qui elles sont faites, et qu’il y en ait minute au pied du contrat » ; C.-J. de FERRIERE, verbo « Contre-lettres en fait de contrat de mariage » dans Dictionnaire de droit et de pratique…, op. cit., Tome premier, p. 373.
345 C. ABOUCAYA, « Contre-lettres en fait de mariage (xvie-milieu du xviiie siècle) » dans Mélanges en l’honneur du professeur Jean-Pierre Beguet, Faculté de droit, Université de Toulon et du Var, 1985, p. 463.
346 AD BdR., 9 F 1 Bis, Cours de droit manuscrits xviiie siècle, verbo « Des docts et mariages ».
347 « La raison pour laquelle ces contre-lettres sont défendues, est que les conventions portées par les contrats de mariage sont inviolables : c’est une foi publique qui ne peut être éludée par aucune paction secrette » ; C.-J. de FERRIERE, verbo « Contre-lettres en fait de contrat de mariage » dans Dictionnaire de droit et de pratique…, op. cit., Tome premier, p. 373.
348 P.-J. BRILLON, verbo « Contre-lettres, mariage » dans Dictionnaire des arrêts ou jurisprudence universelle des Parlemens de France et autres tribunaux, Nouvelle édition revue, corrigée et augmentée, Tome premier, Chez Guillaume Cavelier père et fils, Michel Brunet et Nicolas Gosselin, Paris, 1727, p. 413.
On retrouve la même idée dans l’édition de 1758 de la Science des notaires. En effet, les contre-lettres faites aux contrats de mariage sont valables si elles ont été faites « en la présence des mêmes parents qui ont assisté au contrat de mariage, ou qu’elles servent seulement à expliquer quelque chose de douteux dans le contrat de mariage » ; C.-J. de FERRIERE, La science parfaite des notaires ou le parfait notaire, Tome premier, Nouvelle édition par F.B. de Visme, Chez Mouret, Paris, 1758, p. 113.
Pour Rousseaud de la Combe : « Contre-lettres, tant avant qu’après le contrat de mariage, sont absolument nulles […] de même que les donations entre fiancés hors la présence des parens qui ont assisté au contrat de mariage […] contre-lettres en la présence des parents qui ont assisté au contrat de mariage sont valables » ; G. du ROUSSEAUD de LA COMBE, verbo « Contre-lettre » dans Recueil de jurisprudence civile, du pays de droit écrit et coutumier, Chez Nyon fils, Paris, 1767, p. 109.
349 Œuvres de Scipion Dupérier, op. cit., Tome troisième, pp. 437-440.
L’arrêtiste Debézieux rapporte le même arrêt avec la même solution juridique. Cependant ce dernier dit qu’en réalité la contre-lettre faite par le fils à son père précisait que son père pourrait disposer de 400 livres et non des 300 mentionnés dans le contrat de mariage. Le père a fait des legs jusqu’à concurrence des 400 livres portés dans la contre-lettre. Sur demande du fils lésé le Parlement a annulé la contre-lettre et a réduit les legs faits par le père à la somme de 300 livres ; B. DEBEZIEUX, Arrests notables…, op. cit., Livre 5, Chap. 2, § 5, p. 358.
Le magistrat languedocien Claude Serres a d’ailleurs fait rendre au Parlement de Toulouse un arrêt conforme à son opinion le 11 mai 1737 dans une espèce similaire. La Grand'Chambre a décidé una vôce que le père qui en mariant son fils avait promis de l’instituer héritier de tous ses biens, distraction faite d’une somme déterminée, dans le contrat pour établir et doter sa fille « s’étoit lié les mains pour cette réserve d’une somme fixe et certaine […] de façon à ne pouvoir disposer de rien au-delà ». Le père n’a donc pas pu par un testament postérieur charger son fils d’une pension viagère supplémentaire au profit de ses filles ; C. SERRES, Les institutions du droit français…, op. cit., pp. 254-255.
350 H. de BONIFACE, Arrests notables…, op. cit., Tome premier, Livre V, Titre II, Chapitre I, p. 341.
351 Ibid., pp. 340-341.
352 Ibid., p. 341.
353 En l’espèce Boniface. était l’avocat du mari et Dupérier. l’avocat du père de la mariée ; H. de BONIFACE, Arrests notables…, op. cit., Tome premier, Livre V, Titre II, Chapitre II, p. 341.
354 H. de BONIFACE, Suite d’Arrests notables…, op. cit., Tome second, Livre V, Titre I, Chapitre V, p. 257.
355 Ibid., p. 257.
356 Ibid., p. 258.
357 Ibid.
358 B. DEBEZIEUX, Arrests notables…, op. cit., Livre 5, Chap. 2, § 5, p. 358.
Cet arrêt est d’ailleurs repris par Guyot comme étant un arrêt fondateur du principe en vertu duquel : « une contre-lettre qui tend à restreindre la dot, ne puisse pas nuire à la femme ». L’auteur ajoute : « c’est un principe universellement reçu dans la jurisprudence et qui a été confirmé dans un arrêt du Parlement de Provence du 26 mai 1698 » ; GUYOT, verbo « Dot. » dans Répertoire universel…, op. cit., Tome sixième, p. 239.
359 La dame de Bécheran avait marié la dame Thérèse Lombard de Gourdon sa petite-fille à M. le Président de Bouilhon. Par contrat de mariage, elle lui a constitué une dot de 12000 livres. Parallèlement, elle a fait une promesse verbale en vertu de laquelle elle s’engageait à donner 1000 écus de plus. Pour remplir cette promesse, elle a le 8 mars 1709 passé par écrit l’acte suivant : « Je soussigné reconnois devoir à Monsieur le Président de Bouilhon, la somme de 3000 livres pour pareille que j’ai promis de donner à dame Thérèse de Lombard de Gourdon ma petite fille en augmentation de sa dot, lors de son contrat de mariage avec M. le comte de Boulhon, en faveur de madite fille ». L’aïeule de la mariée déclare, en outre, que ses héritiers seront tenus par cette obligation. Après le décès de la constituante son gendre M. Charles Lombard de Gourdon Marquis de Montauroux et conseiller du Roi au Parlement de Provence et la fille de la défunte, la dame de Montouroux héritière, ont refusé le paiement des 3000 livres aux motifs que l’obligation contractée par la défunte était une contre-lettre prohibée par les maximes qui défendent de ne rien changer au contrat de mariage hors la présence de tous les parents qui les ont signés ; B. DEBEZIEUX, Arrests notables…, op. cit., Livre 5, chap. 2, § 6, p. 359.
360 Ibid.
361 Ibid., pp. 359-360.
362 L’auteur attribue, en effet, à l’arrêtiste Debézieux. des arguments développés par l’appelant et que ce dernier prend la peine de rappeler et notamment celui consistant à dire que les contre-lettres qui augmentent les avantages des futurs époux peuvent être préjudiciables aux parents qui ont constitué la dot et n’ont pas été présents à la contre-lettre. Les appelants appuient leur raisonnement sur les avis de Louët et Brodeau. Voir C. ABOUCAYA, « Contre-lettres en fait de mariage (xvie-milieu du xviiie siècle) », op. cit., p. 472 et B. DEBEZIEUX, Arrests notables…, op. cit. ; Livre 5, chap. 2, § 6, p. 360.
363 Ibid., p. 362.
364 Ibid.
365 AD BdR., 10 F 101, n° 35, Pour les hoirs Beaudin contre ladite Engelfred (Toulon), 25 juillet 1784.
366 Maximes du Palais… , op. cit., Tome premier, p. 141.
367 « Les deux conjoints ne pouvoient pas consentir à la réduction de la dot et de la donation de survie par ce que les contre-lettres sont absolument défendues quand elles sont contraires aux articles et qu’elles tendent à réduire les sommes qui s’y trouvent énoncées ». Les avocats Gassier et Pascal précisent dans leur consultation commune que telle est « la jurisprudence de tous les parlements du Royaume » ; AD BdR., 10 F 60, n° 61, Pour Jean Demoure et Catherine Thibaut mariés (Auribeau, Grasse), 27 juillet 1759.
368 De La Touloubre note que : « La règle générale est que toutes les contre-lettres faites tant avant qu’après le mariage et qui dérogent ou donnent atteinte aux conventions matrimoniales sont nulles » ; Œuvres de Scipion Dupérier., op. cit., Tome troisième, p. 440
369 C.-J. de FERRIERE, verbo « Contre-lettres en fait de contrat de mariage » dans Dictionnaire de droit et de pratique…, op. cit., Tome premier, pp. 373-374.
On retrouve la même idée exprimée avec plus de force par le jurisconsulte provençal Decormis : « L’autre fondement de tel rejet est la passion de l’amour pendant laquelle il est facile d’estorquer telle promesse qu’on veut […]. Et si la promesse faite par le malade au médecin n’est pas valable l’amour est une plus forte maladie » ; F. DECORMIS, Recueil de consultations…, op. cit., Tome premier, Colonne 1354.
370 P. ROUSSILHE, Traité de la dot…, op. cit., Tome premier, p. 92.
371 F. DECORMIS, Recueil de consultations…, op. cit., Tome premier, Colonne 1353.
Gassier apporte cependant une exception et avoue que les contre-lettres sont valables lorsqu’elles tendent seulement à réduire les intérêts et les fruits que produit la dot et non le capital dotal lui-même. Il dit que telle est la jurisprudence du Parlement de Paris, de Toulouse et de Provence. Mais il reconnaît tout de même que : « sur cette matière on ne peut guère citer que des arrêts et des doctrines la prohibition des contre-lettres n’étant prononcée ni par le droit ni par les ordonnances » ; AD BdR., 10 F 70, n° 35, Pour un anonyme, 27 juillet 1776.
372 AD BdR., 10 F 84, n° 26, Pour le sieur Cavalier père (Gourdon), 1er mars 1767.
373 Ibid.
374 Ainsi, « la raison pour laquelle les contre-lettres et contre-promesses sont prohibées au préjudice des conventions du mariage est principalement fondée sur le privilège du contrat, lequel étant un acte tout public et lieu de cérémonie et de solennités ne peut être altéré par ces actes clandestins qui sont éloignés de la bienséance de l’acte et du respect qui est dû aux parens communs qui y sont assemblés pour être non seulement témoins mais arbitres et médiateurs des conventions auxquelles ils ont quelque intérêt tant pour la conservation de l’honneur de la famille que pour l’espérance de la succession que la nouvelle alliance leur donne » ; F. DECORMIS, Recueil de consultations…, op. cit., Tome premier, Colonnes 1353-1354.
Dans le même sens, « les donations ou institutions contractuelles faites en faveur du mariage sont au surplus si fort irrévocables, qu’il n’y peut être dérogé par aucune convention postérieure des parties, non plus qu’à aucun article des conventions matrimoniales concernant l’avantage des mariés ou de leurs enfans :ces changements ou ces dérogations sont appelées des contre-lettres, parce qu’elles se font contre la lettre du contrat de mariage et on les casse sur ce fondement que tout ce qui est porté par les contrats de mariage, est immuable suivant la Coutume générale de ce Royaume » ; C. SERRES, Les institutions du droit français…, op. cit., p. 257.
375 C.-J. de FERRIERE, La science parfaite des notaires…, op. cit., Tome premier, p. 173.
376 R.-J. POTHIER, Traité de la communauté, op. cit., Tome VIII, p. 5.
377 GUYOT, verbo « Contrat de mariage » dans Répertoire universel…, op. cit., Tome quatrième, pp. 611-612.
378 R.-J. POTHIER, Traité de la communauté, op. cit., Tome VIII, p. 5.
379 « Ces règlemens n’ont cependant pas suffit pour empêcher qu’il ne se passât dans quelques provinces plusieurs contrats de mariage sous signature privée : c’est un abus auquel il seroit très intéressant de remédier. On conçoit qu’il est facile de supprimer un pareil contrat de mariage et que le mari ou la femme abusant de l’ascendant qu’ils ont l’un sur l’autre, peuvent substituer à cet acte de nouvelles conventions préjudiciables à des enfans ou à des collatéraux. On élude ainsi […] les règlemens qui défendent les contre-lettres » ; GUYOT, verbo « Contrat de mariage » dans Répertoire universel…, op. cit., Tome quatrième, p. 611.
380 « On appelle articles de mariage, dans la plus grande partie de la France et pactes de mariage dans quelques contrées du Languedoc, les clauses de l’écrit privé par lequel des futurs conjoints stipulent, de l’autorité et de l’agrément de leurs parens les conditions de leur prochain mariage » ; PROST DE ROYER, RIOLZ, verbo « Article » dans Dictionnaire de jurisprudence…, op. cit.,Tome septième, p. 6.
381 Voir GUYOT, verbo « Articles de mariage » dans Répertoire universel…, op. cit., Tome premier, p. 637.
382 Ibid., pp. 637-639.
Voir également : C.-J. de FERRIERE , verbo « Articles de mariage » dans Dictionnaire de droit et de pratique…, op. cit., Tome premier, p. 118 et C.-J. de FERRIERE, La science parfaite des notaires…, op. cit., Tome premier, p. 224.
Pour Denisart les articles de mariage sont : « des dispositions qui se font par écrit des clauses et conditions sous lesquelles un futur mariage doit se contracter. Ces sortes de propositions, quoique signées des deux familles qui s’unissent ne suppléent pas le contrat de mariage. Leur effet est d’opérer des dommages et intérêts contre celui qui refuse d’exécuter les promesses de mariage qu’ils constatent ; verbo « Articles de mariage » dans Collection de décisions nouvelles…, op. cit., Tome premier, pp. 162-163.
383 Concernant les familles plus modestes, au contraire, il est important de passer un acte authentique et de constituer une dot à la fille à mariée même si le plus souvent cette dot ne porte que sur des biens très peu importants. L’objectif est radicalement différent : montrer que la famille a du bien pour établir sa fille et qu’elle a été « bien mariée ».
384 Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 141.
385 AD BdR., 10 F 78, n° 16, Pour le sieur Messalguy contre la demoiselle Meyffren (Marseille), 29 février 1772. En pays de coutumes, les règles en vigueur sont totalement différentes : « Le traité qui seroit fait sous seing privé, seroit sujet à reconnoissance ; encore faudroit-il qu’elle se fit avant la célébration du mariage, et en présence de toutes les personnes qui auroient signé au traité de mariage fait sous seing privé. Si ce traité étoit simplement fait sous signature privée, et qu’il ne fût pas reconnu, non seulement il ne porteroit point hypothèque, mais encore, ne faisant foi ni de sa date, ni de son contenu, il seroit considéré comme non fait, ou comme n’ayant eu d’existence qu’après la célébration du mariage ; ainsi, tout ce qui s’y trouveroit compris seroit nul ; et il faudroit s’en tenir au contrat que la Coutume fait elle-même pour ceux qui se marient sans faire de contrat » ; C.-J. de FERRIERE, La science parfaite des notaires…, op. cit., Tome premier, p. 173.
386 « La maxime est donc constante. On ne peut pas contester l’hypothèque aux articles de mariage à raison de ce qu’ils n’existent que par écrite privée moins encore le débiteur de la dot constituée par ces articles pourroit-il exciper de ce que la dot n’est point partie dans un contrat de mariage » ; Consultation de Gassier ; AD BdR., 10 F 83, n° 46, Pour le sieur Chaix contre le sieur Antoine Lyon (Barcelonnette), 5 avril 1776.
387 Ce principe ne semble connaître qu’une exception : « il n’y a que les illettrés qui ne puissent pas jouir de cette alternative, parce qu’ils ne peuvent pas dire qu’ils ont signé des accords privés avant les épousailles » ; JANETY, Journal du Palais…, op. cit., Années 1782-1783-1784, Arrêt XXXIV, p. 298.
388 Consultation de Gassier, Pascalis et Barlet ; AD BdR., 10 F 101, n° 14, Pour le Messire de Guérin Ricard, 25 mai 1784.
La validité des contrats de mariage sous signature privée paraît être en contradiction avec l’ordonnance de 1731 sur les donations du Chancelier d’Aguesseau. En effet, nombre de contrats de mariage contiennent des donations faites par des tiers aux époux ou des donations de survie faites entre époux et l’article premier de l’ordonnance dispose : « Tous actes portant donations entre vifs seront passés par-devant notaires, et il en restera minute à peine de nullité ». Mais l’ordonnance précise cependant aux articles 19, 20 et 21 que les donations faites dans les contrats de mariage en ligne directe ne seront pas sujettes à la formalité de l’insinuation contrairement à toutes les autres donations qui y sont soumises à peine de nullité. Seules les donations de survie entre époux, faites dans le contrat de mariage, ne seront pas non plus sujettes à l’insinuation. « L’insinuation peut être définie [comme] une mesure de publicité donnée aux donations par la transcription de tout ou partie de l’acte sur des registres officiels mis à la disposition du public qui peut les consulter et en avoir copie ou extrait » ; H. REGNAULT, Les ordonnances civiles du Chancelier Daguesseau, Les donations et l’ordonnance de 1731, Bibliothèque d’Histoire du droit publiée sous les auspices de la société d’Histoire du droit, Recueil Sirey, Paris, 1929, p. 269.
C’est l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 qui a instauré l’insinuation légale ou judiciaire des donations entre vifs y compris celles faites en contrat de mariage. Ces dispositions ont été complétées par l’ordonnance de Moulins de 1566 et par une déclaration de mai 1645. Toutes les donations entre vifs ou à cause de mort ainsi que les substitutions doivent être insinuées. « En dehors de cette insinuation judiciaire une insinuation fiscale a vu le jour en décembre 1703, date à laquelle un édit établit l’insinuation suivant le tarif. Afin que cet enregistrement soit fructueux, furent ajoutés aux donations, substitutions et autres actes déjà soumis à l’insinuation judiciaire les contrats, les mutations de biens et de nouvelles catégories d’actes. Un an après, en juillet 1704, était créée « l’insinuation suivant le centième denier », droit de 1 % portant sur les actes de mutation d’immeubles, à l’exception des mutations en ligne directe » ; A. CHAULEUR, « Le minutier central des notaires de Paris » dans Histoire de la justice 8-9, 1996, pp. 88-89.
389 AD BdR., 240 E 203, Recueil des actes de notoriété expédiés par M.M. les syndics des avocats et avocats postulants au Parlement d’Aix depuis 1688, acte de notoriété CCXIII fait à Aix le 30 mars 1780, f°188.
Dans la version imprimée des actes de notoriété le commentateur de ces actes note : « il a été jugé par plusieurs Arrêts et c’est là une Maxime qu’on ne révoque plus en doute, que les articles de mariage donnoient hypothèque du jour de la bénédiction nuptiale » ; Actes de notoriété…, op. cit., acte XXXVIII délibéré le 7 mai 1726, p. 61.
390 La présence des parents est nécessaire pour donner le plus de poids possible aux articles de mariage et le témoignage de leur présence permet d’établir plus aisément l’existence des contrats de mariage sous signature privée : « Il n’étoit pas possible que le sieur Lyons ignoroit que sa sœur étoit mariée sous des articles signés par le curateur de l’épouse du sieur Chaix étoient connus des parents ainsi qu’on seroit en état de le prouver à ce qu’on expose, et leur témoignage seroit valable nonobstant la qualité de parents puisqu’il est de principe que les personnes de la famille sont très capables de déposer dans les causes concernant les parents communs et […] les titres domestiques et intérieurs » ; AD BdR., 10 F 83, n° 46, Pour le sieur Chaix contre le sieur Antoine Lyon (Barcelonnette), 5 avril 1776.
Lorsqu’un avocat est consulté sur la manière de rendre inattaquables les articles de mariage, ce dernier se déclare favorable à la présence des parents et à la multiplication des signatures au bas des articles : « il faut bien prendre garde que les articles soient signés par les parties intéressées, les père et mère de la future qui vivent encore suivant l’exposé du mémoire à consulter mais encore par les curateurs dont la signature dans les circonstances exposées paroit être de nécessité et de plus comme les articles privés peuvent devenir dans la suite matière à contestation et que souvent le sort et l’état des familles en dépendent, il faut autant qu’on pourra les faire signer par le plus grand nombre de personnes possibles de parents et amis qui assisteront au mariage. Ces dernières signatures ne sont pas de nécessité absolue mais elles donneront une force supplémentaire aux articles ainsy qu’à la foy qui leur est accordée par les tribunaux de justice » ; Consultation de Gassier ; AD BdR., 10 F 111, n° 53, Pour un mineur fiancé s’il peut épouser sans assistance d’un curateur par de simples articles et s’ils doivent être signés par les futurs et le curateur, 7 août 1788.
Cependant, la présence des parents, même si elle est souhaitable lorsqu’ils sont vivants, n’est pas une condition de validité des articles de mariage : « la signature des parens n’est que d’honneur […] ou tout au plus de convenance et non de nécessité. Il suffit dans la règle que les articles soient signés et souscrits par les parties intéressées pour être moins solennels ils n’en sont pas moins légitimes » ; AD BdR., 10 F 65, n° 46, Pour demoiselle Elizabeth Laure contre le sieur Jacques Chabert (Cuers), 6 juin 1764.
391 Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 141.
392 La question de l’hypothèque dotale sera abordée infra.
393 « Les soussignés consultés sur le droit et l’usage relativement à ce qui concerne l’hypothèque des articles de mariage sur les biens du père qui a promis la dot et qui est encore débiteur soit en tout soit en partie, estiment qu’il n’y a pas plus de doute sur cette question que sur les biens du mari qui a reçu la dot, la disposition du droit, la coutume locale et les arrêts rendus par le Parlement de Provence ne permettent pas d’en douter. Le texte qui donne l’hypothèque aux articles est dans le droit romain. L’hypothèque pour la dot est donnée par le texte de la manière la plus expresse tant contre le mary qui se soumet à la restitution de la dot que contre la femme qui la promet. La Loi place l’hypothèque des deux côtés […] soit qu’il s’agisse de l’obligation contractée par les mariés, ou de celle que contracte le tiers relativement à la dot. Dans tous les cas, l’hypothèque a lieu même sans distinction des personnes par lesquelles la dot a été promise ou qui l’ont reçue […]. Les auteurs du païs n’ont jamais élevé le moindre doute sur le double effet de l’hypothèque résultant des articles de mariage » ; Consultation de Gassier, Pascalis et Barlet. ; AD BdR., 10 F 101, n° 14, Pour le Messire de Guérin Ricard, 25 mai 1784.
394 AD BdR., 10 F 111, n° 53, op. cit.
395 On peut noter l’importance de la dot apportée par l’épouse dans ce contrat de mariage sous signature privée. Nous reviendrons sur cette question dans la suite de nos développements et notamment sur la question du secret des familles et de l’intérêt que certaines familles peuvent avoir pour ce type d’acte sous signature notamment vis à vis de la fiscalité en général et du droit de contrôle en particulier.
396 Suivant le contrat de mariage sous signature privée entre le sieur Roche et la demoiselle Ripert la dot se compose de coffres, meubles, capitaux et biens fonds.
397 François Joseph Pochet (1729-…) était avocat au Parlement d’Aix, Assesseur d’Aix et procureur du pays de Provence en 1777 et 1778. Il a été député du Tiers Etat aux Etats Généraux (1789).
398 Précis de l’avocat Pochet, B.U. droit Aix-en-Provence, Réserve, Recueil de factums du xviiie siècle, Réserve cote 10646, Pour le sieur Elséar Antoine Roche, résidant au lieu d’Ansouis en qualité de mari et maître de la dot et droits dame Marguerite de Ripert, défendeur en exploit libellé du 14 août 1784 contre Jeanne Annezin du lieu de Cucuron demanderesse, p. 5.
399 L’avocat ajoute : « La femme ne peut avoir dans aucun sens la disposition de sa dot pendant le mariage soit qu’elle dérive d’une constitution générale, ou d’une constitution particulière : que jamais la femme ne peut porter la moindre atteinte par son propre fait à la jouissance et à l’administration qui en sont dévolus au mari » ; Ibid., pp. 5-6.
400 Annotation manuscrite précédent le factum, B.U. droit Aix-en-Provence, Réserve, Recueil de factums du xviiie siècle, Réserve cote 10646, non folioté.
401 Ibid.
402 « L’hypothèque de la dot constituée ou promise dans des articles d’écriture privée n’a pas lieu seulement du jour du mariage sur les biens du mari qui l’a reçue, elle a lieu encore en faveur du mary contre la femme ou les autres personnes qui ont promis la dot » ; Consultation de Gassier, Pascalis et Barlet ; AD BdR., 10 F 101, n° 14, op. cit.
403 PROST DE ROYER, RIOLZ, verbo « Article » dans Dictionnaire de jurisprudence…, op. cit., Tome septième, p. 7.
404 Ibid.
405 J.-J. JULIEN, Nouveau commentaire…, op. cit., p. 435.
406 « Pour ce qui est des contrats passés devant des notaires de pays étranger, autres que les contrats de mariage, on ne connoit point d’arrêts du Parlement d’Aix qui leur eut donné hypothèque du jour de leur date » ; J.-J. JULIEN, Nouveau commentaire…, op. cit, Tome premier, pp. 436-437 et 440.
De même, Julien écrit dans ses Elémens de Jurisprudence : « La femme a pour sa dot une hypothèque légale et tacite sur les biens de son mari du jour du mariage […]. Les arrêts du Parlement d’Aix l’ont ainsi jugé, même pour les mariages contractés en pays étrangers et les dots constituées par des articles de mariage d’écriture privée » ; op. cit., p. 49.
407 Par Arrêt du 21 mars 1634, les héritiers d’une femme mariée ont bénéficié d’une hypothèque du jour du contrat de mariage, contre les créanciers du mari, quoique le contrat ait été passé devant un notaire de Cavaillon dans le Comtat Venaissin. De même, le 25 juin 1729, le Parlement a reconnu, en faveur de Generose Garcin épouse séparée en biens de Jean-Louis Olivier négociant de la ville de Marseille et contre les créanciers de son mari, une hypothèque sur les biens constitués en dot dans un contrat de mariage, passé à Malte, débutant le jour de la célébration de son mariage ; J.-J. JULIEN, Nouveau commentaire…, op. cit., Tome premier , p. 437.
408 « Les contrats de mariage passés dans les pays étrangers ont hypothèque en France ». De La Touloubre reconnaît que la question est controversée. Decormis. présente d’ailleurs les différentes opinions et rapporte un arrêt du Parlement de Provence de 1635 qui a refusé cette hypothèque alors que d’autres arrêts l’ont accordée. Decormis est d’ailleurs favorable à l’hypothèque et depuis l’arrêt de principe de juin 1729 « on ne doute plus » que l’hypothèque est acquise pour les contrats de mariage passés à l’étranger ; Actes de notoriété…, op. cit., acte CCXXX expédié le 15 novembre 1745, pp. 302-303.
409 J.-J. JULIEN, Nouveau commentaire…, op. cit., Tome premier, p. 438.
Le commentateur des actes de notoriété des avocats au Parlement de Provence exprime la même idée : « C’est aussi sur le fondement de cette hypothèque légale que l’on a toujours jugé, que les simples articles de mariage sous signature privée donnent hypothèque, tant pour la dot que pour les avantages nuptiaux ; la jurisprudence qui a été confirmée par le Conseil, où fut attaqué un arrêt rendu en 1730 au rapport de Mr. le Conseiller de Moissac. L’on demanda les motifs et la requête en cassation fut rejetée » ; Actes de notoriété…, op. cit., acte CCXXX expédié le 15 novembre 1745, p. 303.
410 « Cette hypothèque est donnée à la dot, soit qu’elle ait été constituée par écrit ou sans écrit […]. Les articles d’écriture privée portent donc hypothèque pour la dot du jour du mariage. C’est le commun sentiment de nos auteurs […]. Et telle est la jurisprudence du Parlement d’Aix » ; J.-J. JULIEN, Nouveau commentaire…, op. cit., op. cit., p. 438.
411 L’arrêt est en ces termes : « avant dire droit à la requête dudit économe en chef concernant Barbe Couture, a ordonné et ordonne que ladite Couture communiquera l’acte de célébration de son mariage avec Paly et qu’elle prouvera dans le mois tant par titres que par témoins qu’Armeny étoit curateur dudit Paly au tems de ladite célébration et que le seing mis au bas des articles de mariage dont s’agit est dudit Armeny » ; J.-J. JULIEN, Nouveau commentaire…, op. cit., p. 439.
412 Les avocats Gassier, Pascalis et Barlet. précisent en commentant l’arrêt du 30 juin 1760 : « Ainsi il n’en fut pas moins décidé que cette preuve étant donnée, les articles de mariage devoient porter hypothèque. L’arrêt ordonne vu les circonstances du fait que les articles seroient épurés. Il décida que quand les articles sont sans reproche et sans apparence de fraude comme au cas présent l’hypothèque est incontestable tant sur les biens de l’ascendant qui l’a promise et si cet arrêt le jugea de même sur une constitution faite par la mère, il y auroit bien plus de raison de le décider ainsi dans la question de l’hypothèque sur les biens du père dotateur. Telle est donc la maxime de Provence fondée sur la Loy les doctrines les plus précises et les arrêts. Telle doit être la solution de tous les païs où l’on admet l’hypothèque légale et tacite de la dot, ainsi que le Parlement de Paris l’a jugé d’après les conclusions de l’avocat général […] dans l’espèce de l’arrêt 12 février 1667 » ; AD BdR., 10 F 101, n° 14, op. cit.
413 « Il est bien vray que le privilège des dots ne peut pas avoir l’étrange effet d’authoriser les femmes à se prévaloir injustement sur les créanciers légitimes de leurs maris, mais il est également vray qu’on ne peut pas prendre droit d’une possibilité pour contester une reconnaissance de la dot faite pendant le mariage et surtout quand comme au cas présent cette reconnaissance tombe point en augment de dot qu’elle forme le seul acte constitutif que l’on connaisse. Dans ce cas il faut s’en tenir à la constitution tant que la fraude n’en est pas prouvée puisque d’une part il est hors de doute que la dot peut être constituée pendant le mariage et que de l’autre on ne présume pas qu’une femme soit sans biens. Ces réflexions générales suffiraient pour anéantir toutes les minuties sur lesquelles Chabert s’est éparpillé en explorant mal à propos et sans raison sur la forme et le temps des articles de mariage de laditte Laure » ; Consultation de Gassier ; AD BdR., 10 F 65, n° 46, Pour demoiselle Elizabeth Laure contre le sieur Jacques Chabert (Cuers), 6 juin 1764.
414 Nous traiterons de la validité des reconnaissances de dot faites pendant le mariage dans la seconde partie.
415 Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 143.
416 AD BdR., 10 F 65, n° 46, op. cit.
417 H. de BONIFACE, Suite d’Arrests notables…, op. cit., Tome second, Livre V, Titre I, Chapitre V, p. 264.
418 Un arrêt du Parlement du 22 octobre 1638 avait déjà donné une action à l’épouse contre son père constituant du jour de la conclusion des articles de mariage et non du jour de la célébration religieuse. En réalité, la jurisprudence a varié tout au long du xviie siècle sur le point de savoir si l’on doit prendre en considération les articles de mariage le jour de leur conclusion ou de jour de la célébration du mariage qui rend l’union des deux époux publique. Un arrêt du 13 mars 1592 et un arrêt du 14 février 1650 avaient, au contraire, fait débuter l’action de l’épouse contre le père constituant, qui avait disposé de ses biens entre la conclusion des articles et la célébration du mariage de sa fille, le jour de la célébration du mariage : l’hypothèque de la fille sur les biens constitués en dot ne prenant rang qu’à ce jour. La jurisprudence ne s’est donc fixée en la matière qu’au xviiie siècle et elle s’est figée par l’acte de notoriété du 30 mars 1780 que nous avons déjà cité. L’hypothèque que l’épouse a pour sa dot a lieu, non pas de la date des articles, « mais du jour de la célébration ou bénédiction nuptiale comme la Cour l’a attesté dans un précédant acte de notoriété » ; Consultation des avocats Gassier, Pascalis et Barlet. ; AD BdR., 10 F 101, n° 14, op. cit.
419 Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 141.
420 Au sujet d’une donation d’un office notarial dans des articles de mariages qui avaient été modifiés dans un contrat de mariage authentique postérieur Scipion Dupérier s’exprimait de la façon suivante : « Mais le mal est que la donation n’a jamais été parfaite, parce qu’elle est demeurée aux termes d’une simple promesse faite non par le contrat de mariage, auquel cas la promesse de donner tiendroit lieu de donation, tout ainsi qu’une promesse de l’instituer héritier ; mais de simples articles qui n’ont pas force de contrat, et qui selon notre usage, sont censés révoqués quand ils sont suivis d’un contrat de mariage qui n’est pas conforme aux articles, lesquels peuvent bien servir d’interprétation aux doutes et aux ambiguïtés qui se trouvent quelques fois dans le contrat ; mais ils ne peuvent pas faire valoir ou subsister une convention comme celle d’une donation quand il n’en est fait aucune mention dans le contrat » ; Œuvres de Scipion Dupérier, op. cit., Tome premier, p. 485.
421 Voir sur cette jurisprudence Œuvres de Scipion Dupérier, Tome premier, op. cit., p. 488 et Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 142.
422 Ibid., p. 142 note 1.
423 N. ARNAUD-DUC, Droit, mentalités et changement social..., op. cit., pp. 40-41.
424 Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, op. cit., Tome treizième, p. 546.
425 Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 141.
426 AD BdR., 10 F 83, n° 46, Pour le sieur Chaix contre le sieur Antoine Lyon (Barcelonnette), 5 avril 1776.
427 AD BdR., 300 E 6, Formulaires de divers notaires d’Eygalières, Orgon, Saint-Rémy xviie-xviiie siècles, non folioté. Il est notable de remarquer que l’ensemble des contrats figurant dans ce formulaire sont des exemples de contrats tirés, sans doute, de différents registres de minutes, où est mentionné le nom des parties et leurs qualités. Concernant les articles de mariage, ils sont en blanc et normalisés. Force est de constater, que le notaire compilateur des différents actes, en préférant faire figurer dans son registre un acte, sans désignation des parties respecte un devoir de discrétion, voire de réserve. Dépositaire du secret des familles, il aurait été curieux qu’un praticien révèle l’existence d’un contrat de mariage sous seing privé entre deux époux alors même que l’objectif de ces contrats est de ne pas rendre public les arrangements patrimoniaux conclus entre les époux.
Les articles de mariage sont en blanc : « sur les propositions du mariage qu’est à faire entre un tel fils … dulieu de … Diocèse de … d’une part et Dlle telle fille de … de la ville de … Diocèse de … d’autre part il a este convenu ce qui suit premièrement que le père constitue en doct à sa fille la somme de … et que le père du futur marié luy fait une donnation en tant … plus les donnations de mort en vie ».
428 Nous en donnons deux exemples dans des lieux de la Provence où nous n’avons pas consulté les actes notariés. Un conflit entre les hoirs de la dame Chabert Farnoux et Grabiel Farnoux le mari de la défunte portant sur la valeur d’un trousseau et de meubles constitués dans des articles de mariage. Sur la base des articles de mariage qui contenaient une dot de 3000 livres le Lieutenant de Toulon a rendu une sentence le 2 août 1781 par laquelle il a estimé que le trousseau devait être évalué au 10ème de la valeur totale de la dot, à savoir 3000 livres. Sur la base de ces mêmes articles de mariage, le Parlement de Provence a confirmé la sentence dans un arrêt du 10 juillet 1782 ; Consultation de l’avocat Gassier, AD BdR., 10 F 96, n° 1, Pour les dames Chabert contre messire Farnoux (Toulon), 8 juillet 1782.
On trouve encore la trace d’articles de mariage dans une consultation commune des avocats Gassier et Pazery. qui rapportent le mariage entre le sieur Chave et la demoiselle d’Autheman ; AD BdR., 10 F 108, n° 26, Pour le sieur Chave contre son fils (Eyguières), 29 février 1788.
429 Jean Joseph Pascalis (1732-1790) était avocat au Parlement d’Aix, Assesseur d’Aix, Procureur du pays de Provence de 1773 à 1774 et de 1787 à 1788.
430 Antoine-François Barlet (1732-An VI) était avocat au Parlement de Provence, Assesseur d’Aix et procureur du Pays de Provence en 1775-1776.
431 Nous n’en donnons volontairement qu’un seul exemple : « laditte Constance constitueroit ainsy que ledit Bourrely son fils agissant de son ordre constitue en dot à laditte Elizabeth Bourrely et pour elle audit Bonsignour touts deux acceptant la somme de 299 livres 19 sols 6 deniers que lesdits Bonsignour père et fils confessent avoir reçue par les mains dudit Bourelly sçavoir 30 livres présentement et réellement en écus au vu de nous notaires et témoins cy après nommés et que laditte Constance les a remis à cet effet et le surplus avant ces présentes des mains de laditte Constance en la valeur des coffres robbes linges et nippes composant le trousseau de la future épouse » ; Contrat de mariage du 29 janvier 1770 entre Joseph Bonsignour maître maçon et Elizabeth Bourrelly (on ne connaît pas la profession de son père) ; AD BdR., 360 E 184, J. Bte Gourdan notaire à Marseille, f°32 verso à 33 verso.
Le même constat semble pouvoir être dégagé des minutes notariales de Toulouse pour l’année 1786 et la pratique de la région de Montpellier ne laisse non plus aucun doute : « en général, la dot était immédiatement payée ou dans un assez bref délai » ; Voir G. SICARD, « Comportements juridiques et société : les contrats de mariage avant et après la Révolution (Toulouse et pays toulousain), La situation à la fin de l’Ancien Régime (1786) » dans Notaires, Mariages, Fortunes dans le midi Toulousain, Sous la direction de Germain Sicard, P.U. des Sciences Sociales de Toulouse, Toulouse, 1997, p. 105 et J. HILAIRE, « L’évolution des régimes matrimoniaux dans la région de Montpellier aux xviie et xviiie siècles », op. cit., p. 146.
432 Par exemple : « Relativement aux accords ledit Jean-Joseph Feraud et ladite Marie Jeanne Rodde son épouse qu’il authorise en tant que de besoin à l’effet des présentes ont constitué et assigné en dot à ladite Marie Claire leur fille et pour elle audit Pierre André son futur époux la somme de 999 livres 18 sols […] dont il en procède 299 livres 18 sols du chef paternel et 700 livres du chef maternel en déduction et acompte de la susdite constitution de dot ledit Pierre André a déclaré avoir reçu dudit Jean-Joseph Feraud son futur beau-père la somme de 299 livres 18 sols au prix et légitime valeur des coffres, bagues et joyaux de ladite Marie Claire Feraud future épouse et par luy retiré en nature peu avant ces présentes sur la juste évaluation qui a été faite par amis respectifs des parties dont quittance et à l’égard des sept cents livres restantes procédant du chef maternel et il est expressément convenu entre les parties qu’elles ne seront payables que deux mois après le décès desdits Jean-Joseph Feraud et Marie Jeanne Rodde père et mère de la future épouse sans intérêts jusque alors » ; Contrat de mariage du 28 juillet 1788 entre Pierre André garçon tisseur à toile et Marie Claire Ferraud fille d’un maître cordonnier ; AD BdR., 305 E 198, Jean-Antoine Baille notaire à Aix, f°196 recto à 199 verso.
433 AD BdR., 10 F 101, n° 14, op. cit.
434 AD BdR., 10 F 111, n° 53, op. cit.
435 Le contrôle est une formalité dont l’objet est d’empêcher les antidates. Il permet d’« assurer aux familles la propriété de leurs fonds et constater les hypothèques dont les fonds pourroient être chargés » nous dit Guyot. Cette formalité se fait par un enregistrement sommaire de l’extrait de l’acte qu’il s’agit de contrôler et par la mention que fait un commis préposé à cet effet qu’elle a été contrôlée. Le contrôleur ajoute à la mention du contrôle la somme qui lui a été payée, il date cette reconnaissance et la signe. Le contrôle des actes passés devant notaire a été établi par une ordonnance de mars 1693. Une déclaration royale du 20 septembre 1722 a fixé le tarif du droit de contrôle et notamment celui du contrôle des actes sous seing privé. D’ailleurs, depuis un édit du mois d’octobre 1705, prenant effet au 1er janvier 1706, les actes sous seing privé doivent être contrôlés avant que l’on puisse faire une demande en justice. Les droits doivent être alors payés suivant la qualité de l’acte comme s’ils avaient originairement été passés devant notaire. De plus, défense est faite aux huissiers, procureurs, greffiers et juges d’instrumenter sur le fondement d’actes sous signature privée non contrôlés à peine de nullité et de 300 livres d’amende contre chacun des contrevenants.
Voir : GUYOT, verbo « Contrôle » dans Répertoire universel…, op. cit., Tome quatrième, pp. 662 et s. et également J.-B. DENISART, verbo « Contrôle » dans Collection de décisions nouvelles… , op. cit., Tome premier, pp. 162-163.
436 La preuve que les actes sous seing privé ont été contrôlés apparaît clairement dans les actes notariés :
- Le 11 juillet 1788, Jean- Baptiste Seguin bourgeois d’Aix « lequel a remis sur notre bureau les articles de mariage faits entre ledit sieur comparoissant et dame Thérèse Scolastique d’Aubergue son épouse en date du 17 mars 1786 duement contrôllés au bureau de cette ville par le sieur Desforets le 29 décembre 1787 et nous a prié et requis de les enregistrer et de les annexer à la suite des présentes à laquelle réquisition nousdits notaires adhérans y avons procédé ainsi que suit ». Les articles de mariage sont signés par ceux qui y étaient présents. A côté il est écrit controllé à Aix le 29 octobre 1787 reçu 165 livres, insinué suivant le tarif reçu 58 livres 10 sols Signé Desforets. ; AD BdR., 308 E 1589, Nicolas Joseph Gabriel Dufour notaire à Aix, f°185 recto à 189 recto.
- François Bègue prend dans un acte notarié la qualité de mari et maître de la dot « suivant ses articles de mariage avec laditte Dame Arnoux contenant constitution de dot des biens et droits qu’elle a reçu dans la succession de la demoiselle Ferraudy sa mère sous la datte du 27 mai de l’année 1786 contrôllés au bureau de cette ville par M. Chambon le 27 juin d’après » ; Quittance du 16 septembre 1788 faite par sieur Thomas François Cariat Bègue à dame Benoite Martin ; AD BdR., 355 E 564, Jean-François de Cormis notaire à Marseille, f°602 recto à 605 verso.
- Des articles de mariage du 6 octobre 1783 ont été contrôlés le 1er mai 1784. Ils portent la mention « reçus 61 livres 10 sols » ; AD BdR., 356 E 208, Jn. Pre. Mr. Rd. de Bécary notaire à Marseille, f°473 recto à 474 verso. Quelques fois les articles de mariage ne sont contrôlés qu’en vue de leur enregistrement :
- Le 12 février 1788, Benoit Aubert de Barjols docteur en médecine résidant à Aix « lequel en vertu de la faculté et pouvoir qui lui a été donné par ses articles de mariage avec dame Tracy son épouse du lieu de La Verdière à la date du 5 août 1783 duement contrôlés ce jourd’huy en ce bureau par le sieur de Forest l’original desquels articles ledit sieur Aubert nous a tout présentement et remis pour les enregistrer dans nos écritures » ; AD BdR., 301 E 387, André Joseph Bertet notaire à Aix, f°676 recto à 680 recto.
- Le 2 octobre 1785 un mari reconnaît avoir reçu par anticipation une dot promise dans des articles de mariage de 1782. Cet acte est contrôlé à Marseille le 5 janvier 1788, il porte la mention « reçu 64 livres 10 sols » et les articles sont enregistrés le 29 janvier 1788 ; AD BdR., 356 E 208, Jn. Pre. Mr. Rd. de Bécary notaire à Marseille, f°390 recto à 391 verso.
437 Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, op. cit., Tome treizième, p. 810.
438 Enregistrement d’articles de mariage du 4 mars 1789 entre Pierre Brun Champsaur marchand drapier et Catherine Françoise Peyre fille d’un bourgeois ; AD BdR., 305 E 198, Jean-Bernard Barbezier notaire à Aix, f°461 recto à 465 verso.
439 Mémoire de l’avocat Gassier ; AD BdR., 10 F 25, Mémoire n° 11, Pour Jean-Baptiste d’Armand, chevalier de la ville de Marseille appelant de la sentence arbitraire rendue le 4 septembre 1769 contre Scipion d’Armand, Seigneur de la Garcinière son neveu assisté de Jean-Baptiste Astier son curateur intimé, p. 3.
440 N. ARNAUD-DUC, Droit, mentalités et changement social..., op. cit., pp. 40-41.
441 Cité par A. EYQUEM, Le régime dotal…, op. cit., p. VIII.
442 Cité par J. BART, Histoire du droit privé…, op. cit., p. 315.
443 Nous donnons quelques exemples de mariages sous signature privée :
- En 1755, Ursule Lesage fille d’un marchand de la ville d’Aix a épousé le sieur Jean Joseph Charpenel fils d’un marchand du lieu de la Seyne. Charpenel étant lui-même marchand drapier ; AD BdR., 11 F X, Mémoire pour la demoiselle Françoise Lesage épouse du sieur Jean-Joseph Charpenel entre Jean Laurent, les frères Tassy et ledit sieur Charpenel, 24 mai 1786, f°393 et s.
- Le 10 janvier 1773, Joseph Besson bourgeois de la ville de Digne a passé des articles de mariage avec Elizabeth Peautrier fille d’un notaire royal et procureur à la Sénéchaussée de Digne ; AD BdR., 11 F XIV, Consultation pour Jean-François Maillard bourgeois de La Ciotat, 3 janvier 1789, f°1. Nous avons d’ailleurs retrouvé l’acte d’enregistrement des articles de mariage sous signature privée : Enregistrement des articles de mariage le 17 mars 1788, AD AdHP, 2 E 2035, Jean-Joseph Yvan notaire à Digne, f°438 recto à 443 recto.
- Le 11 août 1782 Pierre Siffermann brasseur de bière originaire d’Alsace a conclu avec Catherine Hay fille d’un marchand brasseur de bière de Marseille des articles de mariage ; AD BdR., 356 E 208, Jn. Pre. Mr. Rd. De Bécary notaire à Marseille, f°390 recto à 391 verso.
- Le 6 octobre 1783 ont été passés des articles de mariage entre Roy Lausanne ouvrier chapelier de Marseille et Catherine Arnaud fille de chapelier. Lorsque les articles de mariages sont enregistrés cinq ans plus tard le mari a pris la succession de son beau-père et est désigné lui-même comme chapelier ; AD BdR., 356 E 208, Jn. Pre. Mr. Rd. de Bécary notaire à Marseille, f°473 recto à 474 verso.
- En 1782, François Xavier Chataud avocat épouse Victoire Audier et conclut avec cette dernière des articles de mariage ; AD BdR., 11 F X, Plaidoyer pour Jean-François Xavier Chataud avocat en la Cour contre la dame Audier Victoire son épouse, 26 juin 1786, f°473 et s.
- Le 27 mai 1786 Thomas François Cariat Bègue négociant de la ville de Marseille a passé des articles de mariage avec Marie Victoire Arnoux fille d’un négociant ; AD BdR., 355 E 564, Jean-François de Cormis notaire à Marseille, f°602 recto verso à 605 verso.
Nous pourrions ainsi multiplier les exemples qui sont fort nombreux dans les archives provençales, notamment dans les consultations d’avocats. Bien entendu les consultations sont beaucoup moins précises sur la teneur des articles et sur la qualité des parties qui les ont conclues que les actes notariés.
444 « que lesdits articles de mariage ont été dictés par Aubert clerc dudit Hazard et signés en leur présence, le 9 septembre 1742 veille des épousailles » ; Arrêt du Parlement de Provence du 30 juin 1760 rapporté par J.-J. JULIEN, Nouveau commentaire…, op. cit, Tome premier, pp. 439-440.
445 Nous donnons l’intégralité d’articles de mariage enregistrés par un notaire aixois et dont l’original des articles est annexé aux minutes. Il arrive le plus souvent que l’original des articles ne figure pas dans le registre du notaire car la personne qui en a demandé l’enregistrement l’a retiré après que le contrat ait été passé sous la forme authentique.
Le 4 mars 1789, sont comparus devant notaire et témoins Claude Peyre bourgeois du lieu de Mane et Pierre Brun Champsaur marchand drapier de la ville d’Aix et ils ont exhibé un des doubles et ont demandé l’enregistrement des « articles de mariage faits sous signature privée le vingt neuf octobre 1786 entre ledit sieur Champsaur et la dame Catherine Françoise Peyre fille dudit sieur Claude Peyre, duement contrôlés le lendemain trente du mois d’octobre et insinués à Forcalquier le 25 janvier 1787 et après avoir avéré et reconnu les signatures apposées au bas desdits articles de mariage, lesdits sieurs Peyre et Champsaur nous ont requis de les enregistrer dans nos écritures et de suite les annexer à la minute de l’enregistrement desdits articles qui sont de la teneur suivante et qui demeureront annexés à la minute des présentes conformément à la réquisition qui nous en a été faite par lesdits sieurs comparants.
Teneur desdits articles de mariage. Entre le sieur Pierre Bruno Champsaur marchand drapier de cette ville d’Aix fils de sieur Joseph bourgeois et de feue Claire Savournin de la ville de Seyne d’une part et Demoiselle Catherine Françoise Peyre fille de Sieur Claude Peyre bourgeois et de feue Dame Françoise Turin du lieu de Mane d’autre lesquelles parties ont de leur gré due mutuelles stipulations intervenant assistées et authorisées savoir ledit sieur Champsaur dudit sieur Joseph son père, de Messire Jean Joseph Champsaur et pour Joseph Champsaur ses oncles de sieur Jean Pierre Champsaur et de Messire Joseph Melchior ses frères et laditte demoiselle Peyre dudit sieur Claude son père et de Messire François Peyre de l’oratoire, de Messire Jean Baptiste Martin notaire Royal de Pierreruie son oncle et dame Marie Marguerite Anne Peyre épouse dudit Messire Martin sa tante et l’un et l’autre de plusieurs autres de leurs parents et amis respectivement assemblés et de Messire Leblanc de Castillon procureur général du Roy au Parlement de cette Province ont promis de se prendre et épouser en face de notre Sainte Mère l’Eglise Catholique, Apostolique et Romaine au premier requis de l’une d’icelles ne s’agissant quant à présent de rédiger leurs conventions matrimoniales civiles à cette cause constitué personnellement ledit sieur Claude Peyre lequel de son gré ayant le présent mariage pour agréable a fait rémission et désemparation à laditte Demoiselle Peyre sa fille et pour elle audit sieur Champsaur son futur époux de tous les biens fonds de la succession et héritage de laditte feue dame Turin sa nièce à l’exception d’une terre olivette et d’un petit jardin le tout situé dans le terroir dudit Mane et encore d’un capital qui se trouve entre les mains du sieur Santon son beau-frère pour jouir par ledit Peyre de ces trois derniers articles pendant sa vie lequel fait encore aux futurs mariés cession et rémission de la somme de 3938 livres procédant du prix d’une maison et autre objets vendus par ledit sieur Peyre dépendants du susdit héritage par acte du 26 du courant notaire Fabre audit Mane et laquelle somme ledit sieur Peyre a délégué l’acquéreur de la compter aux futurs mariés par-dessus quoi laditte demoiselle Peyre future épouse du vouloir et consentement de sondit père s’est elle-même constituée en dot et pour elle audit Champsaur son futur époux tous ses autres biens présents et à venir pour le recouvrement régie et administration de tous les susdits biens laditte Peyre future épouse a fait et constitué pour son procureur spécial et général irrévocable ledit sieur Champsaur son futur époux qui promet d’assurer et reconnoitre sur tous ses biens présents et à venir tout ce qu’il recevra de la présente constitution pour que la restitution soit faite le cas échéant à qui de droit et en considération de tout quoy ledit sieur Champsaur sera obligé de payer à la décharge dudit sieur Peyre son beau-père 10000 livres aux créanciers qu’il luy indiquera et à cet effet ledit sieur Peyre sera obligé de payer audit sieur Champsaur l’intérêt annuel de laditte somme de 10000 livres au taux de quatre pour cent et dont le premier payement sera fait audit sieur Champsaur dans une année et ainsi sera annuellement continué franc de toute retenue des vingtièmes et impositions jusqu’à parfaite libération ou au décès dudit sieur Peyre tems auquel il sera permis au sieur Champsaur de se faire payer de laditte somme de 10000 livres sur les biens libres dudit sieur Peyre étant convenu que là où celuy ci viendroit a être arriéré de deux années dudit intérêt il sera alors permis audit sieur Champsaur de se faire payer la somme principale sur les biens libres dudit sieur Peyre sans que ce premier soit obligé de faire aucune commination pour être payé et c’est seulement à connaissance des estimateurs dudit lieu ou autres gens assès connaissants qui dresseroient seulement rapport d’estimation qui serviroit de désemparation il a été au surplus convenu qu’il seroit permis et loisible audit sieur Champsaur de vendre tous les biens de la présente constitution tant ceux de l’héritage de la mère de la future épouse que ceux qui luy sont substitués le cas échéant pour que les biens ne puissent jamais être réputés dotaux ni même subsidiairement dotaux, ledit sieur Champsaur audit cas sera simplement obligé d’en employer le prix au profit et utilement de sa future épouse déclarant les parties que le trousseau de la future épouse les habits bagues joyaux et nuptiaux le tout a été fait aux propres frais et dépens dudit sieur Champsaur son futur époux et pour l’observation des présentes les parties ont obligé tous leurs biens présents et à venir à toutes cours et pour leur assurance respective chacune d’icelle a été retiré un double desdittes présentes qu’elles promettent de faire rédiger en acte public à leur premier requis fait à Aix dans la maison du sieur Jean Pierre Champsaur le 29 octobre 1786 signé par plusieurs parents et amis icy présents et avant signer il a été convenu que quoi qu’il ait été stipulé cy dessus que le capital qui se trouve entre les mains dudit sieur Santon ledit sieur Peyre en aura la jouissance sa vie durant, néanmoins celuy ci en perdra la jouissance si le cas fait qu’il vienne à se remarier. Signés : Champsaur, Françoise Peyre, Peyre, Champsaur, Peyre, Peyre prêtre à l’oratoire, Martin, Champsaur, Turrier Champsaur, Santon, Champsaur, J.M. Champsaur curé, Hugues Turrier, Leblanc de Castillon, Hermitte, Philip Savournin, Clapier, Maurin de Saint Pons, Blancpignon, Reynouard, M. Champsaur. Controllé à Aix le 30 août 1786 reçu 153 livres et renvoyé le 100e denier au bureau de Forcalquier signé Desfôrets. Insinué à Forcalquier le 28 janvier 1787 reçu 150 livres Signé Janssaud. Le tout ainsy à l’original. Et ainsi que dessus nousdit notaires aurions procédé à l’enregistrement desdits articles de mariage qui demeureront annexés à la minute des présentes à la réquisition des parties comparantes qui nous ont requis acte le tout ce que dessus lequel acte nousdits notaires leur avons concédé pour servir et valoir à ce que de raison fait et publié à Aix dans notre étude et en présence du sieur Joseph Peloux marchand de soye et de sieur Joseph Vial Maître perruquier. Signé Peyre et Champsaur approuvant les deux renvoys » ; AD BdR., 305 E 198, Jean-Bernard Barbezier notaire à Aix, f°461 recto à 465 verso.
446 Voir un formulaire type d’articles de mariage dans GUYOT, verbo « Articles de mariage » dans Répertoire universel…, op. cit., Tome premier, pp. 637 et s.
Voir également : C. de FERRIERE, La science parfaite des notaires…, op. cit., p. 169.
C.-J. de FERRIERE, La science parfaite des notaires…, op. cit., Tome premier, pp. 225 et s.
447 Articles de mariage en blanc, AD BdR., 300 E 78, Fragments de formulaires à l’usage d’un notaire d’Aubagne Me Bastier, xvii-xviiie siècles, non folioté.
448 GUYOT, verbo « Contrôle » dans Répertoire universel…, op. cit., Tome quatrième, p. 667.
449 AD BdR., 300 E 5, Formulaire à l’usage d’un notaire d’Eygalières, xviiie siècle, non folioté.
450 AD BdR., 305 E 198, Jean-Bernard Barbezier notaire à Aix, f°616 recto à 616 verso.
451 Le 22 janvier 1788 Joseph Reynaud déclare devant notaire et de son gré « en faveur de la vérité et au profit de Anne Anastasy Elzeary son épouse native de Verdière, fille à feu Joseph Elzeary, maître menuisier, dudit lieu ici présente, stipulante et acceptante en premier lieu que le jour de la célébration de leur mariage béni dans l’Eglise métropolitaine St Sauveur de cette ville le seize octobre dernier [ 1788 ], il reçut verbalement de laditte Elzeary son épouse son trousseau de hardes, coffres, robes, bagues et joyaux de valeur de deux cent quatre vingt dix neuf livres quinze sols. En second et dernier lieu que le 10 du présent mois de janvier, il reçut également de laditte Elzeary son épouse, la somme de trois mille livres en espèces sonnantes ayant cours desquelles trois mille livres il y avoit deux mille quatre vingt livres qui procédoient du prix de la cession faite par laditte Elzeary au sieur Blanc par acte du huit dudit présent mois de janvier revenant ces deux articles à la somme totale de trois mille deux cent quatre vingt dix neuf livres quinze sols dont ledit Reynaud pour la décharge de sa conscience passe reconnaissance en faveur de laditte épouse et lui assure et reconnoit sur les biens présents et à venir avec promesse de lui rendre et restituer ou à autre le cas échéant » ; AD BdR., 305 E 198, Jean-Antoine Baille notaire à Aix, f°28 recto à 29 verso.
De même, le 19 may 1788, Christophe Barthélémy Georges « natif de Chypre dans le Levant résidant en cette ville depuis sa plus tendre enfance demeurant rue des moulins paroisse des accoules fils de feu Louis Georges et de feue Marie Jean veuf en premières nôces de Anne Chapy lequel nous a dit et exposé qu’il auroit contracté mariage en secondes noces avec Magdeleine Carbonnel fille de feu Joseph Carbonnel et de feue Thérèse Isnarde de cette ville et qu’il auroit reçu la bénédiction nuptiale dans l’église cathédrale la Major de cette ville depuis environ trois ans et demy […] a laditte époque ainsy qu’il nous l’a dit et attesté ledit Georges reçût de laditte Carbonnel son épouse la somme de 499 livres au prix des robbes linges et tous accessoires composant le trousseau de saditte épouse ensemble divers meubles meublants effets de ménage […] qu’elle apporta dans la maison dudit Georges son mari suivant l’estime et l’appréciation qui en fut alors faitte entre eux et leurs amis communs et que ledit Georges reçût après avoir fait du tout la vérification ». La valeur des biens dotaux de l’épouse est de 499 livres ; AD BdR., 355 E 564, Jean-François de Cormis notaire à Marseille, f°371 recto à 372 recto.
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