Introduction au titre II
p. 375-376
Texte intégral
1599. Office du juge à la fin des pourparlers judiciaires - En envisageant l’examen de la fin des pourparlers judiciaires, c’est plus précisément l’office du juge à ce stade particulier des procédures de conciliation et de médiation judiciaires que nous entendons analyser. Indépendamment de la manière dont se sont déroulés les pourparlers judiciaires – qu’ils aient été ou non confiés à un tiers - ceux-ci se terminent invariablement de la même manière : soit les parties parviennent à un accord réglant tout ou partie de leur différend ; soit les parties ont échoué dans leur tentative de rapprochement et leur désaccord persiste. Deux scénarios s’offrent alors au juge : soit constater l’accord des parties si celles-ci le lui demandent ; soit, le cas échéant, trancher les points litigieux persistants2116. Il y a donc apparemment identité de mission du juge à la fin des pourparlers judiciaires, que la procédure de conciliation ait été l’œuvre du juge en personne ou qu’elle ait été confiée à un tiers. En vérité, cette identité n’est qu’apparente.
2600. Réception judiciaire de l’accord des parties : deux activités distinctes ? - On observe en effet que selon que c’est le juge en personne qui a mené la conciliation ou bien un tiers désigné à cette fin, l’office de celui-là à l’issue des pourparlers judiciaires varie quelque peu, notamment en ce qui concerne les modalités de réception judiciaire de l’accord des parties. Ainsi, tandis que dans un cas, il est question de constatation de l’accord des parties2117, dans l’autre il est question d’homologation2118. Cette dualité de terminologie suppose-t-elle une dualité d’activité judiciaire ? Nous savons que le fait, pour le juge, de déléguer sa mission de conciliation à un tiers n’emporte pas allègement de son office. Bien au contraire, parce que c’est « sa propre »2119 mission de conciliation qu’il confie à un auxiliaire, il exerce « un regard aigu sur la manière dont cet auxiliaire s’acquitte de la tâche qui lui a été confiée »2120 ainsi que sur l’éventuel accord qui pourrait en résulter. Faut-il alors en déduire que sous prétexte que le juge n’a pas assisté à l’élaboration de l’accord, il est tenu d’en contrôler le contenu de manière particulièrement approfondie ? En envisageant une procédure d’homologation judiciaire de l’accord des parties au lieu d’une simple procédure de constatation, les textes semblent le suggérer, d’autant qu’ils rattachent expressément cette fonction à la matière gracieuse2121.
3601. Jugement des points litigieux persistants : risque d’impartialité ? - Une autre différence, peut-être plus fondamentale, distingue encore la fin des pourparlers judiciaires de droit commun de celle des pourparlers judiciaires délégués : tandis que dans la première hypothèse, l’échec de la conciliation conduit le juge à devoir cumuler ses fonctions de juge-conciliateur - ou « maître d’œuvre de la conciliation »2122 - avec celles de juge de jugement, dans la seconde, un tel cas de figure ne saurait se présenter. Pour beaucoup2123 et pour cette raison précise, le juge apparaît probablement comme la personne la moins qualifiée pour procéder à la conciliation des parties en raison des risques que cela comporte au regard de son devoir d’impartialité. En effet, ce cumul de fonctions pose la question de l’aptitude du juge à connaître deux fois de la même affaire2124 dans le cadre de fonctions judiciaires distinctes au cours de la même instance2125.
4Constatation ou homologation judiciaire de l’accord des parties ; cumul des fonctions de juge conciliateur à celles de juge de jugement dans un cas mais pas dans l’autre… autant de différences qui justifient selon nous que la fin des pourparlers judiciaires de droit commun (Chapitre I) et celle des pourparlers judiciaires délégués (Chapitre II) soient examinées distinctement afin d’apprécier si l’office du juge diffère véritablement d’une hypothèse à l’autre.
Notes de bas de page
2116 On précisera que si l’accord n’est que partiel, le juge pourra être amené à remplir ces deux fonctions simultanément : constater les points sur lesquels il y a eu accord et trancher les points de désaccord restants.
2117 NCPC, art. 129 et 130.
2118 NCPC, art. 131-11 et 832-8.
2119 J. NORMAND, Conclusions, in Le conventionnel et le juridictionnel dans le règlement des différends, dir. P. ANCEL et M.-Cl. RIVIER, Economica, 2001, p. 139 et suiv., spéc. p. 143.
2120 J. NORMAND, Conclusions, art. préc., p. 147.
2121 NCPC, art. 131-11 al. 2; 832-8 al. 2.
2122 J. NORMAND, Conclusions, art. préc., p. 142.
2123 Par exemple, J. NORMAND, Conclusions, art. préc., p. 143 : « On a pu se demander, néanmoins, si [le juge] était toujours le mieux placé pour explorer avec une partie les voies d’une solution amiable » ; J.-M. COULON, L’évolution des modes de règlement sous l’égide du juge, in Le juridictionnel et le conventionnel dans le règlement des différends, op. cit., p. 135 : « Le principe général de la conciliation demeure mais le juge n’est pas cet homme dieu disposant du temps, du talent et de la volonté pour s’investir dans la conciliation » ; B. BLOHORN-BRENNEUR, La médiation judiciaire en matière prud’homale…, art. préc., p. 251
2124 V. VAN COMPERNOLLE, Le juge et la conciliation en droit judiciaire belge, Mélanges R. PERROT, Dalloz, 1996, p. 523 et s., spéc. 528 et s. ; S. GUINCHARD, Droit processuel/droit commun du procès, op. cit., n° 393 ; F. KERNALEGUEN, La solution conventionnelle des litiges civils, art. préc., p. 73, où l’auteur s’interroge : « N’y a-t-il pas une certaine incompatibilité entre la mission du juge qui doit trancher le litige et son activité de conciliation ? ».
2125 Cas de partialité fonctionnelle : S. GUINCHARD, in Droit processuel/droit commun du procès, op. cit., n° 364.
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