Les solutions d’évitement de la pollution plastique ou de dépollution de la mer Méditerranée
p. 117-132
Résumé
La mer Méditerranée est fragile car semi-fermée. Victime de pollutions de toutes sortes, dont les déchets plastiques en grande quantité, elle est à ce jour en grand danger, avec des impacts graves sur l’être humain. En effet la santé de la mer conditionne la survie de ce dernier, ne serait-ce que parce qu’elle le nourrit et qu’elle l’aide à respirer. Alors, quelles solutions mettre en place pour limiter ou supprimer la pollution par les déchets plastiques ?
Texte intégral
1Tenter de la nettoyer de ses macros déchets certes, mais surtout organiser la gestion des déchets plastiques sur terre et avant leur arrivée en mer (tri sélectif, collecte, recyclage…). Par ailleurs il nous faut adopter des stratégies d’évitement qui consistent à fabriquer autrement le plastique (écoconception) pour faciliter le recyclage, à obliger les industriels à gérer les déchets plastiques qu’ils fabriquent, à limiter drastiquement l’usage du plastique en prohibant les plastiques à usage unique et les emballages tels qu’ils existent aujourd’hui. Bien d’autres solutions sont envisageables notamment la généralisation pour les villes de la culture du « zéro déchet » et la forte sensibilisation de tous les utilisateurs de la société civile. Enfin, il est indispensable d’élaborer une gouvernance supranationale en mer Méditerranée sur les déchets plastiques.
2La dépollution des mers, une utopie ? Cet article fait suite à une étude concernant la gestion des déchets plastiques marins, publiée dans le tome 3 de la série d’ouvrages collectifs consacrée à l’agriculture et l’alimentation durables1. Cette étude mettait en évidence l’ampleur de la pollution plastique des mers et océans de l’ensemble de la planète et les défaillances globales dans la gestion, notamment terrestre, de ces déchets plastiques. Le cas de la mer Méditerranée y était évoqué au regard de sa spécificité et de sa grande fragilité. À ce jour, et quelques années plus tard, le constat est encore plus alarmant au regard de nouvelles connaissances de cette pollution. En même temps, les consciences s’éveillent et les choses bougent. Des organisations politiques gouvernementales prennent conscience de la situation, avec des intentions assez déterminées de mise en œuvre de mesures dont l’efficacité est cependant variable. Les mobilisations en tout genre sont nombreuses, fondations, ONG, associations, collectifs ou initiatives individuelles. Les forces vives sont là mais la dépollution des mers et océans n’est-elle pas une utopie ? Évidente est la réponse à la question ainsi posée.
3En marche vers la préservation des mers. Il est donc judicieux de saisir le sujet sous un autre angle. Est-il possible de prendre des décisions qui permettraient d’assurer la préservation des mers et océans malgré les constats actuels de pollution ? La réponse est oui. Nous verrons lesquelles, même si elles sont difficiles à mettre en œuvre car le sujet est international, même si tous les pays du monde ne travailleront pas à cette préservation avec la même intensité, même si presque tout reste à faire alors que la situation est d’une extrême urgence. Il est impérieux que les humains comprennent que de la mer dépend leur survie, que les mers et océans contiennent d’immenses ressources à divers niveaux et de nature à régler certains problèmes actuels. La mer est notre avenir2.
4La mer Méditerranée. C’est cette mer qui nous occupera tout particulièrement. Cette mer est d’une grande fragilité car elle est semi-fermée et son eau ne se renouvelle que tous les cent ans. Et on la dit en grand danger car la plus polluée de toutes. Bordée par 22 pays riverains dont certains la considèrent tout simplement comme une vaste poubelle, d’autres trop négligents n’ont aucune conscience de la richesse qu’elle représente, d’autres encore – qui sont en route – ne sont pas encore parvenus à freiner l’hémorragie de déchets, la mer Méditerranée est ainsi devenue le réceptacle de multiples déchets et polluants de toutes sortes3, et plus spécialement de plastiques. Elle ne représente que 1 % des eaux mondiales et contient pourtant à elle seule 7 % des micro plastiques de la planète. On sait aujourd’hui que les plastiques ne se dégradent pas vraiment définitivement : d’une durabilité exceptionnelle, d’une durée de vie d’au moins 500 ans, on les soupçonne en fait aujourd’hui de se fragmenter en plus petits morceaux jusqu’à devenir microscopiques. On parle désormais de micro plastiques et de nano plastiques, ces derniers étant 1 000 fois plus petits que le diamètre d’un cheveu humain. Par ailleurs, des gyres – concentrations de déchets sous l’action des courants – ont été constatés à cinq endroits dans le monde (on parle du 7e continent). La mer Méditerranée a aussi le sien, de quelques dizaines de kilomètres au large de la Corse4. Cette île de plastique n’en restera pas là et évoluera pour se retrouver probablement entre deux eaux ou plus au fond de la mer, sans disparaître bien entendu.
5Les spécificités de la mer Méditerranée. Ce qui se passe dans les mers et océans du globe concerne également, certes à une autre échelle, la mer Méditerranée. Les spécificités de cette mer – pour la plupart aggravantes – doivent être précisées : pression très forte de l’urbanisation sur une grande partie du pourtour méditerranéen, transport maritime représentant 30 % du trafic mondial et 500 tonnes de déchets plastiques y arrivant chaque jour, piégés dans cette mer semi-fermée5. La beauté de cette mer ainsi négligée et déniée au profit de plaisirs éphémères saisis par un tourisme inconscient des enjeux, confine à la révolte. Qu’attendons-nous pour trouver des solutions, de nettoyage, d’évitement par une gestion des déchets terrestres (tri, collecte, recyclage), d’injonctions adressées aux pays riverains totalement défaillants, de sanctions dissuasives pour tous les contrevenants ? Nous verrons que rien n’est simple sur le sujet. Notre société est envahie par le plastique et dominée par ses usages devenus incontournables, et la solution la plus efficace aujourd’hui serait l’arrêt total de sa fabrication, de son utilisation et son remplacement par des matières alternatives, ce qui est absolument irréaliste. Et pour aller jusqu’au bout, la protection de la mer Méditerranée devrait passer par une limitation de l’habitabilité du pourtour méditerranéen, une régulation forte du tourisme, une réduction drastique du trafic maritime et surtout par une convention internationale contraignante pour tous les pays riverains méditerranéens.
6Parce que la survie de l’humain est intrinsèquement liée à la santé de la mer et à l’équilibre de ses écosystèmes, il nous faut espérer que tout est encore possible pour organiser sa préservation6. Celle de la mer Méditerranée en particulier. C’est ainsi que dans un premier temps, nous examinerons les méthodes curatives et préventives susceptibles d’être mises en œuvre, tant pour tenter de dépolluer que pour assurer une meilleure gestion des déchets plastiques marins (I). Nous envisagerons ensuite les meilleures stratégies d’évitement à déployer en amont pour arrêter la pollution plastique de la mer (II).
Du curatif au préventif : de la dépollution partielle de la mer Méditerranée aux solutions de gestion des plastiques marins
7Nettoyer la mer en général, et la mer Méditerranée en particulier, de tous les déchets plastiques n’est absolument pas réaliste (A). En revanche, une véritable bonne gestion des déchets plastiques marins est possible à mettre en place sur terre. Même si certaines de ces règles de gestion existent déjà, leur mise en œuvre doit se généraliser et se faire dans la plus grande rigueur, avec comme unique objectif, le résultat : plus aucun déchet ne doit arriver à la mer (B).
Nettoyer les déchets en mer
8Nettoyage des macro-déchets. Nettoyer la mer, éradiquer tous les plastiques pour la remettre dans son état d’origine : une utopie ? Très certainement. Mais on peut imaginer en nettoyer une partie. Certains y ont songé comme Boyan Slat, Ocean cleanup, en déployant une énergie hors du commun pour soulever des fonds participatifs et envoyer des navires récupérer le plastique du septième continent. Yvan Bourgnon, The Sea Cleaners, a quant à lui conçu le Manta, navire révolutionnaire de récupération des déchets plastiques et de traitement des macro-déchets ; une prouesse technologique. Il s’agit là d’initiatives de grande envergure qui cependant ne parviendront pas à éradiquer les plastiques des océans. Leur mérite est ailleurs : sensibiliser le plus grand monde et faire valoir que la jeunesse a des rêves dont la réalisation nourrit son avenir. À ce titre, elle a besoin d’être soutenue.
9D’autres individus alarmés par la situation ont décidé d’agir en ramassant les déchets sur les plages ou dans les criques, ou dans les fonds marins et, par des communications médiatiques, ont tenté de sensibiliser le plus grand nombre en suscitant un phénomène d’entraînement. Des associations ont été créées, dédiées aux déchets : Le grand saphir, la Marcheterie, Expédition Med, Mer-Terre, Greenkayak, 1 déchet par jour, #plogging, #trashtagchallenge, Trashgo7. Des ONG jouent aussi un rôle majeur en mobilisant des millions de bénévoles pour ramasser les déchets, les identifier et les sérier8, travail qui permet de réglementer plus finement afin de prévenir l’avènement de certains déchets que l’on aurait pu ne pas produire comme les objets à usage unique. Des fondations se consacrent également à la mer Méditerranée : Pure ocean ou Prince-Albert-II-de-Monaco.
10Ils sont aussi des millions à effectuer ces petits gestes simples : se baisser, ramasser, jeter dans une poubelle appropriée. Si évidente soit la solution de nettoyage, surtout lorsqu’elle est déployée à grande échelle, elle ne vaut que pour les macros plastiques, la récupération des micro plastiques et des nano plastiques étant pour l’heure techniquement impossible. Néanmoins des millions de vies d’animaux marins auront déjà été sauvés. Les plus petits plastiques resteront donc dans la mer, pénétrant insidieusement la chaîne alimentaire.
11Parlons des filets de pêche. Les ramasser est concevable et s’avère être une solution essentielle pour la sauvegarde de la faune marine. Car accidentellement perdus ou volontairement abandonnés, ces filets continuent à capturer, ce pourquoi on parle de « pêche fantôme ». Ils représentent 10 % des déchets marins et un tiers de tous les plastiques océaniques, une masse impressionnante. Des associations travaillent à l’implication des professionnels de la pêche et à la valorisation économique de ces déchets. Un programme collaboratif, Ghost Med, regroupe pêcheurs, scientifiques, gestionnaires des aires marines et observateurs. L’objet est de signaler au plus vite ces filets et d’organiser leur ramassage. Piloté de France, ce programme a vocation à s’étendre à toute la Méditerranée. L’association APAM organise quant à elle la récupération des filets de pêche usagés dans quelques ports du sud de la France et a créé une filière de recyclage. Pour rendre efficace l’éradication des filets de la mer, un gros travail reste à faire, d’incitation des pêcheurs à rapporter leurs propres filets usagers. Mais que faire des débris plastiques trouvés dans leurs filets ou des filets dérivants rencontrés ? Car une infraction pour transport illicite de déchets leur interdit parfois encore de les ramener au port. Une réglementation qu’il convient de modifier au plus vite, ce que l’Italie a commencé à faire.
12La dépollution des eaux douces. Le nettoyage peut encore, pour plus d’efficacité, être appliqué aux fleuves et rivières, et ceci en amont du problème. La collecte des déchets n’y est pas très difficile et se réalise grâce à des barrages flottants ou des barrières collectionneuses de déchets. Mais certaines crues ou inondations violentes relevant des catastrophes naturelles ont révélé la non performance de ces moyens. Du coup, on mise plus volontiers aujourd’hui sur les bateaux poubelles, encore une fois mis au point par Boyan Salt, avec une capacité de ramassage de 50 tonnes de déchets par jour. Ajoutons encore les performances technologiques de robots placés dans les ports pour récupérer plastiques et hydrocarbures.
13La suite de l’histoire. Nettoyer la mer et retirer plus globalement ces déchets plastiques de l’eau est louable. Autant de gagné. Mais que faire de ces montagnes de déchets ? Recycler vient naturellement à l’esprit. Cependant, il faudrait pratiquer le recyclage à grande échelle, donner une valeur à ces déchets et construire une filière économiquement florissante. Or d’une part, les déchets plastiques issus de l’environnement ne sont le plus souvent pas recyclables du fait de leur conception d’origine9, d’autre part les volumes ramassés ne sont pas suffisants pour créer une filière industrielle. Sans parler de la qualité très dégradée des plastiques ainsi récupérés. Alors pourquoi se donner tant de mal à nettoyer ? Les vraies solutions sont ailleurs. Pour l’heure, un certain nombre de plastiques ainsi ramassés sont recyclés par des entreprises vertueuses, en vêtements, chaussures et sacs10. Mais nourrissons l’espoir qu’un jour, cette manne de déchets océaniques disparaisse. Ce qui ne signera pas pour autant la mort du recyclage qui se fera bien en amont, nous y reviendrons.
14Malgré ces quelques solutions de nettoyage du plastique, ne nous leurrons pas, le compte n’y est pas. Et que personne n’imagine que l’on peut continuer à user des plastiques sans limite et rester négligent avec ce déchet, sous prétexte qu’il est possible de le récupérer, au demeurant très partiellement ! La situation est alarmante et il est urgent de trouver d’autres pistes.
La gestion des déchets en amont de leur arrivée à la mer
15Constat mondial. Au niveau mondial, la production de déchets, dont les déchets plastiques, est colossale. Les déchets quotidiens représenteraient, pour mettre en image, une file de camions longue de 5 000 kms. La quantité de la production de ces déchets dépendrait directement du niveau de vie des individus et de la densité de l’urbanisation. Et seulement 63 % des déchets produits dans le monde font l’objet d’un traitement, du recyclage à l’incinération et l’enfouissement. Le reste part dans la nature et bien sûr dans la mer. Le cas de la mer Méditerranée est très éloquent. Parmi les 22 pays riverains, certains ont une gestion déplorable de leurs déchets, pour ne pas dire aucune gestion du tout. Le Liban par exemple rejette tout dans la mer, ayant trouvé une idée dont les politiques sont très fiers : construire sur leurs déchets déposés sur la côte pour gagner de l’espace constructible sur la mer. Certainement une prouesse technologique, mais catastrophique écologiquement. Un désastre.
16Pour protéger la mer Méditerranée en particulier, le levier est important car de nombreux pays non-européens ont une très mauvaise gestion de leurs déchets, dont les plastiques, qui rappelons-le, représentent plus de 75 % de l’ensemble des déchets.
17Cette gestion commence par l’organisation de la collecte des déchets en amont, donc sur terre. Et cette collecte implique la mise en place d’un tri sélectif. Une très bonne idée qui a démontré son efficacité lorsque tri et collecte sont menés avec rigueur. Mais trop de déchets partent encore à l’enfouissement ou à l’incinération alors qu’une bonne part serait recyclable ou compostable. La véritable efficacité du dispositif est peut-être dans la sanction du non-respect des obligations à la charge de tout producteur de déchets, consommateur compris (ex. de Shanghai qui, débordé par ses déchets, a édicté des mesures contraignantes et fortement sanctionnées ; le problème fut réglé) mais aussi, et a minima, dans la tarification incitative qui ferait varier la taxe d’enlèvement des ordures ménagères en fonction de la quantité de déchets produits, ce qui est pratiqué dans les communes lancées dans une expérience « zéro déchet ». Les résultats sont probants dans une partie de la France. Partout où des initiatives de tri et de collecte sont adoptées, l’effet positif est flagrant11. Ce qui nous amène à conclure que partout dans le monde, tri sélectif et collecte doivent être imposés et éventuellement assortis de sanctions dissuasives. La difficulté reste le savoir-faire et le financement de ces dispositifs. Le premier est facile à mutualiser. Le second pourrait être subventionné par les pays les plus riches, sachant qu’il s’agit d’un problème mondial de survie de l’humain au travers de la préservation de la planète et des mers et océans.
18Pour aller plus loin. En France les mesures de tri sélectif et de collecte sont loin d’être homogènes. Mais les capacités de collecte du plastique -dont les emballages en tout genre- ont nettement progressé depuis 2016 et les pratiques tendent à s’harmoniser sur tout le territoire12. Mais selon Citeo (entreprise privée spécialisée notamment dans le recyclage des emballages ménagers), seulement 15 % des centres de tri sont adaptés à ces importants flux de plastiques. Poursuivons l’effort de tri car la situation ne peut qu’évoluer. Encore un levier important. En outre, sachons que les ménages ne sont responsables que de 9 % de ces déchets. Le reste provient des entreprises dont 80 % du BTP. En France, des obligations s’imposent aux entreprises depuis 2005 et 201613 mais elles ne sont pas toujours respectées comme c’est le cas d’une entreprise de restauration rapide dont la chaîne produit encore malheureusement 1 kg de déchets plastiques par seconde chaque année… Sans commentaire.
19Par ailleurs, toujours en France, les déchets plastiques sont soit mis en décharge ou enfouis pour un tiers, soit incinérés pour l’essentiel. Ces méthodes génèrent chacune d’énormes pollutions, soit des résidus liquides de macération dont on ne connaît pas encore vraiment le devenir, soit des résidus carbonés contenant des matières toxiques sans parler des fumées sous forme de méthane. Et partout dans le monde, ces méthodes sont plus ou moins généralisées. On a imaginé utiliser ces déchets pour se chauffer : astucieux mais pas neutre pour l’atmosphère. Et comble du paroxysme, un pays comme la Suède performante dans le zéro déchet, est obligée d’importer des déchets pour se chauffer. C’est juste que la véritable solution n’est pas encore à cet endroit. Il faudrait réserver la valorisation énergétique aux déchets notamment plastiques qui n’ont pu être recyclés du fait de leur composition ou de leur dégradation. Et surtout ne pas penser que le problème de l’augmentation des déchets plastiques trouvera une solution dans la production d’une énergie peu coûteuse pour les ménages. La facture est avant tout climatique, sans parler de la pollution de l’air, des terres et des mers.
20Le recyclage. Il est une très vieille histoire que trace bien Nelly Pons14. Depuis 1973, date du premier centre de recyclage des matières plastiques en France, se profile le mirage de la solution à tous nos maux. Avec en plus l’annonce du gouvernement français en avril 2018 d’un objectif de 100 % de plastiques recyclés d’ici 2025. Presque un miracle. Et si nous pouvions le faire, tous les pays du monde pourraient s’y mettre aussi. Quelle est la réalité ?
21Les avantages du recyclage doivent être soulignés. Le plastique, qui est notre propos, rentre dans un nouveau processus de production pour redevenir l’objet qu’il était (une bouteille par ex.) ou un objet tout diffèrent. Vu ainsi, il représenterait une boucle fermée dans une économie circulaire, permettant à tout plastique de redevenir plastique. Mais alors que ce processus vaut pour le verre, il rencontre ici bien des obstacles. D’abord au fil des recyclages, le matériau plastique se dégrade. De plus le recyclage mécanique (notamment par broyage) engendre 40 % de perte du matériau15.
22En outre, il existe de nombreuses familles différentes de plastiques dont certaines ne sont pas recyclables, d’autres difficilement recyclables, à tel point qu’à ce jour on ne s’y retrouve pas encore vraiment. Le problème vient notamment du fait que la fabrication d’un objet recourt souvent à plusieurs types de résines qui ne sont plus séparables. Ainsi, et pour résumer, la solution du recyclage ne se concrétisera que lorsque l’on aura régulé les résines mises sur le marché et réglementé l’harmonisation de leur composition dans le seul but de recyclage16.
23On peut cependant sortir de la boucle de recyclage en utilisant le plastique comme matériau de construction de routes ou de maisons, de fabrication de meubles extérieurs ou accessoires de jardin, ou encore de diesel. Mais là encore, l’environnement et la santé humaine pourraient être affectés par les émanations diverses sous l’effet de la lumière ou de fortes chaleurs. Sans parler de l’impact climatique.
24Quant au 100 % recyclage annoncé ? « Tendre vers » serait plus réaliste et exige de travailler à la fois sur l’aspect technique et l’aspect économique. L’idée dominante d’une nouvelle technologie de recyclage est le recyclage chimique. Il consiste, non à broyer le plastique, mais à dépolymériser c’est-à-dire casser les longues chaînes de polymères pour retrouver les monomères, la matière première d’origine. Mais cette technologie n’existe pas encore et tous les espoirs sont placés dans la recherche et l’innovation, avec les risques que représentent les émanations toxiques à grande échelle ainsi qu’une énorme consommation énergétique. Sur le plan économique, la filière est loin d’être rentable du fait de la qualité de la ressource insuffisamment bien triée, du bas prix du plastique recyclé tant que sa fabrication à partir du matériau vierge actuel (le pétrole) est encore possible, et de son débouché non développé.
25Néanmoins, et vive la recherche et l’innovation, vient d’être validé le recyclage enzymatique, concrétisé par une entreprise clermontoise, capable de dégrader toutes les bouteilles plastiques même en PET pout un recyclage total et à l’infini à l’image du verre. Une véritable prouesse.
26Le recyclage, une panacée ? Pour en arriver là, il doit surmonter bien des obstacles. Listons en quelques-uns17 :
limiter le nombre de résines mises sur le marché et interdire tous les plastiques non recyclables (notamment les multicouches),
faire travailler ensemble tous les acteurs de la filière plastique sur la fin de vie des produits,
poursuivre les recherches sur le recyclage chimique ou toute autre technologie afin de lever tous les impacts environnementaux négatifs,
réglementer l’usage des additifs au plastique recyclé pour tous les produits en contact avec des aliments ou la peau,
augmenter le tri et la collecte des plastiques pour faciliter leur utilisation,
stimuler le débouché et la demande de plastique recyclé en imposant des quotas d’incorporation dans les objets neufs,
favoriser un mécanisme économique incitatif en faveur des filières de recyclage du plastique,
limiter tous les transferts de déchets dans des pays importateurs en demande,
améliorer la réglementation de la gestion des déchets plastiques dans les pays dits en développement,
lutter contre le commerce illégal de déchets.
27Au fil de tous ces propos, ont été identifiés des débuts de solution pour débarrasser la mer des plastiques ou éviter que ces derniers ne parviennent à la mer, par une bonne gestion des déchets plastiques sur terre. Mais le compte n’y est toujours pas. Doivent donc être étudiées d’autres stratégies.
Les stratégies d’évitement de la pollution plastique en mer Méditerranée
28À ce jour, et vu l’état de la situation, il est important d’analyser ce qui a dysfonctionné dans le passé pour préparer l’avenir. À l’évidence, il est impératif d’anticiper les externalités négatives de nos activités. L’une des premières étapes est de prévoir le futur de nos matériaux et ce qu’ils deviendront à l’état de déchets en travaillant sur leur conception (A). L’autre étape consiste à réglementer efficacement l’activité des filières industrielles qui ont un rôle majeur à jouer dans la gestion des déchets (B). Par ailleurs, il convient de sensibiliser l’utilisateur final du produit plastique (C). Enfin, tentons de lister les meilleures autres solutions possibles (D), et de s’interroger sur le recours à une gouvernance internationale (E).
L’écoconception
29La technologie du futur. De nouvelles matières baptisées bioplastiques ont vu le jour dès les années 1980-1990 sans véritablement alors retenir l’attention, ceci jusqu’à nos jours. Ces matières sont dites biosourcées, biodégradables ou compostables ; biosourcées lorsqu’elles sont fabriquées avec des produits d’origine naturelle, biodégradables si elles se dégradent sous l’action d’organismes vivants, compostables lorsqu’elles sont capables de se dégrader sous certaines conditions. Nelly Pons résume très bien la confusion qui règne sur le sujet : « Biosourcé ne veut pas forcément dire biodégradable, pas plus que le biodégradable n’est à coup sûr d’origine naturelle, et ce n’est pas parce qu’une matière est dite compostable qu’elle est capable de se dégrader en toute condition18 ». La réalité est que les résultats obtenus en laboratoire ne correspondent pas toujours aux conditions du terrain.
30Les bioplastiques. Fabriquer un plastique d’origine végétale ne pose pas de problème. Nombreuses sont les sources : cellulose, amidon, canne à sucre, algue, lin, chanvre, noyau d’avocat, chardons sauvages ou encore protéines, graisse, carapace de homard… La difficulté se situe au stade de la dégradation. Néanmoins, réjouissons-nous, car les recherches se poursuivent, poussées par des associations comme WWF19 ou le Club des bioplastiques20. Mais prenons garde à ne pas rencontrer le même problème qu’avec les biocarburants : prélever sur la nourriture pour répondre à un besoin effréné de matière plastifiée. On retrouve ici la problématique de la surconsommation d’un produit dont il va pourtant falloir apprendre à se passer !
31La pratique de l’écoconception. En principe, au moment de la fabrication d’un produit, on se doit de prendre en compte son impact environnemental et ses fonctions pour l’humain. L’écoconception repose ainsi sur l’analyse du cycle de vie (ACV) d’un produit, qui examine les impacts environnementaux d’un matériau, de sa production à sa consommation (GES, consommation d’eau et d’électricité…), négligeant pourtant encore les impacts à long terme inconnus et donc considérés comme imprévisibles. C’est le cas des plastiques dont on ignore les impacts à long terme pour l’humain et l’environnement. Sauf que l’on en sait davantage aujourd’hui sur ces impacts et que l’on a perdu le principe de précaution en chemin…
32Les emballages. L’écoconception a son importance sur la question des emballages. Des recherches sur les emballages plastifiés sont actuellement développées par l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) sous la direction de Nathalie Gontard. La conception de ces emballages repose sur la fin de vie du plastique, avec comme critères des matières d’origine non alimentaires, afin d’éviter de puiser dans la ressource de subsistance, et des déchets de l’agriculture qui ne sont pas utilisés par ailleurs (comme les aliments d’animaux ou le biogaz). Le travail est mené à partir d’un polymère biosourcé et biodégradable en condition naturelle et en milieu marin, le polyhydroxyalcanoate (PHA). Le résultat est prometteur à condition d’être accepté par le consommateur car le produit n’est pas transparent, ainsi que par les industriels car les coûts sont supérieurs à ceux du pétrole. Ce qui n’est pas une mince affaire.
33Une autre recherche est menée parallèlement par le CNRS depuis 2010 sous la direction de Ludwik Leibler. Les vitrimères, outre d’avoir des propriétés chimiques et mécaniques supérieures aux plastiques conventionnels, pourraient être fabriqués à partir de tous les déchets plastiques même mal triés, et surtout ils seraient recyclables à l’infini.
34Mises bout à bout, toutes ces initiatives prometteuses devraient déboucher sur des solutions intéressantes. Mais dans combien de temps ?
35Pour l’heure, la loi française anti-gaspillage pour l’économie circulaire adoptée le 10 février 2020 pour réduire les déchets plastiques, impose aux opérateurs de la filière fruits et légumes l’utilisation d’emballages fabriqués avec des matériaux recyclables, bois, carton, papier kraft, matière végétale…, avec des délais qui seront plus ou moins allongés (comme toujours) pour les textes d’application21. La mesure est louable et nous devons absolument nous y tenir, sauf que le consommateur ne verra plus aussi bien les produits qu’il veut acheter. Reste le recours au plastique biosourcé, mais fabriqué à partir de déchets verts agricoles, et à condition qu’ils soient biodégradables en moins de six mois. Faisons confiance encore une fois à la recherche et l’innovation.
Les responsabilités des producteurs
36La pollution de la mer par les plastiques a un coût, celui de son incidence écologique sur les activités directement en rapport avec la mer, la pêche, le tourisme, le commerce maritime, mais aussi les municipalités et les communautés côtières. Or ce coût, très élevé, devrait être supporté par ceux qui sont à l’origine de cette pollution, les producteurs et tous les industriels de la filière. C’est en théorie le cas avec le principe pollueur-payeur (qui nécessite une procédure judiciaire) et la responsabilité élargie du producteur (REP) qui fait peser sur ce dernier le coût de la gestion des déchets. Cette gestion, de même que les recherches et travaux sur l’écoconception, l’allongement de la durée de vie du produit, sa réutilisation et sa réparation, sont financés – pour leur prise en charge (notamment tri, collecte, recyclage) – par des contributions versées par les producteurs à des éco-organismes. À ce jour ces sommes s’avèrent insuffisantes dans la mesure où les producteurs préfèrent souvent s’en libérer plutôt que d’investir dans l’écoconception de produits plus respectueux de l’environnement. Un gros effort reste à faire à cet endroit par les filières industrielles à l’origine du problème : la mise sur le marché d’un produit plastique dont il faut désormais anticiper l’étendue des effets négatifs afin de tout faire pour les éviter.
De la sensibilisation à la contrainte de l’utilisateur final
37Consommer, surconsommer, céder à la facilité, puis jeter, même en respectant – ou pas – les consignes de tri sélectif. On ne demandera pas à cet acteur final, entreprise privée, structure publique, consommateur-citoyen, de revenir à l’âge des cavernes, mais seulement de prendre conscience des impacts d’un comportement nuisible à l’environnement dont il fait partie intégrante. Il est vrai que rien n’est vraiment aisé sur ce sujet, et que l’offre de consommation enclenchant l’acte d’achat ne fait pas de l’utilisateur un délinquant. Néanmoins, n’a-t-il jamais été surpris par la quantité des déchets plastiques qu’il constatait dans certains fastfoods ou qu’il produisait lui-même ? Effaré par la culture du jetable et de ces déchets révélant une dépendance inconsidérée à l’inessentiel ? Catastrophé par la découverte des impacts environnementaux de la fabrication de certains produits utilisés quotidiennement comme certains vêtements ou les lingettes ? Certes il n’y pas de bons déchets et le meilleur est – selon la formule célèbre à laquelle nous n’échappons pas – « celui que l’on ne produit pas ».
38À l’évidence, des efforts sont imposés à chacun, entreprise et structure privées, collectivité et structure publiques, consommateurs-citoyens, et à tous les échelons possibles, pour supprimer le plastique jetable, favoriser sa non-utilisation (gourdes et fontaines à eau) et bannir les produits plastiques à usage unique. Ces utilisations sont si nombreuses que le levier est ici très important (près de 8 déchets sur 10 collectés par Surfrider sont de cette nature).
39Le secours du législateur français. Parfois sous l’impulsion européenne22, le législateur participe à ce mouvement de lutte contre les déchets plastiques marins : en 2015 (loi pour la transition énergétique et la croissance verte), il interdit les micro billes dans les cosmétiques, ainsi que les sacs plastiques de caisse ; en 2020 (loi anti gaspillage pour une économie circulaire du 10 février 2020), application reportée d’un an à cause de la crise sanitaire, interdiction de la vaisselle jetable, des cotons-tiges, des bouteilles plastiques dans la restauration collective, des pailles, des tiges pour ballons…, des plastiques oxodégradables, de distribution gratuite de bouteilles d’eau plastiques dans les entreprises. En 2022, ce sera la fin des jouets plastiques dans les fast-foods ; en 2023, la fin de la vaisselle jetable dans ces fast-foods, et de l’expédition de publicité et des magazines sous film plastique ; en 2025, est prévu l’équipement des lave-linges neufs de filtres à microfibres plastiques. Toutes ces avancées sont certes bienvenues. Mais on comprend difficilement le calendrier qui aurait pu gagner quelques années. Simplement parce que la santé de la mer et de ses habitants ne peut attendre et que chaque jour continuent de se déverser dans la mer des milliers de tonnes de plastiques.
Les meilleures autres solutions possibles
40Le vrac et la réduction des emballages plastiques. Parallèlement aux recherches sur un emballage plastique recyclable et biodégradable (v. supra), on peut tendre vers leur réduction drastique. Prétendus à une certaine époque protecteurs sur le plan sanitaire, ils s’avèrent désormais si nocifs pour l’environnement que la santé du vivant est tout autant affectée. La suppression des emballages plastiques passe donc par la culture de la vente et de l’achat en vrac. En cinq années, le chiffre d’affaires des épiceries en vrac a été multiplié par cinq. Il ne reste plus qu’à généraliser le mouvement. Mais attention, les produits venant de l’autre bout de la planète (nécessitant malgré tout des emballages pour leur conservation) ont aussi leur coût écologique. Encore un pas à faire.
41La relocalisation et les circuits courts. Les marchés, les paniers de légumes et de fruits vendus par certains magasins, la vente directe des producteurs agricoles dans des lieux regroupant des professionnels de l’agriculture, d’autres magasins offrant des produits locaux de toute sorte dont céréales, miel et confitures, jus de fruits et vins, pains… sont une vraie bonne solution. Presque plus d’emballages plastiques, utilisation de sacs réutilisables presqu’à l’infini, nouvelles pratiques consuméristes qui en même temps aiguisent la conscience du mieux-se-nourrir-en-protégeant-l’environnement. Le mouvement doit se poursuivre à grande échelle partout dans le monde. Certes, ces préoccupations paraissent être inhérentes aux pays riches et leurs habitants, qui globalement gaspillent la nourriture dans des proportions insoutenables (un tiers de la production alimentaire mondiale est perdue), pendant qu’une autre partie du monde est sous-alimentée. Mais rappelons à cet endroit que ces derniers sont forcément très éloignés des quantités de déchets plastiques – jetables et emballages compris – produites par les pays riches… sauf quand ce sont ces derniers qui leur envoient leurs déchets !
42Et la consigne ? Nous l’avons aussi perdue en chemin depuis les années 1990, sauf pour les bars et restaurants qui ne l’ont jamais abandonnée. Le verre a ses mérites que nous avons soulignés, mais la bouteille en plastique, parfois considérée comme plus pratique, peut être également consignée. La France n’est pas très claire sur le sujet mais bien d’autres pays ont déjà adopté la consigne de la bouteille plastique qui a le mérite de donner une valeur à l’objet facilitant du coup le retour au magasin. L’objectif est de parvenir à un recyclage de 100 %. Pour ce faire, il faut donc travailler à l’écoconception de la bouteille. Ecoconception et consigne régleront une grande partie du problème.
43La réparabilité et la durabilité des produits plastiques. De nombreux objets en plastique inondent notre quotidien, leur durée de vie étant le plus souvent limitée par l’obsolescence, technique lorsque l’innovation chasse l’appareil, psychologique lorsque nous cédons à la course à la nouveauté ou encore simplement programmée par les entreprises productrices afin d’augmenter le taux de remplacement. Si ce dernier type d’obsolescence est désormais réglementé par la loi française (loi anti-gaspillage du 10 février 2020), ces obsolescences additionnées génèrent une quantité de déchets difficiles à traiter. Sur le sujet de la durabilité des appareils contenant notamment du plastique et constituant souvent un déchet conséquent que l’on retrouve aussi dans la mer (tous les ans, des plongeurs en bouteille retrouvent des objets improbables dans le magnifique port de Marseille), plusieurs leviers existent. Le premier concerne les pouvoirs publics qui peuvent réglementer et contraindre, comme pour l’obsolescence, et favoriser la création de zones de réemploi comme c’est le cas dans les déchetteries (possibilité sur 10 % de la surface). L’autre levier concerne les entreprises qui doivent concevoir l’appareil pour être réparable, à condition de fabriquer les pièces détachées et d’être démontable, avec des notices d’information explicites. Le dernier levier touche le consommateur dont on attend qu’il casse son addiction systématique à la nouveauté pour entrer dans cette ère de la réutilisation, de la prolongation de la durée de vie, avec en conscience la satisfaction d’un présent fait à la planète et de l’économie des ressources qui, nous le savons désormais, ne sont pas inépuisables23.
44La dynamique du zéro déchet dans les villes. Nelly Pons retrace l’histoire extraordinaire de ce mouvement24. Les premières communautés zéro déchet voient le jour dans les années 1990. En France le mouvement démarre en 2004, puis s’amplifie en 2015 et 2016. L’objectif ambitieux est de réduire à la source les flux de déchets, en sensibilisant les citoyens à une baisse de leur consommation.
45Le concept de territoire zéro déchet n’est donc pas nouveau. Et depuis, des expériences se sont développées partout dans le monde et ont obtenu d’étonnants résultats. En Italie, la ville de Capannori de 43 000 habitants est devenue « ville zéro déchet » grâce aux mesures suivantes : collecte des ordures ménagères en porte-à-porte, taxe d’enlèvement corrélée aux volumes produits – et donc incitative –, création d’un centre de réutilisation des objets avec possibilité de réparation, proposition de formations, actions de sensibilisation. Les résultats : diminution de 40 % des déchets ménagers et 57 % des déchets résiduels, 82 % de taux de collecte séparée et un dépôt de 93 tonnes d’articles au centre de réutilisation. Au total une baisse de 20 % des tarifs de gestion des déchets.
46En 2011 est né le premier centre de recherche européen Zero Waste. Depuis, 400 villes européennes ont emboîté le pas de ce mouvement.
47Parlons particulièrement de la ville de Roubaix, un exemple du genre. En 2014, cette ville répond à un appel à projet gouvernemental « Territoire zéro déchet, zéro gaspillage ». C’est donc une volonté politique qui est à l’origine de la réussite, parvenue à convaincre plusieurs familles de tenter l’expérience. L’idée majeure est de diminuer la production de déchets à la source, car une fois dans la poubelle, il est trop tard. Progressivement, sont mobilisés les citoyens, les écoles, les entreprises, les commerçants… L’essentiel est d’obtenir l’engagement de tous, et de les convaincre du sens profond de la démarche proposée. Le rôle du citoyen est ici majeur.
48Le constat. À partir d’une manière différente de consommer, la production de déchets diminue de moitié. Et donc celle des déchets plastiques. Et sont mis en place collecte en porte-à-porte, tarification incitative et centre de réutilisation des objets. Mais la réussite dépend surtout de l’implication de tous les citoyens qu’il est possible d’aider grâce à une méthodologie de réduction des déchets, notamment plastiques, à la source.
49Dans le monde entier, du Costa Rica et d’États insulaires d’Amérique du Sud au Chili, de l’Amérique du Nord à de nombreux pays d’Afrique, de l’Asie, en passant par l’Europe25, des efforts ont été réalisés notamment avec l’interdiction des sacs plastiques et de certains plastiques à usage unique. Cela ne suffit pas mais la conscience du problème est là et le mouvement est lancé. Cependant la mer Méditerranée reste la plus menacée de toutes par certains pays du pourtour méditerranéen.
50Les pays méditerranéens sont pour certains européens, d’autres non. La réglementation européenne a avancé sur la lutte contre la pollution des mers par le plastique26.
51La Directive 2019-904 du 5 juin 2019 prévoit l’interdiction à partir de 2021 de certains objets plastiques à usage unique, des récipients en polystyrène expansé et des plastiques oxodégradables, un désastre pour la nature. Par ailleurs 90 % des bouteilles en PET devront être collectés à l’horizon 2029. Des avancées pourtant encore insuffisantes pour être significatives au regard de la quantité de déchets arrivant encore en mer. Mais quid pour les autres pays méditerranéens non-européens ? La plupart n’ont même pas les moyens d’organiser la gestion de leurs déchets plastiques sur terre. Pour d’autres, ce n’est même pas une préoccupation… Il faut donc absolument convenir que seule une gouvernance internationale, dite régionale pour la Méditerranée, viendra à bout du problème27.
52Diverses conventions internationales existent déjà sur la protection du milieu marin et la réduction de la pollution par les plastiques. Elles s’appliquent bien sûr à la mer Méditerranée. Le texte socle demeure la Convention de Barcelone et ses protocoles. Les moyens mis en œuvre depuis 2000 par les pays riverains avec l’appui de l’UE (encore une fois) ont permis d’éliminer de nombreux points de pollution grâce à un programme MEDPOL d’évaluation et de la maîtrise de la pollution en Méditerranée, et des plans d’action régionaux dont les objectifs sont intéressants28. Mais gardons bien à l’esprit que l’urgence de l’enjeu au regard de la fragilité de cette mer commande des mesures spécifiques, urgentes, fortes et contraignantes, avec des sanctions dissuasives. Et que le seul objectif à retenir est – redisons-le – que plus aucun plastique ne doit arriver à la mer.
Conclusion
53L’urgence de protéger et préserver la mer Méditerranée – comme l’ensemble des mers et océans – commande la mise en œuvre de toutes les solutions que nous avons présentées. Ce sont ces solutions mises bout à bout qui seront notre chance, celle de sauver la mer en même temps que nous-mêmes. Car ne l’oublions jamais, la survie de l’humain dépend de la bonne santé de la mer. Et à cet endroit, convenons que beaucoup reste à faire, volonté politique, décisions réglementaires efficaces et déterminées, engagement des membres de la société civile toute entière, recherche et innovation… et par-dessus tout la conscience que désormais écologie et économie doivent cheminer ensemble.
Notes de bas de page
1 M.-L. Demeester, « La pollution des mers et la gestion des déchets plastiques », in M.-L. Demeester et V. Mercier (dir.), L’agriculture durable. Environnement, nutrition et santé, t. 3, PUAM, 2020, p. 269-291.
2 V. notre avant-propos dans ce même ouvrage.
3 N. Vicente, « Pollutions et nuisances en Méditerranée », in M.-L. Demeester et V. Mercier (dir.), L’agriculture durable. Environnement, nutrition et santé, t. 3, PUAM, 2020, p. 253-267.
4 P. Rossi et P.-L. Sardi, « Une île de déchets plastiques dérive au large de la Corse », France bleu, 21 mai 2019.
5 Pollution plastique en Méditerranée, sortons du piège, rapport WWF, 2018.
6 Merci à Nelly Pons pour son bel et riche ouvrage Océan plastique. Enquête sur une pollution globale, Actes Sud, Domaine du possible, 2020 ; ouvrage qui a grandement inspiré notre étude sur la mer Méditerranée.
7 N. Pons, op. cit., p. 118 et s.
8 Sur toutes ces structures, v. N. Pons, op. cit., p. 130 et s.
9 Sortes de plastiques (7) et niveau de toxicité, v. N. Pons, op. cit., p. 101.
10 ReSeaclons, projet initié par l’Institut marin de Seaquarium du Grau-du-Roi, Waste Free Oceans, NextWave.
11 N. Pons, op. cit., p. 155-156.
12 N. Pons, op. cit., p. 157.
13 V. notre article préc., tome III, éd. PUAM, 2020.
14 N. Pons, op. cit., p. 178 et s.
15 Sur les 8,3 milliards de tonnes de plastiques produits depuis 1950, moins de 1 % a été recyclé plus d’une fois.
16 N. Pons, op. cit., p. 180 et s.
17 V. N. Pons, op. cit., p. 209.
18 N. Pons, op. cit., p. 218 et s.
19 Bioplastic Feedtock Alliance pour étudier la mise en place d’une chaîne d’approvisionnement « responsable » des bioplastiques ; et Cascading Materials Vision pour la défense d’une vision circulaire des matières plastiques.
20 www.bioplastiques.org.
21 V. décret n° 2021-1318 du 8 octobre 2021, qui prévoit tant d’exceptions à l’interdiction des emballages plastiques à partir du 1er janvier 2022, et des délais d’application si longs (jusqu’en 2026) que le consommateur ne verra pas la différence en magasin.
22 La directive 2019-904 du 5 juin 2019 se préoccupe de l’incidence sur l’environnement et sur la mer des déchets plastiques et de leur réduction. V. aussi notre article, préc., tome III, ed. PUAM, 2020.
23 En France, si seulement 44 % des appareils en panne sont réparés, c’est souvent du fait de l’envie irrépressible de changement : N. Pons, op. cit., p. 249.
24 N. Pons, op. cit., p. 251 et s.
25 N. Pons, op. cit., p. 269 et s.
26 V. notre article préc., tome III, ed. PUAM, 2020, spéc. p. 284 et s.
27 Une recherche sur la gouvernance supra-nationale est menée par Loïc Peyen dans ce même ouvrage.
28 V. notre article préc., tome III, ed. PUAM, 2020, spéc. p. 284.
Auteur
Professeur émérite, Aix-Marseille Université, EA 4224
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Les sources complémentaires du droit d’auteur français
Le juge, l’Administration, les usages et le droit d’auteur
Xavier Près
2004
Compensation écologique
De l'expérience d'ITER à la recherche d'un modèle
Virginie Mercier et Stéphanie Brunengo-Basso (dir.)
2016
La mer Méditerranée
Changement climatique et ressources durables
Marie-Luce Demeester et Virginie Mercier (dir.)
2022