Introduction au titre I
p. 305-306
Texte intégral
1582. La solution judiciaire irrévocable est celle qui met fin au procès. Un seuil suffisant d’inattaquabilité résulte de l’épuisement des voies de recours suspensives, ce qui permet de reconnaître à l’acte juridictionnel la plénitude de ses effets.
2Au regard du fond du droit, deux pistes principales sont à explorer pour vérifier et mesurer ce rôle de consolidation, de perfection, joué par l’irrévocabilité1195.
3583. En premier lieu, quelle est l’incidence de l’irrévocabilité au regard de l’efficacité substantielle des jugements1196 ? Cette efficacité substantielle, cette aptitude des jugements à modifier l’ordonnancement juridique, est-elle la même selon qu’il s’agit d’un jugement encore soumis aux voies de recours suspensives ou, au contraire, d’une décision irrévocable ? Une étude consacrée à cette notion d’efficacité substantielle a pu montrer que l’irrévocabilité n’intervient qu’exceptionnellement pour en déterminer le moment1197. Mais il semble que le risque d’infirmation, de rétractation ou de cassation qui pèse sur la décision encore passible des voies de recours suspensives n’ait pas été suffisamment pris en considération.
4584. En second lieu, la fin du procès joue un rôle indéniable en matière de conflits de lois dans le temps. Le procédé est courant qui rend une loi applicable aux procès en cours, sous réserve des décisions passées en force de chose jugée ou définitives. Cette situation traduit souvent une application rétroactive de la loi nouvelle, et seule la décision irrévocable est de nature à faire obstacle à cette rétroactivité.
5Dès lors, deux pôles d’approfondissement s’offrent à l’analyse, l’un concernant l’irrévocabilité et l’application des jugements dans le temps (Chapitre I), l’autre ayant trait à l’irrévocabilité et l’application des lois dans le temps (Chapitre II).
Notes de bas de page
1195 Les thèmes du retrait litigieux et des honoraires de résultat seront délaissés car trop ponctuels. Pour le retrait litigieux, il suffit de signaler cette incidence du droit du procès sur les droits de créance. Le retrait litigieux est en effet une sorte de rachat forcé d’une créance lorsque celle-ci a fait l’objet d’une cession alors qu’elle était litigieuse (C. civ., art. 1699). Or, pour apprécier ce caractère litigieux, il est nécessaire de vérifier si un procès est en cours au jour de la cession, si bien qu’il faut parfois s’interroger sur l’incidence des voies de recours. De lege lata l’appel est pris en considération, de même que l’opposition, alors que le pourvoi en cassation semble être pris en compte uniquement lorsqu’il est exercé et non lorsque c’est juste son délai qui est encore ouvert (Civ., 10 oct. 1955, D 1956, somm., p. 25 ; Paris, 28 juin 1966 et civ. 1ère, 10 janvier 1967, RTD civ. 1967, p. 436, obs. P. HEBRAUD ; Paris, 11 févr. 1969, D 1970, p. 522, note C. LARROUMET ; civ. 1ère, 9 janv. 1974, D 1974, somm., p. 89 ; com., 13 nov. 2007, pourvoi n° 06-14503, D 2007, p. 3068, obs. X. DELPECH). De lege ferenda, il semblerait préférable de se demander si le procès est clôturé par une décision irrévocable. S’agissant du droit, pour un avocat, aux honoraires de résultat stipulés, le jurisprudence est claire : « L’honoraire de résultat prévu par convention préalable n’est dû par le client à son avocat que lorsqu’il a été mis fin à l’instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable » (civ. 2ème, 5 févr. 2004, D 2004, IR, p. 922 ; civ. 2ème, 10 mars 2004, JCP 2004, II, 10114, note R. MARTIN, D 2004, IR, p. 921 ; civ. 2ème, 28 juin 2007, pourvoi n° 06-11171, JCP 2007, I, 206, n° 9, obs. F. G’SELL-MACREZ). En revanche, pour le recouvrement de ses frais et émoluments, l’avocat n’a pas besoin d’attendre que la décision soit irrévocable. Le prononcé du jugement suffit : civ. 2ème, 19 oct. 2006, pourvoi n° 05-16736, D 2006, IR, p. 2751.
1196 Une telle question est généralement abordée par les processualistes. Néanmoins, il est permis de penser qu’il s’agit d’une question de fond du droit, voire de théorie générale, dans la mesure où c’est aborder l’acte juridictionnel en tant que norme. La perméabilité du fond et de la forme et leur interdépendance apparaît en tout cas indéniablement.
1197 C. BLERY, L’efficacité substantielle des jugements civils, LGDJ, 2000, préf. P. MAYER, spéc. pp. 325 et ss.
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