Préface
p. 9-10
Texte intégral
1La publication du premier volet du 6e rapport du GIEC, Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’évolution du climat, le 9 août 2021 a fait l’effet d’un électrochoc mondial.
2Ce rapport est sorti au moment même où le monde était témoin d’une série de phénomènes climatiques extrêmes au cours de l’été 2021 : déchaînement de feux sur le pourtour méditerranéen – en Grèce, à Chypre, en Espagne et dans le Sud de la France – mais aussi outre-Atlantique, aux États-Unis, au Canada et en Sibérie ; sans parler du dôme de chaleur inédit et persistant sur le nord du continent américain et ses températures tutoyant les 50°, ni des pluies diluviennes qui ont ravagé le nord-ouest de l’Europe tuant sur leurs passages plus de 200 personnes.
3Cette collision du réel, en Méditerranée comme ailleurs, a provoqué un intérêt accru pour le travail des 234 chercheurs de 66 pays ayant œuvré à ce rapport approuvé par les 195 gouvernements membres du GIEC. Les scientifiques y dressent des constats implacables : accélération du réchauffement climatique directement lié à l’activité humaine, généralisation des bouleversements climatiques et écosystémiques à toutes les régions du monde, intensité croissante des impacts (vagues de chaleur, inondations et sécheresses extrêmes, cyclones et typhons, élévation du niveau de la mer, érosion des littoraux…).
4Aujourd’hui les scientifiques sonnent l’alerte rouge. En Méditerranée, le changement climatique sera l’un des plus radicaux au monde, révèlent-ils. La région se réchauffe 20 % plus rapidement que la moyenne mondiale. « La fréquence et l’intensité des chaleurs extrêmes devraient continuer à augmenter, quel que soit le scénario d’émissions de gaz à effet de serre », indique le rapport. La forte croissance démographique (et son lot d’activités agricoles et industrielles) associée au changement climatique dessinent un avenir de désordres, documentés par les chercheurs. Raréfaction des précipitations, multiplication des sécheresses, stress hydrique, réchauffement des eaux de surface et des eaux profondes, accentuation de l’acidification de la mer, accélération de la montée des eaux, augmentation des pollutions de la mer (plastique, contaminants émergents, métaux lourds, bactéries fécales et virus), prolifération d’espèces invasives risquent bel et bien d’assombrir la vie quotidienne de millions de personnes.
5La mer Méditerranée est un hot spot de biodiversité : elle abrite de 4 à 18 % des espèces marines connues dans le monde, alors qu’elle ne représente que 0,8 % de la surface des bassins océaniques mondiaux. Ces désordres affectent directement les écosystèmes marins et la biodiversité méditerranéenne. Les déséquilibres constatés génèrent déjà des phénomènes de pullulation de méduses et d’espèces non-indigènes, de mucilage, de mortalité de masse (coraux, gorgones), de modification de répartition des espèces, de réduction des stocks de poissons laissant entrevoir un risque généralisé pour la sécurité alimentaire et la santé des 150 millions de personnes vivant sur les littoraux de la Méditerranée.
6Une des solutions pour préserver la biodiversité consiste à créer des zones de non prélèvement. À ce jour, seul 0,23 %1 de la Méditerranée bénéficie d’un niveau élevé de protection. Une zone de non-prélèvement permet de reconstituer les stocks avec des poissons de plus grande taille et avec des effets de débordement. Autant de bénéfices écologiques, halieutiques et socio-économiques. Néanmoins, trois facteurs en conditionnent un plein succès : garantir les niveaux de protection, suivre les indicateurs de la santé des écosystèmes, partager les expériences et associer tous les acteurs au processus pour en garantir l’acceptabilité des mesures. Une telle solution exige, en parallèle, de ne pas rester inactifs dans les écosystèmes non protégés et surtout de ne pas rester les bras ballants !
7Aujourd’hui, la recherche et les connaissances scientifiques, nous permettent d’appréhender l’état et les fonctions écologiques de la mer Méditerranée à l’aune des possibles trajectoires climatiques.
8Donnons à la science toute sa place pour préparer l’avenir.
9Comprendre, innover, trouver des solutions pour augmenter la résilience de la mer Méditerranée, pour préserver sa biodiversité exceptionnelle et pour aider les pays et les populations du bassin méditerranéen à implémenter les mesures d’adaptation nécessaires face aux bouleversements climatiques annoncés.
10Je suis heureux de vous inviter à découvrir cet ouvrage qui y contribue.
Notes de bas de page
1 Claudet et al., One Earth 2, p. 380-384, April 24, 2020.
Auteur
Président-fondateur, Fondation Pure Ocean
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Les sources complémentaires du droit d’auteur français
Le juge, l’Administration, les usages et le droit d’auteur
Xavier Près
2004
Compensation écologique
De l'expérience d'ITER à la recherche d'un modèle
Virginie Mercier et Stéphanie Brunengo-Basso (dir.)
2016
La mer Méditerranée
Changement climatique et ressources durables
Marie-Luce Demeester et Virginie Mercier (dir.)
2022