Introduction à la première partie
p. 85-86
Texte intégral
1113. Nature contractuelle de la conciliation et de la médiation judiciaires - Dire des procédures de conciliation et de médiation judiciaires qu’elles sont des contrats dirigés nécessite au préalable que l'on établisse leur nature contractuelle. S’il existe un consensus sur le fait que ces procédures appellent le consentement des parties pour permettre leur mise en œuvre et que, de ce fait, elles ont une origine conventionnelle470, en revanche, l’étape suivante qui consiste à déduire de cette origine conventionnelle, une nature contractuelle, n’a, à notre connaissance, jamais été clairement franchie471.
2Cette réserve surprend. Elle surprend d’autant plus que, nous l’avons souligné, la doctrine s’accorde pour reconnaître une nature conventionnelle aux clauses de conciliation ou de médiation472. Il n’empêche, le parallèle entre les clauses de conciliation ou de médiation et les procédures de conciliation et de médiation judiciaires n’a jamais été fait. Or, à y regarder de près, il ne fait pas de doute que les unes comme les autres organisent une procédure de négociation en vue de parvenir au règlement amiable d’un litige et surtout, que les une comme les autres nécessitent le consentement des parties pour leur être opposables. La seule différence entre elles réside dans leur origine rédactionnelle : tandis que les clauses de conciliation ou de médiation sont directement rédigées par les parties contractantes, en revanche, les procédures de conciliation et de médiation judiciaires sont l’œuvre du législateur. Faut-il voir dans ce dernier élément un obstacle à la classification des procédures de conciliation et de médiation judiciaires au sein de la famille des contrats ? Nous ne le pensons pas. Le développement des contrats-types réglementaires ou des obligations d’origine légale sont la preuve que les contrats peuvent avoir une structure légale ou réglementaire tout en continuant d’appartenir à la famille des conventions. C’est ce que nous nous proposons d’établir.
3114. Comparaison avec les pourparlers précontractuels -A cette fin, nous aurons recours à la notion de pourparlers car, comme ces derniers, on observe que conciliation et médiation judiciaires consistent en des négociations ou tractations qui précèdent la conclusion d’un accord. Par ce truchement, nous pensons pouvoir établir plus aisément la nature contractuelle de ces procédures. En effet, n’est-il pas fréquent de voir les parties donner une forme contractuelle à leurs pourparlers pour plus d’efficacité et de sécurité juridique ? Aussi, si le recours à la forme contractuelle est habituel en matière de pourparlers précontractuels, pourquoi ne pas également l’envisager en matière de conciliation et de médiation judiciaires ?
4Notre ambition sera donc moins de démontrer l’existence de contrats de conciliation ou de médiation judiciaires, que de démontrer celle de contrats de pourparlers judiciaires (Titre I).
5115. Le dirigisme contractuel, en général - Une fois la nature contractuelle de la conciliation et de la médiation judiciaires affirmée, il nous appartiendra alors de préciser en quoi ces contrats sont dirigés. Le dirigisme contractuel, nous l’avons déjà évoqué, a pour conséquence une atteinte à la liberté contractuelle des parties contractantes. Cette atteinte porte le plus souvent sur la libre détermination du contenu du contrat envisagé : les éléments essentiels ainsi qu’éventuellement les éléments accessoires du contrat sont prédéterminés dans un modèle type. Mais parfois, ce sont moins gravement les modalités de formation du contrat qui sont visées : les parties sont tenues de respecter un certain formalisme lors de la formulation de l’offre ou de l’acceptation, ou encore de respecter des délais d’attente ou de rétractation. Enfin, ce peuvent être les modalités de négociation du contrat qui sont limitées, sinon supprimées : les parties n’ont d’autre choix que d’adhérer en bloc au modèle de contrat qui leur est soumis ou de refuser d’y adhérer, sans possibilité de modifier ni de discuter. Ce dirigisme peut être d’origine privée ou publique. Sa finalité est le plus souvent de faciliter et d’accélérer la passation des contrats concernés ; elle peut aussi viser à assurer le respect de divers intérêts privés ou publics, qu’il y a tout particulièrement lieu de sauvegarder.
6116. Les dirigisme des contrats de pourparlers judiciaires, en particulier - L’examen des contrats de pourparlers judiciaires sous le prisme du dirigisme contractuel (Titre II) montrera que le dirigisme des contrats de conciliation ou de médiation n’est pas un phénomène propre aux procédures judiciaires mais plutôt l’épiphénomène d’une tendance beaucoup plus générale et qui concerne tous les modes amiables de règlement des conflits, pris dans leur globalité. A chaque fois, l’interventionnisme des pouvoirs publics est guidé par le même souci : assurer que ces modes amiables présentent suffisamment de garanties pour les parties qui y ont recours. En revanche, nous verrons que d’une procédure à l’autre, d’un contrat à l’autre, la manière dont le législateur intervient en vue de parvenir à cette fin peut varier sensiblement.
Notes de bas de page
470 V. supra n° 13.
471 Toutefois, X. LAGARDE, Droit processuel et modes alternatifs de règlement des litiges, Rev. arb. 2001, 423 et suiv., spéc. p. 441 : l’auteur qualifie de « contrat de médiation » le contrat en vertu duquel les parties définissent le processus à suivre en vue de parvenir au règlement de leur différend. Cependant, c’est d’un contrat dont le contenu est librement déterminé par les parties dont il est question et non pas des procédures de conciliation ou de médiation judiciaires.
472 V. supra n° 37.
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