Conclusion de la seconde partie
p. 551-552
Texte intégral
1690. Lorsqu’il s’agit d’établir uniquement des connexions biologiques, les termes appropriés devraient être « géniteur » ou « génitrice » et non pas « père » et « mère ». Or, toutes les sociétés fondent la parenté sur un donné biologique, mais ce qui les constitue comme sociétés est la manière dont elles s’écartent de ce donné, l’interprètent et le modifient, et non pas le résidu biologique qui demeure dans toutes leurs constructions2373. Cette spécificité profonde explique cette volonté de fonder la parenté sur un engagement personnel d’insérer l’enfant dans un système de parenté. Ainsi, une reconstruction du fondement même du lien de parenté a été proposée autour de l’idée qu’il doit être construit selon un principe d’élection plutôt que de contrainte. Afin de permettre une consécration de chacune des trois composantes du système de parenté, seule une parenté plénière -biologique et volontaire -ou une parenté simplement volontaire peut fonder le lien de parenté puisqu’il existe dans le présent et perdurera dans le futur. Par ailleurs, si le lien purement biologique, lien désincarné, ne peut à lui seul fonder le lien de parenté, il ne peut non plus être ignoré du système. Dès lors, un droit aux origines est consacré lorsque la parenté biologique ne coïncide pas avec la parenté volontaire, afin de permettre à l’enfant de se relier à son passé.
2691. Si le système de parenté est cette institution qui assure l’insertion de l’enfant dans une famille, il doit, certes, définir les modes de rattachement mais aussi les effets de ce rattachement. Le lien de parenté ne doit pas se résumer à une inscription sociale, à un titre, il doit exister, perdurer dans le temps. Dès lors, la vie du système de parenté doit se construire autour d’une exigence d’effectivité. Aussi, a-t-il été proposé de renforcer le rôle et la place de chacun des parents dans l’éducation des enfants, d’une part, par une promotion de leur responsabilité parentale. En imposant des devoirs doublés de sanctions, il est permis d’espérer que les parents adopteront les comportements, les conduites et les attitudes d’affection et de solidarité attendus d’eux à l’égard de l’enfant. Or, n’y a-t-il pas un antagonisme à célébrer la volonté parentale dans l’entrée en filiation tout en affirmant la nature institutionnelle de cette dernière ?2374 Nous répondrons à cette inquiétude par la négative en affirmant que la filiation est volonté d’assumer une institution familiale. Si la volonté de l’auteur est requise, c’est afin de s’assurer, dans l’intérêt de l’enfant, que les responsabilités découlant du statut de parent seront assumées.
3692. L’insertion au sein du système de parenté passe donc par le renforcement de l’effectivité du rapport de filiation directe. Toutefois, cette insertion ne suffit pas à situer l’individu dans un système. En effet, ce dernier doit pouvoir s’inscrire dans une généalogie. Pour ce faire, le régime attaché au nom de famille est réaménagé afin qu’il remplisse de façon stable et lisible sa fonction d’élément d’identification de la parenté. Dès lors, afin de refléter l’appartenance au système de parenté, une réelle interdépendance entre le nom et la filiation est consacrée : le nom ne pouvant être désormais issu que d’un rapport de filiation et toute modification du rapport de filiation entraînant une modification du nom. Par ailleurs, le nom de famille ne permettant pas d’inscrire systématiquement l’individu dans ses deux lignées paternelle et maternelle, il est proposé d’opérer une dévolution impérative du double nom. Loin de n’être qu’une affaire d’égalité des sexes, le nom devient, ainsi, le véritable symbole de la parenté, seul susceptible de donner une image généalogique biparentale véritable. Cependant, l’effectivité de l’inscription généalogique ne peut se suffire d’un symbole, encore faut-il que des relations familiales entre les membres de la parenté existent. En effet, la vie de la parenté se construit nécessairement sur une interaction des relations tant personnelles que patrimoniales, qu’entretiennent les membres du système entre eux. A ce titre, le droit aux relations personnelles étant un moyen d’assurer la continuité et l’effectivité des relations, il est valorisé à l’égard de la génération ascendante et instauré au sein de la fratrie. Mais étant donné qu’il peut paraître parfois difficile de maintenir une effectivité affective au sein de la parenté, les relations patrimoniales demeurent le dernier pilier susceptible de pérenniser le lien de parenté. Dès lors, a-t-il été proposé de réaffirmer la place et la force des solidarités familiales, alimentaires ou successorales, afin de répondre au besoin d’effectivité du système de parenté. On l’aura compris le système de parenté ne peut parvenir à remplir ses fonctions d’identification, de repérage et d’insertion dans une généalogie que s’il existe en pratique et pas seulement en théorie.
Notes de bas de page
2373 DUMONT Louis, Introduction à deux théories d’anthropologie sociale. Groupes de filiation et alliance de mariage, Mouton, Paris, 1971, p. 139, p. 30.
2374 FENOUILLET Dominique, « La filiation plénière, un modèle en quête d’identité », In Mélanges en hommage à François Terré, L’avenir du Droit, Dalloz, PUF, Juris-Classeur, 1999, p. 509.
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