Avertissement
p. 9
Texte intégral
1Le but proposé au lecteur tout au long de cette étude consistera à présenter les solutions de droit avancées par la doctrine du xviiième siècle visant à encadrer le recours à la guerre et à définir les conditions légitimes d’exercice des actes de guerre. Les solutions du droit positif n’y sont pas absentes. Mais celui-ci, qu’il soit coutumier ou conventionnel, n’ayant pas atteint entre 1700-1819 ce degré de modernité que nous lui connaissons actuellement, il nous est apparu plus utile de rendre compte du droit international de la guerre au temps des Lumières tel qu’élaboré par les maîtres internationalistes. Un souci permanent accompagnera celte démarche. Par delà l’observation des grands principes du droit international de la guerre et des règles particulières relatives à la conduite des opérations militaires, les évolutions historiques de la pensée internationaliste encadrant la période de référence seront constamment mises en avant. De saint Augustin à Grotius, de Vitoria et Gentili à Wheaton, Oppenheim, Bonfils, Anzilotti ou Scelle, c’est toute la pensée du droit international que l’on suivra pour en reconstituer la marche.
2Entre les années 1700-1819, l’histoire du droit international et du droit de la guerre est d’abord celle d’un chassé-croisé. Le droit international moderne émerge en même temps que nous assistons durant ces années au crépuscule d’un âge d’or juridique. Si Grotius annonce le droit international, il contribue aussi à mettre à bas l’édifice juridique multiséculaire qu’est le droit de la guerre, le jus belli. Sur les 15 siècles qui séparent saint Augustin de Grotius, le jus belli constitua fondamentalement et formellement, dans son expression de la théorie de la juste cause, tout le droit international théorique. Au xviiième, il sera définitivement supplanté par ce jus gentium qui va rapidement se voir qualifié dès les années 1820-1840 avec Wheaton, d’International Law, de droit international.
3C’est donc à une étrange invite à laquelle nous convie notre sujet. Celle d’un déclin d’un ordre normatif particulier. La matière du droit de la guerre se meurt au xviiième siècle, comme, deux siècles plus tard, la guerre elle-même se verra condamnée à l’illégalité selon le droit international. La guerre factuelle, éternel phœnix, ne cessera quant à elle en l’absence d’ordre juridique international suffisament effectif et rigoureux, d’affirmer toute son actualité.
4Le xviiième siècle s’impose donc comme un siècle au carrefour de notre discipline. Il consacre la fin de la théorie médiévale de la juste cause sapée dans ses soubassements par les maîtres de la doctrine du xviième siècle. Il prépare audacieusement le droit international moderne, façonné à partir du xixème siècle à la fois par la doctrine mais aussi par les grandes conventions internationales élaborées à partir des années 1860-1910.
5Notre étude s’appliquera à mettre en lumière la marche des efforts conceptuels de penseurs pour organiser la matière et aider les États à dominer le fait d’ultraviolence. Et c’est par un double constat d’échec que nous conclurons : échec des juristes et de leurs mécaniques théoriques d’une part, et échec, d’autre part, des nations et de leur capacité à réguler par la voie des traités internationaux les litiges qui les opposent. Le droit de la guerre recule devant le fait de guerre et le droit international prenant acte de son incapacité, relègue aujourd’hui aux confins de sa matière, une discipline désormais considérée au mieux comme marginale, au pire comme embarrassante.
6Les nations ont eu raison du droit international de la guerre. Elles ne souhaitent ni recevoir de leçons des maîtres de la doctrine, ni même s’obliger selon les pactes pourtant convenus entre elles. Elles s’entendent pour que toujours, la loi du plus fort règne. Telle est fondamentalement la situation de l’ordre international à l’aube de ce troisième millénaire.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Histoire du droit de la guerre (1700-1819)
Introduction à l’histoire du droit international
Jean-Mathieu Mattéi
2006
Les régimes matrimoniaux en Provence à la fin de l’Ancien Régime
Contribution à l’étude du droit et de la pratique notariale en pays de droit écrit
Jean-Philippe Agresti
2009