Chapitre II. Le contentieux de la parenté encadré par une éthique de responsabilité
p. 361-409
Texte intégral
1435. Le lien de filiation est avant tout un lien juridique. Qui dit lien juridique dit au moins pour une part, fiction. Dès lors, pour que la vérité juridique en ce domaine soit porteuse de sens, il faut introduire des fictions servant de références1603. Dans la construction du droit de la filiation, ce n’est pas tant la recherche de la vérité qui est l’essentiel que la création d’un ensemble de règles qui maintiennent la cohésion sociale1604. L’accent doit être mis sur le double caractère, volontaire et biologique, du lien de filiation. Être juridiquement parent, c’est être en même temps l’auteur biologique de l’enfant et celui qui déclare vouloir l’assumer comme sien. Seule une véritable concordance de la volonté et de la vérité biologique permet à la filiation de produire tous ses effets. Toutefois, cette recherche de concordance entre parenté volontaire et parenté biologique peut conduire à des excès, d’un côté en laissant pour compte des enfants dont les parents veulent pourtant assumer la charge et de l’autre, en déresponsabilisant les adultes à l’origine de la conception de l’enfant. Aussi, une voie médiane devrait être recherchée entre un système qui ne peut ignorer les origines biologiques mais qui ne peut également se fonder uniquement sur ce seul fait. Une éthique de responsabilité doit être recherchée tant au sein des actions (Section I) qu’au sein des modes de preuve (Section II) afin de restaurer le sens et les valeurs fondamentales du système de parenté.
SECTION 1. LA RECHERCHE D’UNE ÉTHIQUE DE RESPONSABILITÉ AU SEIN DES ACTIONS
2436. La vérité biologique, entre éviction et considération. Lorsqu’il existe une parenté seulement biologique, on peut hésiter sur l’intérêt que présente ce lien pour l’enfant. En effet, un lien ineffectif ne doit pas pouvoir fonder une entrée dans le système de parenté (I) ; en dehors de la volonté manifeste d’insérer un enfant dans un système, il ne peut y avoir de filiation. Toutefois, il n’est pas possible de faire table rase de cette réalité biologique comme il n’est pas possible de prendre le risque que le silence gardé, notamment par le père, le fasse échapper aux responsabilités qu’entraîne la conception de l’enfant. Si le lien d’affection ne peut être imposé, un moyen terme pourrait sans doute être trouvé dans la possibilité de ne pas lier systématiquement filiation et vérité biologique.
3Inversement, lorsque le lien de filiation repose uniquement sur une volonté déclarée contraire à la vérité biologique, il convient d’encadrer le régime de contestation du lien de parenté (II). D’un côté, la seule volonté de se rattacher un enfant, en dehors des cas d’adoption et de procréation médicalement assistée, ne doit pas pouvoir faire obstacle à l’établissement du lien biologique corroboré par une volonté intangible d’insérer l’enfant dans un système de parenté. De l’autre côté, la volonté parentale de remise en cause du lien établi ne peut être absolue. En effet, si l’éthique de responsabilité conduit à valoriser l’établissement volontaire de la filiation hors contentieux, son corollaire en contentieux ne peut être qu’une irrévocabilité de cet engagement parental.
I. Le rejet de l’établissement purement biologique
4437. Que peut-on attendre d’une paternité forcée ? Le professeur Théry a très justement écrit : « Qu’a d’humain la paternité chez l’individu qui s’abstient de reconnaître son enfant ? Et si la paternité est judiciairement établie que peut-on attendre d’un homme qui est déclaré père contre son gré ? Certes, l’enfant pourra obtenir des aliments, en hériter, mais quelle chance a-t-il de recevoir l’éducation et de connaître l’affection qui sont le contenu substantiel de la relation paternelle ? »1605. La biologie est une donnée certes essentielle mais une donnée parmi d’autres. L’identité génétique ne doit pas devenir, à elle seule, la valeur de définition de la parenté1606. Dès lors, comment concilier d’un côté l’indispensable reconnaissance de la vérité biologique sans réduire la parenté au tout biologique ?
5Réfléchir à la place de la vérité biologique, c’est s’interroger sur la manière dont le droit institutionnalise cette vérité. Sous cet angle, la filiation est difficilement dissociable de ses effets. N’oublions pas que la filiation est fondatrice de la parenté, qu’elle confère à toute personne un état familial donné, auquel s’attachent des effets tant patrimoniaux qu’extrapatrimoniaux. Or, le lien de filiation issu de la seule vérité biologique consacre une parenté dénuée de sens et condamne le système de parenté à n’être que le constat d’une réalité passée1607, quand tout le système de parenté réside dans sa dynamique. En outre, il faut se rappeler que l’absence de filiation fait suite à un refus de paternité ou de maternité, ce qui conduit à la mise en doute de l’aptitude et du droit à être père ou mère. La filiation est tout autre chose qu’une affaire biologique, et l’on ne peut s’empêcher de se référer au professeur Malaurie qui dénonce le postulat selon lequel le géniteur serait le “vrai père” et précise que « le vrai père est celui qui aime et qui élève, non celui qui a eu une relation sexuelle épisodique et n’est qu’un géniteur »1608.
6438. Le lien de sang entre intérêt psychologique et intérêt patrimonial. Il ne s’agit pas de mépriser le lien de sang. Mais étant donné la pauvreté de sa signification humaine, il faut bien supposer que s’il mérite l’intérêt, c’est soit pour son incidence psychologique et dans ce cas une action en recherche des origines peut suffire, soit pour son incidence patrimoniale et dans ce cas une action similaire à l’action aux fins de subsides pourrait permettre une reconnaissance du lien de sang sans entraver les fondements même du système de parenté. On en revient au vieil adage : « Qui fait l’enfant doit le nourrir », modifié ainsi : « Qui accepte le risque de faire l’enfant doit au moins lui assurer une origine et le nourrir »1609. En d’autres termes, il conviendrait d’ouvrir à l’enfant, une action spécifique en responsabilité, destinée non pas à établir le lien de filiation, mais à faire produire à la réalité biologique des effets patrimoniaux (A), mais également de consacrer un véritable droit à la connaissance des origines lorsque l’action en responsabilité est écartée (B).
A. Le recours à une action spécifique en responsabilité
7439. Le lien biologique ne peut constituer à lui seul un lien de parenté. Le lien de parenté reposant sur la finalité essentielle d’insérer un enfant dans un système effectif, le lien biologique ne peut le constituer à lui seul. Toutefois, construire un système sur une éthique de responsabilité empêche de maintenir un vide de filiation sans réelle compensation. Afin de concilier ces deux objectifs, il est proposé d’insérer dans le système une nouvelle action en responsabilité du seul fait de la conception qui se substituerait à l’action en établissement du lien de filiation (1). Il est de coutume, lorsqu’on s’interroge sur la valeur d’une loi donnée, de se demander dans quelle mesure cette loi répond aux attentes des destinataires et atteint ses objectifs initiaux. En bref, l’évaluation d’une loi repose très généralement sur sa confrontation au droit conventionnel et plus spécialement aux droits fondamentaux (2). Aussi, est-il opportun de vérifier que la consécration de cette nouvelle action est bien conforme au droit conventionnel.
1. La consécration d’une nouvelle action en responsabilité et le rejet de l’établissement juridique du lien biologique
8440. La responsabilité des parents dans la venue au monde d’un enfant justifie que le seul lien biologique conduise à une prise en charge de l’enfant (a). Le lien biologique pourra donc être déclaré en justice, mais ne produira que des effets limités, c’est-à-dire patrimoniaux (b). Comme dans l’action à fins de subsides qui remplit déjà en partie cette fonction, il pourrait n’y avoir aucun lien de filiation établi entre l’enfant et le responsable de sa venue au monde.
a) Le fondement de l’action en responsabilité
9441. La diversité des sanctions face au déni d’engagement. Sont responsables de l’enfant ceux qui sont ses parents au sens juridique du terme ; qu’il s’agisse de parents naturels, légitimes, adoptifs ou bénéficiaire d’une procréation médicalement assistée mais qui se sont rattachés légalement à l’enfant. Pour autant, certains enfants sont mis au monde sans que leurs géniteurs ne veuillent en assumer la responsabilité. Le système actuel prévoit diverses actions susceptibles de réparer ce déni de responsabilité. Ainsi, lorsque l’une des lignées maternelle ou paternelle de l’enfant n’a pas été établie, il existe un véritable choix entre l’action en établissement du lien de filiation et l’action à fins de subsides. Leur domaine s’étant totalement rapproché1610, seuls leurs effets demeurent différents. Très succinctement, la première action permet d’établir un lien de filiation dont les effets sont principalement patrimoniaux, alors que l’action à fins de subsides n’établit pas le lien mais compense le vide de filiation par l’octroi d’une somme indemnitaire et alimentaire1611, les subsides. Alors que la distinction est essentielle, le choix entre ces deux actions est laissé à la mère1612. Dans un cas comme dans l’autre, une action fondée sur l’article 1382 du Code civil, tend à s’imposer afin de condamner l’abstention fautive de reconnaissance. Dans la mesure où l’intéressé avait pleinement connaissance de sa qualité de géniteur, son refus d’insérer l’enfant dans son système de parenté doit être considéré comme fautif et réparable sur le fondement de la responsabilité civile1613. Cette jurisprudence, certes favorable à l’intérêt de l’enfant, n’est pas conforme au principe selon lequel il existe une véritable liberté de reconnaître l’enfant issu de ses œuvres. En effet, comment le refus de reconnaître l’enfant peut-il être sanctionné par le biais de la responsabilité pour faute, c’est-à-dire comme la violation d’une obligation préexistante, alors même qu’il s’agit d’une liberté consacrée par la loi ?614En effet, pour qu’il existe une véritable liberté de reconnaissance et un respect des engagements pris -que ce soit d’insérer l’enfant dans un système ou de refuser de l’insérer -, il faut refuser tant d’imposer une paternité forcée que de sanctionner la non-reconnaissance par le biais de la responsabilité pour faute, alors que celle-ci n’est que l’exercice d’une liberté.
10442. Le risque de la conception. Si chacun doit répondre des relations potentiellement fertiles qu’il a pu avoir avec autrui par une dette envers celui qui a pu naître de ces relations, cette dette ne doit pas reposer sur la faute d’une absence d’établissement du lien de filiation mais sur le risque volontairement assumé de procréer un enfant1615 En somme, si responsabilité il y a, elle doit être directement rattachée au risque de la conception. Parce que les parents ont conçu l’enfant et qu’ils l’ont mis au monde, ils sont les obligés de ce dernier, obligations qui doivent d’autant plus s’imposer aujourd’hui, que les moyens contraceptifs permettent au couple d’éviter la conception. Un auteur a très justement écrit que « l’enfant n’est pas une chose qu’on produit, dont on détient de ce fait la propriété, et qu’on peut aliéner. Il est une personne qui possède la dignité de tout être humain et subit une situation causée par les personnes à l’origine de la naissance. Si chacun, en particulier, n’est nullement obligé à l’égard de tout enfant qui vient de naître, en revanche le couple qui a conçu l’enfant est tenu de remplir ses obligations à son égard »1616. L’homme ou la femme qui consent à l’acte charnel doit être tenu de toutes les conséquences pouvant s’y attacher et plus particulièrement de l’éventuelle conception de l’enfant. Les relations sexuelles, hormis le cas de viol, nécessitent un accord de volonté ; certes cet accord ne porte pas nécessairement sur la conception de l’enfant qui peut ne pas être désiré, mais l’acte procréateur est voulu et ses conséquences au moins tacitement acceptées. Dès lors, il devient possible d’affirmer que le géniteur ne saurait opposer à l’enfant, les circonstances de sa naissance volonté exclusive de la mère, absence de moyens contraceptifs sans l’en avoir avisé et risque pris par la mère en concevant sans son accord -puisque la responsabilité de la naissance est partagée dans l’accomplissement de l’acte sexuel1617. Mais, cette responsabilité fondée sur le risque ne peut jouer sans qu’il y ait un rapport de causalité entre la relation intime et la naissance, ce qui rapproche l’action en responsabilité de la constatation d’un lien biologique. L’expertise biologique restera ainsi la reine des preuves pour apporter avec certitude l’existence de la relation biologique. En somme, indépendamment de toute faute, il faut charger les géniteurs d’une responsabilité de plein droit sur le fondement du risque.
11443. La conception, un archétype intemporel de toute responsabilité. Hans Jonas a repris et développé la définition kantienne de la responsabilité du fait de la conception1618. Elle constitue pour lui, l’archétype intemporel de toute responsabilité et repose sur deux fondements. Elle se déduit de la précarité et de la vulnérabilité extrêmes du nouveau né. « Cette responsabilité ne découle d’aucun contrat et ne s’appuie sur aucune réciprocité : celle-ci ne dépend d’aucun consentement préalable, elle est irrévocable et non résiliable ; et elle est globale »1619. Le même principe est défendu dans le rapport Dekeuwer-Défossez : « Dans une société où chacun doit répondre du moindre fait préjudiciable à autrui, on comprendrait mal que fût consacré le refus généralisé de reconnaître une dette quelconque à l’égard de l’être humain qu’on a engendré »1620 .
12444. L’irresponsabilité du donneur. Si la prise de responsabilité doit être le fondement même de l’action, réciproquement, il ne peut y avoir d’action sans prise de responsabilité. D’où, il suit que le don de gamètes fait dans une intention altruiste et à défaut de tout projet parental pour soi-même devrait logiquement exclure l’action en responsabilité entre le donneur et l’enfant issu de la procréation. En effet, le donneur de gamètes n’a pas engendré l’enfant, il n’est que l’élément matériel l’ayant permis, aussi, il ne doit pas être responsable de cet acte de création. “Nous ne rendons pas responsable d’un meurtre le fabriquant d’arme”. Il est clair que seul l’individu qui est à l’origine de la naissance à la suite de relations sexuelles, pourra voir sa responsabilité engagée envers l’enfant.
13445. Après avoir déterminer les fondements de cette action spécifique en responsabilité, il convient d’en déterminer les conditions et les effets. A ce titre, elle devra se distinguer de l’action en établissement en ce qu’elle ne doit pas aboutir à l’établissement d’un lien de filiation et pourrait venir succéder à l’action aux fins de subsides afin de faire naître non seulement des subsides mais également des conséquences patrimoniales plus étendues.
b) Les conditions et les conséquences de l’action en responsabilité
14446. La souplesse des conditions. L’action en responsabilité devrait être soumise à des conditions d’exercice souples en ce sens qu’elle tend à responsabiliser la conception d’un enfant et qu’elle permet une sorte de réparation du vide de filiation. Dès lors, tout enfant dont un lien de filiation ne serait pas légalement établi pourrait agir en responsabilité à l’égard de ceux qui l’auraient conçu. En d’autres termes, si la mère est mariée à l’époque de la conception, l’action en responsabilité serait ouverte si la filiation du mari n’a pas été établie par le jeu de la présomption de paternité ou rétablie volontairement par le biais d’une reconnaissance. L’action pourrait être exercée pendant toute la minorité de l’enfant et pendant dix ans suivant sa majorité si elle ne l’a pas été pendant sa minorité. L’action en responsabilité étant dirigée contre le géniteur de l’enfant, l’objet de la preuve serait simple. Il suffirait de démontrer que tel homme est bien le géniteur de tel enfant et pour ce faire, la preuve devrait être libre. Elle pourrait être faite par tous moyens, résultant notamment de témoignages, de l’aveu du défendeur, et à plus forte raison d’une expertise biologique. A l’inverse pour écarter le bien-fondé de l’action en responsabilité, le défendeur serait en droit de rapporter la preuve qu’il n’est pas le géniteur de l’enfant. Ainsi, disposerait-il lui aussi des méthodes médicales. Mais, si cette preuve du rattachement biologique est rapportée, le débiteur ne pourrait échapper aux effets de l’action en responsabilité. Ces effets de l’action emprunteraient tantôt à l’action à fins de subsides tantôt à l’action en recherche de paternité.
15447. Le géniteur ne devient pas parent. Actuellement, le fait de ne pas avoir de filiation établie peut être compensé soit par une réparation en nature, l’établissement forcée de la filiation1621, soit par une réparation en argent, par l’intermédiaire des subsides. Or, comme nous avons pu maintes fois l’évoquer, il faut être convaincu qu’il n’est pas de l’intérêt de l’enfant ni du système, de désigner pour père un homme qui ne souhaite pas assumer ce rôle. Aussi, afin de conserver l’intérêt prioritaire pour l’enfant qui commande aux géniteurs de ne pas se décharger de ses obligations, il semble que l’action en responsabilité doit se rapprocher de l’action à fins de subsides tout en conservant certains avantages de l’action en établissement. Afin d’éviter des liens dénués de sens, le système de parenté doit être conduit à refuser l’établissement judiciaire exclusivement fondé sur la biologie. L’individu n’ayant pas inséré volontairement l’enfant dans sa parenté, ne pourrait plus se voir imposer la qualité de père ou de mère. Corrélativement, il ne pourrait plus empêcher l’insertion de l’enfant dans un système de parenté de substitution. Ainsi, l’action ne créant aucun lien d’état entre l’enfant et le géniteur, ne produirait d’effet ni sur le nom, ni sur l’autorité parentale et ne confèrerait donc aucun droit de visite. En d’autres termes, le géniteur ne serait plus considéré comme le parent légal de l’enfant, mais uniquement comme le parent de naissance. Cette distinction éviterait à l’enfant une paternité factice et permettrait à la mère de retrouver un père social à l’enfant, notamment en le faisant adopter.
16448. Le géniteur devient un débiteur. L’action à fins de subsides peut apparaître à cet égard, comme une action particulièrement, adaptée à ces liens purement biologiques mais ne correspondant à aucune réalité sociale ou affective. Toujours est-il que si la parenté judiciairement établie sur le fondement de la biologie doit être écartée, reste qu’elle accorde à l’enfant des avantages patrimoniaux indéniables, plus importants que ceux prévus dans l’action à fins de subsides. En effet, si les subsides doivent être rapprochés des aliments1622et plus particulièrement de l’obligation d’entretien, il n’en demeure pas moins qu’ils ne compensent ni l’absence d’obligation alimentaire, ni l’absence de droits successoraux. Aussi, faut-il tirer des effets accordés par le droit positif lors d’une action en établissement judiciaire des conséquences de lege ferenda, pour les adapter à l’action en responsabilité. L’action en responsabilité emprunterait à l’action aux fins de subsides tout en y substituant certains effets de l’action en établissement. Tant la responsabilité que doit assumer le parent biologique, que l’intérêt de l’enfant militent pour que l’on tempère les conséquences désastreuses d’un vide absolu de filiation. Il conviendrait donc d’ouvrir à l’enfant une action en justice destinée à faire produire à la réalité biologique certains effets : effets alimentaires, successoraux et indemnitaires seraient ainsi les tempéraments possibles de ce vide de filiation1623 . Le principe classique « celui qui fait l’enfant doit le nourrir », se borne à traduire une responsabilité objective justifiant que le devoir alimentaire pèse sur ceux qui sont responsables de la venue au monde de l’enfant. Au même titre que les subsides, il faudrait admettre le versement d’une pension en fonction des besoins de l’enfant et des ressources du débiteur. L’enfant devenu adulte pourra également revenir vers son débiteur en cas de besoin pour réclamer cette fois non une dette d’entretien mais une dette d’aliments. Quant à la vocation successorale, la parenté exclusivement biologique pourrait-elle malgré tout produire un effet successoral ? En principe la vocation successorale dépend d’un lien de parenté légalement établi, pour autant la dévolution légale n’attache pas d’importance à l’effectivité du lien de parenté et à la réelle insertion de l’enfant dans son système, aussi n’est-il pas impensable d’admettre, des droits successoraux sans lien de filiation légalement établi, mais sur le fondement d’un lien génétique établi. En outre, l’action en responsabilité devrait tenir compte du dommage moral, consistant notamment en des retombées sociales du défaut de filiation, de la souffrance psychologique, de l’absence d’éducateur moral. Il ne s’agit pas de réparer un préjudice de vie. Ce n’est pas le fait d’être vivant qui est un préjudice, mais c’est bien le fait qu’il soit privé d’une chance d’avoir une filiation plénière. Ce retour à la fonction sanctionnatrice de la responsabilité civile serait la seule manière d’expliquer la réparation du préjudice de vide de filiation. Il semble qu’il y ait là non seulement une explication mais également un motif de justification puisque la demande de réparation de ce préjudice tend moins à une satisfaction de remplacement qu’à l’infliction d’une peine privée destinée à faire comprendre à tous que le vide de filiation est désormais sanctionné. C’est une politique juridique ayant pour but d’inciter les gens à s’engager. Pour finir, n’oublions pas que cette responsabilité ne serait pas réciproque, ce qui signifie que les effets consacrés ne seraient qu’unilatéraux, au bénéfice de l’enfant engendré. L’action en responsabilité se présenterait comme un diminutif d’une action d’état en ce qu’elle ne consacrerait pas le lien de parenté mais comme une revalorisation de l’action à fins de subsides par l’élargissement de ces effets.
17449. L’équilibre trouvé pour le lien biologique. L’importance de la dimension affective et effective de la parenté permet de comprendre que la vérité biologique, détachée de tout engagement parental, ne doit pas fonder un lien de filiation. Corrélativement, l’éthique de responsabilité impose aux géniteurs une responsabilité de plein droit du fait de la conception de l’enfant par l’octroi d’une compensation financière. Ainsi, la conciliation entre le refus du tout biologique et la prise en compte de cette composante passe par des nuances. En admettant de tirer des conséquences du lien biologique sans entacher le système de parenté, on donne une place à la vérité biologique sans qu’elle soit absolue. En définitive, l’enfant ne se voit pas imposer comme père un homme qui refuse d’assumer ce rôle ; mais il bénéficie d’un débiteur qui doit répondre de ces actes. Admettre le principe d’une telle action aurait également l’avantage de rétablir l’égalité entre tous les enfants, nous pensons tout particulièrement à l’enfant incestueux. Puisque cet enfant, ne peut voir sa filiation établie car contraire au principe de généalogie, il aurait recours à cette action spécifique en responsabilité et bénéficierait des mêmes droits patrimoniaux que les enfants ayant une filiation légalement établie. La mise en oeuvre d’une telle action permettrait d’assurer le respect des orientations fondamentales du système de parenté, effectivité et responsabilité. Pour autant, la valeur d’une telle règle ne peut se passer d’un contrôle de conventionalité.
2. La question de la conformité de cette nouvelle action au droit conventionnel
18450. L’apparente contradiction. L’action spécifique en responsabilité du fait de la conception pourrait apparaître de prime abord en total contradiction avec l’évolution récente du droit de la filiation. En effet, toute l’évolution du droit français de la filiation consiste à admettre de plus en plus facilement l’établissement de la filiation purement biologique. Aussi, en s’opposant à la consécration d’une parenté biologique, l’action en responsabilité va à contre courant de l’évolution actuelle. Pour autant, s’agit-il d’une véritable remise en cause totale des droits de l’enfant ? En effet, le prétendu “droit à l’établissement de sa filiation biologique” est-il une fin en soi ou s’agit-il à travers ce droit de satisfaire d’autres intérêts sous-jacents ?
19451. La vie familiale protége la parenté effective. Dans un premier temps, on peut se demander si cette action en responsabilité entre en contradiction la Convention européenne des droits de l’homme qui impose le respect de la vie familiale. A cet égard, dès l’arrêt Marckx624, la Cour européenne retient à la charge des Etats des obligations positives1625qui leur imposent de prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre aux intéressés de mener une vie familiale normale. Si le respect de la vie familiale implique en particulier l’intégration de l’enfant dans sa famille, notamment par la possibilité d’établir sa filiation1626, la Cour européenne releva notamment dans l’affaire Marckx, que la mère avait pris en charge son enfant dès la naissance et n’avait jamais cessé de s’en occuper. De cette façon, la Cour européenne pose pour la première fois comme condition d’applicabilité de la protection offerte par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’exigence d’une relation effectivement vécue entre les personnes concernées1627. Dans l’affaire Keegan du 26 mai 1994, la Cour européenne, s’appuyant sur sa jurisprudence, réaffirme que là où l’existence d’un lien familial avec l’enfant se trouve établi, l’Etat doit agir de manière à permettre à ce lien de se développer, en accordant une protection juridique rendant possible dès la naissance l’intégration de l’enfant dans sa famille1628.
20En d’autres termes, la seule relation biologique entre l’enfant et une femme ou un homme ne suffit pas à conclure à l’existence d’une vie familiale entre ces personnes. Dès lors, même si la Cour se contente d’un minimum de contacts pour considérer que la vie familiale est effective1629, elle refuse d’admettre son existence lorsque le lien biologique n’est corroboré par aucune relation effective1630. Dans l’arrêt Lebbink contre Pays-Bas du 1erjuin 20041631, elle affirme en effet que le seul lien biologique entre un parent et son enfant n’est pas suffisant pour caractériser une vie familiale. En revanche, si la Cour européenne a pu admettre l’existence d’une vie familiale en l’absence d’effectivité du lien ce n’est que parce que cette absence concrète de relations trouvait son origine dans un obstacle de fait ne dépendant pas de la volonté du requérant1632. Si le critère de la vie familiale réside soit dans l’effectivité du lien de parenté soit dans une potentialité d’effectivité1633, le lien biologique non doublé d’une volonté d’établir une vie familiale future ne peut constituer un lien relevant de la « vie familiale » au sens de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
21Par conséquent, les Etats n’ont l’obligation d’intégrer l’enfant dans sa famille, en établissant sa filiation, que dans la mesure où la qualification de « vie familiale » au sens de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme a été retenue1634. En effet, il est raisonnable d’imposer aux Etats l’intégration de l’enfant dans sa famille là où une densité suffisante a donné un sens au lien. Mais que disparaisse l’effectivité du lien, la règle de protection se trouve inévitablement écartée. Dès lors, si le respect de la vie familiale impose aux Etats une obligation d’intégrer l’enfant dans sa famille, a contrario, l’absence de vie familiale n’impose pas cette intégration. De ce raisonnement, on peut ainsi affirmer que l’action en responsabilité qui ne transforme pas le lien biologique et ineffectif en un lien de parenté, n’est pas contraire à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
22Par ailleurs, l’action en responsabilité tend, en quelque sorte, à protéger cette notion de vie familiale. D’un côté, elle ne permet pas l’établissement du lien de filiation lorsque les rapports entre l’enfant et le géniteur sont désincarnés. De l’autre, en prévoyant une indemnisation du préjudice pour le vide de filiation consécutif à l’absence d’engagement, l’action protége négativement un “droit à une filiation”. Dans la mesure où il existe une sanction lorsque le géniteur prive l’enfant de son lien de filiation plénier cela entraîne ipso facto une protection du “droit à avoir une filiation”1635. Cette fonction sanctionnatrice de l’action en responsabilité répond à cette politique juridique qui consiste à inciter les géniteurs à prendre leur responsabilité en amont et à insérer l’enfant dans leur système de parenté.
23452. Le droit d’être élevé par ses parents n’impose pas que le lien biologique soit transformé en lien de filiation. Dans un second temps, il s’agit de savoir si l’action en responsabilité n’entre pas en contradiction avec la Convention des Nations Unies relatives aux droits de l’enfant, qui prévoit à l’article 7 que l’enfant a, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux. En effet, si l’action assure pleinement à l’enfant le droit de connaître ses parents puisqu’elle dévoile le lien biologique, elle ne permet pas en revanche à ce dernier d’être élevé par eux. Toutefois, le non respect du droit de l’enfant d’être élevé par ses deux parents n’est pas propre à l’action en responsabilité. En effet, la paternité imposée n’a jamais permis de répondre aux attentes de l’article 7 de la Convention de New-York. L’action en recherche de paternité permet certes l’établissement du lien de filiation, mais n’octroie pas au père l’exercice de l’autorité parentale. En outre, de façon générale, il semble qu’un géniteur récalcitrant à insérer l’enfant dans sa parenté, ne désire pas l’élever et s’en occuper même si le lien de filiation lui est imposé. Dès lors, ce droit pour l’enfant d’être élévé par ses deux parents semble devoir s’appliquer dans le cas où le parent est désireux d’élever son enfant mais que les circonstances de fait ou de droit, l’en empêchent. Ainsi, en cas de refus du géniteur d’élever l’enfant, les Etats n’ont pas l’obligation de consacrer un lien de filiation mais doivent en revanche assurer à l’enfant les conditions nécessaires à son épanouissement. Dans ce contexte, l’action spécifique en responsabilité permet à l’enfant de connaître ses géniteurs et d’en faire des débiteurs lui assurant une stabilité patrimoniale. Autant dire que l’absence d’établissement du lien de filiation ne contrevient pas au principe selon lequel l’enfant doit être élevé par ses parents dans la mesure du possible.
24En réalité le “biocentrisme”1636qui tend à dominer le droit de la filiation peut favoriser la confusion. Il est clair que la parenté ne saurait se réduire à un don de gamètes. Elle n’est pas un fait biologique mais un fait socioculturel. M. Grataloup a bien résumé la situation, en affirmant que « ce qui est important, ce n’est pas tant l’établissement d’un lien familial conforme à la réalité biologique que finalement les conséquences qui en découlent, c’est-à-dire les droits qui sont liés à l’établissement d’une telle filiation : le droit aux aliments, le droit de succession »1637. Dès lors, il n’est contraire à aucun droit de l’enfant de consacrer un lien juridique entraînant des effets purement patrimoniaux sans pour autant en faire un lien de parenté.
25453. Pour conclure sur ce point, la sexualité fait partie de la vie privée, mais certainement pas la naissance d’un enfant. La procréation et la naissance sont des comportements sociaux qui engagent la pérennité du genre humain à travers chaque enfant qui vient au monde. À la dimension sociale de la naissance, s’ajoute la responsabilité des parents de naissance, qui ne saurait être niée. Les parents procréateurs ne peuvent, en droit, rester totalement irresponsables de l’enfant qu’ils ont conçu1638. Par le recours à l’action spécifique en responsabilité le système de parenté se préserve des liens purement biologiques et désincarnés, en donnant à la vérité biologique des effets uniquement patrimoniaux. Ainsi, les intérêts de l’enfant sont protégés, puisqu’il connaît ses géniteurs et bénéficie de l’aide matérielle nécessaire à son développement. Toutefois, s’il semble logique que les effets de la vérité biologique soient limités aux situations où l’enfant connaît un vide de filiation, il n’en demeure pas moins que la vérité biologique est une valeur en soi, dont l’accès doit être garanti et ce, même si l’enfant a déjà ses deux parents légaux.
B. La reconnaissance d’une action en recherche des origines
26454. La scission entre origine et parenté. Si le modèle de parenté se construit sur la concordance entre la parenté volontaire et la parenté biologique, des dérivés du modèle sont admis sous la condition d’un contrôle de l’intérêt de l’enfant. Cette parenté essentiellement volontaire est destinée à assurer à l’enfant une insertion familiale complète, tant sur le plan personnel que patrimonial, comme s’il était leur enfant par le sang et par la volonté. Toutefois, si le lien juridique de parenté peut se détacher du lien biologique, c’est à la condition que l’insertion dans le système de parenté se fasse de façon transparente. Les parents légaux doivent être soumis à une responsabilisation de leur engagement en ce qu’ils doivent garantir à l’enfant la connaissance de ses origines. Pour cela, il faut instituer un modèle de filiation où origine et parenté ne se confondent pas1639. La notion des origines doit être distinguée de celle de filiation juridique (1). Cette distinction doit permettre l’accès aux origines, sans déstabiliser les familles et désorganiser les liens de parenté1640. Dans ce contexte, s’il semble que le système doit permettre à l’enfant un accès généralisé à ses origines, ce ne peut être qu’au prix d’une réorganisation du secret (2).
1. La nécessaire distinction des origines et de la filiation
27455. L’accès aux origines, la connaissance d’un fait. Il convient de ne pas confondre comme on le fait trop souvent, établissement d’un lien de droit et connaissance psychologique d’un lien de fait1641. Le fait que l’enfant recherche ses origines ou que le parent cherche à connaître l’enfant ne doit pas conduire à en tirer automatiquement des conséquences juridiques génératrices d’effets considérables et souvent excessifs1642. Pour chasser toute confusion sur les enjeux de la question, la question des origines est à distinguer de la filiation et désormais de l’action spécifique en responsabilité. En ce sens, l’arrêt de la Cour de cassation en date du 13 décembre 1989, affirme que l’adoption, dont « le véritable objet est de donner une famille à un enfant qui en est dépourvu », et non de donner un enfant à une famille, doit être organisée dans l’intérêt supérieur de l’enfant. « Elle ne saurait contredire les droits de l’enfant énoncés dans la Convention internationale et doit permettre à l’enfant de connaître sa famille d’origine »1643. Plus tard, un jugement du Tribunal de Grande instance de Lille1644 avait admis qu’un lien de parenté adoptif irrévocablement et définitivement fixé n’empêche pas l’adopté de connaître ses origines biologiques et à cette fin de consulter le dossier établi lors de sa naissance. Ainsi, si l’enfant ne peut être élevé par ses parents biologiques, le droit à la connaissance de ses origines doit lui être garanti afin qu’il puisse se constituer une histoire, condition d’une identité narrative. Ce n’est qu’en admettant une distinction entre parenté et origine, qu’il devient alors possible de parler de vérité biologique sans passer par la contestation des liens juridiquement établis. Comment expliquer que la dissociation entre vérité biologique et filiation juridique soit ainsi consacrée dans le Code de l’action sociale et des familles, et que les « origines » n’apparaissent nullement dans le Code civil1645. On répliquera que c’est précisément parce qu’il ne s’agit pas de filiation ; mais c’est justement cette dissociation qui mériterait une affirmation juridique plus solennelle et plus attentive. La création d’un concept d’ « origines » permettant la connaissance de l’identité des parents sans que cette connaissance puisse être transformée en lien juridique de filiation mériterait donc, par son importance, d’être incluse dans le Code civil, code de l’identité de chacun1646.
28456. La connaissance du fait sans conséquence juridique. Ces questions devant être distinctes, leurs solutions doivent l’être aussi. Si le secret a pour corollaire évident l’impossibilité d’établir un lien de filiation, la connaissance de la vérité des faits donnée à l’enfant n’entraîne pas nécessairement le droit pour lui, une fois muni de ces informations identifiantes, d’en tirer des conséquences juridiques -alimentaires ou successorales -647. En effet, l’action en responsabilité, se substituant désormais à l’action en recherche ne pourra être ouverte que lorsque l’enfant ne bénéficiera pas d’une parenté légalement établie. A contrario, lorsque les deux liens de parenté paternelle et maternelle sont consacrés, l’enfant doit pouvoir accéder à la vérité biologique, dans l’unique dessein de connaître ses origines. En effet, étant déjà rattaché à ces deux parents, il ne s’agit pas ici de rechercher la vérité biologique dans un but patrimonial mais uniquement pour répondre à un intérêt psychologique. Ainsi, c’est précisément sous l’angle de la construction subjective de l’enfant qu’il faut envisager le droit à la connaissance des origines et non sous l’angle de la parenté. Cette précision est opportune, afin de concevoir que la vérité biologique puisse être systématiquement dévoilée sans procéder à un forçage du système de parenté. En somme, il s’agit de créer une action autonome en recherche des origines, sans incidence sur l’état, dont l’objet serait précisément d’obtenir des informations sur les origines. Cette action serait ouverte uniquement à l’enfant et pourrait être imprescriptible. Son caractère imprescriptible permettrait d’envisager qu’elle puisse être également transmissible. En effet, les héritiers pourraient avoir un intérêt à connaître leurs origines. Toutefois, l’action ne pourrait être ouverte que si le lien de filiation est irrévocable, c’est-à-dire lorsqu’il est issu d’une adoption ou d’une procréation médicalement assistée ou encore lorsque les actions en contestation ont été définitivement fermées par la prescription de droit commun.
29457. La vérité biologique restaurée. En détachant la vérité biologique du lien de filiation, on permet de restaurer sa place sans en tirer des conséquences juridiques1648. En outre, écarter le secret des origines responsabilise les géniteurs en ce qu’ils ne peuvent plus fuir le fait même de la naissance d’un enfant. Mais, cela permet également de responsabiliser les parents en ce qu’ils ne peuvent plus s’abriter derrière la “facilité illusoire” du non-dit. Toutefois, admettre que l’enfant puisse avoir accès à l’identité de ses géniteurs commande une remise en cause de l’organisation actuelle de l’accouchement sous X et des procréations médicalement assistées.
2. L’indispensable levée du secret
30458. Les enfants amputés de leur origine vivent ce manque avec un fort sentiment de souffrance1649. Ce qu’ils revendiquent, ce n’est pas l’amour, ils en ont heureusement trouvé le plus souvent dans leur famille d’adoption, ce n’est pas non plus d’hériter, au sens financier et matériel, leur quête est une quête d’identité. C’est en effet un premier droit de l’homme de savoir qui il est, c’est-à-dire d’où il vient1650. Permettre à l’enfant d’accéder à l’identité de ses géniteurs implique nécessairement des modifications quant à l’anonymat résultant d’un accouchement sous X (a), ou d’un don de gamètes (b).
a) La levée du secret en cas d’accouchement sous X
31459. Un accouchement secret. Les difficultés relative à l’accouchement sous X viennent du fait que l’accouchement est souvent anonyme et non pas secret, et qu’aucune trace de la mère ne figure dans les dossiers hospitaliers, ni dans ceux de l’Aide sociale à l’enfance. Si on a pu relever qu’il fallait protéger les mères qui se trouvaient dans des situations particulières de détresse1651, on a également retenu que le secret suffisait et que l’anonymat pouvait être écarté. En effet, nous avions relevé que la mère pouvait être protégée tout en exigeant d’elle la révélation de son identité. Pour autant, le recueil impératif de l’identité de la mère ne suffit pas à garantir à l’enfant un droit d’accès à ses origines. En effet, cette nouvelle mesure appliquée au système actuel, permettrait seulement de retrouver plus facilement la mère afin de solliciter de sa part, son accord pour lever le secret. Dès lors, pour concilier le droit de la mère au secret et le droit de l’enfant à connaître ses origines, il convient de remettre en cause le principe même de l’anonymat et l’intemporalité du secret.
32460. Un secret temporel. Ainsi, faut-il mettre en avant la récente proposition de loi faite le 28 juin 20061652. En effet, il a été envisagé de conserver systématiquement le nom de la mère lors de l’accouchement recueilli selon un mode homogène et par une institution publique -mais de maintenir la possibilité d’un secret lors de l’admission à l’hôpital. Cette identité ne serait communiquée, à l’enfant qui en fait la demande durant sa minorité, qu’avec l’accord de la mère. En revanche, la communication serait de droit à compter de la majorité de l’enfant mais sous réserve d’en informer la mère biologique. En tout état de cause, la divulgation du secret ne serait pas susceptible de remettre en cause les liens de filiation déjà reconnus à l’enfant. Cette proposition ne vise nullement à remettre en cause la parenté adoptive, au contraire, elle permet d’en respecter la nature. Son rôle est de donner, le plus tôt possible, des parents à un enfant qui en est dépourvu. Elle est incontestablement une chance pour ces enfants ainsi que pour ces couples sans enfant. Mais, l’expérience des adoptions réussies le montre, elles ne peuvent répondre pleinement à la finalité d’insertion que quand elles ne s’appuient pas sur le déni d’une origine biologique différente, mais au contraire quand elles respectent le droit de l’enfant à connaître son histoire1653.
33461. Afin de garantir à tous les enfants, sans discrimination un droit d’accès aux origines, un tel processus devrait s’étendre aux naissances par procréation médicalement assistée.
b) Le rejet de l’anonymat des donneurs
34462. D’un principe d’anonymat à un principe de transparence. Le principe général de l’anonymat du don1654est inscrit dans le Code civil1655et le Code de santé publique1656. En France, le don de gamètes est traité comme le don de n’importe quel produit du corps humain. Toutefois, dans la mesure où les gamètes ne sont pas des produits comme les autres puisqu’ils ont pour but d’engendrer une nouvelle vie, ce principe d’anonymat donne lieu à d’importantes controverses1657. Le débat sur l’anonymat des donneurs suscite des réactions passionnées, et des oppositions tranchées en la matière1658. Certains auteurs attachés à la vérité biologique préféreront opter pour la levée de l’anonymat, d’autres plutôt attachés à la préservation des intérêts de la famille issue de la procréation médicalement assistée défendront le maintien du secret. En considérant que l’accès aux origines personnelles doit être possible pour tous les enfants qui le souhaitent -à ce titre ses origines lui appartiennent -, nous penchons donc en faveur de la levée de l’anonymat1659. Toutefois, afin de respecter l’ensemble des personnes concernées ainsi que la transparence vis-à-vis de l’enfant, la question doit être réglée tenant compte de la spécificité de la filiation par procréation médicalement assistée. En effet, sont en jeu trois intérêts divergents : celui des parents, de l’enfant et du donneur. Une chose est sûre, le donneur ou la donneuse n’ayant pas vocation à être le père ou la mère de l’enfant, le principe selon lequel aucun lien n’existe entre eux et l’enfant doit être maintenu. Pour autant, puisque l’anonymat s’oppose de front au droit de l’enfant d’accéder à ses origines est-il possible de le remettre en cause ?
35463. La protection du donneur. Si le secret fondé sur les besoins des parents est illégitime puisqu’il repose sur une négation d’un droit de l’enfant, en revanche le droit au secret du donneur ne peut être écarté ipso facto. La personne qui fait don de ses gamètes pour favoriser la conception d’un enfant ne saurait être assimilée au père ou à la mère qui renonce à leurs responsabilités de parents. Son acte est un don en faveur d’autrui et non un abandon au détriment d’un enfant existant. Dès lors, le donneur de gamètes ne peut être assimilé au géniteur qui ne veut assumer une parenté. Son droit au secret est tout aussi légitime que le droit de l’enfant de connaître ses origines1660 . Pour autant, il n’apparaît pas possible dans un pays respectant les droits de l’homme, d’organiser une discrimination quant à la connaissance des origines. Aussi, l’enfant conçu artificiellement doit-il bénéficier des mêmes droits que les enfants soumis initialement au secret. Pour concilier le droit des donneurs et ceux des enfants, il faudrait remplacer le principe de l’anonymat par celui de la transparence. Le donneur donnerait ses gamètes en connaissance de cause et l’enfant aurait accès à son identité génétique. Toutefois, il ne faut pas s’y méprendre, la levée du secret ne pourrait être imposée, dans les cas où le don a déjà été fait. Ainsi dans ces situations, seul un consentement de leur part pourrait permettre à l’enfant d’obtenir des informations sur l’identité du donneur.
36464. La liberté de choix entre anonymat et transparence. Pour l’avenir, une proposition de loi en date du 28 juin 20061661, vise à instaurer un système permettant au donneur de gamètes de choisir entre conserver l’anonymat et donner son identité. Le choix serait ainsi offert aux parents entre un donneur anonyme et un donneur identifié. Si cette proposition marque une avancée du droit de l’enfant de connaître ses origines, il semble qu’elle soit tout de même insuffisante. Tout d’abord, en laissant le choix aux parents d’avoir recours à un donneur identifié ou non, cela revient à laisser le droit de connaître les origines, entre les mains des parents. En effet, de façon discrétionnaire et selon leurs propres intérêts, les parents pourront décider, en lieu et place de l’enfant, s’il pourra accéder ou non à ses origines. Les droits des parents l’emporteraient sur les droits de l’enfant. Ensuite, il est tellement difficile pour un couple de faire face à la stérilité d’un partenaire, qu’il est bien plus facile pour tous les adultes d’adopter le scénario du “comme si” s’était le leur. Dès lors, il semble quelque peu illusoire de croire que le choix des parents se penchera sur les donneurs identifiables plus que sur ceux anonymes. Enfin, ce système de choix, créera a fortiori des enfants nés d’une procréation médicalement assistée qui auront accès à leurs origines et d’autres à qui l’anonymat sera imposé1662. Une telle discrimination semble difficilement justifiable.
37465. La transparence uniquement. La solution pourrait s’inspirer de celle retenue dans les législations de certains pays européens. Ainsi, la loi suédoise du 20 décembre 1984 sur l’insémination artificielle autorise l’enfant issu d’une procréation médicalement assistée à consulter, à sa majorité, les registres de l’hôpital et ainsi d’accéder à l’identification du donneur. De même, la loi autrichienne du 4 juin 1992, sur la médecine procréative accorde à l’enfant à ses quatorze ans révolus, s’il en fait la demande, le droit d’accéder aux renseignements recueillis sur le donneur, y compris son identité1663. Quant au gouvernement britannique, il permet aux enfants conçus grâce à un don de sperme, d’ovules ou d’embryons, de connaître, à leur majorité, l’identité de leurs parents biologiques1664. Des solutions similaires sont admises en Allemagne et en Suisse. En somme, le principe de l’anonymat serait remplacé par le principe de transparence, le donneur donnerait ses gamètes en sachant qu’à la majorité de l’enfant ce dernier pourrait accéder à son identité. Il faut insister à nouveau sur le fait que permettre la révélation de l’identité du donneur de gamètes à la majorité de l’enfant ne remettrait nullement en cause le lien de filiation établi dès la naissance. Le donneur n’aurait en aucun cas des droits et des devoirs afférents à la paternité ou à la maternité. Il ne s’agit que d’éclaircir l’identité des géniteurs pour l’enfant. S’il peut être opposé à ce principe de transparence, un risque de diminution des donneurs1665, il faut noter qu’en Suède, si dans un premier temps, le pays a connu une raréfaction des dons, leur nombre a fini par remonter, la population des donneurs ayant simplement changé1666.
38Dans ce contexte, la reconnaissance d’un véritable droit d’accès aux origines permet de favoriser l’intégration de l’enfant dans sa parenté. En effet, il faut se persuader que la transparence, tant du mode de conception que de l’identité des géniteurs évitent les rejets intempestifs des parentés purement volontaires. Il constitue également une responsabilisation des parents en ce qu’ils ne peuvent plus s’auto-proclamer parent et géniteur de l’enfant. En outre, la distinction entre origine et lien juridique -filiation ou responsabilité -, assure aux géniteurs une protection suffisante en les tenant à l’écart de la parenté de l’enfant. Enfin, face à un éclatement des composantes du système de parenté, le problème ne peut être résolu de façon satisfaisante si le choix opéré consiste à nier une part de vérité. Nous affirmons avec insistance qu’une dissociation peut être admise à la condition de ne pas penser en terme d’exclusion. En effet, il s’agit d’associer les deux composantes. Les dérivés du système construits sur l’unique engagement parental ne peuvent être valablement maintenus que si une place est faite à la biologie. Si la concordance de la parenté volontaire et de la parenté biologique ne peut se faire sur un seul et même individu, la complexité des liens doit être respectée entre d’un côté le lien de parenté fondé uniquement sur l’engagement parental et de l’autre la connaissance des origines fondée sur le lien biologique.
39466. Si cette vérité biologique est indispensable à la construction psychologique de l’enfant, elle peut devenir nuisible lorsqu’il s’agit de contester le lien de parenté. En effet, les progrès de la science ayant permis de connaître avec certitude le géniteur de l’enfant, il devient de plus en plus difficile de résister à la vérité dévastatrice. On peut expliquer assez simplement ce mouvement par cette fascination d’une vérité absolue et objective. Si cette évolution de la science peut se présenter comme une victoire sur la nature, un gage de modernité, il ne s’agit en réalité que de faux-semblants lorsqu’on la confronte avec l’indispensable notion de responsabilité. Il ne suffit pas de célébrer les prouesses scientifiques ; encore faut-il savoir en discerner pour le long terme les implications1667. A ce titre les juristes sont concernés car ils sont appelés à convertir en règles de droit, permissives ou prohibitives, ces évolutions de la biologie.
II. L’encadrement des contestations du lien de parenté
40467. La vérité biologique, l’objet du contentieux. Puisque l’accent doit être mis sur le double caractère biologique et volontaire de la parenté, il est normal d’ouvrir en cas de dissociation une action en contestation. L’engagement parental résultant d’un titre, seule la vérité biologique demeure à l’état de présomption, ce qui entraîne pour conséquence directe, que cette même vérité sera l’objet du contentieux. Précisons immédiatement, que l’action en contestation ne doit être admise que lorsque l’engagement parental revêt la qualité probatoire de la parenté biologique. En effet, il serait tout à fait illogique d’admettre une contestation d’un lien qu’on sait initialement contraire à la vérité biologique. C’est pourquoi, dans les filiations dérivées du modèle, l’adoption et les procréations médicalement assistées, l’intérêt de l’enfant exige, d’une part que le droit lui reconnaisse à sa naissance, une filiation clairement établie, d’autre part, que cette filiation ne puisse être ultérieurement remise en cause par ceux qui ont tenu à surmonter les obstacles de la nature pour assumer les responsabilités de la paternité ou de la maternité1668. Actuellement, les actions en contestation répondent à une recherche absolue de la vérité biologique, elles traquent le mensonge sans autre objectif et finalité. L’identité génétique devient la valeur de définition du contentieux de la parenté. Certes, s’il est indéniable que la réforme issue de l’ordonnance du 4 juillet 2005 est venue adoucir la “tyrannie” de la vérité en insérant un espace temps1669 plus réduit, il n’en demeure pas moins que le fondement même de l’action en contestation demeure la vérité biologique. Dans ce contexte, le juge finit par dire le fait sur lequel il aligne le rapport juridique de filiation, au lieu de dire le droit. De façon tout à fait paradoxale, à côté de cette tyrannie, le système refuse, dans certains cas, l’utilisation de la vérité biologique pour remettre en cause un engagement vicié ou encore pour consacrer un lien plénier. Aussi, après avoir conduit un examen critique des finalités actuelles de la vérité biologique dans le contentieux du système de parenté (A), nous chercherons à en tirer les leçons de lege ferenda, afin de placer la vérité comme un moyen au service du droit et non plus l’inverse (B).
A. L’utilisation incohérente de la vérité biologique
41468. La vérité au service d’un vide de filiation. Actuellement, la vérité biologique peut servir à anéantir une paternité biologiquement fictive sans la remplacer par une paternité réelle. L’action en contestation est souvent la conséquence soit du désir de la mère qui veut détacher l’enfant de celui qui avait accepté la charge de père, soit de la volonté de celui qui s’est chargé un temps de l’enfant de se libérer de ce qu’il ressent désormais comme un fardeau. En dehors, du respect du principe de vérité biologique, dans aucun de ces cas, il n’y a de bonnes raisons d’accéder à la demande1670. Il ne semble pas de l’intérêt de l’enfant d’être privé d’une paternité voulue au seul titre de la vérité biologique, comme il n’est pas acceptable de s’engager pour un temps et de pouvoir se rétracter au gré des situations. Un auteur a très justement relevé une indifférence du couple parentale en droit de la filiation en s’appuyant notamment sur une illustration, qualifier par lui, “d’alarmante”. En effet, il vise le “vide” de filiation paternelle qui est désormais la règle en toute hypothèse. « Adieu, l’article 334-9 du code civil et son conflit de filiations ; adieu l’article 318 et l’obligation faite à la mère et à son nouveau mari père biologique de l’enfant lorsque la mère conteste la paternité du mari de joindre à cette action une demande de légitimation de l’enfant à l’égard du père véritable. L’article 333 du Code civil ouvre à certaines personnes dont le père « véritable » l’action en contestation de paternité ; l’article 334 permet à toute personne ayant un intérêt d’intenter cette action lorsque la possession d’état n’est pas conforme au titre »1671. Concrètement, cela signifie quoi ? La mère ou tout autre personne est susceptible de détruire un lien de filiation légalement établi sur la preuve d’une vérité contraire sans condition de substitution. Aussi, la vérité biologique vient détruire un engagement parental, dans le seul but de traquer le mensonge bafouant ainsi l’intérêt de l’enfant et la stabilité du système. Cela signifie aussi que l’amant de la femme peut contester la paternité du mari sans avoir l’obligation d’établir la filiation naturelle dans le même temps. Observons que la recevabilité des actions en contestation n’est pas subordonnée à une reconnaissance préalable de l’enfant par son père véritable ; il n’est pas créé un conflit de filiations. « Au contraire, il est désormais interdit d’établir une filiation avant que ne soit contestée la première. Bien sûr l’hypothèse est marginale, et nous supposerons que le plus souvent l’amant sera intéressé à souscrire au plus vite sa reconnaissance »1672 . Il n’en reste pas moins que le “vide de filiation” devient le principe en matière d’action en contestation. « On est loin de l’époque où l’on se lamentait des conséquences de la jurisprudence qui, par le biais de l’article 322 a contrario, admettait pour la première fois qu’un enfant puisse ne plus être rattaché au mari de la mère sans pour autant retrouver un autre père. Le vide de filiation paternelle est devenu un cas de figure qui ne choque plus personne … »1673. Disons simplement que les actions en contestation détruisent sans reconstruire, elles débouchent en principe sur un vide de filiation. Alors que dans le droit antérieur, une telle solution avait été largement critiquée1674, il semblerait qu’elle soit à présent accueillie sans heurt. L’actuel système, à la différence de l’ancien, ne distingue plus les actions en substitution telle que celle résultant de l’article 318 et de l’article 334-9 a contrario du Code civil, des actions purement destructrices. On rétorquait à l’époque que seule l’absence de possession d’état conduisait à l’ouverture large de la contestation du titre. Désormais, ipso jure les actions en contestation sont de prime abord toutes destructrices et ce, même en présence d’une possession d’état. Or, c’est précisément dans ce contexte que le système de parenté ne répond plus à une éthique de responsabilité mais bien à un principe absolu de vérité. En effet, si la filiation ne dépend plus que des faits, destructeurs des apparences du titre, elle ne dépend plus en réalité que de l’arbitraire des sentiments antagonistes qui font parler les faits en toute subjectivité1675. Chacun devient libre de gérer le lien de filiation selon son bon vouloir. En négligeant les volontés et les engagements que consacre le titre d’état civil, notre droit perd non seulement de sa morale, mais aussi ses lignes directrices lui permettant d’ordonner le système de parenté. Le rapport de parenté cesse donc d’être construit par référence à des normes, il ne reste, à défaut de règles structurées, plus que le fait susceptible d’être prouvé avec certitude1676.
42469. La vérité biologique n’étant pas au service d’un engagement vicié ou d’un lien de filiation plénier. L’action en contestation fondée sur la preuve de l’absence de vérité biologique peut permettre à un père de revenir sur un engagement vicié. En effet, l’individu apprenant que l’enfant n’étant biologiquement le sien qu’après s’être engagé à l’insérer dans sa parenté, peut contester le lien dans un délai variant en fonction de la possession d’état qu’il a lui-même créée à l’égard de l’enfant. Toutefois, il peut arriver que le père découvre postérieurement à l’expiration du délai, que l’enfant qu’il avait toujours cru issu de ses œuvres ne l’était point. Dans un tel cas, la loi fait preuve d’une grande rigueur à l’égard du père qui se trouve dépourvu de la possibilité de se prévaloir des effets de cette découverte1677. Ainsi, le père légal s’étant engagé en croyant devoir le faire, ne peut plus contester le lien de filiation établi par un titre et une possession d’état de cinq ans.
43Cependant, le système contentieux du droit positif de la filiation se heurte à de graves objections, lorsqu’il empêche l’établissement d’un lien de filiation plénier. En effet, si la recherche de stabilité était l’un des objectifs louables et indispensables de l’ordonnance du 4 juillet 2005, il n’en demeure pas moins que l’établissement de délai de prescription préfix peut empêcher le lien plénier de se concrétiser. En effet, le père biologique apprenant tard sa paternité, qui lui aurait été sciemment cachée, ne peut plus insérer son enfant dans sa parenté, lorsque le père légal bénéficie d’un titre et d’une possession d’état de cinq ans1678.
44En dehors, du respect du principe de pérennité, dans aucun de ces cas, il n’y a de bonnes raisons d’interdire la contestation. D’un côté, selon la Cour européenne, le respect de la vie familiale exige que la réalité biologique et sociale prévale sur ce que la Cour appelle « une présomption légale » heurtant de front tant les faits établis que les vœux de toutes les personnes concernées1679. La Cour européenne1680en conclut que, dès qu’il est établi que la relation entre un homme et un enfant relève de la notion de « vie familiale », il pèse sur l’État une obligation positive d’autoriser aussi rapidement que possible la formation de liens familiaux légaux complets entre cet homme et son enfant1681. Le raisonnement contient l’idée simple que la réalité sociale jointe à la véracité biologique doit être tenue pour supérieur au titre. Il paraît aujourd’hui choquant de refuser au père par le sang d’établir tout lien juridique avec celui qu’il a engendré. En effet, dans ce cas, précis, lorsque les deux composantes de la parenté peuvent coïncider, vérité biologique et engagement parental, le droit doit faire en sorte de consacrer ce lien. De l’autre côté, qu’a-t-il de bon à maintenir un lien qui deviendra ineffectif à la lueur de la vérité et de maintenir une parenté qui ne repose sur rien, puisque l’engagement comme la possession d’état ont été viciés. En effet, quel soutien l’enfant trouve-t-il dans une paternité contraire à la parenté biologique, assumée dans le passé mais dans l’ignorance, et refusée dès la découverte de la vérité ? Il serait illusoire, en effet, d’escompter que celui, qui découvre ainsi avoir été trompé, qu’il continue de se comporter comme un père à l’égard d’un enfant qui est le produit de l’infidélité. Au surplus, la solution produirait des effets injustifiables, dans la mesure où le père désigné par la règle aurait à subir toutes les conséquences attachées à la filiation.
45470. Un système en sursis. La Cour européenne des droits de l’homme enrichit le droit à la vie familiale d’un droit à ne pas se voir imposer une filiation mensongère. Elle a condamné des Etats en ce qu’ils ne permettaient pas à l’homme trompé de contester sa paternité1682. L’arrêt en date du 24 novembre 20051683, laisse penser que les dispositions de l’ordonnance du 4 juillet 2005 sont potentiellement contraires à la Convention européenne des droits de l’homme. En effet, l’Etat Russe, a été condamné parce qu’un jugement avait déclaré prescrite une action en désaveu intentée après l’expiration du délai d’un an prévu par la loi, tout simplement parce que le mari n’avait été informé de la véritable origine de l’enfant que passé ce délai. En d’autres termes, il semblerait que la Cour européenne cherche à protéger les engagements viciés en condamnant les Etats qui empêcheraient leur contestation alors que la révélation de la vérité fut tardive. Des arrêts Shofman et Paulik, nous pouvons tirer l’enseignement suivant : la computation des délais ne devrait commencer à courir que lorsque le titulaire de l’action a la pleine connaissance de la vérité. Il n’est pas besoin d’épiloguer pour montrer à quel point ce système de pensée est étranger à la logique du droit français, notamment depuis l’ordonnance. Il n’est fait nullement mention, dans la loi ni dans la jurisprudence française, de ce que le titulaire des actions ait eu ou non connaissance de la vérité des choses1684. Le point de départ des délais est en général le moment où l’enfant commence à jouir d’un état ou en est privé. Ne doit-on pas tirer les leçons des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme ?
46471. Il est utile de se demander qu’elle finalité on doit assigner à cette notion de vérité et dans quelles circonstances peut-on recourir à son utilisation. En d’autres termes, ou bien on conçoit le principe de vérité biologique comme une fin en soi, ce qui impose comme conséquence que l’enfant doit systématiquement être rattaché aux parents qui l’ont conçu ou encore détaché de celui qui ne l’a pas conçu, sans qu’il importe que l’on prenne en considération les liens affectifs qu’il peut avoir avec d’autres personnes. Ou bien on l’envisage comme un moyen permettant de trancher un conflit entre deux filiations contradictoires dans la perspective d’un contentieux et en considération de l’intérêt de l’enfant. La première proposition devant être écartée, il faut envisager, de lege ferenda, de replacer la vérité biologique au sein d’une éthique de responsabilité et pour cela en faire un moyen au service du système de parenté.
B. La vérité biologique un moyen au service du système de parenté
47472. Tirer les leçons des contradictions. Il faut tirer les leçons des contradictions et paradoxes qui ressortent de cet examen du droit positif. Pour ce faire, n’oublions pas que le système de parenté est un système social qui doit reposer sur des structures et qui pour fonctionner doit être construit sur une éthique de responsabilité interdisant au libre jeu des volontés l’opportunité de manier le lien de parenté au gré des aléas de la vie. Il faut énoncer des interdits, des limites aux facultés de disposer de cette notion de vérité biologique. Cette dernière doit devenir un moyen au service du système de parenté. Pour cela, la vérité biologique ne pourrait être recherchée que dans un but de substitution (1) et non dans un simple objectif de destruction du lien de parenté. En outre, la vérité biologique ne pourrait permettre à l’individu qui a inséré l’enfant dans sa parenté de revenir sur son engagement que si elle était la cause de cet engagement (2). En d’autres termes, l’action en contestation serait soumise à l’établissement corrélatif d’un lien de parenté plénier et, seule une action en nullité pourrait être intentée sans condition de substitution. Ce n’est qu’en encadrant le contentieux de la parenté autour de ces deux hypothèses que le système de parenté respectera une certaine éthique de responsabilité. En revanche l’absence de confirmation de l’engagement, autrement dit l’absence de possession d’état, doit pouvoir permettre à l’enfant de se libérer d’un lien sans signification aucune, ne l’insérant dans aucun système de parenté. Il pourrait détruire le lien contraire à la vérité biologique qui ne respecte pas les fondements de la parenté (3).
1. L’action en contestation subordonnée à une substitution de filiation
48473. La substitution de liens, condition de la contestation. Un réaménagement des conditions d’exercice de l’action en contestation s’impose afin d’éviter les contestations purement destructrices. Si la coïncidence des éléments de la filiation, biologique, affectif et juridique, est la norme souhaitable, la vérité biologique doit être un moyen d’y parvenir. Comme a pu l’écrit Monsieur le Doyen Cornu, « on ne détruit que ce qu’on remplace »1685. Dans ce contexte, la recevabilité de l’action en contestation serait soumise à la substitution d’un lien de filiation plénier. Aussi, doit-on accueillir, plus largement, les actions tendant à rétablir la parenté par excellence - la concordance de la nature et de l’engagement - et parallèlement fermer définitivement les actions simplement destructrices lorsque la possession d’état corrobore le titre. En effet, la vérité biologique ne doit pas permettre de remettre en cause un lien juridiquement établi par un titre, d’autant plus s’il est corroboré par une possession d’état, à défaut de quoi le système sombre dans ce que M. Legendre appelait la « conception bouchère de la filiation »1686.
49Dans ce cadre précis, l’action en contestation serait soumise à l’exigence d’une substitution de lien. L’action pourrait être ouverte au véritable père ou à la mère accompagnée de ce dernier. Ainsi, le véritable père devrait manifester une volonté d’insérer l’enfant tout en rapportant la preuve de sa paternité biologique pour modifier le lien légalement établi. La réussite d’une telle action suppose que le lien légalement établi ne soit pas conforme à la vérité biologique et implique corrélativement la preuve du caractère biologique du lien que l’on souhaite établir. Toutefois, l’exercice de ce droit doit être encadré par certaines conditions. D’une part, le prétendu véritable père doit manifester une volonté non équivoque d’insérer l’enfant dans sa parenté et une volonté d’assumer le rôle qui découle du statut de
50parent. A peine d’irrecevabilité, l’action doit être accompagnée positivement d’une requête en établissement du lien de filiation. Ainsi, ce caractère indivisible des deux demandes assure à l’enfant une régularisation de son état en valorisant le lien plénier de parenté. Au même titre que l’ancien article 318-2 du code civil, il devrait être prévu une indivisibilité substantielle, en prévoyant qu’il sera statué sur les deux demandes par un seul et même jugement, qui ne peut accueillir l’action en contestation que si l’établissement est admis. Son aspiration est alors salvatrice en ce qu’elle substitue une paternité uniquement fondée sur l’engagement à une paternité fondée sur l’engagement parental et la vérité biologique. D’autre part, la stabilité du lien de filiation étant mise en péril, l’action doit être enfermée dans des délais permettant de respecter le principe de pérennité. Ainsi, le délai de l’action pourrait commencer à courir au jour de la découverte de l’état de paternité biologique. Cette mesure aurait l’avantage de permettre au véritable père de ne pas se voir interdire l’établissement d’une paternité alors même qu’elle aurait été assumée et désirée. Mais, elle présente l’inconvénient d’une mise en péril de la stabilité de l’état de l’enfant. Aussi, le véritable père aurait six mois pour agir en contestation à compter de la découverte de la vérité, délai lui-même encadré par le délai légal de prescription de dix ans.
51Un auteur a très justement écrit, « la protection de la filiation désignée par la possession d’état conforme au titre se justifie, pour le cas où la vérité biologique serait divergente, dans l’hypothèse d’un désintérêt du parent biologique et, en somme, de son indignité : on est facilement convaincu de l’avantage qu’il y a alors à préserver la filiation de l’enfant à l’égard de celui qu’il considère comme son père et qui se comporte comme tel, y compris à l’encontre de la vérité biologique. Mais cette analyse ne se justifie que si le père biologique comme le père sociologique ont eu connaissance, dès l’origine ou suffisamment tôt, de la vérité : car alors seulement, il sera possible de considérer que le père biologique n’a pas entendu assumer son rôle auprès de l’enfant tandis que le père désigné par le titre a eu la volonté de se comporter comme le père de l’enfant »1687.
52474. Tout ce système suppose qu’un autre homme prenne l’initiative d’insérer l’enfant dans son système. En l’absence d’une telle volonté, l’obstacle à la vérité que présente le titre semble être insurmontable. Toutefois, un tel régime peut apparaître excessif lorsque le père légal veut lui même contester son engagement. C’est pourquoi le système contentieux doit laisser la place à la vérité biologique, non plus pour répondre à une finalité de substitution, mais pour libérer un engagement qui a été donné par erreur.
2. La responsabilisation de l’engagement parental
53475. La cause de l’engagement, la clé de l’action en nullité. En s’en remettant dans les conflits, à la seule vérité des faits biologiques et en négligeant les volontés et les engagements que consacre le titre d’état civil, notre droit perd non seulement sa morale, mais aussi les lignes directrices lui permettant d’ordonner les faits et de résoudre les conflits. En effet, en droit positif, il est important de souligner qu’il n’est nullement fait mention de ce que le titulaire des actions ait eu ou non connaissance de la vérité des choses. Aussi faut-il revaloriser la volonté fondatrice du lien. Pour ce faire, il faut s’attacher à la cause de l’engagement parental. En effet, lorsque l’engagement parental est causé par la croyance légitime en ce que le lien volontaire est doublé d’un lien biologique, le défaut de vérité biologique vicie de fait l’engagement parental. A ce titre, la vérité biologique doit permettre à celui qui ne se serait pas engagé s’il avait su, un droit de contester le lien en rapportant la preuve du défaut de vérité biologique (a). En revanche, l’engagement doit devenir irrévocable lorsque la vérité biologique n’en est plus la cause (b). Le défaut de vérité biologique doit entraîner une erreur sur la cause de l’engagement pour permettre à celui qui s’est engagé de contester le lien établi.
a) Le droit de contester un engagement vicié
54476. Le fondement de l’action. Afin de revaloriser l’engagement parental, il est nécessaire d’en passer par le respect de sa qualité. Pour ce faire, cela implique nécessairement que l’action permettant de remettre en cause un engagement parental ne pourra se justifier que si ce dernier repose sur un vice. En droit positif, l’action en nullité a déjà été accueillie en jurisprudence1688. Toutefois, elle est restée marginale en ce qu’elle existait à côté des diverses actions en contestation qui ne soumettaient pas la recevabilité de l’action à la démonstration d’un vice. Or, afin de tenir compte de l’ensemble des critiques formulées à l’égard du système actuel, il semble que seule une action en nullité pourrait être admise afin de contester une filiation sans pour autant que lui soit substituée un lien plénier. L’action en nullité procéderait d’une erreur sur la cause, ou d’une cause erronée. Le père légal ne pourrait contester le lien de filiation qui l’unit à l’enfant que s’il démontre qu’au moment de l’établissement du lien de filiation, il s’était engagé en croyant légitimement être le père biologique de l’enfant. Dans ce contexte, l’action lui serait ouverte et il pourrait solliciter une expertise biologique afin d’attester de sa non paternité. Dès lors, l’acte d’état civil, la reconnaissance comme la possession d’état pourraient être invalidés lorsqu’ils auraient été établis dans la violence ou dans l’erreur.
55C’est la solution retenue en droit polonais. La Cour suprême polonaise a ainsi déclaré, dans un arrêt du 14 février 1969, « que la reconnaissance faite par un homme d’un enfant qui n’est pas biologiquement le sien n’entraîne pas ipso jure la nullité de la reconnaissance […]. L’homme qui a sciemment reconnu l’enfant d’autrui n’a pas un tel droit »1689. C’est également la position adoptée par l’Autriche qui admet qu’une reconnaissance paternelle ne peut être contestée par son auteur que pour erreur1690. Certains juges français avaient d’ailleurs énoncé en ce sens quelques idées dignes d’intérêts : « lorsque l’auteur d’une reconnaissance sait pertinemment, au jour de celle-ci, qu’il n’est pas l’auteur biologique de l’enfant, il renonce à se prévaloir de l’absence de lien réel de filiation avec l’enfant »1691 .
56477. Les conditions de l’action. Ayant la nature d’une action en nullité relative, le délai de prescription serait de cinq ans1692, ce temps ne commençant à courir dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d’erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts. Toutefois, la demande en nullité ne serait plus recevable, toutes les fois qu’il y a eu possession d’état continuée pendant six mois depuis que le parent a acquis sa pleine liberté ou que l’erreur a été par lui reconnue.
57478. La volonté restituée. Une telle action répondrait à l’éthique de responsabilité et aux nouvelles aspirations posées par la Cour européenne des droits de l’homme. En effet, elle permettrait de donner la possibilité au père légal de refuser un enfant dont il serait à même de prouver qu’il n’en est pas le géniteur, en retardant le point de départ de l’action en nullité au jour de la découverte de ce fait. On s’assurerait par là que le père qui ne conteste pas le lien de filiation s’abstient en toute conscience et l’on restituerait ainsi à la volonté paternelle le rôle qui doit être le sien. En retardant le point de départ du délai en contestation, on peut nettement distinguer selon que le père n’a pas exercé d’action, parce qu’il croyait être le géniteur, ou qu’il ne l’a pas fait parce qu’il entendait assumer malgré tout un rôle de père.
58479. Si responsabiliser les engagements parentaux, c’est admettre que le parent trompé invoque la vérité biologique pour contester le lien de filiation, c’est aussi refuser corrélativement le droit de contester un engagement mensonger donné en pleine connaissance de cause.
b) Le refus du droit de contester l’engagement mensonger
59480. Le malaise face aux contestations de l’engagement mensonger. Actuellement, l’idée de responsabilisation de l’engagement parental n’est pas absente de notre système puisque le droit positif sanctionne la remise en cause d’un engagement mensonger par l’octroi de dommages et intérêts1693. En effet, les juges affirment qu’en rompant délibérément une obligation qu’il avait librement souscrite, l’auteur de la reconnaissance a causé un préjudice à l’enfant de nature à engager sa responsabilité1694. Ainsi, le fait que la reconnaissance ait été effectuée à la demande de la mère, ou encore que les enfants aient eu connaissance de la vérité, n’enlève rien au caractère fautif de la demande en contestation de la reconnaissance par un homme qui avait librement choisi d’assumer de telles obligations familiales1695. Parallèlement, la Cour de cassation considère que l’auteur de la reconnaissance est à l’abri de toute recherche de responsabilité, au motif que n’étant pas à l’origine de l’instance, il ne pouvait lui être fait grief d’avoir failli à l’engagement qu’il avait pris de subvenir comme un père aux besoins de l’enfant1696. Au regard de la causalité, la jurisprudence juge fautive non pas la reconnaissance mensongère, mais l’action en contestation engagée à l’initiative de son auteur1697.
60Certaines décisions illustrent le malaise des juges face à cette disponibilité sans limite du lien de parenté. Certains juges du fond n’hésitent pas à forcer des concepts, comme celui de motif légitime pour bloquer l’action en contestation1698. Selon le professeur Murat, « l’argumentation retenue, dans la décision rendue par la Cour d’appel de Bordeaux, ne convainc guère : les deux raisons invoquées dans le motif légitime se contredisent finalement. Si l’homme éprouvait un certain regret d’avoir reconnu l’enfant, c’est que l’expertise n’était pas de curiosité : les deux raisons s’excluent. Et si la satisfaction de la seule curiosité est sans doute condamnable comme motif légitime de refus de l’expertise, on ne voit guère en quoi le regret de l’auteur de la reconnaissance pourrait légitimer le refus par le juge d’une expertise que le plaideur sollicite. En réalité, la source du refus est sans doute ailleurs : dans l’idée que, pour les juges, l’engagement est dans la reconnaissance, une composante du lien de filiation qui, comme la vérité biologique, doit se voir reconnaître une place »1699.
61481. L’irrévocabilité de l’engagement mensonger. Un tel système pêche par un manque de cohérence et conduit à nier la valeur de l’engagement. De deux choses l’une : ou bien l’on proclame la prééminence du biologique comme fondement de la filiation mais alors il faut interdire les reconnaissances de complaisance. Ou bien l’on admet que la reconnaissance d’enfant est un acte de volonté et le rôle du législateur est alors d’assurer la stabilité de cette volonté. A ce titre, certains juges1700avaient d’ailleurs énoncé en ce sens quelques idées dignes d’intérêts : lorsque l’auteur d’une reconnaissance sait pertinemment, au jour de celle-ci, qu’il n’est pas l’auteur biologique de l’enfant, il renonce à se prévaloir de l’absence de “lien réel de filiation” avec l’enfant. Ainsi celui qui a reconnu un enfant en pleine connaissance du caractère mensonger de la filiation, ne pouvait la contester si sa volonté n’avait pas été affectée d’un vice, parce qu’il ne fallait pas livrer l’état d’un enfant aux fantaisies de son père légal1701. Les juges estimaient que la stabilité de l’état civil d’un enfant et de ses descendants « ne pouvait être attachée aux vicissitudes de plus en plus grandes des couples humains ». Ils jugeaient ainsi contraire à l’ordre public et à la morale le fait que l’auteur d’une reconnaissance de complaisance puisse lui-même et pour son seul profit invoquer le caractère sciemment mensonger de son acte en vue de se libérer de charges librement acceptées1702. Le souci de cohérence juridique ne devrait-il pas conduire aujourd’hui à s’inspirer des solutions recommandées il y a plus de cinquante ans ?703
62En effet, il faudrait songer à réfléchir autrement, en poussant le raisonnement sur l’engagement parental à son terme, à l’instar de ce qui se produit en matière d’assistance médicale à la procréation. L’article 311-20 du Code civil a pour but de responsabiliser la volonté du couple afin de garantir à l’enfant la filiation promise1704et interdit pour ce faire toute contestation sur le fondement de la preuve biologique lorsque les parents ont accepté par avance qu’elle fasse défaut. Aussi, le régime de la filiation naturelle devrait se calquer sur ce raisonnement, le parent ayant établi la filiation en connaissance de cause d’une contrariété à la vérité biologique ne pourrait plus revenir sur son engagement personnel d’insérer l’enfant dans sa parenté. Le législateur pour responsabiliser l’auteur de l’engagement parental pourrait verrouiller son choix en lui retirant la qualité pour agir en contestation de sa paternité. Cette règle serait d’ailleurs conforme au principe général selon lequel le fraudeur ne peut se prévaloir de sa fraude pour être délié de son engagement1705. Le lien de filiation est avant tout un acte de responsabilité et à ce titre, il est concevable de lier irrévocablement le déclarant à sa volonté initiale à moins qu’il n’établisse un vice du consentement1706.
63482. L’irrévocabilité de l’engagement, un moyen de sensibiliser les “candidats-pères”. Cette solution a pour avantage, de sensibiliser les “candidats-père” à la gravité de leurs engagements, ou mieux de les orienter vers ce qui est le but profond de leur démarche, l’adoption de l’enfant de l’épouse1707. Au surplus l’irrévocabilité de la reconnaissance pourra être perçue comme un frein à la pratique qui veut qu’un homme reconnaisse l’enfant de sa compagne ou de son épouse. Par ailleurs, cela pourrait responsabiliser celui qui décide de prendre en charge l’enfant d’autrui en utilisant la filiation pour bénéficier de certaines prérogatives juridiques sur celui-ci. Ce type de pratique se tarirait sans doute de lui-même si l’on consacrait l’immutabilité de l’engagement et si le droit offrait, au concubin, non géniteur, dans certaines conditions, les moyens juridiques d’exercer certains pouvoirs sur l’enfant, sans qu’il soit besoin de passer par la création de liens de filiation à cette seule fin1708.
64483. La mise à l’écart de l’autre parent. Face à celui qui s’engage en toute bonne foi d’insérer l’enfant d’un autre dans sa parenté ou face à celui qui procède à un engagement mensonger, il est choquant que l’autre parent, c’est-à-dire en général la mère, qui a pu être l’instigatrice de l’engagement mensonger fait par son mari ou son concubin, puisse agir en contestation du lien. Ainsi, lorsque le concubin ou le mari s’est engagé à insérer l’enfant et qu’il assume le rôle, la mère ne devrait pouvoir contester le lien de filiation qu’à l’unique condition d’apporter une substitution du lien légal par un lien de parenté plénier. A défaut, l’action en contestation doit lui être fermée.
65484. Le maintien d’une fausse filiation. On dira sans doute, pour s’opposer à cette solution, que l’intérêt de l’enfant n’est pas de voir maintenue une filiation détachée tant de la biologie que de l’affection, mais il n’est pas de son intérêt non plus de laisser à la disposition du père le choix de maintenir ou non le lien. Mais, cette solution aurait évidemment pour inconvénient de maintenir artificiellement des filiations fausses, c’est pourquoi l’enfant doit pouvoir conserver une action en justice afin de se détacher, s’il le désire, d’un lien de parenté non plénier. Il faut se rendre à l’évidence, que l’engagement pris et non réaffirmé ne doit pas rester immuable s’il n’en est pas de l’intérêt de l’enfant. Dans ce cas, l’action en contestation sans substitution pourrait être ouverte à l’enfant durant toute sa minorité et pendant le délai de droit commun à sa majorité.
3. L’action réservée à l’enfant
66485. La qualité oui mais, la capacité ? Afin d’accorder une place à l’enfant dans un contentieux qui par principe le concerne directement, il est important d’envisager de lui réserver une action en contestation. Ainsi, lorsque le titre ne serait pas corroboré par une possession d’état conforme, l’enfant aurait la qualité pour agir en contestation. Cela étant, il ne suffit pas d’être investi de droits subjectifs pour pouvoir les exercer soi-même. En effet, pour intenter une action en justice, le requérant doit avoir également la capacité de le faire, c’est-à-dire qu’il ne doit pas être frappé d’incapacité comme c’est le cas pour le mineur non émancipé ou le majeur placé sous tutelle. Le remède évident à l’incapacité du mineur est incontestablement la représentation qui permet l’exercice, dans les procédures judiciaires, des droits du mineur par ses représentants légaux1709. La représentation de l’enfant serait en l’espèce envisageable, pour exercer l’action attitrée de l’enfant qu’il ne peut lui-même engager. La représentation du mineur par les titulaires de l’autorité parentale suscite particulièrement l’intérêt lorsque, dans le cadre d’actions extra-patrimoniales, elle n’apparaît pas adéquate, ou bien parce qu’elle n’est pas possible juridiquement, ou encore parce qu’elle ne permet pas à l’enfant de faire valoir ses intérêts ou ses souhaits propres1710.
67486. Une représentation faite par le représentant légal, non… En l’espèce, la représentation de l’enfant par la mère peut paraître quelque peu inappropriée en ce sens qu’on prend le risque de laisser entre les mains du représentant légal de l’enfant, c’est-à-dire sa mère généralement, la direction de l’action. Or, une telle situation reviendrait à permettre à la mère de contourner son interdiction à agir en passant par le droit d’agir de son enfant. Aussi, faut-il prévoir un certain nombre de mesures d’accompagnement de l’action en contestation ouverte à l’enfant et donc améliorer le mécanisme de la représentation pour prendre en compte la spécificité de la situation du mineur et des rapports que le représentant et le représenté entretiennent l’un et l’autre avec l’objet de la procédure.
68487. Le droit d’agir exercé par l’enfant, non… Dans ce contexte, la possibilité pour l’enfant d’agir lui-même en justice est évidemment le mode de participation au processus judiciaire le plus complet1711. Toutefois, il nécessite que l’enfant réunisse toutes les conditions de l’action en justice : intérêt, qualité et capacité pour agir. Or, l’incapacité de principe du mineur dont l’objectif est de protéger l’enfant contre lui-même et contre ceux qui pourraient profiter de sa crédulité, est logiquement écartée lorsque les nécessités de la protection qui la fonde n’existent plus, soit que ses droits fondamentaux aient été atteints soit, que confronté au danger il participe à sa protection1712. Dans le contentieux du droit de la filiation, il semble qu’on ne puisse pas à proprement parler de danger. En revanche, la question des droits fondamentaux pourrait être invoquée au soutien d’une capacité procédurale accordée à l’enfant. En effet, l’action en contestation d’un lien de parenté non plénier permet à l’enfant de faire respecter son droit à la vie privée et à la vie familiale. Aussi, serait-il alors possible d’envisager que l’enfant capable de discernement puisse lui-même saisir le juge afin de contester un lien établi par un titre non corroboré par une possession d’état. Toutefois, cette solution aurait l’inconvénient majeur de ne plus protéger l’enfant contre lui-même, voire contre l’influence de sa mère. En effet, l’enfant pourrait être influencé par les rancoeurs que sa mère a contre son père légal ou bien tout simplement par ses propres ressentiments légitimement accrus en période d’adolescence.
69488. Mais oui à une représentation spéciale. Aussi, à défaut d’accorder un tel îlot de capacité, on pourrait se demander si le recours à l’administrateur ad hoc pourrait permettre au mineur de prendre l’initiative d’intenter lui-même une procédure pour laquelle il a qualité pour agir sans avoir la capacité. Le mineur pourrait saisir le juge des tutelles sur le fondement de l’article 388-2 du Code civil pour lui demander de désigner un administrateur ad hoc, en arguant d’une opposition d’intérêts entre lui et ses représentants légaux. La notion d’opposition d’intérêts n’aurait pas besoin d’être appréciée par le juge puisque dans ce cas précis, elle pourrait être présumée. En effet, l’action étant attitrée au profit de l’enfant, l’autre parent, par le biais de la représentation, ne devrait pas pouvoir agir pour satisfaire ses intérêts. L’administrateur ad hoc serait chargé, le cas échéant, par le juge des tutelles d’intenter l’action au nom de l’enfant. Certes, l’intervention de l’administrateur ad hoc a été envisagée par le législateur pour permettre à l’enfant0de participer à une procédure dont l’initiative a été prise par quelqu’un d’autre que lui1713. Aussi, permettre à l’administrateur de jouer un tel rôle heurterait de front l’autorité parentale. Toutefois, on peut relever que la Recommandation relative à la Charte européenne des droits de l’enfant annonçait que « les enfants ne doivent plus être considérés comme la propriété de leurs parents, mais être reconnus comme des individus avec leurs droits et leurs besoins propres, et qu’à cet égard une représentation juridique séparée des enfants doit être assurée en cas de conflit entre les parents »1714. Mais surtout, en donnant à l’enfant les moyens d’exercer ses propres droits par l’intermédiaire d’un représentant spécial, le système permet de répondre aux attentes internationales notamment issues de la Convention européenne sur l’exercice des droits de l’enfant1715. En effet, l’objectif de la Convention est clair : « la présente Convention facilite l’exercice des droits matériels des enfants en renforçant et en créant des droits procéduraux qui peuvent être mis en œuvre par les enfants eux-mêmes ou par l’intermédiaire d’autres personnes ou organes. L’accent est mis sur le terme de promotion des droits de l’enfant, dans la mesure où le terme est plus large que celui de protection »1716. Aussi, en accordant à l’enfant le droit de demander personnellement, la désignation d’un représentant spécial chargé de le représenter devant les autorités judiciaires lorsque les détenteurs de l’autorité parentale ne peuvent le faire en raison d’un conflit d’intérêts entre eux ou avec l’enfant, cette solution répond parfaitement aux exigences posées par l’article 4 de la Convention européenne sur l’exercice des droits de l’enfant. Enfin, en laissant au juge des tutelles et à l’administrateur ad hoc le soin de prendre les décisions, l’enfant est préservé de ses propres désirs et de ceux des adultes.
70Afin de tenir compte de l’ensemble des remarques ci-dessus développées, le régime de l’action en contestation réservée à l’enfant pourrait être prévu comme suit : « A défaut de possession d’état conforme au titre, l’action en contestation est réservée à l’enfant. Durant la minorité de l’enfant, ce dernier ou encore ses parents pourraient saisir le juge des tutelles afin de lui désigner un administrateur ad hoc, qui aura seul qualité pour exercer l’action ».
71489. La question de la place de l’enfant dans le contentieux de la filiation. Les questions soulevées par l’ouverture d’une action en contestation réservée à l’enfant permettent de s’interroger plus généralement sur la place de l’enfant dans le contentieux lorsque l’action n’est pas intentée par lui mais par son parent, ou par le véritable père. En effet, la question de nommer un administrateur ad hoc à l’enfant dans les procès relatifs à sa filiation n’est pas résolue par les textes. Alors que, l’ancien article 317 du Code civil1717prévoyait la nomination automatique d’un administrateur ad hoc dans le cas du désaveu de paternité légitime, cette solution a été supprimée par l’ordonnance du 4 juillet 2005. En outre, les articles 388-2 et 389-3 du Code civil qui prévoient la nomination d’un administrateur ad hoc en cas d’opposition d’intérêts entre l’enfant et ses représentants légaux, connaissent une application plutôt confuse en jurisprudence. La Cour de cassation avait, certes, admis que les tribunaux pouvaient nommer un administrateur ad hoc dans des hypothèses similaires au désaveu, en particulier en cas de contestation de reconnaissance1718 . Mais cette faculté ne semblait pas être devenue une obligation systématique, et les juges du fond continuaient d’accepter ou de refuser selon des critères que l’on peut juger parfois aléatoires1719. Ainsi, la réponse à la question de savoir si les contestations de filiation mettent l’enfant en opposition d’intérêts avec le parent dont la filiation est contestée, et/ ou avec celui des parents qui a pris l’initiative de contester la filiation à l’égard de l’autre, n’est donc pas nettement résolue. Or, cette position confuse de la jurisprudence semble traiter l’enfant comme un objet de litige entre adultes. Dans ce contexte, toute contestation de filiation mettant nécessairement l’enfant en opposition d’intérêts avec au moins l’un de ses deux parents, devrait nécessairement se dérouler en présence d’un administrateur ad hoc720. A ce titre, il faudrait prévoir l’insertion d’un article prévoyant que « l’action en contestation de filiation et l’action en nullité sont dirigées contre un administrateur ad hoc, désigné à l’enfant par le juge des tutelles, dans les conditions prévues à l’article 389-3 du Code civil ». L’objectif poursuivi est clair, il s’agit de mettre l’accent sur les droits de l’enfant et leur mise en œuvre. L’enfant doit être conçu comme un acteur dans la réalisation de ses propres droits. Pour y satisfaire, il semble certain que la possibilité de désigner un représentant spécial plaide en ce sens, à condition que son rôle ne se limite pas simplement à informer et consulter l’enfant, mais bien à agir en son nom devant les autorités judiciaires.
72490. L’encadrement des actions en contestation, une revalorisation de l’engagement parental. En définitive, si le système de parenté doit tenir compte de la vérité biologique, cette dernière doit être vue comme un moyen au service du système, ce qui impose un encadrement plus stricte des conditions permettant de contester le lien de filiation établi. Ainsi, les actions en contestation ont été réduites au nombre de trois, une en contestation sur le fondement d’une substitution de lien de parenté, une autre en nullité et une dernière réservée à l’enfant. Ceci permet de restituer au titre, ou à la possession d’état, sa valeur d’engagement volontaire d’inscrire, au regard de la communauté sociale, l’enfant dans sa parenté. Seul ce dernier pourrait récuser cette inscription, lorsqu’elle n’est conforme ni à la vérité biologique ni à la vérité sociologique. Revaloriser la volonté fondatrice du lien, parce qu’elle est reconnaissance de l’autre et engagement envers lui, va de pair avec l’exigence éthique et sociale de limiter la volonté destructrice. Alors que le succès de l’action en nullité suppose que le lien que l’on souhaite détruire ne soit pas conforme à la réalité biologique, l’action en contestation nécessite également la preuve du caractère biologique du lien que l’on souhaite établir. Pour y parvenir, il faut avoir recours aux progrès de la science dans le domaine de la biologie et de la génétique. Aussi, après avoir soumis le régime des actions à une éthique de responsabilité, convient-il d’en faire de même au regard de la preuve scientifique.
SECTION 2. LA RECHERCHE D’UNE ÉTHIQUE DE RESPONSABILITÉ FACE À LA PREUVE SCIENTIFIQUE
73491. La recherche d’une éthique de responsabilité face à la preuve scientifique implique de s’interroger sur son régime général. Responsabiliser le contentieux de la parenté implique une libéralisation du droit de la preuve biologique (I), à condition de revaloriser l’appréciation judicaire de cette preuve au regard de l’intérêt de l’enfant (II).
I. La libéralisation de la preuve scientifique
74492. L’expertise biologique, aux services des finalités du système. La recherche d’une éthique de responsabilité a conduit à finaliser le contentieux du système de parenté. Plus précisément, les actions relevant du contentieux de la parenté répondent toutes aux finalités du système lui-même. En effet, d’un côté les actions tendent à restaurer la place de la vérité biologique en responsabilisant les géniteurs récalcitrants et en ouvrant un accès généralisé aux origines. De l’autre, elles cherchent à limiter le pouvoir de la vérité, en encadrant les contestations soit à l’exigence d’une substitution d’un lien de filiation plénier soit à la protection des engagements viciés. Autant dire que dans ce contexte, l’ensemble du contentieux de la parenté ne doit plus craindre la vérité biologique. Au contraire, l’accès à cette vérité doit être facilité, puisque de l’accès à la preuve biologique dépend l’effectivité des actions. En effet, lorsque la responsabilité du fait de la conception n’est pas assumée, la preuve de la vérité biologique est le meilleur moyen pour imposer au récalcitrant les conséquences de ses actes. La vérité biologique constitue le seul moyen d’accéder sans doute aux origines. A l’inverse, la vérité biologique doit être accessible à celui qui a été trompé et qui de fait ne doit pas assumer une responsabilité qui n’est pas la sienne. Comme, elle doit être accessible à celui qui désire assumer une parenté plénière, dont l’engagement parental serait finalement doublé d’une parenté biologique. Aussi, le système de parenté doit permettre une libéralisation de la reine des preuves : l’expertise biologique.
75493. La libéralisation de la preuve hors procès, non… Cette idée de la libéralisation de la preuve biologique pose évidemment la question des expertises hors du procès civil, de l’utilisation de l’expertise pour raison de convenance, de suspicion ou pour se ménager des preuves ad futurum. Dans ce contexte, il n’y aurait pas de procédure en cours, mais une simple initiative privée, soit que les parties soient d’accord soit que l’une d’elles agisse à l’insu de l’autre. De telles pratiques contrediraient de front tout le système contentieux mis en place ci-dessus. En effet, si l’accès à la vérité doit répondre à des finalités précises, il semble évident que ce genre de pratiques apparaît illicite et qu’il est impératif de maintenir l’exigence d’un cadre judiciaire. En ce sens, en dépit de l’argument traditionnel selon lequel « on le fera quand même », il semble préférable de prohiber ces pratiques. Ainsi, l’article 16-11 du Code civil pourrait être complété comme suit : « En matière civile, l’indentification d’une personne par la preuve biologique ne peut être recherchée qu’en exécution d’une mesure d’instruction ordonnée par le juge saisi, d’une action tendant soit à la responsabilité du fait de la conception ou à la recherche des origines, soit à la contestation d’un lien de filiation dans le cadre d’une substitution ou d’une nullité ».
76494. Oui, à la libéralisation de la preuve biologique dans le procès. En revanche, une fois le cadre judiciaire posé, il n’est plus admissible de limiter l’accès à la preuve scientifique. Dès lors, la vérité biologique étant au service du système de parenté, et donc plus largement au service de l’intérêt public, sa preuve doit pouvoir être libéralisée. Pour ce faire, la mise en œuvre de cette vérité biologique ne pourra être effective qu’à la condition qu’il soit possible d’accéder aux méthodes médicales. Aussi, faut-il envisager de revenir sur certaines limites entravant l’accès à la preuve biologique comme celles relevant des droits de la personnalité (A) et celles accordées au juge à travers la notion de “motif légitime” (B).
A. La vérité au-delà des droits de la personnalité
77495. La preuve biologique étant désormais encadrée par des actions répondant au principe d’éthique de responsabilité, il devient possible d’envisager de remettre en cause l’exigence d’un consentement des personnes à l’expertise biologique (1) ainsi que d’admettre une certaine ouverture de l’expertise post mortem (2).
1. La remise en cause de l’exigence de consentement
78496. Sans reprendre l’ensemble des développements sur le consentement en matière d’expertise biologique, il s’agit, tout de même, de rappeler que l’obligation de rechercher l’assentiment de celui qui doit procéder à l’expertise biologique entraîne actuellement certaines hypocrisies. D’une part, le droit de refuser l’expertise biologique, corollaire du droit de consentir, semble être remis en cause par l’interprétation qui en est faite. D’autre part, le droit de refuser heurte de front le principe selon lequel l’expertise est de droit en matière de filiation, principe qui a une valeur d’autant plus grande que l’expertise intervient dans un contentieux respectueux des finalités du système de parenté.
79497. L’obligation de procéder à l’expertise. Aussi, pour sortir de ces confusions, faudrait-il envisager que l’expertise biologique revêt un caractère obligatoire, tant pour le juge que pour la personne concernée, tenue de s’y soumettre. En effet, l’éthique de responsabilité doit primer, il n’est désormais plus tolérable de s’abriter derrière un “pseudo” droit au respect de l’intégrité physique alors même qu’une telle expertise ne procède guère d’une atteinte. En effet, si initialement, il s’agissait de protéger l’intégrité du corps humain lorsqu’il fallait prélever du sang pour l’expertise sanguine, il semble difficile de soulever une telle atteinte, lorsque un simple cheveux ou une goutte de salive permettent de procéder à une expertise génétique. Si certains continuent à voir dans ces pratiques médicales une atteinte à l’intégrité du corps, il semble que l’importance des valeurs en cause justifie qu’elles soient pratiquées. En réalité, il ne doit plus être possible de faire obstruction au droit d’accéder aux origines, aux responsabilités attachées à la conception, ainsi qu’à la volonté du véritable père de rétablir un lien plénier de parenté. En outre, au regard des nouvelles actions, les cas de refus ne devraient finalement concerner que les récalcitrants aux responsabilités. Il y a là matière à réfléchir quant au dogme de la vie privée qui serait susceptible, sans qu’aucun motif légitime puisse être invoqué, de faire rejeter la demande en responsabilité par exemple. Aussi, le droit ne devrait plus leur permettre d’échapper à leur responsabilité et devrait accorder un véritable droit à la preuve.
80En définitive, que l’expertise soit sollicitée auprès de celui qui a établi le lien de filiation ou contre celui qui refuse d’assumer ses responsabilités, elle doit être de droit, seul un motif légitime pourrait permettre de l’écarter. Le motif légitime doit être entendu de façon restrictive. Ainsi, pourrait-il y avoir un motif légitime de ne pas ordonner une mesure d’instruction lorsque sa réalisation serait matériellement impossible. Tel est le cas d’une expertise biologique par exemple lorsque le père prétendu ne peut être localisé en l’absence de toute indication. A défaut de motif légitime, il faudrait prévoir un devoir de se soumettre aux expertises ordonnées, dans le cadre du devoir de vérité des parties, à peine d’astreinte. On retrouverait ainsi l’application de l’alinéa 2 de l’article 11 du NCPC, qui prévoit que « si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l’autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d’astreinte ». En revanche, si l’expertise n’a pu être pratiquée malgré l’astreinte, il serait possible d’affirmer que « le juge puisse considérer comme établi les faits que l’expertise avait pour but de constater »1721.
81498. En remettant en cause l’exigence du consentement lors du vivant de l’intéressé, la législation stricte en matière de prélèvement post mortem devient douteuse. Mais, il n’en demeure pas moins que la question est beaucoup plus délicate lorsqu’il s’agit de savoir si l’expertise post mortem doit être libéralisée.
2. Vers un assouplissement de l’expertise post mortem
82499. La mort emporte avec elle les secrets. La récente loi bioéthique du 6 août 2004, a modifié l’article 16-11 du Code civil pour lui ajouter un second alinéa ainsi conçu : « sauf accord exprès de la personne manifesté de son vivant, aucune identification par empreintes génétiques ne peut être réalisée après sa mort ». En d’autres termes, il est impossible de pratiquer une expertise lorsque le père prétendu est décédé et n’a pas de son vivant consenti à une analyse de l’ADN. Dans ce contexte, le professeur Hauser a pu justement écrire : « imaginer que quelqu’un autorise de son vivant une identification génétique alors que, par hypothèse il n’a pas reconnu l’enfant même par testament, il faut une bonne dose de naïveté ou d’incompétence pour le prévoir dans un texte. […] Il n’est donc plus nécessaire de se faire incinérer pour que nos péchés de chair ne nous suivent plus ! »1722. La vie privée des vivants deviendrait donc inexpugnable après leur mort.
83500. La mort doit rester un verrou, mais… Lorsque la vérité biologique est recherchée dans un contexte susceptible de remettre en cause des situations acquises, le respect du consentement pourrait varier selon que le décès intervienne en cours de procédure ou avant l’existence d’une procédure. Dans la première hypothèse, l’expertise sera sollicitée du vivant de la personne et, à défaut de motif légitime, il sera condamné à y procéder sous la menace de l’astreinte. Si la mesure n’a pu être exercée, le décès survenant, le refus doit être interprété contre lui. Dans la seconde hypothèse, si les actions touchant à des situations acquises sont engagées après le décès du défendeur, la mort doit, dans ce cas là, rester un verrou. En effet, au-delà du respect attaché aux morts, il s’agit en réalité de protéger la sécurité juridique en ne remettant pas en cause des situations acquises. Il y a une sorte de barbarie à ne rein laisser en repos, au silence, lorsqu’après la mort, le défunt par définition ne peut plus répondre de ses actes1723. En effet, à supposer que l’expertise soit imposée, notamment dans l’action en responsabilité, elle ne serait pas pour autant légitime sur un cadavre, impuissant à assumer en personne les énoncés du jugement. Admettre l’expertise post mortem dans des actions pouvant modifier des situations acquises revient à faire comme si le mort était vivant. La quête de responsabilité, pour respectable qu’elle soit, trouve ici sa limite impérative. En revanche le raisonnement peut être différent lorsque l’expertise biologique post mortem est sollicitée aux seules fins de connaître un fait, c’est-à-dire d’accéder aux origines.
84501. L’accès aux origines, plus fort que la mort. Conçu comme un véritable “droit à”, l’expression avoir le droit d’accéder aux origines fait référence à un droit subjectif, prérogative individuelle dont la reconnaissance peut être obtenue en justice, sa méconnaissance entraîne l’exécution forcée ou l’indemnisation. En effet, récemment, la Cour européenne1724 a ouvert une brèche en la matière, en condamnant l’impossibilité de procéder à un prélèvement sur le cadavre du père supposé sur le fondement de l’article 8 de la Convention européenne des doits de l’homme. En l’espèce, les tribunaux genevois et le Tribunal fédéral avaient refusé au requérant les analyses supplémentaires nécessaires pour établir son origine - analyse de l’ADN de la dépouille mortelle du père putatif du requérant, décédé en 1976 -après le rejet, en 1948, d’une action en déclaration de paternité. Selon l’arrêt rendu par la Cour européenne le 13 juillet 2006, ce refus constitue une violation du droit au respect de la vie privée et familiale du requérant. La Cour considère que la protection de la sécurité du droit n’est pas un motif suffisant en soi pour priver le requérant de son droit à connaître son ascendance. Pour assurer, le triomphe de « l’intérêt vital » de l’enfant en quête de ses origines, la Cour a en effet ajouté quelques précisions intéressantes. Ainsi estime-t-elle qu’un prélèvement d’ADN constitue « une ingérence relativement peu intrusive » à laquelle ne saurait faire obstacle ni le droit de reposer en paix, qui ne bénéficie d’ailleurs que d’une protection temporaire compte tenu du régime des concessions funéraires, ni la protection de la sécurité juridique, ni le droit au respect de la vie privée du défunt lequel, ne peut plus en bénéficier après sa mort1725. Aussitôt, la question de la conformité de la règle instaurée par l’article 16-11 alinéa 2 du Code civil suivant laquelle « sauf accord exprès de la personne manifesté de son vivant, aucune identification par empreintes génétiques ne peut être réalisée après sa mort » à la nouvelle jurisprudence de la Cour européenne se pose. Aussi, afin d’éviter une condamnation, il serait préférable d’ouvrir une brèche, quant aux régimes de l’expertise biologique post mortem, lorsque cette dernière est sollicitée afin d’accéder aux origines. Cette action étant distincte d’une action d’état, elle n’entraîne aucune conséquence juridique et ne risque donc pas de modifier des situations acquises. Dans ce contexte, il semble qu’il faille privilégier l’intérêt des vivants sur ceux des morts, lorsque la connaissance du fait biologique n’a pas pour conséquence d’entraîner des effets juridiques susceptibles de modifier la situation de tierces personnes.
85502. On l’aura compris, les actions étant encadrées par l’éthique de responsabilité, leur effectivité dépend de l’accès à la preuve biologique. C’est pour cette raison que la preuve biologique doit être libéralisée en ce qu’elle répond désormais aux finalités du système. Si la libéralisation passe par un net recul, de la protection des droits de la personnalité, elle implique aussi une certaine remise en question du pouvoir accorder au juge de la refuser en justifiant d’un motif légitime.
B. Le rejet du “motif légitime”
86503. L’inutilité du motif légitime. Dans un premier temps, la remise en cause du motif légitime semble se justifier en ce sens qu’il permettait une instrumentalisation du droit de la preuve pour pallier une certaine imperfection de la loi. Or, dans le contexte d’un nouveau régime contentieux, l’expertise biologique ne peut quasiment plus être sollicitée dans des circonstances où la morale ou l’éthique commanderait de l’écarter. En d’autres termes, l’îlot de liberté laissé au juge afin de tempérer la “tyrannie” de la preuve biologique par l’utilisation de la notion de motif légitime n’a désormais plus d’utilité.
87504. Le droit à la preuve biologique doit s’imposer au juge. Dans un second temps, il faut insister à nouveau sur le fait que l’expertise biologique devient un mode de preuve au service du système de parenté. Cela signifie que le droit à la preuve doit s’imposer tant aux parties qu’au juge. Ainsi, doit-on considérer que le principe de la liberté de la preuve doit aller de paire avec celui du droit à la preuve, et que celui-ci implique que le juge ne puisse écarter une demande d’expertise relative à la filiation au motif qu’elle serait superflue, alors que les autres éléments de preuve recueillis ne seraient pas susceptibles de fournir une probabilité aussi forte1726. Si le juge dispose en principe d’une grande liberté d’appréciation de l’ensemble des preuves -possession d’état, écrits, témoignages -quand aucune demande d’expertise n’est formulée, il en va différemment s’il retient ces éléments comme motif de refus d’ordonner l’expertise. En effet, le danger est grand de priver les parties de leur droit à la preuve, en particulier si la force probante de l’expertise demandée est supérieure aux autres éléments de preuve. En clair, cela signifie que doit être écartée la notion de motif légitime actuellement source d’une abondante jurisprudence pour refuser l’expertise sollicitée.
88505. Dans cet esprit, le juge ne devrait pas pouvoir refuser une demande d’expertise recevable au fond au motif que la preuve de la vérité serait contraire à l’intérêt de l’enfant. Et pourtant, un tel raisonnement viendrait à occulter le fait que la Convention internationale des droits de l’enfant fasse référence à l’intérêt supérieur de l’enfant plutôt qu’à l’intérêt de l’enfant.
II. La revalorisation de l’intérêt de l’enfant face à la preuve scientifique
89506. L’enfant, principal intéressé du contentieux. Pour comprendre, cette notion d’intérêt supérieur de l’enfant, il faut rappeler que le principal intéressé de la décision est l’enfant. Si en définitive, l’intérêt de l’enfant doit être la considération primordiale, c’est parce qu’il va être l’objet de la décision1727. Aussi, faut-il laisser au juge une liberté d’écarter le prononcé d’une expertise biologique sur le fondement de l’intérêt de l’enfant. En effet, si la tendance est à la vérité biologique, comme moyen au service du système, il n’en demeure pas moins que le magistrat ne doit pas subir la dictature de la vérité biologique lorsque cette dernière est contraire à l’intérêt de l’enfant. Si l’ordonnancement juridique est subordonné aux réalités médicales, il ne semble pas que le juge doit perdre tout pouvoir d’appréciation1728. Il doit être en position de choisir et de rester libre d’écarter la vérité scientifique1729, lorsque l’intérêt de l’enfant, apprécié in concreto, l’exige. De l’examen de l’intérêt de l’enfant pourrait apparaître l’inopportunité d’écarter le lien légal pour établir le nouveau lien de filiation en conformité avec la vérité biologique. Cette notion symbolise la responsabilité première des parents à l’égard de l’enfant et permet de prendre en compte l’altérité de l’enfant dont sa personnalité se détache de celle des adultes.
90507. L’appréciation in concreto de l’intérêt de l’enfant. L’intérêt de l’enfant doit toujours se déterminer de façon concrète, et non abstraite, à la suite d’un échange intersubjectif. Le juge doit définir l’intérêt de l’enfant, non seulement grâce à des examens de personnalité ou à des enquêtes sociales, mais aussi après avoir entendu les parents et l’enfant indiquer leur conception de l’intérêt de ce dernier. Dès lors après avoir entendu les conceptions subjectives de cet intérêt par les parents, le juge doit laisser place à la parole de l’enfant1730. Le droit reconnu à l’enfant d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative qui le concerne, associé à celui d’être informé, est explicitement prévue par la Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants dans son article 12. A ce titre, des critiques étaient émises en ce que le droit français permettait au juge d’écarter l’audition du mineur ce qui entraînait une absence d’harmonisation des pratiques. Au sein même d’un tribunal donné, certains juges acceptaient d’auditionner les enfants quand d’autres, pour des motifs d’âge ou de discernement, le refusaient et se tournaient vers les expertises psychologiques, les enquêtes sociales et autres médiations, lesquelles empêchaient en tout cas les enfants de s’exprimer véritablement1731. Le système devenait donc pervers. Alors que le juge devait prendre ses responsabilités, il multipliait les interventions de tierces personnes. C’est dans ce contexte que la loi du 5 mars 20071732est venue modifier l’article 388-1 du Code civil pour créer un véritable droit de l’enfant à être entendu dans les procédures qui le concernent. La seule condition réside dans l’existence d’un discernement suffisant. Si le juge doit tenir compte de l’opinion exprimée par l’enfant, il n’en demeure pas moins que l’enfant par son audition ne détermine pas seul son propre intérêt. Ainsi, c’est à la suite d’un débat où s’échangent des arguments qui peuvent être contradictoires sur ce qu’est l’intérêt de l’enfant, que le juge doit rendre un jugement motivé.
91508. Le conflit d’intérêts. Si la preuve de la réalité biologique doit être rapportée pour contester un lien de filiation légalement établi alors que l’enfant manifeste son désir de maintenir ce lien, le juge sera en présence d’un conflit d’intérêts, opposant l’intérêt de l’enfant et celui de l’autre parent de voir le lien de filiation établi. Alors que certains auteurs sont partisans pour considérer les intérêts en présence comme identiques1733, il convient davantage de considérer que l’intérêt de l’enfant est supérieur1734. Certes, il faudra tenir compte de l’ensemble des intérêts pour s’assurer du respect de l’intérêt de l’enfant, mais il n’en demeure pas moins qu’en cas de véritables conflits d’intérêts, une hiérarchie doit se faire en plaçant celui de l’enfant au sommet.
92Un exemple tout à fait significatif peut venir illustrer le propos. L’affaire qui a défrayé la chronique en 1994 aux États-unis, repositionne la question de la filiation dans le champ de l’intérêt de l’enfant. Les parents d’une fille atteinte d’une maladie incurable ont découvert lors d’un dépistage génétique que leur enfant n’avait aucun lien biologique avec eux. Seize ans auparavant, leur bébé avait été échangé par inadvertance contre celui d’un autre couple à la maternité. Après le décès de leur enfant, ces parents ont entrepris de retrouver et de récupérer leur fille biologique, qui avait été élevée dans une autre famille qui était sans le savoir la famille biologique de l’enfant décédé. La fille localisée, ses parents biologiques réclamèrent qu’elle leur revienne. Il s’en suivit un procès qui passionna l’Amérique, dans lequel la parole fut donnée à la jeune fille concernée, qui, bien que mineure, affirma elle-même devant les tribunaux que ceux qu’elle considérait comme ses vrais père et mère étaient ceux avec lesquels elle avait toujours vécu et qu’elle ne voulait en aucun cas changer de famille. Sa décision fut approuvée par la morale populaire et le jury lui donna raison1735.
93A ce titre, les décisions de la Cour européenne sont caractéristiques de cette analyse casuistique1736. Ainsi, en ce qui concerne l’établissement de la filiation biologique, il est utile de rappeler que dans une affaire où le requérant prétendait être le père biologique d’un enfant né à une époque où son ex-compagne était mariée à un autre homme, la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré : « En l’espèce, le requérant (…) n’avait aucun lien affectif avec l’enfant (…). L’approche adoptée par les juridictions nationales, consistant à privilégier l’intérêt de l’enfant et de la famille dans laquelle il vit, plutôt que l’intérêt du requérant à obtenir la détermination d’un fait biologique, était donc justifiée »1737. Il n’est pas besoin de tergiverser longuement pour constater que ce raisonnement est étranger à la logique du droit français. En effet, en matière de filiation, l’appréciation concrète de l’intérêt de l’enfant est balayée au profit d’une appréciation abstraite. Or, une telle appréciation vide de son sens la notion même d’intérêt de l’enfant.
94509. L’intérêt de l’enfant, motif légitime de refus d’une expertise biologique. Dans ce contexte, il est proposé de faire de l’intérêt de l’enfant un motif légitime de refuser la demande d’expertise biologique. En effet, le juge pourrait écarter l’expertise biologique si le test biologique risque d’être contraire à son intérêt. Récemment, le Tribunal de grande instance de Lyon1738 a affirmé que « l’intérêt supérieur de l’enfant peut constituer un motif légitime de refus de la mesure [d’expertise génétique] sollicitée » et « prime la démonstration ou non d’une vérité biologique ». Pour la première fois, les juges du fond ont eu recours à l’intérêt supérieur de l’enfant pour écarter la preuve objective révélée par l’expertise. Ils ont évité ainsi la remise en cause d’un lien de filiation effectif et volontairement assumé par le père légal. Cette décision audacieuse du TGI de Lyon doit être encouragée en ce qu’elle permet d’une part de recentrer le débat de la filiation sur le principal intéressé, c’est-à-dire l’enfant lui-même, et de soustraire celui-ci aux velléités égoïstes de certains adultes. D’autre part, cette approche plus casuistique du droit de la filiation par l’utilisation du critère concret de l’intérêt de l’enfant, permet de ne pas avoir, un écart trop grand, entre les situations vécues et les liens juridiques. Ainsi, cette limite à la preuve biologique constitue, de manière oblique mais efficace, un moyen de respecter le principe selon lequel le système de parenté a pour finalité d’insérer un enfant dans une famille digne de ce nom.
CONCLUSION DU CHAPITRE II
95510. Si le système de parenté doit tenir compte de la vérité biologique, cette dernière doit être vue comme un moyen au service du système. De cette affirmation, des transformations du système actuel ont été envisagées afin de répondre à une éthique de responsabilité tant au sein des actions que face à la preuve biologique elle-même. D’un côté, si le lien biologique ne peut certainement pas conduire seul à une insertion familiale de qualité -le défaut de parenté volontaire justifiant qu’on écarte le lien -, elle ne peut toutefois être gommée. Tantôt, elle se justifie au plan patrimonial afin de combler un vide de filiation, tantôt, elle s’impose sur le plan humain en ce que la construction psychique de l’être humain passe par la connaissance de cette origine biologique. De l’autre, lorsque l’on confronte la place de la vérité biologique dans les actions en contestation à l’indispensable notion de responsabilité, il est apparu essentiel d’encadrer les cas de contestation afin que la vérité ne constitue plus une fin en soi mais bien un moyen au service du système. Pour ce faire, il a fallu énoncer des interdits, des limites aux facultés de disposer de cette notion de vérité biologique. De lege ferenda, les actions en contestation reposeraient désormais sur trois principes. Premièrement, la vérité biologique ne pourrait être recherchée que dans un but de substitution et non dans un simple objectif de destruction du lien de parenté. Deuxièmement, la vérité biologique ne pourrait permettre à l’individu qui a inséré l’enfant dans sa parenté de revenir sur son engagement que si elle était la cause de cet engagement. Et troisièmement, en l’absence de confirmation de l’engagement, la vérité biologique pourrait permettre à l’enfant de se libérer d’un lien sans signification aucune. En remodelant ainsi les actions contentieuses du système de parenté sur une éthique de responsabilité, leur effectivité dépend de l’accès à la preuve scientifique. De fait, l’expertise biologique apparaît désormais comme le meilleur moyen de respecter les finalités du système de parenté. Aussi, fallait-il envisager un véritable “droit à la preuve” qui s’impose tant au juge qu’aux parties. Cependant, cette excessive libéralisation devait être tempérée, en revalorisant la place de l’intérêt de l’enfant dans le contentieux de la filiation, cette limite assurant le respect de l’effectivité du système.
CONCLUSION DU TITRE I
96511. Le système de parenté repose sur une construction sociale et ne constitue pas une notion exclusivement biologique. Le lien de parenté a pour finalité d’insérer l’individu dans un groupe afin qu’il se situe dans ce groupe et qu’il s’institue lui-même comme étant fils de… L’affiliation, entendue comme l’intention parentale de rattacher l’enfant dans leur système sous leur responsabilité, apparaît comme un élément essentiel dans le processus de construction du système de parenté. En effet, en faisant reposer principalement la filiation sur un système de lien accepté, cela permet d’introduire une notion plus coercitive qu’est la notion de responsabilité. Ainsi, l’idée de fonder le système de parenté sur une éthique de responsabilité rend possible l’équilibre des libertés sans pour autant conduire à une tyrannie des volontés où l’intérêt de l’enfant n’aurait de place qu’après la satisfaction de l’intérêt des adultes.
97512. Seule une véritable manifestation d’intention d’insérer l’enfant dans un système permet aux parents une acceptation de leur statut et donc une responsabilisation de leur rôle. L’exigence minimale de responsabilisation conduit à refuser l’anonymat et à exiger un système transparent. Sous ce vocable, se dissimulent plusieurs sommations allant de l’identification systématique des géniteurs à une différenciation des manifestations d’intention selon qu’elles présument ou non l’élément biologique. Cette exigence de différenciation doit se répercuter sur les modes de rattachement comme sur les modalités de contrôle. En somme, l’encadrement de l’engagement parental doit varier selon sa qualité probatoire du lien biologique, en passant d’une simple solennité à un véritable contrôle d’opportunité.
98513. Le contentieux du système de parenté naît, quant à lui, d’une discordance entre la qualité probatoire de l’engagement parental et la réalité biologique. Toutefois, si le contentieux actuel laisse une place de plus en plus accrue à la biologie, en construisant le système de parenté sur une éthique de responsabilité, il s’agit de permettre à chacune des trois dimensions, biologique, légale ou sociale, d’avoir une consécration plénière, ou à défaut, lorsque cela n’est pas possible de consacrer leur existence propre. L’enfant peut ainsi bénéficier d’un débiteur, susceptible de combler de façon patrimoniale un vide de filiation, en rapportant la preuve qu’il est son géniteur sans entacher le sens profond du système de parenté. L’enfant peut accéder, dans la mesure du possible, à l’information sur ses origines. Par ailleurs, il bénéficie d’une filiation sûre, qui ne peut pas changer au gré de la vie des adultes. Enfin l’enfant peut voir les liens tissés avec les personnes qui l’élèvent, protégés. On l’aura compris, la vérité biologique dans le contentieux de la filiation, à proprement parler, ne semble pas devoir être une valeur en soi. Prenant sur ce point le contre-pied du professeur Gebler1739, il semble qu’il s’agisse d’une recette à mettre à bon escient au service de l’enfant et, plus généralement, au service du système de parenté. Pour ce faire, le contentieux de la parenté peut se résumer à trois actions principales : l’action en substitution, l’action en nullité et l’action réservée à l’enfant. Dans cette perceptive, la preuve biologique étant la reine des preuves la plus à même à rendre les actions effectives au fond, il faut envisager sa libéralisation. En définitive, la parenté ne doit plus être uniquement un réseau tissé jure sanguinis, mais un lien vivant, dont la viabilité se manifeste à travers ses effets.
Notes de bas de page
1603 PONS Stéphanie, Responsabilité civile et relations familiales, Thèse dirigée par Anne Leborgne, Université Paul Cézanne, 2006, p. 279, n° 497
1604 ANCEL Jean-Pierre, « Table ronde. Le secret », In Vérité scientifique, vérité psychique et le droit de la filiation, Actes du colloque IRCID-CNRS des 9, 10 et 11 février 1995, sous le haut patronage de monsieur Pierre Méhaignerie, garde des Sceaux ministre de la justice, (dir.) Lucette Khaïat, éd. érès, 1995, p. 295.
1605 THERY René, « Véritable père et paternité vraie », JCP éd. G., 1979, I, 2927.
1606 MEILLASSOUX Claude, « Construire et déconstruire la parenté », Sociétés contemporaines, 2000, n° 38, p. 40 : « La parenté est une construction permanente qui se perpétue par la qualité de ses relations et non une donnée hasardeuse de la nature » ; OUELLETTE Françoise-Romaine, « Parenté et adoption », Sociétés contemporaines, 2000, n° 38, p. 49.
1607 V. Supra, n° 265 et s.
1608 MALAURIE Philippe et AYNES Laurent, Cours de droit civil, La famille, Tome III, éd. Cujas, 1995, n° 554, note n° 39-40.
1609 RAYMOND Guy, Ombres et lumières sur la famille, éd. Bayard, Centurion, 1999, p. 220.
1610 GONON Claudine, « Le rapprochement de l’action à fins de subsides et de l’action en recherche de paternité naturelle. Aspect de procédure et de fond », JCP éd. G., 1998, I, 158 ; GARÉ Thierry, « L’expertise biologique est de droit en matière de subsides », note sous CA Paris, 22 février 2001, JCP éd. G., 2001, II, 10558 ; HAUSER Jean, « Expertise biologique : suite des motifs légitimes, possession d’état et preuve non apportée des relations pendant la conception, action à fins de subsides », RTD civ., 2006, p. 98. L’action à fins de subsides reposait, initialement sur une possibilité de paternité, possibilité devenue après les progrès biologiques une probabilité puis une certitude.
1611 BOSQUET-DENIS Jean, « Réflexions sur la distinction de “l’alimentaire” et de “l’indemnitaire” », JCP éd. G.,1981, I, 3010.
1612 V. Supra, n° 311 et s.
1613 CA Colmar, 23 juin 2005, Dr. famille, décembre 2005, com. n° 263, p. 20, note Pierre Murat, « L’absence de reconnaissance volontaire est-elle un préjudice réparable ? » ; Cass. 1èreciv., 11 juin 2002, RJPF, octobre 2002, 10/31, p. 21, obs. Thierry Garé, « Refus non fautif de reconnaissance » : « Le refus de reconnaître un enfant ne constitue pas une faute en l’absence de circonstances particulières dont la preuve n’est pas rapportée. Doit être approuvé l’arrêt d’appel qui rejette la demande de dommages-intérêts formée par la mère sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, dès lors que l’auteur du refus n’avait pas, avant l’expertise médicale, la certitude d’être le père de l’enfant » ; CA Paris, 14 février 2002, Juris-Data n° 2002-167255 ; CA Reims, 5 octobre 1995, Juris-Data n° 1995-051938 : « Le père qui s’est abstenu, alors qu’il ne pouvait ignorer sa paternité, de verser à la mère la moindre participation aux besoins de l’enfant, s’est soustrait à ses obligations et doit réparation du préjudice tant moral que matériel causé par cet agissement fautif » ; PONS Stéphanie, Responsabilité civile et relations familiales, Thèse dirigée par Anne Leborgne, Université Paul Cézanne, 2006, p. 310 : « Si l’article 1382 du Code civil prescrit au géniteur le devoir de reconnaître son enfant bien que le droit de la filiation ne le fasse pas, c’est tout simplement parce que le droit de la filiation ne peut l’imposer ». Contra V. Cass. civ., 28 octobre 1935, JCP éd. G., 1936, p. 325 ; Gaz. Pal., 1936, 2, p. 823 : la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel retenant la responsabilité du géniteur au motif que le père n’avait aucune obligation de reconnaître et que dans ces conditions, une simple abstention de sa part ne saurait constituer un quasi-délit ; CA Lyon, 14 octobre 2003, Juris-Data n° 2003238612 ; CA Lyon, 4 décembre 2001, Juris-Data n° 2001-174162.
614 NEIRINCK Claire, « La fonction de socialisation du droit de la famille », Petites Aff., 23 juin 1993, n° 75, p. 16.
1615 CORNU Gérard, « La filiation », In Archives de la philosophie du droit, Réformes du droit de la famille, Tome 20, éd. Sirey, 1975, p. 29. V. Cass. 2èmeciv., 12 juillet 2007, Dr. famille, septembre 2007, com., n° 171, note Sylvie Rouxel, « Absence d’utilisation d’un moyen de contraception et défaut de responsabilité de la mère à l’égard du père » ; RJPF, décembre 2007, 12/31, p. 22, note Isabelle Corpart, « La mère qui poursuit une grossesse sans le consentement du père et lui réclame des aliments ne commet pas de faute ».
1616 YOUF Dominique, Penser les droits de l’enfant, PUF, coll. Questions d’éthique, 2002, p. 69.
1617 CA Aix-en-Provence, 17 janvier 2006, Bulletin d’Aix, 2006, n° 3, p. 40, obs. Anaïs Gabriel, « L’impossibilité pour le père de refuser sa paternité » ; Cass. 2èmeciv., 12 juillet 2007, Dr. famille, septembre 2007, com., n° 171, note Sylvie Rouxel, « Absence d’utilisation d’un moyen de contraception et défaut de responsabilité de la mère à l’égard du père » ; RJPF, décembre 2007, 12/31, p. 22, note Isabelle Corpart, « La mère qui poursuit une grossesse sans le consentement du père et lui réclame des aliments ne commet pas de faute ». V. HAUSER Jean, « Une pilule difficile à avaler : comment la conception entre dans le champ conceptuel et la contraception dans le champ contractuel, et vice versa ! » obs. sous CA Paris 31 octobre 2002 et CA Paris, 5 décembre 2002, RTD civ., 2003, p. 279 : « Un enfant ne peut être privé d’une contribution réelle et suffisante aux seuls motifs que le comportement de sa mère lors de la conception a été imprudent et que le père refuse d’assumer les conséquences des risques pris sans précaution »
1618 JONAS Hans, Le principe de responsabilité, Une éthique pour la civilisation technologique, éd. Flammarion, 1998, p. 257.
1619 Ibid., p. 186.
1620 DEKEUWER-DEFOSSEZ Françoise, Rapport de la commission : rénover le droit de la famille, Proposition pour un droit adapté aux réalités et aux aspirations de notre temps : rapport au Garde des sceaux, ministre de la justice, coll. des rapports officiels, La Documentation française, Paris, 1999, p. 39.
1621 CARBONNIER Jean, Droit civil : La famille, l’enfant et le couple, Tome 2, 21èmeéd., PUF, Thémis droit privé, 2002, p. 325.
1622 Réglé sous forme de pension, leur montant se calque sur les besoins de l’enfant, les ressources du débiteur et la situation familiale de celui-ci. TERRE François et FENOUILLET Dominique, Droit civil. Les personnes. La famille. Les incapacités, 7èmeéd., éd., Dalloz, coll. Précis droit privé, 2005, n° 851 ; MALAURIE Philippe et FULCHIRON Hugues, La Famille, éd. Defrénois, coll. Droit civil, 2èmeéd., 2006, n° 1371 ; CORNU Gérard, Droit civil. La famille, éd. Montchrestien, coll. Domat droit privé, 9èmeéd., 2006, n° 58 ; CATALA DE ROTON Marie-Claude, « L’action à fins de subsides et la pratique des tribunaux », RTD civ., 1990, p. 1.
1623 FENOUILLET Dominique, « La filiation plénière, un modèle en quête d’identité », In Mélanges en hommage à François Terré, L’avenir du Droit, Dalloz, PUF, Juris-Classeur, 1999, p. 509.
624 CEDH Marckx c/ Belgique série A, n° 31, 13 juin 1979, In Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, Frédéric Sudre, Jean-Pierre Marguenaud, Joël Andriantsimbazovina, Adeline Gouttenoire et Michel Levinet, PUF droit, coll. Thémis, « Les grands arrêts de la jurisprudence », 2007, p. 495, n° 49.
1625 V. les développements sur les obligations positives des Etats, SUDRE Frédéric, « La construction par le juge européen du droit au respect de la vie familiale, In Le droit au respect de la vie familiale au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, (dir.) Frédéric Sudre, éd. Némésis et Bruylant, coll. Droit et justice, 2002, p. 11 ; MURAT Pierre, « Filiation et vie familiale », In Le droit au respect de la vie familiale au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, (dir.) Frédéric Sudre, éd. Némésis et Bruylant, coll. Droit et justice, 2002, p. 161.
1626 CEDH Kroon et autres c/ Pays-Bas, 27 octobre 1994, RTD Homme, 1996, p. 184, obs. Pascaline Georgin, « L’action en contestation de paternité au regard de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ». La Cour a cependant refusé d’imposer aux Etats l’obligation positive de permettre l’établissement d’une filiation non conforme à la réalité biologique (CEDH X., Y. et Z c/ Royaume-Uni, 22 avril 1997, In Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, Frédéric Sudre, Jean-Pierre Marguenaud, Joël Andriantsimbazovina, Adeline Gouttenoire et Michel Levinet, PUF droit, coll. Thémis, « Les grands arrêts de la jurisprudence », 2007, p. 500). V. également Cass. 1èreciv., 18 mai 2005, D., 2005, jur., p. 2125, note Jacques Lemouland, « La filiation de l’enfant issu d’une procréation médicalement assistée : une question de temps » ; Droit de la famille, juillet-août 2005, com. n° 153, p. 22, note Pierre Murat, « Le transsexuel, la PMA et les lois bioéthiques : sur un cas de figure original contestation de paternité »
1627 SENAEVE Patrick, « Le lien de filiation et les droits de l’homme », In Les problèmes juridiques concernant le lien de filiation, XXVIIe Colloque de droit européen. Fondation pour les études internationales, La Valette (Malte), 15-17 septembre 1997, éd. Strasbourg Conseil de l’Europe, 1999, p. 11.
1628 YOUF Dominique, Penser les droits de l’enfant, PUF, coll. Questions d’éthique, 2002, p. 71.
1629 CEDH Keegan c/ Irlande, 26 mai 1994, Série A, n° 290, In Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, op. cit., p. 502.
1630 SUDRE Frédéric, op. cit. ; GOUTTENOIRE Adeline, « La famille dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », AJF, novembre 2004, n° 11, p. 380 ; PETTITI Louis, « Clôture du colloque », Petites Aff., 8 octobre 1997, n° 121, p. 42 ; LABAYLE Henri, « La diversité des sources du droit à une vie familiale », In Le droit à une vie familiale, Acte du colloque organisé par la Faculté de droit de Pau du 30 juin 2006, (dir.) Jean-Jacques Lemouland et Monique Luby, éd. Dalloz, 2007, p. 1 ; GOUTTENOIRE Adeline, « Les droits et obligations découlant de la vie familiale », In Le droit à une vie familiale, Acte du colloque organisé par la Faculté de droit de Pau du 30 juin 2006, (dir.) Jean-Jacques Lemouland et Monique Luby, éd. Dalloz, 2007, p. 77 ; MURAT Pierre, op. cit.
1631 CEDH Lebbink c/ Pays-Bas req. no45582/99, 1erjuin 2004, Dr. famille, juillet-août 2004, alerte n° 29 ; RTD civ., 2005, p. 335, obs. Jean-Pierre Marguenaud, « Simple parenté et vie familiale ». Contra V. CEDH Gorgülü c/ Allemagne, 26 février 2004, Dr. famille, avril 2004, com. n° 48, note Pierre Murat.
1632 CEDH Pini et Bertani, et Manera et Atripadi c/ Roumanie, 22 juin 2004, Dr. famille, 2004, étude n° 30, note Adeline Gouttenoire et Pascale Salvage-Gerest, « Droit au respect de la vie privée et adoption internationale, une « première » déconcertante : l’arrêt de la CEDH du 22 juin 2004 ». V. GOUTTENOIRE Adeline, « Les droits et obligations découlant de la vie familiale », op. cit.
1633 Il faut entendre par “potentialité d’effectivité” ce qui relève d’une vie familiale projetée, voulue mais contrariée par l’impossibilité d’établir le lien.
1634 GOUTTENOIRE Adeline, « La famille dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », op. cit.
1635 Précisons bien qu’il s’agit d’un droit de l’enfant à avoir une filiation et non pas du “droit à l’enfant”.
1636 Expression utilisée par YOUF Dominique, Penser les droits de l’enfant, PUF, coll. Questions d’éthique, 2002, p. 88.
1637 GRATALOUP Sylvain, L’enfant et sa famille dans les normes européennes, Thèse dirigée par Hugues Fulchiron, éd. LGDJ, coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 290, 1998, p. 100. V. également, PETTITI Louis, op. cit..
1638 Rapport de l’Assemblée Nationale, « La mission d’information sur la famille et les droits des enfants », 25 janvier 2006, n° 2832, www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info, p. 199.
1639 V. OUELLETTE Françoise-Romaine, « Parenté et adoption », Sociétés contemporaines, 2000, n° 38, p. 49 : « Le défi est de prendre acte d’une différence ancrée dans le biologique sans y subordonnner le sens du lien social, mais sans non plus la minimiser à l’excès »
1640 DEKEUWER-DEFOSSEZ Françoise, « Les pouvoirs publics et la famille. Le droit de la famille et ses évolutions », Cahiers français, novembre 2004, n° 322, p. 73.
1641 JESTAZ Philippe, « L’égalité et l’avenir du droit de la famille », In Mélanges en hommage à François Terré, L’avenir du Droit, Dalloz, PUF, Juris-Classeur, 1999, p. 417 ; LAURENT-MERLE Isabelle, « La connaissance de ses origines familiales depuis la loi du 5
juillet 1996 », D., 1998, p. 373 ; Rapport du Sénat, Les nouvelles formes de parentalités et le droit, 14 juin 2006, n° 392, intervention de Martine Gross, www.senat.fr/rap/05-392/r.05-3921.pdf, p. 34 : « L’anonymat du don est actuellement motivé par la confusion, dans les mentalités, entre les aspects biologiques et juridiques de la filiation. Lorsque celle-ci est fondée, comme à l’heure actuelle, sur la vérité biologique plutôt que sur l’engagement parental, la connaissance des origines entraîne un risque de modification juridique de la filiation ».
1642 HAUSER Jean, « La réforme de la filiation les principes fondamentaux », Dr. famille, janvier 2006, étude n° 1, p. 6.
1643 YOUF Dominique, op. cit., p. 82.
1644 TGI Lille, 28 juillet 1997, D., 1998, jur., p. 213, note Xavier Labbée, « L’enfant ayant fait l’objet d’une adoption plénière peut-il connaître l’identité de sa mère biologique ayant accouché sous X ? »
1645 DEKEUWER-DEFOSSEZ Françoise, « Le lien parental », Petites Aff., 1erjuillet 2004, n° 131, p. 70.
1646 DEKEUWER-DEFOSSEZ Françoise, « Codifier le droit de la famille », In Le Code civil 1804-2004, Livre du Bicentenaire, éd. Dalloz et Litec, 2004, p. 218 ; DEKEUWER-DEFOSSEZ Françoise, « Le lien parental », op. cit.
647 LESAULNIER Frédérique, « L’enfant né d’une procréation médicalement assistée et le secret de l’identité de l’auteur du don », Médecine et droit, 1998, n° 30, p. 18.
1648 A ce propos V. les développements NICOLEAU Patrick, Droit de la famille, éd. Ellipses, 1997, p. 146.
1649 V. KERMALVEZEN Arthur et DE DINECHIN Blandine, Né de spermatozoïde inconnu…, Presses de la Renaissance, 2008, 224 pages.
1650 VERDIER Pierre et MARGIOTTA Nathalie, « …ou rendre à l’enfant le droit de connaître sa filiation ? », In Problèmes politiques et sociaux, Filiations : nouveaux enjeux, (dir.) Isabelle Corpart, La documentation française, juillet 2005, n° 914, p. 89 ; KERMALVEZEN Arthur et DE DINECHIN Blandine, op. cit.
1651 HENRION Roger, « A propos de l’accouchement sous X : Réflexions d’un médecin », AJF, mars 2003, n° 3, p. 90 ; HENRION Roger, « Préserver l’accouchement sous X… », In Problèmes politiques et sociaux, Filiations : nouveaux enjeux, (dir.) Isabelle Corpart, La documentation française, juillet 2005, n° 914, p. 79. V. Supra, n° 351.
1652 Proposition de loi n° 3224 du 28 juin 2006 instaurant un accouchement dans la discrétion, www.assemblee-nationale ; Dr. famille, octobre 2006, alerte n° 69.
1653 VERDIER Pierre, « Proposition pour une réforme du secret des origines », Médecine et droit, 1998, n° 30, p. 28.
1654 V. notamment, GAUMONT-PRAT Hélène, « Le principe de l’anonymat dans l’assistance médicale à la procréation et la révision des lois de bioéthique », Dr. famille, janvier 2001, chr. n° 2, p. 11 ; DEPADT-SEBAG Valérie, « Le don de gamètes ou d’embryon dans les procréations médicalement assistées : d’un anonymat imposée à une transparence autorisée », D., 2004, n° 13, chr., p. 891 ; GAUMONT-PRAT Hélène, « Le droit à la vérité est-il un droit à la connaissance de ses origines ? », Dr. famille, octobre 1999, chr. n° 17, p. 6 ; PIECVANSTEEGER Florence, « De la filiation issue de la procréation médicalement assistée. Les problèmes liés à l’application de la loi du 29 juillet 1994 sur la bioéthique, en droit de la filiation », JCP éd. N., 1995, p. 59 ; BYK Christian, « La loi relative au respect du corps humain », JCP éd. G., 1994, I, 3788 ; DEPADT-SEBAG Valérie, « L’opacité des origines dans les procréations médicalement assistées avec tiers donneur », In L’identité génétique de la personne, entre transparence et opacité, Actes du colloque du 30 novembre 2006, (dir.) Pascal Bloch et Valérie Depadt-Sebag, éd. Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 2007, p. 11.
1655 Article 16-8 du Code civil.
1656 Article L.1211-5 du Code de la santé publique.
1657 V. notamment NICOLAS-MAGUIN Marie-France, « L’enfant et les sortilèges : réflexions à propos du sort que réservent les lois sur la bioéthique au droit de connaître ses origines », D., 1995, chr., p. 75 ; DEPADT-SEBAG Valérie, op. cit.
1658 LOZANO Rose-Marie, La protection européenne des droits de l’homme dans le domaine de la biomédecine, La documentation française, Monde européen et international, coll. dirigée par Jacques Bourinet, 2001, p. 383 ; LESAULNIER Frédérique, op. cit.
1659 Rapport du Sénat, Les nouvelles formes de parentalités et le droit, 14 juin 2006, n° 392, intervention de Martine Gross, www.senat.fr/rap/05-392/r.05-3921.pdf, p. 34.
1660 YOUF Dominique, Penser les droits de l’enfant, PUF, coll. Questions d’éthique, 2002, p. 90.
1661 Proposition de loi n° 3225 du 28 juin 2006 relative à la possibilité de lever l’anonymat des donneurs de gamètes, www.assemblee-nationale ; Dr. famille, octobre 2006, alerte n° 70. V. également, DEPADT-SEBAG Valérie, op. cit.
1662 DEPADT-SEBAG Valérie, « L’opacité des origines dans les procréations médicalement assistées avec tiers donneur », In L’identité génétique de la personne, entre transparence et opacité, Actes du colloque du 30 novembre 2006, (dir.) Pascal Bloch et Valérie Depadt-Sebag, éd. Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 2007, p. 11.
1663 VIDAL José, « Un droit à la connaissance de ses origines », In Mélanges dédiés à Louis Boyer, PU des sciences sociales de Toulouse, 1996, p. 733 ; GRANET Frédérique, « Confidentialité, secret ou anonymat autour d’une naissance : de quelques aspects des droits européens », AJF, mars 2003, n° 3, p. 95.
1664 BOLTANSKI Christophe, « Don de sperme : plus d’anonymat outre-Manche », Libération, 26 janvier 2004, cité par DELAISI DE PARSEVAL Geneviève, « Reconnaître le besoin de transparence sur les origines », In Problèmes politiques et sociaux, Filiations : nouveaux enjeux, (dir.) Isabelle Corpart, La documentation française, juillet 2005, n° 914, p. 75 : « En juillet 2002, s’appuyant sur l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme portant sur le respect de la vie privée, le juge Scott-Baker avait estimé qu’un enfant né par insémination artificielle grâce à un donneur est en droit comme n’importe qui de se forger une image de son identité ».
1665 NICOLAS-MAGUIN Marie-France, « L’enfant et les sortilèges : réflexions à propos du sort que réservent les lois sur la bioéthique au droit de connaître ses origines », D., 1995, chr., p. 75.
1666 GRANET Frédérique, « Secret des origines et promesse de filiation, (Procréation médicalement assistée, filiation et connaissance des origines) », Petites Aff., 2 octobre 1999, n° 119, p. 5 ; VIDAL José, op. cit. ; NICOLAS-MAGUIN Marie-France, op. cit..
1667 D’ONORIO Joël-Benoît, « Biologie, morale et droit », In La vie prénatale Biologie morale et droit, Actes du VIecolloque National des juristes catholiques, Paris 15-17 novembre 1985, préf. du Cardinal Édouard Gagnon, éd. Pierre Téqui, 1986, p. 28.
1668 VOUIN Jean, « La procréation artificielle et la remise en cause du droit de la filiation et de la famille », In La vie prénatale Biologie morale et droit, Actes du VIecolloque National des juristes catholiques, Paris 15-17 novembre 1985, préf. du Cardinal Édouard Gagnon, éd. Pierre Téqui, 1986, p. 137.
1669 RAOUL-CORMEIL Gilles, « La part du temps dans le droit de la filiation », Petites Aff., 3 juillet 2007, n° 132, p. 7.
1670 MURAT Pierre, « Indisponibilité de la filiation et perspectives d’avenir (variations libres sur un thème controversé) », In Mélanges à la mémoire de Danièle Huet-Weiller, Droit des personnes et de la famille : Liber amicorum, PU de Strasbourg, LGDJ, 1994, p. 341.
1671 BATTEUR Annick, « Recherche sur les fondements de la filiation depuis l’ordonnance du 4 juillet 2005 », Petites Aff., 19 juin 2007, n° 122, p. 6.
1672 Ibid.
1673 Ibid
1674 HUET-WEILLER Danièle, « Vérité biologique et filiation », In droit de la filiation et progrès scientifiques, Catherine Labrusse et Gérard Cornu, Paris, Economica, 1982, p. 6 ; GRIMALDI Michel, « La contestation de la paternité légitime après l’interprétation a contrario de l’article 322 du Code civil », Gaz. Pal., 1986, doct., p. 251 ; HUET-WEILLER Danièle, « Requiem pour une présomption moribonde (la contestation directe de la paternité légitime sur le fondement de l’art. 322, al. 2, c. civ.) », D., 1985, chr., p. 123.
1675 LABRUSSE-RIOU Catherine, « La vérité dans le droit des personnes », In L’homme la nature et le droit, (dir.) Bernard Edelman et Marie-Angèle Hermitte, éd. Christian Bourgeois, 1988, p. 159.
1676 Ibid.
1677 GUTMANN Daniel, Le sentiment d’identité. Étude de droit des personnes et de la famille, préf. François Terré, éd. LGDJ, coll. Droit privé, Tome 327, 2000, p. 169.
1678 Avec une telle rigueur, il ne reste au le père biologique plus qu’une solution, adopter son enfant. V. CA Bastia, 16 mai 2007, Juris-Data n° 2007-335116 ; Dr. famille, octobre 2007, com. n° 194, obs. Pierre Murat, « L’adoption par le père biologique de son propre enfant déjà reconnu par un autre homme ».
1679 SENAEVE Patrick, « Le lien de filiation et les droits de l’homme », In Les problèmes juridiques concernant le lien de filiation, XXVIIeColloque de droit européen. Fondation pour les études internationales, La Valette (Malte), 15-17 septembre 1997, éd. Strasbourg Conseil de l’Europe, 1999, p. 11.
1680 CEDH Kroon et autres c / Pays-Bas, 27 octobre 1994, obs. Pascaline Georgin, « L’action en contestation de paternité au regard de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme », RTD Homme, 1996, p. 184 ; CEDH Rozanski c/ Pologne req. n° 55339/00, 18 mai 2006, Dr. famille, juillet-août 2006, alerte n° 54 : « La Cour européenne condamne le fait pour un père biologique d’avoir été empêché d’établir sa paternité du fait de l’établissement de la filiation par le nouveau compagnon de la mère de l’enfant. Les juges européens estiment que le lien du requérant avec l’enfant était suffisamment établi dans les faits pour pouvoir entrer dans la notion de vie familiale, au sens de l’article 8. Elle rappelle que là où l’existence d’un lien familial avec un enfant se trouve établie, l’État doit agir de manière à permettre à ce lien de se développer et accorder une protection juridique rendant possible, dès la naissance, l’intégration de l'enfant dans sa famille ». V. SENAEVE Patrick, op. cit.
1681 DEKEUWER-DEFOSSEZ Françoise, « Le lien parental », Petites Aff., 1erjuillet 2004, n° 131, p. 70 ; COUSSIRAT-COUSTERE Vincent, « La notion de famille dans les jurisprudences de la Commission et de la Cour européennes des droits de l’Homme », In Internationalisation des droits de l’Homme et évolution du droit de la famille, Avant-propos de Françoise Dekeuwer-Défossez, Colloque du Laboratoire d’études et de recherches appliquées au droit privé, Université de Lille II, LGDJ, 1996, p. 45 ; MURAT Pierre, « Filiation et vie familiale », In Le droit au respect de la vie familiale au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, (dir.) Frédéric Sudre, éd. Némésis et Bruylant, coll. Droit et justice, 2002, p. 161.
1682 CEDH Mizzi c/ Malte, 12 janvier 2006, Dr. famille, mars 2007, alerte n° 22. En l’espèce, la Cour condamne le fait qu’un homme marié ne puisse pas contester sa paternité alors qu’un test ADN démontre qu’il n’est pas le père de l’enfant de sa femme ; CEDH Shofman c/ Russie aff. n° 74826/01, 24 novembre 2005, cité par DEKEUWER-DEFOSSEZ Françoise, « Les empreintes génétiques devant la CEDH : avis de coup de vent sur l’ordonnance du 4 juillet 2005 », note sous CEDH, Paulik c/ Slovaquie, 10 octobre 2006, RLDC, mai 2007, n° 38, p. 41 ; DEKEUWER-DEFOSSEZ Françoise, « Relations familiales : les décisions importantes de l’année 2007 », RLDC, février 2008, n° 46, p. 17 ; GOUTTENOIRE Adeline, « Les droits et obligations découlant de la vie familiale », In Le droit à une vie familiale, Acte du colloque organisé par la Faculté de droit de Pau du 30 juin 2006, (dir.) Jean-Jacques Lemouland et Monique Luby, éd. Dalloz, 2007, p. 77 ; GOUTTENOIRE Adeline, « L’actualité juridique et judiciaire de l’année 2005. Les principales évolutions en matière de droit de la famille », Gaz. Pal., 7 et 8 juillet 2006, p. 2169. Selon la Cour, la prescription d’un an d’une action en désaveu de paternité n’est pas conforme au droit à la vie familiale. Ce délai est trop court pour qu’un homme s’aperçoive qu’il était impossible qu’il soit effectivement le père de l’enfant considéré. V. CEDH, Paulik c/ Slovaquie, 10 octobre 2006, RLDC, mai 2007, n° 38, p. 41, note Françoise Dekeuwer-Défossez, « Les empreintes génétiques devant la CEDH : avis de coup de vent sur l’ordonnance du 4 juillet 2005 ». Selon la Cour, la protection de la vie privée du père nécessitait qu’il puisse être judiciairement débarrassé de sa fausse paternité, sous réserve cependant que cette destruction ne soit pas préjudiciable à d’autres intérêts également dignes de protection, comme la sécurité des liens juridiques et familiaux. En l’espèce, après avoir été déclaré judiciairement père de l’enfant dans les années 1970, Monsieur Paulik effectua avec l’accord de sa fille en 2004, un test ADN qui révéla sa non paternité. Si l’arrêt reste surprenant, voire déroutant au regard de la remise en cause éventuelle des limites temporelles du droit d’agir, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit en réalité de préserver la paternité en ce qu’elle ne doit pas être imposée mais assumée.
1683 CEDH Shofman c/ Russie aff. n° 74826/01, 24 novembre 2005, op. cit. ; GOUTTENOIRE Adeline, « Les droits et obligations découlant de la vie familiale », op. cit. ; GOUTTENOIRE Adeline, « L’actualité juridique et judiciaire de l’année 2005. Les principales évolutions en matière de droit de la famille », op. cit.
1684 DEKEUWER-DEFOSSEZ Françoise, « Les empreintes génétiques devant la CEDH : avis de coup de vent sur l’ordonnance du 4 juillet 2005 », op. cit.
1685 GORNU Cornu, « La naissance et la grâce », D., 1971, chr., p. 165.
1686 LEGENDRE Pierre, Filiation. Fondement généalogique de la psychanalyse, Leçons IV, suite 2, par Alexandra Papageorgiou-Legendre, Paris, Fayard, 1990, p. 209.
1687 MILLET Florence, « La vérité affective ou le nouveau dogme de la filiation », JCP éd. G., 2006, I, 112, p. 303.
1688 Pour le dol : V. CA Poitiers, 30 décembre 1907, D., 1910, 2, p. 245 ; Trib. Civ., Nantes, 27 novembre 1957, Gaz. Pal., 1958, I, 432. Pour la violence : CA rennes, 6 mars 1951, JCP éd. G., 1951, II, 6525, obs. Jean Savatier.
1689 V. sur ce point PETRYKOWSKA Biruta, « La reconnaissance d’enfant naturel en droit polonais », In Mélanges à la mémoire de Danièle Huet-Weiller, Droit des personnes et de la famille : Liber amicorum, PU de Strasbourg, LGDJ, 1994, p. 357 et s. et spéc. p. 362.
1690 GRANET-LAMBRECHTS Frédérique, « Panorama européen de droit de la filiation », Dr. famille, octobre 2007, étude n° 30. C’est aussi la solution adoptée par la loi espagnole mais qui est actuellement remise en cause par la jurisprudence, V. SANCINENA ASURMENDI Camino, « La vérité biologique et la filiation paternelle », RRJ Droit prospectif, 2008-1, p. 191.
1691 Trib. civ. Meaux, 11 janvier 1950, JCP éd. G., 1950, II, 5572, obs. Jean Savatier.
1692 Article 1304 du Code civil.
1693 V. par exemple : CA Dijon, 13 novembre 2001, Juris-Data n° 2001-178753 : « En poursuivant l’annulation de sa reconnaissance et de la légitimation subséquente, le père naturel n’a pas exécuté l’engagement qu’il avait pris vis à vis de l’enfant et de la mère de se comporter comme un père à l’égard de l’enfant en le reconnaissant volontairement et en le légitimant sachant qu’il n’était pas son fils. Ainsi, l’annulation de cette reconnaissance mensongère engendre un préjudice moral pour l’enfant qui se trouve privé, à l’âge de 23 ans, à la fois d’une filiation paternelle et de son statut d’enfant légitime » ; CA Riom, 3 octobre 2000, Juris-Data n° 2000-127656 : « Il est établi que l’auteur de la reconnaissance a commis une faute alors que connaissant sa stérilité, il a reconnu l’enfant avant même sa naissance, lui a donné un statut d’enfant légitime par son mariage avec la mère, décidant ainsi délibérément d’assumer la paternité de l’enfant, le divorce consécutif d’avec la mère ne pouvant l’exonérer de sa responsabilité. L’exercice abusif de son droit a entraîné un préjudice important pour l’enfant qui, à 10 ans, perd son père et son nom, ce qui justifie l’allocation d’une somme de 20000 francs à titre de dommages-intérêts » ; CA Paris, 13 avril 1999, Juris-Data n° 1999-024833 : « En souscrivant librement une reconnaissance qu’il a par la suite déniée, le prétendu père a ainsi contracté vis-à-vis de l’enfant l’obligation de se comporter comme un père, en subvenant notamment aux besoins de celui qu’il avait reconnu. L’inexécution de cet engagement résultant de l’annulation de la reconnaissance, doit être sanctionnée par l’octroi
de dommages-intérêts ». V. également NICOLEAU Patrick, Droit de la famille, éd. Ellipses, 1997, p. 147 ; DREIFFUSNETTER Frédérique, « La filiation de l’enfant issu de l’un des partenaire du couple et d’un tiers », RTD civ., 1996, p. 1 ; MELIN Philippe, « Reconnaissance d’enfant naturel et responsabilité civile », Gaz. Pal., 19 et 20 avril 2002, doct., p. 645 ; RALINCOURT J., « Réflexions sur l’article 339 du Code civil », JCP éd. G., 1958, I, 1442 ; BERNIGAUD Sylvie, « Les diverses filiations et les reconnaissances mensongères », Petites Aff., 3 mai 1995, n° 53, p. 97 ; PONS Stéphanie, Responsabilité civile et relations familiales, Thèse dirigée par Anne Leborgne, Université Paul Cézanne, 2006, p. 304.
1694 CA Aix-en-Provence, 7 février 1995, Juris-Data n° 1995-049543.
1695 CA Douai, 13 janvier 2005, Juris-Data n° 2005-289489.
1696 Cass. 1ère civ., 16 juin 1998, D., 1999, jur., p. 360, obs. Jacques Massip, « Conséquences de l’annulation d’une reconnaissance de paternité, notamment quant au nom de l’enfant » ; JCP éd. G., 1998, II, 10157, note Daniel Gutmann, « Changement de nom d’un mineur consécutif à l’annulation de la reconnaissance d’enfant naturel » ; CA Paris, 9 avril 1996, Juris-Data n° 1996021793 : « La responsabilité de l’auteur d’une reconnaissance mensongère repose sur la violation de l’engagement pris par celui-ci et implicitement contenu dans la reconnaissance de se comporter comme un père, en subvenant notamment aux besoins de l’enfant qu’il décidait de traiter comme le sien ; qu’en l’espèce, le père n’étant pas à l’origine de l’annulation de la reconnaissance de l’enfant, une inexécution de son engagement génératrice de dommages-intérêts ne peut lui être reprochée ; dès lors le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a débouté la mère, en sa qualité de représentante de sa fille mineure, de sa demande de dommages-intérêts ».
1697 PONS Stéphanie, Responsabilité civile et relations familiales, Thèse dirigée par Anne Leborgne, Université Paul Cézanne, 2006, p. 304, n° 549 ; MELIN Philippe, op. cit. ; RALINCOURT J., op. cit.
1698 CA Bordeaux, 15 septembre 2004, Juris-Data n° 2004-253878, Dr. famille, mars 2005, com. n° 51, p. 25, note Pierre Murat, « Contestation de reconnaissance et expertise biologique » ; RTD civ., 2005, p. 376, obs. Jean Hauser, « Expertise biologique : le feuilleton des motifs légitimes » : Si en matière de filiation l’expertise biologique est de droit, il n’y a pas lieu d’y procéder s’il existe un motif légitime de ne pas le faire. Un tel motif est constitué par le souci d’éviter les expertises de curiosité telle qu’apparaît celle sollicitée en l’espèce alors que la motivation de l’action en contestation de reconnaissance est de l’ordre du regret. Ainsi, le regret de l’auteur pourrait légitimer le refus par le juge d’ordonner une expertise que le plaideur sollicite. La cour visiblement désireuse de tenir compte des doutes que l’homme avait sur sa paternité dès le moment de la reconnaissance et qu’il avait, selon les termes de l’arrêt, « intégré à sa démarche de reconnaissance », a cherché à contourner l’automatisme de l’expertise biologique sollicitée en caractérisant des motifs légitimes de refus ».
1699 MURAT Pierre, « Contestation de reconnaissance et expertise biologique », note sous CA Bordeaux, 15 septembre 2004, Dr. famille, mars 2005, com. n° 51, p. 25.
1700 Trib civ. Meaux, 11 janvier 1950, JCP éd. G., 1950, II, 5572, obs. Jean Savatier. Dans le même sens, Trib. civ. Amiens, 28 octobre 1948, Gaz. Pal., 1949, 1, 30 ; Trib. civ. Amiens, 20 mai 1949, Gaz. Pal., 1949, 2, 105.
1701 Trib. Civ. Meaux, 11 janvier 1950, op. cit. ; Trib. civ. Amiens, 28 octobre 1948, op. cit., Trib. civ. Amiens, 20 mai 1949, op. cit., CA Bordeaux, 22 novembre 1950, Gaz. Pal., 1950, 2, p. 393 ; CA Rennes, 6 mars 1951, JCP éd. G., 1951, II, 6525, obs. Jean Savatier.
1702 Trib. Civ. Meaux, 11 janvier 1950, op. cit. ; Trib. civ. Amiens, 28 octobre 1948, op. cit., Trib. civ. Amiens, 20 mai 1949, op. cit.
703 GUTMANN Daniel, Le sentiment d’identité. Étude de droit des personnes et de la famille, préf. François Terré, éd. LGDJ, coll. Droit privé, Tome 327, 2000, p. 166. Contra V. SAVATIER Jean, obs. sous Trib. Civ. Meaux, 11 janvier 1950, JCP éd. G., 1950, II, 5572. V. également les solutions requises dans les autres pays. En Espagne, d’après la loi du 13 mai 1981, la reconnaissance est un acte irrévocable sauf vice du consentement : erreur, violence, intimidation ou dol (SANCINENA ASURMENDI Camino, « La vérité biologique et la filiation paternelle », RRJ Droit prospectif, 2008-1, p. 191.)
1704 GRANET Frédérique, « Secret des origines et promesse de filiation, (Procréation médicalement assistée, filiation et connaissance des origines) », Petites Aff., 2 octobre 1999, n° 119, p. 5.
1705 TERRE François et FENOUILLET Dominique, Droit civil. Les personnes. La famille. Les incapacités, 7ème éd., éd., Dalloz, coll. Précis droit privé, 2005, p. 778, n° 834.
1706 RALINCOURT J., « Réflexions sur l’article 339 du Code civil », JCP éd. G., 1958, I, 1442.
1707 SALVAGE-GEREST Pascale, « De la loi du 3 janvier 1972 à la loi du 8 janvier 1993… ou plaidoyer pour une vraie réforme du droit de la filiation », In Mélanges à la mémoire de Danièle Huet-Weiller, Droit des personnes et de la famille : Liber amicorum, PU de Strasbourg, LGDJ, 1994, p. 415.
1708 GUTMANN Daniel, op. cit., p. 166.
1709 GOUTTENOIRE Adeline, « Mineurs », Rép. pr. civ. Dalloz, n° 135 et s.
1710 GOUTTENOIRE Adeline, « L’enfant dans les procédures judiciaire. Un statut en devenir », AJF, novembre 2003, p. 368.
1711 HARDY Anne, BOURSERIE Jérôme et DELBARD Dominique, « La convention internationale des droits de l’enfant et le principe fondamental de protection de l’enfant en droit français », RRJ Droit prospectif, 2001, n° 2, p. 907 ; MEULDERS-KLEIN Marie-Thérèse, « Les droits de l’enfant. A la recherche d’un équilibre entre parents et enfants », In L’enfant et les conventions internationales, (dir.) Jacqueline Rubellin-Devichi et de Rainer Franck, PU de Lyon, 1996, p. 133. Dans le même ordre, la convention européenne sur l’exercice des droits de l’enfant suggère dans son article 5-d de reconnaître la qualité procédurale du mineur.
1712 GOUTTENOIRE Adeline, « Colloque “Enfance et justice”. Les modes de participation de l’enfant aux procédures judiciaires », Dr. famille, juillet-août 2006, p. 6, n° 29.
1713 Ibid.
1714 Recommandation 874 (1979) relative à une Charte européenne des droits de l’enfant adoptée le 4 octobre 1979 par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe cité par MEULDERSKLEIN Marie-Thérèse, La personne, la famille et le droit, 1968-1998, Trois décennies de mutations en occident, préf. Gérard Cornu, Bruylant Bruxelles, LGDJ, Paris, 1999, p. 349.
1715 ISOLA Annick, « La Convention européenne sur l’exercice des droits de l’enfants », In L’enfant et les Conventions internationales, (dir.) Jacqueline Rubellin-Devichi et de Rainer Franck, Lyon, PU de Lyon, 1996, p. 83 ; RIOMET Nathalie, « Présentation de la Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants », In L’enfant et les Conventions internationales, (dir.) Jacqueline Rubellin-Devichi et de Rainer Franck, Lyon, PU de Lyon, 1996, p. 89.
1716 MEULDERS-KLEIN Marie-Thérèse, op. cit., p. 350.
1717 Article 317 ancien du Code civil : « L’action en désaveu est dirigée, en présence de la mère contre un administrateur ad hoc, désigné à l’enfant par le juge des tutelles, dans les conditions prévues à l’article 389-3 ».
1718 Cass. 1èreciv., 18 mars 1981, Bull. civ., 1981, I, n° 95. Contra V. CA Paris, 4 novembre 2004, Juris-Data n° 2004-263420.
1719 DEKEUWER-DEFOSSEZ Françoise, « Changement de nom et dommages-intérêts : rôle de l’administrateur ad hoc », obs. sous CA Toulouse, 15 mai 2001, D., 2002, som., p. 1878. V. notamment, CA Paris, 30 juin 1992, Juris-Data n° 1992-023188. L’administrateur ad hoc a été jugé inutile dans le cadre de l’action fondée sur l’article 318 du Code civil.
720 DEKEUWER-DEFOSSEZ Françoise, op. cit.
1721 MEULDERS-KLEIN Marie-Thérèse, La personne, la famille et le droit, 1968-1998, Trois décennies de mutations en occident, préf. Gérard Cornu, Bruylant Bruxelles, LGDJ, Paris, 1999, p. 227.
1722 HAUSER Jean, « Pas de vie privée post mortem, encore que… », obs. Cass. 2èmeciv., 8 juillet 2004, RTD civ., 2004, p. 714.
1723 BELLIVIER Florence, BRUNET Laurence et LABRUSSE-RIOU Catherine, « La filiation, la génétique et le juge : où est passée la loi ? », RTD civ., 1999, chr., p. 529.
1724 CEDH Jäggi c/ Suisse req. n° 58757/00, 13 juillet 2006, RTD civ., 2006, p. 727, obs. Jean-Pierre Marguénaud, « L’ADN se ramasse à la pèle… » ; Rép. Defrénois, 2008, art. 38532, p. 573, obs. Jacques Massip.
1725 MARGUENAUD Jean-Pierre, « L’ADN se ramasse à la pèle… », obs. sous CEDH Jäggi c/ Suisse req. n° 58757/00, 13 juillet 2006, RTD civ., 2006, p. 727.
1726 MEULDERS-KLEIN Marie-Thérèse, op. cit., p. 219
1727 YOUF Dominique, Penser les droits de l’enfant, PUF, coll. Questions d’éthique, 2002, p. 133.
1728 GRATALOUP Sylvain, L’enfant et sa famille dans les normes européennes, Thèse dirigée par Hugues Fulchiron, éd. LGDJ, coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 290, 1998, p. 101.
1729 DALBIGNAT-DEHARO Gaëlle, Vérité scientifique et vérité judiciaire en droit privé, préf. de Loïc Cadiet, éd. LGDJ, coll. Bibliothèque de l’institut André Tunc, Tome 2, 2004, p. 448.
1730 YOUF Dominique, op. cit. ; GEBLER Marie-Josèphe, « Regards éthiques sur les droits de l’enfant : la parole de l’enfant en justice », D., 1989, p. 118.
1731 Rapport de l’Assemblée Nationale, « La mission d’information sur la famille et les droits des enfants », 25 janvier 2006, n° 2832, www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info, p. 64
1732 Loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, JO du 6 mars 2007, p. 4215, V. sur cette loi : BERGINAUD Sylvie, « Les enjeux de la réforme de la protection de l’enfance », Dr. famille, juin 2007, étude n° 23 ; GOUTTENOIRE Adeline, « La loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance. A la recherche de nouveaux équilibres », D., 2007, p. 1090 ; ROSENCZVEIG Jean-Pierre, « Une rénovation de la protection de l’enfance au service des enfants », AJF, 2007, p. 57
1733 GRATALOUP Sylvain, op. cit., p. 93.
1734 V. TGI Lyon, 5 juillet 2007, D., 2007, p. 3052, note Adeline Gouttenoire, « Touche pas à ma filiation ».
1735 GHASARIAN Christian, Introduction à l’étude de la parenté, éd. Seuil, coll. Essais, 1996, p. 238.
1736 DEKEUWER-DEFOSSEZ Françoise, « Les empreintes génétiques devant la CEDH : avis de coup de vent sur l’ordonnance du 4 juillet 2005 », note sous CEDH, Paulik c/ Slovaquie, 10 octobre 2006, RLDC, mai 2007, n° 38, p. 41.
1737 CEDH Nylund c/ Finlande, Req. n° 27110/95, 29 juin 1999, cité par GOUTTENOIRE Adeline et SALVAGE-GEREST Pascale, « Droit au respect de la vie privée et adoption internationale, une « première » déconcertante : l’arrêt de la CEDH du 22 juin 2004 », note sous CEDH Pini et Bertani, et Manera et Atripadi c/ Roumanie, 22 juin 2004, Dr. famille, 2004, étude n° 30.
1738 TGI Lyon, 5 juillet 2007, D., 2007, p. 3052, note Adeline Gouttenoire, « Touche pas à ma filiation ».
1739 V. GEBLER Marie-Josèphe, Le droit français de la filiation et la vérité, Thèse, Président du jury M. p. Coulombel, Paris, LGDJ, 1970, 475 pages.
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1965-1985-2015 : Cinquante ans de droit des régimes matrimoniaux
Bilan et perspectives
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2018