Chapitre II. Les opérations de guerre
p. 695-819
Texte intégral
SECTION PRÉLIMINAIRE. DROIT DE NÉCESSITÉ CONTRE DROIT D’HUMANITÉ
1N° 248 – Un droit dans la guerre borné par une meilleure distinction entre combattant et non combattant – Nous avons observé que pour la doctrine primitive, tout ressortissant de la nation ennemie, était en soi un « ennemi » et en conséquence sujet et objet du droit de la guerre. Primitivement encore, la doctrine ne distingue pas ceux qui commettent des actes de guerres et des hostilités, de ceux qui s’en abstiennent. Seules quelques catégories de civils, les vieillards, les femmes et les enfants se voient timidement considérées comme devant être placées sous un régime dérogatoire aux usages communs de la guerre. De ces premières et timides protections, la doctrine va étendre le champ du jus in bello prohibitif de manière large en distinguant les combattants des non combattants. Cette formulation n’existe pas en tant que telle, mais nos auteurs distinguent efficacement entre ceux qui portent les armes et ceux qui ne les portent pas.
2Dans le même temps, va peu à peu s’ajouter à ce régime général d’exclusion des non combattants au droit de guerre permissif, des catégories particulières de personnes qui se verront spécialement protégées. Ainsi en 1819, le droit de la guerre par principe borné s’applique théoriquement aux seuls combattants. C’est le principe exactement inverse qui valait au xviième siècle.
3N° 249 – La permanence de droits exceptionnels : les représailles et le jus in bello infinitum – Malgré ces avancées de principe plus favorables aux victimes traditionnelles de la guerre que sont les populations civiles, les enjeux nationaux demeurent et avec eux, les exigences et les prétentions de droit. Le xviiième est le grand siècle des affirmations nationales des puissances continentales et que ce soit la France, l’Autriche, l’Angleterre, la nouvelle Prusse, la Russie ou l’Espagne vacillante, chacune veille âprement à ses droits et ambitionne ceux qu’elle pourrait acquérir. La Pologne en fera trois fois les frais et les petites nations européennes seront les jouets de ces ambitions effrénées. Cette compétition de droits et de puissance sera attisée dès 1792 par la dimension idéologique qui vient doubler, argumenter et justifier la course à l’hégémonie économique et politique.
4Dans ce contexte de paroxysme de luttes sous jacentes constantes et d’état de guerre quasi permanent, la moindre atteinte, réelle ou supposée, à un droit est systématiquement défendue par représailles. En cas de conflit ouvert, les enjeux immédiats sont tels que les forces militaires engagées, soutenues par des moyens techniques toujours plus redoutables, recherchent la victoire quelque soit la méthode. Dès lors les circonstances se font exceptionnelles et autorisent l’emploi de moyens de guerre extrêmes dirigés non seulement contre les combattants mais aussi, en raison du droit de nécessité et de la raison de guerre contre les populations civiles.
5N° 250 – Un régime juridique de protection des biens supérieur à celui de protection des personnes – Ce niveau de performance juridique plus élevée à l’endroit des biens et au détriment des personnes, se constate doublement. D’abord, la doctrine a du mal à définir avec suffisamment de précisions les moyens matériels de guerre légitimes visant les personnes. Certains comme l’usage du poison, assez démodé au xviiième siècle sont prohibés, mais c’est là un cas bien rare. Pour l’essentiel d’entre eux, la doctrine hésite et il faut admettre qu’à défaut d’être prohibés, ils sont, soit tacitement admis, soit admis sous conditions.
6Secondement, la propriété privée est en revanche beaucoup mieux et beaucoup plus expressément défendue. Les règles prohibitives concernant le butin, la protection due aux biens corporels et incorporels se multiplient et s’affinent, créant comme nous le verrons, un régime de principes particulièrement abouti en terme de protection de la propriété.
7Le jus in bello relatif aux personnes et celui relatif aux biens et à l’utilisation de certains moyens de guerres seront ici successivement examinés.
SECTION 1. LA PROTECTION DES PERSONNES
8N° 251 – Aperçus historiques sur le développement du jus in bello relatif aux personnes avant 1700 – Le droit de la guerre portant sur la protection des personnes est d’ordre essentiellement coutumier. Seules quelques dispositions plus rares au demeurant dans ce grand ensemble, comme les sauf-conduits et l’échange de prisonniers relèvent du droit conventionnel. La doctrine a très tôt accordé un soin particulier à ces règles qui primitivement relevaient bien moins du droit des gens que de la discipline militaire. Cette matière, de part sa richesse et son importance, mériterait sans nul doute en soi et pour la période antérieure à Grotius, une grande et belle étude historico-juridicographique484.
9La protection des personnes dans la guerre constitue le cœur du jus in bello. Gentili apparaît après Vitoria, comme le premier de nos juristes qui expose le mieux ces questions, synthétise avec brio l’ensemble du champ de notre matière. Avec lui, elle est d’ores et déjà en place de manière définitive. Ses vues qui trouvent à l’occasion appui dans le droit civil, sont celles d’un esprit synthétique, exposant et ordonnant clairement une matière difficile et ardue. Ces qualités se révèlent notamment en matière de droits des captifs485. Le maître de San Ginesio traite successivement des sauf-conduits, de la libération et de l’échange des prisonniers, des violences sur les captifs, des otages, des « suppliants » qui sont ceux qui demandent grâce, du sort des femmes et des enfants, des autres privilèges de guerre qui protègent les « fermiers, commerçants et pèlerins » et enfin « l’enterrement des morts »486. Gentili offre là un jus in bello des personnes novateur dans lequel la modération, l’humanité et la recherche d’une justice objective sont particulièrement affirmées, assez éloigné par ailleurs de l’idée faite de l’auteur désigné père fondateur du courant positiviste. Gentili confirme indéniablement ici sa modernité en terme de réflexion et de technicité juridique. Il ouvre sur la forme la voie à toute la doctrine moderne et présente ici selon nous, une matière beaucoup mieux ordonnée et pensée que Grotius. Il est enfin, aussi, celui qui le premier coupe les ponts entre jus in bello et discipline militaire comme pouvait encore le faire, en autres, Ayala, et fonde de la sorte véritablement le droit des gens dans la guerre et le droit humanitaire.
10Le jus in bello des personnes de Grotius souffre, comme nous l’avons déjà observé, de son caractère très théorique et systématique autant que du vice fondamental de l’articulation permanente, rythmé en deux temps, des « principes » et des « tempéraments » qui constitue l’ossature centrale du jus in bello grotien. Cette valse à deux temps rend difficile la compréhension globale de ses passages et ne met pas en évidence des prises de position tranchées à valeur non pas absolument définitive – aucun auteur n’y parvient totalement – mais du moins aussi affirmée que possible. Partisan d’un droit de guerre illimité et tout à la fois de tempéraments à ce droit non borné, Grotius déroute le lecteur. Mais peut être laisse-t-il par là à entendre qu’une des vérités du droit de la guerre est bien son caractère de relativité permanente. En ce sens, son ambiguïté traduit une des caractéristiques de ce droit, mais n’aide pas réellement la doctrine à « fixer » des solutions.
11Ainsi si l’on examine la question de la protection des femmes et des enfants, question classique du droit dans la guerre, Grotius affirme : « Au reste pour revenir à mon sujet, on comprend jusqu’où s’étend cette licence, par ce fait que le massacre des enfants et des femmes a lieu aussi avec impunité et qu’il est compris dans ce droit de la guerre »487 ; et par « les tempéraments », infirme immédiatement cette règle en indiquant : « que l’âge excuse l’enfant, le sexe la femme, dit Sénèque [...] Dieu lui-même dans les guerres des Hébreux, veut que même après la paix offerte et repoussée, on épargne les femmes et les enfants [...] », et précise : « Ce qui a toujours lieu pour les enfants qui n’ont point encore acquis l’usage de la raison, a lieu le plus souvent pour les femmes, c’est à dire à moins qu’elles n’est commis quelque chose de particulier qui mérite punition, ou bien qu’elles ne vaquent elles mêmes à des services virils »488.
12Au reste, la part accordée aux juristes cités en référence sont plus rares que chez Gentili – qui à la différence du maître hollandais ne cite pas Vitoria –, et l’histoire, antique essentiellement, est le principal point d’appui intellectuel de Grotius. Il demeure que la matière est sur la forme exhaustivement traitée et qu’il s’agisse du droit de tuer, des prisonniers, des privilèges, des laissez-passer ou des otages, le jus in bello devient chez Grotius, dans la continuité du travail de Gentili, une matière première du droit de la guerre et du droit des gens.
13Cette tendance – à l’exception notable de Pufendorf, bien silencieux ici – ne fera que se confirmer entre les années 1625 et 1680. Zouche, Rachel et Textor à des degrés divers, accordent au droit dans la guerre des personnes une part importante de leur œuvre. Cela est plus particulièrement net chez Zouche et Textor qui imposent ici encore leurs statures de grands internationalistes et de médiateurs entre Grotius et la pensée du xviiième qui connaîtra son point d’orgue chez Vattel.
14Le jus in bello de Zouche n’a certes pas la dimension et la portée de ceux de Gentili ou de Grotius. Moins développé dans ses vues, techniquement moins abouti, il est par rapport à l’œuvre de Grotius, largement plus juridicisé et recourre moins à la littérature historique. Les influences du maître de Hollande et de celui San Ginesio demeurent importantes, mais Zouche se réfère à de nombreux auteurs, non cités par ses prédécesseurs. Nous trouvons chez lui une tradition originale de la pensée du droit dans la guerre489. Certes la part revenant à des questions de discipline militaire est encore importante et sa pensée offre par là des similitudes avec certaines œuvres comme celles d’Ayala ou de Bellini, mais rien ne manque aux matières désormais classiques du droit dans la guerre des personnes. Zouche évoque ainsi aussi bien les prisonniers que les sauf-conduits, les privilèges, le droit de tuer ou les otages490.
15La marque de la tradition juridique chez Textor est plus faible que chez Zouche. Comme lui et contrairement à Grotius, les références tirées de l’histoire ancienne sont très rares. Textor se pose en juriste qui lit des juristes. Il cite abondamment Alciat, Vitoria, Grotius et d’autres auteurs moins connus. Il étudie avec rigueur le droit de tuer, la notion d’ennemi mais également le concept de résistance si importante sur le droit de tuer et qui aura une grande influence sur l’école positiviste. Enfin il exposera le droit des prisonniers, l’échange des captifs, les otages, les suppliants et quelques privilèges de guerre491.
16Il appartiendra à la doctrine des Lumières de faire du droit dans la guerre des personnes un des sommets de la construction doctrinale, la plus aboutie avant l’ultime phase de transcription, par conventions internationales, des coutumes de guerre visant à la protection des personnes.
17N° 252 – Caractères généraux de l’évolution du droit dans la guerre des personnes de Bynkershoek à Klüber – L’examen de l’évolution doctrinale du droit dans la guerre des personnes met en évidence trois lignes de force.
18La première se révèle dans l’extrême cohérence et continuité de la pensée qui lie l’école jusnaturaliste et positiviste.
19La deuxième, d’ordre qualitatif est que cette cohérence tend à une plus grande humanisation de la guerre. Ce n’est plus le permissif qui ordonne la matière, mais très clairement le prohibitif. Cette tendance doit être rapprochée de l’affirmation d’un droit dans la guerre borné. Mais il est clair et définitif que le droit dans la guerre se pose comme un corps de normes désormais plus respectueux des droits de la personne, civils ou combattants. Un des principes fondamentaux du droit dans la guerre devient le devoir de modération.
20La troisième ligne de force doctrinale réside dans une sorte de mouvements de flux et de reflux, d’expansions et de replis de la matière d’un point de vue quantitatif. Nous avons déjà fait remarquer que la part représentée par le droit de la guerre dans le droit des gens, est originairement très importante. Cette part va insensiblement mais constamment se réduire au fil des décennies et des auteurs, au point que le droit de la guerre est désormais et dès le xviiième, une matière accessoire et secondaire du droit des gens. Mais à ce premier mouvement de contraction du champ de la matière, correspond au sein même de ce droit dans la guerre, un double mouvement « interne » : premièrement, le jus in bello est l’objet d’études et de développements qualitatifs doctrinaux très importants entre Grotius et Vattel ; deuxièmement le jus in bello se réduit quantitativement peu à peu, mais de manière définitive à partir de Martens492.
21L’effet peau de chagrin du droit humanitaire doctrinal des Lumières, de la Révolution et de l’Empire, demeure, malgré la qualité de ses positions, une constante. Mais cette contraction du jus in bello révèle aussi un amoindrissement objectif de l’intérêt accordé à ces questions alors que dans le même temps, la prise en compte du facteur national et patrimonial des agents du droit international ne fait que croître. Le sujet nation domine et écrase du poids de ses intérêts le sujet citoyen sur la scène des relations internationales. Tel n’était pas le cas au xviiième siècle. Dans le même temps et comme nous le verrons, le droit des gens relatif aux biens accuse une tendance à se développer et à s’étoffer.
22La doctrine des Lumières et de la Révolution portera sur ce travail de consistance à donner au jus in bello ratione personnae, essentiellement sur les droits des populations civiles, sur la définition de la notion de « non combattant » et enfin sur les règles relatives aux prisonniers de guerre. Sur ces points, le travail de Vattel est indiscutablement remarquable. Non seulement il amène à lui les résultats de la doctrine antérieure, mais également développe, précise et étend à sa dimension maximale les dispositions de protection des personnes qu’elles soient civiles ou militaires. Vattel est à ce titre un champion du jus in bello des personnes. Par la netteté de ses prises de position, qui tranchent singulièrement avec la phraséologie doctrinale constamment teintée d’ambiguïté, il fonde une matière et pose des principes. La grandiloquence du ton que nous avons parfois signalée chez lui, laisse la place ici à une véritable humanité, à la défense des devoirs que les nations ont à rendre à leurs sujets. Le droit des gens lui doit légitimement une dédicace à la postérité.
23Nous signalerons enfin que la voie par lui empruntée, s’annonce chez Burlamaqui et se confirme avec de Real, mais sans atteindre cependant la fermeté, l’ampleur et la clarté du travail opéré par le maître de Neufchâtel.
§ I. Les combattants
24N° 253 – Tout citoyen de la nation ennemie est par principe qualifié d’ennemi et est soumis au droit de tuer – La légitimité des opérations de guerre est fonction du mode opératoire et de la qualité des personnes physiques qui en sont l’objet. La doctrine s’interroge sur la question de savoir si seuls les militaires ou avec eux l’ensemble des populations civiles, sont à considérer juridiquement comme objets cibles des instruments de violences de la guerre. La réponse est unanime. Les soldats comme les civils sont d’abord l’ennemi au sens le plus large possible et peuvent sous condition être soumis au droit de tuer, entendu comme droit à tuer et à être tué.
25Ce point a déjà été évoqué au moment où nous avons précisé le concept d’ennemi et il a été observé que Wolff, Vattel et Vicat s’entendent pour dire, selon la formule de Wolff que « La qualité d’ennemis a lieu entre les nations comme entre leurs chefs ; chaque individu de tout sexe et de tout âge y est compris, et les biens quelconques sont aussi biens de l’ennemi. »493.
26Du point de vue du droit dans la guerre, Grotius est le premier a en établir le principe et cette position sera au xviiième successivement celle de Burlamaqui, de Vattel et de Martens494. En principe est donc ennemi tous sujets de la nation ennemie et leurs biens par voie de conséquence sont soumis aux lois de la guerre. Mais avec Vattel et de Rayneval, la doctrine module ce principe en considérant que seul, la qualité de combattant, impliquant selon le droit public interne le droit de porter les armes et d’accomplir des actes offensifs ou de résistance aux attaques armées, autorise d’user du droit de tuer. Par un déplacement des lignes de définitions doctrinales, seul le combattant peut être considéré strictement comme ennemi495.
27Ainsi à mesure qu’opère la doctrine en faveur d’un droit de guerre borné, le droit de tuer d’abord en principe applicable à tous, voit son champ d’application se restreindre inexorablement et la doctrine multipliant les exceptions aux rigueurs des lois de la guerre, admet que si le sujet de la nation avec laquelle nous en sommes en guerre est ennemi, il n’est point pour autant combattant et ce statut de « non combattant » n’autorise pas à user à son endroit du droit de tuer.
28N° 254 – Les sujets des nations en guerre : le souverain, le personnel militaire, le soldat, le combattant, le citoyen, les civils – Quand deux nations en viennent à se faire la guerre, le droit dans la guerre n’est pas uniformément appliqué à tous les sujets. Il est à mettre au crédit de la doctrine des Lumières, un travail de différenciation des sujets juridiques du droit de tuer et d’être tuer. Les xvième et xviième siècles autorisaient sans nuance et indistinctement à tuer et à être tué. La doctrine des années 1700-1819 va tacitement établir une classification des personnes qui potentiellement soumises au droit d’user envers elles de violences de guerre, doivent eu égard à leur « état », y être cependant soustraites.
29De la sorte, l’ennemi au sens large peut être le souverain, le personnel militaire, le combattant, le citoyen et les civils. A chacune de ses catégories, le droit dans la guerre va s’appliquer différemment. Chacune d’entre elles se verra accorder des garanties spéciales de protection mais ces privilèges excluant l’application rigoureuse du droit dans la guerre, seront par ailleurs suspendus dans des conditions précises et appliqués à elles de manière générale. Ces conditions tiennent soit à l’attitude de la personne soit à des facteurs extérieurs. Le fait de résister et de porter les armes, avec ou sans ordre du souverain – la doctrine se dispute sur ce point autorise quelque soit la catégorie des sujets « ennemis » de la nation en guerre, à être soumis au droit de la guerre. Selon les circonstances de fait extérieures qui sont la raison de guerre, le droit de nécessité et les circonstances exceptionnelles, il est possible d’user contre elles et sans restriction aucune, du droit de tuer.
30Le souverain est le prince, la personne physique, autorité publique supérieure des régimes monarchiques, entre les mains duquel se trouve le pouvoir de décider la nation à entreprendre la guerre. En tant que personne physique, celui-ci peut matériellement participer et conduire des opérations de guerre et se trouver ainsi à titre individuel, « objet-cible » du droit dans la guerre. Charles XII de Suède, Napoléon en sont les exemples historiques.
31Le soldat est celui qui expressément et par ordre du souverain, et au sein du personnel militaire et des troupes réglées, années, encadrées et disciplinées, a en charge d’exécuter la mission de service public armé et de vaincre effectivement l’adversaire. Il est « l’objet cible » premier du droit dans la guerre et constitue le type même du combattant. Mais le personnel militaire ne participant pas directement, effectivement et de manière permanente ou non à cette mission consistant à vaincre, affaiblir ou tuer l’adversaire, n’est pas un soldat au sens où nous l’entendons ici. Les médecins, les aumôniers militaires, le personnel administratif attaché aux armées et enfin les émissaires « soldats » désignés pour négocier les cessez le feu ou des trêves, ne sont pas compris dans cette catégorie du soldat selon la doctrine du droit international des Lumières.
32Le combattant est une catégorie générique. Il est d’abord celui qui porte les armes et se bat. Il est donc soit un soldat considéré dans l’action de guerre et menant au sens juridique des hostilités, soit un citoyen quelconque de la nation ennemie qui portant les armes ou faisant acte de résistance, participe à la mission de vaincre ou de réduire la force armée de la nation ennemie.
33Le citoyen doit être envisagé comme le sujet ennemi non combattant qui donc, sans faire acte de résistance, sans porter les armes, ni participer ou soutenir directement ou indirectement à des opérations de guerre, ne peut se voir appliquer le droit dans la guerre relatif aux atteintes à la personne.
34Les civils sont les personnes qui citoyennes de la nation ennemie et qui au regard de leur qualité d’âge, de sexe, de fonction ou de dispositions conventionnelles prises entre autorités militaires, bénéficient en théorie, de manière exceptionnelle mais permanente – sous réserve d’une éventuelle qualification de combattant – d’un régime de protection tiré de certaines normes prohibitives du jus in bello.
35Seuls les prisonniers de guerre au regard de leur qualité de soldat contraint de ne plus pouvoir, malgré leurs obligations d’ordre public de porter les armes, combattre et vaincre l’ennemi, sont soumis à un régime de droit dérogatoire qui les tient cependant dans une situation de droit exceptionnel. Leurs droits personnels sont évidemment limités mais sans que puissent leur être appliquer les dispositions des lois de la guerre concernant le droit de tuer.
36Cette construction n’est évidemment pas aussi nettement exprimée par la doctrine mais constitue bel et bien la somme théorique des travaux des internationalistes des années 1700-1819. Entre un droit de tuer quasi absolu au xviième et cet ensemble systématique, le pas est grand. Il démontre à quel point l’évolution du jus in bello accomplie entre ces deux ages est remarquable.
A/ La notion de combattant
37N° 255 – La notion de combattant selon le droit international des Lumières – La doctrine internationaliste ne distingue pas spontanément combattants et non combattants. Le droit de tuer, et donc d’être tuer, s’analyse d’abord indistinctement, quelque soit la qualité de la victime ou les circonstances de fait, et le sort des prisonniers est même envisagé avant même celle du combattant.
38Cette idée de combattant apparaît d’abord au travers de la notion de « ceux qui portent les armes ». Grotius et Textor semblent les premiers à distinguer parmi l’ensemble des sujets d’une nation et indépendamment du distinguo personnel militaire et population civile, ceux qui sont les ennemis effectifs, potentiels496. Certes les troupes soldées le sont au premier rang, mais eu égard au fait que tout citoyen est ennemi, ce sont ceux qui « portent les armes » qui finalement sont les combattants.
39Wolff, Burlamaqui, Vattel de manière indirecte, de Rayneval, Schmaltz et Klüber font leurs cette position selon laquelle le combattant est celui qui portent les armes et exercent des hostilités497. Il est à préciser que la doctrine s’oppose sur le point de savoir si le combattant doit agir sur ordre du souverain. Moser et Schmaltz incarnent chacun à sa manière cette dispute. Pour le premier, l’ordre donné par le souverain ne conditionne pas systématiquement la qualité de « combattant ». C’est bien plus le but poursuivi par celui qui prend les armes, tenant à la défense de la patrie, qui confère la qualité de combattant498. Pour Schmaltz, l’ordre du souverain est en revanche absolument nécessaire pour être un légitime combattant pouvant se voir appliquer le droit de la guerre, le devoir de modération dans l’exercice du droit de tuer. A défaut, il ne s’agit plus de « combattants », mais selon la terminologie de Grotius et de Pufendorf de « brigands »
40L’autre critère d’extrême importance pour définir le combattant est l’usage effectif des armes qui implique la résistance. Celui qu’on attaque est combattant que dans la mesure où il use à son tour des armes pour résister. Si le premier critère de l’arme portée et dont on se sert, définit le combattant offensif, la résistance par les armes définit secondement le combattant défensif. Il y là une analogie forte avec le phénomène de la guerre elle-même envisagée d’un point de vue global qui distingue guerre offensive et guerre défensive.
41Il appartient à Textor499 de discerner le premier l’importance de l’acte résistance qui doit être analysé comme l’acte de guerre impliquant la légitimité du droit de tuer. Par la suite et d’une manière positive, soit négative – « celui qui ne résiste pas n’est pas un combattant » – l’école du droit naturel comme celle du droit positif reprendront cette notion pour distinguer ceux qui peuvent se voir appliquer les lois de la guerre relatives à la violence physique et à la protection des personnes500.
42N° 256 – Le droit de tuer ou jus letifer : principe et limites – Cette question du droit de tuer, si paradoxale dans une étude juridique, mais qui n’est que l’application matérielle des moyens de la guerre est directement liée à l’appréciation que la doctrine se fait du jus in bello. D’abord conçu comme infini et non borné – et ce droit de tuer ira très loin – puis considéré comme borné et limité, cette licence d’homicide sera par principe limitée aux strictes et justes nécessités de la guerre et des opérations militaires qu’on y mène, qu’elles soient liées à son but ou à sa cause. Seules les circonstances exceptionnelles tirées du droit de nécessité et de la raison de guerre autoriseront le retour à un droit de guerre admis largement et quasiment sans limites. Il convient ici d’indiquer que c’est par les immunités accordées à certaines catégories de civils et aussi par la problématique des « suppliants » – c’est à dire de ceux qui demandent grâce ou « quartier » _ que le droit de tuer va perdre aussi originellement de sa sévérité. Sauf le cas de résistance opiniâtre, la doctrine considère dès le xviième siècle que les « deditionem offerentibus » – ceux qui offrent leur soumission – doivent être épargnés501.
43Comme nous l’avons vu502, l’idée d’un droit de guerre non infini mais borné naît avec les temperamenta grotiens dont nous avons pu dire à quel point leur lecture devait se faire avec précaution. Abordant son jus in bello, Grotius, et après avoir admis un jus in bello infinitum, revient bien évidemment sur ce point et développe ses vues sur le « tempérament au droit de tuer ». Son approche est très théorique. Grotius fonde les limites au droit de tuer en distinguant justice intérieure et justice extérieure, volonté et nécessité, devoir et passion, justice et haine. Se demandant : « Mais quand le meurtre est il juste dans une guerre juste ? », Grotius indique d’une manière assez confuse que c’est au « devoir » qu’il faut en référer pour savoir où et comment cesse le droit de tuer. Grotius a bien du mal à poser une formule un tant soit peu définitive503. Textor plus précis que Grotius, déclare se situer dans sa lignée, mais affirme bien plus le principe du droit de tuer qu’il entend en déterminer les bornes504.
44Bynkershoek est le plus radical de nos auteurs pour dire combien on peut légitimement user de violence pour ne pas dire de toutes les violences à la guerre. Seule la « clémence » du vainqueur constitue un frein bien hypothétique – et par principe n’intervenant qu’a posteriori et non dans la chaleur des combats – au droit de tuer. L’ironie dont fait trop souvent preuve le président du suprême conseil de Hollande confine ici à l’injustifiable505. Vicat sera par la suite celui qui dans la lignée de Bynkcrshock affirmera le plus strictement ce droit de tuer qu’il liera par ailleurs directement à la légitimité de porter toutes sortes d’atteinte aux biens506.
45Avec Wolff et Burlamaqui, nous assistons aux premiers pas du renversement doctrinal. Ces pères du jusnaturalisme sont les premiers à affirmer que le droit de tuer est limité. Cette affirmation qui n’est que le pendant du jus in bello borné aux opérations de guerre, semble paraître logique en soi, mais elle demeure d’une importance toute exceptionnelle dans notre étude dans le sens où pour la première fois, des internationalistes traitant d’usages précis de violences de guerre, indiquent que ceux-ci sont juridiquement et par principe – et non par voie d’exception comme cela était le cas pour Grotius – limités dans leur emploi507.
46Parvenu à ce point de l’évolution de la doctrine, le droit de tuer ne sera point considéré comme un principe du droit de la guerre sans que soit immédiatement précisé qu’il n’est point absolu. Moser y consent et après lui, avec des développements qui connaîtront leur apogée chez Vattel, toute la doctrine déclare comme étant relatif et conditionné le droit de tuer l’ennemi – « ennemi » entendu au sens large – pendant des opérations de guerre.
47L’argumentation se présente sous des formes diverses. Parfois, elle ne se réduit qu’à la simple affirmation, comme chez Martens qui limite le droit de tuer à l’exercice effectif d’une résistance508. Klüber509 et Schmaltz510 se situent sur ce point dans la lignée de Martens. Parfois des considérations morales, d’éthique ou d’honneur militaire viennent justifier la modération, comme cela est le cas chez Vattel.
48Vattel est particulièrement mal à l’aise pour justifier rationnellement cette modération et n’aborde pas cette problématique frontalement. Et c’est par l’entremise du cas de figure de la ville assiégée qui résiste sur ordre de son général en chef qu’est examinée la possibilité de recourir au droit de tuer. Pour Vattel, la question est de savoir si l’on peut menacer et punir de mort celui qui résiste et ne veut pas se rendre. Le droit de tuer est donc examiné sous l’angle d’une sanction, et non plus d’une simple faculté qu’il convient d’encadrer. Pour Vattel, la défense opiniâtre et excessive peut justifier la mise en œuvre d’un droit de tuer considéré comme absolu, mais il fait remarquer que cet usage n’est plus en cours en Europe et contraire à l’honneur et aux devoirs militaires. L’admission d’un droit de tuer relatif, d’un droit de tuer dans la guerre borné et limité n’est plus retenue eu égard à un devoir de modération général et « naturel », mais bel et bien par les circonstances de l’espèce qui admettent le droit absolu de tuer ceux qui tiendraient jusqu’à la mort à résister511. Il y a là indirectement, la résurgence de la notion de nécessité qui se trouve être le propre de la guerre d’une manière générale, mais aussi des opérations de guerre.
49En forme de principe, et sauf exception notable pour les déserteurs et les transfuges ainsi que pour ceux qui ont exercé des violences non commandés et non ordonnées512, c’est donc la situation de désarmement de l’adversaire, de la situation objective d’innofensivité de l’ennemi, qu’il soit souverain, soldat ou combattant désarmé, citoyen ou civil qui oblige à ne pas exercer le droit de tuer. Ne portant pas les armes, n’offrant pas de résistance désespérée et outrancière, en un mot n’étant pas en situation de « combattant », l’ennemi doit avoir la vie sauve. Selon la formule militaire, le droit de tuer n’est pas un droit « à discrétion ». 11 ne constitue pas un droit discrétionnaire.
50N° 257 – Les cas particuliers de la personne du souverain et des dépouilles – Concernant ici le corps physique du souverain, nous devons distinguer deux cas de figure d’atteinte qui lui serait portée. Attenter à la vie du souverain à la guerre peut résulter soit des circonstances du combat où le hasard le fait tomber sous les coups des épées, le tir de balles, le choc des bombardements, soit secondement d’un projet prémédité et organisé, destiné finalement à assassiner le prince en comptant sur l’affaiblissement moral que cette mort susciterait dans les rangs de l’ennemi. Ce dernier point tient plus des procédés de guerre que nous examinerons plus avant que du droit de tuer envisagé objectivement, dans la chaleur et l’âpreté des combats. Enfin, le sort du monarque fait prisonnier est également examiné par la doctrine.
51C’est la question du droit de tuer le souverain hors préméditation que nous abordons ici. La doctrine examine rarement cette question et il appartient à Textor d’ouvrir ce débat et de trancher en faveur de l’application du droit de tuer au souverain513. Moser suit cette position selon une logique a contrario, et étend même cette soumission aux personnes d’un « rang élevé » pour autant qu’elles portent les armes514. Vattel confirme encore et place la personne du roi sous le droit commun. « Mais ce n’est point une loi de la guerre d’épargner en toute rencontre la personne du roi ennemi ; et on y est obligé que quand on a la facilité de le faire prisonnier »515. Ainsi le souverain est ici assimilé pleinement à un combattant, et s’il ne se trouve pas en situation où il résiste personnellement les armes à la main, il est impossible de pouvoir selon les lois de la guerre, le tuer. Cette solution doctrinale énnoncée par Vattel, Moser et Textor, est définitive et sera confirmée par Schmaltz et de manière plus relative par Klüber.
52Schmaltz déclare non seulement qu’on ne peut les mettre volontairement à mort dans le feu des combats, mais ajoute qu’en tant que prisonnier de guerre, les monarques et personnes de haut rang doivent être soumis à un régime spécial. Schmaltz y voit même une « coutume des nations européennes ». Les droits qu’on a à ce titre sur eux, ne permettent point d’aligner leurs droits sur le droit commun des prisonniers de guerre. Il déclare en ce sens : « [...] on ne les fait jamais prisonniers de guerre tant qu’ils n’entreprennent rien contre l’armée ennemie et on les traite avec toute la considération due à leur rang »516. Klüber considère qu’il est un usage de l’Europe de leur appliquer des traitements moins « rigoureux » que ceux habituellement appliqués aux prisonniers de guerre : « Le droit des gens n’exempte point la personne du monarque ennemi, ni les membres de sa famille, des périls et violences de la guerre, surtout lorsqu’ils portent eux-mêmes les armes ; mais l’usage reçu en Europe est moins rigoureux à cet égard »517.
53Une dernière question est traitée tout spécialement par la doctrine. Les corps des morts est soumis à des usages spéciaux qui obligent celui qui a exercé son droit de tuer, son jus letifer. Les dépouilles de l’ennemi doivent être par principe respectées et elles sont selon le terme de Moser inviolables, « unverlezlich ». C’est Gentili qui s’intéresse à ce point et se demande de qui relève la propriété du corps des morts. Traitant du « de casis sepeliendis » – des cas d’enterrement – les soldats morts au combat ont droit au respect, ce qui interdit de porter atteintes aux corps et oblige à procéder à une inhumation518. Grotius traite également de cette question et considère qu’existe un « droit de sépulture » propre au droit des gens et que ce devoir est du aux « ennemis publics »519. Textor examine aussi avec un soin exceptionnel cette question. Il consacre une fois encore, un chapitre entier aux « lois de sépulture »520. Plaçant le respect du à la sépulture au même rang que le droit de légation d’ambassade521, Textor indique que deux règles encadrent ces lois de sépulture : l’absolue interdiction d’empêcher l’acte d’enterrement et le caractère saint justifiant la sécurité publique de cet acte522. Ce droit s’applique strictement à l’ennemi de guerre523.
54Bynkershoek fait état des usages qui selon lui avaient cours dans le passé et rappelle cette double obligation coutumière de respect et d’inhumation524. Moser abordera également ce point sans pour autant affirmer l’obligation de sépulture525. Il appartiendra à Martens de déclarer qu’« il est contraire aux lois de la guerre [...] de priver les morts de sépulture »526.
55La doctrine pose donc le principe de respect du au corps de l’ennemi mort au combat et une obligation générale imposant au vainqueur d’accorder aux victimes de son droit de tuer, une sépulture.
B/ Les prisonniers de guerre
56N° 258 – Du droit premier des prisonniers de guerre – Le statut des prisonniers de guerre occupe une place exceptionnelle dans le droit international. Il est historiquement avec l’état des blessés et malades, des conditions d’emploi de certaines armes, l’un des trois grands champs du droit des gens conventionnel, relatif à la protection des droits de la personne dans la guerre527.
57Cette matière s’est dès le xvième siècle imposée comme un sujet d’étude privilégié pour la doctrine. Une des caractéristiques majeures de l’évolution historique de la doctrine sur la question des prisonniers consiste dans le passage d’une assimilation totale entre statut des biens et des personnes, à une distinction fondamentale entre l’état juridique des choses et des personnes. Butin et prisonniers, qu’il s’agisse de population civile ou de combattant, sont primitivement et complètement traités de la même manière. Ils appartiennent discrétionnairement, soit à celui qui s’en est personnellement accaparé, soit au souverain. L’homme qui fait la guerre et qui tombe entre les mains de son ennemi, est d’abord un butin de guerre et cela explique d’ailleurs le droit de vie et de mort que le vainqueur ou le capteur ont sur lui. Cela explique également qu’ils sont de plein droit des esclaves. Cette question du droit de traiter en esclaves les prisonniers de guerre sera d’ailleurs un objet d’étude récurent. Vattel au milieu du xviiième et Schmaltz au début du xixème siècle traiteront encore de cette question.
58Il demeure qu’aux xviième et xviiième siècles, et sans qu’il y ait eu besoin de « grandes » conventions internationales, la pratique des États européens évolue en un double sens que consacre la pratique : premièrement, comme nous l’avons vu, les combattants et les non combattants doivent être distingués ; secondement les prisonniers de guerres sont des combattants qui ont cessé de combattre, ce qui les distingue des non combattants et interdit par principe de faire prisonnières des populations non combattantes sauf cas de prises d’otages. Cette appréciation implique enfin qu’ils ne peuvent être assimilés à des prises de guerres et qu’ils bénéficient enfin de droits reconnus.
59Pour ce qui concerne la doctrine du xvième finissant et du xviième siècle, la tendance générale est à l’amélioration du sort des prisonniers alors même que la distinction entre combattants et non combattants n’est pas définitivement fixée. Cette tendance à la modération largement partagée par les auteurs du droit international, n’est pas le fait de Grotius. La merveille de Hollande fait des merveilles d’intransigeance. Sur cette ligne Gentili et Grotius s’opposent radicalement et ce même si l’on compare les temperamenta de Grotius sur les prisonniers de guerre aux positions de principes de Gentili.
60Il appartient à Ayala d’ouvrir de manière assez méthodique le sujet. L’auditeur de camp du Prince Farnese commence par poser un principe clair après avoir traité de la question de l’esclavage : « Et assurément, il s’est développé dans le monde chrétien une louable et ancienne coutume selon laquelle les prisonniers, que la guerre soit juste ou non, ne sont pas asservis, mais sont gardés avec leur liberté intacte jusqu’au paiement de leur rançon »528. Par ailleurs, il est absolument interdit de tuer un prisonnier sans autorité publique. Ayala l’affirme solennellement : « Il n’est pas autorisé pour toute personne privée et de sa propre autorité, de tuer un prisonnier, ni de le traiter avec une grande sévérité [...] »529. On voit ici que la distinction entre prisonniers et esclaves n’est pas encore parfaitement établie et que l’auteur se sert du droit romain et de ses règles relatives aux obligations des maîtres à l’égard des esclaves, pour tenter d’adoucir le sort des prisonniers de guerre.
61Gentili va essayer de circonscrire juridiquement l’état de prisonnier par une solution empruntée au butin. Par principe, la chose prise ou captée ne devient butin qu’une fois ramenée au camp. De la même manière, le soldat pris n’est prisonnier qu’une fois arrivé et introduit dans le camp ennemi. Sur le trajet, il demeure juridiquement « citoyen » et ne peut donc théoriquement être tué530. Il faut noter ici encore l’approche particulièrement protectrice de Gentili à l’égard des prisonniers et des captifs. Il consacre en effet son chapitre XVIII de son livre II, aux « cruautés infligés aux prisonniers et aux captifs » dans lequel il conditionne précisément le droit du capteur à s’en prendre physiquement aux prisonniers de guerre.531
62Grotius opère à une réorientation très sensible de la doctrine. Évoquant le droit de tuer, les prisonniers comme d’ailleurs les femmes et les enfants, sont soumis aux plus extrêmes rigueurs de la guerre. Ils sont par principe à la discrétion de l’ennemi. Cette discrétion qui n’est ni plus ni moins qu’un droit de vie et de mort, va « naturellement » jusqu’à la mise en esclavage, que seuls les temperamenta d’une manière limitée d’ailleurs, permettent d’adoucir532. Grotius exprime ici une pensée particulièrement rétrograde par rapport aux acquis doctrinaux d’Ayala et de Gentili. L’assimilation entre prisonniers de guerre, esclaves, prises mobilières de guerre et enfin butin est complète et on s’étonne ici du décalage entre une vision philosophique globale à la fois humaniste, fondatrice du jusnaturalisme et une position factuelle aussi sévère, fondée sur le droit romain du maître, patrimonial et absolu. Grotius déclare en effet sans ambages dans ses temperamenta que : « Une telle acquisition [par captivité des hommes et esclavage] n’est licite que jusqu’à concurrence du montant de la dette originaire ou subséquente [...] ». Il ajoute : « Car si nous y regardons bien, ce droit général sur les prisonniers en vertu d’une guerre juste, est égal au droit qu’on les maîtres sur ceux qui, contraints par la pauvreté, se sont vendus pour être esclaves », et conclue : « Cet esclavage est donc une obligation perpétuelle de service pour des aliments pareillement perpétuels »533.
63Il faut enfin indiquer que Grotius impose aux prisonniers l’interdiction de s’évader et cette solution est encore contraire aux solutions et principe généralement admis par la doctrine534.
64Zouche et Textor ne suivent pas Grotius sur ces questions. Ils s’en tiennent plutôt aux temperamenta qui chez eux se trouvent encore bien plus « tempérés » et modérés qu’ils ne l’étaient chez le maître hollandais535. La majorité doctrinale, moins Grotius, se range donc sur une effectivité des droits des prisonniers de guerre excluant l’esclavage, la mise à mort et autorisant le droit de s’évader.
65En ouvrant la période du xviiième, nous constaterons à son étude la remarquable continuité de la pensée juridique internationaliste. Des postulats simples, clairs et définitifs se dessinent en faveur d’une reconnaissance d’un statut et de droits accordés aux prisonniers de guerre. L’humanisation théorique progresse même si en pratique, mais de façon exceptionnelle, une aggravation sensible du sort des prisonniers dans les grands conflits révolutionnaires et de l’Empire est à relever536.
66Unanimement la doctrine reconnaît que le prisonnier de guerre ne peut être ni mis à mort, ni placé en situation d’esclavage. Bynkershoek déclare : « Au droit de tuer l’ennemi capturé, a succédé le droit de le rendre esclave qui a autrefois été exercé pour une longue période. Mais cette coutume est aujourd’hui tombée en désuétude parmi les nations »537. Et après lui, non seulement Wolff538, mais aussi Burlamaqui affirme : « On ne saurait les faire mourir sans se rendre coupable de cruauté, je dis pour l’ordinaire, car il peut se rencontrer des cas de nécessité si pressant, que le soin de notre propre conservation nous oblige à nous porter à des extrémités, qui hors ces circonstances seraient tout à fait criminelles ». Il ajoute : « On ne doit pas directement et de propos délibérés ôter la vie, ni aux prisonniers de guerre, ni à ceux qui demandent quartier, ni à ceux qui se rendent, moins encore aux vieillards, aux enfants, et en général à aucun de ceux qui ne sont ni d’un age ni d’une profession à porter les armes et qui n’ont d’autre part dans la guerre que de se trouver dans le pays ou dans le parti ennemi »539.
67Moser interdit simplement l’esclavage540. Et Vattel réaffirme solennellement ce double principe :
« Dès qu’un ennemi est désarmé et rendu, vous n’avez plus aucun droit sur sa vie »541 et,
« Si l’on peut rendre esclave les prisonniers [...] » : « Oui, dans les cas où l’on est en droit de les tuer, lorsqu’ils se sont rendus personnellement coupables de quelques attentats dignes de mort » et précise « En toute occasion, où je ne puis innocemment ôter la vie à mon prisonnier, je ne suis pas en droit d’en faire un esclave. Que si j’épargne ses jours, pour le condamner à un sort si contraire à la nature de l’homme, je ne fais que continuer avec lui l’état de la guerre, il ne me doit rien. » [...] ; « Aussi bien, cet opprobre de l’humanité est il heureusement banni de l’Europe »542.
68De Real543 soutiendra ces positions et après lui – à l’exception de Vicat544 qui soumet les droits des prisonniers non aux règles d’ordre coutumier qui ont valeur de principe, mais seulement aux dispositions conventionnelles liant les belligérants Martens, de Rayneval, Schmaltz et Klüber feront également leurs cette règle du droit des gens de la guerre qui prohibe la mise à mort ou la mise en esclavage des prisonniers de guerre.
69Martens déclare « Dans tous les autres cas on doit recevoir prisonniers de guerre les militaires qui tombent entre nos mains et dans les guerres de nation à nation, c’est violer à la fois et la loi de nature et les mœurs des nations civilisées, que de faire mourir les prisonniers de guerres » et précise : « Aussi peu que la loi naturelle défend de tuer l’ennemi légitime lorsqu’il a été vaincu, aussi peu, elle autorise de le réduire à l’esclavage [...] »545. De Rayneval y ajoute l’idée qu’un devoir d’humanité est du aux soldats faits prisonniers, sauf cas extrêmes de nécessité546.
70Schmaltz énonce que « si l’ennemi met bas les armes et demande quartier ou si blessé et dénué de secours il ne peut plus s’en servir, c’est un devoir généralement reconnu d’épargner sa vie et sa personne et de ne voir en lui qu’un prisonnier de guerre ; car on a remporté sur lui la victoire seul but du combat »547.
71Enfin Klüber indique que « la loi défend de maltraiter, de blesser, de tuer, de forcer à prendre service dans les troupes ennemis, ou de faire esclaves, les prisonniers de guerre, à mois qu’ils ne se soient rendus coupables d’un grave attentat, p.e. de sédition, d’évasion ou que l’ennemi nous oblige à rendre la pareille »548 . La formule est définitive.
72Ainsi le combattant, à la fois titulaire du droit de tuer et sur lequel pèse ce jus letifere, qui deviendrait contre son gré non combattant et prisonnier de guerre, acquière-t-il un droit particulier reconnu par le droit de gens qui oblige le vainqueur à lui conserver la vie.
73A ce droit premier, la doctrine par un travail lent mais permanent effectué entre les années 1700, 1819, va venir étoffer et compléter les droits des prisonniers de guerre.
74Une nuance d’importance doit être rapportée concernant la position de la doctrine tardive. La survenance et la consécration de la notion de raison de guerre, comprenant à la fois le droit de nécessité et les circonstances exceptionnelles, vont influer sur la portée du principe de vie sauve à accorder aux prisonniers. Cette tendance initiée par Vattel est particulièrement nette chez Martens, de Rayneval et Schmaltz qui font de la nécessité ou de la « raison de guerre », des exceptions à l’application de ce principe549. Il est également à noter qu’à la manière dont Vicat le faisait pressentir, le droit conventionnel fait une entrée en force dans cette matière et que les dispositions conventionnelles peuvent, non pas au sens strict remettre en cause ce droit à la vie, mais créer par le non respect des stipulations relatives à la détention, des situations de fait qui peuvent avoir des influences fortes sur le statut et les droits des prisonniers de guerre550.
75N° 259 – Des droits secondaires des prisonniers de guerre – A partir de l’interdiction de l’esclavage et de la mise à mort, la doctrine développant au xviiième les notions d’« humanité » dans la guerre, va aménager le sort des prisonniers en leur garantissant des droits nouveaux, des droits qui au fil de l’évolution de la pensée internationaliste ne vont faire que s’étendre. Ces droits concernent aussi bien le traitement et l’entretien des prisonniers que ceux touchant à la propriété privée. Le sort des malades et blessés est également envisagé et la doctrine admet par ailleurs une équivalence entre droits dus aux prisonniers et droits dus à ses propres soldats. Le droit d’évasion est enfin reconnu.
76Vattel fonde en quelque sorte cette matière des droits des prisonniers de guerre. Non seulement il considère qu’ils ont droit à un traitement excluant les violences physiques – ce qui constitue l’essence du droit premier –, mais également qu’en cas d’impossibilité pour le capteur de pouvoir les entretenir ou les nourrir, qu’il est du devoir de ce dernier, de les relâcher sous conditions. Certes, l’ensemble de ces garanties nouvelles sont assorties de conditions qui tiennent à l’attitude et au comportement du prisonnier lui-même, mais nous assistons pour la première fois avec Vattel à une évocation effective de droits nouveaux applicables aux prisonniers de guerre551.
77De Real traite également de questions importantes de manière très originale et pertinente. Après le droit des prisonniers de pouvoir rechercher leur liberté même par la voie de l’évasion, il prend une position d’une remarquable modernité, en indiquant qu’il est en principe interdit de faire juger un prisonnier par des tribunaux, pour contourner en quelque sorte l’interdiction de mettre à mort un prisonnier de guerre. Pour de Real, le procès de la Pucelle d’Orléans « fut un violement du droit des gens »552.
78De Rayneval confirme cette idée d’un corpus de droits minimum dus aux prisonniers de guerre et rappelle que l’humanité est un principe applicable aux prisonniers de guerre qui ne peuvent souffrir que de la privation de liberté tout en demeurant titulaires de leurs droits civils. Il indique qu’« il est évident qu’on ne peut faire autre chose à leur égard que de les mettre en lieu de sûreté pour les empêcher de nuire, ou de retourner à l’ennemi, et qu’on doit les traiter avec humanité » ; « Leurs droits de cité sont suspendus mais non abolis »553. A sa suite, ce sont certains biens des prisonniers qui seront protégés, et notamment leurs vêtements qu’ils ont le droit de conserver, même si d’une manière générale le capteur peut par principe se saisir de l’intégralité de sa propriété554.
79Schmaltz réaffirme la position de Vattel concernant l’interdiction d’infliger aux prisonniers aucun sévices, « aucune peine afflictive ». Il étend la portée du principe de traitement humanitaire et considère que le principe de légalité encadre leur détention et qu’ainsi aucune peine ne peut leur être appliqué si elle ne leur avait été pas préalablement indiqué. Il déclare : « Dans tous les cas, il faut respecter la règle qui interdit toute punition qui n’a pas été annoncée d’avance [...] » et « cet emprisonnement ne doit pas avoir toutefois le caractère d’une peine afflictive, ni être assez rigoureux pour nuire à leur santé »555.
80De plus, la doctrine essentiellement représentée par de Rayneval, Schmaltz et Klüber Martens est bien étrangement silencieux sur ces questions – s’intéresse à l’entretien et au travail des prisonniers. Celui-ci peut être obligatoire, notamment lorsque la puissance ennemie dont relèvent les prisonniers ne survient pas à leurs besoins, mais le fruit de leurs activités en détention leur est acquis.
81De Rayneval précise : « Quant à leur entretien, il doit être à la charge de la nation à laquelle ils appartiennent, parce qu’ils continuent d’en faire partie [...]. La captivité est une chance naturelle du service militaire ; cette chance est donc entrée dans l’engagement réciproque entre le soldat et son souverain, engagement qui a pour objet service d’un côté et salaire de l’autre.
82Si le souverain ne remplit pas cette dernière condition tacite de l’engagement, l’ennemi doit y pouvoir, non à titre d’obligation rigoureuse, mais par un principe d’humanité, mais dans ce cas, il est autorisé ou à réclamer les dépenses qu’il aura faites, ou à se dédommager en faisant travailler les prisonniers ». De Rayneval précise : « [...] on est dans l’habitude d’insérer dans les traités de paix une stipulation expresse qui concerne la subsistance des prisonniers »556.
83D’une manière plus affirmée encore Schmaltz confirme ce point de vue et aborde même le droit du respect de la correspondance557. Klüber se situe dans cette lignée et précise : « S’il manquent de moyen de subsistance, ces moyens doivent leur être fournis ou du moins avancés ; ils sont à leur tour obligés de rendre des services utiles et convenables »558.
84Schmaltz considère enfin, dans une formule qui amène les droits des prisonniers de guerre à leur point le plus avancé que « notre droit des gens nous prescrit encore d’avoir pour les malades et les blessés qui tombent en notre pouvoir les mêmes soins que nous prenons avec nos soldats »559.
85La doctrine finissante – prolongeant les positions de de Real – est unanime à indiquer que le fait de recouvrer la liberté par évasion est un droit par principe non sanctionnable560. Enfin le non respect de ces usages par la partie adverse autorise par droit de rétorsion d’user des mêmes moyens sur les prisonniers que l’on détient561.
86N° 260 – La libération par rançon, « cartel », échange et sur parole – Les conditions de libération des prisonniers de guerre sont historiquement et primitivement abordées sous l’angle exclusif de la question de la rançon. Ce n’est finalement que peu à peu, la doctrine s’écartant du caractère patrimonial et de la « valeur » marchande que représente tout prisonnier considéré comme prise de guerre, que de la rançon, le droit passe insensiblement à l’échange des prisonniers. La convention de guerre vient donc ici prendre le pas sur le fait de violence et le droit discrétionnaire du vainqueur ou du capteur. Dans le même temps, l’usage réservé aux officiers de pouvoir être libérés sur parole, voire maintenus à résidence, s’étend largement. Dépassant la règle de la légitimité de la mise à mort des prisonniers de guerre, la doctrine consacre la faculté juridique, essentiellement d’origine conventionnelle, de pouvoir libérer les prisonniers de guerre. Les solutions du droit civil concernant la vente seront fréquemment citées à l’appui des démonstrations, et ce notamment par Gentili et Vattel.
87Ayala, Gentili et Grotius sont les premiers maîtres d’œuvre de cette systématisation théorique. Ayala s’attache à la question du montant de la rançon et de sa fixation ainsi que du cas du prisonnier mineur rançonné562. Gentili est plus particulièrement sensible aux difficultés de droit liées à l’échange des prisonniers – ce qui démontre par ailleurs le caractère plus novateur de sa pensée – et au cas de force majeure constitué par la mort du prisonnier après validation de l’accord d’échange ou décès de la personne devant se prêter à l’échange contre un prisonnier de guerre. Le caractère de guerre ancienne est ici marqué et le droit s’attache à traiter spécialement des situations particulières de personnalités de haut rang faites prisonnières563. Par la suite, la doctrine s’intéresse aussi bien aux questions de rançon, comme chez Grotius ou Textor, que d’échange des prisonniers chez Zouche564.
88Wolff reste très globalement dans la tradition dixseptièmiste dans le sens où l’essentiel de cette question est constitué par le « rachat » ou la « rançon ». Il indique que « les prisonniers de guerre ne sont pas naturellement réduits en servitude ; on les garde jusqu’à leur délivrance par voie d’échange ou de rachat ; mais ils peuvent par quelque faute particulière être réduit à ce sort »565. 11 évoque certes parmi les premiers la possibilité d’échange et use du terme « cartel » plutôt pour le rachat que pour l’échange des prisonniers de guerre566, mais il accorde une large part de sa démonstration à la question de la rançon. Pour Wolff, la rançon est cessible, son montant est non rescindable et définitif. La mort du prisonnier éteint l’obligation de paiement et les biens en possession du prisonnier peuvent également participer au paiement de la dette. La prise du prisonnier par de nouveaux capteurs entraîne au surplus la possibilité d’exiger une double rançon. Ses positions sont proches de celles de Grotius567.
89Vattel va, au demeurant, encore traiter des questions classiques de la rançon mais sa pensée est résolument orientée vers des usages plus modernes et plus conformes aux coutumes du temps. L’échange et la libération des prisonniers sur parole occupent à ce titre une place importante du droit des prisonniers. Pour Vattel, classiquement, le droit de rançon est transmissible aux tiers mais cette possibilité ne vise que le prix et ne concerne pas une cession de son « bon droit » entendu comme droit de discrétion. La rançon est au sens juridique un contrat et ses obligations sont parfaites dès que l’accord est conclu. Il précise et va plus loin que Wolff, en traitant de l’obligation de payer la rançon pour cause de mort du prisonnier568.
90Mais Vattel innove radicalement en exposant longuement et pour la première fois dans l’histoire doctrinale le principe du rachat et de l’échange public des prisonniers. La rançon est d’abord pour lui d’ordre privé. Elle relève du droit privé et n’est due que par le prisonnier et sa famille. Vattel considère cependant et à titre d’exception qu’il est du devoir des États de racheter ses prisonniers de guerre. L’évolution est d’importance. Le « cartel » apparaît dès lors comme une convention publique internationale visant à la libération des prisonniers par échange ou rachat. Pour Vattel, « les nations de l’Europe toujours louables dans le soin qu’elles prennent d’adoucir les maux de la guerre, ont introduit à l’égard des prisonniers des usages humains et salutaires. On les échange ou on les rachète même pendant la guerre et on a soin ordinairement de régler cela d’avance par un cartel »569. L’État en tant que puissance publique est obligé de les racheter ou d’organiser par échange leur libération. 11 y a là un phénomène de publicisation du droit dans la guerre. Cette évolution constitue la marque de l’éloignement pris d’avec les usages de la Renaissance et des guerres de mercenaires qui faisaient de la rançon le mode primitif de libération des prisonniers. Selon Vattel et très clairement, « Mais l’État est obligé de délivrer à ses dépens ses citoyens et soldats prisonniers de guerre dès qu’il peut le faire sans danger et qu’il en a les moyens ». Avant les prisonniers se rachetaient eux-mêmes, désormais c’est à la puissance publique d’intervenir pour assurer elle-même ce qui pour elle est devenue une obligation. Vattel prévoit même une solution juridique dans le cas où un État se trouverait dans l’impossibilité de régler pécuniairement ces rachats. A défaut de pouvoir les racheter, l’État doit « stipuler leur liberté dans le traité de paix »570.
91L’autre grande avancée opérée par Vattel sur ces questions, est de traduire doctrinalement la technique de libération sur parole qui demeure il est vrai, réservée aux seuls officiers. « On va plus loin encore, et par un usage qui relève l’honneur et l’humanité des européens, un officier prisonnier de guerre est renvoyé sur sa parole ». Vattel rattache cette possibilité à la question de savoir si on peut appliquer le droit de tuer des prisonniers quand on se trouve dans l’impossibilité de les nourrir et indique : « Dans l’histoire, cet usage a été quelque fois mis en pratique », mais « Aujourd’hui la chose est sans difficulté, on renvoie ces prisonniers sur leur parole en leur imposant la loi de ne point prendre les armes jusqu’à un certain temps ou jusqu’à la fin de la guerre ». Il appartient alors aux commandants de fixer les conditions de la libération sur parole des prisonniers, sans toutefois pouvoir exiger que l’engagement pris de ne pas combattre pour sa patrie soit temporellement indéterminé. De plus, les engagements pris ne peuvent être annulés par le souverain571.
92De Real offre ici encore une formule d’une grande portée. Pour lui, la libération des prisonniers est un principe et un droit, un droit au surplus né de l’état des relations entre nations européennes : « Depuis que la guerre est devenue un état de convention réglé par les droit des gens, toutes les nations de l’Europe, par un usage commun que chaque peuple a adopté sont convenues que les prisonniers de guerre faits de part et d’autre, recouvraient leur liberté ». Ainsi il pose un principe secondaire qui oblige les nations à racheter ses prisonniers. La solution est comparable à celle de Vattel, mais là où ce dernier évoquait une faculté d’ordre coutumière, de Réal pose bien une règle d’ordre générale et voulue comme absolue572. Ainsi, ce principe de libération doit toujours être prévu par les belligérants : « Dans un siège, la capitulation règle toujours le sort des prisonniers de part et d’autre » et « s’il n’y a point de cartel, on attend le temps où les puissances belligérantes en établiront un ou sinon la fin de la guerre »573. Le Sénéchal de Forcalquier évoque des solutions parfois surprenantes et anachroniques, telles que celle qui prévoit que « les prisonniers ont toujours la faculté de passer au service de l’étranger ». La fouille est un droit du capteur mais les sommes cachées par le prisonnier peuvent servir au paiement du rachat. Enfin, il s’interroge plus longuement sur la validité des engagements du prisonniers stipulés par convention. Ainsi, il se demande « si celui qui a promis à l’ennemi de ne pas reprendre les armes contre lui, peut être contraint à les reprendre par l’État dont il est membre » et considère que si certains auteurs sont défavorables à un tel engagement « contraire au devoir d’un bon citoyen », il demeure que « tout ce qu’on fait contre son devoir n’est pas pour cela seul, invalide en soi ; un prisonnier qui pour se procurer la liberté promet de ne plus servir contre l’ennemi, ne manque point à sa patrie, car il ne s’oblige simplement de ne pas faire une chose que l’ennemi lui même, maître de garder son prisonnier, pouvait empêcher »574.
93Enfin, le Sénéchal théorise précisément le cadre juridique des conventions de guerre relatives aux prisonniers que sont les « cartels ». Ce terme générique pour qualifier toute convention conclue en temps de guerre, est spécialement employé pour celle visant à l’échange des prisonniers. « Le cartel est une convention qui se conclut pendant le cours de la guerre, entre des commissaires des deux armées, autorisés par des pleins pouvoirs de leurs souverains et qui réglemente de quelle manière l’échange des prisonniers sera fait ou la rançon payée ». Cet échange, précise de Real, se fait ordinairement par rang et en cas de rachat, la somme est fixée forfaitairement. Il demeure qu’un « cartel » peut aussi bien viser l’échange de déserteurs575.
94Martens576 est ici particulièrement peu disert et il faut attendre de Rayneval et dans une moindre mesure, Schmaltz et Klüber pour qu’une attention à peine plus conséquente soit portée à ces questions d’échange de prisonniers.
95De Rayneval est sur cette problématique influencé par les travaux de Vattel. A la différence de Martens, il traite avec soin la libération sur parole dont les termes sont par principe obligatoires pour le prisonnier libéré. De Rayneval évoque le cas de prisonniers libérés sur parole et maintenus à résidence dans le pays ennemi et qui viendraient à commettre un délit. La libération sur parole est une simple faculté et non un droit. Certes, elle est considérée comme préférable et la puissance captrice doit par principe y recourir. Quand elle ne le peut pas, elle se trouve cependant tenue de survenir aux besoins des prisonniers. Il demeure qu’une telle possibilité a, pour la nation qui détient des prisonniers, ses limites tenant au droit à sa propre sûreté ou à la nécessité. Ainsi si « sa propre conservation est évidemment compromise », « les lois terribles de la guerre l’autorisent à prendre ce partie extrême [« se défaire des prisonniers »] » ; « on sait depuis longtemps que ces lois sont contraires à celles de l’humanité : mais enfin elles sont inséparables du principe qui constitue l’indépendance des nations et de l’impossibilité où elles sont de poursuivre leurs droits autrement que par la force des armes »577.
96Il indique enfin que de manière générale le droit national ne peut s’appliquer et que les prisonniers de guerre bénéficient de la sorte d’une immunité spéciale578. Concernant la « rançon », de Rayneval reprend les solutions classiques de la doctrine sans faire d’innovation579. Enfin et de manière très originale, de Rayneval se demande quel est « l’état civil » du prisonnier de guerre libéré sur parole. Nous préciserons ici qu’être libéré sur parole implique soit le renvoi dans la nation dont est originaire le prisonnier avec obligation de ne plus combattre pendant un certain temps, soit la mise en résidence, comme le fut la ville de Verdun pour les soldats britanniques faits prisonniers durant l’Empire. De Rayneval fait ici part d’indication utiles580.
97Schmaltz considérant que l’usage de la rançon est abandonné en Europe, traite de la libération sur parole et de la mise en résidence581. Enfin Klüber, à la manière de Textor, évoque largement toutes les hypothèses de libération des prisonniers de guerre582.
98La tendance doctrinale révèle que la matière du droit relatif à la libération des prisonniers de guerre ne cesse de diminuer chez les principaux auteurs du droit international après Vattel. Mais il demeure en même temps, que le principe d’un droit à la libération est définitivement acquis et que le xviiième consacre définitivement la fin de la solution de la mise en esclavage. Enfin l’émergence de droits nouveaux relatifs aux conditions de détention et à la sécurité, au respect de la propriété privée, et notamment de subsistance ou de correspondance annonce en bien des façons, l’ère moderne du droit international et notamment celles nées de la Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre du 27 juillet 1929 et de la IIIème convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre du 12 août 1949. Le grand acquis du droit international positif contemporain est d’avoir élargi la notion de prisonnier de guerre – entendu comme personne « capturée par l’ennemi » – à celle de « personne tombée au pouvoir de l’ennemi »583. Cette extension consacrée par le droit est cependant, comme nous l’observerons, pressentie dès le xviième.
§ II. Les non combattants et la question de la protection des civils et des privilèges de guerre
99N° 261 – Histoire du droit humanitaire – Nous avons déjà examiné dans notre première partie les questions relatives à la légitimité interne des actes de guerre et relevé que dans le cadre de la théorie de la guerre juste, l’intention droite s’imposait en forme de principe pour fixer les limites des atteintes qu’il était légitimement possible de porter aux personnes. Ces limites se trouvent largement posées en ce qui concerne les « combattants » qui peuvent subir le droit de tuer. Pour les non combattants, dont la définition est encore mal établie avant le xviième siècle, ces protections existent mais de manière particulièrement mal définies, et aux horreurs aveugles des guerres du Moyen Âge et de la Renaissance, ne correspondent primitivement que des limitations ponctuelles concernant telle ou telle catégorie spéciale de personnes. La désignation de ces personnes se fait bien plus en raison de leurs fonctions ou de leurs métiers que de leur état. Il appartiendra à la doctrine d’élargir peu à peu le domaine d’application de ces privilèges de guerre à des catégories de plus en plus large.
100A partir de certains passages vétérotestamentaires et des interventions des autorités publiques dès le Moyen Âge, l’idée s’impose que des limites existent au droit de guerre légitimant les atteintes physiques à certaines catégories de civils584. Sur cette question particulière, nous retrouvons à l’œuvre nos grands juristes. Vitoria et Gentili dominent la période pré classique. Et ces premiers efforts de théorisation se confirmeront chez Ayala et d’autres auteurs585.
101Grotius au travers du filtre des tempéraments aborde cette question de la modération à observer à l’égard des non combattants. S’il traite spécialement de la protection à accorder aux femmes, enfants et à certaines professions586, c’est par ses propositions sur le « carnage » et les « suppliants » qu’il en vient à des vues plus générales s’imposant comme des principes permanents de modération et d’exception au droit de tuer les non combattants : « Le carnage porte d’après le droit de la guerre sur ceux qui sont armés et qui résistent » ; « Il ne faut pas refuser de recevoir à composition ceux qui demandent la vie sauve, soit dans un combat, soit dans un siège » ; « La même équité ordonne d’épargner ceux qui se rendent sans condition à la discrétion du vainqueur ou qui se font suppliants »587. Ainsi indépendamment de certaines classes de civils, tels que les agriculteurs, femmes, enfants et vieillards, traditionnellement considérés comme devant dans la guerre, être épargnées, c’est par la voie indirecte du droit de ne pas tuer les non combattants, de l’interdiction du carnage et enfin du devoir de donner la vie sauve aux suppliants que peu à peu, s’étend le champ d’application d’une sorte d’immunité générale bénéficiant aux civils.
102Zouche et Textor avec des degrés de développements divers marcheront dans ces pas doctrinaux588. Nous noterons l’absence de toute réflexion de Rachel et Pufendorf sur ces questions. La doctrine au xviiième ne fera que confirmer cette extension des garanties de protection à accorder aux civils, indépendamment de leur profession, ou de la fragilité, voire de l’innocence de leur personne.
103N° 262 – L’apport comparé des écoles jusnaturaliste et posivisite, 1700-1819 – Les doctrines jusnaturalistes et positivistes imposent au xviiième siècle des solutions similaires en matière de protection des populations civiles non combattantes. Malgré le vide pufendorfien – rétif aux coutumes de guerre ou volontairement oublieux de ces questions – la multiplication des usages prohibitifs étend peu à peu le champ de la protection de ces populations et cette tendance est très largement partagée par les deux écoles. Il y a là la confirmation d’une orientation doctrinale prise dès le xviième et on doit ici considérer la stricte continuité qui lie la pensée internationaliste d’un siècle à l’autre. L’innovation essentielle qu’apporteront les auteurs des Lumières se matérialise dans l’extension des règles de protection des non combattants aux personnels administratifs et non militaires accompagnant les armées. Cette solution doctrinale est l’œuvre de de Real et sera reprise par Martens, Schmaltz et Klüber.
A/ Les populations civiles non combattantes
104N° 263 – Des usages particuliers aux dispositions de protection à portée générale – La doctrine du xviiième reprend la double approche de jus in bello du xviième relative aux personnes non combattantes. Il existe des dispositions spéciales à certaines catégories de civils en même temps qu’est affirmé de plus en plus solennellement, que d’une manière générale tous les civils doivent être considérés comme devant se situer hors du champ du jus in bello quant aux atteintes physiques.
105Moser ne s’en tient qu’aux dispositions spéciales, mais la multiplication des catégories échappant au droit de tuer, entraîne de facto, une protection très étendue des civils bénéficiant d’une sauvegarde. Moser est celui de nos auteurs qui de la manière la plus remarquable assure l’extension du champ de protection générale des populations par la multiplication des prohibitions catégorielles. Sont ainsi pour lui considérées comme « inviolables », non seulement les personnes désarmées, mais aussi, parmi les civils, les « hommes d’église même si certains sont voués à une religion opposée », « ceux qui cultivent et labourent les champs », les « femmes mariées » [sic], et les « hommes célibataires », les « malades et les mourants »589.
106Burlamaqui et Vattel avancent tous deux des dispositions spéciales. Les vieillards, les femmes, et les enfants, tous ceux qui ne sont pas en âge, ni font profession de porter les armes, les ministres du culte, les gens de lettre, les agriculteurs sont protéger explicitement590. Vattel conditionne cependant ces privilèges à la soumission aux ordres donnés par l’ennemi, tandis que Burlamaqui avance un principe de portée générale : « [...] on ne doit pas directement et de propos délibéré ôter la vie, [...] et en général à aucun de ceux qui ne sont ni d’un âge ni d’une profession à porter les armes et qui n’ont d’autre part dans la guerre que de se trouver dans le pays ou dans le parti ennemi »591.
107De Real avance également une règle générale, mais sa formulation est d’ordre philosophique bien plus que d’application pratique. La notion de nécessité est par lui introduite, mais nous nous trouvons bien en face d’une règle voulue comme générale malgré cette exception592. Après lui, et dans la lignée de Burlamaqui, tous les auteurs se rangent au distinguo combattants-non combattants ; acte de résistance militaire – attitude pacifique des civils, et admettent une règle générale de protection de l’ensemble des populations civiles.
108A l’occasion, la doctrine étend même ces garanties à de nouvelles catégories de civils, telles les malades et les blessés, en obligeant les belligérants non seulement de ne pas les mettre à mort mais en leur imposant un devoir de prise en charge, de soin et de protection particulière. Peu à peu de la sorte, les non combattants, pourtant ennemi en droit, bénéficient d’un régime de protection faits de droits renforcés, excluant l’application du droit de tuer, mais aussi des devoirs explicites pour le belligérant vainqueur.
109Vicat déclare dans une formule très générale : « Dans la guerre, il est des procédés honnêtes qu’il est d’usage de tenir envers l’ennemi (à moins de convention faite avec lui ou avec les individus qui en relèvent [...]) quoique l’on ne soit pas obligé à en user sur ce pied là si on ne le veut. [...]. On aura grand soin des blessés pour les faire guérir ; on les soulagera dans leurs maux et on les traitera avec bonté. On épargnera la vie de toutes les personnes dont on pourra se rendre maître, au lieu de les tuer ou le blesser ; on les sommera de s’épargner de plus grands maux et on leur proposera pour cela de se rendre prisonnier ; on fera à ceux-ci plusieurs bons traitements qu’il n’est pas du devoir exigible qu’on leur fasse [...]. On en usera de même avec ceux qui seront rendus à discrétion [...] ; à plus forte raison épargnera-t-on leur vie, nonobstant qu’on eut le droit de l’ôter à de tels prisonniers, comme à ceux qu’on a pris sans qu’ils se rendissent d’eux mêmes ». [...] A plus forte raison l’on abstiendra de nuire dans le pays ennemi, aux personnes qui ne sont pas armées, au lieu de piller le bourgeois et le campagnard, on exigera des contributions pour lesquelles les habitants d’une ville auront à se cotiser »593.
110Martens se range derrière ce concept de non résistance et déclare : « La guerre autorise à considérer comme ennemi tous les sujets de l’état contre lequel elle a été déclarée », « mais comme dans les guerres de nations à nations aucune n’est autorisée à punir son ennemi légitime, le droit de le blesser et de le tuer ne repose que sur celui de vaincre sa résistance qu’il nous oppose ou de repousser son attaque », et « c’est pourquoi la loi naturelle défend d’un côté, de blesser ou de tuer ceux qui de leur personne ne prennent point une part active aux hostilités : on doit donc épargner 1° les enfants, femmes, vieillards et en général tous ceux qui n’ont point pris les armes ou commis des hostilités [...] »594.
111Klüber et Schmaltz valideront définitivement ces positions en reprenant cependant à leurs comptes les nuances tenant à l’obligation d’obéissance que les civils doivent aux autorités militaires occupantes. Vattel et de Real avaient été les premiers à mettre ces devoirs en avant. Leur non respect autorise la puissance militaire occupante à ne pas considérer comme de droit strict, les lois de la guerre protégeant les civils des atteintes et violences physiques commises par des troupes d’occupation. Schmaltz s’exprime de la façon suivante : « Mais elle [la loi de la guerre qui autorise par ailleurs à tuer l’ennemi] protège l’habitant paisible de tout âge et de tout sexe, en rendant sa personne sacrée et en imposant aux chefs militaires l’obligation d’empêcher et de punir de toute violence et tout excès de la part des soldats. En échange les habitants, partout où pénètre l’ennemi vainqueur, sont tenus de lui obéir comme à un protecteur temporaire. ». Cependant, « il [l’ennemi armé] peut exiger d’eux [les habitants paisibles] des travaux et des transports pour le service de l’armée, comme le ferait un prince légitime ; cependant il n’aurait pas le droit de leur imposer des obligations contraires à la fidélité qu’ils doivent à leur gouvernement »595. Klüber fait valoir que « Quoique le droit des gens naturel ne défende point d’user de violence envers tous les sujets de l’état ennemi établi et envers leurs biens, l’usage de guerre établi en Europe a néanmoins restreint cette faculté par rapport aux sujets qui ne peuvent être regardés, pour leur personne, ni comme ayant pris part à l’offensive primitive, ni comme exerçant des hostilités ». Contre eux, seules des « mesures qu’exigent impérieusement les besoins de la guerre, soit pour les empêcher de prendre part aux hostilités et augmenter les forces de l’ennemi, peuvent être prises »596. Klüber ajoute : « les habitants d’un pays pourvu qu’ils se tiennent tranquilles et s’acquittent avec promptitude des obligations qui leur sont imposées [fournitures, attelages pour les armées], jouissent pour leur personne d’une entière sûreté, leurs propriétés sont respectées, et l’on entrave pas leur commerce, tant dans le pays qu’avec les nations neutres »597.
112A l’étude de l’évolution doctrinale opérée, nous constatons la permanence de garanties spéciales accordées à des catégories de populations, en même temps que l’affirmation d’un principe général de protection de l’ensemble des populations civiles. Théoriquement, le droit de tuer ou d’infliger aux civils des violences physiques est interdit aux belligérants, sous réserve – et il s’agit là d’un apport de la doctrine tardive soutenue par Schmaltz et Klüber – d’une obligation d’obéissance et de respect des ordres donnés par les autorités militaires ennemies.
113N° 264 – Le cas particulier des femmes, des enfants et des vieillards – L’insistance avec laquelle la doctrine et ce jusqu’en 1819, jusqu’à Klüber, évoque « les faiblesses et l’âge », et ce malgré l’affirmation d’un principe général d’immunité due à l’ensemble des civils, nous obligent à penser que les femmes, les enfants et les vieillards bénéficient d’un statut particulier, d’une sorte de « privilège dans le privilège ». La constance avec laquelle la doctrine tient à rappeler les devoirs des belligérants à leurs égards, l’affirmation permanente de l’exigence de ne pas attenter à ces populations, doivent nous conduire à considérer qu’aux yeux de la doctrine, elles sont une catégorie pour lesquelles d’une manière aussi absolue que possible, aucune atteinte physique ne peut leur être portée.
114Le vocabulaire dont usent les jurisconsultes ne laisse pas de doute sur ce point. Ayala parle de comportement « honteux »598. Pour Gentili, elles ne peuvent jamais être « ennemies », et c’est une question d’« honneur » que de les épargner599. Pour Wolff, « [...] il y a des violences qui ne doivent jamais être permises, comme le viol des personnes du sexe, le massacre des enfants [...] »600.Pour Vattel enfin, tout officier à l’obligation de « réprimer » le « massacre des enfants et vieillards » et « un général les punit quand il le peut »601.
115Il demeure que ce privilège tombe pour les femmes, si elles se virilisent et portent elles-même les armes, devenant donc de la sorte des « combattantes »602. L’hypothèse des enfants soldats, si terriblement actuelle, n’est jamais évoquée par la doctrine.
116Le respect du aux femmes et l’interdiction du viol se situe dans la continuité de ces positions. Il est une constante doctrinale et il faut y voir une protection de plus pour cette catégorie de civils et une des règles fondamentales du droit dans la guerre. Wolff nous venons de l’observer l’indique. Mais Grotius, moins affirmatif cependant sur la question du droit de tuer femmes et enfants, en fait aussi une « loi des nations »603. Zouche s’aligne sur ce point avec Grotius et Textor déclare : « Je soutiens indubitablement qu’aucun ennemi peut s’adonner à une conduite moralement vile, comme le viol ou l’adultère »604. Burlamaqui interdit « l’outrage fait à l’honneur des femmes », Vattel le « viol ». De Real affirme qu’il est prohibé de « faire aucun outrage au sexe »605. Vicat est plus disert. Il évoque l’atteinte à la « pudicité » et sur ce point sa formulation ne vise pas un sexe en particulier et comprend aussi les atteintes portées à la « pudicité des personnes » : « Ce serait aussi attaquer l’ennemi dans ses droits essentiels, que d’attenter à la pudicité des personnes, en faisant à leur égard et contre cette pudicité, ce qui n’a aucun rapport avec le succès de cette guerre, et ne conduit point à mettre l’ennemi hors d’état de résister »606.
117Si Martens et Schmaltz n’évoquent pas le viol, Klüber le considère comme une violence de guerre prohibée et associe à cette prohibition générale, l’interdiction de s’en prendre et aux malades et aux « invalides »607.
118N° 265 – Les étrangers ennemis se trouvant sur le territoire national – Par principe, le ressortissant d’une nation en guerre avec une autre nation sur le territoire duquel il se trouve, est un « ennemi » au sens du droit international. Par principe également et sous réserve des limitations examinées relatives aux droits de guerre rendant admissibles les violences physiques, le droit de tuer lui est applicable. Il demeure que la doctrine admet très tôt que les étrangers bénéficient d’un privilège. Vitoria semble le premier à admettre cette règle608. Grotius reprend cette solution609.
119Au xviiième et dans la continuité de ces positions originelles, une solution en trois temps sera définitivement posée :
L’étranger de la nation avec qui l’on est en guerre est ennemi ;
Il est admis à son égard une immunité particulière.
Pour la mise en œuvre pratique de cette immunité, la puissance publique accorde un terme aux étrangers pour quitter le pays. Passé ce délai, l’étranger est considéré comme ennemi de droit sans privilège et des voies de faits ou des actes de violence de guerre peuvent lui être infliger.
120C’est Wolff qui avancera le premier ces propositions. Pour le maître à penser des Allemagnes, « Quand on déclare la guerre, les étrangers qui sont sujets ennemis, reçoivent l’ordre de sortir dans un certain espace de temps, au bout duquel ils sont réputés ennemis et en cette qualité peuvent être fait prisonniers ». Wolff admet que ce délai doit être « convenable » et que le cas de force majeure constitué par la « violente maladie » exonère temporairement l’étranger de cette obligation610.
121Burlamaqui reprendra à son tour cette disposition. Les étrangers « peuvent avec justice être regardés comme nos ennemis ». Mais pour ceux qui étaient là avant le début de la guerre « la justice et l’humanité » obligent à leur accorder « quelques temps pour se retirer »611.
122Klüber sera le dernier de nos auteurs à évoquer ce point en indiquant, par voie d’exception, que par traité ou par « pure grâce » est parfois accordée à un étranger ennemi la faculté de continuer à séjourner dans le pays avec lequel sa nation est en guerre612.
123N° 266 – Du sort des otages – Du point de vue du droit de la guerre, la qualification d’otage recouvre trois situations distinctes. L’otage est juridiquement d’abord une forme de garantie communément convenue entre belligérants. La prise d’otage est secondement un type d’acte de guerre et d’hostilité supposant par la voie de la violence, la capture d’une personne ennemie combattante ou non combattante. Il peut être enfin un acte de représailles commis en réponse à un premier acte d’hostilité.
124Les conventions de guerre comme tout contrat peuvent exiger des garanties de bonne exécution. L’otage, personne physique remise aux mains de l’ennemi, sert alors en tant que garant et généralement sur sa vie, à ce que la nation à laquelle il appartient, exécute correctement les stipulations contractées. Les trêves, suspensions d’armes et autres pactes peuvent être l’objet de telles garanties613. Mais il arrive également qu’au cours d’opérations militaires, la prise d’otages – androlepsie en grec, pignoratio en latin – soit employée comme arme et moyen de guerre, pour contraindre l’ennemi à répondre à une demande expresse de l’ennemi détenteur des otages, et l’obliger à exécuter certaines de ses exigences. L’otage peut aussi être retenu à titre de représailles relativement à un acte premier, jugé par la puissance armée recourant à la prise d’otages, comme contraire aux us et coutumes normalement observés en temps de guerre.
125Historiquement, l’otage est une très ancienne coutume relevant plutôt du droit international pénal que du droit international public614. La question de sa légitimité a longtemps divisé la doctrine615en ce sens que bien évidemment le sort réservé à l’otage, pèse sur une personne innocente du fait initial cause de sa saisie, et qu’elle n’en est tenue responsable que selon un principe subjectif de responsabilité collective au titre de la nationalité partagée avec l’auteur du fait de guerre considéré comme crime initial.
126La position juridique sur cette question avant le xviiième siècle est claire : sur le principe, il est légitime de recourir à la saisie d’otage sous respect cependant de certaines conditions : le « juste meurtre » et l’existence d’une demande en revendication de droit préalable616. Le parallélisme avec la juste guerre est net et il faut convenir que le fait générateur de la prise d’otage peut aussi bien constituer, suivant la qualité de la victime où les circonstances, une juste cause de guerre. Cette question est éminemment épineuse, et pour rendre plus complexe encore ce sujet, il faut souligner que la prise d’otage constitue bien souvent, dans un contexte objectif d’état de guerre, ni plus ni moins que de strictes représailles. D’ailleurs la doctrine médiévale aborde originairement cette question des otages sous l’angle des représailles617.
127La doctrine se dispute sur la question de savoir si un otage peut être mis à mort. Il peut au moment de sa capture avoir été pris les armes à la main et en attitude de combat ou de résistance, comme il a pu être capturé en tant que non combattant. Par principe et à l’exception notable de Grotius qui sur ce point nous livre encore des positions diverses et contradictoires, les otages de guerre ne peuvent être mis à mort. Vitoria – qui leur applique le régime commun du droit de tuer – l’indique, tout comme Ayala, Gentili de manière plus affirmative, et enfin Zouche qui se rapporte sur ce point au maître de San Ginesio618.
128Grotius distingue quant à lui droit interne et droit externe pour affirmer dans son chapitre consacré au droit de tuer qu’il est possible de tuer des otages de guerre. Dans son chapitre XX dédié aux conventions conclues en temps de guerre, il indique en revanche que selon le droit interne ce procédé est non admis, sauf ajoute-t-il à nouveau, une « faute méritant châtiment »619.
129Textor rompt ici une tradition en posant un principe de non admission de la mise à mort des otages en faisant une lecture orientée et audacieuse de Grotius620.
130Au xviiième siècle, il faut attendre Vattel pour que le sort des otages soit examiné de nouveau. Bynkershoek, Wolff et Burlamaqui, comme du reste Pufendorf ignorent ce point de droit. Ils évoquent certes l’otage comme garantie aux conventions, mais non du point de vue de la protection de la personne physique.
131Vattel étudiera avec soin la question de l’otage tant du point de vue de la garantie qu’il constitue aux conventions de guerre que du point de vue de ses droits à protection dans la guerre621. Vattel offre des vues exceptionnellement novatrices en matière de défense des droits des otages. Il s’affirme ici encore comme un initiateur d’un droit humanitaire élargi, résolument tourné vers la plus grande protection possible des non combattants. Il est à des lieues des ambiguïtés grotiennes. Son sens de la formule marque également sur la question des otages un tournant dans le droit international. On y trouve une modernité de ton qui annonce l’âge contemporain en même temps qu’une défense de l’humanité et la proclamation d’une charité dans un style perdu depuis la fin de la scolastique espagnole. « Il [le souverain] peut prendre des précautions pour éviter qu’ils [les otages] ne lui échappent ; mais il faut que ces précautions soient modérées par l’humanité, envers des gens à qui on est point en droit de faire souffrir aucun mauvais traitement, et elles ne doivent point s’étendre au-delà de ce qu’exige la prudence ». Pour Vattel, « la liberté seule des otages est engagée », et non leurs vies622. Vattel étudie aussi la question du point de vue de la garantie qu’ils peuvent représenter pour l’ennemi qui souhaite voir les populations civiles exécuter leurs ordres ou pour les cartels623.
132De Réal aborde essentiellement l’étude des otages sous l’angle de l’instrument de bonne exécution des conventions internationales. Il les nomme « garants » et aborde frontalement la question de droit : « En donnant des otages pour la sûreté d’un convention, engage t’on leur vie ou simplement leur liberté ? S’ils se sauvent et qu’ils soient repris, ou si les conditions du traité sont violées, le prince a t’il le droit de les faire mourir ? ». De Real va chercher dans l’histoire, les justifications de son positionnement. Claudius, fit couper les têtes de trois cent enfants Volsques reçus en otages pour inspirer aux alliés de Rome la crainte de rompre leurs alliances. Les otages de la ville de Tarente qui s’étaient enfuis furent rattrapés et jetés du haut de la roche tarpéïenne. Le droit de la guerre antique considérait de la sorte comme parfaitement légitime la mise à mort de l’otage. En 1467, Charles de Bourgogne refusa de tuer les otages donnés par la Ville de Liège malgré la violation du traité qu’elle fit. Mettant en avant l’évolution des comportements de guerre, de Réal souligne que peu à peu, l’usage voulut que les otages ne soient plus exécutés. Grotius se trouve cité et selon de Real, le maître de Hollande « trouve de l’inhumanité à satisfaire par la mort des otages, le ressentiment d’une injure dont ils sont entièrement innocents »624.
133De Real conclue lui-même en excluant toute possibilité de les mettre légitimement à mort : « Le droit qu’a sur les otages l’État à qui ils ont été donnés cesse :
Lorsque la convention pour la sûreté de laquelle ils ont été donnés, a été exécutée, ils reprennent leur liberté et doivent être rendus.
Les otages donnés pour un sujet de pas être retenus pour un autre. Si depuis que l’État les a livrés, ils ont ou manqué de parole, ou contracté une dette pour quelque autre chose, ils pourront être retenus, non comme otages mais par droit de représailles, à moins qu’il n’ait été stipulé que les otages seraient rendus aussitôt que l’engagement, pour lequel ils ont été donnés, aurait été rempli, sans qu’on pût les retenir pour quelque choses occasion que ce fût.
L’otage donné pour tenir lieu d’un prisonnier ou d’un autre otage doit être renvoyé si ce prisonnier ou cet autre otage vient à mourir. Le droit de cette espèce de gage est éteint parce qu’il n’a plus d’objet.
L’otage qui hérite de l’État qui l’avait donné, doit être rendu, quoique le traité subsiste après la mort du prince qui l’avait faite. Son successeur doit être échangé contre une personne du rang qu’il avait avant que de parvenir à la couronne, parce que l’intention des puissances contractantes n’a pas été que le souverain lui-même demeurât en otage ».
134On le voit l’approche de de Real se ressent d’un certain passéisme. Les cas d’espèces qu’il traite renvoient à des hypothèses inactuelles pour son temps, mais il demeure qu’il est le seul à offrir un véritable cadre théorique visant à la protection des otages comprenant l’exclusion tacite de leur mise à mort625. L’otage pour cette moitié du xviiième siècle, doit exclusivement être une garantie aux conventions de guerre ou de paix. On ne peut y recourir théoriquement qu’en cas de conventions et notamment lors d’échange de prisonniers626.
135La doctrine tranche donc avec les solutions encore hésitantes du xviième, et admet un principe issu du droit naturel garantissant l’immunité et l’inviolabilité des otages. C’est cette orientation qui va par la suite prévaloir définitivement. L’otage ne peut être qu’une garantie des pacta bellica, il ne peut au sens strict être assimilé à un combattant et se voir appliquer le droit de tuer.
136Vicat exprime sur ce point une position en forme de synthèse de la doctrine du xviiième siècle : « L’otage conventionnel [...] doit demeurer inviolable en notre pouvoir et exempt de tout acte d’hostilité de notre part, jusqu’à ce qu’il paraisse que l’ennemi manque à la réserve sous laquelle cette inviolabilité a lieu ». Néanmoins en cas d’« acte d’hostilité » commis de la part de l’otage, ou si « celui-ci cherche à soustraire sa personne et à se dérober de nos mains ; dès là nous ne sommes plus obligés de le tenir pour inviolable et nous pouvons le traiter comme un ennemi vis à vis duquel les droits de la guerre ont un libre cours »627.
137De Rayneval va opérer ici une rupture plus radicale. Il admet explicitement l’immunité et amène plus loin le droit international en considérant qu’il existe une équivalence entre otages et prisonniers de guerre. Ce statut nouveau accordé aux otages leur confère des droits mieux établis. De Rayneval exprime le premier l’interdiction de les mettre à mort628.
138Martens moins affirmatif, admet tout d’abord que des traitements violents peuvent leur être appliques, mais « le droit des gens positif ne permet pas de les faire mourir », sauf cas exceptionnels de représailles629. Peu à peu la doctrine s’aligne donc sur une assimilation complète entre droit des otages et droits des prisonniers de guerre, excluant par principe qu’ils leur soient appliqués le droit de tuer. Enfin nous indiquerons que dès Martens, le recours à l’otage comme garantie accordée aux traités de paix n’est plus considéré comme un usage des nations et qu’il y est fait emploi uniquement pour les conventions de guerre du type, trêve ou capitulation.
139Schmaltz qui les étudie dans le cadre des traités publics sous l’angle de garantie de bonne exécution des conventions internationales, et spécialement des conventions de guerre, indique qu’il s’agit en général de personnes de « rang distingué », rarement le monarque lui-même, issues d’un « corps d’armée, d’une garnison, d’une ville ou d’une province » à qui on assigne un lieu de séjour fixe avec interdiction de s’en éloigner. Leurs conditions matérielles de vie lors de la durée d’assignation à résidence ou d’emprisonnement, doivent être en rapport avec la qualité de ces personnes et avec leur « rang ». Elles ne peuvent être emprisonnées qu’en cas de tentative d’évasion. Quand aux règles de protection physique, Schmaltz indique : « Si l’engagement pour lequel ils ont été constitués, n’est pas rempli, on ne peut porter les mesures de rigueur contre eux au delà d’une étroite prison. Leur vie est sous l’égide de la morale chrétienne »630.
140Klüber enfin n’y verra qu’une garantie aux conventions internationales, les assimilant du point de vue de leur personnes à ces prisonniers de guerre631.
141Nous concluerons ici en indiquant que l’évolution de la doctrine tend à exclure et à considérer comme contraire au droit de la guerre la prise d’otage comme moyen de guerre et acte d’hostilité. Seul l’otage volontaire considéré comme garantie à une convention de guerre est admis.
B/ Le personnel militaire considéré comme non combattant
142N° 267 – Le personnel militaire considéré de manière permanente comme non combattant – Il appartient à de Real d’être le premier à placer certaines catégories de militaires hors du champ des lois de la guerre relatives aux personnes et prohibant notamment à leur égard l’exercice du droit de tuer.
143Parmi les armées, ceux qui occupent des fonctions administratives, sanitaires ou de simple intendance ne peuvent être juridiquement assimilés à des militaires dans le sens ou présentement et potentiellement, elles ne seront jamais en situation de porter les armes et de pouvoir être qualifiés de « combattant ». L’organisation des armées et des corps d’armées en campagne exige qu’une certaine partie du personnel y étant compris, ne soit pas affectée aux missions premières de guerre et d’opérations armées, mais à des missions secondaires de stricte administration. En raison de cette affectation, ces personnes échappent aux règles du jus in bello. Les règles de protection des personnes du jus in bello s’apprécient et s’appliquent donc aussi bien aux personnes non militaires, non combattantes et civiles, mais également à certains militaires, non combattants et non civils.
144De Real indique : « Il est un ordre de personnes qui ne doivent point rester prisonniers et qu’on est obligé de renvoyer lorsqu’il y a un cartel entre deux armées : ce sont les gens qui servent à la police des armées, qui sont employés dans les hôpitaux, les domestiques, tout cela est arbitraire et dépend des conditions dont on convient. Je transcrirai ici les lois que les français et les anglais se sont imposés à cet égard dans le cartel de la dernière guerre »632.
145Il est exceptionnel que mention soit faite dans un ouvrage du droit des gens, de stipulations de convention de guerre. De Real est parmi les premiers à citer explicitement un pacte de guerre et le premier à en évoquer littéralement le contenu. De ce point de vue et sur cette question, il ouvre la voie à une méthode et un positionnement propre aux positivistes.
146Martens, Schmaltz et Klüber reprendront cette idée. Ainsi pour Martens, « les aumôniers, les médecins, les chirurgiens, les vivandiers », mais aussi plus généralement les personnes « attachées au service de l’armée et ne sont point du nombre des combattants »633. Schmaltz admet que ne sont point également combattants « les personnes attachées au civil de l’armée, telles que les chirurgiens, les aumôniers, les employés de l’administration [qui] doivent être à l’abri de tout acte de violence [...] »634. Klüber emploie pour soutenir cette idée une formulation plus générale : « Même les individus qui tiennent à l’armée, mais qui selon les fonctions qu’ils remplissent sont de la classe des non combattants, ne sont points faits prisonniers à moins qu’ils ne s’y soumettent eux mêmes »635.
147N° 268 – Le personnel militaire considéré de façon exceptionnelle comme non combattant – Les mêmes auteurs, de Real, Martens, Schmaltz et Klüber vont considérer que certains militaires affectés normalement à des fonctions de combat, sont au regard de la mission particulière de négociation des pactes de guerre, exclus du champ d’application du droit de la guerre. Ils ne peuvent par principe être ni mis à mort ni fait prisonnier. A titre exceptionnel, leur sont appliquées les règles de privilèges des ambassadeurs. Le rôle qui leur est confié consistant soit à participer à des pourparlers, soit simplement à vouloir annoncer l’intention de le faire, les place dans une situation spéciale d’immunité. Ils assurent un rôle de ministère public et de la même manière que les ambassadeurs mais d’une façon non permanente, expriment les volontés publiques et les positions de la nation ou du corps d’armés qu’ils représentent.
148Ce personnel militaire considéré comme non combattant de manière exceptionnelle sont les hérauts, tambours et trompettes636. Par un parallélisme des formes comparables aux Féciaux, les tambours et trompettes annoncent par message sonore, l’intention d’un des belligérants de vouloir entamer des pourparlers, des négociations se rapportant soit à une cessation temporaire des combats, soit de se rendre ou de capituler. Cette mission est considérée comme d’importance pour les deux parties et dans un intérêt commun à tous les belligérants, ceux qui en ont la charge ne peuvent être soumis aux rigueurs du droit de la guerre. Le héraut est la personne, véritable officier public, chargée de transmettre matériellement, par écrit ou de manière orale, les volontés d’une troupe armée voire du général en chef. Le terme relève en fait bien plus des usages de la guerre ou de chevalerie médiévale que de l’âge classique ou des lumières637.
C/ Les cas particuliers des convois, passeport, sauvegardes et sauf-conduits
149N° 269 – La notion de privilèges exceptionnels dans l’espace et le temps de guerre – Dans les fureurs de la guerre, sur les champs d’opérations, dans les pays conquis ou envahis, les belligérants peuvent convenir entre eux que certaines personnes, mais aussi certains biens, dans certaines circonstances et pour certains motifs peuvent non seulement librement se déplacer, mais sont aussi protégés contre toutes atteintes physiques et il est interdit de s’en saisir comme prisonniers de guerre, otage ou butin. Elles sont intuitu ratione hors jus in bello. Pour être plus exact, c’est le jus in bello conventionnel qui les place hors d’atteinte des lois de la guerre.
150Après Gentili638, Grotius est le premier des auteurs à traiter de ce thème en soi et non du point de vue de la personne bénéficiant du privilège. Il évoque le « droit de laissez-passer accordé hors du temps de la trêve ». Indiquant que ce droit peut concerner aussi bien les personnes que les biens, le laissez-passer constitue « une sorte de privilège »639. Par la suite, cette question du droit conventionnel de guerre sera successivement examinée par Zouche et Pufendorf640.
151Au xviiième siècle, ce sujet prend une importance singulière et toute la doctrine envisage et étudie désormais cette question relative à cette suspension temporaire, intuitu ratione et d’origine conventionnelle, de l’application du jus in bello. C’est essentiellement la liberté conditionnée d’aller et venir sur le théâtre d’opération militaire, champ de batailles, villes assiégées et lignes ou territoires ennemis qui est ici l’objet même du sauf-conduit.
152Les locutions employées varient. Wolff parle de « convoi », d’autres auteurs de « passeports » ou de « sauve-gardes », même si ce dernier terme s’applique plus particulièrement aux biens qu’aux personnes641. Wolff déclare : « On comprend sous le nom de convois (commeatus) le droit accordé tant aux personnes qu’aux choses, d’aller et venir en toute sûreté. Les permissions qui les concernent sont des privilèges restreints qu’on ne doit pas étendre au delà de leur teneur, en sorte que celui qui a la permission de passer, ou de faire passer ses effets, ne peut pas s’en servir pour favoriser le passage d’un autre ou des effets d’autrui »642.
153Pour Vattel, « le sauf-conduit et le passeport sont une espèce de privilège qui donne le droit aux personnes d’aller et venir en sûreté ou pour certaines choses de les transporter en sûreté »643. De Real qui distingue passeports et sauf-conduits, indique « Les passeports ont pour objet les personnes et les choses tout à la fois, ou simplement les personnes, ou bien les choses seulement. Ce sont des lettres, sur la foi desquelles les personnes, ou les choses pour lesquelles elles ont été accordées, peuvent et doivent passer en toute sûreté, par les terres des princes qui les ont accordées », et ajoute « Il y a deux sortes de sauf-conduits. Les uns sont la sorte commune laquelle n’assure que contre la violence qu’on pourrait faire à ceux qui les obtiennent avant que leur cause soit examinée et non contre les décrets de la justice. » ; « Les autres sont dans une forme extraordinaire, avec une dérogation expresse au droit commun, lesquels assurent entièrement ceux qui les obtiennent qu’on ne leur fera rien, même dans l’ordre de la justice. »644. Pour de Rayneval, le sauf-conduit équivaut à une « permission donnée à un individu d’aller et de venir en sûreté »645.
154Martens met en avant la finalité de cette convention bien plus que son objet : « On accorde des passeports et sauf-conduits à ceux qu’on consent de recevoir chez soi pour entamer une négociation quelconque »646.
155Klüber range dans une seule catégorie, celle des « sauvegardes », les « pacta bellica » que forment le « passeport », et les « saufs-conduits » : « Il y a différentes sortes d’arrangements militaires. La sauvegarde (salva guardia) qui en est une, promet à des personnes ou à des propriétés ennemis sûreté et protection ; elle est donnée selon que la convention en dispose, ou par écrit par exemple sous forme de passeport ou de sauf-conduit (litterae liberi commeatus, salvi passus aut conductus) ou bien en mettant des personnes ou choses sous la garde d’un détachement militaire, ou enfin en leur donnant pour leur légitimation quelque symbole, tel que les armes d’État, etc. D’après ces différences on distingue les sauvegardes en vives et mortes, et les dernières, en sauvegardes données par écrit et en sauvegardes constatées par un symbole »647.
156La doctrine tardive ne précisera pas davantage les questions relatives au régime juridique de ces conventions de guerre et c’est à l’école du droit naturel qu’il revient d’en préciser à la fois le contenu et de fixer les obligations de droit qui en découle.
157N° 270 – Le régime juridique des sauf-conduits, sauvegardes, passeports et convois – Ces conventions dans le temps de guerre accordant à certaines personnes des protections dérogatoires au jus in bello sont comprises dans les « pacta bellica » dont les règles générales seront examinées plus avant648. Vattel et de Real sont les deux théoriciens des conventions dites de sauf-conduits qui indirectement par ailleurs touchent également au droit d’ambassade.
158Par principe tout d’abord, seule l’autorité légitime supérieure est habilitée à délivrer des sauf-conduits. Comme toute convention, le sauf-conduit oblige les parties signataires, c’est à dire les deux autorités de guerre qui concluent le pacte mais également le bénéficiaire du privilège et tous les militaires placés sous les ordres des belligérants signataires. Cette autorité s’étend sur le territoire effectivement contrôlé par l’autorité militaire ce qui sous entend, sous réserve expresse des stipulations du sauf-conduit, les théâtres de guerre où l’autorité étend sa domination et ses territoires nationaux. Par principe le sauf-conduit est personnel et ne peut être transmis au tiers. Il peut comprendre à l’exclusion des membres de la famille et des personnes recherchées par l’autorité qui accorde le sauf conduit, à la fois la « suite » du bénéficiaire, c’est à dire les personnes qui y sont attachées et ses domestiques, mais également des biens meubles, en général les bagages, dont la nature et le nombre peuvent être aussi fixés contractuellement. La mort de l’autorité qui a délivré le sauf-conduit n’éteint pas les obligations qui y sont rattachées même si par principe son successeur peut toujours le révoquer, « et il n’est pas toujours tenu de dire ses raisons ».
159De plus, le titulaire du sauf-conduit est lui-même tenu de respecter les lois de la guerre. Par principe enfin, le sauf-conduit se comprend comme un privilège donné pour l’aller et le retour, c’est ce qui est appelle « pour un voyage », sauf stipulations et « articulations » contraires et expresses qui interdisent alors la « repasse ». Le sauf-conduit fixe un terme à son utilisation et au privilège qu’il accorde. Passé ce terme, son bénéficiaire peut être arrêté et est soumis à nouveau au droit de la guerre. Le cas de force majeure est évoqué et il est possible et d’usage d’accorder un délai raisonnable supplémentaire.
160Tel est le régime juridique qu’avance Vattel649. De Real qui traite non pas du « sauf-conduit » mais du « passeport », y ajoute plus particulièrement des précisions se rattachant au régime juridique du personnel attaché au titulaire du passeport650.
161Par la suite, ni Martens, Schmaltz ni Klüber n’étudieront le régime juridique des sauf-conduits. Le droit général des conventions internationales et les principes de la liberté contractuelle, doivent ici implicitement prendre place et s’appliquer de manière générale à ces privilèges conventionnels de guerre. Ces conventions intuitu personnae rejettées hors du jus in bello dès les années 1750-1760 pour rejoindre le droit conventionnel de guerre général, sont à considérer comme des survivances d’un droit conventionnel conclu dans le temps même des hostilités. Elles ne les suspendent ni les font cesser généralement pour tous les combattants comme ce sera le cas des trêves, des capitulations ou des cessez le feu, mais exclusivement applicables à une personne ou à sa suite, voire à un bien particulier.
SECTION 2. DE LA PROTECTION DES BIENS ET DES MOYENS ILLICITES DE GUERRE
162N° 271 – Genèse juridique des lois de la guerre relatives aux moyens de guerre et à la protection des biens – Le droit des gens théorique du jus in bello que nous avons observé dans notre première partie, pose à la fois des principes et des exceptions. Le jus in bello se trouve borné et limité en considération du but de la guerre ou des opérations militaires menées et d’un principe tout à la fois moral et général d’« humanité ». Ce postulat de limitation de l’usage de la force armée doit cependant être considéré comme relatif car la survenance de circonstances exceptionnelles tirées de l’état de nécessité ou de la « raison de guerre » autorise, comme nous l’avons signalé, le belligérant à employer, sans limite, la « force ouverte ». Ce cadre est celui qui exerce sa pleine influence non seulement en matière d’atteintes aux personnes mais aussi sur les coutumes de guerre relatives aux biens et aux moyens.
163Nous examinons ici au cas par cas, usage par usage, coutume par coutume, la manière dont la doctrine a pu fixer et établir, c’est à dire circonscrire les usages de guerre portant sur la protection des biens et l’emploi des instruments de guerre.
164Ce catalogage et ce travail d’exposition des coutumes de guerre sur les biens et les moyens ne naissent pas avec les auteurs du xviiième. Nous avons vu combien pouvait être anciens ces usages651. Mais entre l’usage respecté sur le terrain des opérations militaires et sa reprise dans un ouvrage, fût-il religieux, historique ou juridique, il y a loin. De ce point de vue, l’Ancien Testament, l’Iliade et les monuments de la littérature historique grecque et surtout romaine, marquent le temps décisif au cours duquel la coutume de guerre passe du fait de guerre à une première et archaïque transcription et qualification. A cette première strate, le droit romain ajoutera des compléments tout aussi fondamentaux.
165Les Institutes, le Digeste, les Novelles et les grands jurisconsultes du droit romain, à un moindre titre quelques philosophes dont saint Augustin, puis les post glossateurs, tels Bartole et Balde, mais essentiellement la scolastique espagnole del siglo de oro, achèveront de construire le socle de cette formidable œuvre de « connaisance-reconnaissance » des coutumes de guerre652sur lequel les auteurs des xviième et xviiième siècles fixeront définitivement le droit international coutumier de guerre.
166Vitoria prolonge le débat doctrinal avec une attention essentiellement portée sur la protection des biens, la prise de biens meubles et le butin653. Avec Balthazar Ayala, nous franchissons une étape dans l’identification des coutumes et usages de guerre. Les règles du butin sont d’avantage précisées et la protection duc aux choses sacrées, mais également la tromperie et les stratagèmes sont ici nouvellement traités654. Gentili portera l’essentiel de son effort sur les moyens illicites de guerre et a le mérite de fixer sur ce point l’essentiel de notre matière. La ruse et les stratagèmes – ou « dolo actiorum » –, le mensonge – ou « dolo verborum » –, le poison, l’incendie et la dévastation, le pillage enfin, seront soigneusement étudiés par le maître de san Ginesio655.
167Grotius fait encore magistralement œuvre de synthèse. Il porte à un point non encore atteint l’étude de cette matière. Il distingue atteintes aux biens et moyens de guerre illicites qu’il examine sous le double angle, désormais classique chez lui du principe et des temperamenta. A la différence de ces prédécesseurs, les références aux auteurs de la scolastique et aux glossateurs sont moins systématiques. Ces points d’appui juridiques sont à rechercher d’abord dans l’histoire religieuse et antique, mais surtout chez les philosophes. Socrate, Platon, Aristote, les « stoïciens » sont cités, et pour l’objet de notre étude présente, il est le seul à rechercher dans la philosophie antique de telles références. La merveille de Hollande étudie également avec beaucoup de précision les matières de la tromperie, du mensonge, des stratagèmes, du dol, du poison, de l’assassinat, du recours aux espions, du pillage, du butin et de la dévastation656.
168N° 272 – Les propositions de Grotius relatives au légitime usage du mensonge, des stratagèmes et des ruses de guerre – Le caractère fondateur de l’opus grotien est à ce point important qu’il nous a semblé plus opportun d’exposer les positions de Grotius en introduction des études de chacune des coutumes de guerre. Nous nous contenterons ici pour mettre en exergue l’approche juridique mais également philosophique de Grotius, de traiter distinctement ses théories sur le mensonge, les ruses et les stratagèmes de guerre.
169Sur ce sujet classique et constamment étudié – le mensonge et la ruse sont par nature l’antithèse des vertus classiques et du bien considérés comme valeur éthique fondant le juste dans la guerre – notamment par Ayala qui distingue le mensonge et le dol par le verbe ou par action utilisés dans les opérations de guerre, Grotius étonne. Ayala posait une règle assise sur les exemples tirés de l’histoire antique et des jurisconsultes romains : « Dans la conduite de la guerre, dit saint Augustin, il est indifférent du point de vue de la justice si le combat est franc ou si la tromperie est utilisée »657. Gentili pose une solution similaire et admet l’emploi de tromperies et du dol dans la guerre. Il trouve ses justifications chez Cicéron, Virgile, Xénophon, Thucydide, Plutarque, mais également Bodin et Alciat et dans le Digeste658.
170Chez Grotius et sur cette question, l’arrière plan « historique » s’estompe, les philosophes reviennent en force pour appuyer ses démonstrations qui sur la forme tiennent plus du commentaire et de l’analyse intellectuelle, abstraite, voire idéale, quoique parfois hésitante, voire contradictoire. Grotius opère non comme un juriste. Sa méthode s’apparente au théologien, presque au casuiste. Il évoque, expose et prend acte des positions des grands prédécesseurs de la philosophie antique. Puis il réfute, argumente, contre argumente et conclue avec peine. Quand il cite enfin, au moment de sa conclusion, Covarruvias, Soto, Toletano, c’est en indiquant qu’il « prend sur [lui] en rien de déterminer ». Nous détaillerons plus particulièrement les articulations essentielles de sa pensée sur le mensonge et l’emploi de stratagèmes à la guerre, sujets centraux de notre matière.
171Grotius ouvre la séquence en indiquant que « pour ce qui est du moyen d’agir, la violence et la terreur sont surtout le propre des guerres » et précise : « Car Homère, il est vrai a dit qu’il faut nuire à un ennemi « soit par dol, soit par force ouverte, secrètement ou au grand jour ». Puis citant Pindare, Silius, Xénophon, Thucydide, Plutarque, Polybe, il va ensuite rechercher la position du droit romain en faisant valoir – Digeste à l’appui – que « les jurisconsultes romains appellent tromperie innocente, celle qu’on tramerait contre l’ennemi ». Il ose alors une première conclusion en évoquant l’Iliade : « Une tromperie non blâmable : tel est le stratagème ». Puis, soutenu par Cicéron, saint Augustin, Sylvestre, il va reprendre son sujet par l’approche sémantique : « Il faut remarquer donc qu’il y a une tromperie qui consiste dans un acte négatif et une autre dans un acte positif », la tromperie négative étant la « dissimulation », et « la tromperie qui consiste dans un acte positif s’appelle une feinte, si elle a lieu dans les actes, et un mensonge si elle regarde la parole ».
172Puis, Grotius rebondit et aborde un nouveau sujet, non plus celui des signes oraux, mais des signes matériels et met en avant l’opposition existante sur cette question entre l’Ancien Testament et le livre des Proverbes, saint Augustin, Homère et Sophocle, d’une part, et Socrate « et ses disciples », Platon, Xénophon, Cicéron, Plutarque, Quintilien, les « stoïciens », Aristote, d’autre part.
173Pour les premiers, « le débat est plus grave à l’égard de ces signes qui pour ainsi dire, sont dans le commerce des hommes, et dans le faux usage desquels consiste proprement le mensonge. Il y a beaucoup de choses en effet, contre le mensonge, dans les écritures sacrées. Le « juste », c’est à dire l’homme de bien détestera toute parole mensongère ». Pour les seconds, il indique : « les autorités cependant ne manquent pas non plus en faveur de l’autre parti. [...] Il a pour lui [ce parti] dans les écritures sacrées des exemples de personnages célèbres qui n’ont été l’objet d’aucun blâme » [...] », et prenant appui sur Origène, Clément, Tertullien, Lactance, Chrysostome, et saint Augustin qui, selon Grotius, « lui-même avoue [...] que la question est grande que c’est un sujet plein de ténèbres, une dispute sur laquelle les avis des docteurs sont partagés ». Il ajoute « Quintilien [...] dit que la plupart des choses sont de telle nature qu’elles deviennent honnêtes ou déshonnêtes, non tant à raison des faits, qu’à raison de leurs motifs ».
174Les contradictions de Grotius semblent à ce point indépassables. Pourtant il va aller plus loin en tentant ce qu’il nomme la « conciliation d’opinions ». Grotius arrête alors son propos et déclare : « Une conciliation d’opinions si différentes pourra peut être résulter de l’acceptation plus large ou plus restreinte, du mensonge », « car ce qu’on donne à entendre premièrement et immédiatement par les paroles, et autres semblables signes, ce sont les conceptions de l’esprit : aussi celui là ne ment point, qui dit une chose fausse qu’il estime vraie ; mais celui là ment qui dit une chose vraie sans doute, mais qu’il pense fausse ». Pour Grotius, « La fausseté de la déclaration est donc ce que nous requérons pour constituer la nature commune du mensonge. Il s’ensuit que lorsqu’un terme ou lorsqu’une phrase ont plusieurs sens [...] alors il n’y a point de mensonge, encore même que l’on pense que celui qui écoute le doive le prendre dans l’autre sens ». Conclusions d’ordre sémantique, développements poussés à leur maximum, la merveille de Hollande croit nécessaire tout ce préalable pour en venir à la guerre et encore le fait il, très indirectement. Cette introduction lui permet en effet, de tirer « cinq conclusions » d’ordre sémiologique dont seule la dernière concerne spécialement la guerre.
175Grotius conclue donc en se demandant si le mensonge peut avoir une légitimité dans la guerre, et indique : « la cinquième conséquence [celle autorisant le mensonge] peut avoir lieu toutes les fois que la vie d’un innocent, ou quelque chose d’équivalent, ne peut être sauvé autrement, et qu’autrui ne peut être détourné d’une mauvaise action [...] ». Il ajoute : « Ce que les sages décident en maints endroits [est] qu’il est permis de se servir d’un discours faux auprès de l’ennemi, s’étend plus loin que ce que nous venons de dire. C’est ainsi que Platon, Xénophon, Philon parmi les juifs, Chrysostome ajoutent à la règle qui défend de mentir, l’exception : à moins que ce ne soit contre les ennemis ». Longs débats, courte conclusion donc. Grotius qui tentait la conciliation d’opinions, se range donc derrière les philosophes et historiens antiques contre l’héritage religieux et admet largement l’usage du mensonge. Notons également au passage que Grotius oublie de revenir sur les questions par lui évoquées de « dissimulation » et de « tromperie » par action. Ruse ou omission de la merveille de Hollande ? On ne voudrait pas hâtivement conclure ici.
176Puis dans un second élan, Grotius va alors clôre sa démonstration en s’en prenant à « l’école des derniers siècles », celle de saint Thomas, Covarruvias, Soto, Toletano et Less que nous avons déjà mentionnée. S’adressant aux scolastiques espagnols, il achève son discours par l’assertion suivante : « Ces choses là ne plaisent pas à l’école des derniers siècles, comme s’étant proposé de ne suivre presque en tout qu’Augustin parmi les anciens [...]. Mais la même école admet des interprétations tacites si éloignées de tout usage, qu’il peut être mis en doute s’il ne vaut pas mieux admettre le mensonge contre certaines personnes, dans quelques uns d’entre eux – car je ne prends sur moi en rien de déterminer – que d’excepter si indistinctement du mensonge ces interprétations [...] »659. Avant d’achever complètement, Grotius évoquera encore quelques modérations à cette permission d’user du mensonge.
177Ces longues citations sont là pour décrire les sinusoïdes d’une pensée complexe, la plus complexe des auteurs étudiés dans cette genèse historique. Grotius puise dans l’histoire pour trouver la forme « dure » de l’usage, puis, par une sorte de mouvement de balancier, comme se plaçant à la recherche de voies de modération, il emprunte aux philosophes ou dans la religion pour argumenter a contrario, plus « humanitairement ». Il faut voir aussi là, les raisons de la fortune de l’œuvre de Grotius : richesses et profusions de la culture historique et juridique, amplitude de l’argumentation, évocation de toutes les positions « pro » et « contra », conclusions parfois approximatives où le principe semble devenir peu à peu exception, et les exceptions peu à peu le principe et chacun de la sorte vient trouver ce qui peut venir appuyer ses propres solutions.
178Toute cette série d’arguments de droit expliquera que la Grotius sera abondamment cité durant tout le xviiième sur ces questions et ce au moins jusqu’à Martens. Il faut aussi faire remarquer ici combien l’histoire et la philosophie se trouvent être indissociables de la pensée de Grotius et que même s’agissant d’histoire antique, cette approche toute « factuelle », « historique », aura une influence déterminante sur le courant positiviste – dit également historique – à la réserve prés que les exemples à l’appui de ces penseurs ne seront plus tirés de Tite Live, Plutarque ou Thucydide, mais de faits politiques et militaires contemporains. Grotius a bien des égards est non seulement le père du droit international, le père du droit « naturel », mais aussi, selon nous, et avec Gentili, l’un des pères du courant dit « historique » et positif.
179N° 273 – L’œuvre doctrinale du xviième : Pufendorf et la question du butin incorporel, Textor et la question de la propriété du butin – Par la suite, et actant le fait que dès Ayala, Gentili, Grotius, la matière des usages relatifs aux biens et aux moyens de guerre est établie, Zouche, Pufendorf, Rachel et Textor660n’ajouteront rien de très fondamental. Nous signalerons cependant ici deux points remarquables :
Sur la question du légitime possesseur du butin, la doctrine s’oppose entre la position de Textor favorable à celle du capteur et celle de Grotius reprise par Zouche – venue du droit romain – qui accorde au souverain la pleine propriété du butin ;
Pufendorf assure une réflexion d’importance sur la question des atteintes aux biens incorporels, question déjà étudiée par ailleurs et plus sommairement par Grotius.
180Pufendorf propose une construction doctrinale particulièrement aboutie sur la question de la capture et la saisie des droits incorporels. A partir des positions de Grotius661, sommairement énoncées d’ailleurs, il va œuvrer en juriste chevronné et proposer des solutions théoriques audacieuses, parfaitement construites. Pufendorf comprend parmi les biens incorporels, les droits de souveraineté et annonce là toute la théorisation doctrinale à venir sur le droit de conquête. Distinguant les biens incorporels rattachés aux personnes et ceux rattachés aux choses corporelles, il déclare pour ces derniers : « Or ici il faut voir, si les droits attachés à ces sortes de choses [fonds de terres, rivières, ports, villes, pays] viennent d’une convention personnelle ou d’une convention réelle ». Si la convention, portant sur un droit incorporel est personnelle, le droit suit toujours le possesseur. En revanche, si cette convention est réelle, « on n’acquière pas le droit avec la chose par cela seul qu’on l’a prise sur l’ennemi, à moins que cette manière de la posséder, n’ait été déclarée dans la première institution, un titre suffisant pour s’approprier le droit qui y est attaché »662. Pufendorf annonce ici la théorie de l’uti possidetis et le principe selon lequel dans la guerre la possession vaut titre.
181Ses vues connaîtront une fortune doctrinale signalée parmi l’école du droit naturel, depuis Burlamaqui jusqu’à Vattel et de Real.
182Autre est la question opposant Grotius et Textor. Selon Textor, Grotius considèrerait d’après le droit romain que le butin appartient de droit au souverain ou à l’État. Textor en revanche considère que seul le capteur, ici le soldat, est le légitime et exclusif possesseur. A cette querelle du vase de Soissons où les règles du droit romain semble s’opposer au droit d’origine germanique et franque, Textor répond par une série d’arguments. « Je pense, cependant que la position opposée est plus juste ; c’est à dire que quelque soit la chose prise dans la guerre à l’ennemi, même par un acte public de guerre, celle-ci appartient aux capteurs. Mes raisons sont : 1 Que l’État emploie les services des soldats pour obtenir la fin de la guerre, mais non avec l’intention première de capturer la propriété comme une fin en elle même. [...]. 2 : La propriété ennemie est en générale prise par des formes de violences particulières et le plus souvent avec des risques considérables pour le capteur [...]. 3 : [...] la propriété ennemie qui pour un temps est sur notre territoire n’est pas une propriété publique, mais passe par la propriété de l’occupant, même si celui-ci est un particulier ». [...]. 4 dernièrement, les observances militaires et l’usage de nos temps donnent une preuve supplémentaire de la même chose ; car les choses prises par les troupes dans la bataille telles que les chevaux, argent, habits, sont acquises et conservées de la même manière que si elles avaient été prises dans un raid indépendant [...] »663.
183En forme de conclusion à cette brève introduction historique, nous ferons remarquer que la scolastique espagnole avait déjà suffisamment organisé ses vues sur la question des coutumes et des usages de guerre portant sur les atteintes aux biens et aux moyens de guerre, pour que dès Gentili et Grotius, l’essentiel de la matière soit fixée. Celle-ci perdurera à l’identique faute de révolution technologique jusqu’au début du xixème et ne variera que peu jusqu’aux années 1860-1900. Un autre point à signaler se situe dans l’importance du rôle joué par le droit romain dans la fixation du cadre juridique de règles d’origine coutumière. Le butin en est un exemple, mais l’ensemble des positions relatives à l’emploi de la ruse et des stratagèmes trouve aussi partiellement leurs solutions dans le droit romain et le code Justinien. Enfin, nous signalerons comme nous l’avons déjà évoqué, le rôle considérable que joue la lecture des œuvres littéraires et historiques dans l’affirmation des solutions doctrinales. La Renaissance période de libération des consciences et de modernité exercera son influence tout autant sur les questions des idées politiques que de la technique et le contenu juridique du droit international.
184N° 274 – Influence du travail doctrinal du siècle des Lumières et des Révolutions sur les usages et coutumes de guerre – Si la matière du jus in bello relative aux instruments de guerre et aux atteintes aux biens est fixée dès Grotius, la doctrine des années 1737-1819 lui fera néanmoins subir quelques variations substantielles.
185D’abord, la réflexion apportée aux atteintes aux biens meubles et immeubles débouchera rapidement sur l’examen de questions nouvelles lourdes de portée. L’atteinte durable aux biens immeubles ne signifie rien de moins que l’état permanent d’occupation des territoires envahis. Cette victoire d’un belligérant par le fait de guerre pose trois séries de questions successives que la doctrine liera très rapidement à la question initiale des atteintes aux biens. La conquête, l’occupation, et les droits de souveraineté du pays conquis sont les situations de faits qui examinées juridiquement succèdent dans le temps à l’atteinte initiale aux choses lors des opérations de guerre. Le continuum de guerre consiste dans les passages successifs de l’atteinte et de la prise de biens, actes ponctuels dans le temps et l’espace, à l’occupation puis à la conquête d’une zone géographique élargie, supposant la pérennité de l’occupation obligeant à terme le belligérant – à la fois vainqueur et occupant – à administrer civilement et politiquement la zone territoriale passée sous son autorité. 11 faut faire ici remarquer que ce continuum peut être exclusivement factuel et qu’aucun traité de paix ne peut venir marquer le temps du passage entre temps de guerre et temps de fin des hostilités. La doctrine aura une tendance marquée à lier intimement, à l’image du déroulement des opérations, prise des immeubles, conquêtes, occupation, étendant ainsi largement le champ initial et coutumier des atteintes aux biens.
186Autre évolution notable, l’apparition des réquisitions, nouvelle forme d’atteinte aux biens mobiliers qui devient en quelque sorte une exemption au pillage par remise obligatoire de biens en nature. Les belligérants permettent ainsi peu à peu aux populations de racheter le pillage, et en conséquence de ne pas y être soumis, à la condition de fournir aux armées, soit en nature, soit en numéraire, une contrepartie dénommée contributions. Ces usages nouveaux constituent en soi une modération des violences de guerre.
187L’atteinte aux droit nés et acquis par traités est aussi nouvellement abordée par la doctrine. Martens et Klüber en seront, encore que modestement, les principaux théoriciens.
188Par ailleurs, phénomène plus important, la doctrine ayant achevé ce travail de collecte des coutumes de guerre, tend à faire œuvre de synthèse et de théorisation en posant des règles générales, apparaissant comme l’essence et le principe des coutumes. Cela est particulièrement vrai pour les atteintes aux biens sous l’influence combinée de Vattel mais essentiellement de Martens.
189Dans notre première partie, nous avons indiqué l’évolution que connaît le jus in bello qui de primitivement illimité, devient borné. Cette orientation générale se traduit ici par un encadrement serré et de plus en plus prohibitoire des usages de guerre. Il demeure que dans le même temps des exceptions à l’interdit de guerre ne cesse de s’affirmer par le recours aux notions également évoquées dans notre première partie, de représailles, de nécessité et de raison de guerre. Ces exceptions s’appliquent essentiellement à l’emploi de moyens de destruction massive. Elles marquent également une évolution des types de conflits impliquant des armées de plus en plus nombreuses sur des théâtres d’opérations toujours plus vastes. La guerre se radicalise tout autant qu’elle se modernise. La guerre européenne gagne aussi tous les continents comme le montrent l’expédition d’Egypte, la guerre d’indépendance américaine et les luttes franco-britanniques en Inde ou au Canada.
§ I. Des lois de la guerre relatives aux biens
190N° 275 – La tradition grotienne sur le butin et le droit de pillage – Le droit dans la guerre portant sur le butin et le pillage de Grotius est redevable d’une tradition qui court des juristes romains aux canonistes et scolastiques, de Gaïus à Bartole, Balde, Sylvestre, Cajetan, Vitoria, Covarruvias, Molina. Bartole et Covarruvias sont les auteurs les plus fréquemment cités par Grotius.
191Avant que d’entamer notre étude sur ce point, nous signalerons ici l’importance du travail assuré par Ayala. Le grand juge aux armées d’Alexandre Farnèse, fait valoir en forme de principe que les choses prises à la guerre reviennent au capteur, « capientum ». Il distingue également la prise des choses meubles et immeubles, affecte le butin au général en chef selon la règle du droit romain et non à la troupe, et admet enfin que le butin peut revenir à un tiers non présent lors de la prise664. Cette dernière règle sera défendue également par Grotius.
192Grotius établit quant à lui, sur le butin et le pillage des principes qui vont conditionner pour des décennies, la doctrine jusnaturaliste jusqu’à Vattel. Tout d’abord, il rappelle le principe de légitimité des prises de guerre qui portant sur les choses mobilières, se dénomme spécifiquement butin. Cette légitimité est à la fois admise par le droit naturel et par le droit des gens. Ce butin revient de droit au vainqueur. Et toujours par principe, c’est de droit l’autorité publique qui en est le légitime possesseur, et ce sauf exception pour les choses de faible valeur qui peuvent légitimement être conservées par les soldats eux mêmes665.
193Grotius distingue la prise des biens meubles et immeubles et précise les effets de droit vis à vis des tiers, nés de la prise. Influencé par les solutions du droit romain, Grotius rappelle la position de Gaïus qui indique que « les choses qui sont enlevées aux ennemis deviennent aussitôt, par le droit des gens, la propriété de ceux qui les ont prises », mais se range derrière Pomponius contre Gaïus, en indiquant que la chose prise ne peut être la propriété du capteur que si elle est à « couvert de toute poursuite » et « conduite à l’intérieur des limites » et ce afin que l’ennemi ait « perdu l’espérance probable de la recouvrer ».
194Après de longs développements, Grotius introduit la notion originale de service public armé – traduction donnée par Pradier Fodéré de la locution latine « ministerio publico » – qui lui permet de justifier une fois encore l’attribution du butin au souverain. « Quant aux choses mobilières et à celles qui se meuvent par elles-mêmes, elles sont prises ou bien dans l’exercice d’un service public, ou en dehors de ce service ». Evoquant assez longuement les solutions retenues par le droit romain et les modalités de partage du butin quand de manière exceptionnelle il est accordé aux soldats, il retient que les soldats agissent dans le cadre d’une délégation donnée par le « peuple » et qu’ainsi seul ce dernier est selon le droit public, propriétaire du butin666.
195Pour les immeubles, il propose en revanche qu’ils soient considérés comme étant la propriété du vainqueur si la possession est « durable » et que le terrain se trouve « enclos de fortifications » et qu’il inspire la « terreur »667. Il ajoute également que « les choses du sol ne se prennent ordinairement que par un acte public » et qu’ainsi le territoire ne peut donc par principe faire partie du butin.668.
196Il convient également d’ajouter que Grotius après avoir évoqué ces règles relatives aux prises de guerre, poursuit son propos en ajoutant : « Mais nous voyons qu’il a été introduit par un droit des gens plus récent parmi les peuples européens, que de telles choses sont censées prises lorsqu’elles ont été au pouvoir des ennemis pendant vingt quatre heures ». Cette disposition dite de la règle des 24 heures, énoncée presque de manière incidente sera largement commentée par la doctrine postérieure et notamment par Zouche et Bynkershoek669.
197Grotius précise enfin comme Ayala que le butin peut revenir à une personne non présente lors du combat et indique que la possession par butin est inopposable aux tiers qui possédaient la chose avant celui à qui l’ennemi l’a saisie670.
198Le pillage, usage relevant à la fois des atteintes aux biens que des moyens de guerre par la menace et l’effroi qu’il peut causer aux populations assiégées, est, avec moins de détail que le butin, largement évoqué par Grotius. Il faut ici préciser que le pillage est l’opération militaire qui fait le butin. Il est au moins pour la doctrine jusnaturaliste, l’acte qui entraîne la qualification de la chose.
199Le pillage est admis par le droit de la guerre et certains objets en sont selon Grotius légitimement exempts671.
200Enfin par les tempéraments, Grotius aborde la possibilité de reprise des biens pris par butin et pillage en indiquant : « La prise de biens appartenant à l’ennemi dans une guerre juste ne doit pas être considérée comme exempte ou dispenser de la charge de restituer ». La merveille de Hollande ajoute : « Il n’est pas permis de prendre ou de posséder au delà de ce que l’ennemi peut devoir. Si ce n’est que même en dehors de la dette, les biens peuvent être retenus lorsque c’est nécessaire pour la sécurité »672.
201N° 276 – La « grande synthèse » et l’œuvre de modernité de Martens – Malgré son étonnante profusion d’arguments, souvent contradictoires, ses vues géométriques et son architecture paradoxale, l’œuvre de Grotius sur cette question des atteintes aux biens reste dans son ensemble, un monument dans le monument. L’unité de l’approche lui confère un niveau de synthèse jamais atteint. A l’autre bout de notre échelle du temps doctrinal se tient, presque tout autant magistral, Martens.
202A la profusion succède la concision, au souci de la recherche de références tirés du droit romain et des œuvres antiques, Martens s’appuie sur les exemples tirés de l’histoire contemporaine et des auteurs de son siècle. Deux mondes et deux approches intellectuelles séparent le Hollandais de l’Allemand. Le futur secrétaire au congrès de Vienne offre après Grotius, la plus belle synthèse des atteintes aux biens dans la guerre que connaît la doctrine internationaliste des Lumières.
203Martens opère en quatre temps :
Il définit les principes ;
Il précise les particularités d’application de ces principes aux conflits terrestres et maritimes ;
Il établit les conditions de dérogation aux principes relatifs à l’interdiction du pillage et de la dévastation ;
Il encadre le cas particulier d’exception au droit de pillage par droit de réquisition de guerre valant rachat du pillage et de la dévastation.
204Nous signalerons que Martens évoque la conquête et les « droits de souveraineté » au moment où il traite des atteintes aux biens immobiliers et droits incorporels.
205Martens pose donc sous une formulation définitive que la prise des biens ennemis est un droit, que l’exécution matérielle de ce droit se dénomme « butin » quant il porte sur des biens mobiliers, et « conquêtes » s’il porte sur des immeubles. La prise peut viser également des biens ou des droits ennemis conventionnellement établis par traités internationaux et peut constituer en elle-même une garantie à venir pour les droits et la sûreté du capteur. Les biens incorporels si ils constituent des dettes du vainqueur sur l’ennemi ou ses sujets, ne peuvent être par principe saisis673.
206Dans les guerres terrestres, l’occupant d’un territoire ennemi acquière sur celui-ci les droits suivants : I. Le domaine et les revenus de l’Etat ; II. Les droits de souveraineté et régaliens qui incluent la capacité juridique à « changer la constitution actuelle de l’Etat, se faire prêter serment par les habitants, exercer sur eux différents droits de souveraineté, en donnant des lois, frappant des monnaies, levant des recettes [...] » ; III. De pouvoir s’attribuer, mais seulement à titre dérogatoire et exceptionnel les biens privés du monarque et de ses sujets ; IV. De détruire les biens ennemis que dans des hypothèses particulières rendus nécessaires par le but de guerre, la raison de guerre, les représailles avec cependant la possibilité d’organiser le rachat de ces destructions par réquisition674.
207Là est l’essentiel du droit coutumier de Martens sur les biens que nous évoquerons plus en détail dans le corps même de cette étude. On y perçoit aisément la manière dont évolue la matière. La part accordée au règle touchant au possesseur, au partage et à la date de prise et d’effet du butin se réduit. Parallèlement, les questions relatives à la « souveraineté » ne cessent d’être directement incluses dans cette matière coutumière même si nous le verrons dans notre seconde sous partie, la conquête et l’occupation sont de manière générale examinées plus particulièrement par la doctrine.
208N° 277 – L’admission doctrinale d’un principe général du droit international autorisant les atteintes aux biens – Le principe de légitimité de l’atteinte n’est pas en soi une coutume de guerre. C’est parce qu’existent des coutumes de guerre légitimant telle ou telle atteinte, à telle ou telle sorte de bien que la doctrine – et dès le droit romain avec Gaïus, Pomponius et les Institutes675 – en est venue à poser un principe général de légitimité de la prise ou de la destruction de biens par fait de guerre. L’ordre de survenance entre les coutumes et le principe n’est pas sans intérêt.
209Nous avons vu que Grotius admettait que le droit naturel comme le droit des gens autorisaient généralement de s’en prendre aux biens de l’ennemi. Grotius se situe ici dans une tradition doctrinale qui indiquait en fait bien plus la règle de la légitime et immédiate possession du bien par le capteur, qu’elle affirmait un principe général. Ayala, Gentili, Zouche, Pufendorf usent de la sorte et il faut, après Grotius attendre Bynkershoek, et après lui Wolff, Burlamaqui, Vattel, Vicat, Martens, de Rayneval et Klüber pour que soit enfin formulé un principe général de légitimité des atteintes portées aux biens.
210Bynkershoek indique : « Il est évident que les biens de l’ennemi, meubles ou immeubles, peuvent être pris par les lois de la guerre ». Wolff soutient que « tous les biens de l’ennemi qui se trouvent dans le territoire de la partie adverse, peuvent être confisqués et l’on est en droit de défendre aux sujets de l’État qui doivent à l’ennemi, de rien payer pendant le cours de la guerre, ou même de remettre ce paiement, lorsqu’il échoyait, à l’État dont il dépend ». Burlamaqui quant à lui précise, évoquant le dégât : « A l’égard des biens de l’ennemi, il est incontestable que l’état de guerre permet de les enlever, de les ravager, de les endommager et même de les détruire entièrement. [...]. C’est ce qu’on appelle le dégât »676.
211Vattel fait franchir un autre pas à la doctrine en proposant en deux temps, une pensée largement plus achevée. C’est à deux reprises et dans deux chapitres de son livre III que Vattel examine sur le principe cette question. Au chapitre IX « du droit de la guerre à l’égard des choses qui appartiennent à l’ennemi », il évoque une première fois les conditions d’une juste prise et possession des biens ennemis et indique : « L’État qui prend les armes pour un juste sujet, a un double droit contre son ennemi : 1° le droit de se mettre en possession de ce qui lui appartient et que l’ennemi lui refuse ; à quoi il faut ajouter, les dépenses faites à cette fin, les frais de guerre et la réparation des dommages [...] ; 2° il a le droit d’affaiblir l’ennemi pour le mettre hors d’état de soutenir une injuste violence ». « De là naissent comme de leur principe, tous les droits de la guerre sur les choses qui appartiennent à l’ennemi »677.
212Puis de manière beaucoup plus théorique et aboutie conceptuellement, Vattel entend, au chapitre XIII titré « de l’acquisition par guerre et principalement de la conquête », préciser « comment la guerre est un moyen d’acquérir ». Influencé par la pensée de Grotius, il rappelle que le droit d’enlever des choses à l’ennemi, n’est en soi admis que dans une guerre juste et par une espèce de compensation que les juristes appellent l’« expletio juris ». C’est parce que l’ennemi, sous entendu en injuste cause, nous doit au regard de la guerre menée, soit en dépenses, soit en dommages, et rajoute Vattel « même lorsqu’il y a sujet de le punir » que son ennemi peut par la « justice explétrice » – que Grotius nomme aussi « corrective » – et par « équivalent » se saisir des biens de l’ennemi. Il déclare : « La guerre fondée sur la justice est donc un moyen légitime d’acquérir suivant la loi naturelle qui fait le droit des gens nécessaire »678.
213Vicat propose une formule plus ramassée. Toujours aussi disert et confus, il déclare : « [...] Nous pouvons aussi nuire aux biens de ces différentes personnes, soit en les leur enlevant pour nous en servir nous mêmes, soit en les détruisant, afin qu’ils ne puissent profiter à notre désavantage, soit que les choses consistent en armes offensives et défensives, ou en autres choses qui les mettent en état de nous résister, qui augmentent leur force directement ou indirectement ou qui soient capables par leur possession de nous dédommager des pertes que nous pouvions avoir souffertes ou que nous pourrions venir à souffrir de leur part ; que ces choses consistent en effets mobiliers, en successions ou héritages appartenant à nos ennemis, personnes privées ou autres, y comprenant aussi les territoires et souverainetés »679.
214Martens que nous avons déjà évoqué, influencé par Vattel, précise : « [...] On peut d’après la loi naturelle 1° enlever tous ces droits qu’il [l’ennemi] a obtenu de nous par des traités, non seulement en suspendant l’effet de ces traités pendant la guerre, mais en le déclarant déchu pour toujours des droits reposant même sur des conventions qui ne pourraient être considérées comme rompues, ipso facto, par la guerre survenue ; 2 ° on peut enlever autant de biens à l’ennemi soit chez nous, soit en pleine mer, soit sur son territoire, qu’il nous en faut pour obtenir notre satisfaction, l’indemnité pour les frais de guerre la guerre et notre sûreté future et pour disposer l’ennemi, en l’affaiblissant, à donner main à la paix. On appelle conquête l’occupation des biens immeubles de l’ennemi, butin les biens meubles qu’on lui enlève ; 3 ° la puissance belligérante pourra confisquer les sommes qu’elle doit à l’ennemi ou aux sujets de celui ci. Cependant ce moyen étant ruineux pour le crédit de l’État, on n’y a guère recours que dans les circonstances extraordinaires en ne touchant pas toutefois aux capitaux et en ne suspendant pas même toujours le paiement des intérêts. »680.
215De la même façon que Martens, de Rayneval va déplacer le terrain du butin des choses corporelles aux choses incorporelles et au droit de souveraineté des États. Cette translation de l’application du droit du butin – déjà observé chez Vattel et Vicat – survient au moment où les guerres de conquête de la Révolution et bientôt de l’Empire Français, ne s’en tiennent plus à la simple prise mobilière de guerre, mais s’attaquent également aux ordres constitutionnels des États. Ces solutions assez paradoxalement, ne sont pas à la faveur de la France victorieuse et de Rayneval se positionne pour le maintien des régimes politiques en cas de défaite et de conquêtes des nations. Il est partisan d’un statu quo ante belli pour les questions de droit public fondamental. De Rayneval part du droit romain qu’il condamne dans ses effets et prend une position originale et très politique, en indiquant que si les biens mobiliers ennemis peuvent être pris par le droit de la guerre, la guerre elle-même ne peut sur le fond substituer ou modifier l’ordre public interne. Pour de Rayneval, l’ordre « social » perdure malgré la victoire. Il affirme : « On enseigne généralement que l’on peut se saisir, à titre de premier occupant, de tout ce qui appartient à l’ennemi ; cette doctrine a été puisée dans les lois romaines qui déclarent légitimement acquis tout ce qui a été pris par une partie belligérante sur l’autre. Ainsi abstraction faite des choses mobiliaires, les domaines respectifs sont considérés comme res nullius, à l’exemple de toutes les terres abandonnées. Mais cette jurisprudence nous apparaît aussi erronée, qu’elle est dangereuse dans l’application : elle est erronée, parce qu’elle remet en quelque sorte les nations ennemies dans l’état primitif de la nature [...]. Il faut ou que le droit de guerre détruise l’ordre social ou que cet ordre subsiste malgré la guerre. Je dis que cet ordre subsiste malgré la guerre [...]681.
216Klüber enfin propose un principe dont la formulation est remarquable par sa modernité, incluant parmi les biens soumis à atteinte les droits eux-mêmes et notamment ceux nés des traités internationaux. « Du nombre des moyens légitimes de nuire à l’ennemi injuste, est aussi le droit de s’approprier, en tant que le but de la guerre l’exige, les biens et les droits de l’ennemi, notamment son territoire, de les détruire ou abolir de les détériorer, d’en jouir, de les occuper enfin (occupatio belli) »682.
217Nous ferons remarquer la différence d’approche entre penseurs de l’école jusnaturaliste et positivistes. Les premiers tout en rappelant d’une manière générale le contenu de la coutume, marquent une tendance nette à la théorisation, à ajouter à la coutume une règle complémentaire, théorique et toute d’esprit juridique, détachée du fait lui-même et qui complète la coutume, soit pour en limiter le champ, soit pour en préciser l’application. Ainsi Vattel, si on prend la peine de lire son « l° », ajoute à la coutume d’atteinte aux biens et vient complexifier par ses analyses son application. Son « droit de se mettre en possession de ce qui lui appartient et que l’ennemi lui refuse » est d’une formulation peu claire car le refus de donner ce qui lui appartient est l’objet et la cause même de la guerre et ne peut recouvrir qu’une réalité incertaine, voire même l’intégralité des biens de l’ennemi. Si on ajoute sa formule de tradition jusnaturaliste – « les dépenses faites à cette fin, les frais de guerre et la réparation des dommages » – le principe qui tendait à circonscrire les biens objets de l’atteinte ne fait finalement que de l’étendre infiniment. De la sorte la surthéorisation de Vattel fait manquer selon nous son but en permettant une extension du champ des atteintes légitimes aux biens.
218Au demeurant et sur le fond du contenu des coutumes, hors ces développements des jusnaturalistes, l’encadrement des coutumes et usages de guerre est comparable d’une école à l’autre. Les positivistes adoptent même en certaines occasions des positions plus « pratiquement » modérées et « humanitaires » que certains jusnaturalistes. Cette tendance s’inscrit dans l’évolution déjà signalée d’un jus in bello finitum.
219Notre première analyse consistera à faire remarquer que les 80 années séparant Bynkcrshock de Klüber amène la doctrine :
A mieux distinguer les biens à finalité militaire de ceux à finalité exclusivement civile, voire artistique ;
A y intégrer les biens incorporels que sont la souveraineté et les droits nés des traités internationaux ;
A infirmer certains usages établis, dont la saisie des biens mobiliers et immobiliers privés, sauf cas de contributions ou raison de guerre, et des biens incorporels comme les créances ;
A mettre en évidence le déplacement déjà signalé du champ premier des atteintes aux biens aux concepts de conquêtes et d’occupation que nous traiterons dans notre étude portant sur le retour à l’état de paix de notre deuxième sous partie.
A/ Les atteintes ratione inimica personae par droit de pillage et butin
220N° 278 – Le butin est l’ensemble des biens mobiliers non militaires, pris sur l’ennemi combattant par l’ennemi victorieux – Certains biens parce qu’ils se caractérisent comme étant en la possession actuelle de l’ennemi, sont soumis à la coutume légitimant leur prise et leur possession par cet ennemi victorieux. Les règles relatives au butin, ou prise des choses mobilières par droit de guerre, comptent à l’exclusion de la destruction des arbres fruitiers et l’empoisonnement des fontaines parmi les plus anciens usages de guerre de la culture méditerranéo-européenne.
221Malgré son apparente simplicité, les solutions doctrinales offertes ne sont pourtant pas aisées à suivre. Certaines comme celle du légitime propriétaire selon le droit de guerre et celle de la date d’opposabilité aux tiers de la prise de possession sont assez clairement fixées. D’autres au regard de l’évolution des positions doctrinales – entre les périodes 1750-1770 et 1800-1819 – sont d’une interprétation beaucoup plus malaisée.
222Ainsi la doctrine ne précise pas à l’origine quels sont les biens susceptibles d’être compris dans le butin, alors qu’à partir de Martens, le droit international de guerre indique clairement que le butin est constitué par les seuls objets mobiliers pris sur l’ennemi « armé ». Pour les positivistes, cette indication a une conséquence directe : le pillage sur populations civiles ne peut constituer juridiquement, un butin. Et ainsi apparaît une notion non qualifiée qui est celle de la catégorie des biens pris sur les populations civiles lors du pillage. Pour les jusnaturalistes, ils sont un « butin » ; pour les positivistes, ils sont le résultat de l’acte de pillage mais ne porte pas de nom. Ils constituent une simple prise, en soi strictement contraire au droit des gens.
223Cette question du butin pose donc une ligne de fracture entre les positivistes et jusnaturalistes – consistant plus en une évolution des positions – et s’expliquant surtout par le sens de plus en plus précis donné à la notion d’ennemi – qu’en des divergences fondamentales sur la nature des biens constituant le « butin ». Pour le reste les solutions sont claires, le butin appartient par principe au souverain qui peut le concéder à la troupe, à l’exclusion du matériel militaire lourd qu’il s’agisse de matériel d’armement ou d’équipement, de fournitures nécessaires à l’alimentation des troupes ou des montures.
224Wolff déclare : « le butin ; ce sont ces effets mêmes enlevés à l’ennemi et tombés en la puissance du vainqueur. Il est justement acquis dans les cas susdits, mais sa possession est dévolue au souverain au nom duquel toutes les opérations militaires se font, en sorte que ni les soldats, ni les officiers, ni les généraux, ni les troupes auxiliaires ne sauraient s’en rien approprier sans son consentement. Le souverain de son côté peut leur céder que la partie du butin et dans quelles proportions il le juge à propos »683. Burlamaqui indique que « [...] comme c’est au souverain seul qu’appartient le droit de faire la guerre et que c’est toujours par son autorité qu’elle se fait, c’est aussi à lui qu’est acquis originairement et premièrement tout le butin qui que ce soit qui le fasse » et rappelle à la manière de Wolff que le souverain a toujours faculté de faire partager le butin684.
225La proposition de Vattel est plus élaborée et se ressent du passage à une plus grande maturité et technicité de la doctrine. Il distingue conquête et butin, et rattache directement, malgré quelques confusions, le butin au pillage, faisant en conséquence, sortir du champ du droit de butin les choses mobilières ne se trouvant pas sous l’emprise d’un pillage potentiel. Hors le cas de pillage ordonné selon le droit des gens, ou au regard de la nature particulière d’un bien et de circonstances exceptionnelles que nous examinerons plus loin, les biens mobiliers ne peuvent être légitimement pris par l’ennemi. Il y a là une avancée indiscutable du droit de guerre assurée par Vattel vers une plus grande protection de la propriété privée. Vattel déclare le : « Comme on appelle conquêtes les villes et les terres prises sur l’ennemi, toutes les choses mobiles qu’on lui enlève forment le butin. Naturellement ce butin n’appartient pas moins que les conquêtes au souverain qui fait la guerre ; car lui seul a des prétentions à la charge de l’ennemi, qui l’autorise à s’emparer de ses biens et à se les approprier. [...] Mais le souverain peut faire aux troupes telle part qu’il lui plaît du butin » ; « Aujourd’hui on leur abandonne, chez la plupart des nations, tout celui qu’elles peuvent faire en certaines occasions où le général permet le pillage ; la dépouille des ennemis laissés sur le champ de bataille, le pillage d’un camp forcé, quelque fois celui d’une ville qui se laisse prendre d’assaut »685.
226Vattel considère donc que le butin est constitué par tout bien pris sur l’ennemi, et ce par droit de pillage, que cet ennemi soit combattant ou non combattant, civil ou militaire. Cette position ne sera pas celle de la doctrine postérieure qui voit dans le butin, la chose prise exclusivement sur les armées et les soldats vaincus. Pour l’école positiviste, le butin n’est donc pas le pillage sur les populations civiles qui est désormais et par principe prohibé. Le butin ne peut viser des biens mobiliers pris aux civils qu’à titre exceptionnel et dérogatoire. Le pillage civil – exercé d’une manière générale qu’en cas de représailles, nécessité ou raison de guerre – n’est admis qu’après décision du général en chef, de manière exceptionnelle et notamment en cas d’assaut donné à une ville ou à un camp retranché. Dans une telle hypothèse, tous les biens de l’ennemi de nature civile ou militaire constituent, sauf exception, un butin légitime.
227Martens évoque le droit de butin encore assez classiquement et examine les limites à ce droit de s’en prendre aux biens mobiliers. Mais Schmaltz et Klüber confirment cette tendance amorcée par Martens distinguant le butin strictement conquis dans des opérations militaires et le pillage sur populations civiles.
228Klüber est catégorique. Distinguant conquête et butin, atteintes aux biens immobiliers et mobiliers, il considère que le butin ne porte que sur les biens possédés par l’ennemi considéré ici et exclusivement, comme « l’armée » ennemie. « Les armées, les navires de l’État et les armateurs et même des combattants isolés peuvent prendre comme butin (praeda) sur les armées, les bâtiments de guerre et les armateurs ennemis, de force ouverte ou cachée tout ce que ceux-ci possèdent de biens mobiliers. »686. Schmaltz est moins tranchant mais tout aussi affirmatif : « Maintenant, les seuls objets mobiliers pris sur l’armée ennemi, peuvent devenir la propriété de celui qui s’en empare à la guerre [...] »687.
229Martens conclue expressément dans le même sens. Seuls les biens pris à l’ennemi au moment du combat ou du pillage sont les biens « saisissables » par principe selon le droit de la guerre. Il œuvre par la négative et considère par une réflexion en deux temps, rappelant le principe et les exceptions, que :
« L’ennemi en se rendant maître d’une province ennemie acquiert les droits suivants : [...] », « III [...] s’attribuer autant de biens privés soit du monarque, soit de ses sujets, que sa satisfaction l’exige. Cependant depuis longtemps on avait reconnu comme loi de la guerre sur le continent, non seulement de conserver aux sujets ennemis la propriété de leurs biens-fonds, mais aussi d’épargner tant les biens privés du monarque que les biens meubles des sujets, [...] en se contentant de faire le butin sur l’ennemi armé, et en admettant que des cas extraordinaires dans lesquels un endroit pourrait être livré au pillage, soit pour avoir violé les droits de la guerre, soit pour avoir été pris d’assaut, soit en général par représailles »688.
« Et tandis que le droit naturel fixe assez imparfaitement les limites du droit de détruire les biens ennemis, les lois de la guerre des nations civilisées bornaient l’usage de ce droit affreux aux cas où il s’agissait ; 1° De biens dont la possession est nécessaire aux buts de guerre et qu’on ne pourrait en lever à l’ennemi que par destruction ; 2 ° De biens dont, d’après les circonstances on ne peut maintenir la possession ni l’abandonner sans le renforcer ; 3° de biens qu’on ne peut épargner sans nuire aux opérations de guerre ; 4° de cas où la raison de guerre autorisait à dévaster un pays, soit pour y faire manquer l’ennemi de subsistances à son passage soit pour l’obliger à sortir de sa retraite pour couvrir le pays ; 5° de représailles »689.
230Ces exceptions posées semblent devoir être considérées comme le pendant à l’exclusion des biens privés du butin hors pillage, et marquent donc le retour en force du droit de nécessité et de la raison de guerre. Ces solutions seront reprises par Schmaltz et Klüber690.
231Ainsi le butin est de droit en la légitime possession du souverain ou du chef de guerre et secondement, le butin ne peut être constitué que par des biens mobiliers, à finalité non militaire pris sur l’ennemi combattant par l’ennemi victorieux. Ce dernier point établit une évolution de la doctrine qui au xviième et jusqu’aux années 1760, considérait que le butin pouvait être constitué de toutes choses pourvu qu’elles appartinssent à l’ennemi, civil ou combattant. Dès Martens, le butin ne peut être constitué d’objets appartenant aux civils et par-là la doctrine en vient à une solution et une définition juridique du butin sur le principe, plus restrictive et protectrice.
232N° 279 – Le pillage et le rachat du pillage par contribution – Le pillage est au butin ce que le vol est à l’objet volé. L’un est l’acte en soi, le résultat d’une volonté, exercé dans un cadre collectif et juridiquement encadré. L’autre constitue l’objet recherché, considéré comme la finalité matérielle et le but désiré dans la mise en œuvre de cette volonté. Le pillage est normalement commis dans un contexte de guerre et consiste à la fois en la prise matérielle d’un bien et en la substitution d’une situation de fait à une situation de droit. La possession par la force succède à la propriété par le droit. En droit interne, le pillage serait du vol avec violence commis en groupe avec généralement destructions de biens mobiliers et immobiliers.
233Au sens militaire, le pillage intervient généralement dans trois types de situations. Il y a le pillage sur le soldat et le pillage sur les civils. Ce dernier s’accomplit soit immédiatement après le temps des combats, soit hors hypothèse d’opérations de guerre.
234Dans le premier cas, le soldat pille le soldat ennemi blessé ou mort sur le champ de bataille. Littéralement, il le dépouille. Il est juridiquement et exclusivement pour la doctrine positiviste, le butin. Dans le second cas, on pille la ville prise d’assaut et alors, aux milieux des incendies, de la destruction des maisons et des biens, des atteintes aux personnes, les soldats s’introduisent de force dans les habitations privées pour se livrer à la prise et l’enlèvement de biens mobiliers. Là, le pillage est décidé et organisé par le commandant en chef. Il est l’emportement furieux et autorisé du soldat qui vient de risquer sa vie au moment du dénouement d’une opération de guerre. Plus la tension, l’enjeu de l’opération et les nécessités de la guerre sont importants, plus le risque de voir l’autorisation de pillage donnée par le commandant en chef est fréquente. Les guerres de Louis XIV dans le Palatinat, la première campagne d’Italie de Bonaparte et le pillage de Pavie, le 26 mai 1796, en sont les exemples historiques classiques691. Dernier cas, on « pille » le pays pour survenir aux besoins de l’armée. Ici, l’armée mal ravitaillée par les commissaires de guerre souffrent des carences de l’intendance militaire. Il lui faut se nourrir, se couvrir et entretenir les montures et les équipages.
235Du point de vue du droit des gens, c’est plus particulièrement le second de ces cas qui est visé par la doctrine, même si les auteurs positivistes de la Révolution et de l’Empire évoquent beaucoup plus fréquemment à leur tour, le pillage sur les civils destiné à subvenir aux besoins de l’armée. Les campagnes d’Espagne et de Russie sont là pour leur rappeler, ces cruelles et impérieuses nécessités de vivre sur le pays.
236Grotius lance le débat. Le pillage n’est pas pour le grand hollandais « contre nature »692. Pour Wolff, « Le pillage consiste à enlever avec violence les meubles et autres effets des maisons de l’ennemi ou des lieux où ils ont été transportés et cachés »693. La définition de Wolff intègre clairement comme objet soumis au pillage les biens mobiliers des populations civiles. En sont exclus, les biens immeubles qui s’ils ne peuvent être par nature emportés, ne peuvent cependant pas non plus être détruits. Le pillage n’est pas la « dévastation » ou le « dégât ».
237Pour Moser, le pillage est la conclusion d’une opération militaire spéciale, l’« assaut » dirigé en fait contre une cité en état de siège. Moser prohibe absolument de livrer deux fois de suite une même ville au pillage694.
238Vattel, nous l’avons vu, distingue encore mal les biens compris dans le butin et les biens pris par pillage. Mais comme Wolff, il évoque les contributions comme alternative au pillage des populations civiles. Ces contributions ne visent pas les biens mobiliers pris sur l’ennemi armé qui vient d’être vaincu. Et ainsi le butin constitué par des biens pris au combattant ne peut être, pour Vattel, racheté. En ce sens, il établit une différence de nature entre les biens fruits du butin pris en dépouillant l’ennemi combattant sur le champ de bataille, et les biens pris aux civils lors du pillage et susceptibles eux de rachat.
239Vattel dans le passage que nous venons de citer, indique en effet : « Aujourd’hui on leur [aux troupes ennemies] abandonne, chez la plupart des nations, tout celui [le butin] qu’elles peuvent faire en certaines occasions où le général permet le pillage ; la dépouille des ennemis laissés sur le champ de bataille, le pillage d’un camp forcé, quelque fois celui d’une ville qui se laisse prendre d’assaut ». Il ajoute sur les « contributions » : « Au pillage de la campagne et des lieux sans défense, on a substitué un usage en même temps plus humain et plus avantageux au souverain qui fait la guerre : c’est celui des contributions » ; « Quiconque fait une guerre juste est en droit de faire contribuer le pays ennemi à l’entretien de son armée, à tous les frais de la guerre. Il obtient ainsi une partie de ce qui lui est du et les sujets de l’ennemi se soumettant à cette imposition, leurs biens sont garantis du pillage, leur pays est conservé. Mais si un général veut jouir d’une réputation sans tâche, il doit modérer les contributions et les proportionner aux facultés de ceux à qui il les impose »695. Le pillage et son exemption par rachat ne visent ici selon Vattel que les biens qui peuvent être pris sur le pays ennemi et non sur le soldat ennemi.
240Wolff – et nous continuerons la phrase citée précédemment – indique à propos des contributions de guerre : « Le pillage consiste à enlever avec violence les meubles et autres effets des maisons de l’ennemi ou des lieux où ils ont été transportés et cachés. On peut recourir à cette voie, lorsque les contributions ne sont pas payées et c’est alors une explétion de droit, mais qui devrait être renfermée dans les bornes du droit, s’il était possible d’agir d’une manière bien mesurée dans de semblables exécutions »696. Ainsi en ce qui concerne les seuls biens mobiliers des civils, la règle est la contribution ou rachat du pillage, l’exception est celle du recours au pillage qui ici ne peut que viser les biens des civils. Wolff comme Vattel confondent encore les biens pris sur le combattant ennemi et qui constitue le butin selon la doctrine positiviste dès Martens, et le pillage qui peut tomber aussi bien sur ces choses appartenant à l’ennemi combattant – au sens strict le « butin » – que sur celles appartenant aux civils.
241Martens considère ce rachat comme une exception à l’interdiction de s’en prendre aux biens de l’ennemi considéré ici comme civils. Il n’exclue cependant pas expressément du rachat, les biens pris par l’ennemi sur l’ennemi combattant, même si tacitement il ne peut s’agir que des biens appartenant aux populations civiles. « A ces exceptions près, les nations civilisées ont substitué au pillage et à la dévastation, l’usage des contributions de guerre, soit en argent soit en nature, sous peine d’exécution militaire. Le paiement de ces contributions doit assurer la conservation des propriétés de tout genre, de sorte que l’ennemi, doit alors acheter et payer ce qu’il se fait livrer dans la suite, excepté les services qu’il peut exiger des sujets en qualité de sujets temporaires »697.
242Schmaltz une fois encore sera à la fois plus clair et rigoureux. Par principe, le droit dans la guerre ne peut s’en prendre à la propriété mobilière privée. Le pillage est donc prohibé et seul le butin qui tombent sur les biens des combattants ennemis, dépouillés, est admis. Le pillage est remplacé par la contribution de guerre et c’est dans cette sorte de sauvegarde accordée à la propriété privée contre paiement, que nous trouvons donc l’origine de la contribution de guerre.
243Schmaltz tout d’abord rappelle que les « anciennes coutumes » sont désormais des « vestiges » et n’ont plus cours : « Les fonds de terre, les maisons, les immeubles, ne changent plus de propriétaire par l’occupation de l’ennemi. [...] Le seul vestige qui reste de l’ancienne coutume, d’après laquelle les biens tombés au pouvoir du vainqueur lui étaient dévolus, c’est d’exiger soit pour leur conservation, soit pour leur restitution une contribution de guerre ». Et il ajoute pour les biens mobiliers : « Maintenant, les seuls objets mobiliers pris sur l’armée ennemi, peuvent devenir la propriété de celui qui s’en empare à la guerre. [il s’agit là du « butin »...] Quant au sujet paisible on doit le laisser dans la jouissance tranquille de tout son bien [...] et malgré les nombreuses exceptions, la règle n’en subsiste pas moins ; car les effets mobiliers se rachètent également au moyen de la contribution imposée par le vainqueur »698. Schmaltz ajoute enfin pour confirmer le caractère dérogatoire du pillage : « Le pillage est regardé comme autorisé par la coutume, en cas de désobéissance de la part des habitants »699.
244Klüber distinguera quant à lui aussi clairement butin et pillage. Mais il assimile finalement à ce dernier, tous les moyens de destruction massif admis à la guerre. Pour Klüber, le pillage des « habitants paisibles » est prohibé sauf cas de nécessité et comme « talion », ou en cas de violation de la guerre, sédition, rébellion et « prise d’assaut ». Assimilé ici à une peine comme pouvait le faire la doctrine classique, le pillage est aussi légitime en cas de refus de paiement des contributions de guerre. Klüber qui inverse par rapport à Schmaltz et Martens, l’ordre des choses entre le principe et l’exception, est, sur ces questions de légitimité des atteintes aux biens et moyens de guerre, moins précis et assez confus, accordant les mêmes règles au pillage et à la « dévastation » qui théoriquement et pratiquement ne peuvent être assimilés en raison des fins différentes que ces deux moyens de guerre poursuivent. La dévastation sert essentiellement à terroriser les populations civiles ou à protéger les « retraites » par l’épuisement des matières premières et des moyens de subsistances des armées en territoires ennemis, tandis que le pillage même si indirectement il peut parvenir au même but, ne présente pas le caractère de mise en œuvre systématique et d’envergure de la dévastation, ayant pour but l’appauvrissement des moyens de survie de l’adversaire sur une zone géographique importante. Le pillage sert à se payer de l’effort de guerre et des risques liés au métier de guerrier.
245Klüber fait valoir : « Quoique le droit des gens naturel ne défende point au belligérant en juste cause de dévaster et de piller le territoire de l’ennemi, dans la mesure où le but de guerre l’exige, l’un et l’autre n’en sont pas moins désapprouvés par la loi de guerre établie en Europe. Ce n’est que par exception que la dévastation est permise à l’égard de terrains qu’il est nécessaire de déblayer, de bâtiments ou d’établissements dont les opérations militaires exigent impérieusement la destruction ». Il précise : « Il peut être indispensable de détruire quelquefois jusqu’aux villes, villages, et autres habitations, de ravager les jardins, vignes, champs, prés et forêts, lors d’une retraite dangereuse, ou lorsqu’il est essentiel de le chasser ou d’élever des fortifications et des retranchements » et ajoute l’hypothèse où les « habitants du pays prennent une part immédiate aux hostilités, ou qu’ils montrent un mauvais esprit dans le paiement tardif des contributions. Enfin, le « pillage et la dévastation » peuvent être ordonnés par « rétorsion »700. Martens utilisait le terme de représailles.
246Nous concluerons donc ici en indiquant que le droit romain n’a plus cours en ce début de xixème siècle. Les biens mobiliers privés ne peuvent être pris selon le droit de guerre. Seuls ceux pris lors des opérations de guerre sur les soldats ennemis et constituant le « butin », peuvent légitimement l’être. Le rachat du pillage par contributions de guerre devient la règle pour la propriété privée, sauf cas de raison de guerre, de nécessité – du type retraite d’une armée en pays ennemi –, et enfin de représailles ou de rétorsion. Nous remarquerons enfin que sur les questions pratiques, la doctrine admet très largement l’usage de représailles en temps de guerre, alors que selon l’approche théorique accordée à la problématique des représailles, leur admission en temps de guerre étaient âprement discuté et non clairement tranchée.
247N° 280 – La question de la date d’effet de la possession par prise de guerre – Cette question doit être considérée comme centrale. Elle court sur deux siècles de doctrine et puise essentiellement ses origines dans le droit romain au travers de trois positions : la notion de praesidia et de la théorie de la possession du bien quand il est à couvert701 ; la solution avancée par Grotius que nous nommerons « règle des 24 heures » ; et la règle de la possession immédiate par le capteur.
248En évoquant les positions grotiennes, nous avons déjà fait état de ces propositions. Grotius mentionne les trois positions mais semble se ranger en faveur de la règle du praesidia tout en évoquant les deux autres. Pufendorf s’en tient également à cette solution qui veut que les biens mobiliers pris sur l’ennemi soient censés juridiquement et légitimement possédés « du moment qu’ils sont à couvert de la poursuite de l’ennemi »702. Ce droit de prise n’est d’ailleurs opposable qu’aux tiers, l’ennemi pouvant toujours, s’il le peut, les reprendre à nouveau par droit de guerre.
249Bynkershoek disputera longuement Grotius sur ce point. Pour l’autre merveille de Hollande – celui qui assurément emporte les lauriers du cynisme, de l’ultrarationalisme, du droit désidéalisé et de la réaljuridique – Grotius fait fausse route sur la validité de la « règle des 24 heures » et il le démontre. En ce sens, il se trompe sur la solution qui emporte la préférence de Grotius. Indiquant en préalable – et comme semble y incliner Grotius – que la théorie du praesidia est la seule qui vaille, il déclare : « A présent, je discuterai plutôt d’une question non moins importante qui arrive quotidiennement, à savoir à quel moment la possession change par la capture. Je ne distinguerai pas ici entre les différends types de biens meubles qui peuvent être pris, si c’est une personne, un navire, une marchandise, une fourniture, ou quelque soit d’autre qui puisse tomber dans les mains [de l’ennemi] comme butin. Par le droit romain, comme Grotius l’observe justement, le butin devient la propriété du capteur quant celui-ci est amené dans un terrain défensible, la seule raison de cette doctrine étant que tout espoir de poursuivre et de recouvrir la chose est fini »703.
250Bynkershoek ouvre alors la joute. 11 fait ici valoir : « Pour ma part, je n’ai pas été capable de trouver l’observance de cette coutume [celle des 24 heures]. Pour être sûr, la cour militaire a rendu une telle décision le 24 décembre 1624 et aussi sur une autre occasion, mais qui attirait l’attention des hommes, la plupart ignorant le droit, qui ne faisait clairement aucun usage des autorités et étaient peut être trompés par les seuls mots de Grotius. Même dans les Provinces Unies, cette décision est contraire au droit et coutume [des gens] comme je le prouverai dans ce chapitre et les suivants. Je sais que l’ambassadeur des États Généraux en Angleterre a requis les Etats Généraux en 1631 pour obtenir leur approbation du principe légal qui reconnaît la légitime possession après vingt quatre heures, mais je n’ai pas trouvé leur approbation. Le principe est aussi contraire à la raison car si vous jugez du sujet à la lumière de la raison, l’unique et réelle raison pour [établir] le changement de propriété, consiste dans la réelle possession, et la chose est réellement possédée si elle peut être retenue en sécurité. ». Parvenu à ce point, Bynkershoek affirme la justesse de la solution du droit romain selon laquelle la possession vaut changement de propriété si la chose est placée dans un terrain défensible : « intra praesidia »704.
251Les positions de Grotius vont ici encore, être au cœur de tous les positionnnements doctrinaux. Cela était le cas pour Bynkershoek et ce le sera aussi pour Burlamaqui.
252Burlamaqui va lui aussi s’opposer à Grotius mais non pas en se positionnant en faveur de la règle des 24 heures ou de celle du droit romain du praesidia et mais en lui préférant celle dite de la possession immédiate. Alors que Bynkershoek s’opposait à Grotius – qui selon Bynkershoek était favorable à la règle des 24 heures – Burlamaqui rappelle que Grotius est plutôt favorable à la règle du praesidia et déclare ne pas se ranger à cet avis. « Mais pour moi, il me semble que cette manière de répondre à la question est tout à fait arbitraire et qu’elle n’a aucun fondement naturel. Je ne vois pas pourquoi les prises qu’une des parties a faites sur l’autre, ne lui appartiennent pas du moment qu’il les a faites, car enfin un ennemi se trouve dans toutes les circonstances nécessaires pour acquérir la propriété dans le moment même de la capture : il a l’intention d’acquérir une cause ou un titre d’acquisition juste, savoir le droit de la guerre, et il possède actuellement la chose [...] »705. Puis affirmant son opposition à la fois à la règle du praesidia et des 24 heures, il conclue en indiquant que « [...] tout ennemi comme tel et tant qu’il demeure tel, conserve toujours la faculté de recouvrer ce que l’autre a pris ; l’impuissance où il se trouve pour l’heure ne fait que le réduire à la nécessite d’attendre un temps plus favorable qu’il cherche et souhaite toujours »706.
253On retrouve chez Burlamaqui, l’idée de Pufendorf selon laquelle ce droit de possession n’est en soi opposable qu’aux tiers neutres et jamais à l’ennemi qui ayant perdu par le droit de guerre une chose, peut par ce même droit de guerre en reprendre possession707.
254Vattel exprime d’une manière nouvelle la règle de la légitime possession. Se rapprochant de la praesidia, il indique : « La propriété des choses mobilaires est acquise à l’ennemi, du moment qu’elles sont en sa puissance. Et s’il les vend chez les nations neutres, le premier propriétaire n’est point en droit de les revendiquer ». Cette notion de puissance est à considérer comme équivalente à « la mise à couvert » du droit romain et Vattel lui donne comme synonyme, les notions de choses « véritablement au pouvoir de l’ennemi » et « conduites en sûreté »708.
255De Real propose une solution originale et se rangera à la fois derrière la règle du praesidia valable pour les immeubles et celle de la possession immédiate pour les biens meubles709.
256Après de Real, Martens n’évoque plus directement l’une ou l’autre de ces règles. Sa solution se veut plus moderne et est ramenée à la seule condition de l’extinction des droits, acquise par traité ou admise tacitement c’est à dire par le fait de ne pas vouloir par la force récupérer le bien pris. Pour Martens, la question de la date ou des conditions de la légitime possession devient dès lors secondaire. Il indique que « l’occupation militaire seule ne suffit pas pour éteindre le droit de propriété de l’ancien possesseur, tant qu’il n’y a pas renoncé expressément ou tacite ou qu’il n’a pas perdu tout espoir d’en recouvrer la possession ; et comme la guerre ne suspend point les effets de la propriété dans le rapport d’une puissance belligérante envers d’autres États [...], ceux-ci ne peuvent pas, avant cette époque, considérer l’ancien propriétaire comme déchu de ses droits »710.
257Klüber et Schmaltz traiteront ce point en se référant aux règles traditionnelles.
258Schmaltz ne tranche pas le débat. Sa solution est une synthèse des trois principes doctrinaux. Il indique que « quant au butin légitimement fait par le soldat ennemi, il devient sa propriété ; s’il retombe au pouvoir des nôtres, ceux-ci en deviennent à leur tour légitimes possesseurs. Suivant les lois en vigueur dans quelques pays, ces objets, doivent êtres restitués au propriétaire, s’ils sont été repris dans les 24 heures ; suivant d’autres, s’ils ont été recouvrés avant que l’ennemi ait eu le temps de les mettre à l’abri »711.
259Pour Klüber, il en est différemment et seule semble être d’application générale en Europe pour les biens mobiliers, la règle des 24 heures. « Selon l’usage établi en Europe, l’ennemi acquiert dans les guerres qui se font sur terre, la propriété du butin par une détention de 24 heures ; de sorte que ce terme écoulé, tout tiers peut les acquérir à lui à juste titre, et sans qu’il y ait lieu à des réclamations ou à l’exercice du jus postliminie. »712.
260La confusion est donc encore grande sur cette question de la date de la légitime possession de la prise de guerre mobilière. Elle perdurera en grande partie durant tout le xixème713. Il semble que ce soit la règle de la possession immédiate qui l’emporte, tout en ne constituant pas en soi un droit nouveau, de sorte que le butin puisse légitimement par droit de la guerre être repris par l’ennemi. Il faut ici noter que si cette question a été particulièrement débattue, c’est parce que la doctrine voulait régler les droits afférant à la propriété privée, celle du butin pris sur des civils, et encadrer la possibilité pour ceux-ci de revendiquer leurs biens. Avec l’interdiction de principe du butin pris sur les populations civiles, l’intérêt de la problématique tombe et explique que la doctrine lui accorde moins de développements dès la fin du xviiième siècle.
261La doctrine dans les années 1820 s’entend donc pour indiquer que par principe il n’est pas légitime de se saisir par droit de guerre de la propriété privée meuble ennemie, à l’exception de circonstances exceptionnelles tirées de la nécessité ou de la raison de guerre, de la violation des lois de la guerre qui autorisent le pillage et les représailles. Il peut être admis que l’ennemi puisse dans ces cas exceptionnels et de manière conventionnelle, convenir qu’il sera accordé un sursis à l’exécution du pillage contre contributions à verser en nature ou en numéraire. Par dérogation encore, certains biens directement nécessaire à la guerre, à l’exception desquels figurent les armes de luxe et de panoplie, peuvent faire l’objet de prises par le belligérant. Enfin, la date d’opposabilité de la possession aux tiers est admise généralement comme immédiate. Enfin également, les objets meubles ne sont pas compris dans le droit de postliminie.
B/ Les atteintes ratione inimica materie aux biens immeubles, incorporels, publics et autres
262N° 281 – Du droit de prise et de conquête des biens immeubles ennemis – Nous avons observé que la doctrine traitant des atteintes aux biens, agrège à celles-ci et à mesure de l’évolution du travail de réflexion, les notions d’occupation et de conquête. Les atteintes aux immeubles par le fait de guerre seront assimilées par la doctrine finissante à la conquête que nous examinerons plus loin. C’est dire aussi que la conquête n’étant que le but de guerre, l’atteinte aux immeubles ennemis est en soi légitime.
263Grotius avait évoqué cette question quoique de manière assez sommaire et archaïque, usant du terme terres pour immeubles et leur appliquant la solution du praesidia714. Pufendorf suivra dans cette voie le maître de Hollande715. Textor assimilera quant à lui, la situation des objets mobiliers servant à la guerre aux immeubles, posant ainsi les premières bases d’un principe à venir suivant lequel les immeubles ne peuvent jamais par le droit de guerre revenir à des particuliers716.
264Bynkershoek n’étudie que de manière incidente cette matière en se livrant à une analyse critique de Grotius. Assimilant immeubles et territoires occupés, il reprend les arguments de Grotius, rapproche ceux de Zouche et de Bellini, pour indiquer que les immeubles – c’est à dire les territoires en la possession d’un belligérant – doivent s’entendre non seulement des immeubles effectivement possédés mais également de ceux qui non matériellement possédés, se trouvent être sous la domination de l’occupant. Si une partie d’un territoire est occupée, les parties non matériellement soumises au belligérant se trouvent aussi par le droit de guerre en sa légitime possession et jouissance. D’après la raison et la notion d’uti possidetis ou possession de la jouissance d’un bien, le régime d’une partie est étendu à la totalité des biens immeubles. « [...] Nous devons en conséquence tirer de la raison que la possession d’immeubles pris à la guerre est réellement [celle-ci] : il devient clair que lorsqu’une partie [du territoire] a été occupée, l’intégralité est occupée et possédée si telle est l’intention du capteur, et en cela Paulus décide aussi en cette matière. Le fait que cela soit un principe du droit naturel et du droit civil, est abondamment prouvé par l’expérience et la coutume et par les meilleurs professeurs »717.
265Wolff ignore le sujet et il appartient à Burlamaqui après les courtes propositions de Grotius, de repenser le sujet. Le professeur de l’université de Genève rappelle le principe selon lequel le droit de se saisir des choses est aussi bien admis pour les meubles que pour les immeubles, et admet à la différence des meubles, le droit pour l’ancien propriétaire de les revendiquer718.
266Vattel dans la lignée de Grotius traitera des immeubles sous l’angle de la conquête et de l’occupation. Le paragraphe 197, du livre III de son chapitre XIII « de l’acquisition par guerre et principalement de la conquête » est intitulé « de l’acquisition des immeubles ou de la conquête ». La question qui intéresse Vattel est de connaître les conditions de l’opposabilité de la possession aux tiers et aux anciens propriétaires. Annonçant ici Martens, seul le traité international peut pour Vattel, définitivement régler ce point et toute nouvelle appropriation par la force est juste tant que n’existe pas un traité de paix définitif. En ce sens, Vattel reprend et formalise une idée déjà développée par Grotius, Pufendorf et Burlamaqui719.
267Dès lors, la question de la prise des biens immeubles bascule dans la matière de la conquête et de l’occupation et des stipulations incluses dans les traités définitifs de paix. Martens, de Rayneval, Schmaltz et Klüber traiteront soit de la conquête soit de l’occupation au moment où ils évoquent la question des atteintes aux biens immobiliers de l’ennemi720.
268Considérée sous l’angle de l’occupation, la prise de possession des biens immeubles, ne peut être accordée aux soldats ou aux généraux en chef. Constituant par essence le but de guerre qui vise à s’emparer des territoires ennemis, la puissance souveraine et titulaire du droit de faire la guerre, peut seule devenir le légitime possesseur des « villes, provinces et territoires ennemis » conquis ou occupés.
269Il semble évident ici que la doctrine opère une confusion entre biens immeubles corporels et biens incorporels. La guerre suppose dans un premier temps la prise matérielle d’une zone géographique, d’une ville ou de biens immobiliers donnés, mais lorsque cette prise s’étend à l’intégralité des « biens immeubles de l’ennemi », c’est à dire à l’ensemble du territoire national, cette possession-occupation n’est ni plus ni moins que la conquête scellée par la force et éventuellement par le droit. L’autorité publique – nous visons ici aussi bien son représentant comme le pouvoir lui-même par essence incorporelle – détentrice du pouvoir d’édicter le droit, titulaire de la puissance contraignante au niveau interne et externe, le domaine public lui même – bien par nature corporel – et en conséquence la faculté d’organiser juridiquement l’ordre politique, social et économique se trouve placée entre les mains du conquérant, désormais maître juridique d’un pays.
270N° 282 – De certains biens meubles, de la légitimité de la prise de possession des biens incorporels et des effets de la guerre sur les traités existant – Nous avons déjà indiqué que les biens nécessaires – directement ou indirectement – à la conduite de la guerre jouissent d’un régime de droit particulier excluant à leur égard le principe d’inviolabilité. Ils ne sont pas soumis au droit commun de la guerre. Mais au surplus, et en considération de l’utilité militaire qu’ils représentent, ils ne peuvent être compris dans le butin. Ils sont placés directement dans les mains du souverain ou du général en chef qui en disposent et en usent à volonté. Selon Schmaltz, il est possible de se saisir ou détruire le matériel militaire, ce qui ne constitue par ailleurs rien d’autre que la guerre dans le sens le plus étroit. Ces biens mobiliers dont on se sert pour faire la guerre sont non seulement l’armement, armes et artillerie, mais aussi les munitions et les fournitures de guerre. Le secrétaire au congrès de Vienne déclare : « Il est permis de détruire à dessein tout ce que l’ennemi se sert pour la guerre »721. Le général en chef a tout pouvoir pour décider, indépendamment de ce qui peut en advenir au moment des combats, ce qu’il convient d’en faire. Martens décide identiquement et Klüber indique que l’ennemi est en droit de détruire ou de s’approprier ce qui concoure au but de guerre ou qui sert aux opérations de guerre722.
271Enfin pour les armes de luxe ou celle dites de panoplies, principalement d’apparat et accessoirement de guerre, la question n’est pas tranchée même si on considère que les biens mobiliers de nature exceptionnelle comme ceux qui ont appartenu en propre au souverain ennemi ou à la famille dirigeante sont exclus du pillage723.
272Un autre point abordé par la doctrine touche aux biens des ressortissants ennemis se trouvant sur le territoire de la puissance contre laquelle leur nation est en guerre. Wolff et Vattel s’intéresseront à cette question. Le premier conclue favorablement à la saisie de ces biens qui doivent être considérés comme ennemis, tandis que Vattel plus nuancé, admet que seuls les revenus de ses biens, et non les « fonds » appartenant à des ressortissants ennemis peuvent être mis sous séquestre, et ce pour éviter qu’ils ne profitent à la puissance ennemie724.
273Les biens incorporels de nature publique sont également un des grands sujets d’attention de la doctrine.
274Pufendorf est après Grotius celui des auteurs classiques qui accorde le plus grand soin à l’étude des atteintes aux biens incorporels. Nous avons vu dans les paragraphes numérotés en introduction de cette section, qu’il admettait que leur prise par le belligérant était possible dans la mesure où le belligérant détenait la personne titulaire de ces biens incorporels. Dans un deuxième temps, Pufendorf distinguait entre biens incorporels rattachés aux personnes et biens incorporels rattachés à des biens725. Cette solution sera reprise par Burlamaqui et de Real. Si les biens incorporels sont rattachés à des personnes, l’accord ou la soumission de ces dernières est en principe absolument nécessaire pour que soient transférés les droits qui y sont attachés. Tel est en théorie le cas de la souveraineté au cas où le souverain est fait prisonnier. Pour les biens incorporels concernant des choses, il convient selon Burlamaqui d’être à la fois en la possession de cette chose et de la personne titulaire de ce droit incorporel726. Jusqu’à de Real donc, la saisie des biens incorporels par le droit de guerre est admis et légitime.
275Bynkershoek est le premier qui après une longue dissertation va remettre en cause quoique fort partiellement, ce principe. C’est au chapitre 7 de son livre premier que le président du suprême conseil de Hollande se demande « si les actions et le crédit [« actionnes et credita »] des ennemis peuvent justement [légitimement] être confisqués au déclenchement de la guerre ». Traitant ici tout autant de la propriété mobilière que des biens incorporels, il affirme après avoir écarter les possibilités particulières établies par traités internationaux, que sur le principe la saisie de biens incorporels de ressortissants privés ennemis est possible, tout en indiquant que certaines nations dont la Hollande, ont considéré comme nulles de telles confiscations727.
276Vattel rompant avec la lignée de Grotius et Pufendorf, poursuit ce travail amorcé par Bynkershoek et déclare que si les biens incorporels sont saisissables au même titre que les biens corporels, les nations européennes conviennent de manière générale que la tranquillité des échanges commerciaux et même des créances publiques, impose que les biens incorporels ne puissent tomber sous le coup du droit commun de la guerre relatif aux biens ennemis. Rappelant le droit ancien, il indique en conclusion « Mais aujourd’hui, l’avantage et la sûreté du commerce ont engagé tous les souverains de l’Europe à se relâcher de cette rigueur. Et dès que cet avantage est généralement reçu, celui qui y donnerait atteinte blesserait la foi publique ; car les étrangers se sont confiés à ses sujets que dans la ferme persuasion que l’usage général serait observé. L’État ne touche pas même aux sommes qu’il doit à ses ennemis, partout les fonds confiés au public sont exempts de confiscation et de saisie, en cas de guerre »728.
277Par la suite, c’est cette position d’insaisissabilité relative des biens incorporels qui pour des motifs de sûreté des échanges et des rapports internationaux, va prévaloir. Martens déclare : « La puissance belligérante pourra confisquer les sommes qu’elle doit à l’ennemi ou aux sujets de celui-ci. Cependant ce moyen étant ruineux pour le crédit de l’État, on n’y a guère recours que dans les circonstances extraordinaires en ne touchant pas toutefois aux capitaux et en ne suspendant pas même toujours le paiement des intérêts »729. Schmaltz se révèle encore plus affirmatif et précis lorsqu’il fait valoir que : « La confiscation de créances que les sujets du pays ennemi auraient à recouvrer dans le nôtre, doit être regardée comme une mesure d’autant plus injuste qu’elle cause la ruine de familles particulières sans être pour nous d’une grande utilité [...] » et précise « L’État ne doit pas non plus confisquer ce que de son côté, il peut devoir aux sujets de la puissance ennemie ni même retarder le paiement. ». Il conclue en indiquant cependant que de façon dérogatoire « Ce que l’État doit à l’État ennemi, ou ce que les sujets d’un pays doivent au gouvernement contre lequel ils sont en guerre, peut seul être soumis à confiscation »730. Schmaltz soumet donc au principe de saisissabilité certains biens incorporels qui sont les créances dues de belligérant à belligérant ou de sujet ennemi à État belligérant et en aucun cas ce qu’une puissance souveraine belligérante doit à des personnes de droit privé.
278Klüber ne retiendra pas l’écart doctrinal par voie d’exception qu’indique Schmaltz et confirme le principe selon lequel « On s’abstient généralement aussi de confisquer ou saisir les capitaux que l’État ou ses sujets doivent au gouvernement ou aux particuliers ennemis, ou même d’arrêter le paiement des rentes ou intérêts »731.
279La doctrine et le droit positif confirmeront au xixème siècle, malgré quelques vives controverses, ces positions732. Les créances ducs à l’état belligérant sont transférables à l’état vainqueur, mais les dettes de l’État vaincu à des personnes privées ne peuvent être déclarées nulles et non avenues.
280Martens et Klüber étudieront par ailleurs les conséquences de la guerre sur les traités internationaux. Ils affirmeront que ceux-ci sont par principe caducs en cas d’occupation, sauf, selon Klüber, stipulations contraires. Pour Klüber, « Les traités antérieurs à la guerre dont la validité pendant une guerre à venir aurait été expressément prévue et stipulée par les deux parties, ne cessent point d’être obligatoires ; ceux aux contraires qui sont formés dans la supposition expresse ou tacite de relations amicales, finissent avec elles. Quant aux traités qui ne rentrent dans aucune de ces deux catégories, le belligérant en juste cause peut s’en désister, s’il le juge convenable au but qu’il s’est proposé dans la guerre, en suspendre l’exécution, et même reprendre, autant que cela lui est possible, les prestations qu’il a déjà faites en vue de leur accomplissement »733.
281La formulation de Martens est moins aboutie et doit s’entendre de la seule hypothèse où les traités conclus entre ennemis ne supposaient pas l’éventualité d’une guerre et n’envisageait pas les effets sur les rapports conventionnels en cours. « [...] On peut d’après la loi naturelle 1° enlever tous ces droits qu’il [l’ennemi] a obtenu de nous par des traites, non seulement en suspendant l’effet de ces traités pendant la guerre, mais en le déclarant déchu pour toujours des droits reposant même sur des conventions qui ne pourraient être considérées comme rompues, ipso facto, par la guerre survenue [...] »734.
282N° 283 – Les biens de nature particulière : le domaine public, les sépultures, les édifices religieux, les biens à caractère artistique qui « font honneur à l’Humanité », le champ de bataille – La limitation des atteintes de guerre au regard de la nature de certains biens, pose des questions d’ordre juridique. Mais cette problématique renvoie aussi directement à l’échelle des valeurs matérielles qu’une civilisation, en l’occurrence l’Europe de l’âge classique et des Lumières, entend considérer comme devant être exceptionnellement protégées. Aux xvii et xviiième siècles, ces biens d’une nature aussi exceptionnelle, sont les objets et les immeubles consacrés au culte. Ce sont aussi, élément nouveau, les biens à caractère artistique. D’un autre point de vue, celui du droit, cette question amènera la doctrine à délimiter une notion essentielle de droit public interne et international, celle du domaine public.
283Nous traiterons de ces points pour achever sur une problématique accessoire, quelque peu dépassée au xviiième, celle de la propriété du champ de bataille, théâtre terminal des opérations de guerre.
284La doctrine scolastique et classique ne manque pas d’étudier la question des atteintes de guerre aux « res sacrae ». Ayala735, Gentili736, Grotius737, Zouche738, Textor739 s’y penchent. Grotius opère là encore en maître. Il synthétise et construit la matière mais comme à son habitude, sa présentation souffre toujours de contradictions et prend bien plus ici la marque du passé, qu’elle ouvre à la modernité740. L’atteinte aux biens religieux est licite en cas de cultes différents entre les ennemis et prohibée entre coreligionnaires. Grotius insiste cependant sur l’extrême relativité qui existe en matière de qualification de la nature sacrée des choses. Selon la volonté des peuples, les nécessités de la guerre et les circonstances, le sacré comme le profane muent rapidement et citant, à contre emploi, un extrait des Annales de Tacite : « Le sacré n’est pas plus épargné que le profane, et le temple le plus célèbre de ces contrées, celui de Tanfana, est entièrement détruit »741.
285Il faut faire ici remarquer que les règles de protection des choses religieuses sont étudiées généralement sous l’angle de la légitimité de certaines opérations de guerre, telles que le pillage et la dévastation et non sous l’angle de la légitimité de principe à attenter spécifiquement à ces biens, indépendamment du moyen de guerre usité.
286Au xviiième742, cette question passionnera les juristes suisses et notamment Burlamaqui et Vicat. Selon une approche éminemment politique, ils considèreront la chose religieuse soit comme un simple bien public ne se distinguant en rien des autres biens relevant du domaine public, soit comme un bien sacré dans les nations où l’emprise et l’influence du catholicisme romain ou de la réforme est encore importante, soit enfin comme un simple bien, de nature quasi privée, profane, qui exclue tout régime de droit et de protection particulier.
287Vicat représente le courant le plus attaché au respect des « res sacrae ». Pour le professeur de droit de l’Université de Lausanne, « Il n’est pas permis non plus d’insulter aux choses appartennantes à l’ennemi, lesquelles elle regarde comme sacrées ». Il pose l’interdiction de les « profaner, de les exposer à l’ignominie, sans que cela ne fit rien au but de guerre » et y ajoute la prohibition de « brûler les habits sacerdotaux, la bannière d’une église ». Pour Vicat, il convient de respecter les lieux de culte et si on est « obligé d’établir un lazaret dans une église appartennante à l’ennemi, on fera de la manière qui s’éloigne le moins du ménagement que l’ennemi peut désirer que l’on ait pour un tel lieu [...] »743.
288Burlamaqui se situe aux antipodes de la solution de son confrère de Lausanne. Croire au caractère sacré au sens propre des objets liés à exercice des cultes est pour Burlamaqui une « superstition ». Ils n’ont en soi aucun caractère intrinsèque et « peuvent changer de maîtres », comme de Dieu. Aussi le genevois considère que les choses sacrées n’échappent pas au droit commun du pillage et de la dévastation. Si elles relèvent du domaine public et souverain, les objets et immeubles du culte sont susceptibles d’être soumis aux atteintes de l’adversaire de part leur qualité de biens ennemis. Pour Burlamaqui, « ce droit de dégât s’étend en général sur toutes les choses qui appartiennent à l’ennemi et le droit des gens, proprement ainsi nommé, n’en excepte pas même les choses sacrées, c’est à dire celles qui sont consacrées au vrai Dieu ou aux fausses divinités dont les hommes font l’objet de leurs cultes »744. La nature des biens profanes et religieux est identique, seule leur destination, souligne Burlamaqui, est différente.
289Vattel comme du reste de Real, exprimeront une voie moyenne par laquelle ces objets, mais au même titre que d’autres biens particuliers, doivent être épargner par la guerre. Leur solution sur le fond est à rapprocher de celle de Wolff745.
290Avec Martens, la page se tourne définitivement et les biens sacrés ne figurent plus dans la classe des biens devant à titre particulier et exceptionnel être protégés des fureurs de la guerre. Martens ne les évoque même plus. Après lui, de Rayneval, Schmaltz feront de même. Klüber746 sera le seul à reprendre les positions de Wolff, Vattel et de Real.
291La doctrine est donc partagée sur cette question. Vattel et Klüber considèrent ces biens et les tombeaux et sépultures comme des biens faisant partie des propriétés ennemies devant être exclues de l’application rigoureuse du droit de la guerre. Pour Martens, mais de manière tacite, ces biens sont soumis au droit commun de la guerre et doivent être respectés au même titre que la propriété ennemie, sauf cas de nécessité ou de raison de guerre.
292Si l’intérêt juridique porté aux objets du culte ne fait que diminuer, une autre catégorie de biens va en revanche faire l’objet de soins constants de la part de la doctrine des Lumières. Le bien « public », entendu comme profane ou laïc, et les arts, ainsi que d’autres catégories tout à fait originales d’objets meubles, vont être expressément classifiés parmi les biens mobiliers et immobiliers non soumis aux lois de la guerre permissives.
293Grotius et Gentili évoquent tous deux la protection due aux « temples, portiques et statues »747. Pour Grotius, les « choses d’embellissement » sont des choses « publiques ». Peu de développements doctrinaux seront accordés à cette matière au xviième et il faut attendre Moser pour que le champ de ce sujet connaissent un véritable et inattendu regain d’intérêt. Pêle-mêle, le Professeur de Tubingue considère qu’« il est juste de préserver les résidences, châteaux, relais de chasse ennemis, s’ils ne sont pas fortifiés »748. Mais sans affirmer qu’un certain nombre de biens particuliers doivent être par principe placés hors du champ du droit de guerre et relever du pouvoir discrétionnaire de l’ennemi, il annonce indirectement tout le contenu de la matière que nous avons à traiter. Pour Moser, aucun usage de guerre ne peut viser les « hôtels de ville et autres bâtiments publics », les « archives », les « petits musées, galeries statues, etc. »749 On le voit bien ici, Moser indique directement les biens qui après lui seront explicitement visés par le droit des gens prohibitif.
294Et c’est Vattel qui va opérer ce travail d’affirmation définitive d’un principe selon lequel les biens publics mais également les objets artistiques, meubles et immeubles, doivent être exclus du champ d’application strict du droit de guerre et en tant que tels soumis à un régime spécial de protection. Pour Vattel, sont comprises dans les « choses [qu’] on doit épargner », « les édifices qui font honneur à l’Humanité et qui ne contribue pas à rendre l’ennemi plus puissant », « les bâtiments publics, tous les ouvrages respectables pour leur beauté ». Il va plus loin encore concernant les biens artistiques en déclarant que pour les « statues et les tableaux », la destruction volontaire est « condamnée absolument, même par le droit des gens volontaire »750.
295Vattel doit passer avec Grotius comme le fondateur des normes internationales visant à la protection des biens de nature artistique. Cet acquis n’est pas sans présenter un mérite symbolique d’une humanisation de la guerre qui se doit d’épargner, non seulement tout ce qui n’aide pas à mener, directement ou indirectement des opérations de guerre mais aussi les biens qui à l’autre bout de l’échelle des productions humaines, représentent le plus haut niveau de créativité, de beauté et d’élévation de l’esprit.
296De Real se situera dans cette veine. Les monuments publics et les statues sont protégés par le droit des gens de la guerre751. Pour Martens, les biens meubles de l’art sont exclus du butin. Martens évoque également les atteintes fréquentes et contraires aux principes du droit des gens que la révolution française a causé en recourant à « l’enlèvement des monuments de l’art » formalisé par traité et notamment ceux de Parme de 1796 qui a obligé les puissances alliés à en demander restitution en 1815752. Schmaltz considère qu’il s’agit là d’une « sage coutume » par ailleurs fort respectée au xviiième et qui comme pour Martens fut, contre le droit des gens, mise à mal par Frédéric II et sous la Révolution et l’Empire753. Klüber, dans la lignée de Martens, les exclue du butin et les soumet à un principe de protection générale selon une formule qui se trouve être la plus large de celles que nous avons évoquées. Il affirme qu’« on respecte aujourd’hui les monuments publics, les objets littéraires et des beaux arts, le mobilier des châteaux, édifices et jardins [...] et on s’abstient généralement de les détruire et de les enlever »754.
297Une dernière et singulière question intéresse certains auteurs qui portent sur la question de la propriété du champ de bataille. Cette zone où se trouve concentrés tous les moyens armés des belligérants, autorisent bien évidemment l’un et l’autre, à user de tout moyen de guerre pendant le temps effectif des combats et toutes les atteintes à l’ennemi sont admises dont le but matériel direct est la victoire. Indirectement, le champ de bataille lui-même est un but de guerre. Il est un objectif matériel dont la possession signifie – selon une coutume générale de guerre – la défaite de l’adversaire. Mais cette possession du champ de bataille peut être discutée et par là, la victoire également. Martens, Moser et Zouche traitent de ce point avec des résultats pour le moins imprécis. Martens indique « [...] La question de savoir à qui appartient le champ de bataille est indécise »755. Zouche fait valoir quant à lui que « Gentili et Grotius, de toute façon, sont d’opinion que, bien que ceux qui conservent le champ de bataille soient présumés être les vainqueurs [...] »756. La bataille de la Moskowa – de Borodino pour les russes – en septembre 1811 est un exemple de bataille considérée comme gagnée par les deux contendants, Napoléon et Koutouzov, mais dont l’occupation du terrain à l’issue des combats a déterminé le vainqueur.
§ 11. De la licéité de l’emploi de certains moyens de guerre
298N° 284 – Les limites de principe tenant à la bonne foi, à la non perfidie et à la parole donnée – L’usage de moyens de guerre exceptionnels est autorisé selon le droit de guerre illimité. Telle est la position de la doctrine au début du xviiième siècle. Ce principe connaît cependant des exceptions qui de Grotius et ses tempéraments, à Burlamaqui et Vattel avec leurs devoirs d’humanité et de modération et le concept de but de guerre, vont peu à peu limiter ce droit absolu. Par un renversement doctrinal, le principe devient alors exception et le droit dans la guerre est considéré comme borné et limité au alentour des années 1750-1800. Il demeure comme nous l’avons évoqué que la raison de guerre et le droit de nécessité viennent alors prendre la place du jus in bello infinitum, en admettant que le droit de guerre modéré peut à nouveau souffrir d’exceptions et devenir infini dans certaines circonstances. Ce mouvement de balancier pèse de tout son poids sur la matière que nous évoquons maintenant. Les moyens de guerre extrêmes sont par principe interdits et par exception admissibles.
299Les moyens de guerre communs sont donc – sous réserve de l’emploi des moyens de guerre extrêmes – légitimes. A la guerre, les assauts, le bombardement, les embuscades, l’affrontement des troupes en lignes sont admis comme le sont évidemment les résultats de ces opérations qu’il s’agisse des morts ou des prises effectuées.
300Une spécificité apparaît néanmoins ici, qui va conditionner et encadrer l’emploi des moyens de guerre communs. La doctrine va de manière constante affirmer que les notions de bonne foi, de « non perfidie » et de parole donnée ont une pleine valeur dans le jus in bello. Ces notions ont une portée considérable sur les moyens de guerre qui supposent en eux-mêmes l’emploi de la tromperie ou pour reprendre le vocabulaire des auteurs du jus gentium, le « dolom verborum », la fraude, la tricherie, le mensonge et également, au delà de ces manœuvres purement immatérielles qui par essence tendent à provoquer l’erreur de jugement et d’action de l’adversaire au moment de l’opération de guerre, mais également sur les manœuvres matérielles que constitue l’emploi des ruses et des stratagèmes de guerre.
301Au moment donc où on tente de tromper l’ennemi, la bonne foi et la parole donnée sont les instruments du droit conventionnel qui vont servir de bornes et de limites à l’emploi du dol et à la perfidie. La loyauté contre le dol qui est aussi admis dans la guerre, vient ici réguler l’emploi légitime du mensonge et de la ruse. On se surprend et on s’étonne à l’envie de lire sous la plume de juristes de haut vol, les maîtres dans leur matière du droit international, une argumentation pro dolo, justifiant et légitimant le mensonge, la fraude, la tricherie, la tromperie. Les juristes à l’occasion savent contre le droit entendu comme finalité de justice et de bonne conduite justifier, pour le droit de la guerre, les voies obliques, le mauvais, le vice ou comme le dit Grotius l’injuste et « ce qui répugne à la nature des êtres doués de raison »757. Le droit de la guerre, droit paradoxal s’il en est, défendait la violence pour des motifs de justice. Il défend aussi la fraude, le mensonge, la ruse et le dol pour ces mêmes motifs de justice.
302N° 285 – Du mensonge de guerre et de l’emploi du « dolo verborum et actiorum » dans les conflits internationaux – D’emblée le mensonge et ses synonymes de tricherie et de fraude sont considérés comme légitimes par les auteurs du droit des gens. Ayala le clame en en appelant à saint Augustin758. Gentili se positionne de même759. Le subterfuge par parole ou action destinée à tromper l’adversaire est admis dans la guerre à la condition qu’il ne vienne pas faillir et contredire la parole donnée760. La convention tacite ou expresse s’impose à ce moyen de guerre.
303Grotius établira la solution de principe. 11 admet, nous l’avons vu, le dol sous réserve de la perfidie, considérée comme illégitime dans le droit de la guerre mais dont l’appréciation se révèle du reste fort relative. Le mensonge de guerre doit être « affirmatif ». 11 ne peut en quoi que ce soit s’apparenter à un engagement ou à une promesse contractuelle et ne peut donc engager conventionnellement celui qui l’énonce. Grotius ajoute cependant plus loin, comme pour nuancer et préciser ses déclarations de principe : « Je répèterai ici brièvement que les choses des ennemis ne sont pas enlevés aux ennemis, en vertu du droit des gens par la force seule, mais encore que les ruses exemptes de perfidie sont considérées comme permises, et même l’excitation d’autrui à la perfidie »761. Zouche à la manière de son prédécesseur hollandais, rappelle cette distinction entre mensonge par affirmation, qui est en soi légitime, et mensonge par promesse qui recèle un engagement et une obligation auxquels les belligérants sont tenus762.
304Pufendorf légitime « la voie la plus commode ». Le cogéniteur du doit naturel voit dans le dol, « la ruse et l’artifice » et même la corruption active, des moyens légitimes de guerre que rien ne peut prohiber, « Car je ne vois pas en vertu de quoi il [le belligérant] serait obligé de ne pas se servir, pour défendre ses droits, de la voie la plus commode qui se présente [...]. Pourquoi ne pourrait-on pas attaquer par le charme des pistoles, ceux contre qui on a vainement tiré des coups de canon ? »763. Textor s’appuyant sur Grotius, pense de même764. Nous sommes là en plein droit de guerre illimité, illimité quantitativement et qualitativement.
305Ainsi et à l’exception de l’existence d’un engagement exprès ou tacite, tout moyen dolosif, actif ou passif, est légitime dans la guerre. Telle est la position de la doctrine à l’aube du xviiième siècle.
306Cette tendance doctrinale ne s’arrêtera pas sur son erre. Les auteurs positivistes rangés du côté du droit de guerre illimité, maintiendront ces solutions, et l’école jusnaturaliste, mal à l’aise au regard des principes de droit adoptés par elle et qui ont fondé le droit de guerre « borné », admet presque contre son gré des positions bien comparables aux tenants de l’école historico-positiviste.
307Bynkershoek qui introduisait dans la définition même de la guerre, l’idée de fraude légitime, justifie toujours par la « raison » le dol de guerre. Il s’en tient cependant à un positionnement classique en excluant la perfidie dans l’emploi des moyens intelligents de guerre. La foi fait le contrat. On connaît la place fondamentale qu’occupe chez le président du suprême conseil de Hollande, la notion de pacte et il n’aurait pas pu sans se contredire lui-même, admettre ici la perfidie ici sans renier tous les fondements qui font son droit des gens ailleurs765.
308Wolff légitime le mensonge de guerre par l’économie des violences qu’il suppose : « Quand la ruse et les stratagèmes peuvent produire le même effet à la guerre que la force ouverte, il est incontestable qu’on peut les employer et même qu’on le doit, puisque les dommages qu’ils en résultent, sont moins considérables. Mais il ne faut pas mettre au rang des stratagèmes, les manquements de parole, violation de promesse et tout ce qui tient à la perfidie et à la trahison »766.
309Burlamaqui comme de Real ne s’étendront pas spécialement sur la question de principe posée par le dol, et il appartiendra à Vattel, dans la lignée de Grotius, de réactualiser et reformuler la solution de droit international. Il sera cependant le dernier, mettant ainsi un terme au travail classique, à traiter théoriquement de cette question. Après lui et dès Vicat, ni Martens, ni de Rayneval, ni Schmaltz, ni Klüber n’aborderont sous cette angle éthique et juridique la question du dolum verborum.
310Vattel s’exprime longuement sur ce sujet et l’on sent chez lui la volonté de clarifier et d’ordonner une matière contradictoire avec l’idée même de droit. C’est la « foi », la « promesse », le « respect du à la vérité » et même « les lois de l’humanité » qui forment « la vraie route » et qui sont appelés à fonder les conditions de la légitimité du mensonge de guerre.
311Vattel en vient à distinguer un peu trop subtilement peut être, un peu trop abstraitement aussi, le « mensonge » stricto sensu, non admis en soi, et le « falsiloquium » admis et justifié de manière générale : « La foi ne consiste pas seulement à tenir ses promesses, mais encore à ne point tromper dans les occasions où l’on se trouve obligé de quelque manière que ce soit à dire la vérité » ; « Mais en fondant ainsi le respect qui est du à la vérité sur ses effets, on est entré dans la vraie route, et dès lors il a été facile de distinguer entre les occasions où l’on est obligé de dire la vérité ou de manifester sa pensée, et celles où on y est point tenu. On n’appelle mensonges que les discours qu’un homme tient contre sa pensée, dans les occasions où il est obligé de dire la vérité, et on réserve un autre nom, en latin falsiloquium, pour les discours faux, tenus à gens qui dans le cas particulier, n’ont aucun droit d’exiger qu’on leur disent la vérité ». Ainsi et pour achever son propos, Vattel déclare qu’à l’égard d’un ennemi, « toutes les fois qu’on s’est engagé, expressément ou tacitement, à lui parler vrai, on y est indispensablement obligé par sa foi, dont nous venons de dire l’inviolabilité. Tel est le cas des conventions, des traités : l’engagement d’y parler vrai est de toute nécessité. [...] On doit encore dire la vérité à l’ennemi dans toutes les occasions où l’on s’y trouve naturellement obligé par les lois de l’humanité ; c’est à dire lorsque le succès de nos armes et de nos devoirs envers nous-mêmes ne sont point en conflit avec les devoirs communs de l’humanité ».767 Vattel s’écarte de manière sensible de la position classique qui en deux points – prohibition de la perfidie ; admission générale du mensonge affirmatif et non obligatif –, légitimait le mensonge. C’est bien plus en considération de l’obligation éthique de « dire la vérité et de manifester sa pensée », que le mensonge peut ou ne pas être admis. Dès lors, le dolum verborum est bien d’avantage considéré par principe comme non légitime, d’autant que le « falsiloquium » se révèle en pratique difficile d’appréciation. Vattel rompt ici une tradition en en appelant aux devoirs internes, à la morale et à la conscience des belligérants.
312Vicat dans la lignée grotienne est partisan d’un droit de guerre illimité. Il n’évoque pas expressément le mensonge mais accorde toute faculté aux nations en guerre d’user en puissance matérielle ou en ruse de toutes les possibilités qu’ils leur sont offertes, sous réserve de conventions et d’obligations existantes768.
313De Real bien plus brièvement que Vattel traitera encore, une dernière fois de cette question des artifices de guerre d’une manière classique et sans innovation particulière769.
314Avec Vattel s’achève donc la pensée doctrinale et théorique du mensonge de guerre. Par la suite les moyens de guerre extraordinaires seront certes traités, mais seulement au cas par cas, à l’exclusion de toute analyse d’ensemble. La doctrine n’aura comme seule prétention que d’avancer la solution de droit correspondante à certaines catégories de situation de fait précises, qu’elle soit prohibitive ou permissive. Il est difficile de les citer toutes. Mais la doctrine des Lumières s’attachera à évoquer particulièrment certaines d’entre elles. La ruse, l’espionnage, la corruption, l’incitation à la trahison, le « stratagème » à la façon du cheval de Troie, la déstabilisation politique et la fomentation de révoltes, les pièges ou tromperies, l’empoisonnement, le recours à l’assassinat, la mise à prix de l’ennemi, l’incendie, la dévastation à grande échelle, le ravage, le bombardement, le dégât, l’emploi de certaines catégories d’armement, constitueront sous des vocables divers, ces moyens de guerre de nature particulière que la doctrine tiendra de manière spéciale à évoquer et juridiquement circonscrire.
A/ Des moyens de guerre par dissimulation
315N° 286 – De la ruse et des stratagèmes – Le stratège est celui qui par la maîtrise de l’art de la guerre, est le spécialiste de l’arte fac bellicum, de l’artifice de guerre. A ce titre, il est désigné comme chef de guerre. La ruse, la tromperie sont consubstantielles à l’acte de guerre770. Elles sont par son économie de moyen le premier et le préférable instrument du général en chef. Sa ressemblance avec l’art politique est indéniable et à de nombreux points de vue, l’un comme l’autre procèdent du même ressort, la dissimulation, et tendent aux mêmes fins, la victoire et le pouvoir gagné sur l’adversaire. La ruse de guerre est en soi, comme le « mensonge non perfide », c’est à dire contraire à la foi donnée formellement, légitime.
316Vattel après Wolff, l’admet classiquement : « Mais lorsqu’en faisant tomber l’ennemi dans l’erreur par un discours dans lequel on est point engagé à dire la vérité, soit par quelque démarche simulée, on peut se procurer un avantage dans la guerre, lequel il serait permis de chercher à force ouverte, il n’y a nul doute que cette voie est permise. ». Vattel précise que « Les tromperies faites à l’ennemi sans perfidie, soit par des paroles, soit par des actions, les pièges qu’on lui tend en usant du droit de la guerre, sont des stratagèmes dont l’usage a toujours été reconnu pour légitime et a fait souvent la gloire des grands capitaines »771.
317Martens affirme que « Ni la loi naturelle, ni l’usage ne défendent, dans la généralité, l’emploi de stratagèmes pour tromper l’ennemi, en tant que ces ruses servent le but de guerre, et que l’on a promis de le traiter de bonne foi ». Il établit cependant un lien entre stratagèmes et autres moyens exceptionnels de guerre qu’il condamne sans précisément indiquer lesquels. « Cependant l’usage proscrit en outre quelques genres de stratagèmes, soit dans les guerres continentales, soit dans les guerres maritimes »772.
318De Rayneval s’en tient à une stricte position d’orthodoxie doctrinale en déclarant que « les ruses, les stratagèmes, les surprises sont inhérentes au métier de la guerre [...]. Il est certainement plus avantageux à, l’humanité qu’un général ait des succès par la ruse qu’en tuant beaucoup de monde en agissant à force ouverte »773.
319Schmaltz ne traitera pas spécifiquement de la ruse, tandis que Klüber évoque sur le même plan espionnage et ruse en faisant valoir que « pour atteindre le but de guerre, on emploie aussi outre la force ouverte, les armées et les ressources matérielles, les ruses de guerre et les espions. Il est loisible d’introduire l’ennemi en erreur par des ruses de guerre (stratagemata, heuremata bellica), pourvu qu’on ne lui ait pas promis expressément la bonne foi, ou que la loi de guerre ne l’exige pas dans un tel cas »774.
320On remarquera ici l’entière identité de positionnement entre les auteurs jus naturalistes et ceux relevant de l’école positiviste.
321N° 287 – Du recours à l’espionnage et à l’intelligence double – La recherche dissimulée d’informations et le recours à l’espionnage sont un classique non seulement de la politique et de la diplomatie, mais également des opérations de guerre. De la même façon que les secrets d’État ne doivent point faire de mystère si l’on souhaite anticiper et connaître l’intention d’une puissance amie, neutre ou potentiellement adversaire, les manœuvres des armées en campagne doivent tout autant être connues pour pouvoir stratégiquement et tactiquement développer ses propres plans de campagnes. L’espion vient ici en soutien à la stratégie de guerre par les informations préalables qu’il permet d’obtenir sur l’état des forces, les positions et les mouvements de l’adversaire armé775.
322A proportion de la distance qui sépare les ennemis – distance politique et diplomatique, distance des troupes en marche, distance des troupes prêtes à s’affronter – on emploie, soit les espions de cour à la manière d’un chevalier d’Eon, qui sont « les oreilles et yeux de ceux qui gouvernent », soit l’espion « d’armée », soit enfin les troupes d’éclaireurs et de reconnaissance pour déterminer les positions exactes et les mouvements des corps ennemis. Seuls les espions d’armées nous intéressent ici776.
323L’espionnage de guerre est admis généralement par le droit de la guerre777. Souvent étudié en même temps que l’emploi de l’assassinat, Wolff définit l’espionnage, le légitime en rappelant cependant l’extrême sévérité avec laquelle le droit public militaire interne condamne et punit cette méthode, très généralement par la peine de mort. Il déclare : « On appelle espions ceux qui s’introduisent furtivement dans un lieu ennemi pour examiner l’état des forces et ce qui s’y passe. De semblables découvertes étant très utiles pour le succès de la guerre, il est permis d’avoir des espions. Mais comme les mêmes découvertes tournent au désavantage de ceux chez qui elle se font, ils ont le droit en supposant toujours une guerre juste, de punir les espions »778.
324Burlamaqui ne traitera pas de cette question. Moser779 et Vattel s’y penchent en revanche. Ce dernier évoquera le premier l’intelligence double qui comme l’espionnage simple est considéré du point de vue du droit des gens, comme légitime780. De Real l’aborde en évoquant le droit de corrompre l’ennemi781. Vicat favorable à un droit de guerre illimité se range derrière la légitimité d’une telle méthode782, tout comme Martens, de Rayneval, Schmaltz et Klüber.
325A mesure que la doctrine avance, les définitions introduisent des précisions supplémentaires portant sur le contenu de la mission d’espionnage, tout en rappelant le principe de légitimité et l’exemplarité des peines nationales applicables à son endroit783.
326N° 288 – De la séduction, de la trahison et de la corruption – Parmi la gamme des moyens artificieux de guerre, il convient de distinguer l’instrument du but recherché784. L’espionnage consistant en soi à acquérir par dissimulation et à l’insu de l’ennemi, des informations le concernant, peut avoir des buts multiples. L’espion ou l’agent d’intelligence peut en venir, après avoir recueilli des informations confidentielles, à corrompre un chef ennemi ou un responsable militaire d’importance pour l’induire à la trahison contre rémunération ou par défection. Philippe de Macédoine faisait valoir que « Nulle ville est imprenable lorsqu’on peut y faire rentrer un mulet chargé d’or ». L’espionnage étant légitime, le but secondaire visant à la tentative de corruption ou à la trahison n’est pas spontanément considéré comme légitime et fera l’objet de profondes divergences doctrinales.
327Cette question est abordée primitivement par Grotius et Textor785 qui tous deux, avec nuances, considèrent comme « non permis » le fait pour un État, non pas d’accepter un acte de trahison d’un ennemi, mais de pousser un de ses sujets à approcher un ennemi pour qu’il le fasse.
328Les internationalistes ne traitent pas par la suite systématiquement cette question, et il faut attendre au xviiième siècle, Burlamaqui et Vattel pour qu’elle soit de nouveau examinée.
329Burlamaqui a une position difficilement décryptable sur ce sujet. Il semble demeurer fidèle à la tradition grotienne et considère dans un premier temps « avec Grotius, qu’on ne peut jamais en conscience séduire ou solliciter à la trahison les sujets de l’ennemi puisque c’est les porter positivement et directement à commettre une crime abominable [...] »786. On notera que Burlamaqui par recours à la notion de « crime abominable », ne déclare pas explicitement y voir une atteinte au droit des gens, mais bien plus un acte relevant soit de la conscience, soit du droit public interne. De plus certains de ses développements laissent clairement entendre que le recours à la trahison n’est ni inadmissible en soi, ni illégitime en soi. Il admet en effet que « pour la première question [sur l’usage de traîtres] on ne fait aucun tort à l’ennemi, soit qu’on profite de l’occasion d’un traître qui vient s’offrir de lui-même, soit qu’on la recherche soit même et qu’on se la procure »787. Burlamaqui semble marquer le point de transition doctrinal entre Grotius et Vattel.
330Vattel poursuit le travail dans cette voie de l’admission généralisée de la trahison qu’elle soit active ou passive. A contre courant de la position classique énoncée par Grotius, il estime conforme au droit des gens, à la fois la corruption et l’incitation à la trahison. Certes, et comme pour relativiser son propos, il affirme qu’il convient toujours par principe de refuser les services d’un traître. Mais Vattel indique très explicitement que « la séduction d’un sujet pour servir d’espion, celle d’un commandant pour livrer sa place, n’attaquent point les fondements du salut commun des hommes, de leur sûreté. [...] Ces moyens ne sont donc pas contraires au droit des gens externe dans la guerre ; et l’ennemi n’est point fondé de s’en plaindre comme d’un attentat odieux ». Vattel ajoute assez spécieusement : « [...] Quand on se sent en état de réussir sans les secours des traîtres, il est beau de témoigner en rejetant leurs offres, toute l’horreur qu’ils inspirent. [...] Mais lorsque il y a division chez l’ennemi, on peut sans scrupule entretenir des intelligences avec l’un des partis et profiter du droit qu’il croit de nuire au parti oppose »788.
331De Real confirme explicitement cette réorientation de la doctrine accomplie par Vattel et fait valoir en abordant longuement ce sujet et en évoquant au passage la « révolte », que : « Je me borne donc à supposer, car cela est incontestable, qu’un souverain peut bien prendre toutes les mesures nécessaires pour être informé de ce qui se passe à son égard dans une cour étrangère, quoiqu’ami ; [...] ». Et il ajoute : « Si l’on a droit d’ôter à l’ennemi tout ce qui peut être de quelque secours, si l’on peut lui causer du dommage, pourquoi ne serait il permis de lui en faire en corrompant ses sujets ? [...] Les traîtres commettent une action criminelle, cela est vrai ; mais le crime ne rejaillit point sur le prince qui les a sollicités à la trahison. Un souverain ne fait en cela qu’employer à la défense de ses doits, la voie la plus commode [...] »789.
332Martens confirme encore la légitimité de la recherche de trahison parmi les troupes ennemies en indiquant : « [...] On ne peut condamner en temps de guerre comme moyen illégitime, la corruption pour séduire les officiers ou autre sujets ennemis et les engager soit à révéler un secret, soit à rendre une place, [...] »790.
333Si Schmaltz reste silencieux sur le sujet, Klüber rompt à nouveau avec les solutions posées par le trio Vattel, de Real, Martens, et considère que ces moyens de guerre sont en soi illégitimes et contraires aux « lois de la guerre ». « La loi de guerre défend expressément : [...]. Enfin de corrompre les généraux et les fonctionnaires de l’état, et d’engager les sujets ennemis à la trahison, [...] »791.
334Nous assistons ici in fine, à une véritable dispute doctrinale. Le clivage entre jusnaturalistes et positivistes n’établit pas les lignes de partage entre les différences de solutions de droit international. Martens s’oppose à Klüber au moment où Vattel se range du côté du père du positivisme allemand. Nous dirons pour terminer ici, que l’argument d’économie et de commodité avancé par certains de nos auteurs en matière d’incitation à la trahison ou à la corruption, doit être rapproché de celui de nécessité qui est comme nous l’avons vu, un véritable droit de la guerre à caractère exceptionnel. Economie, commodité et nécessité forment une sorte de trigone conceptuel, permettant dans des situations de fait particulières de s’affranchir des règles prohibitives du jus in bello. L’utile au sens large s’impose une fois encore à l’éthique.
335N° 289 – Les menées de déstabilisation politique – Il y a une sorte de symétrie factuelle entre l’incitation à la trahison et les menées de déstabilisation politique. La première est une opération de guerre ou diplomatique visant à retourner un ou quelques individus, la seconde tend à influer sur une catégorie de population ou de l’opinion publique pour faire en sorte qu’une part aussi importante que possible de citoyens se soulève contre leur gouvernement. L’incitation à la « révolte », dont l’objectif est la fragilisation de l’ennemi par la recherche d’instauration d’un état latent de guerre civile, est appréhendée par la doctrine comme une sorte de « trahison collective ».
336Il faut ici indiquer qu’au sens strict l’incitation à la révolte, n’est complètement distinguée qu’avec de Real. Chez Burlamaqui et Vattel, ce moyen de guerre n’est pas étudié suo generis et n’est envisagé indirectement qu’au moment où ces auteurs traitent de la trahison, de la corruption et de l’assassinat.
337De Real ne condamne pas de manière absolue l’appel à la révolte organisé et fomenté par l’ennemi extérieur. Il distingue son emploi en temps de paix et en temps de guerre. Pour le sénéchal de Forcalquier, une cour étrangère « ne peut sans critique soulever les sujets de cet État avec lequel il vit en paix et cela établi, je vais prouver qu’il peut exciter à la révolte les sujets d’un ennemi »792. A contrario, l’état de guerre déclaré autorise de telles menées. Au surplus comme nous l’avons vu de Real admet la corruption et l’admet même à une échelle suffisamment importante au point qu’elle ne constitue ni plus ni moins qu’une révolte. Pour de Real, « la maxime qu’il n’est point permis d’exciter à une action injuste, bonne parmi les princes qui vivent en paix, porte à faux contre un ennemi, qui par cela seul qu’il est ennemi, doit chercher à nuire793 ».
338Pour Martens, la corruption est le pendant de l’incitation à la révolte. Corruption, séduction et fomentation de révoltes sont juridiquement synonymes et considérées comme légitimes794. Martens tempère sa position en excluant assez artificieusement l’incitation à la révolte par la « promesse de secours » qui fait directement allusion à l’attitude de la France lors de la Révolution française et au décret de la convention nationale du 19 novembre 1792795
339Klüber comme en matière de trahison et de corruption, considère comme illicite du point de vue du droit international, une nation qui par corruption, menées occultes, par la voie d’espions et d’agents de propagande, tenterait de déstabiliser une nation étrangère fût elle ennemie796.
340Schmaltz se positionne de même. Sa formule est à la fois plus précise et juridique. Il est le premier à recourir à la notion de « renversement de la constitution », mais sa position est tempérée cependant par un certain nombre d’exceptions qui font directement allusion au Ier empire français : « Au nombre des moyens de nuire à son adversaire que le droit des gens proscrit, il faut encore compter toute tentative ayant pour but de renverser la constitution de l’Etat, ou d’exciter les sujets à la révolte à moins que la guerre ne soit précisément entreprise pour anéantir l’ordre des choses que des rebelles ou un usurpateur auraient illégitimement établi, ou pour délivrer une nation de leur joug »797.
341La doctrine s’oppose donc sur cette question de l’emploi de moyens qui indirectement tentent d’affaiblir l’ennemi. L’obtention d’informations par espionnage est généralement admise, tandis que Vattel et Martens d’un côté, Schmaltz et Klüber de l’autre, s’opposent sur le recours en temps de guerre à l’incitation à la trahison, à la déstabilisation politique et sociale artificiellement organisée798.
B/ Des moyens et instruments de guerre par action et à force « ouverte »
342N° 290 – Des prohibitions concernant l’usage de certains matériels militaires – Ces interdictions sont anciennes et remontent pour les premières comme nous l’avons mentionné dans notre première partie, au Moyen Âge799. Mais il faut ici faire remarquer que l’intervention publique, royale ou pontificale, ne visait que certaines armes contemporaines spécifiquement désignées, tels les arcs ou arbalètes, et non pas une catégorie générale de moyens de guerre présentant en soi des caractéristiques homicides identiques.
343C’est la doctrine du droit international qui définit et établit la famille des types d’armes qui par leur nature exceptionnellement létales, doivent être interdites selon le droit de la guerre. A l’origine, la doctrine ne vise que les armes de jets enduites de poison et il faudra attendre le xviiième pour qu’à cette catégorie d’armes particulières et prohibées, s’ajoutent de nouveaux types de matériels. Ce travail débouchera au xixème, sur la célèbre déclaration de saint Petersbourg de 1868, prise à l’initiative du cabinet Impérial de Russie et portant interdiction de l’usage de certaines armes qui « aggraveraient inutilement les souffrances des hommes mis hors de combat ou rendraient leur mort inévitable ». Cette déclaration est le texte fondateur de tout le droit positif moderne portant une interdiction générale d’emploi de certaines armes et instruments de guerre800.
344Gentili doit être considéré comme le précurseur de ce travail de recherche d’une définition générique des armes et instruments de guerre anormalement mortels. Sa notion d’« armis et mentitis armis » traitant des armes empoisonnées et « contrefaites » est le point de départ de la théorisation des armes et instruments illicites de guerre801. Grotius poursuivra cette œuvre portant encore exclusivement sur les armes classiques que l’on traite avec du poison802. A sa suite, seul Rachel traitera des « jets empoisonnés »803.
345Wolff s’approprie les positions de Gentili et Grotius, tout en admettant de manière assez surprenante leur légitimité. 11 est le premier à employer le terme de « balles » empoisonnées et non plus de « jets » ou de « dards » : « Cependant les balles ou les flèches empoisonnées peuvent être mises au nombre des moyens permis pour forcer l’ennemi à céder à nos attaques [...] »804. Burlamaqui use des mêmes termes de « dards », de « flèches » et de « balles » empoisonnées dont l’emploi est sanctionné805. A la différence de Wolff, cette solution assimile totalement le régime juridique du poison et celui des armes empoisonnées. Le premier étant prohibé, les secondes le sont automatiquement. Vattel se demande très directement « si l’on peut se servir d’armes empoisonnées ? » et répond négativement selon le droit des gens et le droit naturel. Vattel suit donc ici Burlamaqui, contre Wolff et Vicat806. De Real avec quelques nuances de modernité et d’humanisme, suivra Vattel dans cette voie : « empoisonner [..] les armes, ce serait une barbarie à la vengeance de laquelle tout le genre humain serait intéressé », et évoquant l’empoisonnement, « on comprend qu’il n’ y aurait pas moins de barbarie à faire empoisonner les armes » 807. De Rayneval qui ne traite que du poison et non des armes empoisonnées, n’ a pas perçu les orientations doctrinales en cours qu’avant lui, annoncent clairement Martens et que confirmeront Schmaltz et Klüber.
346Ces trois auteurs vont littéralement donner une dimension nouvelle et moderne à ces interdits en l’adaptant aux moyens technologiques de l’époque. Wolff, Burlamaqui, Vattel – de Real est le premier à évoquer certains moyens d’artillerie – ne traitent que de dards et de flèches empoisonnées à l’heure des armées modernes qui emploient canons et fusils à baïonnette. Ce retard entre les données techniques et la prise en compte juridique des moyens technologiques militaires contemporains sera l’œuvre des trois allemands.
347Martens voit une origine conventionnelle à ces prohibitions et déclare : « L’usage et plusieurs traités condamnent même quelques genres d’armes et violences ouvertes qui augmenteraient sans nécessité le nombre des souffrants ». La formulation ouverte est très proche de la déclaration de saint Petersbourg. Malheureusement Martens ne cite aucun traité. Il ajoute cependant en note pour préciser ses vues : « Sont cependant « permises » les cartouches, les « balles mal arrondies » mais non pas la « mitraille » qui consiste en chargement d’armes avec des morceaux de fer, de verre et de clous. Interdiction également des balles « figurées », de charger le fusil avec deux balles. Pour les combats navals est interdit mais seulement par convention, les boulets à bras, les boulets à chaînes, les cercles poissés. La question des boulets rouges est en suspend et ne se règle généralement que « de vaisseau à vaisseau »808.
348Schmaltz développe ce point à la manière de Martens. Comme son prédécesseur, il pose à la fois une règle de portée générale définissant l’instrument de guerre prohibé et dresse parallèlement une liste de ces armes. Il déclare : « La coutume générale et souvent aussi des conventions entre les puissances ennemies ont interdit l’usage de certaines armes qui sans rendre la victoire ou plus prompte ou plus certaine, ne feraient qu’augmenter les malheurs de la guerre [...] ». Il indique alors que sont prohibés à la place des « balles » et « boulets » dont l’usage est légitime, « des morceaux de fer » qui constitue techniquement la mitraille, ou les « pierres angulaires », « clous », les « verres » utilisés également à la place des balles et boulets. Pour Schmaltz est en revanche admis et « non illicite » l’emploi de « balles ramées » et les « boulets rouges »809.
349Klüber sans évoquer l’origine conventionnelle de certains de ces interdits, ne pose pas de définition générale des instruments de guerre prohibés qui comme le dit Martens, « augmenteraient sans nécessité le nombre des souffrants », ou selon Schmaltz les « malheurs de la guerre ». Sa formule reprend l’interdit classique des armes empoisonnées et de manière plus affirmative, précise : « La loi de guerre défend expressément [...] de faire usage d’armes envenimées, de boulets à chaîne ou à bras, de charger le canon avec des morceaux de fer ou de verre et avec des clous (mitraille proprement dite) [...] ». Nous indiquerons ici que les annotations portées par le baron Ott à l’édition de 1861 mentionnent un traité de 1675 portant sur le « non usage des armes envenimées ». Klüber ajoute enfin : « L’usage de la mitraille dans l’acception générale et même en cas de nécessité, de morceaux de plomb non entièrement ronds, ne passe point pour injuste. Il est encore défendu de faire charger les fusils à deux balles, à deux moitiés de balles ou avec des balles crénelées ou fondues avec des morceaux de verre ou de chaux […] »810.
350Nous conclurons ici en trois points :
3511er constat. Avec Martens, Schmaltz et Klüber, se confirme le principe de prohibition de certaines armes et instruments de guerre. Il semble qu’historiquement le travail doctrinal ait précédé l’interdit par convention internationale.
3522ème constat. La portée et le contenu de ces interdits ne cessent de s’affiner et de s’étendre au xviiième siècle et essentiellement dans les années 1780-1820.
3533ème constat. Les règles spéciales posées sont extrêmement variables. Les armes empoisonnées sont illicites, comme le sont l’emploi de morceaux de fer et de verre comme projectiles ou le fait de tirer à balles figurées – les balles ramées sont licites pour Schmaltz – crénelées ou encore à deux balles ; La mitraille est d’une manière générale prohibée sauf cas de nécessité ; L’usage de boulets à bras et à chaînes est disputé. Klüber l’interdit alors que Martens admet leur usage dans la guerre maritime par convention, comme du reste les cercles poissés qu’il est le seul à évoquer ; L’usage du boulet rouge est également indéterminé, mais est admis de « navire à navire » dans la guerre maritime811.
354La plus grande confusion règne, saufs rares exceptions, sur la matière. Le pas ici franchi par la doctrine est celui qu’accomplit Martens qui définit l’arme de guerre prohibée comme étant celle qui augmentent sans nécessité le nombre des souffrants. C’est le facteur quantitatif qui fixe la prohibition, non la qualité des victimes, civiles ou militaires, ni même le caractère exceptionnel des souffrances infligées. Nous ferons remarquer à quel point la formule de Martens est proche de celle la Déclaration de Saint Petersbourg.
355N° 291 – De l’empoisonnement et de l’usage de moyens endémiques ou bactériologiques – Les armes empoisonnées sont comme nous l’avons observé la première des catégories d’armes historiquement considérée comme illicite. Cette illicéité découle directement de la prohibition de l’emploi du poison dans la guerre.
356Dès ce point, nous devons distinguer entre l’usage discriminant du poison – considéré comme substance mortelle, naturelle ou non, administrée par la main de l’homme – qui n’est rien d’autre que l’homicide par empoisonnement d’une personne spécialement visée, et l’usage non discriminant du poison. Ce dernier tuant aussi bien et indistinctement civils et militaires est celui que nous traiterons ici. Le premier relevant plutôt de l’assassinat, est traité majoritairement par la doctrine dans ce cadre.
357L’interdiction de recourir au poison contre l’ennemi entendu au sens large est un des plus vieux interdit de guerre. 11 est le classique de cette matière. Gentili, Grotius, Zouche, Rachel, Textor l’évoquent en posant un principe d’exclusion de l’emploi du poison en droit international de la guerre812.
358Il est selon le droit des gens classique interdit d’empoisonner les fontaines et les rivières et plus largement de recourir à l’emploi du poison contre l’ennemi.
359Pour Grotius qui s’inscrit donc ici dans la lignée de Gentili813 et de Balde, cet interdit d’user d’instruments de guerre non discriminant – c’est à dire quand il concerne la pollution et la contamination volontaire des fontaines et des rivières – s’applique qu’il s’agisse de l’emploi de poison au sens strict, mais aussi l’autres matières, telles les « cadavres », la « chaux » ou l’« amiante », rendant mortelle la consommation de l’eau potable.
360Wolff interdit l’empoisonnement des fontaines par déversement de substances toxiques par nature mais non par destination814. Burlamaqui s’inscrit plus nettement dans la tradition grotienne et exclue tout type de recours au poison815. Vattel s’en tient également à cette solution en exposant ses vues sur le poison-assassinat discriminant et le poison-moyen de guerre non discriminant dont il est au demeurant le premier à cerner la notion. Vattel indique sur ce point en effet que cet interdit est posé comme une règle eu égard au fait « que par là on peut donner la mort à d’autres qu’aux ennemis »816 . Pour de Real, cet usage constitue une « barbarie »817 . Vicat, le champion avec Bynkershoek du droit de guerre illimité, refuse lui-même d’y voir un usage admis818.
361La question sera moins amplement évoquée par la suite. Martens, de Rayneval et Schmaltz la traiteront à la fois sous l’angle du moyen de guerre discriminant et non discriminant819.
362Klüber modernise encore une fois le sujet qu’il aborde en précisant le contenu de la notion de poison par destination. Il est le premier à ouvrir le domaine d’application de cette règle prohibitive du droit de la guerre aux agents infectieux et endémiques. Il va en ce sens plus loin que Grotius qui n’évoquait que les « cadavres », l’« amiante » et la « chaux ». Klüber déclare dans sa longue série d’interdits de guerre que « la loi de guerre défend expressément [...] « d’empoisonner les puits et les fontaines, les provisions de bouches destinées au souverain ennemi, à ses officiers et autres gens de guerre, d’envoyer à l’armée ennemie des hommes attaqués de la peste ou de quelques autres maladies contagieuses, des bêtes également malades, ou des choses infectées de la maladie, [...] »820 .
363Poison par nature ou par destination, arme discriminante et non discriminante, agents naturels, bactériologiques et chimiques, la doctrine du xviiième fait ici preuve d’un haut degré de performance juridique que la doctrine ultérieure et le droit positif ne feront qu’entériner821. Cette prohibition, une des premières qui historiquement fut admise, est également une des premières prise en compte par le droit positif international. Nous signalerons que dès le xviième siècle, une littérature juridique voit le jour sur cette question. Coccejus, Van Beust et Trinkhusius en sont les spécialistes signalés par Martens et Klüber.
364N° 292 – De l’assassinat et de la mise à prix du chef ennemi – L’assassinat est par nature et par excellence, le moyen de guerre discriminant. A la guerre, on tue sans considération de la personne, tous ceux qui opposent la force à la force. Par l’assassinat, on tue intuitu personnae en ciblant et visant une personne déterminée en considération de son rang, de sa qualité et d’une manière générale du désordre et de l’avantage qu’un ennemi peut en tirer sur son adversaire. Le poison n’est qu’un mode opératoire particulier de l’assassinat et c’est d’abord par lui que survient l’idée d’assassinat de guerre.
365Gentili traite du « de veneciis » et de l’assassinat de manière distincte822. Grotius fait preuve d’une plus grande modernité de pensée en traitant conjointement l’homicide par poison et l’assassinat entendu quelque soit le mode opératoire. Maître du contre-pied juridique, Grotius pose et dépose le droit de tuer et d’assassiner par le poison. Sa formulation est si souple qu’il est difficile de conclure parfaitement sur le point de savoir si un tel usage est admis ou finalement non admis par le droit naturel d’une part et par le droit des gens d’autre part. Jouant de cette opposition entre droit naturel et droit des gens, il fait successivement valoir : « Mais comme le droit des gens permet dans le sens que nous l’avons expliqué beaucoup de choses qui sont défendues par le droit de nature, de même, il défend certaines choses permises par le droit de nature. Car celui qu’il est permis de tuer, il n’importe pas que vous lui donniez la mort avec le glaive ou le poison, si vous considérez le droit de nature ». Grotius ajoute alors ici : « Cependant le droit des gens reçu depuis longtemps, sinon par tous les peuples, du moins par les plus civilisés, est qu’il ne soit pas permis de tuer un ennemi par le poison : cet accord unanime est né de la considération de l’utilité commune, pour empêcher que les périls qui commençaient d’être fréquents dans les guerres, ne s’étendissent trop »823 . Grotius semble vouloir distinguer l’assassinat et l’empoisonnement. Seul ce dernier se trouve être jugé non conforme au droit des gens. Grotius réserve à ce point sa position quant à l’assassinat. Il y revient alors plus longuement en distinguant l’assassin lié par un engagement avec sa victime – qui serait un soldat-traître – et celui qui en serait délier – le sicaire envoyé par l’ennemi824. C’est là une solution directement inspirée de Gentili. On peut ici conclure que malgré ses affirmations et contre affirmations successives, Grotius considère comme conforme au droit des gens le recours à l’assassinat, même s’il convient qu’il doit être exclusivement et légitimement employé que dans une guerre solennelle.
366Zouche traite encore distinctement assassinat et usage particulier du poison825 . Pufendorf l’évoque aussi sous une forme largement inspirée de Grotius826 .
367Avec Wolff, l’assassinat est considéré en soi et distinctement de tout moyen de guerre particulier tel l’empoisonnement. Il admet comme Grotius l’assassinat de guerre. « Un assassin est un homme que l’ on paye pour tuer quelque ennemi par surprises. Les ruses étant permises à la guerre, il n’est pas naturellement illicites de se servir d’assassins et l’ on ne déroge par là à aucun engagement positif. Mais ces assassins étant découverts par celui qui fait une guerre juste, peuvent être punis »827.
368Burlamaqui, également influencé par le travail théorique de Grotius et de Pufendorf, condamne moralement et admet juridiquement. L’assassinat est par principe autorisé selon le droit de la guerre, avec quelques nuances cependant. Le recours à un traître pour procéder à un assassinat est légitime en cas d’absence d’incitation au crime et si l’auteur n’est pas un sujet ou de même nationalité – si donc il n’a pas commis un acte de trahison – que la victime828.
369Vattel est celui qui va infléchir définitivement ces positions doctrinales et faire tomber l’assassinat dans la catégorie des usages de guerre prohibés. En ce sens, il rompt la chaîne de la pensée grotienne en ne faisant plus de l’assassinat l’un des grands classiques des moyens de guerre et de tuer. Il s’interroge et se demande « s’il est permis de faire assassiner ou empoisonner un ennemi » et affirme : « Mais pour traiter solidement de cette question, il faut d’abord ne point confondre l’assassinat avec les surprises très permises durant la guerre. Qu’un soldat déterminé se glisse pendant la nuit dans un camp ennemi, qu’il pénètre jusqu’à la tente du général et le poignarde, il n’y là rien de contraire aux lois naturelles de la guerre, rien même que de louable, dans une guerre juste et nécessaire ». Hors ce cas exceptionnel qui est celui de Scaevola – qui est à considérer comme une stricte opération de nature militaire, décidée et appliquée sur le champ de bataille lui-même, l’assassinat est pour Vattel un « meurtre » : « Aujourd’hui les entreprises de cette nature ne sont point du goût de nos généreux guerriers, ils ne les tenteraient que dans des occasions rares, où elles deviendraient nécessaires au salut de la patrie. » Et il conclue en indiquant : « J’appelle donc assassinat, un meurtre commis par trahison, soit qu’on y emploie des traîtres, sujets de celui qu’on fait assassiner, ou de son souverain, soit qu’il s’exécute par la main de tout autre émissaire, qui se sera introduit comme suppliant ou réfugié, ou comme transfuge ou enfin comme étranger ; et je dis que pareil attentat est une action infâme et exécrable, dans celui qui l’exécute et dans celui qui la commande »829. On remarquera que la condamnation est toute morale, malgré la qualification de « meurtre » et qu’à aucun moment le professeur de Genève n’évoque le droit des gens.
370De Real fait franchir une étape de plus au droit des gens. Non seulement, il condamne le recours à l’assassinat, qu’il lie encore à l’empoisonnement, mais développe une notion nouvelle, celle de « la mise à prix de la tête du chef ennemi » qu’il prohibe bien évidemment. « Donner ou faire donner un breuvage mortel à son ennemi, attenter à sa vie, autrement que dans les règles de la guerre, lui nuire par quelques voies honteuses, ce sont des lâchetés que le droit des gens abhorre [...] »830.
371Puis de manière inattendue, de Real ajoute que les lois de la guerre imposent de « ne pas mettre la tête d’un ennemi à prix »831. Pour de Real, cette mesure relève de l’ordre public interne, elle est la formalisation d’une opération de police qui ne peut être menée contre une autorité souveraine et indépendante. De Real s’exprime sur ce point à contrario : « 11 n’est question ni de remplir des formalités, à l’égard d’un traître, d’un révolté, d’un chef de mutin, ni de lui déclarer la guerre, ni de le vaincre comme un juste ennemi, il ne s’agit que de le punir [celui dont on met la tête à prix] comme un sujet et le punir par la voie que le souverain ou l’Etat a marquée ». Il ajoute « quiconque tue le proscrit ne fait que prêter sa main à l’autorité des lois et à la vengeance publique »832.
372Vicat à son tour reprendra cette idée833. Et Martens confirmera cette double interdiction de l’assassinat et de la mise à prix du chef ennemi, sous réserve cependant du cas de représailles834. De Rayneval835 s’y tiendra d’une manière classique, sans évoquer l’exception de représailles. Schmaltz836 se situe dans lignée de Martens tandis que Klüber837 reprendra plutôt la position de de Real, sûrement empruntée à Moser, excluant le cas exceptionnel d’admission tiré du droit de représailles.
373L’assassinat et le recours au poison contre une personne désignée, chef de guerre sont donc prohibés par le droit de la guerre et il se confirme ici l’émergence d’un statut dérogatoire accordé au chef de guerre et au souverain que confirmera par ailleurs les usages prévalant en matière de bombardement.
374N° 293 – Du ravage, du bombardement, du dégât, de l’incendie et autres opérations de destruction massive – La typologie des opérations de guerre est extrêmement diversifiée. Le terme générique d’opérations militaires couvre dans les faits une quasi infinité de situations qui suivant la configuration du terrain, la phase et le moment du combat, le type d’affrontement, le volume des forces militaires engagées dans le combat, prennent des noms divers. Les armées procèdent à l’ouverture des campagnes, suivent un plan d’opération, mènent des reconnaissances, des incursions dans les lignes ennemies, des escarmouches, se retrouvent en mêlée, se livrent bataille, font le « ravage », le « dégat », se livrent à l’« incendie ». Elles peuvent faire donner le canon et déclencher le feu, qu’il soit de siège ou de ligne. Elles engagent des charges de cavalerie. Elles s’éclairent, peuvent procéder à des retraites, à des marches rétrogrades. Elles assiègent ou font le siège838 , l’investissement839, la tranchée, la sape. Elles procèdent à des sommations, puis elles en viennent à ouvrir la brèche, à donner l’assaut, lever le siège. Elles peuvent aussi décider du bombardement qui au xviiième, est l’opération par laquelle se termine les sièges840. Elles peuvent également opérer un blocus qui n’est originellement qu’est une des formes du siège841.
375Certaines de ces situations correspondent au temps de combats effectifs. Et dans ce temps des combats, certaines opérations revêtent des caractéristiques particulières tenant à la nature d’extrême gravité des dommages causés soit aux personnes, soit aux biens. La doctrine a toujours considéré que ces actes liés aux impératifs de but à atteindre – victoire ou défense de soi, des circonstances et de la nécessité – peuvent par exception être admis dans la guerre. Ces actes qui replacent à nouveau la guerre sous le régime du jus in bello infinitum, sont par ordre de survenance et d’étude par la doctrine, la « dévastation » tour à tour étudiée par Gentili, Grotius, Textor et Klüber, le « ravage » exposé par Wolff et Vattel, le « dégat » traité par Wolff et Burlamaqui, l’« incendie » par Moser, Vattel, de Real, le « bombardement » par Vattel, Vicat, Martens, de Rayneval, 1’« inondation » par Moser et de Real.
376Ainsi si Gentili, Textor842 et Grotius traitent de ces moyens spéciaux de guerre, ce dernier, une fois encore, fixera les principes de droit relatif à la dévastation qui demeureront valables durant 150 années. La dévastation comme l’inondation, étudiées paradoxalement en tant que « tempéraments », sont légitimes selon le droit de guerre. Grotius s’appuie ici sur le droit de nécessité qu’il théorise assez précisément. Seule la nécessité et le but immédiat de paix justifient en droit le recours à ces deux moyens extrêmes de guerre. En même temps, Grotius pose l’exception qui, classique au Moyen Âge, se perdra peu à peu au xviiième siècle, Burlamaqui et Moser étant les deux derniers auteurs à les évoquer. Ainsi il est en principe interdit d’exercer le ravage sur les « arbres fruitiers ». Grotius y ajoute les animaux de trait et les « maisons de ville ou une ferme » que la doctrine postérieure rejettera définitivement843
377Wolff déclare le dégât et le ravage justes selon le droit des gens de la guerre. Selon une vision propre aux scolastiques, il les considère comme pouvant constitués une « peine méritée » et les justifie selon la nécessité et le but poursuivi qui n’est pas comme chez Grotius, le but immédiat de paix, mais la « diminution des forces de l’ennemi ». Wolff exclue l’exception grotienne de non atteinte aux arbres fruitiers. Il entend très largement selon un droit de guerre infini – et contre d’ailleurs sa théorie générale favorable à un jus in bello limité – le recours aux dégâts qui trouvent leur légitimation dans l’utilité et la facilité qu’ils peuvent apporter à la réalisation des opérations de guerre844. Burlamaqui est plus fidèle à la tradition grotienne. D’abord sur la forme, il traite le dégât en tant qu’atteinte aux biens et non comme moyens de guerre. Grotius faisait de même, et en admet le principe. En revanche cependant, et comme Wolff, il en exclue les exceptions et notamment celle portant sur les choses sacrées et les arbres fruitiers845.
378Moser prend à contre pied la doctrine. Avec lui, la règle de l’admission des actes d’hostilités massifs est inversée. L’incendie et la dévastation sont en principe interdits. Le père du positivisme allemand considère que l’invasion du pays ennemi, n’autorise pas l’« incendie », ni la destruction des « ports, des écluses et des digues ». Il affirme que hors le cas de nécessité, il est contraire au droit des gens de « détruire les arbres fruitiers » et les « vignes »846. Cette position de principe ne sera pas retenue par la doctrine postérieure.
379Vattel innove sur cette question par le fait qu’un type nouveau de moyen exceptionnel de guerre, le bombardement, est envisagé à côté du ravage et de l’incendie. Le maître suisse les justifie de deux façons qui se réduisent à une seule, qui classiquement est constitué par le droit de nécessité847. De Real reprendra ces positions en indiquant cependant que le bombardement doit éviter les quartiers où résident des habitants et se concentrer sur les ouvrages de fortifications848. Vicat poursuivra en ce sens en plaçant à l’abri des bombardements les « Rois » eux mêmes. Cette solution renforce la proposition déjà observée précédemment qui consiste, pour la doctrine des années 1750-1780, à soumettre à un régime dérogatoire et d’immunité, la personne du souverain849.
380Martens ne traite pas spécialement et de manière spécifique des moyens de guerre exceptionnels. C’est à l’occasion des « sièges » qu’il traite particulièrement de l’incendie et du bombardement. Ces positions dénotent une tolérance plus grande à l’égard de ces moyens de guerre et la « raison de guerre » fait ici un retour remarqué. La notion est explicitement utilisée pour légitimer ces usages : « Vu l’importance de l’occupation et de la défense des forteresses, la raison de guerre justifie d’après les circonstances, l’emploi de tous ces moyens d’attaques ou de défense que les lois de la guerre n’ont pas généralement proscrits sans exception. 11 est des cas où, de part et d’autre, il est permis de brûler des faubourgs, de jeter des bombes dans la ville pour incendier des magasins, de faire sauter des mines [...] »850.
381De Rayneval s’inscrit très fidèlement dans la ligne du principe justifié par la nécessité, tandis que Schmaltz n’étudie pas spécialement cette question, se contentant de l’examiner indirectement dans le cadre des atteintes aux biens851.
382Klüber confirmera cette tendance à une admission de plus en plus large du ravage. Usant du vocable « dévastation », il indique que « quoique le droit des gens naturel ne défende point au belligérant en juste cause de dévaster et de piller le territoire de l’ennemi, dans la mesure où le but de guerre l’exige, l’un et l’autre n’en sont pas moins désapprouvés par la loi de guerre établie en Europe. Ce n’est que par exception que la dévastation est permise à l’égard de terrains qu’il est nécessaire de déblayer, de bâtiments ou d’établissements dont les opérations militaires exigent impérieusement la destruction ». Il ajoute qu’« il peut être indispensable de détruire quelquefois jusqu’aux villes, villages, et autres habitations, de ravager les jardins, vignes, champs, prés et forêts, lors d’une retraite dangereuse, ou lorsqu’il est essentiel de le chasser ou d’élever des fortifications et des retranchements »852.
383La doctrine postérieure admettra également ce droit général quoique exceptionnel de recourir à la dévastation853. Il constitue comme nous l’avons dit la consécration pratique dans les lois de la guerre du jus in bello infinitum rejeté par la doctrine au xviiième, mais justifié de manière dérogatoire par admission du droit de nécessité incluant à la fois le but et la raison de guerre.
384N° 294 – La notion de « déportation » et de transplantation chez Bynkershoek, Martens et Schmaltz – Avant que d’achever, nous mentionnerons la réflexion doctrinale concernant la notion de « déportation » et de « transplantation ». Bynkershoek est le premier à l’envisager. Etudiant la question de la mise en esclavage des prisonniers de guerre dont il précise comme nous l’avons vue qu’elle est tombée en désuétude – et la possibilité de libérer les prisonniers non rachetés, Bynkershoek évoque la décision du comté de Solms de déporter les Irlandais faits prisonniers lors de la campagne de 1690. La formule « in americam in servitutem deportare » est une première du droit international854.
385Sur cette mince base, Martens ira plus loin et abordant la question sous l’angle des règles de protection des populations civiles, il déclare qu’ « il est contraire aux usages des peuples civilisés de leur ôter la vie et de les transplanter contre leur gré [...] »855. C’est Moser dans ses « Versuch » qui semble avoir influencé la prise de position et l’affirmation de Martens856. Schmaltz rappellera encore une fois cette prohibition de principe en déclarant que « l’usage d’enlever des habitants pour les transplanter dans des pays éloignés, doit être aujourd’hui comme entièrement aboli ; c’est une injustice reconnue de troubler l’habitant paisible qui ne prend aucune part active à la guerre »857.
386Aucun de ces deux derniers auteurs n’évoque d’exemples historiques précis. Il demeure que « le grand dérangement » des Français du Canada par ordre des autorités britanniques doit être considéré comme une des premières opérations de déportation massive décidée et réalisée par une puissance européenne. Nous rappellerons ici brièvement les faits. A la suite du traité d’Utrecht, une grande partie des français d’Acadie se retrouvèrent sujets britanniques. Les tensions franco-anglaises furent croissantes et dès les années 1748, des appels à l’insubordination en direction des populations françaises, mais sujets britanniques, furent lancés depuis l’Acadie demeurée française, et notamment par le gouverneur La Galissonière et l’Abbé Le Loutre. La réaction britannique fut particulièrement violente et les bastions français furent pris par les troupes anglaises, laissant les Français insoumis à leur discrétion. Les Britanniques décidèrent d’employer des moyens importants et voulus comme définitifs. Pour éviter à l’avenir qu’une partie de ses sujets vienne se placer du côté de la France, éternelle rivale coloniale de la rigide Albion, le Gouverneur d’Halifax, le major Laurence, et le gouverneur du Massachusetts, Shirley, laissèrent aux Accadiens le choix de « l’allégeance » ou de « la déportation ». Le refus de serment était pour Laurence un « acte de trahison ». Il fût alors décider de déporter en masse, c’est à dire de déplacer par la force et sous autorité militaire des populations civiles. Sur le total des populations déplacées évalué entre 12 à 13 mille personnes, 1 500 à 2 000 réussirent à gagner le Canada britannique et 7 000 furent exilées en Georgie, Caroline du sud, Virginie, New York et nouvelle Angleterre. Le nombre de personnes qui périrent pendant cette déportation est généralement estimé entre 4 000 et 7 000 personnes858.
CONCLUSIONS AU CHAPITRE
387Le droit doctrinal des Lumières portant sur les opérations de guerre éclaire une évolution majeure : le jus in bello relatif aux biens, aux personnes et aux moyens de guerre se renforce considérablement. Le droit dans la guerre confirme sa tendance à s’imposer comme interdit. Il n’est plus l’admis mais le prohibé. Ses règles ne forment plus un droit permissif, mais un droit prohibitif. Seules les circonstances de la nécessité et de la raison de guerre suspendent exceptionnellement l’obligation de strict respect de ces interdits.
388Le plus d’humanitaire dans la guerre est donc le trait distinctif de la doctrine des Lumières et cette caractéristique concerne particulièrement le droit des prisonniers de guerre pour lesquels la mise en esclavage était encore la norme au xviième. Elle concerne aussi la notion de butin et de droit de pillage qui est désormais interdit sur les populations civiles. Mais ce mouvement général est également confirmé par l’affirmation de distinctions fondamentales que la doctrine établit. Le droit dans la guerre vise le combattant et non pas les non combattants qui sont les populations civiles mais aussi le personnel militaire non affecté à des tâches d’opérations armées et non considérés comme portant les armes. A ce droit général de protection, certaines populations se verront placées sous un régime spécial de protection, comme les vieillards, les enfants, les femmes, les blessés et les malades. Enfin des usages considérés comme historiquement admis tels l’assassinat ou l’empoissonnement sont grâce au travail accompli dès le xviième siècle, juges comme contraires au droit dans la guerre. Quant aux otages de guerre, le droit de les mettre à mort n’est plus admis et ce définitivement dès le xviième siècle avec Textor.
389Nous devons ajouter à ce premier enseignement quelques observations complémentaires. Le droit dans la guerre de protection des biens est d’une façon générale beaucoup plus développé, mieux détaillé que celui relatif aux personnes. Les biens immobiliers et mobiliers, corporels ou incorporels font l’objet de toutes les attentions de la part de la doctrine. Nos auteurs s’attachent à des questions que l’on n’aurait pas imaginé devoir être traitées au xviiième siècle, telle celle des biens incorporels, créances et actions, revenus et droits incorporels sur les choses, qui sont abordées et solutionnées. Dans ce sens, la doctrine traite par-là indirectement les questions des biens relevant de la puissance publique et s’interroge sur des problématiques concernant le retour à l’état de paix par droit de conquête. Notre matière dérive de la sorte du jus in bello au jus post belli.
390Enfin, nous remarquerons qu’existe à côté des usages et coutumes constituant l’essentiel du droit dans la guerre, un droit conventionnel autre que celui ayant pour effet de suspendre les hostilités que nous aborderons dans la prochaine et ultime sous partie. Dans la guerre même, un droit conventionnel existe sans que les opérations de guerre ne cessent. Les sauf-conduits, les convois et les passeports sont des privilèges garantis contractuellement dont des personnes ou des biens peuvent être l’objet et qui les placent dans une situation de droit exceptionnel. Au sens strict, ils sont, durant le temps des hostilités, hors droit de la guerre et non soumis au jus in bello.
391Ce mouvement général vers la modération et les tempéraments au droit rigide et non borné de la guerre, ne peut cependant masquer une tendance moins ample mais cependant perceptible et surtout inverse. Le droit de nécessité mais aussi les circonstances exceptionnelles autorisent des actes de guerre extrêmes. Si ces deux notions sont évoquées comme justifications à un retour au droit dans la guerre infini, on perçoit nettement à l’étude des règles pratiques du jus in bello que derrière elles, se profile le but de guerre entendu comme l’objectif et le résultat voulus par les belligérants. C’est ce but qui conditionne le recours dérogatoire à ces types d’actes extrêmes. L’espérance d’une victoire définitive mais surtout rapide et assurée pour un contendant, légitime pour la doctrine que des moyens de guerre non admis, puissent être utilisés. Le juste ici se trouve supplanté par l’utile et l’efficace. La fin des combats, le retour à la paix, buts envisagés indépendamment du droit, autorise le jus in bello infinitum et en ce sens, le droit dans la guerre confirme les solutions observées au moment où était étudié dans notre première partie, le droit de la guerre général.
392C’est pour ces raisons que certains actes de guerre par dissimulation tels que l’espionnage ou la ruse sont admis par la doctrine. C’est pour cette raison encore que la dévastation et certaines opérations de destruction massive sont admises par exception.
393Pour conclure ici, nous indiquerons que le droit de la guerre se veut aussi être le reflet d’un temps. Il s’inscrit dans le mouvement général des évolutions sociales et politiques, et c’est au xviiième que pour la première fois le droit aborde des questions ou propose des solutions qui ne sont que le reflet des changements de pensée. Les choses religieuses ne se trouvent plus placées sous un régime spécial de protection du droit dans la guerre. Le moyen de guerre constitué par les menées de déstabilisation politique fait son entrée dans le champ de notre matière. Enfin, plus lourd de sens et qui forme prémonition, la déportation est envisagée pour la première fois dans un manuel de droit international.
Notes de bas de page
484 Sur cette question, saint Raymond de Penafort, Sylvestre, Lupus, saint Antonin, Cajetan, Bellini et Bartole font figures des grands fondateurs du droit international portant sur les droits de la personne humaine dans la guerre. Lire Vanderpoll, oc. chap. XIV. p. 121 et ss. Lire également Haggenmacher, oc, première partie, VIII. p. 250.
485 Gentili, oc, idem, Liv II, chap. XVI, « Des captifs : qu’ils ne peuvent être tués », p. 337 : « Personne n’est captif à moins d’être pris comme prisonnier » ; « captiuus non est, nisi qui captus est ». « Et j’ai toujours défendu cette solution de notre droit contre Hotman, parce que celui qui est né d’une femme captive naît libre et devient libre, s’il n’a pas été pris après sa naissance ». Cette position a une grande importance sur le postliminium. Gentili indique que celui qui se cache dans une maison tombée en la possession de l’ennemi ne peut être considéré comme prisonnier. Il ajoute ici en faisant un parallèle à notre sens proprement génial, entre ce qui est caché et le fœtus de la femme esclave prisonnière de guerre, (p. 338-339) : « Le droit des gens aussi bien naturel que simple, aime ce qui est vrai, réel, non inventé, et non purement oral. Encore nous n’exigeons pas dans un tel cas que le capteur touche [ait un contact] chaque objet particulier, que toutes les propriétés du prisonniers soient touchées, et même sa chemise ; mais seulement que le capteur ait le désir et le pouvoir de le prendre et de s’en saisir ». « Celui qui a touché l’oreille de quelqu’un est censé avoir touché l’homme dans son entier », dit Trébatius. Même si ces choses qui ont été possédées ne sont pas trouvées par la suite, cela ne fait pas de différence, car elles continuent à être notre bien. En effet, certainement, il n’y a pas d’intention de contrôler [de détenir] ce qui est porté en secret, il n’y a pas de pouvoir sur le fœtus dans la matrice ; car le fœtus n’est pas la même chose que la mère [« Fœtus alia res a matte »]. De sorte que quand une esclave enceinte est vendu, sa progéniture n’est pas censé avoir été vendu. Et quand l’esclave est exigée, le fœtus n’est pas censé être demandé [également][...] ».
486 Gentili, oc, idem, Liv II, chap, XIV, XVI, XVII, XVIII, XIX, XXI, XXII et XXIV et Liv III, notamment VIII. Les principaux auteurs ou ouvrages cités par Gentili sur ces questions du jus in bello sont : le Digeste, Alciat, Buddée, Alexandre d’Imola, Decianus, Balde, Decio, Angelus, Cephalus, Panormitanus, Donneau, Hotman, de Castro, Pie II, Covarruvias, Guy de la Pape, Jean Papon, Bodin, Fornerius, Corneus, Cicéron, le Deutéronome, Samuel, Pontanus, Felinus, Menochius, Justin, Tiraqueau, Cujas, Accolti, Bellarmino, Livre des Macchabées, Fortunius Garzia, les Novelles, Cajetan, la Genèse, saint Thomas, Rolandinus, Livre des Nombres, Crottus, Décrétales, Everard, Livre des Rois, Leo, Ecclésiaste, Pacuvius. Parmi les historiens, philosophes, hommes de Lettres ou spécialistes des disciplines militaires, évoqués nous citerons : Paolo Giovio, Frontin, Guiccardin. Scaliger, Plutarque, Polydorus, Scander Beg, Pline, Joseph, Zonaras, saint Ambroise, Euripide, Sénèque, Bucchanan, Dion Cassius, Procope, Polybe, Horace, Piccolomini, Clément d’Alexandrie, Connestagio, Montaigne, Plutarque, Tite Live, César, Paolo Emilio, Agathias, Giustiniani, Sophocle, Tertulien, Diodore de Sicille, Pausanias, Carlo Sigonio, Homère, Nicolas Callistratus, Thucydide, Quintilien, Tacite, Virgile, C. Nepos. Aristote, le pseudo Sénèque, Averroes, saint Augustin, Hérodote, Héliodore, Apulée, Hirtius, Isocrate, Philo Judaeus, l’Arioste, Le Tasse, Lycophron, Diogène Laerce.
487 Grotius, oc. Liv III, chap. IV, IX, 1, p. 628-629.
488 Grotius, Liv III. chap. VII, IX, 1, p. 713-714, et 3. p. 715. Le Deutéronome et l’histoire antique constituent les sources essentielles de Grotius. Comme auteurs sont cités Tite Live, Polybe, Pline, Senéque, Josèphe, Saluste, Thucydide, Diodore, Ovide, Cicéron, Virgile, Xénophon, Quinte Curce. Seuls, le Digeste, Aristote, et Vitoria sont évoqués d’un point de vue strictement juridique et non historique.
489 Zouche, oc, idem, Part II, sect IX, p. 146 et sect X, p. 183. Ces sections IX et X constituent tout le jus in bello de Zouche. Sont cités comme sources ou juristes dans cette partie consacrée au jus in bello : Alciat, Belli, Gentili, Grotius, Giovanni di Imola, Bodin, le Digeste, Ayrault, Besold, Bartole, Hotman, Giovio, Ayala, Feschius, Paris de Naples et John James Trivulzio.
490 Zouche, oc, idem, Part II, sect IX pour les prisonniers, les échanges de prisonniers et la section X, pour le droit de tuer, les otages et les privilèges.
491 Textor, oc, idem, chap. XVIII, 10 à 51, p. 186 à 195. Felinus, Cino et Saliceti sont évoqués sur les questions relatives aux droits des otages (idem, 25, p. 189) ; Angelus Aretinus, Mynsinger sont les auteurs cités par Textor relativement aux droits et statut des prisonniers de guerre.
492 Ce jus in bello des personnes occupe moins de 60 pages chez Grotius largement entrecoupées d’exemples historiques, moins d’une dizaine chez Zouche, Textor et Wolff ; une quinzaine chez Burlamaqui ; 46 pages chez Vattel, une soixantaine chez de Real. Moser y consacre 26 pages de ses 350 pages des « grundtage ». Puis à nouveau moins d’une dizaine chez Vicat, 21 chez de Rayneval. Il en occupe 12 chez Martens, 10 chez Schmaltz et 3 chez Klüber. Westalke traite en une dizaines de pages ces questions sur les 700 que comptent ses deux tomes de son International Law. Oppenheim y consacre 16 de ses 1100 pages du International law, a treat se. Bonfils en accorde 4 sur les 900 de son manuel, Calvo 11 sur 550. Seul Pradier Fodéré dont l’approche historique est très importante, se penche plus longuement sur cette question. Voir notre introduction et notre 3.5 sur l’« Helvetia médiatrix », p. 32.
493 Voir 1ère partie, chap. I, Sect II, § III, a, n° 44, p. 116. Wolff, oc, Liv IX, chap. VI, § XXIII, p. 305.
494 Grotius, Liv III, chap. IV, VIII, I, p. 627-628 : « Car lorsque la guerre est déclarée à quelqu’un, elle est en même temps déclarée aux hommes de ce peuple, comme nous l’avons montré plus haut dans la formule de déclaration [...]. » Burlamaqui, oc, idem, chap. VI, § 5, p. 88-89 : « Le droit de tuer ne regarde t-il que ceux qui portent actuellement les armes ou bien s’étend-t-il indifféremment sur tous ceux qui se trouvent sur les terres de l’ennemi, soient qu’ils soient sujets ou étrangers ? Je réponds qu’à l’égard des sujets la chose est incontestable, ce sont là les ennemis principaux et l’on peut exercer sur eux tous les actes d’hostilités en vertu de l’état de guerre ». Vattel, oc, idem, Liv III, chap. VIII, § 145, p. 224 : « de nation à nation, les droits et les prétentions affectent le corps de la société avec tous ses membres ». Martens, oc, idem, Liv VIII, § 272, p. 180 : « La guerre autorise à considérer comme ennemi tous les sujets de l’état contre lequel elle a été déclarée ».
495 Vattel, Liv III. chap. VIII. § 147. p. 225-226 sur la coutume de tenir hors de la guerre tous les « paysans et habitants désarmés ». De Rayneval oc, idem, chap. IX, p. 243 : « Des habitants des pays conquis », § 1, p. 243 : « Il est un principe général selon lequel tous les habitants sont obligés de concourir à sa défense ; mais ce devoir ne suffit point pour les soumettre à toutes les rigueurs de la guerre : il faut pour cela qu’ils le remplisse effectivement, c’est à dire qu’ils aient pris les armes. » De Rayneval précise qu’en cas d’ordre du souverain, ils seront considérés comme prisonniers de guerre, mais que « si c’est de leur propre mouvement, leur propriétés, tant mobilières qu’immobilières, mêmes leurs personnes est à la merci de l’ennemi : telle est la jurisprudence moderne ».
496 Grotius. oc. Liv III, chap. IV. VI. p. 627, parlant du droit de tuer indique : « Or ce droit de permission s’étend loin ; car premièrement, il ne comprend pas seulement ceux qui de fait portent les armes, ou sont les sujets de celui qui a suscité la guerre, mais même tous ceux qui sont dans les limites des ennemis ». Textor, oc, idem, chap. XVIII, 16. p. 187 : « Il y a assurément une souffrance dans le fait que les gens qui peuvent être tués sont non seulement les hommes ; armés, mais d’autres sans distinction, et même les femmes et les enfants […] ». [« Hoc fane dutum est : sub eâ interficiendi licentiâ non tantum viros armatos comprehendi sed allios sed etiam promiscue et vel infantes atque foeminas quamvis id velit »].
497 Wolff, Liv IX, chap. VIII, § VI, p. 309 : « Il faut pareillement accorder la vie aux troupes qui mettent les armes bas et qui demandent quartier ». Burlamaqui. oc, idem, TII, chap. VI, § 5, p. 88-89 : « Le droit de tuer ne regarde t-il que ceux qui portent actuellement les armes ou bien s’étend t-il indifféremment sur tous ceux qui se trouvent sur les terres de l’ennemi, soient qu’ils soient sujets ou étrangers ? Je réponds qu’à l’égard des sujets la chose est incontestable, ce sont là les ennemis principaux et l’on peut exercer sur eux tous les actes d’hostilités en vertu de l’état de guerre ». Burlamaqui ajoute que si une femme porte les armes elle doit être considérée comme ennemie. Vattel, évoquant les prisonniers déclare, oc, idem, Liv III, chap. VIII, § 148. p. 227 : « On ne peut faire mourir un prisonnier de guerre », « Dès qu’un ennemi est désarmé et rendu, vous n’avez plus aucun droit sur sa vie ». De Rayneval reprend le positionnement de Vattel, oc, idem, Liv III. chap. VII, § 5, p. 233 : « Le droit de faire périr un homme de guerre cesse aussitôt qu’il est désarmé ». Schmaltz, oc, idem. Liv VI, chap. III. p. 227. « C’est donc un principe du droit des gens de combattre à mort l’ennemi tant qu’il a les armes à la main ». Klüber étend cette notion à la participation aux « hostilités ». oc. idem. Seconde partie, titre II. sect II. chap. I, § 246. p. 317 : « Par rapport à tous ceux qui ne prennent point les armes » ; « Quoique le droit des gens naturel ne défende point d’user de violence envers tous les sujets de l’état ennemi établi et envers leurs biens, l’usage de guerre établi en Europe a néanmoins restreint cette faculté par rapport aux sujets qui ne peuvent être regardés, pour leur personne, ni comme ayant pris part à l’offensive primitive, ni comme exerçant des hostilités ».
498 Moser, oc, idem, Liv II, chap. VI, § 6, à 13, p. 98-100, « Mais quand les dirigeants du pays ordonnent de prendre les armes contre l’ennemi, dans quelle mesure peut on rendre les sujets responsables selon le droit des peuples de s’être exécutés ? » ; « Si les sujets, sur ordre de leurs dirigeants, ont saisi les armes, il ne faut pas en ce cas, les poursuivre plus sévèrement que la troupe régulière » (§ 8) ; « F.t ceci doit être aussi le cas, s’ils ont saisi les armes sans ordre de leurs princes, pour défendre la patrie, leurs propres personnes. » (§ 9). « F.t ceci même si l’ennemi a interdit toute résistance sous peine de représailles » 10) ; « Mais si l’ennemi est présent en tant que vainqueur, les habitants du pays sont coupables s’ils mènent des actions secrètes ou officielles contre lui » (§ 11). Schmaltz. oc. idem, Liv VI. chap. III. p. 227-228 : « Quiconque de son autorité privée se présenterait les armes à la main serait traité par lui [le souverain] s’il tombait en son pouvoir, non comme un soldat, mais comme un brigand, il ne pourrait réclamer les droits dont jouissent les prisonniers de guerre et qui leur assurent la vie et l’inviolabilité de leur personne ».
499 Textor, oc, idem, chap. XVIII, 18, p. 187. Evoquant les tempéramenta de Grotius qui sont liées aux circonstances de temps et de lieu, Textor fait valoir : « l’ennemi qui fait une résistance par la force peut être mis à mort sans distinction ; cela ne peut être appliquer après s’être rendu ou avoir déposé les armes » [« Hostes armis resistentes interficere indistincte licet, non vero aequo post deditionem vel armorum depositionem »]. On doit cependant évoquer ici les positions de Grotius concernant l’usage du « carnage » qui laissent entrevoir les développements donnés au concept de résistance. Grotius indique en effet, oc, idem, Liv III, chap. XI, X, 1, p. 715 : « Le carnage porte d’après le droit de la guerre sur ceux qui sont armés et qui résistent ». Il déclare que la formule est de Tite Live. Vitoria est également cité. Pour Vitoria, nous indiquerons que le chapitre 47 de son de jure belli inclus dans ses Secundae relectionnes theologicae traite de ce point.
500 Wolff, Liv IX, chap. VIII, Idem, § XXI, p. 315 : « On ne doit pas exercer de violence sur ceux qui se soumette sans résister ». Moser, oc, idem, Liv II, chap. VI, § 3 et 4, p. 98-100, « On ne peut agir contre une troupe armée ennemie qui résiste et ceci aussi longtemps qu’elle résiste [...] comme c’est dans la nature de la guerre, sans cruauté ». « Mais au cas où sa résistance ne serait pas totale ou s’il s’est retiré dans ses quartiers, on agira comme cela est prévu plus loin pour les prisonniers de guerre ». Vattel Liv III, chap. VIII, § 143, p. 225-226 « Mais ce sont des ennemis qui affectent aucune résistance, et par conséquent on n’a aucun droit de les maltraiter en leurs personnes, d’user contre eux de violence, beaucoup moins de leur ôter la vie ». De Real, chap. II, Sect° VI, XIII, p. 460 : « Réduire l’ennemi à prendre une ville d’assaut, c’est l’exposer à être passé par le fil de l’épée ». La « résistance opiniâtre » autorise la mise à mort des ennemis. « Les lois de la guerre autorisent ces sortes de traitements [« le fil de l’épée »] contre ceux qui refusent de livrer des postes sans défense ». Martens, oc, idem, Liv VIII, § 272, p. 180 : « Mais comme dans les guerres de nations à nations aucune n’est autorisée à punir son ennemi légitime, le droit de le blesser et de le tuer ne repose que sur celui de vaincre sa résistance qu’il nous oppose ou de repousser son attaque ». « C’est pourquoi la loi naturelle défend d’un côté, de blesser ou de tuer ceux qui de leur personne ne prennent point une part active aux hostilités ». Klüber, oc, idem, § 248, p. 318 : « Par rapport à ceux qui font partie de la force armée ». Ρ 318-319 : « Les hostilités sont immédiatement et principalement dirigées contre les individus de la force armée régulière de l’ennemi, contre les militaires de toutes armes. S’ils se comportent conformément à la loi de la guerre, ils peuvent prétendre à être traités à leur tour suivant cette même loi ». Klüber ajoute que le droit de mort est effectif en cas de « résistance » ou de « fuite ». Dans de telles circonstances, le droit dans la guerre autorise bien évidemment de les faire prisonniers et même de les « piller ». « La loi de guerre exige de faire quartier à l’ennemi blessé ». Cette dernière idée confirme qu’en l’absence de capacité à « résister », il n’est point conforme au droit des gens de mettre à mort un ennemi.
501 Voir sur cette question des suppliants, Gentili, oc, idem, Liv II, 401, p. 246, et notamment 409, p. 250 ; Grotius, oc, idem, Liv III, chap. XI sur les tempéraments au droit de tuer, XV et XVI, p. 719-720 : « La môme équité ordonne d’épargner ceux qui se rendent sans condition à la discrétion du vainqueur ou qui se font suppliants ». Tacite, Salluste et Vitoria sont cités. Grotius considère que le droit naturel s’oppose à cette règle de l’équité et qu’existent des exceptions au droit d’exempter de mort les suppliants. Parmi elles figurent la résistance opiniâtre, la crainte de laisser en vie des ennemis qui pourraient « rendre la pareille ». Le « zèle » et l’« utilité » ne peuvent justifier la mise à mort de ceux qui demandent grâce ; Textor, oc, idem, chap. XVIII, 22 et 23, p. 188-189, précise que ceux qui se rendent sans condition ou qui n’ont pas résisté avec la dernière des opiniatretés doivent être laissés en vie.
502 Voir Ière partie, IIème sous partie, chap. II.
503 Grotius, oc, idem, Liv III, chap. XI, II, p. 702 et VI, p. 709 : « Mais à l’égard des auteurs de la guerre, il faut distinguer les causes qui les ont emporté à agir ». Vitoria est à nouveau cité. Il ajoute, (idem, VII, 4, p. 713) « L’ennemi donc qui voudra considérer non ce que les lois humaines permettent, mais ce qui est son devoir, ce qui est juste et honnête, épargnera même le sang ennemi et ne donnera la mort à personne, si ce n’est pour se préserver de la mort ou de quelque chose semblable à la mort, ou pour des crimes personnels arrivés jusqu’à la mesure de la peine de mort ».
504 Textor, oc, idem, chap. XVIII, 10, p. 186. Textor soutient l’idée que certains actes dans la guerre sont « indirectement légitimes » et d’autres « directement illégitimes » et cite l’exemple donné par Grotius (Liv III, chap. I, IV, 1, p. 583) et Vitoria (Dicto libro, n° 27) d’un bateau rempli de pirates mais où se trouvent des innocents. Pour Textor comme pour Grotius il est légitime de mettre le feu à ce navire comme il est légitime de bombarder des villes. Puis il ajoute (idem, 11, p. 186) : « Maintenant, quant au fait fondamental que la capture ou même la mise à mort, des sujets est autorisé par le droit de la guerre, bien qu’ils puissent être innocents, [« ipso subditi belli jure capi possint vel etiam occidi, licet per se sint innocentes »] cela ne doit pas être considéré comme une punition à leur encontre, mais comme une atteinte au roi ou à l’État dont ils sont les sujets, lequel roi ou État, en déclarant la guerre, place lui-même et de tous ses sujets dans une situation d’hostilité, de sorte qu’ils peuvent légitimement attaquer l’ennemi et être attaqué par lui ». Il conclut en indiquant, 16, p. 187 : « En outre, les injures qu’un ennemi peut infliger chacun l’un à l’autre, comprend non seulement la capture, mais aussi les blessures et la mort [« Porro laesio ist haec hostilis non tantum ad capturam personnarum sed ad vulnera etiam et caedem usque permittur »]. ».
505 Bynkershoek Liv I. chap. III, p. 26 : « Depuis que le conquérant peut faire ce qu’il veut du conquis, personne ne doute qu’il a aussi le pouvoir de le mettre à mort ». Ce principe s’applique sous réserve de la clémence du vainqueur. Sur les femmes et le droit de résistance, il indique d’une manière plus qu’ambiguë (Liv I, chap. III, p. 29) : « Certains croient cela [qu’il est possible de tuer ceux qui résistent] mais je soutiens que cela est très déshonorant, à moins que nous pensions dignes d’être punies quelques femmes faibles sans défense qui peuvent obstinément défendre leur chasteté contre les attaques de robustes libertins [« robustum stupratorem »] ».
506 Vicat, oc, idem, chap. XI, § 145, p. 78 : « Nous pouvons nuire à la puissance et aux personnes contre qui nous sommes en guerre, soit dans leurs vies et leurs membres, soit dans leurs biens, non seulement à force ouverte mais encore par adresse et en trompant l’ennemi, en lui imposant à la réserve des conventions par lesquelles ainsi qu’ennemis, nous aurons renoncé envers lui, ainsi que notre ennemi, aux droits de certaines hostilités, quant à certains objets, quant à la manière, au temps et au lieu d’exercer cas hostilités, conventions dont il sera parlé ci-après ».
507 Wolff, oc, Liv IX, chap. VIII, § VI, p. 309 : « Il ne résulte point de ce droit [le droit de guerre sur les personnes] qu’on doive maltraiter inhumainement, ou tuer les sujets d’une puissance ennemie qui demeurent tranquilles et prennent aucune part aux hostilités ». Burlamaqui, oc, idem, Τ II, chap. VI, § 1, p. 87 : « Il est certain que l’on peut tuer innocemment un ennemi. Je dis innocemment, non seulement au terme de la justice extérieure [...] », mais encore selon la justice intérieure et les lois de la conscience ». « En effet le but de la guerre demande nécessairement que l’on ait ce pouvoir ». Mais Burlamaqui, après avoir rappeler ce principe précise en forme d’exception (oc, idem, chap. VI, § 2, p. 87) : « Si l’on ne consultait que l’usage des nations et ce que Grotius appelle le droit des gens cette licence de tuer s’étendrait bien loin [...]. Il est vrai que néanmoins que le droit que donne la guerre sur la personne et la vie de l’ennemi a des bornes et qu’il y a des tempéraments à observer ». Il précise enfin (§ 3, p. 88) : « le pouvoir que l’on a d’ôter la vie à l’ennemi ne vas pas jusqu’à l’infini » et conclut en indiquant (§ 4, p. 88) : « Il est vrai que dans l’application de ces maximes aux cas particuliers, il est quelques fois très difficile, pour ne pas dire impossible, de marquer précisément les bornes qu’on doit leur donner ». Burlamaqui (§ 25, p. 99) évoque intelligemment également un principe général concernant le caractère non absolu du droit de tuer lié au respect du principe de neutralité : « Il est permis de tuer l’ennemi partout où il se trouve excepté sur les terres d’un peuple neutre ». Les guerres puniques sont citées comme exemple historique.
508 Martens, oc, idem, Liv VIII, § 272, p. 180 : « Mais comme dans les guerres de nations à nations aucune n’est autorisée à punir son ennemi légitime, le droit de le blesser et de le tuer ne repose que sur celui de vaincre sa résistance qu’il nous oppose ou de repousser son attaque ». « C’est pourquoi la loi naturelle défend d’un côté, de blesser ou de tuer ceux qui de leur personne ne prennent point une part active aux hostilités ». Passage déjà cité.
509 Klüber, oc, idem. Seconde partie, titre II, sect II, chap. I, § 246, p. 317 : « Par rapport à tous ceux qui ne prennent point les armes » : « Quoique le droit des gens naturel ne défende point d’user de violence envers tous les sujets de l’état ennemi établi et envers leurs biens, l’usage de guerre établi en Europe a néanmoins restreint cette faculté par rapport aux sujets qui ne peuvent être regardés, pour leur personne, ni comme ayant pris part à l’offensive primitive, ni comme exerçant des hostilités ». Contre eux, seules des « mesures qu’exigent impérieusement les besoins de la guerre » du type à même de les empêcher de prendre part aux hostilités et augmenter les forces de l’ennemi, peuvent être prises. Passage déjà reproduit. Sont ici cités par Klüber, Moser ; Jo. Mar Lampredi. De licentia in hostem contre coccejum, Florence, 1761 ; Kamptz. Lire également § 244, p. 314-315 : « La loi de guerre défend expressément [...] de refuser le pardon à ceux qui se rendent, de tuer ou maltraiter les prisonniers de guerre qui se tiennent tranquilles [...] ».
510 Schmaltz, oc. idem, Liv VI, chap. III, p. 227 : « Du droit des gens pendant la guerre » (passage déjà cité en partie) : « C’est donc un principe du droit des gens de combattre à mort l’ennemi tant qu’il a les armes à la main ; mais ne pas traiter comme criminel un adversaire vaincu, désarmé, prisonnier ; de ne point exercer sur sa personne une basse vengeance et d’avoir au contraire pour lui les égards dus au courage malheureux, en nous mettant toutefois à l’abri de ce qu’il pourrait ou voudrait encore entreprendre contre nous », et p. 229 : « Le soldat quelqu’il soit, et que son souverain appelle aux armes, peut donc employer tant contre la personne que contre les propriétés de son ennemi, tous les moyens que la force lui donne pour le vaincre, ou le contraindre à reconnaître les droits qu’il méconnaissait : il y est autorisé pourvu toutefois qu’il se conforme aux lois de la guerre, telles qu’elles existent dans l’Europe civilisée ». Schmaltz indique, idem, p. 228, la pratique des « français » sur la question des troupes « réglées » agissant sous ordre du souverain et pouvant par-là bénéficier du droit de la guerre excluant le droit de tuer en cas où elles se trouvent « non combattantes » : « La France refusait autrefois de reconnaître et de traiter comme troupes régulières, celles qui ne portaient pas d’uniforme, lors même qu’elles agissaient en vertu d’un ordre du souverain. Mais comme dans la révolution elle donna l’exemple d’une levée en masse dont le costume n’était rien moins que militaire, elle dut se conformer envers les autres nations aux principes qu’elles-mêmes avaient suivis. Dans la guerre d’Espagne. Bonaparte accordait rarement aux guérillas les droits des troupes réglées. Cette sévérité, il est vrai, pouvait être motivée sur ce qu’il regardait ces troupes comme des bandes agissant de leur chef ». Pour Schmaltz cependant tout membre des Landsturm pris les armes à la main doit être considéré comme un militaire combattant.
511 Vattel Liv III. chap. VIII, § 143. p. 220 : « Si l’ennemi peut punir de mort un commandant de place à cause de la défense opiniâtre » : « Cette idée [la permission de tuer un commandant de place] régnait encore au siècle dernier, on en faisait une prétendue loi de la guerre, et on n’en est pas entièrement revenue aujourd’hui. Quelle idée de tuer un brave homme parce qu’il aurait fait son devoir ! ». Vattel cite les exemples d’Alexandre le Grand, de Diodore de Sicile, du chevalier Bayard lors de la défense de Mézières. Il évoque également la guerre de 1744, et le général de Leutrum à la défense de Coni où eut lieu un siège et 40 jours de tranchées. Suivent de longs développements d’une rigueur toute factuelle : « Si vous insistez en disant qu’en menaçant un commandant de la mort, vous pouvez abréger un siège meurtrier, épargner vos troupes et gagner un temps précieux, je réponds qu’un brave homme se moquera de votre menace ou que piqué d’un traitement honteux, il s’ensevelira sous les ruines de la place [...] ». « [...] la menace d’une peine injuste est injuste elle-même ». « Vous pouvez employer des moyens justes et honnêtes, pour engager un gouverneur à ne pas attendre inutilement la dernière extrémité ; et c’est aujourd’hui l’usage des généraux sages et humains. On somme un gouverneur de se rendre quand il est temps, on lui offre une capitulation honorable et avantageuse, en le menaçant que s’il attend trop tard il ne sera plus reçu que comme prisonnier de guerre, ou à discrétion. S’il s’opiniâtre, et qu’enfin il soit forcé de se rendre à discrétion, on peut user contre lui de toute la rigueur du droit de la guerre ». Vattel ajoute, idem, p. 223 : « Mais ce droit ne s’étend jamais jusqu’à ôter la vie à un ennemi qui pose les armes ».
512 Voir Vattel, oc, idem, Liv III, chap. VIII, § 144 « des transfuges et déserteurs », p. 224 : Ils sont considérés comme des « citoyens perfides, traites à leur patrie ». « Cependant aujourd’hui, que la désertion est malheureusement si commune, le nombre de coupables oblige à user de clémence et dans les capitulations, il est fort ordinaire d’accorder à la garnison qui sort d’une place un certain nombre de chariots couverts dans lesquels elle sauve les déserteurs ». Et Martens, idem, § 276, p. 189, qui indique qu’« il est permis de les punir [les déserteurs et les transfuges], même de mort d’après les circonstances ». Martens précise que ce droit de punir, « même de mort », s’applique aux « individus qui sans ordre de l’état se sont armés contre l’ennemi » et qui constitue ce que Martens qualifie de parti bleu.
513 Textor, oc, idem. chap. XVIII 19, p. 188 : « Il est inusité d’épargner les auteurs de la guerre ; ceux qui sont contraints de prendre les armes avec l’ennemi sont volontiers épargnés ». « Belli auctoribus parci non solet, sed facilius his quo coacte cum hoste arma junxerunt ».
514 Moser, oc, idem. Liv II, chap. VI, § 15, p. 98-100 : Moser déclare « inviolables » « les personnes de rang élevé et désarmées ».
515 Vattel Liv III, chap. VIII, § 159, p. 243 : « Des ménagements pour la personne d’un roi ennemi ». Vattel précise que dans les temps anciens il y avait des récompenses offertes aux soldats qui tuaient les chefs ennemis. Ils leur étaient remis les « dépouilles opimes ». Vattel cite l’exemple de Charles XII de Suède.
516 Schmaltz, oc, idem, Liv VI, chap. III, p. 237 : « La conduite à tenir envers la personne du souverain ennemi, et les princes et princesses de sa maison se fonde sur le principe établi par la coutume des nations européennes, que les princes ne sont pas ennemis personnels, et que s’ils prennent les armes l’un contre l’autre, ce n’est pas pour vider une querelle privée, mais pour défendre la cause et les droits de leurs peuples ». Schmaltz ajoute p. 237-238 : « Les souverains à la tête de leurs armées, ont, l’un pour l’autre, des procédés qui caractérisent les mœurs et les coutumes de la chevalerie Ennemis quant à la cause, mais non quant à la personne ».
517 Klüber, oc, idem, seconde partie, titre II, sect II, chap. I, § 245, p. 316 : « Par rapport à quelques personnes ennemies ; le souverain et sa famille et les ambassadeurs en particulier ». Klüber ajoute que les monarques entre eux ne se considèrent pas comme « ennemis personnels » et ont en usage d’échanger des « témoignages de considération et d’amitié ». « Il serait contraire à la loi de la guerre de les poursuivre personnellement p.e. de diriger par préférence contre leur personne le canon ou la fusillade ». « S’ils sont faits prisonniers, ils sont relâchés à l’instant ou traités comme prisonniers de guerre avec des égards particuliers ». Moser, Vattel et Ompteda sont cités ainsi que l’exemple du roi de Saxe fait prisonnier de guerre après la bataille de Leipzig.
518 Gentili, oc, idem, chap. XXIV, 454, p. 278 : « De l’enterrement des morts » : « Est ce que le corps des morts est la propriété de l’ennemi ? Il a cessé d’être ennemi celui qui a cessé d’être un homme. Au surplus, s’enrager sur les corps ou empêcher leur ensevelissement est par delà notre questionnement, un acte de bassesse et d’impiété ; car « celui qui est mort ne fait pas la guerre comme le dit Lucain ». Citant Homère, Sophocle, Aristote, Cicéron, Ovide, Thucydide et Balde, Gentili indique (455, p. 278) que « la bataille est finie quand les corps se trouvent allongés. Là est le temps de la paix, et la paix pour les morts est la sépulture ». « Illud tempus pacis et mortuorum pax est sepultura ».
519 Grotius, oc, idem, Liv II, chap. XIX, I à VI, p. 435 à 446. « La sépulture des corps morts est due aussi en vertu du droit des gens qui tire son origine de la volonté », idem, I, 1, p. 435. « Le devoir de sépulture n’est pas tant rendu à l’homme, c’est à dire à la personne, qu’à l’humanité, c’est à dire à la nature humaine », idem, II, 6, p. 440. Pour Appien ce devoir rendu aux ennemis, est le « droit commun de la guerre », idem, III, 1, p. 440. Grotius précise que ce devoir est aussi du aux « grands criminels » et pour ceux qui se sont donnés eux-mêmes la mort, idem, V, 1, p. 442-443 et V, 4, p. 444. Sauf le cas ou un suicidé aurait commis cet acte comme une « sortie raisonnable ». Grotius évoque la dispute entre stoïciens et platoniciens sur ce sujet.
520 Textor, oc, idem, chap. XV, p. 151.
521 Textor, oc, idem, 1, p. 151. Textor indique que selon Hérodote, les Scythes justifièrent la guerre faite à Darius, par le fait qu’envahissant leur territoire, c’étaient les tombes et les tumulus de leurs ancêtres que Darius insultait. Textor cite Grotius.
522 Textor, oc, idem, 3, p. 152.
523 Textor, oc, idem, 4, p. 152 et 31, p. 157-158. Textor traite également de questions relevant plutôt du droit public interne : droit de sépulture pour les auteurs d’homicides, pour ceux qui se sont suicidés, droit préalable des médecins légistes, disposition du droit romain en cas de violation de sépulture, pénalités pour les atteintes et actes de barbarie portés aux dépouilles.
524 Bynkershoek, oc, idem, Liv 1, chap. III, p. 29 : « Autrefois les corps étaient exposés aux bêtes et aux oiseaux, mais maintenant le vainqueur les enterre ou permet aux vaincus de le faire »
525 Moser, oc. idem, Liv II, chap. VI, § 21, p. 98-100 : Sont également inviolables, « Les corps de ceux qui sont réellement décédés, qu’ils soient enterrés ou pas ». Au sens strict. Moser n’oblige pas le vainqueur à enterrer les morts.
526 Martens, oc, idem, Liv, VIII, chap. IV, § 285, p. 209.
527 La convention de Genève de 1864 règle le sort des blessés malades et du personnel militaire. La déclaration de saint Petersbourg de 1868, encadre l’usage de certaines armes. Les conventions de La Haye de 1898 et 1907 portent sur les lois et coutumes de guerre.
528 Ayala, oc, idem, Liv I, chap. V, § 19, p. 41 : « Et quide inter christianos laudabile et antiqua consuetudine introductum est, ut capti hinc inde, utcunque justo bello, non fierent ferui : sed liberi feruarentur donec soluant precium redemptionis ». Ayala traitant de la question de l’esclavage et de sa justification scion le droit naturel ou le droit humain cite Aristote, Cicéron. Il précise, idem, § 16, p. 41 : « Il doit être noté également, comme aidant la solution du problème, que la Liberté est une institution du droit naturel, par laquelle, avant le développement d’un jus gentium, tous les hommes étaient nés libres et se reconnaissaient l’un l’autre, pairs et égaux, bien que le droit naturel n’ait pas de précepte quelconque sur le sujet ou interdisant l’esclavage. Mais le droit des gens, qui a ses bases sur la raison naturelle, introduisit la guerre et l’esclavage ». Ayala traite également ici du postliminium. Alciat est cité.
529 Ayala, oc, idem, § 28, p. 44 : « Alioqui vero, privata auctoritate nemini captiium occidere licet, nec etiam duris tractare ». Ayala indique qu’un rescrit de l’Empereur Antoninus protège les esclaves des traitements sévères ainsi que les constitutions espagnoles « constitutio regni Hispaniae ». La rançon est ensuite évoquée par Ayala.
530 Gentili, oc, idem, Liv II, chap. XVI, p. 340-341 : « Celui qui doit être appelé un prisonnier, doit être fait prisonnier. En fait, il n’est pas prisonnier (pas plus que pour n’importe quel objet acquis par l’ennemi) tant qu’il n’a pas été amené dans le camp, ennemi. De là, il reste un citoyen [« civis manet »] jusqu’à ce qu’il soit transporté là, et ainsi ne peut être qualifié de prisonnier. Une doctrine [« Alciatus docet »] différente est défendue par Alciat : à savoir qu’un prisonnier ne doit pas être tué tant qu’il n’a pas été transporté dans le camp, de l’ennemi bien que tuer un prisonnier soit toujours un acte d’une extrême cruauté et contraire à cette humanité [« humanitatem »] que l’homme doit naturellement à son semblable, [...]. Cet enseignement d’Alciat, je le comprends dans un sens littéral de « prisonniers de guerre » [« id ego Alciati accipio, ut ejus est verbum, de deditiis qui cesserunt vi et dediderunt se, non de captis qui etiamnum trahuntur tamen vi et tenentur inuiti »] ; à savoir des hommes qui ont cessé de se battre et se sont rendus eux mêmes, non en esclaves, qui ont été transportés de force et pris contre leur volonté. « Si tu résistes ou si tu t’enfuies, selon les douze tables, tu peut être mis à mort ».
531 Gentili, oc, idem, Liv II, chap. XVIII, p. 376 et ss. Le fait pour un soldat prisonnier d’avoir commis lui même des actes de cruautés, autorise le capteur à lui en infliger. Alciat, Balde, Cicéron, le Digeste, Guichardin sont mentionnés.
532 Grotius, oc, idem, Liv III, chap. IV X, 1, p. 628-629 : « Au reste pour revenir à mon sujet, on comprend jusqu’où s’étend cette licence, par ce fait que le massacre des enfants et des femmes a lieu aussi avec impunité et qu’il est compris dans ce droit de la guerre » (passage déjà cité), et idem, X, p. 629 : « Les captifs aussi ne sont pas à l’abri de cette licence », « même contre les femmes prisonnières ». Puis, idem, chap. VII, « du droit des prisonniers » : I, p. 669 : « Que tous ceux qui sont pris dans une guerre solennelle deviennent esclaves selon le droit de gens ». Grotius précise même, contre l’avis de Gentili, voir idem, II, p. 670 : « Et ce ne sont pas seulement eux mêmes qui deviennent esclaves, mais encore leurs descendants à perpétuité, c’est à dire d’une mère esclave depuis son esclavage », et ajoute, idem, IX, 1, p. 675 : « Mais les chrétiens sont en général tombés d’accord que, la guerre s’élevant entre eux, les prisonniers ne deviendraient point esclaves, de manière à pouvoir être vendus, être contraints à des services et à subir d’autres traitements infligés aux esclaves ». Cités ici, Covarruvias, Bartole. Boerius. Vitoria, Sylvestre.
533 Grotius, oc, idem, Liv III, chap. XIV, p. 740 « tempérament par rapport aux prisonniers », I, I, p. 740 ; II, 1, p. 741 ; II, 2, p. 741. Il ajoute cependant les précisions suivantes avant que de parler de « juridiction domestique » du maître sur l’esclave et qui lui donne « un droit qui est de vie et de mort » (idem, III, p. 742) : « [...] L’honneur, c’est à dire la considération de l’équité, nous défend d’enlever la vie à un prisonnier » oc, idem, chap. XI, XIII, p. 717 . Grotius évoque également le devoir de « clémence », d’« humanité », de mesure, voir idem, chap. XIV, IV et V, p. 742-743 et également chap. XXI, XXIV, p. 818 et 819.
534 Grotius, oc, idem, Liv III, chap. XIV, VII, p. 745 : « S’il est permis de s’enfuir à celui qui est fait prisonnier dans une guerre juste ? » « Cela ne lui est pas permis, parce qu’il doit ses services au nom de l’État, en vertu d’une convention commune des nations ».
535 Zouche, oc, idem, Part II, sect X, 12, p. 191 : sur la mise à mort des prisonniers, Zouche précise que lors de la guerre de cent ans, Henri V d’Angleterre à l’issue de la bataille d’Azincourt en 1415, avait faite mettre à mort les prisonniers à l’exception des nobles. Zouche indique que « L’histoire appelle cela un acte inhumain. [...] Gentili n’approuve pas cela. Il recommande aux écossais bien qu’ils aient été traités par le plus grave danger, de ne jamais tuer leurs prisonniers ». F.t, idem, 13, p. 192, sur la question de savoir « si ceux qui ont été capturés deux fois peuvent être mis à mort » qui renvoie au droit d’évasion, Zouche rappelant l’exemple historique de Ligarius qui sur sa parole avait été libéré puis repris par César qui l’avait mis à mort, indique que « de toute les façons, Gentili dit que cet usage s’applique principalement aux mercenaires de sorte qu’il n’y a aucune raison qu’un citoyen soit traité avec une sévérité spéciale, même s’il a été fait prisonnier une douzaine de fois ».
Textor, oc, idem, chap. XVIII, 20, 21, p. 188 : « ceux qui se sont rendus sous condition de sûreté, ne peuvent être tués sauf cas de perfidie ». Textor ajoute, idem, 22, p. 188-189 (passage déjà cité) que pour « ceux qui se rendent. Il y a deux exceptions à la règle qui nous obligent à accepter leur rédition et à les épargner : 1. La résistance à outrance avant de proposer de se rendre, une résistance qui a fait « couler beaucoup. de sang » et permis pratiquement la victoire à ceux à qui ont se rend ; 2. Le cas de « grandes offenses ».
536 Nous évoquerons ici le sort des soldats prisonniers de la Grande Armée de Napoléon en Espagne à Cadix, sur l’île de Cabrera et en Russie. Nous signalerons également qu’à trois reprises entre 1792 et 1810, la France intervint sur les droits des prisonniers par deux lois des 20 juin 1792 et 7 août 1792, un décret de la Convention du 25 mai 1793 et un décret du 23 février 1810.
537 Bynkershoek. oc. idem, Liv I, chap. III, p. 27. Cujas est cité. « Juri occidendi hostes successif jus servitutis, diutissime olim exercitum ».
538 Wolff, oc, idem, Liv IX, chap. VIII, § VI, p. 309 « Il faut pareillement accorder la vie aux troupes qui mettent les armes bas et qui demandent quartier ». Et idem, § VII. p. 310 : « Les prisonniers de guerre ne sont pas naturellement réduits en servitude ; on les garde jusqu’à leur délivrance par voie d’échange ou de rachat ; mais ils peuvent par quelque faute particulière être réduits à ce sort ».
539 Burlamaqui, oc. idem, chap. VI, § 8, p. 90 et § 9, p. 91. Il ajoute (idem, § 26 à 30, p. 100-101) que pour les prisonniers de guerre, existait l’usage de les rendre esclaves et d’un esclavage perpétuel, descendants compris. Le maître « avait sur lui droit de vie et de mort » et précise (§ 30) : « Tous les chrétiens généralement ont trouvé à propos d’abolir entre eux l’usage de rendre esclaves les prisonniers de guerre : on se contente aujourd’hui de garder les prisonniers jusqu’à ce qu’on ait payé leur rançon dont l’estimation dépend du vainqueur à moins qu’il y ait une convention qui la fixe ».
540 Moser, oc, idem, Liv II, chap. VI, § 43, p. 100.
541 Vattel, oc, idem, Liv III. chap. VIII, § 148, p. 227. Il précise cependant à moins de crime ou d’atteinte grave à l’ennemi.
542 Vattel, oc, idem, Liv III, chap. VIII, § 152, p. 232.
543 De Real, oc, idem, chap. II, Sect VII, « Des prisonniers de guerre », p. 507. Idem, I, p. 507 : « A consulter la lumière naturelle, le droit du vainqueur sur les prisonniers de guerre est soumis aux mêmes règles que celui qu’il acquiert sur les biens de son ennemi ». Puis successivement, il précise, II, p. 508 : « Les premiers guerriers étaient féroces. Maîtres de la destinée de leurs prisonniers, ils se regardaient comme les arbitres de leur vie, ils les tuaient [...]. La coutume de massacrer les prisonniers dura longtemps » ; III, p. 508-809 : « A mesure que les guerres se multiplièrent, un sentiment d’humanité pour les vaincus et d’intérêt pour les vainqueurs, arrêta le bras des victorieux et établit parmi les nations la coutume de laisser la vie aux prisonniers ». De Real évoque les us des peuples antiques, les Grecs qui vendaient les Troyens, les Assyriens les Juifs, les autres en faisaient leurs esclaves. Et enfin, idem, IV, p. 509 : « Enfin la douceur du christianisme a banni l’esclavage même des guerres des Chrétiens ».
544 Vicat, oc, idem, chap. XVI, « des prisonniers de guerre », p. 99 : En l’absence de capitulation, « [...] l’on peut les traiter ainsi qu’on le veut et user à leur égard de tous les droits de la guerre sans que eux ni la puissance à qui ils appartenaient puissent se plaindre qu’on viole à leur égard quelque droit attaché à la qualité des prisonniers de guerre ». Vicat précise qu’en cas de convention, et de « promesse de bon quartier », « [...] tous les droits d’hostilités qui nous restent à leurs égard est de les tenir de manière qu’ils ne puissent s’échapper ».
545 Martens, oc, idem, Liv VIII, § 272, p. 181*, et § 275, « des prisonniers de guerre ». p. 186.
* Martens évoque les « horribles » décrets de la Convention Nationale du 26 mai 1794 et du 11 août 1794 qui « du moins n’ont pas été exécutés ». Sont cités ici, Rousseau, Contrat social, Liv I, chap. IV, Bynkershoek, Brucskner, de explorationibus et exploratoribus, Iena, sl, sn, 1700. Sur l’esclavage, Martens indique que les traités entre les Pays Bas et le Dey d’Alger du 26 août 1816, la Grande Bretagne et Tunis du 17 avril 1816 ont stipulé renoncer expressément à la condition d’esclave pour les prisonniers de guerre. Il est à noter ici également que Martens, oc, idem, chap. IV, § 285, p. 209, indique que les blessés sur le champ de bataille sont titulaires de certains droits. L’interdiction de pillage des prisonniers blessés sur le champ de bataille est une règle du droit des gens de la guerre.
546 De Rayneval, oc, idem, chap. VII, § 5, p. 233. De Rayneval indique que « le salut du prisonnier est la condition tacite et nécessairement supposée de sa reddition ». Pour de Rayneval, idem, p. 234, sans ces principes, « la guerre se ferait sans quartier ». Cependant, en cas d’impossibilité matérielle de les tenir enfermer, le capteur est tenu de les libérer sur parole. De Rayneval évoque alors le risque qu’ils reprennent les armes et précise que si « sa propre conservation est évidemment compromise » : « Les lois terribles de la guerre l’autorisent à prendre ce partie extrême [« se défaire des prisonniers »] » ; « On sait depuis longtemps que ces lois sont contraires à celles de l’humanité : mais enfin elles sont inséparables du principe qui constitue l’indépendance des nations et de l’impossibilité où elles sont de poursuivre leurs droits autrement que par la force des armes ».
547 Schmaltz, oc, idem, Liv VI, chap. III, p. 231 et précise, p. 232, que « L’esclavage [...] a cessé dans l’Europe chrétienne ».
548 Kluber, oc, idem. § 249, p. 319. Klüber cite Moser, Vattel, Bynkershoek, Martens. Voir également, § 244. p. 315.
549 Martens, oc. idem. § 272. p. 181 : « Cette règle [« le devoir de laisser la vie »] ne souffre d’exception que 1/ dans les cas extraordinaires où la raison de guerre empêche de les épargner ; 2/ S’il est nécessaire d’user des représailles et du talion ; 3/ si le vaincu s’est personnellement rendu coupable d’un crime capital [...] ». Martens cite comme crime capital, la désertion, ou la « violation des lois de la guerre ». Martens est surabondant ici. L’usage des représailles est une hypothèse de non respect du droit de la guerre. Schmaltz, idem. p. 231 : « La raison de guerre n’excepte de cette coutume que les cas où l’on ne peut faire des prisonniers sans compromettre sa propre sûreté, dans une surprise nocturne, dans un assaut où l’on pourrait craindre une méprise ou une attaque inopinée de la part des prisonniers eux-mêmes ». Nous rappellerons ici que Vattel lui-même a pris position en faveur de cet arbitraire caché derrière le masque de la raison de guerre et qui permet en cas d’« attentats dignes de mort » d’exécuter les prisonniers. Il étend d’ailleurs fort loin cet arbitraire. Lire, idem, Liv III, chap. VIII, § 147, p. 226, « Du droit de faire des prisonniers de guerre ») : « Mais tous les ennemis vaincus ou désarmés, que l’humanité oblige à épargner, toutes ces personnes qui appartiennent à la nation ennemie, même les femmes et les enfants, on est en droit de les arrêter et de les faire prisonniers, soit pour les empêcher de reprendre les armes, soit dans la vue d’affaiblir l’ennemi, soit enfin qu’en se saisissant de quelques femmes ou de quelques enfants chers au souverain, on se propose de l’amener à une paix équitable pour délivrer ces gages précieux. Il est vrai aujourd’hui entre les nations polies de l’Europe, ce dernier moyen n’est guère en usage. On accorde aux enfants et aux femmes une entière sûreté et toute liberté de se retirer où elles veulent. Mais cette modération, cette politesse, louable sans doute n’est pas en elle-même absolument obligatoire, et si un général veut s’en dispenser, on ne l’accusera point de manquer aux lois de la guerre ». Il évoque également la possibilité de mettre à mort les prisonniers de guerre en cas de « nécessité », voir idem, Liv III. chap. VIII, § 151, p. 230, exposé plus loin.
550 Schmaltz, idem, p. 231. Schmaltz rappelle l’obligation pour tout prisonnier de respecter les conditions dans lesquelles ils se sont rendus. Un manquement à la parole donnée libère l’autre partie de ses obligations. Il y a là une différence avec les règles du « droit civil » qui « n’autorise pas l’autre partie à s’en écarter de même, mais il admet alors une action tendant à en obtenir l’exécution ; or il est évident qu’une semblable action n’est pas praticable dans le droit des gens et que le droit naturel anéantit les droits de celui qui le premier a violé ceux d’autrui ».
551 Vattel, oc, idem, Liv III, chap. VIII. § 150, « comment on doit traiter les ennemis » : p. 228 : « On est en droit de s’assurer des prisonniers et pour cet effet de les enfermer, de les lier même, s’il y a lieu de craindre qu’ils ne se révoltent ou qu’ils ne s’enfuient, mais rien n’autorise à les traiter durement ». Pour Vattel, ce régime est soumis à exception en cas de comportements « coupables ». Il ajoute également, oc, idem, § 151, « S’il est permis de tuer les prisonniers que l’on ne peut garder ou nourrir », p. 229 : Dans l’histoire, cet usage a quelques fois été mis en pratique, mais « aujourd’hui la chose est sans difficulté, on renvoie ces prisonniers sur leur parole en leur imposant la loi de ne point prendre les armes jusqu’à un certain temps ou jusqu’à la fin de la guerre ». Cependant Vattel pose une exception à cette règle, idem, p. 230 : En cas de guerre contre une nation « féroce, perfide et formidable » et en cas risque pour sa sûreté, il est admis que l’on puisse attenter à la vie des prisonniers. Ainsi selon Vattel, « pour faire périr un grand nombre de prisonniers, il faut : 1 qu’on ne leur ait pas promis la vie ; 2 nous devons bien nous assurer que notre salut exige un pareil sacrifice ; [exemples cités par Vattel : Charles XII après la bataille de Narva* désarme les prisonniers et les renvoie ; Henri V d’Angleterre mettant à mort les prisonniers français après la bataille d’Azincourt] » et précise « la plus grande nécessité peut seule justifier une exécution si terrible et on doit plaindre le général qui se trouve dans le cas de l’ordonner ». Burlamaqui avait déjà évoqué cet exemple.
* Charles XII opposé au Duc de Croi, généralissime russe de l’armée de Pierre le Grand fit selon Voltaire entre 40 0000 et 72 000 prisonniers lors de cette époustouflante bataille.
552 De Real, oc, idem, chap. II. IV, p. 509. Evoquant le sort de Jeanne d’Arc, de Real indique précisément : « Le procès fait par un tribunal ecclésiastique et conséquemment incompétent, à la Pucelle d’Orléans « fut un violement du droit des gens ».
553 De Rayneval, oc, idem, chap. VII. § l, p. 229.
554 De Real, oc, idem, chap. II, VI, « A qui appartient la dépouille des prisonniers » p. 512 : « [...] la personne du prisonnier appartient au souverain. Son cheval, ses armes, son argent : en un mot sa dépouille appartiendrait aussi au souverain pour la même raison, mais les princes en réglant la police de leurs armées, ont accordé la dépouille à celui entre les mains de qui le prisonnier tombe. L’officier ou le soldat qui le prend, le remet au prévôt des armées ou aux gardes qui sont commandés pour cela, quand le nombre de prisonnier est grand ». Mais Schmaltz précise, idem. Liv VI, chap. III, p. 232 : « Les armes du prisonnier deviennent la propriété du souverain vainqueur ; ce que d’ailleurs on trouve sur eux tombe en partage à celui qui s’est rendu maître de leur personne. Cependant on doit leur laisser les vêtements qu’exigent la décence et le besoin ».
555 Schmaltz, idem, Liv VI, chap. III, p. 233 : « Il n’est permis de les incarcérer que lorsque la sûreté l’exige. Cet emprisonnement ne doit pas avoir toutefois le caractère d’une peine afflictive, ni être assez rigoureux pour nuire à leur santé ».
556 De Rayneval. idem, p. 229-230.
557 Schmaltz, oc, idem, Liv VI, chap. III, p. 234 : « Le vainqueur doit entretenir les prisonniers et subvenir à leurs besoins ; quant aux objets de luxe il n’est pas tenu de leur fournir » ; et p. 232 : « Les bénéfices que le prisonnier se procure par son travail et son industrie doivent rester entièrement à sa disposition, ainsi que tout ce qu’on lui fait passer de son pays ».
558 Kluber, oc, idem, § 249, p. 319.
559 Schmaltz, oc, idem, p. 232.
560 De Real avait déjà évoqué ce point. Voir de Real, oc, idem, chap. Il, VIII, p. 513 : « il a droit de se sauver à moins qu’il n’ait promis de ne pas le faire » et il précise : « Tant que le prisonnier est retenu par des liens physiques, il peut employer et l’adresse et la force pour échapper des mains qui l’ont pris ». De Real évoque « le droit qu’on tous les hommes de conserver et de recouvrer leur liberté » et seule la parole donnée fait exception car à « l’état de guerre », « un état de convention lui a été substitué ». Il cite comme exemples historiques « éclatants » : Regulus prisonnier de Carthage fût, sur sa parole donnée, renvoyé à Rome pour négocier un échange de prisonniers. Une fois, la convention établie, et malgré l’insistance du Sénat, il retourna à Carthage : « Je dois avoir égard à la bonne foi et à la majesté des dieux que j’ai pris à témoin du serment que j’ai fait à mes ennemis » ; le Roi Jean de France, prisonnier de l’Angleterre, rendu à la liberté par le traité de Brétigny. Des difficultés surviennent sur les conditions de sa libération, et le Roi de France se rend à nouveau aux Anglais. De Rayneval, idem. chap. VII. § 2, p. 230 : « un prisonnier, s’il est tenu en prison, a droit de s’échapper sans qu’il puisse être puni s’il est repris ». Schmaltz, idem, p. 233 : « Cependant on ne saurait imputer à tort à ces prisonniers de chercher à recouvrer leur liberté et leurs armes, lorsqu’ils ne sont pas liés par leur parole ou qu’un ennemi perfide ne remplit pas les conditions, soit générales, soit spéciales, auxquelles ils se sont rendus ».
561 De Rayneval, oc. idem, § 5, p. 241. Schmaltz, idem. p. 235 : « Des actes de cruautés exercées par l’ennemi sur nos prisonniers nous donnent le droit incontestable d’user de représailles, s’il ne reste pour l’avenir aucun autre moyen d’empêcher de semblables excès et de châtier particulièrement celui qui s’est rendu coupable s’il tombe entre nos mains ». L’un des exemples historiques les plus connus pour cette période est celle du massacre des prisonniers musulmans lors de la prise de Jaffa les 7 et 8 mars 1799. D’après le journal du lieutenant Laval, Teisseidre, 2000 : « On fit tout ce qui fut trouvé en armes prisonniers, et le lendemain on fut les fusiller dans le désert le long de la mer : leur nombre était de onze cent ». D’autres sources indique 4 000 et 5 000 morts mais ces chiffres correspondent beaucoup plus au nombre de tués lors de l’assaut et du pillage de la ville. Il doit être ici mentionné que le droit de représailles fût appliqué. Une demande de rédition de Bonaparte fut adressée au commandant de la place Abou Saab par le général Berthier et que l’émissaire turc chargé de cette missive fut mis à mort par les assiégés.
562 Ayala, oc, idem, Liv I, chap. V, § 29 à 32, p. 46 et ss.
563 Gentili. oc, idem, Liv II, chap. XV, p. 327. Il traite ici de l’hypothèse de la libération sous condition d’un prisonnier avec échange et examine le cas de la mort fortuite de la personne devant être échangée contre le prisonnier de guerre. Les règles du droit civil sont évoquées. Guichardin, Bartole, Balde, Alciat, Covarruvias, Plutarque et Bodin sont cités. Voir notamment (p. 330) l’hypothèse de la personne qui mise à l’échange, meurt avant la libération du prisonnier : « Dans le cas d’un achat, l’objet qui est vendu est au risque de l’acheteur dès que le prix est agréé, et ce tant bien même que le produit en cause ne lui a pas été livré. Et en conséquence la même [solution] doit être vraie pour la rançon d’un captif. Aussi dans le cas d’un échange, si je vous ai donné quelque chose à la condition que vous me donniez quelque chose, la chose dont vous avez l’obligation de me remettre, est à mes risques comme la loi l’indique. ». Et, Et p. 331, 332 : « J’ajoute que de la même manière selon le droit et les juridictions canoniques [« iure canonico et in canonico foro »], tous les contrats sont conclus de bonne foi [...]. De la même manière avec les soldats, le droit des gens ou le droit naturel [« aequitas naturalis »] est observé sans la rigidité du droit civil selon l’opinion de tous les commentateurs ».
564 Grotius, oc, idem. Liv III, chap. XIV, IX, 1, p. 748 : « Mais dans les nations chez lesquelles ce droit d’esclavage venant de la guerre n’est pas en usage, le meilleur sera d’échanger les prisonniers ; le mieux ensuite de les renvoyer pour un prix raisonnable. Quel doit être le prix ? On ne peut le déterminer d’une manière précise, mais l’humanité enseigne qu’il ne doit pas être élevé au delà d’une somme que le prisonnier ne puisse payé sans manquer des choses nécessaires [...] ». En cas de rançon promise, Grotius parle d’« hôte de guerre » et non plus au sens strict de prisonnier. Il indique que Mariana précise que ce prix est fixé chez les espagnols au début du xvème siècle, au quart de la solde annuelle. Grotius traite plus longuement de la rançon, dans ce même livre, chap. XXI, XXIII à XXX p. 818 à 820. Il étudie ici les questions relatives à la non possibilité de « rescinder » le prix de la rançon, c’est à dire de le modifier ; au droit pour le capteur de fouiller le prisonnier mais de ne pas pouvoir se considérer comme propriétaire des choses que le prisonnier aurait cachées à ses ravisseurs ; à la transmission pour cause de mort du prix de la rançon, et comme chez Gentili de l’hypothèse de la mort de la personne devant être échangée avec le prisonnier. Sont cités ici sur l’ensemble de ces points Lactance et Ambroise.
Zouche, oc, idem, Part II, sect IX, 4, p. 147 : « Si un soldat d’un rang inférieur peut être échangé contre un soldat de rang supérieur ? ». John James Trivulzio, « un homme éminemment versé dans la discipline militaire », Paris de Naples et Alciat sont cités. Trivulzio indique que le fait d’être inscrit au rôle des troupes donne titre de noblesse et qu’un soldat enrôlé peut être échangé contre un soldat de rang supérieur. Zouche évoque ici une hypothèse de demande d’échange faite entre un soldat français et un enseigne de cuirassiers. Ce dernier refusait le principe de l’échange eu égard à la différence de rang et de qualité. Paris de Naples indique que si il y a 4 quartiers de noblesse, tout noble peut être échangé qu’elle que soit la condition du prisonnier fût il « duc ». Alciat a une position différente et classe la qualité des soldats en trois catégories : « illustre » ; « excellent » ; « honnorable ».
Textor, oc, idem, chap. XVIII, 50, p. 194. Pour Textor, c’est désormais chez les chrétiens, l’usage de la rançon qui prévaut ou de l’emprisonnement.
565 Wolff, oc, idem, Liv IX, chap. VIII, § VII, p. 310.
566 Wolff, oc, idem : « Lorsqu’il existe un cartel de rachat, les prisonniers doivent être rendus au prix dont on est convenu ».
567 Wolff, oc, idem, Liv IX, chap. VIII, Idem, § XXXIV, p. 318-319.
568 Vattel, oc, idem, Liv III, chap. XII, § 279, p. 333 : « le droit d’exiger une rançon peut se transférer ». Celui qui fait le prisonnier « ne doit point transférer son bon droit d’une manière illimitée à quelqu’un qui pourrait en abuser ». Vattel ajoute, idem, § 280, p. 333 : « De ce qui peut annuler la convention faite pour le prix de la rançon » qui implique que dès que l’accord est conclu la rançon est « un contrat parfait ». « On ne peut le rescinder sous prétexte que le prisonnier se trouve plus riche qu’on ne le croyait ». Le prix de la rançon n’a pas à être « proportionné aux richesses du prisonnier ». Vattel précise également que si la personne a « celé », c’est à dire « déguisé » son rang, ce fait constitue une faute qui permet de reconsidérer le montant de la rançon. Sur la circonstance du décès du prisonnier, Vattel évoque quatre cas de figure, idem, § 281 p. 333 : 1. Celui « d’un prisonnier mort avant que d’avoir payé sa rançon » : dès qu’il a été libéré, le prisonnier doit sa rançon, et s’il meurt libre, ses héritiers se trouvent obligés ; 2. Si on l’avait libéré sur parole pour qu’il trouve les moyens nécessaires à sa rançon et qu’il meurt durant cette recherche, la rançon demeure due ; 3. Si la libération est conditionnée à la réception du montant de la rançon et si le prisonnier meurt avant que cette somme ne lui soit livrée, la dette n’est pas due : « Une promesse de vendre et d’acheter n’oblige point le prétendu acheteur à payer le prix de la chose, si elle vient à périr avant que la vente soit consommée » ; 4. Enfin, « Si le prisonnier meurt le jour où la rançon devait être payée, la somme est due par ses héritiers ». Vattel va largement développer le contenu de ce droit conventionnel. Lire, idem, Liv III, chap. XII, § 278, « Des conventions qui concernent le rachat des prisonniers », p. 332. Pour Vattel, il y a une obligation générale de respecter le cartel « ainsi que toute autre convention ». Il traite également du cas « D’un prisonnier relâché à condition d’en faire livrer un autre » (§ 282, p. 334-335) et évoque enfin comme Wolff, la possibilité d’une double rançon quand le prisonnier a été pris deux fois (§ 283, p. 335 : « de celui qui est pris une seconde fois avant qu’il ait payé sa première rançon »). Enfin, comme Grotius et Wolff, « Si l’ennemi n’a point dépouillé son prisonnier, ou que celui-ci ait trouvé le moyen de soustraire quelque chose à ses recherches, tout ce qu’il a conservé lui appartient et il peut s’en servir pour le paiement de sa rançon ».
569 Vattel Liv III, chap. VIII, § 153, « De l’échange et du rachat des prisonniers », p. 233.
570 Vattel Liv III, chap. VIII, § 154, p. 234.
571 Vattel, oc, idem, Liv III, chap. VIII, § 150 et § 151, p. 228 et p. 229. Vattel cite l’exemple historique lors de la guerre de 1741 à 1748, d’un corps de troupes français prisonniers à Lintz renvoyé en France sous condition de ne point porté les armes contre l’Autriche. Le nombre de cas pratiques de libération sur parole accordée est extrêmement élevé au dix-huitième siècle et même durant les guerres de l’Empire.
572 De Real, oc, idem, chap. II, IV, p. 509.
573 De Real, oc, idem.
574 De Real, oc, idem, chap. II, VI, p. 512 ; VII, p. 513 et IX, p. 515. De Real cite ici Pufendorf* pour qui « la convention cesse dans le cas d’une nouvelle guerre défensive » car survient là l’hypothèse de « nécessité extrême ». De Real s’oppose à Pufendorf, car selon lui « agir sur d’autres principes, ce serait exposer l’État à d’étranges représailles, en éludant des conventions qui établissent une sorte de commerce dans la manière de faire la guerre et qui doivent être religieusement observées ». De Real indique se ranger derrière Grotius et derrière le « judicieux commentateur de Grotius et Pufendorf ». Barbeyrac.
*oc, idem, chap. VII, p. 475. Il est très rare que de Real mentionne des juristes du droit international.
575 De Real, oc, idem, chap. III, sect III, VI « Définitions des cartels faits pendant la guerre », p. 601. « Les conditions du cartel sont ordinairement d’échanger dans la quinzaine, les prisonniers de même grade, [...] homme par homme et de payer une certaine somme pour la rançon des prisonniers en échange desquels on ne pourra en donner d’autres ». « On règle ordinairement à un mois de solde, de gages, d’appointements celles des officiers particuliers et des soldats* ». Il ajoute, idem, p. 601-602 : « Quelques fois les deux puissances belligérantes conviennent de se rendre actuellement les prisonniers faits par le passé et qu’elles se rendront aussi à l’avenir ceux qui seront faits dans la suite, en se donnant réciproquement des reconnaissances du nombre et de la qualité de ceux qui seront rendus, sans stipuler aucune rançon en faveur de la nation qui en fera le plus, et c’est ainsi qu’en ont usé les espagnols et les anglais dans la dernière guerre »**.
* De Real donne à titre d’exemple les sommes de 50 000 livres pour un général d’armée et 25 000 livres pour un lieutenant général.
** Convention du 23 février 1742 entre Campoflorido pour l’Espagne et Thomson pour l’Angleterre. Lire également, idem, VII, « Ce qu’est que les cartels faits pendant la paix », p. 602 : « Ce sont des actes par lesquels les deux États contractants conviennent de se rendre réciproquement leurs déserteurs ». Voir IIème partie. IIème sous partie, chap. I, section préliminaire, n° 313 et 314 et section I, n° 315.
576 Martens, oc, idem, Liv VIII, chap. IV, § 275, p. 187. Il évoque le cartel et la libération sur parole sans aucun développement.
577 De Rayneval, oc, idem, chap. VII, § 5, p. 233. Passage déjà cité.
578 De Rayneval, oc, idem, chap. VII, § 2, et 3, p. 230. De Rayneval cite l’exemple historique tiré du livre de Burn dans son ouvrage, The justice of the peace and parish officer, London, 1800, et cite l’extrait suivant : « Un prisonnier de guerre quoiqu’il ne soit pas proprement dit soumis à la loi municipale, est cependant soumis aux cours ordinaires de justice comme toutes les autres personnes dans le même cas s’il commet une offense contre la loi des nations, ou contre la raison naturelle et les lois fondamentales de l’ordre social ». Est citée l’histoire d’un certain Pierre Molière, prisonnier français en Angleterre en 1758 et accusé d’avoir volé un joaillier. Il lui fut refusé de lui appliquer le droit local. Le juge demanda l’acquittement qui fût accordé.
579 De Rayneval, oc, idem, chap. VII, § 4, p. 233. Il rappelle à la façon de Vattel les principes suivants : Obligation stricte pour le prisonnier d’exécuter scrupuleusement la convention ; La mort du prisonnier avant la remise de la rançon n’oblige pas au règlement ; en cas de décès après libération, la rançon est due ; En cas de reprise du prisonnier par les siens après libération, la rançon est également due ; En revanche, si la reprise par les siens a lieu avant la libération, la rançon ne peut être exigée.
580 De Rayneval, oc, idem, chap. VII, § 8, p. 235-236 : Sur « l’état civil du prisonnier », il évoque deux hypothèses : si le prisonnier est libéré sur parole, « il rentre dans la pleine jouissance de tous ses droits de citoyens, car il cesse d’être prisonnier », mais s’il se trouve libéré sur parole avec condition de se présenter sur simple requête : il reste prisonnier et « est censé appartenir à l’ennemi ». « Dans ce cas l’exercice de ses droits politiques est nécessairement suspendu. ». De Rayneval s’interroge aussi sur les délits commis avant d’avoir été fait prisonnier : « un prisonnier [...] peut être traduit en justice pour des délits antérieurs à son état de prisonnier », « [...] l’exercice de la souveraineté est suspendu à son égard, comme l’est celui de ses droits politiques ». De Rayneval évoque le cas d’un général qui a manqué à son devoir en perdant une bataille, ou en rendant trop hâtivement une place forte, et devient prisonnier. Cet officier quoique libre sur sa parole, ne peut être traduit devant un conseil de guerre, et la faculté de le juger sur ces inculpations, ne commence qu’au moment où il rentre dans ses droits de citoyens, en vertu du droit de postliminie ». Sur le droit de postliminie, voie IIème partie, IIème sous partie, chap. II, § II, A, n° 372.
581 Schmaltz, oc, idem, Liv VI, chap. III, p. 233 et p. 2.34 : « Souvent même on les échange en pleine guerre, soit séparément soit en masse. Il n’est plus d’usage d’exiger une rançon pour un individu ; mais il y a des exemples que dans un échange général, homme par homme, et grade par grade, que l’on est convenu d’une certaine somme payable pour le nombre d’hommes excédant et selon leur grade ».
582 Textor, oc, idem, chap. XVIII, 51, p. 195, indiquait que la fin de la captivité du prisonnier de guerre cessait selon 5 modes : 1 la mort ; 2 la libération avec ou sans conditions ; 3 la rançon ; 4 l’échange en nombre ou en rang égaux ; 5 l’évasion en précisant qu’en cas de parole donnée de ne pas s’échapper, « Il [le prisonnier] est soumis à sa parole ». Klüber, oc, idem, § 249, p. 319, précise que la liberté du prisonnier peut se recouvrer par : l’entrée volontaire au service militaire de l’ennemi ou qu’ils s’y soumettent d’une manière quelconque ; la libération sous condition de ne plus servir ou de se présenter sur requête ; par échange ; par la rançon ou l’enlèvement de force ; par la fuite ; par la paix. Kluber précise également que « les officiers sont assez souvent relâches sur parole » et que (p. 320-321) « Lorsqu’un prisonnier s’est enfui, et qu’il est repris postérieurement comme combattant légitime, l’usage est de ne pas le punir s’il est simple soldat, et de l’emprisonner s’il est officier ». Sont cites ici par notre auteur : Bienner C. G, De statu et postliminio captivorum in bello solemni imperii cum Gente extranea, Leipzig, 1795 ; Tilesius Barth., Diss de redemptione militum captivorum, Regiom, 1706 ; Schneider Jo. Friedrien, Diss de permutatione captivorum, Hal. 1713 ; Hertius Jo. Nic, Diss. De Lyro, Giess. 1686 ; Hochstetter A. A, Diss. de pretio redemptionis, Tub. 1604 ; Stockmeyer R. F, Von der loslassung gefangenen auf sein erhenwort, Tubingen, 1761.
583 Comme au xviiième siècle, le droit moderne exclue du champ d’application du régime des prisonniers de guerre, le combattant irrégulier, l’espion et le déserteur. Le champ déjà large au début du xixème siècle, va s’étendre aux fil des conventions citées au lieu de détention, au travail des prisonniers, déjà évoqué par de Rayneval et admis conventionellement, et principalement au régime disciplinaire et pénal (art 89 de la IIIème convention). Les conditions de vie, de subsistance, la liberté sur parole, le droit à l’évasion, inclus dans le droit actuel, sont acquises dès le xviiiième.
584 Voir Ière partie, II sous partie, chap. II, section préliminaire, p. 355 et ss.
585 Vitoria, Secunda relectionnes, de jure belli, 36. Ici Vitoria traite des protections à accorder aux femmes, et aux enfants dans les guerres faites contre les Turcs, et dans les guerres entre Chrétiens, celles bénéficiant aux fermiers, civils, étrangers, et membres du clergé. Ayala adopte une position remarquable sur cette question. Citant Cicéron, Quinte Curce, Macrobe, il n’évoque pas particulièrement les privilèges à accorder à telle ou telle catégorie de personnes mais tend à poser des règles générales. Il ouvre ainsi la voie à une généralisation du jus in bello finitum des personnes. Voir, oc, Liv II, chap. IV « Utrum lenitate et benevolentia : an vero severitate et facuita plus proficet impérator », et idem, § 10 « benevolentia etiam apud hostes multum potest », p. 129. Ayala déclare : « Du reste, la gentillesse et l’humanité ne sont pas seulement un progrès [prodest] pour les militaires et les civils, mais aussi un très grand avantage pour les ennemis [...] ». Gentili traitant « Des cruautés sur les prisonniers et les captifs » évoque six cas de situations et de personnes bénéficiant de protection ou de garantie particulière. Voir, oc, idem, chap. XX, p. 401 sur les « suppliants » : « Du reste, ceux qui supplient [pour avoir la vie sauve] le font au regard de la commune nature [« communionem naturae » existant entre les hommes] et cette communauté demeure toujours [« quae communis manet semper »] si les hommes sont des hommes et non des bêtes ». Balde est ici cité ; chap. XXI, p. 409 sur les « femmes » et les « enfants » ; et chap. XXII, p. 427, relatif aux « fermiers, commerçants, pèlerins » : « Nous stipulons à nouveau que les prêtres, les moines, les convertis, pèlerins, commerçants et fermiers, allant et venant pour vivre de l’agriculture, et les animaux qui labourent ou apportent les semences aux champs devront tous bénéficier d’une sécurité convenable [« congrua securitate latetur »] ».
586 Grotius, oc, idem, liv III, chap. XI, VII, 4, p. 713 ; IX, p. 713 ; Χ, XI, XII, p. 715-717. Sont évoqués ici les ministres des cultes, les gens de lettres, les laboureurs, les marchands et « leurs semblables ». Tite Live, Polybe, Pline, Senéque, Josèphe, Salluste, Thucydide, Diodore, Ovide, Cicéron, Virgile, Xénophon, Quinte Curce sont cités par Grotius et seuls le Digeste, Aristote, Cicéron et Vitoria sont mentionnés d’un point de vue strictement juridique et non historique.
587 Grotius, idem, XIV, 1, p. 718 et XV, p. 719. Passage déjà cité.
588 Zouche, oc, idem, Part II, sect X, 15, p. 193 : « sur la mise à mort des femmes et des enfants », et idem, 18, p. 194 : « si les prêtres pris à la guerre peuvent être traités avec une très grande sévérité ? ». Textor, oc, idem, chap. XVIII, 22, p. 188-189 : sur ceux qui se rendent. Passage déjà cité.
589 Moser, oc, idem, Liv II, chap. VI, § 14 à 20, p. 98-100.
590 Burlamaqui, oc, idem, chap. VI, § 9, p. 91 : « On ne doit pas directement et de propos délibéré ôter la vie, ni aux prisonniers de guerre, ni à ceux qui demandent quartier, ni à ceux qui se rendent, moins encore aux vieillards, aux enfants [...] ». Vattel, oc, idem, Liv III, chap. VIII, § 146, p. 225 : « des ministres de la religion des gens de lettres, etc » ; « [...] comme ils n’opposent point la force ou la violence à l’ennemi, ils ne lui donnent aucun droit d’en user contre eux ». Mais « lorsqu’ils combattaient, ils ne prétendaient pas être inviolables ». Idem, § 147, p. 225 : « Des laboureurs et en général de tout le peuple désarmé » ; « Grotius allègue l’exemple de divers peuples et de grands hommes de guerre qui ont épargné les laboureurs en considération de leur travail utile au genre humain ». Sous réserve de se soumettre aux obligations imposées par l’ennemi, « ils n’ont rien à craindre du fer de l’ennemi ».
591 Burlamaqui, oc, idem. Ce passage est la fin du texte indiqué dans la note précédente.
592 De Real, oc, idem, chap. II, sect° VI, les « lois de la guerre », sect° VI, V, p. 442. De Real précisant qu’il faut « n’attenter ni à la vie ou à la liberté de l’ennemi et ne lui nuire que dans les règles de l’art », précise également (idem, sect° VII, p. 451) qu’on ne peut pas « verser le sang humain sans nécessité ». De Real précise « on ne doit pas ôter la vie à ceux qui se sont rendus, ni à ceux qui demandent quartier, ni à ceux qui ne sont pas assurés ou qui par la faiblesse de l’âge ou du sexe, ne peuvent faire aucune résistance ». L’exemple de Titus faisant tomber le siège de Jérusalem et ordonnant à ses troupes de ne pas mettre à mort les femmes et les personnes sans armes, est évoqué par de Real citant l’Histoire des juifs de Josèphe.
593 Vicat, oc, idem, § 151, p. 80-81.
594 Martens, oc. idem, Liv VIII, § 272, p. 180. Passage déjà cité.
595 Schmaltz, oc, idem, Liv VI, chap. III, p. 229.
596 Klüber, oc, idem, § 246, p. 317. Sont cités Jean Jacob Moser, Jo. Mar Lampredi, De licentia in hostem contre coccejum, Florence, 1761 et Kamptz.
597 Klüber, oc, idem, § 247, p. 317-318. Vattel et Moser sont cités ici en annotation par Ott.
598 Ayala, oc, idem, Liv I, chap. V, § 25, p. 45 : « Bien sur, la sévérité envers les femmes et les jeunes a toujours été reconnue comme très honteux ; leur sexe et âge les exemptent des hasards des combats et de la rage des conquérants ». [« Certe facuire in foeminas, vel pueros, admodum foedu semper habitum suit : quos sexus ipse, et aetas, periculis bellorum, et facuitiae victorum eximit »]. Pour Panorminatus, ces usages sont aujourd’hui abandonnés à l’égard des marchands, prêtres et à l’égard des civils d’une manière générale. Ayala déclare ne pas suivre cet auteur. Ayala indique par ailleurs que les femmes peuvent être faites prisonnières et évoque le cas de l’épouse de Darius, de Sophonisha, femme de Syphax et Cléopatre.
599 Gentili, oc, idem, Liv II, chap. XXI, p. 409 : « Méritant sont ceux qui toujours épargnent les enfants et aussi les femmes. Sénèque dit que les femmes ne peuvent pas prendre le nom d’ennemi. Un autre auteur écrit « le sexe est sans expérience à la guerre et ignorant des armes. F.t donc les femmes, parce qu’elles ne peuvent porter les armes sont traitées comme les prêtres et excluent des liens féodaux ». « Je ne revêts pas mon armure de guerre avec les prisonniers et les femmes : il doit être armé celui que je hais, dit Alexandre ». Gentili évoque ici également es vieillards. A la fin de ce chapitre, Gentili traite très audacieusement évoque les violences de guerre faites aux fous (« furiososum ») et aux somnambules (« dormientium »). Alciat, Bartole et Balde sont ici cités.
600 Wolff, Liv IX, chap. VIII, § XXI, p. 315.
601 Vattel, oc, idem, Liv III, chap. VIII, § 143, p. 225-226. Vattel précise que « La loi militaire suisse qui défend de maltraiter les femmes, excepte formellement celles qui auront commis des actes d’hostilités ». Simler, de republ. Helvet. sl, sn, sd est cité. Voir également sur cette question Zouche, oc, idem, sect X, 16, p. 193 : si les « femmes armées qui font le travail des hommes peuvent être tuées ? ».
602 Burlamaqui. oc, idem. chap. VI, § 7, p. 89-90.
603 Grotius. oc, idem, Liv III, chap. IV, XIX, p. 636 : « Vous pouvez lire dans maints passages que les viols commis sur les femmes dans la guerre sont et permis et non permis. Ceux qui les ont permis ont considéré l’injure seule à la personne d’autrui, estimant qu’il est du droit des armes de l’exposer à toute espèce d’hostilités. Les autres pensent mieux, qui considèrent ici non pas seulement l’outrage, mais encore l’acte lui-même de passion brutale et qui remarquent que cet acte n’a de rapports ni avec la sécurité, ni avec la punition et que par conséquent, il ne doit pas plus dans la guerre que dans la paix être impuni. C’est cette dernière opinion qui est la loi des nations, non de toutes mais des meilleures ». Sur le droit de tuer femmes et enfants, Grotius louvoie même dans ses tempéramenta, oc, idem, Liv III, chap. IV, IX, p. 628-629 : « Au reste pour revenir à mon sujet, on comprend jusqu’où s’étend cette licence, par ce fait que le massacre des enfants et des femmes a lieu aussi avec impunité et qu’il est compris dans ce droit de la guerre ». Passage déjà cité.
604 Zouche, Part II, sect X, 15 et 17, p. 193 et 194. Zouche cite Grotius, Gentili, et Curtius. Textor, oc, idem, chap. XVIII, 30, p. 190.
605 Burlamaqui, oc, idem, chap. VI, § 9, p. 91. Vattel, oc, idem, Liv III, chap. VIII, § 143, p. 226. De Real, oc, idem, chap. II, Sect° VI, IX, p. 452.
606 Vicat, oc, idem, chapitre X, p. 74.
607 Klüber, oc, idem, § 244, p. 315.
608 Vitoria, oc, idem, 36 : « Sur ce principe il suit qu’il n’est pas légitime de rendre esclaves les étrangers ou invites qui séjournent en territoire ennemi, car ils sont présumés innocents et en vérité ils ne sont pas ennemis ». Gentili évoque les pèlerins et commerçants « allant et venant » et non au sens strict les étrangers. Voir oc, idem, chap. XXII, p. 427.
609 Grotius, oc, idem, chap. XI, XII, p. 717, indique que « le Canon ajoute les marchands », c’est à dire « ceux qui séjournent temporairement sur le territoire ennemi mais aussi des sujets perpétuels, car leur vie n’a point de rapport avec les armes [...] ».
610 Wolff, oc, idem, § XII, p. 312.
611 Burlamaqui. oc, idem, chap. VI, § 6, p. 89.
612 Klüber, oc, idem, § 247, p. 317. Moser et Bynkershoek sont ici cités. Klüber évoque également l’article 2 du traité franco anglais de 1786 et l’ordonnance danoise du 7 septembre 1813.
613 Nous faisons ici remarquer que la doctrine tardive va avec Martens, considérer que le recours à la garantie par otage n’est plus d’usage pour les traités de paix mais qu’il y est fait recours jusque dans les années 1800-1820, pour les conventions de guerre.
614 Les premières traces historiques remontent à l’antiquité grecque. L’exemple classique est le suivant : Une Cité prend connaissance qu’un homicide a été commis dans ses murs par un habitant d’une autre Cité et que son auteur en fuite a rejoint sa Cité. Pour contraindre l’autre Cité à faire justice et rendre l’auteur de l’homicide, la Cité de la victime se saisit d’otages, citoyens de la Cité du criminel, et exige qu’elle lui livre l’auteur du crime, sous peine de mettre à mort ces otages. La prise d’otage est donc une voie d’exécution par la force d’un conflit de droit pénal international. La contrainte par corps est l’objet même de cette voie d’exécution. Voir Grotius, oc, idem, Liv III, chap. II, III, 1, p. 607. Grotius précise que Démosthène indique qu’il est possible dans un tel cas, de se saisir de trois personnes pour un homicide.
615 Vitoria, oc, idem, 43. « Si les otages pris à l’ennemi en temps de trêve ou à la fin de la guerre peuvent être mis à mort dans l’hypothèse où l’ennemi renie son engagement ou ne se soumet pas à ce à quoi il avait donné son accord ». Ayala, oc, idem, Liv I, chap. IV, § 1 à 10, p. 29 à 32.
616 Grotius, idem, III, 4, p. 608.
617 Notamment Bartole, oc, de repressal. Balde, III, Cons. LVIII, et Withermann.
618 Vitoria, oc, idem, 43, « Ma réponse tient en une seule proposition : si les otages sont sous d’autres rappports parmi les coupables, comme par exemple parce qu’ils ont porté les armes, ils peuvent justement être tués dans un tel cas ; si au contraire ils sont innocents, comme par exemple, s’ils sont des enfants ou des femmes ou d’autres gens innocents, il est évident parce qui a été dit qu’ils ne peuvent pas être tués ». Ayala, oc, idem, Liv I, chap. IV, § 1 à 10, p. 29 à 32. Ayala considère que par principe la saisie de personnes innocentes est non légitime mais que par exception il est admis qu’ils puissent être mis à mort. Voir, idem, § 6 et 8, p. 31 et 32. Covarruvias est cité de même que saint Augustin et saint Ambroise. Gentili, oc, idem, Liv II, chap. XIX, p. 398. « Cependant, Jean Bodin dit que la coutume de mettre à mort les otages cesse à partir du moment où la foi est méprisée sous entendant qu’aujourd’hui de telles tueries barbares faites sur des otages innocents ne devraient être perpétrées habituellement que si le manquement à la foi donnée était puni de la même manière. Mais je pense au contraire que la foi cesse d’être conservée après qu’il soit devenu coutumier de pardonner la punition de la perfidie et d’autoriser les fautifs à échapper à leur peine » [« At ego contra putem, desitum esse, seruari fidem, postquam omitti vindicatio perfidiae coepta est »]. Zouche, oc, idem, Part II, sect IX, 52 à 53, p. 181 et 182 ; et sect X, 14, p. 192 : « Si les otages peuvent être tués par la faute de ceux qui les ont remis ». « Gentili indique que même si les otages sont innocents de toute offense, il est juste et avantageux des deux côtés que les otages soit punis ». Grotius est également cité.
619 Grotius, oc, idem, Liv III, chap. IV, XIV, p. 631 : « Le même droit [de mettre à mort] était aussi exercé sur les otages et non seulement sur ceux qui s’étaient remis eux-mêmes entre les mains de l’ennemi par une espèce de convention, mais encore ceux qui avaient été livrés par d’autres ». Grotius interdit cependant selon le droit interne un tel procédé (Voir, oc, idem, chap. XX, LIII, p. 806).
620 Textor, oc, idem, chap. XVIII, 25, p. 189. Grotius dans le chapitre II, Liv II, § XVIII, p. 194, soutient selon Textor, que « la propriété [et donc pour Textor le droit à la vie] dans la vie d’un homme est placé en Dieu et ne peut être prise à Lui en raison d’un consentement ou d’un accord existant entre les hommes » [« Recte ici negat [Grotius], ex ratione quod dominium in vitam hominis Deo exceptum it neque adimi debeat ex consensu vel pacto privatum »]. Pour Textor, cette position est celle des « post glossateurs » et de Felinus, Cino et Salicetti. Le passage de Grotius cité par Textor ne vise pas au premier chef le droit sur la vie. Il y développe des idées brillantes sur le « droit commun d’action », avec ou sans le consentement d’autrui relativement aux « biens » et que la vie exige absolument, aliments, remèdes, et vêtements. Textor considère enfin que les lois divines ne peuvent s’imposer aux usages et coutumes entendus comme droit volontaire et humain. Rocco Corti, Menochius, Covarruvias, Decio sont ici cités.
621 Vattel, oc, idem, Liv II, chap. XVI, § 245, p. 39. Sur la notion d’otage-garantie, voir notre IIème sous partie, chap. I, sect I, § I, A, p. 721 et chap. II, sect I, § I, A, n° 362, p. 814.
622 Vattel, oc, idem, Liv II, chap. XVI, § 246 et 247, p. 40 et 41.
623 Vattel, oc, idem, Liv III, chap. VIII, § 147, « Des laboureurs et en général de tout le peuple désarmé », p. 225 : « S’il a quelques raisons de se défier des paysans et des bourgeois, il est en droit de les désarmer et d’exiger d’eux des otages et ceux qui veulent s’épargner les calamités de la guerre, doivent se soumettre aux lois que l’ennemi leur impose ». Voir également idem, chap. XVII, § 286, p. 336 en cas de garantie sur l’échange de prisonnier et dans la cas où ce dernier viendrait à mourir.
624 De Real, oc, idem, chap. III, sect VIII, VIII, p. 670-674.
625 De Real, oc, idem, p. 674. Nous indiquerons que de Real insiste également sur le formalisme devant présider à la libération des otages. Au § 9, p. 674 et ss, il décrit avec précision les conditions de la libération des deux fils puînés de François Ier (François Ier préféra ces otages au Dauphin de France) et de « six seigneurs françois » qui selon les stipulations du traité de Madrid, avaient été donnés en otage à Charles Quint en échange de la libération de François 1er lui-même, prisonnier de guerre après la bataille de Pavie et de la remise de la Bourgogne. L’échange se fit par barques sur la Bidassoa.
626 De Real, oc, idem, chap. II, IV, p. 509 : « Quand on fait l’échange des prisonniers, chaque puissance laisse ordinairement entre les mains de l’ennemi des otages pour la sûreté du paiement des dettes ».
627 Vicat, oc, idem, chap. XVII, « des otages », § 193, p. 105 et § 194, p. 105. Vicat précise ici, idem, § 196, p. 106, que la même solution doit prévaloir, si c’est la nation de l’otage qui « vient à manquer à quelques conventions faite avec nous ». C’est de la sorte la notion de représailles qui resurgit ici.
628 De Rayneval, oc, idem, chap. VIII, des otages, § 1, p. 237 : « Les otages sont une espèce particulière de prisonniers ». Est otage, « le sujet mis au pouvoir de l’ennemi pour la sûreté des engagements pris pour lui ». Pour notre auteur, idem, § 3, p. 238, les nations sont en devoir de libérer les otages qui servent à l’exécution des engagements qu’il a pris, de sorte que lorsque la cause de l’engagement cesse, la libération de l’otage est de droit. En cas de manquement à l’engagement, p. 239, « le manque de parole établit l’état de guerre » et l’otage devient alors prisonnier de guerre. Il affirme enfin, § 4, p. 239, l’interdiction de les mettre à mort. S’il y a manquement de leur nation aux engagements pris, « l’humanité réclame ici tous ses droits [...] ».
629 Martens, oc, idem, § 296, des otages, p. 224. Martens indique que pour ces prises faites volontairement ou de force et servant de gage à l’observation des conventions, « les mœurs des nations civilisées respectaient depuis longtemps le sexe et même ordinairement l’infirmité de l’âge ». L’otage a droit de s’évader au risque d’être considéré comme transfuge. Van Steck, De foemina obside, Observ. Subsec, sl, sn, sd ; Breuning C. H, de Fuga Obsidum, Lipsiae, 1766 sont cités. Si la condition de la remise d’otage est survenue, il faut les libérer avec passeports. En cas de non respect des conditions, « il est permis de les traiter durement, mais le droit des gens positif ne permet pas de les faire mourir, excepté les cas de crime ou de représailles ».
630 Schmaltz, oc, idem, Liv II, chap. III, p. 65-66.
631 Klüber, oc, idem, II partie. Titre II, sect I, chap. II, § 155 et 156, p. 200 à 202. Voir notre IIème sous partie, chap. I, sect I, § I, A, p. 721 et chap. II, sect I, § I, A, n° 362, p. 814.
632 De Real, oc, idem, chap. II, V, p. 510. Le sénéchal de Forcalquier s’appuie sur le cartel de Francfort sur le Mein du 18 juillet 1743 qui en 48 articles, évoque et règle ces questions. Il cite notamment les articles 36 : les « volontaires sans grade sont renvoyés sur le champ, ceux qui ont des grades seront échangés et donc considérés comme prisonniers de guerre ; 37 et 38 : ne sont pas considérés comme prisonniers de guerre : prévôt et ses lieutenants, officiers et gardes de la connétablie, le « stab auditeur », « directeurs, secrétaires et chancellistes des chancelleries », « secrétaire des généraux et intendances, des trésoriers, commissaire général, aumôniers, ministres, maîtres des postes, courriers, postillons, commis, médecins, chirurgiens, apothicaire, directeurs et officiers servant dans les hôpitaux, écuyers, maîtres d’hôtel, valets de chambre » : et 42 : « les malades de part et d’autre ne seront point fait prisonniers ». De Réal rappelle que le cartel prévoit que des passeports seront donnés pour que ces personnes soient renvoyées « par le plus court chemin et sans pouvoir être troublées ni arrêtées ».
633 Martens, oc, idem, Liv VIII, § 272, p. 180 (suite d’un passage déjà cité) : « Mais comme dans les guerres de nations à nations aucune n’est autorisée à punir son ennemi légitime, le droit de le blesser et de le tuer ne repose que sur celui de vaincre sa résistance qu’il nous oppose ou de repousser son attaque ». « C’est pourquoi la loi naturelle défend d’un côté, de blesser ou de tuer ceux qui de leur personne ne prennent point une part active aux hostilités : on doit donc épargner 1° les enfants, femmes, vieillards et en général tous ceux qui n’ont point pris les armes ou commis des hostilités [...] » ; 2° ceux qui sont à la suite de l’armée, amis sans être destinés à prendre part aux violence, tels que les aumôniers, les médecins, les chirurgiens, les vivandiers auxquels l’usage ajoute [...] ». Voir également, idem, § 276, p. 189. Passage déjà cité en partie.
634 Schmaltz, oc, idem, Liv VI, chap. III, p. 230.
635 Klüber, oc, idem, seconde partie, titre II, sect II, chap. I, § 247, p. 318. Klüber et Schmaltz insistent sur l’idée qu’une telle protection implique la stricte réciprocité et l’application bilatéral de cet usage.
636 De Real, oc, idem, chap. II, Sect ° VII, « Des hérauts, des trompettes et tambours » p. 486. Idem, II, p. 486 : De Real évoque les « caduceateurs », qui sont comme les féciaux romains. « Ces hérauts étaient comme une espèce de sauvegarde qu’on donnait aux ambassadeurs qui allaient en pays ennemis ». Puis il précise, XII, p. 499-500 : « Par le droit de la guerre, les hérauts, trompettes et tambours [...] jouissent de la protection du droit des gens, lorsqu’ils sont employés par le souverain ou par les généraux de ses armées ». « En un mot, les hérauts, trompettes et tambours doivent jouir à leur manière des privilèges dont les ambassadeurs jouissent de la leur. La violence faite au moindre trompette est aussi bien un violement [sic] du droit des gens que celle qui serait faite au ministre public le plus qualifié ». De Réal mentionne des exemples de violation de ce privilèges : lors des guerres médiques, sous Alexandre le Grand, Jeanne d’Arc sous le règne de Charles VII en 1428, le cas de la trompette de Henri II envoyé à Charles Quint « mis en chemise par des gens d’Armes de l’Empereur », la trompette du prince d’Orange pendu par les hommes du Duc d’Albe au motif que l’armée hollandaise étaient « des sujets révoltés ». Martens, oc, idem, Liv VIII, § 272, p. 180 (suite du passage précédent) : [...] 2° ceux qui sont à la suite de l’armée, mais sans être destinés à prendre part aux violences, tels que les aumôniers, les médecins, les chirurgiens, les vivandiers auxquels l’usage ajoute même les quartiers maîtres, les tambours et les fifres ». Lire également sur « l’inviolabilité des trompettes », idem, § 294, p. 223. Schmaltz, oc, idem, Liv VI, chap. III, p. 230 (suite du passage précédent) : « les personnes attachées au civil de l’armée, telles que les chirurgiens, les aumôniers, les employés de l’administration doivent être à l’abri de tout acte de violence ; il en est de même des trompettes et des tambours ; lorsque ceux-ci s’approchent de l’ennemi en annonçant par un signal qu’ils sont chargés d’un message ». Klüber, oc, idem, § 275, p. 349. Klüber cite Moser, Chr. Wildvogel, Diss de buccinatoribus eorumque jure, Iena, sn, 1711 et Halle, 1753 ; également un traité intitulé : Der prufenden Gesellschaft fortgesetze zur gelehrsamkeit gehörige bemuhungen, Halle, sn, 1741.
Nous ferons ici remarquer que Rachel, oc, idem, LXX, p. 197 évoque le privilège du aux trompettes. Est ici cité Joannes Sleidanus, Commentarii, Liv 17.
637 Héraut de l’allemand herr, her, seigneur ou heer, armée. Le terme a originairement des sens multiples. Officier public chargé de déclarer la guerre, il remplit également des fonctions de cérémonie notamment en ce qui concerne l’art héraldique et tout ce qui tient à la généalogie et à l’usurpation des titres et armoiries. Il a également la charge de l’organisation des tournois et des règles s’y appliquant. C’est lui qui appelle l’assaillant et le tenant et qui « partageait également l’ombre et le soleil aux combattants à outrance ».
638 Gentili, oc, idem, Liv II, chap. XIV, p. 316, « de salvo conductu ». Alciat, Bartole, Balde sont mentionnés par Gentili.
639 Grotius, oc, idem, Liv III, chap. XXI « des conventions faites pendant la durée de la guerre », XIV à XXII, p. 816 à 818. Grotius explicite le sens des mots « aller et venir » et précise quelles personnes et quels biens peuvent être compris dans ce sauf-conduit.
640 Zouche, oc, idem, Part II, sect IX, 18 à 21, p. 157 à 159. Pufendorf, oc, idem, Liv VIII, chap. VII, § II, p. 476. Zouche cite Belli, Bartole, Gentili et Grotius. Cette question est examinée immédiatement après celle du droit d’ambassade et de légation. Zouche examine le contenu des obligations nées du sauf-conduit, sa durée, sa transmission au tiers. Il évoque le cas du Général espagnol Juan de Figueroa qui avait autorisé le Marquis de Messara, général de l’armée française opposée à l’Empire espagnol, de rejoindre par sauf-conduit valable un seul jour, ses terres à Venise. Figueroa envahit immédiatement le territoire de Venise se saisit du Marquis et demande le prix de la rançon. Figueroa allégua que le sauf-conduit valait pour le trajet et durant une journée et ne garantissait en rien au marquis de pouvoir demeurer tranquille chez lui. Messara opposa l’idée que le sauf-conduit le garantissait à la fois pour la durée du déplacement mais aussi durant toute la journée, même s’il se trouvait déjà chez lui. Zouche indique que Belli sur ce cas laisse le « lecteur » libre de la décision.
641 Martens donne des définitions de sauvegardes. Elles sont généralement de deux types. Voir, liv VIII, chap. V, § 292, « les contributions et les sauvegardes », p. 218 : « l’une en nature, lorsque un ou plusieurs soldats sont accordés pour mettre l’endroit à couvert d’hostilités tant de la part de l’ennemi légitime que de celle des maraudeurs et du parti bleu : ces sauvegardes sont payés, nourries et récompensées, elles sont inviolables et l’ennemi, lors même qu’il chasse l’ennemi de ces contrées, doit les lui renvoyer en sûreté ». « L’autre sauvegarde qui s’accorde par écrit, n’est qu’une défense du chef d’un corps de troupes de ne point commettre d’hostilités dans l’endroit en faveur duquel on a donné ces lettres patentes ou érigé des poteaux de sauvegardes ou de neutralité ».
642 Wolff, oc, idem, Liv IX, chap. VIII, Idem, § XXXII, p. 318.
643 Vattel, oc, idem, Liv III, chap. XII, p. 327 : « des sauf-conduits et questions sur la rançon des prisonniers de guerre », p. 327. Vattel distingue « passeport » et « sauf-conduit ». Le premier sert pour certaine personne « pour une plus grande assurance et éviter toute discussion » sur leurs déplacements. Les « sauf-conduits se donnent à des gens qui sans cela ne pourraient aller en sûreté dans des lieux où celui qui l’accorde est le maître ; à un accusé par exemple ou à un ennemi ».
644 De Real, oc, idem, chap. III, sect IV, I, p. 602. Et idem, V, p. 605. Est cité ici le cas célèbre de Jean Hus, disciple de Wycliffe qui s’était rendu au Concile de Constance avec un « sauf-conduit illimité » du pape Alexandre V. Il fut jugé et mis à mort. Pour de Real, « on renversa le droit des gens ». Son disciple, en revanche, Jérôme de Prague n’avait pas un tel sauf- conduit, et s’il fut jugé et condamné, cela se fit selon le droit des gens.
645 De Rayneval, oc, idem, chap. XI, p. 249. Il les distingue des sauvegardes qui selon lui (idem, § 2, p. 249-250) sont « [...] une espèce de convention patente par laquelle un général exempte une terre ou une habitation de toute incursion des troupes sous ses ordres. C’est une sorte d’acte de neutralité que la faveur fait accorder [...] », sous réserve de « la conduite la plus passive » de la part de l’habitant.
646 Martens, oc, idem, § 294, p. 223.
647 Klüber, oc, idem, § 274, p. 348. Sont cités ici, Ge. Engelbrecht, Diss de salva guardia, Iena, 1743, Vattel, Moser, J Madder, Reichsritterschaftl. Magazin. Τ VIII, p. 656, Ompteda.
648 Voir IIème sous partie, chap. I, sect I, p. 716 et notamment idem. A, n° 319 à 321.
649 Vattel, oc, idem, chap. XII, § 268 à 277, p. 327 à 332. Le sauf-conduit « émane de l’autorité souveraine comme tout acte de suprême commandement » ; « celui qui promet sûreté par sauf-conduit, la promet partout où il est le maître, non pas seulement dans ses terres, mais encore dans tous les lieux où il pourrait avoir des troupes ». Il « doit s’abstenir de violer lui-même ou par ses gens cette sûreté ; il doit de plus protéger et défendre celui à qui il l’a promise, punir ceux de ses sujets qui lui auraient fait violence, et le s’obliger à réparer le dommage ». « Celui à qui on a permis de s’en aller, n’a pas le droit de revenir, et le sauf-conduit donné pour passer ne peut servir pour repasse [...] ». « S’il est dit qu’on accorde pour un voyage, il servira aussi pour le retour [...] ». Vattel indique qu’existe une variété de sauf-conduit (§ 277, p. 332), « du sauf-conduit avec la clause pour autant qu’il nous plaira » qui établit un droit « précaire et peut être révoqué à tout moment. Tant qu’il ne l’est pas expressément il demeure valable ». « Il cesse cependant par la mort de celui qui l’a donné ». Wolff, oc, idem, Liv IX, chap. VIII, Idem, § XXXIII, p. 318, indique simplement que le sauf-conduit vaut pour l’aller et le retour et comprend également par principe les domestiques.
650 De Real, oc, idem, chap. III, sect IV, p. 602. Pour de Real, le passeport ne peut exister entre puissances amies (II, p. 602-603). De Real qui mêle souvent le statut de l’ambassadeur avec celui du titulaire du passeport, précise que (IV, p. 604) : « I. Un passeport donné à quelqu’un pour être à la suite d’un tel ministre public, ne peut le garantir d’insultes dans un autre lieu que celui où se trouve le ministre ».« II. Le passeport d’un vice roi, d’un gouverneur de province ne met en sûreté que dans la vice royauté, dans le gouvernement ». « III. Le passeport d’un ambassadeur de la puissance amie ne peut servir pour ceux d’un autre ministre que de lettre de recommandation ».« IV. Si le passeport est limité, celui a qui il est accordé, ne peut jouir du service du passeport que dans les lieux pour lesquels il a été accordé et de la manière qui y est expliqué ». « V. Le passeport qui prévoit l’aller suppose également la liberté de revenir. Sauf hypothèse où l’autorisation vise à autoriser une personne à rentrer chez lui ». « VI. Les passeports accordés en temps de guerre doivent être interprétés par les mêmes règles que ceux qu’on accorde en temps de paix. ». De Rayneval dernier auteur à aborder ces questions (idem, chap. XI, § 1, p. 249) évoque l’extension du privilège aux domestiques et indique que « le sauf-conduit ne donne point le droit de prendre domicile ».
651 Ière partie, IIème sous partie, chapitre II, section préliminaire.
652 Aux côtés des auteurs cités, Sylvestre, Alciat, Vitoria, Covarruvias, Cajetan, Molina, Soto, Toletano sont unanimement mentionnés dès Ayala. Pour fixer la lignée doctrinale du jus in bello, nous prendrons soin d’indiquer autant qu’il est possible, les noms des jurisconsultes cités par chacun des grands auteurs.
653 Vitoria, Secundae Relectiones, 39, 41, 50, 51, 52, 53, 55.
654 Ayala, oc, Liv I, chap. V, § 1 à 10 sur le butin, p. 34-38. § 15, p. 39 sur les « res sacrae » et liv I, chap. 8 sur la tromperie et la tricherie et les stratagèmes, § 1 et 3, p. 84-87 : « de insidiis et fraude » et « stratagemata ». Le Digeste, les Institutes, Tite Live, Dion, Cicéron, Plutarque, Quintilien, Ulpien, saint Augustin, Alciat, Bodin sont cités.
655 Gentili, oc, idem, Liv, II, chap. III, p. 228 : « de la ruse et des stratagèmes » ; Liv, II, chap. IV, p. 232 : « de la tromperie par les mots » [de l’usage du mensonge, du dol verbal ; « de dolo verborum »] ; Liv, II, chap. V, p. 239 : du mensonge : [« de mendaciis »] ; Liv, II, chap. VI, p. 249 : « du poison » ; [« de venecisiis »] ; Liv, II, chap. VII, p. , p. 262 : « des armes et des armes contrefaite » [« de armis et mentitis armis »] ; Liv, II, chap. XXIII, p. 441 : « de la dévastation et de l’incendie » [de vastitate et incendiis »] ; Liv III, chap. VI, p. 510 : « de la destruction et du saccage des villes » [« urbes diripii, dirus »] ; Liv III, chap. VII, p. 523 : « des chefs ennemis captifs » [« de ducibus hostium captis »]
Cicéron, les Novelles, Bartole, Balde, Alciat sont cités.
656 Grotius, oc, idem, Liv III, chap. VI, p. 644 « du droit d’acquérir les choses prises à la guerre » pour le butin et le pillage ; et idem, chap. XIII, p. 736 pour les « tempéraments par rapport aux choses prises » ; idem, chap. I, VI, p. 588 et ss, sur la tromperie, les stratagèmes, le mensonge et le dol ; idem, chap. IV, XV, p. 632 sur les questions portant sur le poison, l’assassinat ; idem, chap. V, p. 638 « de la dévastation et du pillage » ; et enfin, idem, chap. XII, p. 724 : « tempéraments par rapport à la dévastation et autres choses semblables ».
657 Ayala, oc, idem, Liv I, chap. 8, « de la tromperie et de la tricherie dans la guerre », p. 84 à 87 : [« de insidiis et fraude » du piège et de la mauvaise foi dans la guerre]. « Cum quis bellum sulceperit, inquit D. Augustinus, utrum aperte pugnetur an exinsidiis, ad justiciam nihil attinet ». Plutarque avec Ulpien et Cicéron sont les auteurs de référence d’Ayala sur cette question.
658 Gentili, oc, idem, Liv, II, chap. III, 228, p. 142 : « de la ruse et des stratagèmes » ; « de dolo et stratagemata ». « Etiam jure naturali licitus nonnullus est dolus, non est deceptio omnis illicita » : « Quelque emploi du dol est considéré comme licite selon le droit naturel et toute tromperie n’est pas illicite ». Clément d’Alexandrie, Silius, saint Augustin, Cephalus. le Digeste, Isidore, Vivius, sont aussi cités.
659 Grotius, oc, idem, Liv III, chap. I, VI à Χ, XII et XVII, 3 à XVIII, p. 588 à 597, et 600 à 601. Sur la question de la ruse chez Grotius, lire également Pradier Fodéré, oc, idem, Τ VI, n° 2759, p. 947. Il y a la tromperie positive par acte ou « feinte », la tromperie positive par parole ou « mensonge », la tromperie négative qui est la dissimulation.
660 Zouche, oc, idem, pars II, sect VIII, § 1, 2, 3, 4, 7, p. 124 à 128. Le § 1 traite de la célèbre règle des 24 heures. Belli, Gentili et Grotius sont sur ce point cités. Voir également sect° X, § 19, p. 195, sur la protection due aux « choses sacrées et religieuses », et l’exemple donné de la prise de Jérusalem par Titus. Les positions de Grotius sont citées avec mention de Zonaras et Gentili ; et § 3 à 7, sur les moyens de guerre, p. 185 à 188 ; § 4, sur le mensonge, § 5, sur le poison, § 6, sur l’assassinat, sur ces trois sujets Gentili et Grotius sont cités. Zouche au § 7 se demande « Si la superstition de l’ennemi peut être utilisée pour leur nuire » et indique que Gentili admet cet usage. Sont ici cités également Zonaras et Scanderbegus. Zouche évoque bizarrement les combats de coqs où l’usage de l’ail et de son odeur permet de fausser un combat. Zouche indique que l’arbitre doit « rompre le cou » au coq aillé et évoque immédiatement après, le duel au cours duquel on utilise sous le vêtement, une côte de maille.
Pufendorf traite des biens et des choses mobilières et immobilières, corporelles et incorporelles. Voir oc, idem, liv VIII, chap. VI, 18 à 20, p. 470 à 474. Il étudie également, l’assassinat, la ruse et l’artifice, idem, § 16, p. 469.
Rachel étudie plus spécialement les moyens licites de guerre tels le poison, oc, idem, § XLVII, p. 186 ; la destruction et le pillage, idem, § XCIX, p. 212. Platon, Aristote et Pufendorf sont cités.
Textor traite de la dévastation et du pillage et des atteintes aux biens du culte et du butin. Une de ces positions les plus intéressantes concerne la distinction qu’il opère parmi les biens mobiliers, entre ce qui concourent et servent directement dans la guerre et les autres choses mobilières. Une telle proposition renvoie à la notion d’armement. Oc, idem, chap. XVIII, § 33 et 34 : sur la dévastation ; § 35, 36 et 38 : sur les biens sacrés ; idem, § 63, p. 197-198 sur « immeubles et armes, canons, et autres choses directement utilisées dans la guerre ne deviennent pas la propriété du capteur » et § 64, p. 198 : sur les « mêmes règles pour les choses précieuses et les personnes de haut rang ». Brunning et Grotius sont ici cités, idem, § 65 à 76, p. 198 à 200 sur le butin.
661 Grotius, oc, idem, Liv III, chap. VIII, « De la souveraineté sur les vaincus », IV, 2, p. 678. « Les droits incorporels qui avaient appartenu au corps de l’État deviendront donc la propriété du vainqueur, autant qu’il le voudra ». Suit l’exemple historique repris pas Pufendorf d’Alexandre le Grand et de la dette due par les thessaliens aux thébains. Le digeste est ici cité.
662 Pufendorf, oc idem. Liv VIII, chap. VI, § XIX, p. 471-473. Sur le second point concernant les droits incorporels rattachés à des personnes, il distingue à nouveau deux hypothèses. « Les droits qui conviennent directement et immédiatement à une personne, regardent ou d’autres personnes ou seulement certaines choses. Ceux qu’une personne a sur une autre personne ne s’acquièrent que par le consentement de celle-ci [...]. Ainsi lorsqu’on a pris le roi du peuple avec qui l’on est en guerre, on n’est pas pour cela devenu seul maître de son royaume ». « A l’égard des droits personnels sur les choses, il faut distinguer si le prisonnier de guerre est membre d’une société civile, ou s’il vit dans l’indépendance de l’état de nature ». « Si donc un citoyen vient à tomber entre les mains de l’ennemi, ceux-ci n’acquièrent point en même temps les biens de cet homme dont il n’ont pu se saisir, mais ces biens reviennent à ceux que les lois du pays appellent à la succession, si le prisonnier fût décédé d’une mort naturelle. »
Liv VIII, chap. VI, § XX, p. 472 : Pufendorf cite ici une « cause célèbre ». A la prise de la ville de Thèbes, Alexandre le grand trouve un contrat par lequel les Thessaliens reconnaissent devoir aux Thébains, « cent talents ». Cette reconnaissance de dette est rendue par Alexandre aux Thessaliens pour l’aide que ceux-ci lui avaient accordé. La ville de Thèbes est rétablie par Cassandre. Les Thébains demandent alors aux Thessaliens d’honorer leur dette. Pufendorf indique l’argument contre l’extinction de la dette : « Devant les tribunaux civils, le droit de la guerre n’est pas un titre recevable [...]. Par le droit de la guerre, le vainqueur devient maître que ce dont il est actuellement en possession : qu’on ne peut pas par les armes s’emparer d’un droit incorporel et qu’il y a bien de différence entre un héritier et un vainqueur [...] ». Puis, Pufendorf, p. 473, indique ce que les « thessaliens pouvait répondre : 1 « Qu’on est pas en droit de redemander ce dont on a été dépouillé par quelques actes légitimes d’hostilité [...] » ; 2 « Que le droit de la guerre est sans contredit un bon titre à alléguer devant les tribunaux civils [...] » : 3 « Que les choses qu’on a acquises dans une guerre juste et solennelle, nous appartiennent, après qu’elle est finie, à plus juste titre qu’auparavant [..] » ; 4 « Que l’on peut acquérir avec la personne du prisonnier de guerre les droits qui sont assez fondés proprement et immédiatement sur les choses mêmes dont on n’est pas en possession, pourvu que les prisonniers nous cèdent ses droits par un consentement exprès ou tacite : consentement que l’on peut tirer de lui de gré ou de force en le menaçant d’un mal plus fâcheux, s’il refuse de le donner » ; 5 « qu’il est faux que tant qu’il reste un seul citoyen, les dettes contractées envers l’État, subsistent toujours, en sorte que ce citoyen ait les mêmes droits qu’avait l’État dont il était membre.[...] » ; 6 « enfin que les Thessaliens n’avaient pas recouvré l’acte de leur obligation par une simple possession sans titre, mais qu’il leur avait été volontairement délivré par celui qui étant devenu maître de tout ce qui appartenaient aux thessaliens, avait bien voulu leur remettre cette dette ».
663 Textor, oc, idem, chap. XVIII, § 65 à 76, p. 198 à 200. Est ici cité Antonio Merenda, Contraversiae, sl, sn, sd, et également Gaius, Celcius, Justinien et le Digeste.
Grotius traite cette question que nous examinerons plus avant en détail, au chapitre VI de son livre III, § VIII à XVII, p. 650 à 659. Grotius cite quant à lui : Bartole, ad L 28 ; le Digeste, art De captiv. ; Panorminatus, ad Can. Sicut... de jurejur. N 7 ; Mart. Laudensis, De bello, quaest. IV ; Homère ; Pline, Plutarque ; Quinte Curce ; Diodore de Sicile ; Strabon ; Tite Live ; Euripide ; Grégoire de Tours ; Polybe ; Jean Magnus ; Simler, De rep. Helvet.
664 Ayala, oc, idem, Liv I, chap. V, § I, p. 34 « Les choses prises dans une guerre juste appartiennent aux capteurs » ; § 3, p. 35 : « De la différence entre les choses mobiles et immobiles prises à la guerre » ; § 4, p. 35 « Le butin est à la discrétion du général et non des troupes » ; § 6, p. 36 : « les généraux divisent le butin à ses troupes » ; § 7, p. 36 : « Une part du butin peut être du à une personne non présente lors de la bataille » ; § 8, p. 37 : « Parfois le butin est accordé aux troupes par une proclamation et laissé à leur discrétion » ; § 9, p. 37-38 : « une part du butin est au prince et au général » ; § 10, p. 38 : « de l’interdiction de se saisir du butin avant que l’ennemi ait été complètement vaincu et avec qu’un signal ne soit donné ».
665 Grotius, oc idem, Liv III, chap. VI, I, p. 644. Chez les Juifs, les Grecs, les Carthaginois et les Romains, selon Grotius, un 10ème du butin est donné à Dieu. Le Deutéronome, XX, 14, est cité. Voir également, idem, II, 1, p. 645, sur le principe selon lequel le butin appartient au vainqueur. Xénophon, Aristote, Plutarque sont cités. Voir également, II, 4, p. 645. Gaius, L. V.
666 Grotius, oc idem, Liv III, chap. VI, III, p. 647. Pour la guerre maritime, les choses prises doivent avoir été rapportées dans « les havres ». Voir notes suivantes. Et idem, XII, 1, p. 653 : « Quant aux choses mobilières et à celles qui se meuvent par elles mêmes, elles sont prises ou bien dans l’exercice d’un service public, ou en dehors de ce service ». [« At res et se moventos aut in ministerio publico capituntir, aut extra illud. Si extra ministerium publicum siunt singulorum capientium [...]
667 Grotius, oc idem, Liv III, chap. VI, IV, p. 648. Flaccus, Pomponius, Varron voient même ici l’étymologie du mot « terre » comme possession qui inspire la « terreur ».
668 Grotius, oc idem, I, p. 644. Idem, VIII, p. 650-651. Grotius s’étend longuement sur la question du légitime possesseur du butin. Voir notamment, idem, VIII, p. 650-651. Sur la question de savoir à qui « sont acquises les choses des ennemis », il indique que les « interprètes du droit varient en effet beaucoup sur ce sujet » et évoque une première solution : C’est d’abord le capteur qui est le propriétaire des choses prises par butin, mais elles doivent être remises au général qui doit ensuite faire le partage du butin entre les soldats. Pour Grotius, « Cette opinion étant aussi commune que fausse, doit être réfutée par nous afin que cela serve d’échantillon pour faire voir combien il est peu sûr, dans ces sortes de discussions, d’ajouter foi à de semblables autorités ». Grotius indique vouloir appliquer les mêmes principes que pour les choses n’appartenant à personne de sorte que le butin revient au premier capteur. Grotius va alors poser une distinction (idem, X, p. 652) entre ce qui est acquis par « les faits de guerre vraiment publics » et ce qui l’est par « les faits privés qui ont lieu à l’occasion d’une guerre publique » Il précise alors, idem, XI, p. 652 : « Les choses du sol ne se prennent ordinairement que par un acte public ». Le territoire ne peut donc faire partie du butin. Pomponius est ici cité.
Voir également, idem, XII, 1, p. 653 : « Quant aux choses mobilières et à celles qui se meuvent par elles mêmes, elles sont prises ou bien dans l’exercice d’un service publie, ou en dehors de ce service ». Ainsi, en dehors du service public, elles appartiennent aux capteurs. Et Grotius abonde en précisant, idem, XIV. 1, p. 654 : « Mais quant aux choses que l’on prend dans un exploit guerrier, la règle est autre. Là en effet, les particuliers représentent la personne de l’État, agissent pour lui et par conséquent le peuple, si une loi civile ne dispose pas autrement, acquiert par eux la propriété comme possession, et la transfère à qui ils veulent ». L’Iliade et Homère sont très largement cités ici. Le butin est alors partagé soit au mérite soit par tirage au sort (francs) avec la faculté pour le prince d’en garder une partie variable.
Sont cités ici Pline, Plutarque, Quinte Curce, Diodore de Sicile, Strabon, Tite Live, Euripide, Grégoire de Tours, Polybe, Jean Magnus, Simler, De rep. Helvet. Voir également, XV, p. 655 : « Car il est vrai que le peuple était le maître du butin, mais ceci n’était pas moins vrai que le pouvoir d’en disposer avait été confié aux généraux pendant que la république était libre, en sorte néanmoins qu’ils devaient rendre compte au peuple de leur conduite ». A Rome, le butin était confié au questeur qui le faisait vendre et « réduit en monnaie » puis intégré au trésor public. Grotius affirme enfin (idem, XVII, 1, p. 657) : « Or le butin accordé au soldat est ou partagé ou abandonné au pillage. Il peut être partagé en raison de la solde ou à raison du mérite. Parfois, on paye les soldats en numéraire à proportion du butin fait. Une part à un fantassin, deux à un centurion, trois à un cavalier. ». Grotius développe encore cet aspect du droit romain en indiquant (XXI, 1, p. 662) que le butin appartient en principe au peuple et il appartient au général d’en faire la distribution. Néanmoins le général doit rendre compte de cette distribution. A défaut, le général peut « être coupable de péculat » pour ne pas pouvoir rendre compte ou pour n’avoir pas remis au trésor public, le butin. Grotius commente enfin la formule « si une loi civile en dispose autrement » (XXII, 1, p. 663) : une loi à Rome pouvait disposer que le butin en totalité ou partie irait à un particulier et par « brèves mains » donnée « aux veuves, aux vieillards, et aux pupilles dans le besoin », « ou mêmes à des personnes incertaines à l’exemple des objets jetés dans la foule ».
669 Grotius, oc idem, Liv III, chap. VI, III, 2, p. 647. Grotius cite ici le Consulat de la mer, cap. 283 et 287 et les Ordonnances de France, Liv XX, titre XIII, art 24. Il ajoute que d’après de Thou, Lib CXIIII, cette règle est applicable sur terre et que son origine doit être trouvée dans les lois Lombardes et chez les « anciennes lois germaniques, à l’exemple de ce qui avait été établi non sans raison chez les allemands, relativement à « la bête sauvage blessée ». Il indique que Gentili, Hispanic Advocationis, I, 3, mentionne que cette règle est d’usage en Angleterre et dans le royaume de Castille.
670 Grotius, oc idem, Liv III, chap. VI, XVII, 5, p. 659 : « On peut donner droit au butin même pour les soldats absents lors de la bataille ». Et idem, VI, p. 649 : « Les choses qui ont été enlevées par nous aux ennemis, ne peuvent pas être revendiquées par ceux qui les avaient possédées avant nos ennemis, et les avaient perdues par la guerre ; parce que le droit des gens a rendu propriétaires, quant à la propriété extérieure, premièrement les ennemis et ensuite nous ».
671 Grotius, oc idem, Liv III, chap. VI, XVIII, 1, p. 659 : « Il [le pillage] était accordé au soldat pendant qu’on exerçait des dévastations, soit après le combat ou la prise d’assaut d’une ville, en sorte qu’ils devaient attendre le signal donné pour se disperser [...] ». Cette idée du signal donné avant que d’exercer le pillage existe déjà chez Ayala.
Sur les exceptions, idem, XXIV, 4, p. 665 : Les biens du roi ennemi qui ne peuvent être compris dans le butin sont la « tente », le « bagage royal », la « couronne ». Voir également, idem, XXIV, 7, p. 666 : « Il y a des choses de si peu de valeur qu’elles ne méritent pas d’être adjugées au trésor public ». Grotius cite « les piques, les dards, le bois le fourrage, les outres, les sacs de cuir, les torches et tout ce qui était en dessous d’un pièce d’argent ». Il ajoute : « Les Français appellent cela spoliation ou pillage et ils comprennent le vêtement ainsi que l’or et l’argent au dessous de dix écus (ord de France, lib XX ; Tit XIII, art X et XVI) ». En Espagne, il est donné un 5ème ou un tiers du pillage aux soldats, la moitié au roi et un 7ème ou un 10ème au chef de l’armée. Il précise, idem, XXIII, p. 663-664, en outre que les alliés et sujets sans solde et engagés à leurs risques et périls, « s’approprient ce qu’ils prennent ». Grotius mentionne ici Calderin, Cons. 85 ; Joh Lupus, De bello, § si bene advertas. Francisco Ripa ; Covarruvias, ad cap. Peccatum, part II ; Bonfin, Lib IV.
672 Grotius, oc idem, Liv III, chap. XIII, 1, p. 736. Sont ici cites Vitoria, Covarruvias, Cajetan, Molina. Bariole. Sylvestre.
673 Martens, oc, idem, Liv VIII, chap. IV, § 279, p. 192. Emerigon et Moser cités.
674 Martens, oc, idem, Liv VIII, chap. IV, § 280, p. 194-198. Bynkershoek, Moser, Kamptz, Grotius sont cités.
675 Institutes, 2, 1, 17. Ayala parle du « justus modus acquirendi dominii ». Citant Cicéron, il rappelle la formule suivante de l’auteur des Devoirs « Rien n’est propriété privée par nature. Mais les biens deviennent propriété privée soit par une longue jouissance du premier occupant, soit par la victoire comme lorsqu’elle est acquise à la guerre, soit par la loi ou contrat ou stipulation ou partage » ; « Sunt autem privata nulla natura, sed aut veteri occupatione, ut qui quondam in vacua venerunt, aut lege, aut pactione, conditione, sorte ».
676 Bynkershoek, oc, idem, Liv I, chap. 4, p. 28-29. Wolff, oc, idem, chap. VIII, § 13, p. 312. Burlamaqui, oc, idem, IVème partie, chap. VII, § 1, p. 102. Cicéron est cité.
677 Vattel, oc, idem, Liv III, chap. IX, § 160, p. 244.
678 Vattel, oc, idem, Liv III, chap. XIII, § 193 et ss, p. 277. Ces développements de Vattel sur le droit d’acquérir à la guerre sont capitaux et sont à relier aux Prolégomènes et au Livre I de Grotius, oc, VIII p. 36 et 37, et notamment celles proprement capitales sur la Justice explétrice. C’est ici aussi que Vattel établit la distinction entre justice de la guerre dans la cause et justice de la guerre dans les effets. Lire, idem, § 195, p. 278 : « Tout acquisition faite dans une guerre en forme, est donc valide suivant le droit des gens volontaire, indépendamment de la justice de la cause et des raisons sur lesquels le vainqueur a pu se fonder pour s’attribuer la propriété de ce qu’il a pris. Aussi la conquête a t-elle été constamment regardée comme un titre légitime entre les nations ». Voir notre deuxième sous partie, chapitre II, section II, sur la notion de conquête et d’occupation.
679 Vicat, oc, idem, T IV, chap. X, § 143, p. 76-77.
680 Martens, oc, idem, Liv VIII, chap. IV, § 279, p. 192. Il ajoute : « D’ailleurs le droit de conquête et de butin a été assujetti à des lois de la guerre qui malgré les fréquents reproches de violations que, même dans les guerres précédentes, l’ennemi a fait à l’ennemi, et malgré les fréquentes infractions qui y ont été faites dans les guerres depuis 1793 à 1814, sont reconnues à ce jour ». Emerigon, oc, T I, p. 567, et Moser cités. Voir également notre deuxième sous partie, chapitre II, section II, sur la notion de conquête et d’occupation.
681 De Rayneval. oc, idem, Liv II, chap. V, § 3, p. 217-218. Voir infra II ème sous partie, chap. II, sect II, A et B.
682 Klüber, oc, idem, Seconde partie, titre II, sect II, chap. I, § 250, p. 321. Vattel et Kamptz sont cités.
683 Wolff, oc, idem, idem, chap. VIII, § 17, p. 313.
684 Burlamaqui, oc, idem, § 26, p. 115.
685 Vattel, oc, idem, chap. IX, § 164, « Du butin », p. 246-247. Vattel pose des exceptions au fait que les troupes puissent posséder le butin, tenant à la nature du bien, pour « l’artillerie munitions de guerre, magasins et convois de provisions de bouches et de fourrages ». Les « auxiliaires » peuvent également être admis au droit de pillage.
686 Klüber, oc, idem, § 253, « butin », p. 324. Bynkershoek et Jo. Tob Richter, Diss. de mobilius privatorum interarma captis et alienatis. Leipzig, 1746, sont cités.
687 Schmaltz, oc, idem, Liv VI, chap. III, p. 239.
688 Martens, oc, idem, chap. IV, § 279, p. 192. Bynkershoek, Moser et Grotius sont cités. Martens ajoute ici : « D’ailleurs le droit de conquête et de butin a été assujetti à des lois de la guerre qui malgré les fréquents reproches de violations que, même dans les guerres précédentes, l’ennemi* à fait à l’ennemi, et malgré les fréquentes infractions qui y ont été faites dans les guerres depuis 1793 à 1814, sont reconnues à ce jour ». Il précise : « Si même dans les guerres précédentes, la conduite par rapport aux biens privés du souverain ennemi n’a pas toujours été à l’abri du reproche, [« voyez Moser, Versuch, T IX, p. I, p. 159 »] Aucune guerre n’a fait naître des plaintes plus fréquentes et mieux fondées que la guerre de la révolution française, sur la violation non seulement des usages des nations civilisées, mais contraire aux principes du droit des gens naturel, surtout en Italie et en Allemagne, [...] ».
* Emerigon, oc, T I, p. 567, et Moser cités.
689 Martens, oc, idem, p. 196-197. Martens cite les « lois reconnues de la guerre » dans le conflit de l’Amérique et de la Grande Bretagne. Il en cite quatre : 1. La demande de provision ou de réquisitions autorisées dans le pays occupé ; 2. Le ravage possible du pays quand un ennemi « trouve à l’avantage à traîner la guerre en longueur » ; 3. La « détresse portée au pays » admise « pour amener l’adversaire à la raison » ; 4. « Si les populations civiles deviennent combattants », « en cas de révolte ou de rebellion ». il est légitime et de « nécessité de diriger contre eux pour atteindre le but de cette guerre ».
690 Schmaltz, oc, idem : « Les exceptions que la coutume admet sont d’abord les représailles [...]. En second lieu, lorsque les habitants [...] prennent les armes et commettent des hostilités contre nous, il est permis de mettre leurs habitations au pillage et de les incendier. » Klüber, oc, idem, § 262, p. 336. Il évoque le pillage possible des « habitants paisibles » en cas de nécessité et « comme talion », en cas de violation des lois de la guerre, de sédition, rébellion, ou en cas de prise d’assaut. Voir plus avant dans ce paragraphe, n° 297 et 298.
691 Napoléon Bonaparte usa largement durant la première campagne d’Italie de moyens de guerre extrêmes. La résistance des habitants du Nord du pays souvent exaltés par les prédications du clergé, de la même manière du reste que durant la guerre d’Espagne, 12 ans plus tard, obligea le commandant en chef à recourir par l’exemple à la terreur armée. Bonaparte demanda également au chef de Brigade Lannes futur maréchal de France de brûler le village de Binasco. Il est à noter cependant que les conditions du pillage de Pavie exécuté par le général Dammartin doivent être éclairées à la lumière des manœuvres de sédition des autorités locales qui constituent du point de vue de la doctrine du droit des gens, une cause de dérogation au non-emploi du pillage et de la dévastation. « Dès l’instant où Bonaparte eut paru dans Milan, les nobles et les prêtres travaillèrent avec activité à persuader à leurs partisans qu’il était de leur intérêt de prendre les armes. Des ecclésiastiques forcenés, le poignard d’une main et le crucifix de l’autre, visitèrent l’humble asile du pauvre dans les villes et parcoururent les campagnes pour exciter le peuple à une insurrection générale ». Victoire, Conquêtes, désastres, revers et guerre civile des français de 1792 à 1815, Paris, Panckouke, T V, 1817, p. 249. Bonaparte fit fusiller le conseil municipal de Pavie et pris deux cent de ses habitants comme otages.
692 Grotius, oc, idem, chap. V, I, p. 638. « Il n’est pas contre nature de dépouiller celui qu’on peut honnêtement tuer, a dit Cicéron. Aussi ne faut-il pas s’étonner si le droit des gens a permis d’endommager et piller les choses appartenant aux ennemis qu’il avait permis de mettre à mort » et « [...] ces choses sont permises même contre ceux qui se sont rendus ».
693 Wolff, oc, idem, chap. VIII, § 16, p. 313.
694 Moser, oc, idem, chap. VII, § 20, p. 108 et ss : « Le pillage est permis selon le droit des gens, dans les lieux où l’on monte à l’assaut ». Moser exclue que sur le même ennemi le pillage puisse être exercé deux fois. Cette règle originale et unique dans le droit des gens du xviiième est mentionnée au § 33, idem : « Quant un pillage est terminé, on ne peut recommencer le même après ». Il ajoute également au § 36, « De même, il n’est pas possible qu’un pillage ordonné par un général puisse à nouveau se faire sur les ordres d’un autre ».
695 Vattel, oc, idem, § 164 et 165, p. 246-248. Vattel en réfère ici encore aux devoirs d’« humanité ». Il cite en exemple les traités réglant les contributions sous les guerres conduites par Louis XIV.
696 Wolff, oc, idem.
697 Martens, oc, idem, § 282, p. 198.
698 Schmaltz, oc, idem, p. 239. Le second passage est la suite directe du texte cité dans le paragraphe numéroté précédent. Avant d’en venir aux solutions indiquées ici, Schmaltz précise, p. 238 : « Quant aux biens appartenant à l’ennemi, les idées sur ce qui constitue la conquête et le butin sont devenues dans l’Europe moderne, toutes autres que celles qui régnaient dans l’antiquité de sorte que les dispositions du droit romain ne peuvent plus être appliquées ». Schmaltz traite également ici des réquisitions. Idem, p. 240 : « Quant aux besoins de l’armée ennemie, le pays occupé est obligé d’y pourvoir, et cet usage a existé de tout temps. Ce sont ordinairement les autorités locales qui sur la réquisition du commandant ennemi se charge de ce soin ». Les hypothèses de réquisition évoquées sont le logement, l’approvisionnement pour les bivouacs. « Mais dans les derniers temps, depuis que les Français ont donné l’exemple d’établir des bivouacs ou de loger les troupes dans des endroits habités au lieu de les faire camper sous les tentes, depuis que les armées sont devenues plus nombreuses et plus mobiles [...] il est presque impossible d’employer le mode de réquisitions et de distributions régulières ». Il ajoute : « Nous sommes déjà revenus de plusieurs abus que la révolution française avait introduits dans les coutumes du droit des gens [...] ».
699 Schmaltz, oc, idem, p. 239.
700 Klüber, oc, idem, § 262, p. 336-337 et § 263, p. 337-338. Vattel, Martens, Moser, sont cités. Ces dévastations et pillages peuvent porter sur les « forteresses, ouvrages de défense et leurs alentours, ponts, magasins, fabriques d’armes, moulins à poudre, fonderies de canons ».
701 Praesidia du verbe latin « praesideo », protéger, placer en garde, mettre en reserve, reserver.
702 Pufendorf, oc, idem, chap. VI, § XVII, p. 470.
703 Bynkershoek, oc, idem, Liv I, chap. 4, p. 28-29.
704 Bynkershoek, oc, idem. Van Dalen, Notabile Krygs-besoignes, sl, sn, sd, est cité comme auteur de référence aux décisions de droit évoquées. Il conclue en traitant plus particulièrement de la question des prises de navire, qui sont considérées comme de bonne prise lorsqu’ils ont été ramenés dans un port. Bynkershoek traite ici de la belle question de la « recapture » que nous examinerons sous l’angle du droit de postliminie excluant par principe de son champ d’application les biens meubles, à l’exception des navires. Idem, Liv I, chap. 5, « Sur la recapture des biens meubles et spécialement des navires » p. 35 : « D’abord nous devons observer qu’alors que les biens immeubles reviennent par la recapture au précédent propriétaire par le droit de postliminie, les biens meubles dont nous avons maintenant à traiter, ne le font pas, car comme Labeo* a dit : « quoique ce soit qui est pris dans la guerre est une prise et ne peut revenir selon le droit de postliminie ». Mais bien que les navires sont reconnus comme meubles, il fait une distinction entre ceux qui sont utilisés dans la guerre et qui reviennent par le droit de postliminie et les autres qui ne le sont pas. Toutefois, Grotius observe justement que cette distinction et d’autres établies par le droit romain, pour protéger les meubles, sont tombées en désuétude par la pratique des nations ; conséquemment, tous les biens meubles sans distinction sont maintenant considérés comme pris sans [que ne puisse s’appliquer] le droit de postliminie ». Sur le droit de postliminie, voir IIème partie, IIème sous partie, chap. II, sect I, § II, A, n° 372, *Digest, XLIX, xv. 2 et 28.
705 Burlamaqui. oc, idem, IVème partie, chap. VII, § 16, p. 109-110.
706 Burlamaqui, oc, idem, IVème partie, chap. VII, § 17, p. 110-111.
707 Burlamaqui. oc, idem, IVème partie, chap. VII, § 20, p. 113 : « [...] pendant tout le temps de la guerre, le droit qu’on acquière sur les choses dont on a dépouillé l’ennemi, n’est valable que par rapport à un tiers neutre, car l’ennemi lui-même peut reprendre ce qu’il a perdu toutes les fois qu’il en trouve le moyen, jusqu’à ce que par un traité de paix, il ait renoncé à toutes prétentions ».
708 Vattel, oc, idem, chap. XIII, § 196, p. 278-279. Il mentionne l’exemple de la ville de Lierre qui selon Grotius, d’après de Thou (« Liv III, chap. VI, § 3, note 7 » ; cette note n’existe pas dans l’édition PUF) fut prise et reprise le même jour. « Le butin leur fut rendu [aux habitants] parce qu’il n’avait pas été pendant 24 heures dans les mains de l’ennemi ». Pour Vattel, « ce terme de 24 heures, aussi bien que ce qui s’observe sur mer, est une institution du droit des gens pactice ou de coutume, ou enfin une loi civile de quelques États. ». Il ajoute enfin : « on ne fait point état ici attention à la justice ou à l’injustice de la cause. Il n’y aurait rien de stable parmi les hommes, nulle sûreté à commercer avec les nations qui sont en guerre, si l’on pouvait distinguer entre une guerre juste et une guerre injuste, pour attribuer à l’une des effets de droits qu’on refuserait à l’autre. »
709 De Real, oc, idem, T V, chap. II, sect V, VII, p. 428 : « De quelle manière, les meubles et les immeubles de l’ennemi sont censés pris et comment les droits incorporels sont réputés acquis au vainqueur ». De Real précise ici : « Les effets mobiliaires sont pris dès qu’on s’en est emparé et les immeubles dès qu’on est en état de les garantir des efforts de l’ennemi ; mais tant que la guerre dure, le droit sur les choses dont on a dépouillé l’ennemi, n’est valable que par rapport aux neutres. L’ennemi conserve le droit de les reprendre par la même voie qu’il les a perdus, aussi longtemps qu’il n’a pas renoncé à ses prétentions par un traité de paix ».
710 Martens, oc, idem, §282, p. 200-201.
711 Schmaltz, oc, idem. p. 245-246. Il ajoute : « Ces mêmes règles sont suivies pour les prises sur mer, avec les différences que les lois de chaque État ont introduites à cet égard ».
712 Klüber, oc. idem, (j 254, p. 324-325. Sont ici cités Strube, Rechliche Bedenken ; J. Bilmarc : Ackermann, Diss de dominio rerum in bello captorum, Aboae, sn. 1794.
713 Malgré le principe d’inviolabilité de la propriété affirmée dès le xviiième et les nombreuses exceptions admises par le droit de la guerre qui seront reprises au xixème, quelques auteurs abordent encore cette question. Calvo, oc, idem, Liv VI, sect° I, § 2208, p. 240 et ss. Il affirme que la règle des 24 heures est le « temps généralement considéré comme suffisant pour mettre le butin en sûreté ». et constitue la règle du droit international. Rappelant les positions du droit romain du « praesidia ». il indique que le xvième siècle vit apparaître la règle des 24 heures, « jusqu’à ce qu’enfin le code Napoléon, consacrant un principe plus fixe, établit qu’en fait de meubles la possession vaut titre ». Il ajoute « de nos jours, la translation de propriété est considérée comme découlant instantanément du fait de la prise et le principe des 24 heures n’est plus en usage que dans les guerres maritimes ». Calvo indique que Vattel, Wheaton, Heffter, Traver Twiss, Halleck, Martens, Klüber (sic), Manning, Steck, Pradier Fodéré (sic). Card. La guerre continentale, sl, sn, sd, se rangent à cette opinion. Pradier Fodéré, oc. idem. T VII, IIème partie, Titre II, chap. I, sect° II, § 5. IV, n° 3032 et ss, p. 1083. Il met en évidence le principe d’inviolabilité de la propriété privée consacrée notamment par le traité de 1785 entre la Prusse et les États Unis, et l’article 12 de la convention de Saint Cloud entre la Prusse et la grande Bretagne du 3 juillet 1815 et l’article 37 des Instructions pour les armées des État Unis. Pradier Fodéré n’évoque pas la question de la date de la légitime possession des prises de guerre.
714 Grotius, oc, idem, Liv III, chap. VI, IV, p. 648. Voir nos développements en début de ce paragraphe, n° 291.
715 Pufendorf, oc, idem, Liv VIII, chap. VI, § XVII, p. 470. Il applique les mêmes règles de l’opposabilité aux tiers des biens meubles aux biens immeubles. « Les immeubles [sont censés pris] lorsque ceux qui s’en sont emparés, se trouvent en état de chasser l’ennemi, s’il voulait s’en remettre en possession ». Mais ces droits ne sont opposables qu’aux « tiers neutres », « car l’ennemi peut reprendre ce qu’il a perdu toutes les fois et quand il en trouvera moyens, jusqu’à ce que par un traité de paix, il ait renoncé à toutes ses prétentions ».
716 Textor, oc, idem, chap. XVIII, § 63, p. 197-198. « Immeubles et armes, canons, et autres choses directement utilisées dans la guerre ne deviennent pas la propriété du capteur » ; [« Res immobiles, item arma, tormenta quaequead usum belli directe pertinent, non siunt occupantium »]. Brunning et Grotius sont cités. Textor indique qu’en matière de meubles – il évoque ici la poudre à canon, [« pulvere tormentatio »], mais aussi de biens à usage non militaire – les règles sont extrêmement variables.
717 Bynkershoek, oc, idem, Liv I, chap. VI, p. 44 : « Grotius n’admet pas que toute possession est suffisante, mais requiert une ferme possession, la phrase où il explique cela [est la suivante] : « la terre qui est incluse dans une défense permanente de sorte qu’il est évident qu’il n’y a pas d’accès à elle, sans que la partie adverse soit maître de la chose sans user de la force ». Pouvons-nous décider si quand une cité est prise, ses terres ont aussi prises et si c’est le cas, quelles sont les limites de la possession ? Grotius ne dit rien sur ce sujet bien qu’il évoque souvent la question en rapport avec la capture et l’occupation des villes. Un exemple rendra plus clair ce sujet. Les Français occupaient Caselle et Turin dans le Piémont. Une trêve fut conclue et il fût convenu que chaque partie continuerait de tenir ses possessions sur le principe de l’uti possidetis selon la part qu’il avait occupé durant la guerre. Puis la question survint concernant les territoires et les villes qui étaient dans la dépendance de ces villes [Caselle et Turin] maintenant aux mains des Français et qui survenaient au besoin même des Français durant la guerre. Certains juristes décidèrent du cas contre les Français disant que la possession par le droit des gens est naturellement acquise, doit être démontrée, et que la part occupée n’entraînait pas avec elle la part non occupée et qu’au surplus, les services fournis par les habitants n’endurcissaient pas les Français puisque les citoyens eux-mêmes les soutenaient contre leur intérêt. C’était l’argument de Bellini, que Zouche le soutienne ou pas, je ne peux pas le dire. De toute façon Bellini c’est certainement trompé s’il applique le principe à un cas de trêve, comme dans le cas présent, alors que l’expression générale uti possidetis comprend aussi bien la possession actuelle comme sous-entendue. Cette possession sous-entendue consiste dans la fourniture et l’acceptation de services et de devoirs que l’on rend généralement au maître [...] ».
718 Burlamaqui, oc, idem, chap. VII, § 11, 13, 14, p. 107 et 108. « Cela est vrai tant à l’égard des choses mobilières que des immeubles ». « Mais si des mains du vainqueur, elles ont déjà passées entre les mains d’un tiers, rien n’empêche si ce sont des immeubles, que celui sur lequel elles ont été prises ne tache de les revendiquer sur ce tiers qui les tient de son ennemi à quelque titre que ce soit ; car il a autant de droit contre ce nouveau possesseur que contre son ennemi lui même ». Et, idem, § 14, p. 108 : « J’ai dit si ce sont des immeubles : car pour ce qui est des choses mobilières, comme elles peuvent passer aisément par le commerce entre les mains des sujets d’un État neutre, sans que ceux qui les acquièrent sachent souvent que ce sont des choses prises à la guerre, la tranquillité des peuples, le bien du commerce et l’état même de neutralité, demandent qu’elles soient toujours réputées de bonne prise et appartenir de plein droit à celui de qui on les tient ».
719 Vattel, oc, idem, chap. XIII, § 197, p. 281 : « Les immeubles les terres, les villes, les provinces passent sous la puissance de l’ennemi qui s’en empare ; mais l’acquisition ne se consomme, la propriété ne devient stable et parfaite, que par le traité de paix ou par l’entière soumission et l’extinction de l’État auquel ces villes et provinces appartenaient ». De Real reprendra cette idée également. Voir oc, idem, déjà cité, sect V, VII, p. 428.
720 Martens, oc, idem, chap. IV, § 280, p. 194 : « [...] On appelle conquête l’occupation des biens immeubles de l’ennemi, butin les biens meubles qu’on lui enlève [...] ». De Rayneval, oc, idem, chap. VI, p. 223. Schmaltz, oc, idem, chap. III, p. 238, déjà cité. Klüber, voir idem, § 251, p. 321-322 : « [...] En général ce droit exercé dans toute sa rigueur autorise à s’approprier tous les biens meubles et immeubles appartenant à l’État ennemi ou à ses sujets ». Et § 255, p. 326-327 : « On peut se mettre en possession par voie de guerre des biens immeubles de l’ennemi, ainsi que la souveraineté des provinces qui lui sont soumises c’est ce qu’on appelle la conquête (occupatio bellica) ». Bynkershoek, Vattel, Moser, J. F. Meerman, Von dem rechte der Eroberung, Erfurt, sn, 1774 ; Ompteda sont cités.
721 Schmaltz, oc, idem, Liv VI, chap. III, p. 241.
722 Martens. oc. idem, § 280, p. 194-198. Comme Schmaltz, il cite comme biens mobiliers de guerre les vaisseaux et navires. Klüber, oc, idem, § 250 et 251, p. 321. Il faut ici ajouter les fourrages, les moyens de traction, charrettes et bétail et selon les usages de guerre non évoqués par la doctrine, les trophées et drapeaux pris à l’ennemi. Cette règle de l’attribution à l’autorité souveraine des biens ennemis est un reste de la théorie pure du droit romain.
723 Voir Grotius, oc, idem, Liv III, chap. VI, XXIV, p. 665, déjà cité, vise la tente et le bagage royal, la couronne.
724 Wolff. oc, idem. chap. VIII, § 9, p. 310-311. Vattel. oc, idem. chap. V, § 76, « des fonds possédés par des étrangers en pays ennemi », p. 175-176 : « Il s’agit des biens mobiliaires dans le paragraphe précédent. La règle est différente à l’égard des immeubles, des fonds de terre. Comme ils appartiennent tous en quelques sortes à la nation, qu’ils sont de son domaine et sous son empire et comme le possesseur est toujours sujet du pays en qualité de possesseur, les biens de cette nature ne cessent pas d’être des biens de l’ennemi (res hostiles), quoiqu’il soient possédés par un étranger neutre ». « Celui qui déclare la guerre ne confisque point les biens immeubles possédés dans son pays par des sujets de son ennemi. Mais on peut mettre les revenus en séquestre, afin qu’ils ne soient pas transportés chez l’ennemi ».
725 Pufendorf, oc, idem, chap. VI, § XIX, p. 471 et 472. Grotius, oc, idem, Liv III, chap. VIII, IV. 2, p. 680 : « Les droits incorporels qui avaient appartenu au corps de l’État deviendront donc la propriété du vainqueur ». Suit l’exemple historique d’Alexandre le Grand contre les thébains tiré de Quintilien, De l’Institution oratoire, liv V, chap. X.
726 Burlamaqui, oc, idem, chap. VII, § 30, 31, 32, p. 117 à 119. De Real, oc, idem, sect V, VII, p. 428.
727 Bynkershoek. oc, idem, Liv I, chap. VII, p. 51. « S’il existe des conventions entre les souverains permettant le retrait des biens immédiatement après le commencement des hostilités – parmi ces traités, j’ai cité un nombre d’exemples dans le second chapitre* –, il suit que les actions et le crédit peuvent être retirés aussi bien que les biens [matériels]. Mais si de tels traités n’existent pas et si les biens et les actions sont saisis, la question survient [de savoir] quel est le droit dans un tel cas ? Et assurément, depuis que les conditions de la guerre sont telles qu’ils est possible que les [sujets] ennemis soient proscrits et dépouillés de toute chose, il est raisonnable [d’affirmer] que toute propriété de l’un des ennemis surprise d’être trouvée dans le territoire de l’autre, change de possesseur et est confisquée. En outre, il est une coutume dans la plupart des déclarations de guerre de proclamer que les biens de l’ennemi seront confisqués s’ils sont trouvés chez nous ou pris à la guerre. Parfois aussi, il se fait des décrets spéciaux concernant ce sujet qui soit suivent soit précèdent la déclaration de guerre**. »
* L’un des traités cités sur ce point au chapitre 11 par Bynkershoek est le traité du 31 juillet 1632. Son article 32 prévoit qu’en cas de guerre entre signataires, « la propriété des sujets de l’une ou l’autre des nations, trouvée dans le territoire de l’autre ne pourrait pas être confisquée mais pourrait être sortie du territoire dans les six mois ».
Il doit être ici indiqué que dans l’édition américaine du livre I des Quaestionnes juris publici, publiée en 1810 à Philadelphie, par Peter Stephen du Ponceau, Conseiller à la cour suprême des États Unis, il est fait mention de l’article 10 du traite anglo américain de 1794 faisant expressément mention que « ni les dettes ducs par un particulier d’une nation à un particulier de l’autre, ni les actions, ni les sommes déposées dans les fonds publics ou auprès des banques privées, ne pourront jamais, quelque soit le cas de guerre ou les différents entre les [deux] nations, être saisies ou séquestrées [...] ».
** Insertion dans la constitution des Provinces Unies du 25 août 1572 à l’initiative du Prince d’Orange ; décret du 2 avril 1599 des États Généraux.
Bynkershoek évoque l’exemple historique de la guerre contre la Hollande de 1673 où Louis XIV et l’Evêque de Cologne et de Munster avaient décidé « la confiscation même des actions et ordonné la saisie des choses dues [par crédit] par leurs sujets aux citoyens des Provinces Unies, les États Généraux par l’Edit du 6 juillet 1673 désapprouvèrent en décrétant que ce paiement ne pouvait se faire uniquement qu’au vrai débiteur et qu’ils considéreraient comme nulles et dénuées de tous sens de telles exactions qu’elles aient été faites par la force ou obtenues par consentement. Mais en fait, il apparaît que par le droit commun, les actions peuvent être aussi confisquées et cela assurément pour la même raison que pour n’importe quel bien corporel ».
728 Vattel, oc, idem. Liv III, chap. V, § 77, « Des choses ducs par un tiers à l’ennemi », p. 176-177. « Au nombre des choses appartenantes à l’ennemi, sont les choses incorporelles ; tous ces droits, noms et actions, excepté cependant ces espèces de droits qu’un tiers a concédé et qui l’intéresse [...] tels que les droits de commerce, par exemple. Mais comme les noms et actions, ou les dettes actives, ne sont pas de ce nombre, la guerre nous donne sur les sommes d’argent que les nations neutres pourraient devoir à l’ennemi, les mêmes droits qu’elle peuvent nous donner sur ses autres biens. » L’exemple d’Alexandre et des Thébains ainsi que Grotius (liv III, chap. VIII. § 4) sont cités. Il ajoute « Le souverain a naturellement le même droit sur ce que ses sujets peuvent devoir aux ennemis. Il peut donc confisquer les dettes de cette nature. Si le terme du paiement tombe au temps de la guerre ; ou au moins défendra ses sujets de payer tant que la guerre durera ».
729 Martens, oc, idem, chap. IV, § 279, déjà cité, p. 192.
730 Schmaltz, oc, idem, Liv VI, chap. III, p. 241.
731 Klüber, oc, idem, § 252, p. 323. Bynkershoek, Emérigon et Moser sont cités.
732 Bonfils, oc, idem, Vème partie, liv II, chap. III, sect° 2, § 5, n° l 160, p. 660. « L’occupant a incontestablement le droit d’interdire tout paiement, toute prestation pécuniaire au profit de l’État envahi. Il peut s’opposer au recouvrement des créances de cet État sur le territoire qu’il occupe. 2/ L’occupant ne peut pas exiger le paiement des créances non échues[...] ». Est ici citée l’ordonnance de l’État prussien d’Alsace du 29 août 1870. Bonfils indique que la question de savoir si l’État vainqueur peut recouvrer les créances de l’État vaincu est largement débattu. Il précise que Calvo, Fiore, Guelle, Klüber, Heffter, Pradier Fodéré sont pour la négative, considérant que « L’occupant n’est pas créancier, ni mandataire de celui ci, il détient les titres, il est vrai, mais il n’est pas cessionnaire. Nulle novation est intervenue qui l’ait substitué au créancier primitif. L’occupation est un simple fait qui ne peut annihiler des rapports essentiellement conventionnels et sanctionnés par la loi. La simple détention d’un titre ne confère aucunement le droit d’en poursuivre l’exécution. [...] La solution affirmative a été admise par Vattel, Bynkershoek. Toute les raisons invoquées à l’appui de cette thèse ne sont peut être pas bien probantes. Mais la solution adverse, la négative se concile mal aisément avec le droit généralement reconnu à l’occupant de s’emparer du contenu des caisses publiques. [...] Ces théories n’ont pas reçu de sanction pratique ».
Il doit aussi ici être mentionné l’évolution du type des conflits au xixème et au xxème, où l’occupation prend plus largement le pas sur la conquête. Dans ces situations nouvelles, la puissance vainqueur tend bien plus généralement à administrer provisoirement le pays dans l’attente de la mise en place d’un nouveau régime plus conforme à ses desseins, qu’à se substituer elle même en ses lieux et places à l’ancienne autorité légitime. Cette évolution vers une guerre entendue comme moyen de transition ou d’évolution « forcée » vers des régimes politiques, rend moins aiguë la question des atteintes aux biens incorporels entendu que l’occupant agit finalement pour le compte de l’autorité à venir.
Pradier Fodéré, oc, idem, T VII, IIème partie, Titre II, chap. I, sect° II, § 5. IV, n° 3013 et ss, p. 1006 et ss. Pour Pradier Fodéré, l’occupant peut légitimement se saisir des créances échues mais non des créances non échues, car l’occupant ne pourrait avoir plus de droits que l’État auquel il se substitue.
733 Klüber, oc, idem, § 250, p. 321.
734 Martens, oc, idem, chap. IV, § 279, p. 192. Passage déjà cité.
735 Ayala, oc. idem, Liv I. chap. V § 15, p. 39 : « Les res sacrae ne peuvent être prises comme butin ». « Sciedum vero est res sacras praedae non cedere ».
736 Gentili, oc, idem, Liv II. chap. 23, p. 441 et ss et également Liv III, chap. VI. 508-509, p. 313.
737 Grotius, Liv III, chap. V : « de la dévastation et du pillage », Liv 111, chap. V, II, 1, p. 639 : « Le droit des gens pur. en mettant de côté toute considération des autres devoirs, dont nous parlerons plus bas, n’excepte pas mêmes les choses sacrées [...] ». « La raison en est que les choses qui sont dites sacrées ne sont pas en réalité, retranchées des usages humains, mais qu’elles sont publiques* et tirent leur dénomination de sacrées de la fin à laquelle elles sont destinées ». Il rappelle également les devoirs de guerres dus aux objets sacrés au Liv III, chap. XII, V, I, p. 730 : « Les choses qui ont été consacrées aux usages sacrées [...] car bien que ces choses soient publiques [...] et que conséquemment elles soient impunément violées par le droit des gens, cependant s’il n’en résulte aucun péril, le respect des choses divines conseille que de tels édifices et leurs dépendances soient conservés [...] ».
Grotius (VII, 1. p. 732) y ajoute les choses religieuses. « même de celles qui ont été construites en l’honneur des morts »
*Sont cités ici par Grotius, Marsile de Padoue, De defensor pacis, cap. V, § 2 ; Nicol. Boérius. Deci. LXIX, n° l ; Bossius, Practic. Crimin, de fore competence, n° 101 ; Cothman. Concil. C, n° 30.
738 Zouche, oc, idem, pars II, sect° X. § 19, p. 195 : sur la protection due aux « choses sacrées et religieuses ». Zouche cite l’exemple de la prise de Jérusalem par finis et mentionne Grotius, Zonaras et Gentili.
739 Textor, oc, idem, chap. XVIII, § 35 et 36 et 38. Pour Textor qui cite Grotius, en cas d’identité de culte entre ennemis, l’atteinte aux biens cultuels est prohibée. Textor évoque en exemple le royaume du Congo où les Portugais détruisirent les idoles, et le cas des Espagnols dans les « indes de l’ouest ». Il ajoute : « C’est en conséquence un grossier barbarisme pour les Turcs et les barbares de transformer en écuries les églises chrétiennes dont ils se sont emparés à la guerre ; mais le droit est différent, je pense avec les sanctuaires des idoles qui peut admettre que cela puisse être fait par les peuples qui connaissent le vrai Dieu, à moins qu’il y en ait certains qui rendus fous par une superstition semblable, croient par erreur que le culte des idoles est le vrai culte et qui de la sorte empêchent de faire dans un tel cas ce qui est en soi juste ».
740 Grotius, ajoute à la suite du passage précédent, oc, idem, chap. V, II, 2, p. 639 : « Aussi Ulpien dit-il que le droit public consiste même dans les choses sacrées. » ; et conclue en indiquant, idem, II, 4, p. 641 : « Ceci est cependant vrai que, si l’on croit que quelque divinité réside dans une idole, il est criminel qu’elle soit profanée ou endommagée par ceux qui s’accordent sur cette croyance ; et dans ce sens ceux qui ont commis des actes semblables sont quelque fois accusés d’impiété, ou même de violation du droit des gens, en supposant, bien entendu, qu’ils partagent une semblable opinion ». Citons ici des passages éclairant la manière paradoxale dont le maître Hollandais traite de la matière : « Aussi un peuple lui-même peut-il en changeant de volonté, rendre profane ce qui est sacré [...] », idem, II, 3, p. 639 ; « Et nous voyons que par la nécessité du temps, des choses sacrées ont été converties aux usages de la guerre, par ceux qui les avaient consacrées ».
741 Grotius, oc, idem, II. 3, p. 640. Quand Tacite (Annales, Liv I) nous livre cet exemple, il entend simplement constater une fait de guerre et à aucun moment indiquer que ce fait est une pratique, un usage, une coutume ayant valeur de règle du droit des gens. Grotius use donc abusivement de la citation de Tacite. Cet épisode (oc, Liv I, p. 64, éd° Garnier Flammarion, 1965) est à situer lors de la guerre menée par Germanicus contre les Marses, alliés des Germains. L’entière phrase est la suivante : « César pour donner à ses légions impatientes plus de pays à ravager, les partage en quatre colonnes. Il [Germanicus] porte le fer et la flamme sur un espace de 50 milles. Ni l’âge, ni le sexe ne trouvent de pitié ; le profane et le temple le plus célèbre de ces contrées, celui de Tanfana, tout est rasé. Nos soldats revinrent sans blessures ; ils n’avaient eu qu’à égorger les hommes à moitié endormis, désarmés ou épars ». L’emprunt fait ici par Grotius démontre toutes les possibilités d’instrumentalisation juridique de l’histoire.
742 Wolff s’étendra que bien peu sur ce point indiquant simplement que « sépultures » et « choses sacrées » doivent être respectées. Cette position dénote cependant une évolution dans le sens où elle affirme un principe général, éloignée de la prise en compte du culte de l’un ou de l’autre des belligérants. Voir Wolff, oc, idem, chap. VIII, « Du droit des gens dans la guerre », § 10, p. 311 : « On est aussi en droit de raser les fortifications des villes lorsqu’on après les avoir prises on veut les abandonner, mais il ne faut pas toucher aux sépultures et aux choses sacrées ».
743 Vicat, oc. idem, § 140. p. 74-76. Vicat par ailleurs indique, voir, idem, chap. X, § 139, p. 74 : « [...] On peut attaquer toute armée au moment où elle est occupée à faire sa dévotion ». Les Juifs sont cités.
744 Burlamaqui, idem, IVème partie, chap. VII, §3, p. 103 : « [...] C’est pourquoi pour s’assurer du droit que donne la guerre à cet égard [sur les choses sacrées], il faut recourir aux principes du droit de la nature et des gens ». Il ajoute, idem, § 4, p. 103 : « Je remarque que les choses sacrées ne sont pas dans le fond d’une nature différente des autres choses [...] elles ne diffèrent de celles-ci que par la destination [...] mais cette destination ne donne pas la qualité de saintes et de sacrées comme un caractère intrinsèque et ineffaçable ». Pour Burlamaqui, idem § 5, p. 103-104 : « Ces choses ainsi consacrées appartiennent toujours au public ou au souverain [...] » ; et, idem, § 6, p. 104 « C’est donc une superstition grossière que de croire que par la consécration ou destination de ces choses au service de Dieu, elles changent pour ainsi dire de maître et qu’elles n’appartiennent pas aux hommes, qu’elles soient soustraites du commerce et que la propriété en passe des hommes à Dieu [...] ». En conséquence de quoi, (§ 7, p. 104) « [...] elles peuvent donc être endommagées ou détruites du moins autant que le demande le but légitime de la guerre ». Cocceius, Evocatione sacrorum, sl, sn, sd et Grotius sont cités.
745 Vattel, oc, idem, Liv III, chap. IX, § 168 : « Quelles choses on doit épargner », p. 250 : « Les édifices qui font honneur à l’humanité et qui ne contribuent pas à rendre l’ennemi plus puissant » ; « les temples, les tombeaux, les bâtiments publics, tous les ouvrages respectables pour leur beauté ». Nous indiquons ici que Vattel indique par ailleurs (Liv III, chap. Il, § 10, p. 130) que les ministres du culte ne sont pas exemptés du devoir de porter les armes et ce même (idem, chap. VIII, § 146, p. 225) s’ils sont considérés comme devant être placés à l’abri du droit de tuer. De Real, oc, idem, sect VI, X, p. 454 : « Respecter les temples et les monuments publics ». De Real y ajoute les statues et les tombeaux. Nous indiquerons que Moser a une position assez proche de Vattel. Voir oc, idem, Liv II, chap. VII, § 19, p. 108.
746 Klüber, oc, idem, § 244, p. 315 : « La loi de guerre défend expressément [...] « de profaner les lieux de culte, de dépouiller les tombeaux [...] ». Voir également l’allusion au § 253, p. 324.
747 Gentili, oc, idem, Liv II, chap. XXIII, p. 441 et l’entier chapitre VI du livre III, 504, p. 310. Gentili évoque ici les droits du vainqueur sur les ornements, « victos ornamentis spoliare ». C’est l’histoire antique qui fournit l’essentiel des références bibliographiques du maître de San Ginesio. Grotius, oc, idem, Liv III, chap. XII, V, 1, p. 730. « Il arrive en quatrième lieu, que certaines choses soient de telle nature qu’elles ne soient d’aucun usage pour faire la guerre ou pour la prolonger. La raison veut qu’on épargne aussi ces choses pendant la durée de la guerre ». Grotius cite ici « les temples, les portiques les statues », « les choses d’embellissement ».
748 Moser, oc, idem, Liv II, chap. VII, § 14 et § 18, p. 109.
749 Moser, oc, idem, § 19, 25, 30. Pour les archives, Moser indique littéralement et le premier (§ 25) : « Quand un ennemi se saisit d’archives dont il pense qu’elles lui sont utiles et qui pourraient servir son ennemi, cela ne peut lui être refusé [de les piller] selon le droit des gens ». De nombreux traités du xviiième et particulièrement sous l’Empire stipuleront expressément en matière d’archives. En général emportées au moment des défaites, les vainqueurs exigent leurs restitutions au moment de la conclusion des traités de paix. Nous citerons ici : Traité général et définitif de Paix d’Aix La Chapelle du 18 octobre 1748 qui prévoit la remise des documents administratifs des pays occupés, cédés de « bonne foi » dans le même temps que la restitution des territoires ; Traité entre S. M le Roi de Sardaigne et la République de Genève du 3 juin 1754 qui stipule sur la remise « de bonne foi des titres, terriers et documents » ; Capitulation proposée par le Gouverneur de l’île de saint Barthélemy du 20 mars 1801 qui prévoit le respect des « papiers publies » ; Capitulation proposée pat le gouverneur de l’île de Sainte Croix aux Lt Général Triggue et Duckworth contre-Amiral du 31 mars 1801 qui stipule que les « livres et registres publics » seront soumis à l’inspection britannique ; le traité de paix entre la France et l’Autriche du 26 décembre 1805, etc. Voir notre table des actes de la guerre, 1700-1819.
750 Vattel, oc, idem, chap. IX, § 168 (déjà cité), p. 250, et § 173, p. 254. L’allusion de Vattel au « droit des gens volontaire » est exceptionnelle dans l’examen qu’il nous livre, des coutumes du jus in bello.
751 De Real, oc. idem, sect VI, X, p. 454.
752 Martens, oc, idem, déjà cité, § 280, (III), p. 198 et note. Voir la convention de septembre 1815, cité dans nos documents annexes.
753 Schmaltz, oc, idem, Liv VI, chap. III, p. 241-242. « Dans le siècle dernier, on regardait comme une barbarie d’enlever ou de détruire dans les palais de l’ennemi, les meubles, les statues, tableaux, monuments publics, bibliothèques et autres objets de ce genre ». « Les Français après avoir au commencement de la révolution détruit chez eux les plus précieux monuments des arts, pour abolir, disaient-ils, l’aristocratie des talents, cherchèrent ensuite à s’en dédommager aux dépends des musées et des collections d’Italie et d’Allemagne afin de réunir dans leur patrie, devenue ainsi le centre des sciences et des arts, tout ce qu’ils pouvaient avoir de précieux dans ce genre. La nécessité d’en restituer la plus grande partie, nécessité amenée par les chances de la guerre, contribuera sans doute à établir la sage coutume qui veut qu’on respecte les objets de cette nature ».
Schmaltz cite l’exemple du pillage par Frédéric le Grand des « tableaux de la Galerie de Dresde ».
754 Klüber, oc, idem, § 253, p. 324. Vötkel, Über die Wegnahme des Kubsttwerke aus den eroberten Landërn, Leipzig, 1798, et Kamptz cités.
755 Martens, oc, idem, § 285 « des batailles », p. 209. L’exemple de la bataille de Zorndorff en 1758 est donné. Elle opposait les troupes de Frédéric II le Grand aux troupes russes de l’Impératrice Catherine. Moser, Versuch, T IX, p. 11 est mentionné par Martens.
756 Zouche, oc, idem, sect ° IX, § 10, p. 152. Zouche achève sa phrase de manière assez confuse en reprenant l’exemple des Argiens donné par Grotius : « [...] s’il n’a pas été démontré que les Argiens s’étaient retirés par peur, ils n’auraient certainement pas été considérés comme battus, spécialement en se retirant de nuit se croyant eux-mêmes vainqueurs et désirant amener la nouvelle à leurs concitoyens ». Grotius, oc, idem, Liv III, chap. XX, 1, 2, 3, p. 800 et 801. Gentili, oc, idem, Liv III, chap. 15, p. 600.
757 Grotius, oc, idem, Liv I, III, 1, p. 35.
758 Ayala, oc. idem, Liv I, chap. VIII, § 1, p. 34. Passage déjà cité.
759 Gentili, oc, idem, Liv II, chap. III, IV et V, p. 232, et 239. Voir Pradier Fodéré, oc, idem, T VI, n° 2759, p. 946-947. Pour Gentili, les stratagèmes sont de trois espèces : tromperie, audace, et audace et tromperie ensembles. Selon Gentili, le stratagème est constitué à la fois de paroles et de faits. D’une manière générale, le dol dans les conventions est illicite, les accords entre ennemis sont considérés comme ayant été conclus de bonne foi.
760 En 1793, devant le siège de Mayence où se trouvaient enfermés 20 000 français dont Kléber et Rewbell, les austro-prussiens firent imprimés de faux Moniteur de la République Française titrant « la contre révolution triomphant en France », « le soulèvement de l’armée contre Paris », « l’exécution à mort des patriotes », la « régence de Marie Antoinette » qui furent jetés aux barrières.
761 Grotius, oc, idem, Liv III, chap. I, XVIII, p. 601 et chap. V, IV, p. 642. Grotius évoque également les promesses faites à Dieu avec qui les hommes s’obligent par serment (Voir, chap. I, XIX, p. 602).
762 Zouche, oc, idem, pars II, sect° X, § 4, p. 186.
763 Pufendorf, oc, idem, Liv VIII, chap. VI, § XVI, p. 469.
764 Textor, oc, idem, chap. XVIII, § 12 et 13, p. 186-187.
765 Bynkershoek, oc, idem, Liv I, chap. 1, p. 4. « Dans ma définition, je n’étais même pas disposé à omettre le terme de fraude, depuis qu’il est sans importance de savoir si nous employons la tromperie ou le courage dans les combats. Les opinions diffèrent et Grotius offre un grand nombre d’autorités et de précédents se positionnant de part et d’autre. Je permettrai toute sorte de tromperie [« ego omnem dolum permitto »] à la seule exception de la perfidie [« perfidia »] et je fais cette exception non pas parce que toute chose est illégitime contre l’ennemi, mais parce que quand un contrat [« fide data »] a été conclu, l’ennemi cesse d’être un ennemi aussi loin que ce que stipule le contrat. Et assurément, depuis que la raison qui justifie la guerre [« fane cum ratio belli omnem perdendi hostis modtim probet »] justifie également toute méthode de détruire l’ennemi, je trouve une seule explication au fait qu’autant d’auteurs et de précédents s’opposent sur l’usage de la fraude. Cette opposition est clairement due au fait que les auteurs, aussi bien que les généraux en chefs, confondent improprement la justice qui est le sujet de notre étude présente, avec la générosité, un sentiment qui survient souvent durant la guerre.[...] Les considérations de justice nous permettent d’avoir des forces plus imposantes que l’ennemi et d’user des armes à feux et autres moyens qui diffèrent des leurs, alors que la générosité interdit cela. La justice permet toute manière de frauder sauf à user, comme je l’ai dis, de la perfidie [manquement à la foi donnée]. »
766 Wolff, oc, idem, chap. VIII, § 18, p. 313.
767 Vattel, oc, idem, Liv III, chap. X, § 177, « du mensonge », p. 258.
768 Vicat, oc, idem, T IV, chap. XI, § 146, p. 78.
769 De Real, oc, idem, chap. II, sect ° V, XI, p. 435-436. « La force ouverte est sans doute le moyen le plus naturel, le plus noble et le plus légitime de nuire à l’ennemi, mais l’artifice n’est pas illicite à la guerre ».
770 Voir Pradier Fodéré, oc, idem, T VI, IIème P, Titre II, chap. I, n °2759, p. 944 qui cite Frédéric II : « La ruse réussit là ou la force échouerait ». Pradier Fodéré évoque également la ruse des Maréchaux Lannes et Murat (idem, p. 953) lors de la campagne d’Autriche de 1805. Annonçant une fausse armistice, ils passent les premiers ponts du Danube et arrivent au poste principal du grand pont de Litz, à ce moment miné par les Autrichiens pour freiner l’avancée de la Grande Armée de Napoléon. Ils persuadent le sergent de garde de ne point rejoindre son officier sur la rive gauche et continuent à discuter avec le sergent tout en traversant avec lui le pont. Les troupes d’Oudinot s’engagent sur le pont au moment où Lannes et Murat s’empressent d’indiquer au commandant de l’artillerie autrichienne que l’armistice est bel et bien effectif. Les Autrichiens médusés hésitent, perdent du temps, et finalement décident de faire venir le général autrichien Auersperg auquel les deux maréchaux donnent les mêmes fausses assurances. Le général autrichien réalise alors le stratagème français et ordonne la mise à feux des mines. Mais les troupes d’Oudinot arrivent enfin et font prisonnières l’ensemble des bataillons autrichiens présents. Le mensonge et la feinte ont été ici employés par les deux Maréchaux de France. Ce stratagème est considéré comme illégitime par Pradier Fodéré, car « il est difficile d’élargir assez sa conscience pour oser affirmer que ces deux maréchaux de l’Empire n’ont pas, au pont de Spitz, forfait à l’honneur militaire. Voir Mémoires du Général Baron de Marbot, Pion, 1892, T i, chap. XXIV, p. 239 et ss. Selon le droit des gens doctrinal, le moyen employé ici par les deux Maréchaux de France est contraire aux lois de la guerre. L’annonce d’un armistice fictif est en soi un « dolum verborum ». Il n’est pas un manquement positif à la parole donnée compte tenu de l’absence de convention, mais laisse entendre à l’adversaire que sa parole est engagée. On remarque ici toute la difficulté de juger la ruse de guerre selon une grille théorique, et le distinguo « dolum verborum » et « falsiloquium » de Vattel est un instrument bien difficile d’emploi. Les solutions de Klüber rendraient en revanche admissible la ruse des maréchaux.
771 Vattel, oc, idem, § 178, « des stratagèmes et des ruses », p. 259 et 260. Ce paragraphe est le complément naturel des vues exposées par Vattel dans son paragraphe 177, déjà cité, sur le mensonge.
772 Martens, oc, idem, § 274, « Des stratagèmes ; des espions » p. 184-185. Bouchaud, Théorie des traités de commerce est cité par Martens.
773 De Rayneval, oc, idem, chap. IV, § 7, « Des ruses, des stratagèmes, etc,... », p. 216. Turenne est cité.
774 Klüber, oc, idem, § 266, « Ruse de guerre-Espions-Transfuges-Déserteurs », p. 340.
775 Ces questions relatives à l’information prises à l’ennemi et à la matière de garantir sa propre communication, ont toujours eu la faveur des internationalistes. Martens s’en fera une spécialité. Il étudiera avec soin le « chiffre », ou code de la correspondance diplomatique secrète.
776 De nombreux exemples peuvent être cités ici. Voir Baron de Marbot, oc, idem, T II, chap. XXV, p. 289 : Massena recourut à deux frères juifs qui sous prétexte de vendre des fruits aux Autrichiens se glissaient parmi les troupes et attendaient le départ de celles-ci et l’arrivée des Français pour renseigner l’état major français. L’un d’eux chargé de compter l’effectif ennemi fût pris et condamné à mort à coups de baïonnette. Lire également idem, T II, chap. XXXV, p. 405 : Massena souhaitait communiquer avec Napoléon durant la campagne du Portugal. Il fallait que la dépêche passa au travers des guérillas espagnoles. Un français d’origine aristocratique se proposa pour porter un pli secret. Il se déguisa en berger et tenta de rejoindre Almeïda. Il fût pris et condamné à mort à Lisbonne. Bien qu’il prétexta de sa noblesse pour bénéficier de la décapitation, il fut pendu publiquement. Calvo cite également le cas (oc, Liv IV, sect II, § 2116, p. 179-180) du major André officier britannique durant la guerre d’indépendance américaine. Officiellement chargé par le général Clinton de négocier la trahison du général américain Arnold, il se rend en territoire neutre et ne peut rejoindre ses bases anglaises. Obligé de passer par les territoires contrôlés par les indépendantistes, il est arrêté, fouillé, et ses papiers établissant l’accord sur la trahison, découverts. Accusé d’espionnage, il en recourre à Washington qui examinant les faits, le condamne. Le major André demanda la grâce d’être fusillé comme soldat, il fut pendu. Phillimore, selon Calvo, considère que « les motifs de cette exécution étaient absolument injusticiables par les lois imprescriptibles du droit des gens. C’est un acte que l’on peut reprocher à la mémoire du grand héros Washington ».
777 Grotius, oc, idem, Liv, III, chap. IV, XVIII, 3, p. 634-635 : « C’est ainsi en effet que les espions, qu’il est indubitablement permis par le droit des gens d’envoyer, tels que ceux qu’envoya Moïse, tel que fût Josué lui-même, sont ordinairement traités de la manière la plus rigoureuse, lorsqu’on s’empare d’eux ».
778 Wolff, oc, idem, chap. VIII, § 22, p. 315.
779 Moser, oc, idem, Liv II, chap. XVI, p. 187.
780 Vattel, oc, idem, Liv II, chap. X, § 180, p. 263 et 264 : Les espions sont ceux qui « s’introduisent chez l’ennemi pour découvrir l’état de ses affaires, pénétrer ses desseins et en avertir celui qui les emploie ». « On punit communément les espions du dernier supplice, et cela avec justice, puisque l’on a guère d’autre moyen de se garantir du mal qu’ils peuvent faire » : et § 182, p. 266 : « On appelle intelligence double, celle d’un homme qui fait semblant de trahir son parti, pour attirer l’ennemi dans un piège ». Vattel cite l’emploi combiné de la ruse et du recours à l’espionnage au travers de l’exemple historique de Guillaume III d’Angleterre qui apprenant que son secrétaire livrait des informations à l’ennemi, l’obligea à écrire une fausse dépêche annonçant un fort déplacement de troupes pour le lendemain. Par cette ruse, il surpris l’armée française qu’il vainquit. Mémoires de Feuquières, T III, p. 87, § 178, p. 260. L’abbé Lenglet Dufresnoi est un des plus célèbres espions doubles du xviiième siècle. Durant la guerre d’Espagne, il fut à la fois et en même temps au service du Prince Eugène et de Villeroi, pour la France.
781 De Real, oc, idem, chap. Il, sect V, XI, p. 435.
782 Vicat, T IV, chap. XI, « Du droit de la guerre sur les personnes qui y sont impliquées et des moyens licites de leur nuire », § 146, p. 78 : « Hors de là [d’un droit de guerre illimité sous réserve de conventions existantes] nous pouvons attaquer l’ennemi clandestinement, tendre des pièges, soit au corps d’armée, soit aux individus, détacher vers eux des espions, leur envoyer de faux transfuges qui les fassent tomber dans nos pièges, ou leur nuisent par eux mêmes immédiatement sous couleur de leur servir ou sous quelque autre prétexte propre à leur imposer. » Légitimant également la trahison, Vicat fait cependant un rappel aux valeurs de la prudence et de la « grandeur d’âme ».
783 Martens, oc, idem, § 274, p. 184-185 : « [...] Il n’est pas contraire aux lois de la guerre de se servir d’espions, mais c’est à chaque puissance belligérante à s’en garantir par les peines sévères et ignominieuses qu’elle attache à l’espionnage de l’ennemi ». De Rayneval, oc, idem, chap. IV, § 6, « de l’espionage* », p. 215-216 : « L’espionnage est toléré, souvent même il est nécessaire parce qu’il importe au chef de connaître la position et les forces de son ennemi ». Schmaltz, oc, idem, Liv VI, chap. II, p. 235-236. Schmaltz admet le recours à l’espionnage, mais justifie que soit appliqué le « châtiment le plus exemplaire ». Il distingue précisément l’espionnage diplomatique et l’espionnage armé consistant en l’usage d’éclaireurs. Pour Schmaltz, l’exploration de la marche des armées ennemies par des militaires vêtus de l’habit n’est pas au sens strict de l’espionnage, c’est un « devoir de l’ennemi loyal ». Est en revanche « espion » celui qui « se permet sous le masque d’un citoyen paisible, et non sous l’uniforme de l’ennemi, de recueillir ou de donner aux siens des avis sur notre position et notre armée ou qui se chargent de la correspondance dans ces pays et en général seconde leurs opérations. Ces menées sont universellement et avec raison regardées et punies comme une véritable espionnage, car le séjour d’un tel homme sur le territoire occupé par notre souverain [...] le soumet à l’obéissance envers lui [...] ». Klüber, oc, idem, § 266, p. 340, déjà cité. Küber cite les trois ouvrages suivants : W. H Bruckner, Diss de explorationibus et explorationibus. Iena. 1700; Laur Lund, Hafniensis, Diss de speculatore, sl, sn, sd ; Jo Henr Moller, Diss de speculatoribus, Traj. Ad Rhen, sn, 1771.
*le mot espionnage prend un seul « n » au 18ème siècle.
784 On accordera une mention très spéciale à un moyen de guerre non moins très spécial, dont nous oserons ici mettre en doute la pleine efficacité. La superstition, et les pratiques magiques ne sont pas toujours exclues à la guerre. Gentili admet cet usage. Voir, oc, Liv II, chap. VI, 260, p. 160 et chap. VII, 264, p. 162-163. Au chapitre VI, il évoque les « incantations et les charmes » des Bulgares [« incantationibus et praestigiis »]. Il les déclare illégitimes dans la guerre car celle-ci est avant tout un combat entre hommes et non une lutte entre démons. [« Hinc pater, has esse illicitas in bello artes, quod belli contentio hominum, sit per eas contentio daemonum »]. Evoquant Jeanne d’Arc, « cette célèbre femme de Lorraine », brûlée sous ce prétexte par les Anglais, il cite le traité De la démonomanie des sorciers de Bodin. Il conclue ici en indiquant : « Et j’ai dis sur les chapitres du Codex des maléfices, qu’il n’est pas légitime de s’opposer aux maléfices par les maléfices », [« Et ego sic tradidi ad titulu codicis de malificiis, nec maleficiis obsistere licere per haec malefica »]. Dans le chapitre VII, Gentili cite l’emploi par les béotiens du laurier contre les Phocéens. Zouche les évoque, (oc, idem, pars II, sect° X, § 7, p. 187). Sont cités également, sans indication supplémentaires, Zonaras et Scanderbegus. On mentionne également les travaux ambitieux d’un certain Jean Glauber, qui au xviième, avait travaillé sur 5 grandes inventions destinées à « fonder la paix perpétuelle en rendant toute guerre impossible ». Un « feu humide » devait également exterminer les ennemis de la chrétienté. Une « huile d’or » rendait forts comme le lion ceux qui s’en abreuvait. L’huile d’or fut expérimentée sur les troupes du roi de Saxe qui tombèrent dangereusement malades. Jean Bodin imagina également une armée de sorcières qui pouvaient changer en déserts les pays ennemis. Plus sérieusement, on ne peut exclure historiquement et complètement le cas du recours à la superstition dans la guerre. Nous citerons ici, la cas de la sainte Ampoule de san Génaro de Naples. A l’entrée des troupes françaises commandées par le général Championnet, à Naples en janvier 1799, les Napolitains furent la proie de mouvements d’insurrection fomentés par les Lazzaronis. Le commandant Thiébault raconte que dans l’Eglise de saint Janvier, les fidèles menaçant attendait que l’ampoule laisse voir le sang. La « transmutation » se faisait attendre depuis de longues minutes. Le peuple commençait à gronder. La tension augmentait sans cesse et les quelques officiers français présents commencèrent à avoir peur pour leur vie. Thiébault envoya un de ses officiers voir le prêtre officiant, le menaçant de « réaliser au plus vite le miracle » sous peine de rétorsions françaises. En quelques secondes, le liquide incolore vira bien opportunément à la couleur sang, signe du miracle et présage favorable du saint patron de Naples à l’égard des troupes françaises.
785 Grotius, oc, idem, Liv III, chap. I, XXI, p. 604. Grotius admet l’offre de trahison d’un sujet ennemi. Cette position est celle du droit romain, Digcst, L 51, De Acquir. Rer. Domin. Il prohibe le fait de pousser quelqu’un à la trahison. Textor, oc, idem, chap. XVIII, § 13, p. 187 : sur l’usage de la corruption, passages déjà mentionnés. Textor qui se réfère à Grotius, cite les exemples de trahison de Masanissa, Jean de Médicis, le Duc de Bourbon et d’Auvergne sous Charles V de France.
786 Burlamaqui, oc. idem, IVème partie, chap. VI, § 21, p. 97. On notera (idem, § 22, p. 97-98) que Burlamaqui envisage « la trahison qui s’offre » qui est légitime de manière exceptionnelle et admise « dans une espèce de nécessité ».
787 Burlamaqui, oc, idem, § 17, p. 95.
788 Vattel, oc, idem, § 180, p. 263-264 et § 181, p. 265.
789 De Real, oc, idem, , p. 435. De Real juge cependant ce moyen « bas » et contraire à la magnanimité.
790 Martens, oc, idem, § 274, p. 184-185.
791 Klüber, oc, idem, § 244, p. 315-316. Klüber cite Scheid, Discussio de ratione belli, Haffniae, sn, 1744, et Vattel.
792 De Real, oc, idem, chap. II, sect ° V, XI, p. 435. C’est ici la suite du passage précédent.
793 De Real, oc, idem, p. 436-437.
794 Martens, oc, idem. La formule précédente de Martens se termine par la révolte : « « [...] on ne peut condamner en temps de guerre comme moyen illégitime, la corruption pour séduire les officiers ou autre sujets ennemis et les engager soit à révéler un secret, soit à rendre une place, soit même à la révolte. »
795 Martens, oc, idem : « Mais c’est sans doute franchir de beaucoup, les bornes du droit de la guerre, et se déclarer l’ennemi du genre humain, que de tenter d’exciter tous les peuples à la révolte en leur promettant secours. » Martens cite ici le décret de la convention nationale.
796 Klüber, oc, idem. « La loi de guerre défend expressément » : « [...] Enfin de corrompre les généraux et les fonctionnaires de l’état, et d’engager les sujets ennemis à la trahison, à la sédition [...] ». Suite du passage précédent de Klüber.
797 Schmaltz, oc, idem, chap. IV, p. 248-249. La phraséologie et l’emploi du terme d’usurpateur désignent dans les années 1815-1821 directement Napoléon.
798 La doctrine du xixème siècle abandonnera majoritairement l’examen de l’incitation à la révolte. Seuls la ruse et les stratagèmes, l’espionnage et la trahison seront encore objets du droit de la guerre. Bonfïls, oc, idem, Vème Partie, Liv II, chap. I, sect I, n° 1072, p. 600 et ss. Calvo, oc, idem, Liv IV, sect II, § 2106, p. 175 ; § 2111, p. 177 ; § 2117, p. 181. Oppenheim, oc, idem, T II, part II, part II, chap. III, X, § 159, p. 159, et XI, § 163, p. 164. § 159, p. 159 : « La guerre ne peut être engagée sans que soient obtenues toutes sortes d’informations sur les forces et les intentions de l’ennemi et du caractère du pays incluant les zones d’opérations militaires. Pour obtenir les informations nécessaires, il a été toujours considéré légitime [Lawfull] d’un côté d’user d’espions, et de l’autre, de recourir à la trahison de soldats ennemis ou de sujets privés, soit qu’ils aient été payés ou qu’ils aient offert volontairement et gratuitement les informations ». Pradier Fodéré, oc, idem, T VI, IIème P, Titre II, chap. I, n° 2759, p. 942 et ss. Voir n° 2765 sur l’emploi d’espions. Duddley Field, oc, idem, art 768, p. 578. Fiore, oc, idem, T III, Liv VIII, chap. VII, n° 1375, p. 204-205. Brentano et Sorel, oc, idem, liv II, sect I, chap. III, § 3, p. 291. Parmi les auteurs traitant de l’incitation à la révolte, il convient de citer Pradier Fodéré, (voir notamment idem, n° 2764, p. 970) sur le fait de « susciter des dissensions internes » ; Heffter qui s’y oppose ; Bluntschi qui l’admet.
La question du port déloyal d’uniformes ennemis ou de drapeaux ignorée au xviiième, est largement étudiée au xixème. La condamnation du recours à l’espionnage est seulement morale et est admise dans le droit de la guerre comme une pratique licite. La doctrine tend à distinguer l’espion de nationalité ennemie et l’espion au service de l’étranger. Les sanctions prévues par le droit public militaire dépendent directement de la nationalité de l’espion au regard de la nation espionnée.
799 Voir Ière partie, IIème sous partie, chap. II, section préliminaire, n° 176 et ss, p. 355 et ss. Voir Philippe Contamine, la Guerre au Moyen Âge, oc, p. 420 et ss.
800 Déclaration de saint Petersbourg, voir notamment Recueil général des lois et coutumes de guerre, Ferd. Wellens-Pay, Bruxelles, 1943, p. 48 et 50 pour le texte en français. Cette déclaration fait suite à la proposition de fourniture à la Russie, de balles explosives d’un nouveau modèle.
801 Gentili, oc, idem, Liv II, chap. VII, 262, p. 162 : « de armis et mentitis armis ». Gentili cite ici largement les historiens de l’antiquité mais également Paolo Emilio et son Histoire de France ; Giustiniani, Annali della republica di Genova ; Zonaras ; Scander-beg ; Cardan. Parmi les juristes sont mentionnés : Balde, Consilia, III, 285 ; le Digeste ; 29, v, i ; Connan, Commentaria juris civilis, I, v ; Chassaneus, Consuetudines Burgundiae, 38. Dans son chapitre VI, traitant du poison, Gentili abordera très directement le distinguo entre armes discriminantes et non discriminantes. Voir idem, 256-257, p. 158, 159 : Citant Balde, Gentili déclare que par la contamination ou la corruption par poison, on tue plus d’innocent que de coupables : « Nam et ipse ait per corruptiones istas fieri mortes innocentes magis quam culpabilium ».
802 Grotius, oc, idem, Liv, III, chap. IV, XVI, 1 p. 633 : « Le fait d’enduire des dards de poisons et de doubler les causes de mort, diffère quelque peu d’un empoisonnement semblable, et se rapproche davantage de la force ouverte ». Grotius semble admettre l’emploi de ces « dards » mais indique immédiatement : « Mais cela est contraire au droit des gens non universel, mais de toutes les nations européennes et de celles qui se rapprochent le plus des nations civilisées de l’Europe [...] ». Salisbury, Homère et l’Odyssée (chap. I) sont cités.
803 Rachel, oc, idem, § XLVII, p. 186. Selon Silius. « Celui qui use de jets empoissonnés contre l’ennemi, déshonore ses armes ».
804 Wolff, oc, idem, chap. VIII, § 22, p. 315. Vicat suivra ici Wolff et admet l’emploi de flèches empoisonnées. Voir oc, idem, T IV, chap. XI, § 148, p. 79.
805 Burlamaqui, idem, IVème partie, chap. VI, § 11, p. 92.
806 Vattel, oc, idem, Liv III, chap. VIII, § 156, « Si l’on peut se servir d’armes empoisonnées », p. 239 : « Il y a un peu plus de couleur à excuser ou à défendre l’usage des armes empoisonnées ». « Mais cet usage n’en est pas moins interdit par la loi naturelle qui ne permet pas d’étendre à l’infini les maux de la guerre ». « C’est donc avec raison et conformément à leur devoir que les peuples civilisés ont mis au nombre des lois de la guerre, la maxime qui défend d’empoisonner les armes ». Grotius est cité.
807 De Real, oc, idem, sect VI, IV, p. 440 à 442. De Real ajoute « Un de nos historiens remarque qu’avant l’usage de l’arquebuse et dans le temps que l’arbalète était l’arme principale, c’était la coutume des espagnols d’empoisonner les flèches ». Puis évoquant successivement la poudre, les bombes, les boulets rouges, les boulets creux, les vapeurs si mortelles de ces instruments, il s’écrie : « Veuille le ciel préserver les hommes de cette horrible invention ». « Un écrivain* qui a fait un très bon traité de l’artillerie et des feux d’artifices tant pour la paix que pour la guerre, remarque que les anciens allemands faisaient faire serment à tous ceux qui s’adonnaient à l’art pyrotechnique, « qu’ils ne construiraient aucuns globes empoisonnés, qu’ils ne cacheraient aucun feux clandestins, en aucuns lieux secrets, qu’ils ne tireraient point de canon pendant la nuit, qu’ils ne prépareraient jamais aucuns feux artificiels, sautants et voltigeants et qu’ils ne s’en serviraient pas pour la ruine et la destructions des hommes ».
*Brechtelius.
808 Martens. oc, idem, § 273, p. 183-184 et note a.
809 Schmaltz, oc, idem, cap. IV, p. 248.
810 Klüber, oc, idem, § 2 4 4 , p. 315-316. Sont cités J. E van Beust, Kriegsanmerkungen, sl, sn sd, Ompteda, Kamptz, Moser. La note de Ott précise l’usage des cercles poissés, des boulets à chaînes, à bras, rouges (inventés en 1574 et utilisés la première fois au siège de Dantzig), fût prohibé également par des « traités et arrangements militaires ».
811 Calvo, oc, idem, § 2098, p. 171, signale la convention de l’Amiral français Conflans, proscrivant en 1759 dans son ordre du jour, l’usage de « boulets ramés ».
812 Gentili. oc, idem, Liv, II, chap. VI, 249, p. 155 : « du poison » ; [« de venecisiis »]. Grotius, oc, idem, Liv, III, chap. IV, XV, p. 632 : « Mais comme le droit des gens permet dans le sens que nous l’avons expliqué beaucoup de choses qui sont défendues par le droit de nature, de même, il défend certaines choses permises par le droit de nature ». « Cependant le droit des gens reçu depuis longtemps, sinon par tous les peuples, du moins par les plus civilisés, est qu’il ne soit pas permis de tuer un ennemi par le poison : cet accord unanime est né de la considération de l’utilité commune, pour empêcher que les périls qui commençaient d’être fréquents dans les guerres, ne s’étendissent trop ». Tite Live donne comme synonyme du poison les « crimes clandestins ». Grotius ajoute, oc, idem, XV, 2, p. 633 : « Quant au fait d’empoisonner les fontaines, ce qui ou bien n’est point caché, ou ne le demeure pas longtemps, Florus dit que c’est non seulement contre la coutume des ancêtres, mais encore contre le précepte des Dieux ; comme il a été remarqué par nous aussi ailleurs, que les règles du droit des gens étaient ordinairement attribuées à l’initiative des Dieux ». Grotius avec des accents d’une remarquable modernité ajoute ici, XVII, p. 633 : « Au reste, il ne faut pas décider de la même chose relativement au fait de corrompre sans poison les eaux*, de manière à ce qu’elles ne puissent être bues [...] ».
* « En y jetant des cadavres », de « l’amiante », de « la chaux ».
Voir Zouche, oc, idem, pars II, sect° X, § 5, p. 186. Rachel indique quant à lui, oc, idem, § XLVII, p. 186 que selon Valerius Maximus « la guerre doit être faite par les armes et non par le poison ». Textor, oc, idem, chap. XVIII, § 12, p. 186-187.
813 Gentili, oc, idem, Liv II, chap. VII, 263, p. 162 : « Des armes et des armes trompeuses », « de armiis et mentitis armiis ». Gentili évoque ici l’emploi contraire au droit des gens de « bestiarum venenatarum ». Les chevaux et éléphants employés à la guerre sont admis par « l’usage » [« recepto more »]. Puis il évoque les bêtes féroces et décrit une brève histoire de moyens de guerre depuis les poings, les ongles, les coups, les morsures. Gentili se livre ici à une étude étymologique de la guerre et y voit comme origine les mots « belluae », bêtes féroces », et « duelles », « hommes combattant », comme origine du mot bellum. Gentili en arrive à l’emploi du fer et à l’artillerie.
814 Wolff, oc, idem, Idem, chap. VIII, § 21, p. 315 et § 22, p. 315 : « Cependant les balles ou les flèches empoisonnées peuvent être mises au nombre des moyens permis pour forcer l’ennemi à céder à nos attaques et l’on peut aussi gâter l’eau sans poison de manière qu’elle ne puisse être bue ».
815 Burlamaqui. oc, idem, IVème partie, chap. VI, § 11. p. 92 : « Cependant il est certain que suivant les idées et les coutumes reçues chez les peuples civilisés, on regarde comme une lâcheté criminelle, non seulement de faire donner à l’ennemi quelque breuvage mortel, mais encore d’empoisonner les puits, les sources, les fontaines, les flèches, les dards, les balles et autres choses dont on se sert contre lui ».
816 Vattel, oc, idem, Liv III, chap. VIII, § 155, p. 234 : « Le poison donné en trahison a quelque chose de plus odieux que l’assassinat [...] ». Arminius subissant une tentative d’empoisonnement par le prince des Cattes. Et également § 157, « Et empoisonner les fontaines », p. 241 : « On s’accorde plus généralement encore à condamner l’empoisonnement des eaux, fontaines et des puits parce, disent certains auteurs, que par là on peut donner la mort à d’autres qu’aux ennemis ». Mais on peut « détourner les eaux », « couper les sources ».
817 De Real, oc, idem, chap. II, sect VI, IV, p. 440-441. De Real cite Frontin et Polyen. Nous citerons le passage suivant « L’empoisonnement des rivières et des fontaines dont les chrétiens accusaient les juifs en France sous Philippe Auguste ; et les protestants d’Allemagne, quelques émissaires du pape Paul III et du clergé de Rome, était une pure calomnie ».
818 Vicat, oc, idem, chap. XI, § 149, p. 80 : « Mais je ne saurais trouver que les vœux communs puissent souffrir qu’on emploie le funeste moyen du poison ou de l’infection [...]. »
819 Martens, oc, idem, § 273, p. 182-183 : « les puissances civilisées de l’Europe reconnaissent [...] comme absolument contraire aux lois de la guerre de faire un usage quelconque du poison* […].
* Martens vise également ici l’empoisonnement des magasins, des fontaines, des puits. Trinkhusius, De illicito venenatorum armorum usu, Iena, sn, 1667. Van Beust, et H. Cocceji, de armis illicitis, Francof ad Viadr., sl, sn, 1698, sont cités. De Rayneval, oc, idem, chap. IV, § 5, p. 212-212 : p. 214 : « Quant à l’empoisonnement des fontaines, des puits, je pense que l’idée n’en saurait venir à un général.[...] détruisez les puits, si par là vous empêchez votre ennemi de vous poursuivre, mais ne les empoisonner point ! ». Schmaltz, oc, idem, chap. IV, p. 247.
820 Klüber, oc, idem.
821 Heffter, Bluntschli, Pradier Fodéré, Bonfils traiteront de cette question en indiquant que les lois musulmanes et de Manou, l’antique législateur hindou, prohibaient également l’emploi du poison. Par ailleurs, l’article 16 et 70 des instructions de 1863 pour les armées en campagne des États Unis d’Amérique ; l’article 13 du Projet de déclaration internationale discutée lors de la conférence de Bruxelles en 1874 ; l’article 8 du Manuel des lois de la guerre publié par l’institut de droit international et enfin la Conférence de la Haye du 29 juillet 1899, traitant pour la première fois des gazs axphyxiants et délétères, confirment cette prohibition générale et ancienne du caractère illégitime du recours au poison et dérivés (annexe sect II, art 23 a). L’annexe à la 4ème convention de la seconde conférence de La Haye réitère dans son art 23 a, ce même interdit d’emploi du « poison et des armes empoisonnées ». Les gazs axphyxiants et moyens bactériologiques sont visés par le Traité de Washington du 6 février 1922, et du protocole de Genève du 17 juin 1925. L’interdiction de fabrication des armes bactériologiques est quant à elle prohibée depuis la convention du 10 avril 1972.
822 Gentili, oc, idem, Liv, II, chap. VI, 249, p. 156 sur le poison et chap. VIII, 270, p. 166 sur « Scaevola, Juditha et similibus », modèles de l’assassinat pour la période antique. Selon Tite Live l’assassinat par poison d’Holopherne par Judith est un « latrocinia », un acte de brigandage. Gentili, oc, 272-273, p. 167, considère comme illégitime l’assassinat par incitation à la trahison. Thomas More est ici cité.
L’exemple de Scaevola va être repris par la quasi intégralité de la doctrine internationaliste.
823 Grotius, oc, idem, Liv, III, chap. IV, XV, p. 632. Il cite Tite Live qui évoque les « crimes clandestins ». Passage déjà cité.
824 Grotius, oc, idem, XVIII, 1, 2, 3, 4, 6 p. 633-636. « Il faut absolument faire une distinction entre les assassins : ceux qui violent leurs engagements exprès ou tacite, [...] ou s’ils ne sont liés par aucun engagement ». 2, p. 634 : « Il est en effet permis de tuer un ennemi en quelque lieu que ce soit, non seulement par le droit de nature, mais aussi par le droit des gens [...] et le nombre de ceux qui le font ou qui en sont les victimes n’importe pas. » ; 3, p. 634 : « On ne doit pas se laisser ébranler par cette circonstance que, lorsqu’ils ont surpris, de tels assassins sont ordinairement punis de supplices rigoureux, car cela ne vient pas qu’ils ont commis une faute contre le droit des gens, mais c’est qu’en vertu de ce même droit des gens, tout est permis contre un ennemi ». Lire également 4, p. 635 : « Mais il faut ajouter un autre jugement à l’égard de ces assassins dans l’acte desquels se trouve une perfidie ; et ce ne sont pas, en effet, seulement eux-mêmes qui agissent contre le droit des gens, mais encore ceux qui emploient leur service ; quoique dans les autres choses, ceux qui se servent du concours des méchants contre leurs ennemis soient censés pécher devant Dieu, mais non devant les hommes, c’est à dire contre le droit des gens ; puisque dans cette rencontre, « les coutumes ont rangé les lois sous leur pouvoir » et que « tromper » suivant l’expression de Pline « passe pour prudence à raison des mœurs du temps ». « Toutefois cette coutume est en deçà du droit de tuer, car celui qui emploie la perfidie d’autrui, est regardé comme ayant violé le droit, non seulement de nature, mais aussi des gens ». Grotius ajoute enfin : 6, p. 636 : « Cela n’est donc pas permis dans une guerre solennelle, ou contre ceux qui ont le droit de déclarer une guerre solennelle ; mais en dehors de la guerre solennelle, c’est tenu pour permis en vertu du droit des gens ». Les exemples historiques d’Alexandre et Darius, Scaevola sont cités. Ce dernier à la suite de Gentili, sera systématiquement repris par la doctrine jusnaturaliste postérieure. Scaevola soldat romain eut le dessin d’assassiner Porsenna, roi de Clusium en Etrurie assiégeant Rome. Parvenu sous sa tente, Scaevola tue par méprise le secrétaire de Porsenna qu’il confond. Conduit devant Porsenna, il posa sa main au brasier et la laissa brûler pour la punir de s’être trompée. Il déclara que 300 autres romains avaient juré d’imiter ce geste. Effrayé Porsenna conclu avec Rome, un traité de paix.
825 Zouche, oc, idem, pars II, sect° X, § 4 sur le mensonge et § 5, sur le poison, p. 186.
826 Pufendorf, Liv VIII, chap. VI, § XVI, p. 469. Concernant l’assassinat, Pufendorf reprend la distinction de Grotius. Il y a 1. « Les assassins qui violent par-là leurs engagements exprès ou tacites [...] comme font les soldats à l’égard de celui pour qui ils portent les armes. » Et « les assassins qui n’ont aucun engagement avec celui qu’ils vont tuer » ; et 2. « L’assassinat qui est du droit de la guerre dans une guerre solennelle et non solennelle, en affirmant une interdiction de principe de l’assassinat dans une guerre solennelle et son admission en cas de guerre menée contre des « rebelles » ou un « chefs de brigands et de corsaire »
827 Wolff, oc, idem, chap. VIII, § 23, p. 315-316.
828 Burlamaqui, oc, idem, idem, IVème partie, chap. VI, § 15, p. 94 : « On se demande encore si l’on peut légitimement faire assassiner un ennemi ? je réponds 1° Que celui qui se sert pour cela du ministère de quelqu’un des siens, le peut en toute justice. Lorsqu’on peut tuer un ennemi, il n’importe que ceux qu’on emploie pour cela soit en grand ou petit nombre [...] ». L’exemple historique de Scaevola et Porsenna est mentionné. Idem, § 16, p. 95 : « 2° Mais il n’est pas si aisé de déterminer si l’on peut pour cela employer des assassins qui en se chargeant de cette commission, commettent eux-mêmes un acte de perfidie, comme sont des sujets par rapport à leur souverain, des soldats par rapport à leur général : à cet égard, il semble qu’il faut d’abord distinguer ici deux questions différentes ; l’une si on se sert de traites ; l’autre si supposé qu’on ne lui fasse aucun tort, on commet néanmoins une mauvaise action ». Idem, § 17, p. 95 : « 3° Pour la première question [...] on ne fait aucun tort à l’ennemi, soit qu’on profite de l’occasion d’un traître qui vient s’offrir de lui même, soit qu’on la recherche soit même et qu’on se la procure ». Idem, § 19, p. 96 : « 4° Cependant je crois que cela ne suffit pas pour rendre un assassinat fait dans ces circonstances tout à fait innocent. Un souverain qui aura la conscience tant soit peu délicate et qui sera bien convaincu de la justice de ses armes, n’ira point chercher de voies de trahison pour vaincre son ennemi et n’embrassera pas facilement celles qui se présenteront d’elles mêmes. » Passages en partie déjà cités.
829 Vattel, oc, idem, Liv III, chap. VIII, § 155, p. 234 à 236. Scaevola, Pepin le Bref sont cités. Vattel fait allusion à l’épisode de Pépin traversant le Rhin pour aller assassiner « son ennemi dans sa chambre ». Vattel précise : « Le poison donné en trahison a quelque chose de plus odieux que l’assassinat [...] ». Il cite également Arminius subissant une tentative d’empoisonnement par le prince des Cartes, et Alamut, le Vieux des Montagnes, chef des Ashashins, cher à Baudelaire et aux habitués de l’Hôtel Pimodan.
830 De Real, oc, idem, V, p. 442. Caïus Mutius Scaevola. Arminius, Charles Quint et Barberousse, Frédéric II de Prusse qui en 1741, fût l’objet d’une tentative d’assassinat prétendument organisée par le Conseil de Vienne, sont cités. Le sont également Joab général de l’armée de David, Galba, Cocoratus chef rebelle des Ibères et Lusitaniens sous Auguste, le Pape Alphonse XI et Joseph, roi des Maures de Grenade.
Calvo, oc, idem. § 2105, p. 175, évoque le cas historique du projet d’assassinat de Napoléon par Guillet de la Gevrillière en 1806. Cette tentative préparée depuis Londres fût découverte par les services britanniques et Fox chancelier en avertit Talleyrand. Une autre tentative d’assassinat sur Napoléon est évoquée par la doctrine du xixème, voir Pradier Fodéré, idem, T VI, n° 2751, p. 911. Il s’agit de l’acte isolé d’un citoyen autrichien, Frédéric Staps. On peut faire ici remarquer que le tyrannicide en cas de guerre civile où d’occupation illégitime d’une nation pourrait être avancé pour légitimer de tels actes pourtant contraires au droit des gens.
831 De Real, oc, idem, VI, p. 445. Plus originalement, de Real cite l’exemple du baron de Neuhoff, un temps placé à la tête du royaume éphémère de Corse. « Dans les mouvements dont l’île de Corse a été dernièrement agitée, la république de Gênes mit à prix la tête d’un célèbre aventurier qui avait voulu usurper ce royaume. Elle fit en cela un usage raisonnable de son droit quoique cet homme ne fut lié par aucun serment ni par aucun obligation envers la république de Gênes. La raison en est qu’en entrant dans l’île de Corse, l’aventurier était devenu justiciable des génois souverains de cet île [...] ». Autre exemple cité, le Prince Joseph Rakoski hongrois devenu l’allié des Ottomans contre Charles VI d’Autriche.
832 De Real, oc, idem, VI, p. 444.
833 Vicat, oc, idem, chap. XI, § 150, p. 80.
834 Martens, oc, idem, § 273, p. 182-183 : « les puissances civilisées de l’Europe reconnaissent [...] comme absolument contraire aux lois de la guerre de faire un usage quelconque du poison et de l’assassinat ou même de mettre à prix la tête d’une ennemi légitime, le seul cas de représailles excepté. » Moser est évoqué.
835 De Rayneval, oc, idem, chap. IV, § 5, « poison et assassinat », p. 212-212 : « Peut-on parler de pareils moyens quand il s’agit d’un métier qui demande autant de grandeur d’âme, de magnanimité que de courage ? Peut-on supposer qu’un militaire dont l’honneur est la devise, veuille le perdre par la plus vile, la plus atroce des lâchetés ? Non et le seul soupçon est une injure. De Rayneval avance deux types d’arguments : 1, les souverains et les généraux sont remplacés ; 2, risque de mesures similaires et de représailles prises par l’ennemi. Scaevola et Alexandre mettant à mort Bessus, assassin de Darius sont cités.
836 Schmaltz, oc, idem, Liv VI, chap. III, p. 237 : « Voilà pourquoi on regarde comme une action illicite de frapper avec préméditation le souverain avec lequel on est en guerre, et de faire même contre lui des tentatives de ce genre dans la mêlée ». Voir également, oc, idem, chap. IV, p. 247 « coutumes du droit des gens concernant les opérations particulières qui ont lieu dans la guerre », p. 247 : « C’est une action réprouvée parmi les européens et odieuse même chez les nations barbares, que d’employer contre l’ennemi le poignard et le poison ». Et, « [...] Il n’est pas permis de mettre à prix la tête d’un général ennemi », sauf cas de représailles.
837 Klüber, oc, id,em, § 244 , p. 315-316 : « Les lois de la guerre défend expressément : […] « d’assassiner, [...] » ; « de mettre à prix la tête de l’ennemi ». Moser est cité ainsi que le complot contre Frédéric le Grand en 1741 et la machine infernale inventée par l’ingénieur Jenibelli en 1585.
838 On notera l’usage surprenant mentionné par Schmaltz sur les usages de guerre durant les sièges, (idem, chap. IV, p. 250). Le fait pour les assiégés de ne pas arrêter les horloges des clochers, autorisent le vainqueur de s’en emparer lors de la rédition. Le rachat des horloges est cependant admis.
839 L’investissement est un terme générique lié généralement à une opération de siège et qui vise à mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires pour intercepter les communications des assiégés vers l’extérieur.
840 Le bombardement viendrait du ternie allemand « bomberden ». Le ternie latin de « bombus » indique le bourdonnement des abeilles, et indirectement le bruit, les acclamations. Le mot de « boulet » proviendrait aussi du ternie bombus. L’adjectif « bombée », renvoie à la ligne courbe. Le terme italien de « bomba » semble être à l’origine du mot français. Le premier usage en Europe de la bombe (projectile creux et chargé de poudre à distinguer du boulet plein) date selon Strada du siège de Wachtendook en 1588, pour d’autres c’est Charles VII de France au siège de Bordeaux en 1452 qui aurait fait le premier emploi de projectiles analogues à la bombe. Le canon est d’origine arabe et le mot « madfaa », désigne aussi bien le fusil que le canon qui au moyen de la poudre permettaient seulement à l’origine de lancer des flèches. L’usage moderne par les Arabes du canon, boulet plus poudre, remontent aux années 1259-1323. Ce sont les arabes qui s’en sont servis la première fois en Europe au siège d’Alicante en 1258. Son existence est constatée en Italie dès 1325 et en 1345 et employé primitivement en Europe par la ville de Florence. Cambrai était connue pour ses fabriques de canons. Les Anglais sont les premiers à s’en être servis en rase campagne lors de la bataille de Crécy en 1346.
841 Le terme de blocus a une étymologie discutée. Le ternie celte de blocul désigne la barricade. Le verbe latin bucculare vise l’action de fermer un passage. Le terme allemand de blok-hus, devenu blok-haus (identique au « house » anglais) signifie maison ou forts de bois servant les assiégeants à resserrer le siège. Le blocus vise à la différence du siège qui implique l’assaut et la prise de la ville par la force, à contraindre une place forte ou une ville à se rendre par l’épuisement de ses moyens de subsistances.
842 Gentili, oc, idem, Liv, II, chap. XXIII, 441-442, p. 270 : « de la dévastation et de l’incendie » [de vastitatc et incendiis »]. Textor, oc, idem, chap. XVIII, sur la dévastation, § 33 et 34 (passage déjà cité) : « la première sorte de destruction [celle qui amène la victoire] de la propriété ennemie est non seulement légitime en elle-même, mais absolument exempte de tout blâme ». « [... pour] les dernières destructions [celle qui n’amènent pas forcément la victoire] quelqu’un peut objecter que si cela n’est pas contraire au droit, elle l’est à un certain degrés contraire aux principes d’humanités ». Ici sont cités, la destruction des arbres fruitiers, des palais, et autres ouvrages d’art, l’incendie des fermes ». Textor place ses solutions sous l’influence directe de Grotius.
843 Grotius. oc, idem, Liv 111, chap. XII, I, p. 725 : « Pour qu’on puisse détruire sans injustice les biens d’autrui, il est nécessaire que l’une de ces trois choses précèdent : ou une nécessité semblable à celle qui doit être considérée comme ayant été exceptée dans l’établissement primitif de la propriété [...]. Ou bien quelque dette procédant d’une inégalité [...]. Ou bien quelque méfait qui mérite un pareil châtiment, ou dont le châtiment n’excède point la mesure [...] ». Idem, I, 3, p. 726 : « On doit à la vérité tolérer le ravage qui réduit en peu de temps l’ennemi à demander la paix ». Idem, II, 1, p. 726 : « Cela n’arrivera d’abord si nous sommes tellement nous mêmes maîtres de la chose qui produit les fruits, qu’elle ne puisse servir à l’ennemi ». Grotius comprend là les « arbres sauvages pour les travaux de défense et les ouvrages de guerre ». y exclue les « arbres fruitiers », les « animaux servant au travail des campagnes », « les maisons de villes ou une ferme ». Puis il apporte ces fameuses exceptions, oc, idem, Liv III, chap. XII, III. 1, p. 728 : « En second lieu, ce que nous avons dit arrivera, même dans une possession incertaine du territoire, s’il y a une grande espérance d’une rapide victoire, dont le prix serait les terres et les fruits ». Hérodote, Sénèque, Quinte Curce, Polybe, Tite Live, César, Hérodote, sont mentionnés. Il y ajoute, idem, III, 2, p. 730 : « En troisième lieu, la même chose sera faite si l’ennemi peut avoir de quoi se sustenter, par exemple si la mer. si d’autres territoires lui sont ouverts ». C’est ici que Grotius évoque les atteintes aux « res sacrae ».
844 Wolff, oc, idem chap. VIII, § 9, p. 310-311. Idem, chap. VIII, § 9, p. 310-31 I : « on appelle dégâts et ravages tous les actes destinés à cause du dommage à l’ennemi, sans qu’il nous revienne aucun profit. Ils ne sont licites, qu’autant qu’il servent à nous faire obtenir le droit ou la satisfaction qui sont le sujet de la guerre en diminuant les forces de l’ennemi ou en lui infligeant une peine méritée ».« On peut donc désoler les campagnes, détruire les fruits et les moissons, arracher les jardins et les vignes, renverser et brûler les maisons si cela est nécessaire pour poser un camp pour assiéger une ville, pour livrer bataille, mais quand on s’est rendu maître des villes et des villages, il ne convient plus de faire le dégât à moins que ce soit pour les punir de quelque délit qui mérite une semblable peine ».
845 Burlamaqui, oc, idem, chap. VII, § 2, p. 102. « Ce droit de dégât s’étend en général sur toutes les choses qui appartiennent à l’ennemi et le droit des gens, proprement ainsi nommé, n’en excepte pas même les choses sacrées, c’est à dire celle qui sont consacrées au vrai Dieu ou aux fausses divinités dont les hommes font l’objet de leurs cultes ».
846 Moser, oc, idem, chap. VII, § 9, 15 et 17, p. 110. Le moyen de guerre par inondation fût utilisé en 1673 par le Prince d’Orange qui fit reculer les français menaçant les Provinces Unies, en rompant les digues hollandaises.
847 Vattel, oc, idem, § 167, « Des ravages et des incendies », p. 249 : « Cependant on va plus loin encore en certaines occasions : on ravage le pays, on saccage les villes et les villages, on y porte le fer et le feu ». « Deux raisons cependant peuvent les autoriser : 1° la nécessité de châtier une nation injuste et féroce, de réprimer sa brutalité et de se garantir de ses brigandages ». [Exemple donné du roi d’Espagne ordonnant le ravage les « villes maritimes de l’Afrique, ces repaires de pirates »]. « 2° On ravage un pays, on le rend inhabitable, pour s’en faire une barrière, pour couvrir sa frontière contre un ennemi que l’on se sent pas capable d’arrêter autrement ». Vattel donne les exemples de Pierre le grand qui face à Charles XII, « ravagea plus de 80 lieues de pays dans son propre empire » et également les français sous Louis XIV dans le Palatinat en 1674 et 1689. Idem, § 169, p. 251 : « Du bombardement des villes », p. 251 : « Il est difficile d’épargner les beaux bâtiments quand on bombarde une ville. Communément on se borne aujourd’hui à foudroyer les remparts et tout ce qui appartient à la défense de la place : détruire une ville par les bombes et les boulets rouges, est une extrémité à laquelle on ne se porte pas sans de grandes raisons. Mais elle est autorisée par les lois de la guerre lorsqu’on n’est pas en état de réduire autrement une place importante, de laquelle peut dépendre le succès de la guerre ». Ici est donné l’exemple du bombardement anglais de places maritimes françaises en 1694.
848 De Real, oc, idem, sect VI, IX, « S’abstenir des incendies, inondations », p. 452 : « aucune convention ni expresse ni tacite, aucun usage ne défend aux assiégeants de tirer à boulets rouges sur les assiégés [...] ». La seule limite est la nécessité et le but de l’opération. Cependant, « ce sont les fortifications de la place et non les maisons des habitants qu’on doit attaquer ».
849 Vicat, oc, idem, § 151, p. 80-81. Il existe pour Vicat une interdiction de « pointer le canon de la place assiégée sur le quartier du roi assiégeant », de « faire tomber la bombe sur le lieu où l’on sait que le prince assiégé ou la famille royale peuvent se trouver ».
850 Martens, oc, idem, P 286, p. 210. Moser est cité.
851 De Rayneval. oc, idem, chap. IV. § 2, « le dégât », p. 209-210 : Il est légitime si la « nécessité le justifie ». Schmaltz, Liv VI, chap. III, p. 241 : « Il est permis de détruire à dessein tout ce que l’ennemi se sert pour la guerre : fortifications, magasins, vaisseaux, ponts, incendie des habitations, en cas de nécessité « pour se défendre ou pour couvrir la retraite ».
852 Klüber, oc. idem, § 262, « dévastation », p. 336. Klüber énumère comme biens pouvant être impérieusement sujets à destruction : les cités, les forteresses, les ouvrages de défense « et leurs alentours, ponts, magasins, fabriques d’armes, moulins à poudre, fonderies de canons ». Vattel est cité.
853 Pradier Fodéré considère, idem, n° 2748, p. 902, qu’« on réprouve comme moyens barbares non seulement toute combinaison ou application d’inventions que l’esprit de l’homme pourrait imaginer et dont l’effet serait d’anéantir les habitants d’une région entière en confondant dans un sort commun les combattants et les non combattants, mais encore des actes de destruction qui amèneraient de véritables cataclysmes ». Néanmoins, Les Instructions pour les armées des États Unis dans son article 14, précisent que les « nécessités militaires » qui sont l’ensemble des « mesures indispensables pour atteindre sûrement le but de guerre » ne se trouvent pas subordonnées sur le principe à des limitations relevant du droit international. L’article 17 stipule qu’il est autorisé à « réduire l’ennemi armé ou désarmé, par la famine dans le but de le soumettre plus promptement ». Le Projet de déclaration internationale de Bruxelles rappelle les exceptions aux règles du droit de la guerre nées de cette « nécessité de guerre ». Le Manuel de l’Institut de droit international (articles X et 9) admet implicitement que l’on peut commettre des « rigueurs utiles ». Pour Pascale Fiore, oc, article 1053 : « la dévastation, l’incendie, la destruction volontaire des établissements, des édifices et en général de tout ce qui appartient à l’ennemi seront autorisés, quant le succès de la guerre le requerra. Mais dévaster, détruire, incendier pour le seul plaisir de nuire constitueront toujours des procédés illicites et contraires au droit de la guerre ». Pour Calvo, oc, idem, n° 2067, p. 148 : « Le bombardement des places de guerre ou des autres lieux fortifiés est une mesure d’extrême rigueur, justifiables seulement dans le cas où il y a impossibilité absolue d’atteindre par d’autres moyens le but qu’on poursuit [...]. »
854 Bynkershoek, oc, idem, Liv I, chap. III, p. 26-27. Bynkershoek cite ici des sources journalistiques, le Hollandische Mercurius, 1690, p. 245. Bynkershoek n’en dira pas davantage et rappelle sur le ton de l’humour que le duc de Berwick, partisan de Jacques II et des Stuarts, déclara à l’annonce de cette décision qu’il enverrait aux galères en France tous les prisonniers anglais qu’il pourrait faire.
855 Martens, oc, idem, Liv VII, § 277, p. 189-190 : « des sujets ennemis non armés ».
856 Martens fait un renvoi à Moser, Versuch, T IX, p. 299.
857 Schmaltz, oc, idem, Liv VI, chap. III, p. 230.
858 Ch. André Julien, Les Français en Amérique. 1713-1784, Centre de documentation Universitaire, sd, T II, p. 41 et 42.
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