Introduction
p. 13-50
Texte intégral
11. La recherche de la justice la meilleure compte parmi les premières finalités du droit. Le procès, instrument de réalisation du droit1, se doit de répondre au mieux à cet objectif. C’est notamment pourquoi les règles de procédure prévoient des possibilités de réexamen du dossier une fois un jugement rendu. Il faut permettre au plaideur insatisfait de critiquer la décision prise et lui offrir de nouvelles chances d’obtenir gain de cause. La pluralité des examens permet, c’est le postulat, de vérifier le travail des premiers juges et de corriger d’éventuelles erreurs d’appréciation ou d’interprétation. Le but n’est pas tant de rechercher la vérité que de prévoir des garanties de bonne justice et les moyens d’assurer un meilleur respect de la légalité. Mais, par ailleurs, il faut qu’à un moment ou à un autre, justice soit rendue, et de manière définitive. Montesquieu l’a affirmé avec force en écrivant que « le repos des familles et de la société toute entière se fonde non seulement sur ce qui est juste mais sur ce qui est fini ». La justice, en tant qu’institution, ne satisferait pas à sa fonction si n’était déterminé le stade où le procès prend fin, le moment où le litige est définitivement tranché2. Que serait l’autorité judiciaire si elle n’avait le pouvoir de mettre un point final aux situations litigieuses ? Comment également concevoir une société où les situations juridiques demeureraient indéfiniment incertaines, où les droits resteraient éternellement litigieux ? Un souci élémentaire de sécurité juridique commande d’apporter une réponse définitive aux litiges, et cela participe aussi de la recherche de la justice la meilleure.
22. Si l’institution des voies de recours permet de satisfaire au premier de ces objectifs, plusieurs mécanismes semblent tendre concurremment à la réalisation du second. L’autorité de la chose jugée, tout d’abord, qui vise à empêcher le renouvellement infini des litiges, semble répondre à cette nécessité d’assurer la fin des procès. Mais l’autorité de la chose jugée, du moins en procédure civile, intervient dès le prononcé du jugement, sans qu’il y ait lieu de tenir compte des voies de recours encore ouvertes contre la décision (NCPC, art. 480). En outre, « l’autorité de la chose jugée concerne l’accès, interdit, au juge de même niveau, alors que la voie de recours concerne l’accès, organisé, à un juge de niveau supérieur »3. Les voies de recours semblent donc contredire la vocation à l’intangibilité que cherche à assurer l’autorité de la chose jugée. S’il est par ailleurs couramment admis que l’épuisement progressif des voies de recours renforce l’autorité de la chose jugée4, ce n’est pas seulement cette autorité, par son seul effet, qui se trouve à l’origine du phénomène de consolidation de la chose jugée. Ensuite, le mécanisme du passage en force de chose jugée peut également être invoqué comme moyen de consolidation des décisions de justice. En effet, un jugement est passé en force de chose jugée lorsque les voies de recours suspensives d’exécution sont fermées ou épuisées (NCPC, art. 500). Mais l’objection vient de la définition même de la décision passée en force de chose jugée : les voies de recours qui ne sont pas suspensives d’exécution restent ouvertes, faisant peser sur la décision un risque de mise à néant. Enfin, le dernier concept utilisé par les juristes auquel il est possible de penser est celui de décision irrévocable. Cette dernière se définit comme la décision à l’égard de laquelle toutes les voies de recours sont clôturées5. Par conséquent, seul l’acte juridictionnel irrévocable paraît de nature à mettre un terme au procès entendu comme la succession des instances conduisant à la solution définitive du litige.
33. Mais, alors, l’irrévocabilité apparaît comme une notion bien imprécise. Au-delà de cette rapide définition consistant à expliquer l’irrévocabilité par la fermeture ou l’épuisement de toutes les voies de recours, aucun développement d’envergure ne lui a été consacré. Face à l’importance de la finalité consistant à assurer la stabilité de la chose jugée, ce constat a de quoi surprendre.
4Avant de développer les intérêts qui s’attachent à une recherche consacrée à l’irrévocabilité de la chose jugée (III), il est au préalable nécessaire de déterminer le domaine de cette entreprise (I) et de procéder à certaines précisions terminologiques (II).
I. Domaine de la recherche
54. Le domaine de cette étude sera limité à la procédure civile et à la procédure pénale. Il ne s’agit donc pas d’une thèse ayant pour objet la comparaison de toutes les procédures existantes. Y inclure le contentieux administratif et tous les droits spéciaux procéduraux, tant au niveau national que communautaire, européen ou international, eût été une tâche démesurée. Cela aurait par ailleurs engendré un exercice si fastidieux de droit comparé qu’il a semblé préférable de le limiter à deux matières, faisant partie du droit privé6 : la procédure civile et la procédure pénale. Pour autant, si l’occasion s’en présente, des comparaisons avec d’autres branches du droit processuel pourront venir nourrir le propos.
65. Sans qu’il s’agisse de nier leurs caractères propres, ces deux types de procédures sont propices à d’éclairantes comparaisons7. En particulier, le pragmatisme de la procédure pénale, où les considérations de politique juridique – voire de politique tout court – conduisent à d’incessantes réformes, pourra influencer l’appréciation des solutions retenues en procédure civile, souvent fondées sur des raisonnements plus abstraits. Inversement, appliquer à la procédure pénale certaines des théories développées sur le terrain du procès civil ne pourra être qu’enrichissant8. De toute manière et au-delà de leurs différences, ces deux branches du droit privé sont fédérées par le principe d’unité des justices civile et pénale9, ce que de nombreux autres points de convergence confirment.
76. A titre d’exemple, il y a tout d’abord lieu de noter le rapprochement des caractères de ces procédures. A l’origine franchement accusatoire pour l’une et franchement inquisitoire pour l’autre, elles ont comblé leur écart à la faveur des réformes accomplies. Aujourd’hui, les différences ne sont plus que de degré. Alors que le rôle du juge s’est considérablement développé en procédure civile depuis l’avènement du nouveau Code de procédure civile, la phase de jugement du procès pénal est plutôt accusatoire, celle d’instruction étant encore à dominance inquisitoire10. Dans les deux procédures, existe un système mixte11, qui combine, en fonction de leurs vertus et inconvénients respectifs, les deux types de modèle procédural12.
87. L’évolution des sources des deux procédures participe également à leur rapprochement. L’influence des sources internationales, mais surtout européennes et constitutionnelles, contribue à l’émergence d’un « droit commun du procès »13. Ce phénomène constitue sans nul doute le facteur le plus puissant de fédération des diverses procédures14. Il suffit d’évoquer le droit à un procès équitable que prescrit le fameux article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme pour mesurer cette évolution. Le droit au recours, le principe du respect des droits de la défense, l’exigence d’un délai raisonnable, celle d’un tribunal impartial, sont autant de garanties qui, désormais, sont consacrées au plus haut rang et qui encadrent tout aussi bien la procédure civile que la procédure pénale. D’aucuns en tirent même la conséquence qu’il n’est désormais « plus possible de parler d’autonomie de la procédure pénale »15. Cette procédure, en effet, s’étant totalement émancipée de la procédure civile qui, naguère, tendait à faire figure de droit commun procédural16, se trouve désormais chapeautée, au même titre que la procédure civile, par ce droit commun procédural de valeur supra-législative.
98. S’agissant de l’autorité de la chose jugée et des voies de recours, les grands principes sont les mêmes. Permettre des réexamens d’une affaire tout en évitant un renouvellement perpétuel des procès sont des objectifs communs à toutes les procédures. Les finalités étant donc les mêmes, toute différence dans la technique employée doit retenir au plus haut point l’attention. Pour ne citer qu’un exemple, comment expliquer qu’en procédure pénale, il est affirmé que l’autorité de la chose jugée n’assortit la décision qu’une fois toutes les voies de recours épuisées, alors qu’en procédure civile, le Code précise clairement que le jugement bénéficie, dès son prononcé, de l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche17 ?
109. Cette recherche de l’unité dans la diversité, du « même sous le divers »18, ne doit pas conduire à nier la spécificité de chacune des justices, civile et pénale. Alors que pour celle-ci, l’importance des enjeux – la liberté des uns et la sécurité des autres – est telle que les techniques procédurales employées doivent assurer des garanties puissantes et efficaces, pour celle-là, les garanties offertes peuvent céder le pas à d’autres impératifs tels que la célérité ou la sécurité juridique. Il est vrai que cette opposition peut paraître simpliste. Les intérêts soumis au juge civil ne sont-ils pas souvent considérables ? Tel n’est-il pas le cas lorsqu’il est amené à déterminer la filiation d’une personne ou à statuer sur des litiges – divorce, succession… -où l’investissement psychologique des parties est souvent sans rapport avec le strict intérêt patrimonial en cause ? Le juge civil peut par ailleurs être conduit à trancher des questions où les considérations philosophiques, éthiques ou historiques sont parfois plus importantes que les intérêts immédiats en jeu (convention de mère porteuse, action de vie préjudiciable…). Ces litiges, censés concerner des particuliers, intéressent en réalité la société entière. Inversement, les litiges soumis au juge pénal sont parfois d’une importance relative quand il ne s’agit que des infractions les moins graves : les contraventions et certains délits. Ces infractions sont aussi les plus nombreuses ; les incriminations se sont multipliées, pénétrant les réglementations les plus diverses, au point peut-être d’amoindrir la fonction dissuasive et symbolique de la loi pénale. Le droit du travail en fournit un bon exemple : les condamnations pénales y sont davantage considérées comme un risque incontournable que ressenties comme un blâme déshonorant de la société. Mais, par delà ces situations, il n’en demeure pas moins que, pour l’essentiel, la justice pénale assure une fonction plus solennelle, plus essentielle, en tant qu’elle vise à garantir la sécurité des personnes dans le respect des droits fondamentaux des individus.
1110. Dans une approche plus technique, les différences existent aussi. Pour ce qui nous intéresse, la procédure pénale connaît des voies de recours que la procédure civile ignore19 : la purge de la contumace était jusqu’il y a peu spécifique à la procédure pénale. Le réexamen d’une décision à la suite d’une condamnation de la Cour européenne des droits de l’homme est, pour l’heure, réservé à la matière pénale. La réciproque est vraie : la procédure pénale n’a que faire de la tierce-opposition20.
1211. La présente étude se limitera donc au droit privé. Son champ d’investigation ne couvrira que le droit judiciaire privé et la procédure pénale. Même ainsi limitée, il s’agit d’une étude transversale de droit processuel. L’objectif est « d’opérer une distinction entre ce qui, dans la diversité des procédures, est contingent, héritage historique ou fruit des circonstances, voire de routine et de hasard, et ce qui constitue l’essence du contentieux »21. De plus, certains des enseignements de cette étude pourront être transposés, mutatis mutandis, à d’autres contentieux. A tout le moins permettront-ils d’ouvrir de nouvelles pistes de recherches. Pour l’heure, quelques pages de développements plus techniques s’imposent afin d’apporter les précisions terminologiques indispensables à la suite du propos.
II. Précisions terminologiques
1312. Des précisions terminologiques sont, dès ce stade du développement, incontournables. Etudier l’irrévocabilité de la chose jugée postule en effet un effort de clarification du vocabulaire employé. Jugement définitif, jugement passé en force de chose jugée, jugement irrévocable, force exécutoire ou autorité de la chose jugée, de nombreuses erreurs ou ambiguïtés sont dues, en cette matière, à l’emploi d’une terminologie erronée22. Un des objectifs de cette étude sera de tenter de remédier à ces imprécisions. Tant de vaines discussions pourraient être évitées si le sens des mots était seulement précisé. Dès à présent, il convient d’opérer des distinctions (1) avant de procéder à des rapprochements (2) entre certaines de ces notions.
1. Distinctions
1413. En allant du plus au moins évident, seront successivement distinguées la force exécutoire et l’autorité de la chose jugée (a), l’autorité de la chose jugée et la force de chose jugée (b), la force de chose jugée et l’irrévocabilité de la chose jugée (c) et, enfin, l’irrévocabilité de la chose jugée et la notion de jugement définitif (d).
a) Force exécutoire et autorité de la chose jugée
1514. La distinction entre la force exécutoire et l’autorité de la chose jugée est aujourd’hui clairement établie23.
16L’autorité de la chose jugée, connue depuis le droit romain24, est une notion éminemment discutée, qui a donné lieu à de nombreuses théories et controverses25. Mais au-delà de toutes les analyses qui ont été faites de cette institution, il est un point qui semble faire l’unanimité, au moins chez les auteurs de droit privé. L’autorité de la chose jugée tend à assurer une finalité des plus simples : éviter le renouvellement infini des litiges26. Pour ce faire, une qualité27 particulière est attribuée au jugement, l’autorité de la chose jugée, qui commande de tenir ce qui a été jugé pour intangible et qui empêche, de ce fait, de saisir un autre juge du litige déjà tranché. L’autorité de la chose jugée se traduit donc par une immutabilité du contenu de la vérification juridictionnelle28.
1715. Classiquement, l’autorité de la chose jugée est analysée comme une présomption. Selon l’adage res judicata pro veritate accipitur, la chose jugée est tenue pour vérité29. Mais cette vérité n’est que judiciaire : le droit « fait l’aveu hautain de l’irréalité de son univers : la chose jugée n’est pas la vraie vérité ; elle est reçue (accipitur) par le bon peuple pour tenir lieu de vérité (pro veritate) »30. En cela, l’autorité de la chose jugée se rapprocherait plus de la fiction que de la présomption : « il n’est pas vrai que toutes les énonciations du jugement correspondent à la vérité »31 ; « fondamentalement, l’autorité particulière qui est reconnue aux décisions de justice vient confirmer l’existence d’erreurs judiciaires. Si la chose jugée était toujours vraie, il n’y aurait pas besoin de la tenir pour vraie ; la vertu de son autorité légale est de couvrir les décisions erronées »32. D’ailleurs, le Code civil traite de l’autorité de la chose jugée en tant que présomption légale, mais se garde d’évoquer toute idée de vérité (C. civ., art. 1350).
1816. De manière plus moderne, l’institution est justifiée par sa finalité pratique et son utilité sociale : « la conclusion de la chose jugée se fonde, au-delà du texte de la loi, sur une nécessité sociale. Nul besoin n’est d’aller en rechercher ailleurs la justification et le fondement […] Il faut éviter le renouvellement des procès. La nécessité est de tous les temps et de tous les lieux »33. A partir de là, deux analyses de l’autorité de la chose jugée ont été faites. La première, matérielle, y voit une règle de fond, dont le jeu modifie les droits substantiels des parties34. Le mécanisme serait proche de la novation, les droits déduits en justice prenant le relais de la situation de droit préexistante35. La seconde, processuelle, ne voit dans l’autorité de la chose jugée qu’une règle de procédure destinée à empêcher le renouvellement des actions déjà tranchées36.
1917. Quand bien même la distinction entre règles de fond et règles de procédure n’est pas toujours évidente à établir, l’autorité de la chose jugée est aujourd’hui fermement rattachée au droit processuel. Aussi bien en procédure pénale qu’en procédure civile, le point de savoir si l’action a déjà été tranchée intervient au stade de la recevabilité de l’action (CPP, art. 6 ; NCPC, art. 122). Procéduralement, il s’agit d’opposer l’exception de chose jugée (procédure pénale) ou la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée (procédure civile) pour faire juger que le demandeur, parce qu’il a déjà agi, est désormais dépourvu de son droit d’action relativement à la contestation tranchée. L’absence d’autorité de la chose jugée est donc une condition d’existence de l’action. Si, ensuite, la vérification de la triple identité d’objet, de cause et de parties implique d’aborder le fond du droit, ce n’est, là encore, que pour déterminer les droits procéduraux des parties37.
2018. Dans sa mise en œuvre, l’autorité de la chose jugée prend deux visages : l’effet négatif se distingue de l’effet positif38.
21La fonction négative de l’autorité de la chose jugée correspond au rôle premier qu’est appelée à jouer cette institution. C’est celle que les textes consacrent directement. Les articles 1351 du Code civil, 480 du nouveau Code de procédure civile et 368 du Code de procédure pénale visent en effet à empêcher le renouvellement d’une action déjà tranchée, dans l’hypothèse où l’une des parties soumettrait à nouveau les mêmes demandes à un juge de première instance. Il suffit alors au juge de vérifier qu’il y a bien identité de matière litigieuse en se référant aux trois critères prévus par l’article 1351 du Code civil : à condition que la demande soit formée entre les mêmes parties, agissant en la même qualité, qu’elle poursuive le même objet et repose sur la même cause, elle sera alors déclarée irrecevable.
2219. Ces critères permettent une appréciation souple de l’identité de matière litigieuse, conférant ainsi au juge un large champ d’appréciation pour décider de la recevabilité de l’action. En particulier, la cause, notion difficilement saisissable39, laisse place à des solutions jurisprudentielles contrastées. Une conception étroite de celle-ci permet de considérer que toute modification de fait ou de droit dans la présentation de la seconde demande suffit à la rendre recevable40. Une conception large incite au contraire à englober dans la demande initiale tous les moyens de fait ou de droit qui auraient pu être invoqués à ce stade, ce qui prive de la possibilité de les invoquer dans le cadre d’une nouvelle action41. Sous cet angle, la fonction négative de l’autorité de la chose jugée apparaît clairement comme un instrument de régulation des flux judiciaires.
2320. La fonction positive de l’autorité de la chose jugée résulte plus indirectement des textes. Jean Foyer a même totalement réfuté l’idée d’une autorité positive de chose jugée42, au motif principal qu’il s’agirait d’un effet indirect qui consolide l’effet substantiel de l’acte juridictionnel43. C’est toutefois adopter une conception trop large de l’autorité positive de la chose jugée, conduisant à la confondre avec l’efficacité substantielle du jugement. D’autres auteurs reconnaissent l’idée d’une autorité positive de chose jugée, mais lui assignent un contenu bien trop large, rassemblant la force exécutoire, la force de vérité légale tirée de l’idée de présomption de vérité et la force probante44. A mi-chemin de ces conceptions extrêmes, la plupart des auteurs admettent l’existence de cet effet positif45, en précisant toutefois clairement l’hypothèse dans laquelle il est appelé à jouer : un nouveau procès est engagé dans lequel est débattue une question qui a déjà fait l’objet d’un règlement juridictionnel et qui sert de soutien à de nouvelles demandes. L’identité de matière litigieuse entre les deux procès n’est donc pas totale, comme lorsque doit intervenir l’effet négatif, mais partielle. Cet effet positif est, en quelque sorte, le pendant de la question préjudicielle. Pour celle-ci, le juge doit surseoir à statuer dans l’attente que la juridiction exclusivement compétente tranche le point de droit dont dépend la solution du procès. Pour celui-là, la question a déjà été tranchée, de telle sorte que le juge est tenu de s’y conformer. Par exemple, une juridiction prud’homale est tenue de considérer que le licenciement d’un salarié motivé par le vol que celui-ci aurait commis au préjudice de son employeur est dépourvu de cause réelle et sérieuse si la juridiction pénale a jugé que le vol n’était pas constitué. De même, un juge aux affaires familiales saisi d’une action en divorce pour faute est tenu de retenir les violences commises par l’époux sur l’épouse si celui-ci a été pénalement condamné pour ces faits. L’effet positif ne joue pas uniquement entre décisions pénales et décisions civiles ; à côté de l’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil46, existe également une autorité positive de choses jugées au civil47. Ainsi a-t-il été jugé que la constatation de relations intimes entre un homme et une femme dans le cadre d’une action à fins de subsides ne pouvait être remise en cause à l’occasion d’une action ultérieure en recherche de paternité48.
2421. Lorsqu’elle s’exprime sous cette forme positive, l’autorité de la chose jugée joue un rôle probatoire indéniable. L’acte juridictionnel sert de moyen de preuve dans le cadre d’une autre action49. A ce titre, la fonction positive aurait une nature différente de la fonction négative, celle-ci étant purement processuelle. Il n’en est pourtant rien. La fonction positive va au-delà de la simple règle de preuve. C’est le caractère indiscutable de la vérification juridictionnelle déjà opérée qui empêche les parties d’apporter des éléments de preuve contraires ; et le juge est tenu de s’y conformer. Ce qui induit en erreur, c’est le fait que, sous cette forme positive, l’autorité de la chose jugée est invoquée non pas par le défendeur à l’action, pour la voir déclarer irrecevable, mais par le demandeur, pour en déduire de nouvelles conséquences juridiques. Néanmoins, ce dernier se prévaut de l’autorité de la chose jugée pour signifier à son adversaire qu’il serait vain de discuter à nouveau le point de droit déjà tranché et que, si tel était le cas, il lui opposerait la fin de non-recevoir ad hoc. Dans un tel cas de figure, le plaideur anticipe donc sur le mécanisme négatif de l’autorité de la chose jugée50. Dès lors, il y a lieu de souscrire à la remarque selon laquelle « il n’existe aucune différence de nature entre l’effet négatif et l’effet positif de la chose jugée. Fondamentalement, la réalité est la même : seule varie d’une situation à l’autre l’importance de la matière litigieuse identique »51. Il est clair que le but est d’empêcher toute remise en cause de la chose déjà jugée et, partant, d’éviter les contrariétés de décisions52.
2522. Il a aussi été avancé que la différence de nature entre les deux fonctions de l’autorité de la chose jugée résulterait justement de ce que l’effet positif aurait seulement pour fonction d’éviter les contrariétés de décisions, alors que l’effet négatif n’aurait d’autre visée que d’empêcher le renouvellement d’un litige déjà tranché53. Toutefois, sous sa forme négative, l’autorité de la chose jugée empêche également toute possibilité d’incompatibilité de décisions. Ne pouvant recommencer un litige déjà jugé, tout risque de contradiction est en effet écarté. Inversement, la fonction positive empêche bien un tel recommencement : seulement, comme le point de contact entre les deux procès est partiel, il faut observer que ce n’est que la question de droit déjà tranchée qu’il n’est pas possible de débattre à nouveau. Le phénomène est le même, il traduit l’extinction du droit d’action. Ce qui paraît fausser la pensée, c’est que l’action peut tout aussi bien servir à désigner, dans un sens large, l’ensemble des points soumis au juge à l’occasion d’un procès que, dans un sens plus restreint, une des demandes composant l’objet du litige. L’impression peut ainsi dominer qu’une différence de nature sépare les deux fonctions alors qu’existe seulement une différence de degré54.
2623. Pour résumer la distinction de l’effet négatif et de l’effet positif, un exemple s’avère particulièrement éclairant : entre les mêmes parties à un litige lié à l’indemnisation de l’aggravation d’un préjudice, les deux fonctions de l’autorité de la chose jugée peuvent tour à tour être sollicitées. Que ce soit en matière de réparation d’un préjudice corporel ou d’un désordre immobilier, il est des cas où le dommage, judiciairement réparé, s’aggrave postérieurement à la décision ayant statué sur le quantum de l’indemnisation. Dans un premier temps, la question de la recevabilité de la nouvelle action de la victime se pose. Comme l’objet de la nouvelle demande – la réparation de l’aggravation du préjudice – se distingue de celui de la demande initiale – la réparation du préjudice initial -, le défendeur ne saurait opposer l’autorité négative de la chose jugée par la première décision. Dans un second temps, la victime-demanderesse peut se prévaloir de l’autorité positive de la chose jugée par la première décision pour considérer que le principe de la responsabilité de l’auteur du dommage – à condition que le fait générateur du dommage initial et de son aggravation soit le même – est acquis afin que l’auteur défendeur ne discute plus ce point et que le juge le tienne pour acquis55.
27Ainsi précisée dans sa nature et dans sa fonction, l’autorité de la chose jugée se distingue clairement de la force exécutoire.
2824. La force exécutoire, en effet, ne vise pas à l’immutabilité, mais à l’effectivité de la décision, à sa transposition réelle dans les faits. A défaut d’exécution volontaire, le jugement, en tant qu’il est un titre exécutoire revêtu de la formule exécutoire, peut faire l’objet d’une exécution forcée grâce éventuellement au concours de la force publique56. Il est vrai que la force exécutoire accroît la portée du commandement judiciaire, lequel, une fois transposé dans les faits, franchit un pas vers une certaine intangibilité. Il est par exemple impossible de revenir concrètement sur une décision d’expulsion effectivement exécutée. Mais il reste que cette intangibilité n’est que factuelle ; elle résulte de la force des choses. Pour la distinguer de celle, purement juridique, qui résulte de l’autorité de la chose jugée, il est préférable de parler d’irréversibilité. Il n’est pas toujours au pouvoir du droit de revenir sur certaines situations. Les fictions juridiques que constituent la rétroactivité et les obligations de remise en état se heurtent parfois à un état de fait irréversible. Seule une réparation par équivalent est alors concevable. Pour prendre un exemple plus cocasse, il est évident que le fait, pour un juge des référés, d’interdire le recours à la cryogénisation pour conserver le corps d’une personne décédée en vue des progrès futurs de la science57 constitue une décision, si elle se trouve transposée dans les faits par le biais de l’exécution provisoire, sur laquelle il ne sera pas possible de revenir en cas d’infirmation en appel58. Il est donc clair que ces deux attributs du jugement, l’autorité de la chose jugée et la force exécutoire, répondent à des fonctions rigoureusement distinctes. D’ailleurs, alors que l’autorité de la chose jugée se rattache plus à la jurisdictio59, la force exécutoire concerne indiscutablement l’imperium du juge60.
2925. Pourtant, certains flottements conceptuels ont pu apparaître, aboutissant parfois à la confusion des deux notions. Notamment, la doctrine publiciste du début du 20ème siècle, en défendant l’idée d’une autorité absolue de chose jugée pour en faire le critère de l’acte juridictionnel, avait tendance à inclure l’autorité de la chose jugée et la force exécutoire dans une notion unique, celle de force de vérité légale61. Alors que les vestiges de cette confusion s’observent encore dans certaines branches du droit rattachées au droit public, celle-ci n’est plus de mise en droit privé.
3026. En droit administratif, il semble qu’une conception large de l’autorité de la chose jugée domine encore. L’institution y est non seulement perçue comme interdisant le renouvellement des litiges, mais aussi comme justifiant la force obligatoire du jugement permettant ainsi le recours à l’exécution forcée62. En outre, le caractère objectif du contentieux de la légalité implique une autorité absolue de chose jugée, l’annulation d’un acte administratif illégal valant erga omnes63.
3127. En droit constitutionnel, l’appréhension de l’autorité de la chose jugée est encore plus ambiguë ; mais cela résulte de la nature elle-même ambiguë du Conseil constitutionnel et, par voie de conséquence, des décisions qu’il est amené à rendre. Entre une nature normative impliquant l’autorité souveraine et absolue de la règle de droit et une nature juridictionnelle commandant l’autorité de la chose jugée, le Conseil constitutionnel n’en a pas moins opté en faveur de la seconde branche de l’alternative. Effectivement, les traits de l’autorité de la chose jugée se retrouvent indiscutablement, dans leur fonction négative, lorsque le Conseil s’interdit de contrôler la constitutionnalité d’une loi qui, en substance, a un objet analogue à celui d’une précédente loi déclarée contraire à la Constitution64. De la même manière, l’autorité de la chose jugée peut être discernée sous sa forme positive, lorsque les juges judiciaire et administratif considèrent qu’en application de l’article 62, alinéa 2, de la Constitution, ils sont tenus d’appliquer la loi conformément à l’interprétation donnée par le Conseil constitutionnel65. Néanmoins, ne s’agit-il pas plutôt d’autorité de chose interprétée, puisqu’en réalité la nature procédurale de l’autorité de chose jugée n’est, ici, absolument pas en jeu ? Le but n’est pas de contester l’existence du droit d’agir en justice, mais bien plutôt d’assurer une interprétation convergente de la Constitution. En tout état de cause, lorsqu’il est précisé que les pouvoirs exécutif et législatif doivent se conformer aux décisions du Conseil constitutionnel66, il s’agit à l’évidence plus de force obligatoire que d’autorité de chose jugée67. Le fait que le Président de la République ne puisse promulguer une loi déclarée contraire à la Constitution ou que le Sénat se doive de modifier son règlement intérieur en considération des décisions du Conseil relève plus de la mise à exécution d’un acte juridique que de la volonté d’éviter le renouvellement d’un litige.
3228. Quoi qu’il en soit, c’est en droit européen des droits de l’homme que la confusion des notions est portée à son paroxysme. Aux termes de l’article 46 de la Convention européenne des droits de l’homme, « les Hautes parties contractantes s’engagent à se conformer aux décisions de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties ». Il est couramment déduit de cette disposition que les décisions de la Cour européenne bénéficient tout à la fois de l’autorité de la chose jugée et de la force obligatoire68. Or, ici, l’autorité de la chose jugée n’est pas invoquée pour s’opposer au renouvellement du litige déjà tranché par la Cour européenne, mais pour justifier l’obligation de l’Etat partie à la procédure de se conformer au dispositif de la décision européenne : « reconnaître l’autorité de chose jugée d’un arrêt de la Cour, c’est mettre à exécution son dispositif en tenant compte des motifs qui en sont le soutien nécessaire »69. La confusion est donc totale. Par ailleurs, les autres Etats ont quant à eux l’obligation de se conformer à la jurisprudence européenne, de telle sorte qu’on en vient à parler d’autorité de chose interprétée.
3329. Tous ces éléments permettent de constater combien l’autorité de la chose jugée peut servir des finalités différentes selon le contexte dans lequel elle est amenée à intervenir. Il est clair, à cet égard, que « l’amplification de l’incidence des décisions du Conseil constitutionnel comme le développement – non moins considérable – de l’autorité des sentences internationales pousse chaque jour un peu plus la doctrine de Droit public à revisiter l’ancien concept de la chose jugée pour y trouver quelque éclaircissement au cœur de ses interrogations du moment »70. Partant de là, il convient de mesurer combien le mouvement est différent en droit privé.
3430. Effectivement, en ce domaine, les effets lato sensu du jugement ne cessent d’être disséqués. Les attributs du jugement, principalement processuels (autorité de la chose jugée, force exécutoire, force probante, hypothèque judiciaire, interversion des prescriptions…), sont opposés à ses effets substantiels. Ces derniers, récemment mis en exergue par la doctrine, s’attachent au commandement du juge en ce qu’il constitue une norme concrète, prenant le relais de la norme légale abstraite, pour modifier l’ordonnancement juridique71. Cette efficacité substantielle comprend deux éléments principaux : la force obligatoire du jugement à l’égard des parties et son opposabilité aux tiers72. A une conception de l’autorité de la chose jugée qui pourrait donc être qualifiée de maximaliste, les privatistes préfèrent une vue des choses plus minimaliste73. Seule cette dernière conception sera adoptée dans cette étude. Le but est alors, notamment, de clairement distinguer l’autorité de la chose jugée, au sens strict – ou privatiste, selon le choix -, de la force obligatoire et de la force exécutoire du jugement qui, auparavant, avaient tendance à subir le tropisme du premier concept. La distinction n’est pas seulement théorique ; d’importantes conséquences pratiques en résultent. Deux exemples peuvent venir illustrer le propos : celui du moment où interviennent l’autorité de la chose jugée et la force exécutoire ainsi que la question de l’autorité de la chose jugée des sentences arbitrales et des jugements étrangers.
3531. S’agissant du moment de l’autorité de la chose jugée et de la force exécutoire, la procédure pénale pourrait laisser accroire qu’il n’y a pas lieu de distinguer. En effet, la plupart des voies de recours étant, en cette matière, suspensives d’exécution, l’exécution forcée n’est possible qu’une fois ces voies de droit épuisées. Or, justement, les pénalistes ne font intervenir l’autorité de la chose jugée qu’après épuisement des voies de recours suspensives d’exécution. Le jugement a donc l’autorité en même temps qu’il devient exécutoire. Mais, malgré cette identité de points de départ, les auteurs font clairement la distinction, s’agissant du jugement pénal, entre ces deux attributs74. De plus, l’autorité de la chose jugée peut, malgré tout, exister indépendamment de la force exécutoire : le cas est prévu par l’article 692 du Code de procédure pénale pour les jugements étrangers : la personne justifiant avoir été condamnée à l’étranger peut s’opposer aux poursuites engagées en France à raison des mêmes faits au moyen de l’exception de chose jugée et ce, indépendamment du point de savoir si le jugement étranger est exécutoire.
3632. En procédure civile, la distinction est encore moins douteuse puisqu’en principe, les deux attributs n’interviennent pas au même moment. L’autorité de la chose jugée assortit le jugement dès son prononcé, peu important, a priori, l’exercice des voies de recours. La force exécutoire n’intervient, de son côté, que lorsque le jugement est passé en force de chose jugée (NCPC, art. 501)75, c’est-à-dire lorsque les voies de recours suspensives d’exécution ont été épuisées, ou lorsque, par exception, le jugement bénéficie de l’exécution provisoire76. Si les notions d’autorité de la chose jugée et de force exécutoire sont clairement distinctes, un lien certain, en revanche, unit celles de force exécutoire et de force de chose jugée. Le mot « force », d’ailleurs, en témoigne, puisqu’il évoque l’idée de contrainte. Ce n’est que par exception que la force exécutoire précède le moment où la décision passe en force de chose jugée, lorsque le jugement est assorti de l’exécution provisoire. Une décision peut donc être exécutoire sans être passée en force de chose jugée – c’est par exemple le cas d’une ordonnance de référé -, de même qu’inversement, une décision peut être déjà passée en force de chose jugée sans pour autant être exécutoire – si, par exemple, cette décision n’a pas été notifiée.
3733. Quant à la question des effets, lato sensu, de la sentence arbitrale et du jugement étranger, après une période de confusion entre autorité de la chose jugée et force exécutoire, le droit positif français est revenu à plus d’orthodoxie.
38S’agissant de la sentence arbitrale, la jurisprudence a pendant longtemps subordonné son autorité de chose jugée à une décision d’exequatur77. La procédure d’exequatur allait au-delà de sa fonction première, conférer la force exécutoire à la sentence, pour en quelque sorte modifier la nature de celle-ci et en faire un véritable acte juridictionnel. Cette vue des choses a été critiquée78, car la fonction de l’exequatur doit se limiter à l’attribution de la force exécutoire79. Cette conception est, depuis le nouveau Code de procédure civile, de droit positif. L’article 1476 de ce Code dispose en effet que la sentence arbitrale a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’elle tranche. La formule est identique à celle de l’article 480 du nouveau Code de procédure civile concernant les jugements rendus par les juridictions françaises. L’instance en exequatur n’a d’autre finalité que de conférer la force exécutoire à la sentence (NCPC, art. 1477). Certes le juge procède à un contrôle de la régularité de la sentence (existence de la sentence, conformité à l’ordre public, respect de la clause compromissoire) ; mais ce contrôle ne saurait constituer un contrôle du fond de l’acte80. L’autorité de la chose jugée dont bénéficie la sentence, dès son prononcé, s’y oppose. La solution est la même pour les sentences internationales ou étrangères (NCPC, art. 1498 et 1500).
3934. Concernant les jugements étrangers, la confusion découle de la même origine : la nécessité d’un exequatur, lequel semblait constituer le seul mode de reconnaissance de telles décisions. Avant tout exequatur, la jurisprudence se montrait réticente à admettre l’autorité de la chose jugée des jugements étrangers81. La Cour de cassation a franchi un premier pas, en 1860, avec le fameux arrêt Bulkley aux termes duquel elle a considéré « que les jugements étrangers relatifs à l’état et à la capacité des personnes, produisent leurs effets en France indépendamment de toute déclaration d’exequatur, sauf les cas où ces jugements doivent donner lieu à des actes d’exécution »82. Mais l’autorité de la chose jugée était alors noyée dans la notion générique d’effets du jugement. Ce n’est qu’en 1908 que la Cour de cassation a accueilli « franchement une exception de chose jugée fondée sur un jugement étranger de divorce, en limitant le jeu de cette exception aux décisions d’état et aux jugements constitutifs »83. En revanche, pour les jugements déclaratifs rendus en matière patrimoniale, la jurisprudence dominante ne leur reconnaît toujours pas l’autorité de la chose jugée indépendamment de l’exequatur84, alors que depuis l’arrêt Munzer du 7 janvier 1964, la Cour de cassation a abandonné le système de la révision du jugement étranger dans le cadre de l’instance en exequatur85. Depuis cet arrêt et celui rendu par la première chambre civile le 20 février 200786, le juge français doit seulement, pour conférer ou non l’exequatur, vérifier que trois conditions sont remplies : la compétence indirecte du juge étranger, la conformité du jugement à l’ordre public international de fond et de procédure et l’absence de fraude à la loi. Par conséquent, le juge français n’a plus la possibilité qu’il se reconnaissait avant « d’examiner la valeur du dispositif sous le double rapport de l’appréciation des faits et de l’application des règles de droit »87.
4035. Il n’est dès lors pas étonnant que la doctrine ait critiqué cette distinction fondée sur la nature et l’objet du jugement88. En effet, si le juge français ne peut contrôler le bien ou le mal-fondé de la solution au fond, c’est bien que, malgré tout, une certaine immutabilité est reconnue au contenu du jugement étranger dès avant son exequatur, peu important le caractère constitutif ou déclaratif du jugement ou le fait que celui-ci porte sur des droits patrimoniaux ou extra patrimoniaux. Le principal argument avancé en faveur de cette reconnaissance de l’autorité de la chose jugée du jugement étranger indépendamment de l’exequatur repose sur le fait que l’exception de litispendance internationale a, quant à elle, été reconnue pour tous les jugements, sans considération de leur nature ni de leur objet. Dès lors, si sur la seule constatation de l’existence d’une procédure pendante à l’étranger, le tribunal français saisi postérieurement de la même affaire doit surseoir à statuer, c’est bien dans la perspective de l’autorité de la chose jugée dont sera revêtue cette décision étrangère. Par conséquent, si une procédure étrangère simplement pendante est de nature à paralyser l’action introduite en France, il doit, a fortiori, en aller de même lorsque le jugement étranger a été rendu89. En attendant les évolutions futures de la jurisprudence, il est à relever que la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, qui est devenue le règlement du 22 décembre 2000, renforce les critiques de la doctrine, puisque ses dispositions prévoient que les jugements émanant des Etats membres sont efficaces de plein droit dans les autres Etats contractants, sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure. Et cette efficacité est interprétée comme englobant l’autorité de la chose jugée90. La confusion entre autorité de chose jugée et force exécutoire n’est donc pratiquement plus de mise s’agissant des sentences arbitrales et des jugements étrangers.
b) Autorité de la chose jugée et force de chose jugée
4136. L’autorité de la chose jugée doit ensuite être clairement distinguée de la force de chose jugée ou, plus exactement, de la décision passée en force de chose jugée91.
42Il a déjà été précisé que l’autorité de la chose jugée tend à assurer l’immutabilité de la vérification juridictionnelle en rendant irrecevable toute action en justice ayant pour conséquence de remettre en cause ce qui a été déjà jugé.
4337. La décision passée en force de chose jugée s’inscrit quant à elle dans un contexte plus formel, lié à la force exécutoire du jugement92. L’article 500 du nouveau Code de procédure civile dispose : « A force de chose jugée le jugement qui n’est susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution ». Cette situation concerne donc diverses hypothèses : un arrêt d’appel passe en force de chose jugée dès son prononcé, car le pourvoi en cassation, en principe, n’est pas suspensif d’exécution93. Un jugement de première instance rendu en premier ressort passe en force de chose jugée à l’expiration du délai d’appel, si du moins cette voie de recours n’est pas exercée. Rendu en dernier ressort, c’est dès son prononcé qu’il acquiert force de chose jugée. Par ailleurs, une ordonnance de référé, qui n’a pas autorité de la chose jugée au principal, peut tout à fait avoir force de chose jugée94.
4438. Avant le nouveau Code de procédure civile, la notion n’était pas textuellement définie. La Cour de cassation fournissait la définition suivante : décision qui ne peut être attaquée que par les voies extraordinaires de recours95. Le nouveau Code de procédure civile a donc déplacé le critère. Ce n’est plus le caractère ordinaire ou extraordinaire de la voie de recours qui est pris en compte, mais son caractère suspensif ou non d’exécution. La différence est mince puisqu’en principe, les voies de recours ordinaires sont celles qui sont suspensives d’exécution. Mais il est des cas où les deux caractères ne vont pas de pair : lorsque le pourvoi en cassation est suspensif, comme en matière de divorce par exemple (NCPC, art. 1086), ou lorsque l’appel ne l’est pas, ce qui est par exemple le cas des décisions du juge de l’exécution (décret du 31 juill. 1992, art. 30)96.
4539. Si la procédure pénale fait bien appel au concept d’autorité de la chose jugée, la notion de force de chose jugée, en revanche, est ignorée. Il est vrai que ce stade intermédiaire du procès civil n’a pas lieu en matière pénale puisque, par principe, les voies de recours sont toutes suspensives d’exécution97. Toutefois, l’article 112-1 du Code pénal dispose que la loi pénale moins sévère s’applique immédiatement aux procès en cours, sous réserve des décisions passées en force de chose jugée. La question se pose donc de savoir si cette expression est employée au sens strict, celui de l’article 500 du nouveau Code de procédure civile, ou dans un sens moins précis, synonyme de décision irrévocable98.
c) Décision passée en force de chose jugée et décision irrévocable
4640. La notion d’irrévocabilité se distingue, en troisième lieu, de celle de force de chose jugée. Contrairement à la force de chose jugée, l’irrévocabilité n’a pas de définition textuelle. La doctrine, de manière presque unanime, la définit comme le seuil atteint par toute décision de justice lorsque celle-ci n’est plus susceptible de voie de recours, aussi bien ordinaire qu’extraordinaire. Même si cette étude va permettre d’étoffer cette définition, il convient d’insister sur le fait que la force de chose jugée marque un stade en principe intermédiaire dans le déroulement du procès, alors que l’atteinte de l’irrévocabilité en marque le point d’aboutissement ultime.
47Pourtant, les deux expressions sont souvent tenues pour synonymes. Aussi bien la loi, que la jurisprudence ou la doctrine procèdent parfois à cette assimilation99. Il convient donc de distinguer la notion de force de chose jugée au sens strict, ou technique, de celle au sens large. La première, la plus exacte, est celle définie par le nouveau Code de procédure civile100. En l’absence d’autres précisions, c’est à cette seule définition qu’il sera fait référence dans cette étude. Cependant, il importera aussi de savoir discerner les cas dans lesquels c’est le sens large de l’expression qui est visé.
48Quoi qu’il en soit et pour ne s’attacher qu’à la signification technique des termes, quand seules les voies de recours suspensives d’exécution sont épuisées, la décision passe en force de chose jugée. Quand toutes les voies de recours ont été utilisées ou sont fermées, le jugement devient irrévocable. Parfois, le moment où une décision passe en force de chose jugée et celui où elle devient irrévocable coïncident. Tel est le cas du jugement qui n’est pas frappé d’appel dans le délai ad hoc. A l’expiration de celui-ci, la décision passe en force de chose jugée puisque l’appel n’est plus recevable et elle devient dans le même temps irrévocable, un pourvoi en cassation n’étant pas possible contre une décision rendue en premier ressort (NCPC, art. 605). En procédure pénale, il y a également coïncidence en raison de l’effet suspensif de toutes les voies de recours, si bien qu’en cette matière, la distinction n’a pas grande utilité.
4941. L’emploi du terme irrévocable a été critiqué. Il a été soutenu que l’irrévocabilité, au sens précis, c’est « l’impossibilité de rétracter un acte juridique »101. Par conséquent, l’irrévocabilité ne protégerait l’acte qu’à l’égard de son auteur, c’est-à-dire, pour l’acte juridictionnel, qu’à l’égard du juge102. Ainsi, pour M. Tomasin103, il vaudrait mieux parler d’inattaquabilité, terme qui viserait aussi bien le juge que les parties. Pour justifiée que soit cette critique, il semble toutefois préférable, au bénéfice de quelques explications, d’en rester à l’usage courant.
5042. En effet, deux acceptions du terme irrévocabilité peuvent être distinguées. La première, plutôt utilisée dans le domaine du droit substantiel, correspond au sens précis du terme : l’impossibilité, pour l’auteur de l’acte, de le rétracter. C’est ainsi qu’il est fait référence à l’irrévocabilité du contrat104, à l’irrévocabilité de l’adoption plénière105, à l’irrévocabilité de la reconnaissance de paternité106, à l’irrévocabilité des donations107, à l’irrévocabilité de l’aveu108 ou, encore, à l’irrévocabilité des réponses de la cour d’assises aux questions posées par le Président109. Inversement, c’est toujours dans ce sens que les expressions de révocabilité de l’adoption simple110, de révocabilité de la procuration du mandant111 ou de révocabilité des actes administratifs112 sont employées. La seconde acception du terme concerne l’acte juridictionnel et s’avère moins précise ; elle est utilisée comme synonyme d’inattaquable ou d’incontestable113. Il serait alors tentant de proposer de remplacer le verbo irrévocable, qui paraît inadapté à la situation de l’acte juridictionnel, par l’un de ces deux termes. Cependant, cela n’est pas souhaitable, car ce serait bouleverser un usage linguistique généralisé. En effet, ce terme est utilisé aussi bien par le droit positif que par la doctrine pour désigner la décision qui n’est plus susceptible de voies de recours114.
5143. Pour ce qui est du droit positif, le législateur use moins souvent que le juge de l’expression jugement irrévocable. Celle-ci figure principalement dans les dispositions transitoires des lois, notamment lorsqu’elles sont déclarées immédiatement applicables, y compris aux instances en cours115. Il est alors nécessaire, au nom du principe de la séparation des pouvoirs, de réserver le sort des instances ayant donné lieu à des décisions irrévocables116. Cet emploi modéré de l’expression par le législateur s’explique en réalité par le recours à d’autres termes. La plupart du temps, en effet, il est fait appel aux vocables décisions ou jugements définitifs, alors pourtant que cette dernière expression présente un caractère amphibologique. En procédure et dans un sens strict, le jugement définitif est celui qui tranche tout ou partie du principal, sans égard au point de savoir si ce jugement est susceptible de voie de recours117. Or, il est des cas où le législateur laisse entendre que le terme définitif est employé en tant que synonyme d’irrévocable118. Mais, le plus souvent, rien n’est précisé, de telle sorte qu’une incertitude regrettable en résulte119. Il revient alors au juge, lorsqu’un problème d’interprétation se fait jour, de préciser le sens de la disposition litigieuse120.
5244. La jurisprudence, quant à elle, utilise beaucoup plus fréquemment les termes de décision irrévocable. La Cour de cassation, toutes chambres confondues, le fait notamment pour relater la procédure de l’affaire portée à sa connaissance121. Nul doute que, dans ces espèces, elle emploie l’expression pour désigner la décision qui n’est plus susceptible de voie de recours ; un arrêt du 23 novembre 1994, rendu par la deuxième Chambre civile, précise même : « (…) le jugement du 6 mars 1986 ayant fait l’objet d’un appel puis d’un pourvoi qui avait été rejeté, était devenu irrévocable »122. Plus fondamentalement, la Haute juridiction fait appel à la notion lorsque le caractère irrévocable d’une décision est la condition ou l’effet d’une norme. Ainsi a-t-il été jugé que « l’annulation d’un arrêt, si généraux et absolus que soient les termes dans lesquels elle a été prononcée, est limitée à la portée du moyen qui lui a servi de base et qu’elle laisse subsister comme irrévocables toutes les dispositions qui n’ont pas été attaquées par le pourvoi »123. De même, en droit de la famille, la deuxième chambre a décidé que « la demande de prestation compensatoire n’est recevable que si elle a été formée au cours de la procédure de divorce », si bien que la cour d’appel, qui déclare recevable la demande de prestation compensatoire formée postérieurement au jugement prononçant le divorce et devenu irrévocable, viole les articles 271 et 273 du Code civil124. Toujours en ce domaine, cette chambre a également jugé qu’une cour d’appel ne pouvait pas modifier « sans l’accord des parties la convention définitive devenue irrévocable »125 ou qu’elle devait, au contraire, appliquer la « convention définitive irrévocable, revêtue de l’autorité de la chose jugée »126 ! L’occasion s’est aussi présentée à la Chambre criminelle de la Cour de cassation d’avoir à constater le caractère irrévocable d’une décision, pour régler un conflit négatif de compétence en procédant à un règlement de juges127. L’expression de décision irrévocable est donc souvent employée par le juge. Les exemples pourraient être multipliés à l’envie128. Au demeurant, il est évident qu’une certaine confusion terminologique règne, particulièrement chez les juges du fond, pour qui les expressions décision définitive, décision irrévocable ou décision passée en force de chose jugée, voire décision irrévocablement passée en force de chose jugée129, sont souvent indistinctement employées.
5345. La doctrine, enfin, utilise largement l’expression de décision irrévocable. Les auteurs de procédure civile attachent le plus grand soin à distinguer cette notion de celles de force de chose jugée et d’autorité de chose jugée130. Les auteurs de procédure pénale, quant à eux, font preuve de plus de souplesse et utilisent indistinctement les expressions « décision irrévocable » et « décision définitive »131. Cette fongibilité des termes est encore plus flagrante chez beaucoup d’auteurs de droit substantiel, qui procèdent aussi à cette assimilation. Or, cette dernière est critiquable et il convient maintenant d’expliquer pourquoi il importe de distinguer ces deux notions.
d) Jugement irrévocable et jugement définitif
5446. En pratique, les termes de jugement définitif et irrévocable sont couramment employés l’un pour l’autre132. Le Code de procédure pénale utilise même le terme de jugement définitif dans le sens de décision irrévocable. L’article 708 est à cet égard topique. Il précise que « L’exécution à la requête du ministère public a lieu lorsque la décision est devenue définitive. » Or, il est évident que l’exécution de la décision pénale ne peut avoir lieu qu’une fois les voies de recours épuisées, celles-ci étant suspensives, et que, par conséquent, le terme « définitif » est employé au sens d’irrévocable133.
5547. La décision irrévocable est celle qui n’est plus susceptible de voie de recours, soit parce que ces dernières ont été exercées, soit parce que leurs délais sont expirés. Cette conception est valable pour les deux types de procédure, avec cependant quelques différences qui tiennent aux voies de recours particulières à chacune de ces matières.
56La décision définitive, stricto sensu, est celle par laquelle le juge tranche tout ou partie du litige, de telle manière qu’il se trouve dessaisi relativement aux questions tranchées. En cela, le jugement définitif s’oppose au jugement avant dire droit, par lequel le juge se contente d’ordonner une mesure préparatoire au jugement (par exemple une expertise) ou d’attente (c’est le cas des mesures provisoires ordonnées pendant la durée du procès)134.
5748. En procédure pénale, déterminer si le jugement est définitif ou ne l’est pas a pour principal intérêt de savoir si l’appel est immédiatement possible ou non. Le Code de procédure pénale n’emploie pas le terme de décision définitive, mais de décision au fond135. Ce n’est que pour cette dernière que l’appel est immédiatement recevable. Pour les jugements distincts des jugements sur le fond qui, en pratique, sont aussi appelés les jugements séparés, cette voie de recours ne sera possible que si la décision a mis fin à l’instance (CPP, art. 507)136. Ceci est par exemple le cas lorsque le tribunal s’est déclaré incompétent ou a statué sur tout autre incident mettant fin à l’instance (incident tendant par exemple à faire constater l’extinction de l’action publique).
5849. Le nouveau Code de procédure civile a également préféré employer le terme de décision sur le fond plutôt que celui de jugement définitif137. D’aucuns pensent que le but était d’éviter toute confusion avec la notion de décision irrévocable138. Mais, le terme de décision sur le fond n’est pas non plus très adéquat. L’article 480 du nouveau Code de procédure civile range en effet sous cette rubrique non seulement les jugements qui tranchent tout ou partie du principal, mais aussi ceux qui statuent sur une exception, une fin de non-recevoir ou tout autre incident. Or, de tels jugements ne touchent évidemment pas au fond du droit, lequel est en effet classiquement défini comme « tout ce qui, dans le débat, tend à établir le bien-fondé ou le mal-fondé des prétentions, à la différence de contestations qui portent sur la régularité des procédures ou la compétence des juridictions »139. Certes, la notion de fond peut être plus largement envisagée. Ainsi M. Desdevises a-t-il fait remarquer que si le fond, dans une première analyse, correspond au fond du litige et comprend l’ensemble des questions substantielles qui y sont envisagées, « le fond d’une prétention soumise à un juge peut aussi être constitué par un problème de procédure »140. En effet, poursuit l’auteur, lorsque le juge se prononce sur une exception d’incompétence, une exception de procédure ou une fin de non-recevoir, il la tranche véritablement, en ce sens que sa décision sur ce point aura l’autorité de la chose jugée et le dessaisira de son pouvoir juridictionnel. Toujours selon cet auteur, il n’est donc pas incorrect de parler par exemple du fond d’une exception de procédure.
5950. Toutefois, comme son étude le montre, la notion de fond est suffisamment polysémique pour ne pas aggraver cette regrettable source d’imprécision. Il paraît donc préférable de s’en tenir à l’acception la plus courante du terme fond, en tant qu’il s’oppose à la forme, donc, et même si le trait est réducteur, à la procédure. C’est d’ailleurs en ce sens que le nouveau Code de procédure civile oppose les défenses au fond aux exceptions de procédure et aux fins de non-recevoir, ou alors prévoit des dispositions spéciales lorsqu’un jugement, pour trancher un problème de compétence, doit préalablement résoudre une question de fond dont dépend la détermination de la compétence. Par conséquent, il est souhaitable, comme le soulignent MM. Cadiet et Jeuland, de s’en tenir à l’expression de jugement définitif141. D’autant que le nouveau Code de procédure civile oppose les jugements sur le fond aux autres jugements, et que cette catégorie résiduelle comprend les jugements avant dire droit, les ordonnances de référé et les ordonnances sur requête. Or, dès l’instant que le point commun de ces trois types de décisions réside dans leur caractère provisoire, il semblerait plus logique, tout simplement, d’opposer les jugements définitifs aux jugements provisoires142. Cette dernière catégorie pourrait alors se subdiviser en deux sous-catégories mises en exergue par la doctrine143 : les jugements provisoires par leur objet (mesures provisoires ordonnées pour la durée du procès, par exemple) et les jugements provisoires par nature (ce qui est le cas des ordonnances de référé, des ordonnances sur requête ou encore des ordonnances du juge ou du conseiller de la mise en état).
6051. Comme en procédure pénale, l’intérêt principal qui s’attache à la qualité de jugement définitif en procédure civile est de savoir si la décision sera susceptible d’appel immédiat. En effet, aux termes de l’article 545 du nouveau Code de procédure civile, les jugements avant dire droit ne sont en principe susceptibles d’appel qu’avec le jugement sur le fond. Mais, outre cet intérêt et à la différence, cette fois, de la procédure pénale, la qualification permet aussi de savoir s’il faudra reconnaître l’autorité de la chose jugée au jugement. L’article 480 du même Code n’attribue en effet cette autorité qu’au jugement définitif. Les jugements avant dire droit, de même que les ordonnances de référé ou les ordonnances sur requête, n’ont pas autorité de chose jugée, si bien que les parties peuvent à tout moment, si des circonstances nouvelles le justifient, obtenir du juge qu’il revienne sur sa décision. En procédure pénale, seuls les jugements définitifs, ou sur le fond, ont aussi l’autorité de la chose jugée, mais uniquement à partir du moment où ils sont devenus irrévocables. En procédure civile, c’est dès son prononcé que le jugement définitif bénéficie de l’autorité de la chose jugée.
6152. Finalement, le jugement définitif est celui qui entraîne le dessaisissement du juge. Au regard de la question ainsi tranchée, le juge aura épuisé ses pouvoirs juridictionnels ; il ne pourra modifier ou revenir d’une quelconque manière sur cette question, sauf exception légalement prévue (voie de recours permettant au juge de se rétracter, requête en interprétation, en rectification d’erreur matériel, etc). C’est parce que le juge a épuisé ses pouvoirs juridictionnels relativement à cette question que le jugement est définitif. Il ne l’est même que pour le juge, qui ne peut y revenir. A l’égard des parties, il ne s’imposera pas définitivement, puisque les voies de recours pourront être exercées.
62Par ailleurs, il importe de préciser que le jugement définitif n’est pas toujours celui qui met fin à l’instance. Le juge peut régler le litige par tranches successives. En matière pénale, le tribunal peut par exemple statuer sur la culpabilité et ajourner le prononcé de la peine (CPP, art. 469-1), régler le sort de l’action publique et renvoyer sur les intérêts civils (CPP, art. 464, al. 4) ou, encore, trancher le principe de la responsabilité et ordonner une expertise aux fins d’évaluation du préjudice, pour fixer ultérieurement le quantum de l’indemnisation144. Ainsi, le premier jugement, bien qu’en partie définitif145, ne mettra pas fin à l’instance. Généralement, le jugement qui met fin à l’instance est celui qui statue sur les dépens et autres frais de procédure146. En principe, le juge aura alors vidé l’objet du litige.
6353. En définitive, alors que la décision irrévocable met un terme à tout le procès, tous degrés de juridiction confondus, le jugement définitif ne met fin qu’à une partie de l’instance, voire, au mieux, à l’instance complète ; mais il ne s’agira toujours que d’une instance particulière du procès, première instance ou instance d’appel par exemple. Il est donc permis de dire que la notion de décision irrévocable s’inscrit dans la théorie de l’action, alors que celle de jugement définitif concerne la théorie de l’instance147.
64Une fois opérées ces différentes distinctions, il est maintenant possible de procéder à plusieurs rapprochements.
2. Rapprochements
6554. Pour distinctes qu’elles soient, les différentes notions qui viennent d’être étudiées présentent néanmoins des points de convergence ; les examiner permet alors d’encore mieux cerner tous ces concepts procéduraux. Le premier facteur de rapprochement est constitué par l’emploi commun du terme de chose jugée, dont il convient dès lors de préciser les contours (a). Ensuite, il sera nécessaire d’établir les liens qu’entretiennent les notions de jugement passé en force de chose jugée et de jugement irrévocable (b). Ce n’est qu’à partir de là qu’il sera possible de montrer combien les notions de force de chose jugée et d’irrévocabilité, d’un côté, et d’autorité de chose jugée, de l’autre, se complètent pour assurer une fonction générale commune (c).
a) Chose jugée
6655. Les termes « chose jugée » font partie des nombreuses notions qui viennent d’être évoquées : autorité de la chose jugée, force de chose jugée, irrévocabilité de la chose jugée. Alors que ces dernières correspondent à des concepts strictement définis, la chose jugée est l’expression générique qui désigne le contenu de l’acte juridictionnel. Il est vrai que le juriste a souvent tendance, brevitatis causa, à tenir pour synonymes les expressions chose jugée et autorité de la chose jugée148. Il sera dit : « il y a chose jugée », pour signifier qu’une décision de justice a été rendue et qu’il est par conséquent impossible de la remettre en cause. Une telle approximation doit néanmoins être évitée.
6756. Le Vocabulaire juridique de l’Association Henri Capitant, publié sous la direction de M. Cornu, donne une définition plus exacte de l’expression chose jugée : « Ce qui a été tranché par le juge pour mettre fin à une contestation »149. Il s’agit donc du contenu décisionnel du jugement, qui figure principalement dans son dispositif. La chose jugée, c’est ce qui a été jugé : l’accueil d’une action en recherche de paternité, la condamnation d’un débiteur à exécuter un engagement contractuel, la relaxe d’un prévenu, etc.
68De manière plus moderne, le contenu décisionnel du jugement est désigné sous l’expression d’efficacité substantielle150.
b) Décision passée en force de chose jugée et décision irrévocable
6957. Il a été vu que la décision passée en force de chose jugée et la décision irrévocable se distinguent en ce qu’elles correspondent à deux stades distincts de l’évolution d’un procès, le critère de distinction passant par la nature des voies de recours qui ont été utilisées ou qui sont fermées. Il n’en demeure pas moins que ces deux notions sont liées par le fait qu’elles participent à un même processus, celui d’épuisement des voies de recours. Le moment de l’irrévocabilité n’est que le degré d’intangibilité supérieur à celui du passage en force de chose jugée. Du point de vue conceptuel, les deux notions se situent au même plan. La distinction est seulement technique : l’épuisement des voies de recours suspensives d’exécution est nécessaire pour que le jugement passe en force de chose jugée ; l’épuisement de toutes les voies de recours est en principe requis pour que la décision devienne irrévocable. Plus précisément, il est possible de mettre en relief cette unité conceptuelle en s’attachant à la fonction négative des voies de recours.
7058. Généralement, lorsqu’on traite des voies de recours, seule leur fonction positive est évoquée. Il est ainsi généralement indiqué qu’elles constituent un outil conférant la possibilité de voir rejuger une affaire déjà tranchée. Indubitablement, il s’agit là de la finalité première et fondamentale de ces voies de droit. Pour autant, elles sont dotées d’une autre finalité, plus médiate. Or, cette fonction cachée des voies de recours, pour être secondaire, n’en est pas moins dénuée d’importance. Elle consiste à marquer le degré d’intangibilité de la chose jugée en fonction du point d’avancement du procès. Plus le procès sera avancé dans la hiérarchie des voies de recours, plus la chose jugée pourra prétendre à une certaine intangibilité. Et lorsque les voies de recours sont épuisées ou fermées, la décision est irrévocable et se trouve ainsi à l’abri de toute possibilité de remise en cause151. En complément à ce jeu de forclusion, la règle « voies de nullité n’ont lieu contre les jugements » permet de s’opposer à l’utilisation des voies de droit commun pour contourner le canal, légalement obligatoire, des voies de recours. Ainsi, il apparaît que, par une politique juridique plus ou moins explicite, les voies de recours, en même temps qu’elles se sont développées, ont été organisées de manière à être limitées en nombre, soumises à des délais d’exercice énergiques et ouvertes dans des cas ou pour des moyens prédéterminés. C’est cette fonction indirecte des voies de recours qui peut ainsi être qualifiée de fonction négative. Par conséquent, les notions de force de chose jugée et d’irrévocabilité participent au même processus, celui de l’accession de la chose jugée à l’irrévocabilité. Mais alors, ce processus d’accession à l’irrévocabilité, dans la mesure où il conduit à assurer l’intangibilité de la chose jugée, doit aussitôt être rapproché de l’autorité de la chose jugée qui, elle aussi, vise à asseoir cette intangibilité.
c) Processus d’accession à l’irrévocabilité et autorité de la chose jugée
7159. La fonction négative des voies de recours semble faire double emploi avec l’autorité de la chose jugée. Le but recherché est le même, du moins dans ses grandes lignes : assurer l’intangibilité de la chose jugée, empêcher toute possibilité de remise en cause de ce qui a été jugé. En vérité, ce rapprochement fonctionnel du processus d’accession à l’irrévocabilité et de l’autorité de la chose jugée n’a d’autre but que de souligner une différence conceptuelle. En effet, l’autorité de la chose jugée empêche la remise en cause de la chose jugée en interdisant de soumettre à un juge du premier degré ce qui a déjà fait l’objet d’un règlement juridictionnel. En revanche, le processus d’accession à l’irrévocabilité, en ce qu’il passe par la clôture successive des voies de recours, empêche la remise en cause de la chose jugée devant les juges compétents sur voie de recours. La première signifie que les procès ne peuvent être recommencés une fois qu’ils ont été jugés. L’irrévocabilité, quant à elle, vise justement à assurer la fin des procès. Plus exactement, l’autorité de la chose jugée vise à assurer la stabilité de la chose jugée à l’extérieur du procès, par rapport à un autre procès qui pourrait remettre en cause le résultat du premier, alors que l’irrévocabilité tend à empêcher un renouvellement infini du litige à l’intérieur du même procès152. L’autorité de chose jugée empêche le recommencement du procès et se comprend donc dans une approche horizontale – comparaison de deux procès mis sur le même plan -cependant que l’irrévocabilité s’oppose à la perpétuation du procès et, à ce titre, intervient verticalement – enchaînement des instances au sein du même procès.
7260. La différence ainsi mise en exergue n’est pas seulement de degré, mais aussi de nature. Alors que l’autorité de la chose jugée s’attache au contenu de l’acte juridictionnel, la force de chose jugée et l’irrévocabilité concernent le jugement lui-même153. C’est d’ailleurs pourquoi les expressions de décision passée en force de chose jugée ou de jugement irrévocable sont employées. Ce n’est que par extension qu’il est possible de parler de chose irrévocablement jugée. Le caractère irrévocable de l’acte rejaillit sur son contenu pour contribuer à son intangibilité. Il est ainsi courant d’utiliser les termes de « divorce irrévocable » pour traduire l’idée que le jugement le prononçant se trouve à l’abri des voies de recours154. Au demeurant, il est parfois même préférable de ne s’attacher qu’au contenu de l’acte juridictionnel lorsque, par l’effet d’un appel ou d’un pourvoi limité, seuls certains points du débat sont remis en cause. L’acte sera effectivement dans ce cas partiellement irrévocable.
7361. Quoi qu’il en soit, l’autorité de la chose jugée se distingue bien du phénomène de clôture des voies de recours. Ces deux modes de consolidation de la chose jugée, s’ils interviennent la plupart du temps de manière combinée155, peuvent aussi se dissocier. Il en va par exemple ainsi de l’ordonnance de référé ou de l’ordonnance sur requête qui ne bénéficient pas de l’autorité de la chose jugée, du moins au sens traditionnel du terme, alors que les voies de recours peuvent être expirées à son égard. Néanmoins, l’autorité de la chose jugée et le processus de clôture des voies de recours reçoivent une sanction identique, se traduisant par l’irrecevabilité de l’action introduite156.
7462. Ces précisions permettent alors de voir combien l’autorité de la chose jugée et l’irrévocabilité sont des notions qui poursuivent une finalité générale commune – assurer l’intangibilité de la chose jugée – tout en le faisant chacune à sa manière et de façon complémentaire. A partir de là, il est possible de montrer tout l’intérêt qui s’attache à l’irrévocabilité de la chose jugée.
III. Intérêts et problématique de l’étude
7563. Les intérêts de l’étude de l’irrévocabilité de la chose jugée ne se limitent pas à des questions purement terminologiques. Il s’agit avant tout de concourir à l’élaboration d’une théorie de l’irrévocabilité. Il a déjà été précisé que cette dernière advient au terme d’un phénomène de clôture des voies de recours. Or, ce phénomène, cette fonction cachée des voies de recours, mérite de faire l’objet d’une étude d’ensemble, indépendamment de l’autorité de la chose jugée qui a jusqu’à présent focalisé l’attention de la doctrine.
7664. Plusieurs systèmes juridiques étrangers insistent sur le phénomène de conduite de la chose jugée à l’irrévocabilité. Tout particulièrement, les processualistes allemands et italiens se sont passionnés pour l’autorité de la chose jugée et semblent avoir mieux intégré dans leur système l’effet produit par la clôture des voies de recours157. De nombreuses théories ont ainsi été édifiées, une des plus importantes étant celle qui oppose l’autorité matérielle à l’autorité formelle, ces termes étant pris dans un sens différent de la théorie déjà évoquée, qui oppose la conception matérielle (modification du fond du droit) à la conception formelle ou processuelle (influence de l’autorité de la chose jugée sur le droit d’agir des plaideurs) de l’autorité de la chose jugée. Selon ces écoles étrangères158, l’autorité matérielle se caractérise par la volonté d’éviter les contrariétés de décisions et correspond à ce que le système français appelle l’autorité négative et l’autorité positive de la chose jugée : ce qui a été jugé est tenu pour vrai et ne peut être remis en cause. L’autorité formelle, quant à elle, est destinée à sauvegarder l’inattaquabilité de la décision une fois les voies de recours épuisées : « le jugement, pris comme tel, d’une manière formelle et externe, n’est plus susceptible, au cours d’une même procédure, d’être attaqué après l’exercice des voies de recours ou l’expiration de leurs délais. […] l’autorité formelle de la chose jugée se rapproche de ce que l’on désigne en droit français en disant qu’un jugement est « passé en force de chose jugée » ou même, pour être plus précis, « en force de chose jugée irrévocable » »159. Le droit espagnol connaît aussi de cette distinction entre autorité matérielle et autorité formelle160. L’irrévocabilité de la chose jugée, connue de nombreux droits étrangers sous le nom d’autorité formelle, existe également en droit français, mais de manière sous-jacente.
7765. Effectivement, nombreux sont les auteurs de procédure civile qui précisent que l’épuisement progressif des voies de recours renforce la présomption résultant de l’autorité de la chose jugée161. Une sorte de punctation162 juridictionnelle marquerait l’avènement du jugement irrévocable. Jacques Héron a également écrit, dans cette veine, que « le respect de l’intangibilité de la chose jugée est plus important que le respect de la loi substantielle. Il faut répéter, à cette occasion, que le seul moyen de remettre en cause l’autorité de la chose jugée est d’exercer une voie de recours. Si la voie de recours n’est pas formée ou si elle est formée trop tard, aussi critiquable ou aberrant qu’il puisse être, le jugement acquiert une autorité irrévocable de la chose jugée »163. Les auteurs français ne sont donc pas totalement indifférents à ce phénomène de clôture des voies de recours. Parfois, il est indiqué qu’une fois les voies de recours épuisées, intervient « la purge des vices »164. Cela signifie que, même entaché d’erreur, si grave soit-elle, le jugement à l’abri des voies de recours s’avère inexpugnable165.
7866. La notion d’irrévocabilité est donc sous-jacente. Elle est souvent confondue avec l’autorité de la chose jugée ou présentée par trop sommairement, sans réel effort d’analyse théorique. La notion précise ainsi que son régime restent à construire. Cette surprenante lacune pourrait être révélatrice de l’inanité de l’entreprise. Ne serait-il pas possible de conclure, d’emblée, que l’irrévocabilité n’existe pas, tant le droit répugne à des solutions absolutistes ? L’irrévocabilité ne serait qu’une chimère à laquelle succombe parfois le système juridique lorsque, surestimant ses pouvoirs, il prétend figer un univers en perpétuel mouvement. N’est-il pas souhaitable que la chose jugée, fût-elle irrévocable, s’efface en présence d’une erreur judiciaire patente ? L’admission du recours en révision ne signe-t-elle pas l’impuissance du système juridique à rendre totalement irrévocables les décisions de justice166 ? Ceci est incontestable ; le terme d’irrévocabilité est trop ambitieux pour désigner le degré d’intangibilité qu’il recouvre en réalité.
7967. Pour autant, il faut que les procès aient une fin ; la nécessité est impérieuse. Quand bien même cette fin ne serait qu’un principe, auquel il serait exceptionnellement permis de déroger, il est capital d’en déterminer le moment. A défaut, comment savoir si le procès a trouvé son dénouement dans un délai raisonnable, où placer la fin de la présomption d’innocence, à partir de quand faire courir les effets d’un divorce, etc ? Plus fondamentalement, comment considérer que le service public de la justice remplit sa mission si les jugements rendus peuvent être éternellement remis en cause ?
8068. Le point de départ de cette introduction réapparaît : l’irrévocabilité est le résultat de la conciliation des deux finalités essentielles du procès que sont la recherche de la justice la meilleure et la quête de stabilité de la chose jugée167. En présence d’impératifs aussi contraires, mais également importants, la solution retenue ne saurait être qu’un compromis, au sens noble, celui de synthèse, d’équilibre mûrement soupesé. Au demeurant, le système juridique tout entier s’efforce de parvenir à un équilibre entre idéalisme et réalisme, entre la justice et la sécurité168, entre la légalité et la stabilité des situations juridiques169 ou encore entre le juste et le sage170. Il en résulte que l’irrévocabilité, malgré la connotation absolue du vocable, ne serait jamais totale. Ce terme, trop prétentieux, ne correspond pas à un degré absolu d’intangibilité. Effectivement, deux temps se profilent autour du moment de l’irrévocabilité. En premier lieu, pendant le temps qui le précède, la priorité doit être accordée à la recherche de la solution la plus juste et la plus conforme au droit. Les voies de recours, dans leur fonction première et positive, répondent à cet objectif. L’intangibilité ne doit intervenir que progressivement et par paliers, au fur et à mesure de l’épuisement de ces voies de droit. En second lieu, une fois la chose jugée parvenue au stade de l’irrévocabilité, l’équilibre des intérêts en présence doit s’inverser. Le souci de stabilité doit prendre le dessus ; les possibilités de remise en cause de la chose jugée peuvent exister, pour pallier les injustices ou les incohérences les plus flagrantes, mais elles doivent rester exceptionnelles et obéir à de strictes conditions.
8169. La démarche adoptée pour chercher à démontrer que le concept d’irrévocabilité de la chose jugée est juridiquement digne d’intérêt ne suivra toutefois pas cette chronologie. Il ne va pas s’agir d’étudier le principe de l’irrévocabilité pour ensuite en tracer les limites. Cette relativité du concept ne va constituer que le postulat théorique de l’entreprise. Le travail qui va suivre s’avère en réalité plus technique, même si cette technique a nécessairement partie liée avec ce présupposé qu’elle ne tendra qu’à corroborer. L’ambition vise en effet à construire le régime juridique de l’irrévocabilité de la chose jugée ou, de manière plus réaliste, compte tenu de l’étendue du sujet et de sa nouveauté, à en édifier certaines de ses bases. Les données du droit positif relatives à l’irrévocabilité sont certes éparses, mais suffisamment significatives et cohérentes pour donner lieu à l’élaboration d’un régime juridique commun, confirmant l’existence d’une notion autonome et unitaire. Les développements qui précèdent ont déjà laissé entendre qu’au moment de l’irrévocabilité étaient subordonnées d’importantes conséquences juridiques. Cette fin de principe du procès consacre effectivement la perfection – au sens d’accomplissement, de parachèvement - de l’acte juridictionnel qui, dès cet instant, se trouve pourvu de la plénitude de ses effets. Il est par conséquent primordial de cerner au plus près le mécanisme d’accession à l’irrévocabilité, ce qui revient à étudier le processus de clôture des voies de recours. Dès lors, il sera possible d’examiner en quoi le stade de l’irrévocabilité marque la fin du procès et quels sont les effets qui s’y attachent. Tout naturellement, il convient donc d’analyser les conditions de l’irrévocabilité (première partie) avant d’en étudier les effets (seconde partie).
Notes de bas de page
1 H. MOTULSKY, Principes d’une réalisation méthodique du droit privé (la théorie des éléments générateurs des droits subjectifs), Sirey, 1948, réédition Dalloz, 1992.
2 V. en ce sens : M. VIRALLY, La pensée juridique, LGDJ, 1960, p. 106 ; JAPIOT, cité par J. MIGUET, Immutabilité et évolution du litige, LGDJ, 1977, préf. P. HEBRAUD, n° 552, qui écrit : « si l’on envisage le litige dès ses débuts et dans son ensemble on doit dire que c’est ce litige qui continue et que la fonction juridictionnelle ne sera pleinement exercée vis-à-vis de lui qu’au moment où, les effets du pourvoi en cassation s’étant entièrement accomplis, la solution de ce litige ne pourra plus être remise en question […] En effet c’est seulement à cette date que se réalisera le caractère d’irrévocabilité qui est le trait essentiel de la fonction juridictionnelle » ; M.-A. FRISON-ROCHE, « La procédure injuste », in De l’injuste au juste, Dalloz, 1997, pp. 77-87, spéc. p. 82 ; J.-F. BURGELIN, J.-M. COULON et M.-A. FRISONROCHE, « L’office de la procédure », in Le juge entre deux millénaires, Mélanges offerts à Pierre Drai, Dalloz, 2000, pp. 253-267, ces derniers auteurs écrivant (p. 264) : « Par une sorte d’échange, la procédure doit se contraindre à tendre vers le jugement définitif, à rechercher son propre anéantissement, faute de quoi toute l’institution juridictionnelle est pervertie ».
3 M.-A. FRISON-ROCHE, « Autorité de la chose jugée et voies de recours dans les procédures collectives », LPA 1998, n° 129, pp. 16-22.
4 Avec des nuances : AUBRY et RAU, Cours de droit civil français, t. XII, 5ème éd. par BARTIN, LGDJ, 1922, pp. 450 à 452 ; J. GHESTIN, G. GOUBEAUX et M. FABRE-MAGNAN, Traité de droit civil, Introduction générale, 4ème éd., 1994, n° 622 ; H. et L. MAZEAUD, J. MAZEAUD et F. CHABAS, Leçons de droit civil, t. I, 1er vol. ; Introduction à l’étude du droit, 12ème éd. par F. CHABAS, 2000, n° 385 ; F. TERRE, Introduction générale au droit, 7ème éd., 2006, n° 746.
Contra : S. GUINCHARD [dir.], Droit et pratique de la procédure civile, Dalloz, 2005/2006, n° 421-32 ; P. JULIEN et N. FRICERO, Droit judiciaire privé, LGDJ, 2001, n° 530.
5 L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Litec, 5ème éd., 2006, n° 736 ; J. HERON, Droit judiciaire privé, Montchrestien, 3ème éd. par T. LE BARS, 2006, n° 349 ; P. JULIEN et N. FRICERO, Droit judiciaire privé, LGDJ, 2001, n° 533 ; R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, t. II, Procédure pénale, Cujas, 5ème éd., 2001, n° 884 ; B. BOULOC, Procédure pénale, Dalloz, 20ème éd., 2006, n° 981 ; S. GUINCHARD et F. FERRAND, Procédure civile, Droit interne et droit communautaire, Dalloz, 28ème éd., 2006, n° 226 ; Rép. Dalloz Procédure civile, V° Chose jugée par G. WIEDERKEHR, n° 309.
6 La notion de droit privé est ici comprise dans un sens large, comme englobant toutes les matières qui y sont traditionnellement rattachées, et par opposition à la notion de droit public. Dans cette perspective, et bien que cela soit parfois discuté, le droit pénal et la procédure pénale font parties du droit privé. Comp. avec la notion de droit judiciaire : E. VERGES, La catégorie juridique des principes directeurs du procès judiciaire, thèse, Aix-Marseille, 2000, dactyl., n° 15.
7 E. VERGES, « Procès civil, procès pénal : différents et pourtant si semblables », D 2007, pp. 1441-1447.
8 Sur l’étendue et les limites de cette influence, v. notamment : F. BUSSY, « L’attraction exercée par les principes directeurs du procès civil sur la matière pénale », RS crim. 2007, pp. 39-55.
9 Sur ce principe, v. notamment : B. BOULOC, Procédure pénale, Dalloz, 20ème éd., 2006, n° 20 ; S. GUINCHARD et alii, Droit processuel, Droit commun et droit comparé du procès équitable, Dalloz, 4ème éd., 2007, n° 336 ; S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Litec, 3ème éd., 2005, n° 8 ; A. VITU, « Les rapports de la procédure pénale et de la procédure civile », in Mélanges offerts à Pierre Voirin, LGDJ, 1966, pp. 812-828, spéc. p. 814 et s. ; B. BOULOC, « Procédure civile et procédure pénale », in J. FOYER et C. PUIGELIER [dir.], Le nouveau Code de procédure civile (1975-2005), Economica, 2006, pp. 369-376.
10 Et ce malgré les récentes réformes contribuant à renforcer l’aspect accusatoire de cette phase du procès pénal, en accordant notamment aux parties la possibilité de demander certains actes utiles à la manifestation de la vérité (loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes), ou en rendant le déroulement des expertises contradictoire (loi du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de procédure pénale).
11 V. notamment : L. CADIET [dir.], Dictionnaire de la Justice, PUF, 2004, V° Procédure accusatoire/Procédure inquisitoire, par C. AMBROISE-CASTEROT.
12 V. aussi E. VERGES, La catégorie juridique des principes directeurs du procès judiciaire, thèse, Aix-Marseille, 2000, dactyl., n° 414 et ss., qui relève que le procès pénal se civilise alors que, réciproquement, le procès civil se pénalise.
13 S. GUINCHARD et alii, Droit processuel, Droit commun et droit comparé du procès équitable, Dalloz, 4ème éd., 2007. Comp. avec E. JEULAND, Droit processuel, LGDJ, 2007, n° 14, pour qui le droit processuel ne vise pas tant à l’élaboration d’un droit commun processuel, qu’à la comparaison des différentes procédures et à la mise en perspective de leur traits communs et de leurs singularités. Adde. S. GUINCHARD, « Le réveil doctrinal d’une belle au bois dormant trop longtemps endormie ou la procédure civile entre droit processuel classique, néo-classique ou européaniste et technique d’organisation du procès », in Liber amicorum en l’honneur de Raymond Martin, Bruylant, 2004, pp. 97-109.
14 Parmi une bibliographie abondante : S. GUINCHARD et alii, Droit processuel, Droit commun et droit comparé du procès équitable, Dalloz, 4ème éd., 2007, spéc. pp. 45-338 ; S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Litec, 3ème éd., 2005, n° 8 ; S. GUINCHARD, « Le procès équitable : droit fondamental ? », AJDA 1998, pp. 191-208.
Pour l’influence des sources européennes sur la procédure : J.-P. DINTILHAC, « Confrontation entre le Code de procédure civile et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales », in J. FOYER et C. PUIGELIER [dir.], Le nouveau Code de procédure civile (1975-2005), Economica, 2006, pp. 415-424 ; S. GUINCHARD, « L’influence de la Convention européenne des droits de l’Homme et de la jurisprudence de la Cour européenne sur la procédure civile », LPA du 12 avril 1999, n° 72, pp. 4-20 ; S. GUINCHARD et N. FRICERO, « Le nouveau Code de procédure civile et la Convention européenne des droits de l’homme », in J. FOYER et C. PUIGELIER [dir.], Le nouveau Code de procédure civile (1975-2005), Economica, 2006, pp. 425-438 ; J. NORMAND, « Le rapprochement des procédures civiles dans l’Union Européenne », in Le nouveau Code de procédure civile : vingt ans après, actes du colloque des 11 et 12 décembre 1997 organisé par la Cour de cassation, La documentation française, Paris, 1998, pp. 265-283 ; J. PRADEL, « Vers des principes directeurs communs aux diverses procédures pénales européennes, in Mélanges Georges Levasseur, Droit pénal, droit européen, Gaz. Pal.-Litec, 1992, pp. 459-472 ; G. ROUHETTE, « La procédure civile et la Convention européenne des droits de l’Homme », ibid. pp. 285-319.
Pour l’influence des sources constitutionnelles sur la procédure : L. FAVOREU, « La constitutionnalisation du droit pénal et de la procédure pénale. Vers un droit constitutionnel pénal », in Droit pénal contemporain, Mélanges en l’honneur d’André Vitu, Cujas, 1989, pp. 169-209 ; S. GUINCHARD, « Retour sur la constitutionnalisation de la procédure civile », in Le juge entre deux millénaires, Mélanges Drai, pp. 355-368 ; N. MOLFESSIS, « La procédure civile et le droit constitutionnel », in Le nouveau Code de procédure civile : vingt ans après, La documentation française, Paris, 1998, pp. 245-263. Comp. avec la position soutenue par B. BEIGNIER, « Hiérarchie des normes et hiérarchie des valeurs, Les principes généraux du droit et la procédure civile », in Mélanges Catala, Litec, 2001, pp. 153-170.
15 S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Litec, 3ème éd., 2005, n° 8.
16 A. VITU, « Les rapports de la procédure pénale et de la procédure civile », in Mélanges offerts à Pierre Voirin, LGDJ, 1966, pp. 812-828, spéc. p. 813 ; B. BOULOC, « Procédure civile et procédure pénale », in J. FOYER et C. PUIGELIER [dir.], Le nouveau Code de procédure civile (1975-2005), Economica, 2006, pp. 369-376. Adde. H. LALOU, « Le Code de procédure civile et la procédure pénale », D 1951, chron., pp. 33-36.
17 Pour une critique de cette divergence, v. infra n° 834 et ss.
18 G. CORNU et J. FOYER, Procédure civile, PUF, 3ème éd., 1996, p. 2.
19 G. LEVASSEUR, « De quelques singularités des voies de recours en matière répressive », Etudes offertes à Jean Vincent, Dalloz, 1981, pp. 213-232. L’auteur, avant de souligner ces singularités, montre d’abord les nombreuses similitudes qui rapprochent les voies de recours en matière pénale et civile.
20 L’autorité de la chose jugée y étant absolue, elle vaut erga omnes, ce qui explique que la tierce opposition soit inconcevable : J. MAROTTE, L’incompatibilité des décisions de justice en droit judiciaire privé interne, européen et international, thèse, Paris X-Nanterre, 2001, dactyl., n° 491 ; V. aussi L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Litec, 5ème éd., 2006, n° 854.
21 W. BARANES, M.-A. FRISON-ROCHE et J.-H. ROBERT, « Pour le droit processuel », D 1993, chron., pp. 9-11.
22 Egalement en ce sens : P. JULIEN, obs. sous civ. 2ème, 8 juill. 2004, D 2005, p. 336.
23 V. par ex. : P. HEBRAUD, « L’exécution des jugements civils », RID comp. 1957, pp. 170-202, spéc. p. 178 ; Rép. Dalloz Procédure civile, V° Chose jugée par G. WIEDERKEHR, n° 21 et ss.
24 H. ROLAND et L. BOYER, Adages du droit français, Litec, 4ème éd., 1999, n° 396, Res judicata pro veritate accipitur, qui notent que l’institution est une création du droit romain dont le fonctionnement était pleinement assuré au premier siècle de l’Empire. La maxime figure aussi au Digeste (50, 17, 207) parmi les diversae regulae juris antiqui. Pour une étude plus détaillée, v. aussi : H. JOURDAN, La consommation du droit d’agir en justice dans la procédure romaine. Principe et sanction, thèse, Grenoble, 1900, Imprimerie Paul Legendre et Cie, Lyon.
Toutefois, la démonstration a pu être faite que le droit babylonien connaissait aussi de règles propres à éviter le renouvellement des litiges tranchés : E. SZLECHTER, « L’autorité de la chose jugée en droit babylonien », in Etudes offertes à J. Macqueron, Faculté de droit et des sciences économiques d’Aix-en-Provence, Imprimerie Louis-Jean, 1970, pp. 613-627.
25 G. WIEDERKEHR, « Sens, signifiance et signification de l’autorité de la chose jugée », in Mélanges Normand, éd. du Juris-Classeur, 2003, pp. 507-518. Regards croisés sur l’autorité de la chose jugée, colloque des 3 et 4 mai 2007 organisé par le Centre de recherches en droit privé et l’Institut d’études judiciaires de l’Université de Caen, Procédures août septembre 2007, pp. 560, et spéc. C. BLERY, « Qu’est-ce que l’autorité de la chose jugée ? Une question d’école ? », pp. 6-9. Adde. Rép. Dalloz Procédure civile, V° Chose jugée par G. WIEDERKEHR, n° 10.
26 Pratiquement tous les auteurs mettent l’accent, avec des nuances, sur cette finalité : J. GHESTIN, G. GOUBEAUX et M. FABRE-MAGNAN, Traité de droit civil, Introduction générale, LGDJ, 4ème éd., 1994, n° 621, qui écrivent que : « la règle est justifiée par la nécessité pratique de mettre un terme aux litiges en empêchant de renouveler indéfiniment les mêmes procès » ; F. TERRE, Introduction générale au droit, Dalloz, 7ème éd., 2006, n° 745, qui relève que « L’autorité de la chose jugée qui s’attache à la chose jugée, c’est l’impossibilité où l’on est de remettre en question le point sur lequel il a été statué » ; B. STARCK, H. ROLAND et L. BOYER, Introduction au droit, Litec, 5ème éd., 2000, n° 141, qui traitent de l’autorité de la chose jugée en tant qu’instrument de stabilité ; J. CARBONNIER, Droit civil, Introduction, PUF, 27ème éd., 2002, n° 190, qui, en plus de mettre en avant cette nécessité de mettre un terme aux litiges, indique, plus positivement, que l’autorité de la chose jugée marque aussi le moment où le litige est vidé et tranché une fois pour toutes ; Rép. pr. civ. Dalloz, V° Chose jugée, par G. WIEDERKEHR, n° 6, qui définit l’autorité de la chose jugée comme « la force particulière attachée au jugement qui interdit de le remettre en cause, si ce n’est par l’exercice des voies de recours, dans la mesure où il en reste d’ouvertes » ; L. CADIET [dir.], Dictionnaire de la Justice, PUF, 2004, V° Autorité de chose jugée, par G. WIEDERKEHR.
27 L’autorité de la chose jugée n’est pas, à proprement parler, un effet du jugement ; elle n’en est pas la conséquence. Il est donc préférable de parler de qualité du contenu du jugement ou d’attribut.
28 J. FOYER, De l’autorité de la chose jugée en matière civile. Essai d’une définition, thèse, Paris 1954 ; D. TOMASIN, Essai sur l’autorité de la chose jugée en matière civile, LGDJ, 1975, préf. P. HEBRAUD.
29 H. ROLAND et L. BOYER, Adages du droit français, Litec, 4ème éd., 1999, n° 396 ; cette conception de l’autorité de la chose jugée se retrouve dans le terme verdict, qui vient du latin vere dictum, qui signifie « à la lettre : véritablement dit, mais au sens actif : dire la vérité » : J. M. VARAUT, « Approche de l’erreur judiciaire », LPA, 30 oct 2001, pp. 6-10.
30 J. CARBONNIER, Droit civil, Introduction, PUF, 27ème éd., 2002, n° 192. V. aussi : Travaux de l’Association Henri Capitant, La vérité et le droit (Journées canadiennes), t. XXXVIII, Economica, 1987, et spéc., rapport de synthèse par G. CORNU, pp. 1-17 ; Le doute et le droit, Dalloz, 1994, et spéc. le rapport de synthèse par F. TERRE, pp. 1-12 ; J.-P. DINTILHAC, « La vérité de la chose jugée », in Rapport annuel de la Cour de cassation, 2004, La vérité, pp. 5766 ; G. WIEDERKEHR, « La logique du procès, Propos introductifs », in Libertés, justice, tolérance, Mélanges en hommage au doyen Gérard Cohen-Jonathan, Bruylant, 2004, t. 2, pp. 1751-1756 ; J.-M. le MASSON, La recherche de la vérité dans le procès civil, thèse, Nantes, 1991, dactyl. 2 t., qui montre que la vérité judiciaire repose sur une logique formelle, celle du syllogisme judiciaire (p. 94), mais que la relativité de cette vérité résulte de la part de subjectivité intervenant dans le choix des prémisses qui s’effectue de manière plus rhétorique que logique (p. 162) et que, finalement, « le droit comme le procès civil se contentent d’une vérité satisfaisante au regard des normes sociales » (p. 501). Pour des exemples concrets de cette relativité de la vérité judiciaire, v. R. LINDON, « A chaque tribunal sa vérité », JCP 1967, I, 2081. V. aussi, sur les rapports qu’entretiennent la vérité judiciaire et la vérité scientifique, G. DALBIGNAT-DEHARO, Vérité scientifique et vérité judiciaire en droit privé, LGDJ, 2004, préf. L. CADIET et, pour une approche plus philosophique de la vérité judiciaire : J.-C. BILLIER, Vérité et vérité judiciaire, Les cahiers de la justice, printemps 2007, pp. 195-222.
31 J. HERON, Droit judiciaire privé, Montchrestien, 3ème éd. par T. LE BARS, 2006, n° 332.
32 C. ATIAS, « L’erreur grossière du juge », D 1998, pp. 280-282.
33 J. FOYER, De l’autorité de la chose jugée en matière civile. Essai d’une définition, thèse, Paris, 1954, dactyl., p. 325.
34 S. GUINCHARD et F. FERRAND, Procédure civile, Droit interne et droit communautaire, Dalloz, 28ème éd., 2006, n° 217.
35 D. TOMASIN, Essai sur l’autorité de la chose jugée en matière civile, LGDJ, 1975, préf. P. HEBRAUD, n° 334 ; v. aussi : AUBRY et RAU, Cours de droit civil français, t. XII, LGDJ, 5ème éd. par BARTIN, 1922, p. 453, où il est écrit : « Les jugements qui déclarent l’existence d’une créance ou d’une obligation, opèrent novation en ce sens que, pour l’avenir, la chose jugée tient lieu de cause à l’obligation. »
36 H. MOTULSKY, Droit processuel, textes recueillis par M. M. CAPEL, Montchrestien, 1975, p. 262.
37 Il a par ailleurs été établi que la modification de l’ordonnancement juridique produite par le jugement n’est pas à rattacher à l’autorité de la chose jugée, mais intervient de manière autonome : C. BLERY, L’efficacité substantielle des jugements civils, LGDJ, 2000, préf. P. MAYER.
38 T. LE BARS, « Autorité positive et autorité négative de chose jugée », Procédures août-septembre 2007, pp. 9-12.
39 En procédure civile, selon la conception dominante, la cause englobe aussi bien les éléments de fait que de droit invoqués à l’appui de la demande. Il s’agit des faits juridiquement qualifiés, si bien qu’en principe, la modification du fondement juridique de la demande suffit à rendre recevable la nouvelle demande alors même qu’elle tend à l’obtention du même objet : VIZIOZ, Etudes de procédure, éd. Bière, Bordeaux, 1956, n° 57 et ss. ; H. MOTULSKY, « Pour une délimitation plus précise de l’autorité de la chose jugée en matière civile », D 1968, chron., p. 1 ; V. DELAPORTE, « L’étendue de la chose jugée au regard de l’objet et de la cause de la demande », BICC, n° hors série, Rencontres Université-Cour de cassation, 23 janvier 2004, 2ème chambre civile, La procédure civile, pp. 22-27. Toutefois, avec l’arrêt de l’assemblée plénière de la Cour de cassation du 7 juillet 2006, il convient de se demander si, désormais, la cause de la demande ne doit pas être appréhendée sous son aspect uniquement factuel : cass. ass. plén., 7 juill. 2006, rapp. CHARRUAULT, avis BENMAKHLOUF, BICC n° 648, p. 37, D 2006, p. 2135, note L. WEILLER, RTD civ. 2006, p. 825, obs. (crit.) R. PERROT, JCP 2006, I, 183, n° 15, obs. S. AMRANI-MEKKI.
En procédure pénale, la cause vise uniquement le fait matériel à la base des poursuites et non le fait juridiquement qualifié ; l’article 368 du Code de procédure pénale dispose en effet qu’en matière criminelle : « Aucune personne acquittée légalement ne peut plus être reprise ou accusée à raison des mêmes faits, même sous une qualification différente ». En matière correctionnelle et de police, la même solution devrait s’appliquer, la saisine in rem des juridictions imposant une appréciation des faits sous toutes leurs qualifications (v. en ce sens : crim., 19 janv. 2005, pourvoi n° 04-81686, D 2006, p. 622). Sur l’évolution des conceptions en la matière, v. R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, t. 2, Procédure pénale, Cujas, 5ème éd., 2001, n° 893 et ss ; adde. C. GAVALDA, « Aspects actuels du problème de l’autorité de la chose jugée au criminel sur le criminel », JCP 1957, I, 1372 ; R. GASSIN, « Les destinées du principe de l’autorité de la chose jugée au criminel sur le criminel dans le droit pénal contemporain », RS crim. 1963, pp. 239-278 ; P. BOUZAT, « A propos de l’article de M. GASSIN », RS crim. 1964, pp. 359-361.
40 En ce sens, cass. ass. plén., 3 juin 1994, D 1994, p. 395, concl. M. JEOL, JCP 1994, II, 2309, note X. LAGARDE (une première action tendant à critiquer la réalité et la validité du consentement donné à un contrat de vente d’immeuble ne fait pas obstacle à une seconde action fondée sur l’absence de prix réel et sérieux). V. aussi, dans cette veine : civ. 1ère, 11 avr. 1995, D 1996, p. 121, note A. BENABENT ; civ. 1ère, 18 janv. 2000, Bull. civ. I, n° 11 ; com., 27 févr. 2001, pourvoi n° 99-15414 ; civ. 2ème, 19 déc. 2002, Bull. civ. II, n° 292 ; civ. 1ère, 21 janv. 2003, Bull. civ. I, n° 18 ; civ. 1ère, 18 févr. 2003, Bull. civ. I, n° 49 ; civ. 1ère, 21 sept. 2005, RTD civ. 2005, p. 769, obs. J. HAUSER, D 2006, p. 207, note M. LAMARCHE ; soc., 24 mai 2006, JCP 2006, IV, n° 2330.
41 Il s’agit de la solution aujourd’hui consacrée, l’assemblée plénière étant revenue sur la solution issue de l’arrêt du 3 juin 1994 : cass. ass. plén., 7 juill. 2006, rapp. CHARRUAULT, avis BENMAKHLOUF, BICC n° 648, p. 37, D 2006, p. 2135, note L. WEILLER, RTD civ. 2006, p. 825, obs. (crit.) R. PERROT, JCP 2006, I, 183, n° 15, obs. S. AMRANI-MEKKI, JCP 2007, II, 10070, note G. WIEDERKEHR, Dr. et proc. 2006, p. 348, obs. N. FRICERO (Le rejet d’une demande financière fondée sur les textes du Code rural relatifs au salaire différé fait obstacle à la réitération de cette demande sur le fondement de l’enrichissement sans cause). Egalement en ce sens : civ. 1ère, 28 mars 1995, Bull. civ. I, n° 139 ; civ. 2ème, 4 mars 2004, Bull. civ. II, n° 84, D 2004, p. 1204, obs. N. FRICERO ; civ. 1ère, 16 janv. 2007, pourvoi n° 05-21571 ; com., 20 févr. 2007, pourvoi n° 05-18322, JCP 2007, IV, n° 1634. Cette conception large de la cause impose dès lors aux plaideurs, à peine d’irrecevabilité de toute demande ultérieure, de concentrer tous leurs moyens de fait et de droit dans le cadre d’une même action. Un pas de plus vers une encore plus grande recherche d’efficacité et de sécurité juridique pourrait être envisagé en imposant une obligation de concentration, non seulement des moyens, mais également des demandes qui dérivent d’une même cause, comme cela existe en matière prud’homale avec le principe dit de l’unicité de l’instance (C. trav., art. R 516-1). L’autorité de la chose jugée verrait ainsi ses effets démultipliés, puisque seraient couvertes par cette fin de non-recevoir des demandes qui n’auraient aucunement été débattues. Néanmoins, et quoi qu’en décide la Cour de cassation au sujet de l’unicité de l’instance prud’homale (Soc., 28 oct. 1998, pourvoi n° 9643038 ; soc., 5 juill. 2000, pourvoi n° 98-41667), il n’est pas certain qu’une telle extension fictive du domaine de l’autorité de la chose jugée soit conforme au droit à un recours effectif. Pour autant, une telle obligation de concentrer les demandes au sein d’une même action a été étendue aux partages judiciaires (décret du 23 décembre 2006 relatif à la procédure en matière successorale et modifiant certaines dispositions de procédure civile instituant l’article 1374 du nouveau Code de procédure civile).
42 J. FOYER, De l’autorité de la chose jugée en matière civile. Essai d’une définition, thèse dactyl., Paris, 1954, pp. 31 et ss., 94, 109 et ss., 166.
43 G. CORNU et J. FOYER, Procédure civile, PUF, 3ème éd., 1996, n° 139.
44 S. GUINCHARD et F. FERRAND, Procédure civile, Droit interne et droit communautaire, Dalloz, 28ème éd., 2006, n° 225.
45 V. par ex. : F. KERNALEGUEN, « Choses jugées entre elles (Variations sur une harmonie bien tempérée) », Mélanges Normand, Juris-Classeur, 2003, pp. 261-274 ; J. NORMAND, « L’étendue de la chose jugée au regard des motifs et du dispositif », BICC, n° hors série, Rencontres Université-Cour de cassation, 23 janvier 2004, 2ème chambre civile, La procédure civile, pp. 13-21.
46 Dont le champ d’application, d’ailleurs, a été restreint par la loi du 10 juillet 2000 qui a abandonné le principe d’unité des fautes pénale et civile en manière de délits non intentionnels (CPP, art. 4-1).
47 En revanche et sauf exceptions limitativement prévues par les textes, il n’existe pas d’autorité de la chose jugée au civil sur le criminel. Cela revient par conséquent à autoriser le juge pénal à ne pas tenir compte des décisions rendues par son homologue civil, voire à les contredire ouvertement. Un auteur a pu qualifier cette latitude laissée au juge pénal d’« autonomie du juge pénal » : Ph. BONFILS, « L’autonomie du juge pénal », in Les droits et le Droit, Mélanges dédiés à Bernard Bouloc, Dalloz, 2007, pp. 47-57.
48 Civ. 1ère, 4 janvier 1995, D 1996, p. 49, note J. MASSIP. Pour d’autres exemples, v. civ. 1ère, 19 mai 1976, Bull. civ. I, n° 184 ; civ. 3ème, 14 juin 1978, Rev. des loyers 1978, p. 416, note J. VIATTE ; civ. 3ème, 9 janv. 1991, JCP 1991, II, 21729, note L. LEVY ; soc., 4 févr. 1993, Bull. civ. V, n° 42 ; civ. 3ème, 4 oct. 1994, Bull. civ. III, n° 163 ; civ. 1ère, 14 janv. 1997, JCP 1997, IV, n° 458 ; civ. 2ème, 22 mars 2006, pourvoi n° W 04-10776. V. aussi l’article 95 du nouveau Code de procédure civile qui prévoit expressément l’autorité positive du chef de décision qui tranche la question de fond nécessaire à la détermination de la compétence.
49 Aussi est-il nécessaire de s’assurer que la question déjà tranchée invoquée dans le cadre du nouveau procès a bien été contradictoirement débattue dans le cadre du premier. Le principe du contradictoire vient ainsi à juste titre limiter le rayonnement de l’autorité positive de chose jugée, comme l’a souligné Jacques Héron, ce qui explique le caractère contrasté des solutions jurisprudentielles qui tantôt admettent, tantôt refusent de faire jouer cette autorité : J. HERON, « Localisation de l’autorité de la chose jugée ou rejet de l’autorité positive de la chose jugée ? », in Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs, Mélanges en l’honneur de Roger Perrot, Dalloz, 1996, pp. 131-147 ; F. KERNALEGUEN, « Choses jugées entre elles (Variations sur une harmonie bien tempérée) », Mélanges Normand, Juris-Classeur, 2003, pp. 261-274.
50 En ce sens, J. FOYER, De l’autorité de la chose jugée en matière civile, Essai d’une définition, thèse, Paris, 1954, dactyl., p. 310 ; contra : X. LAGARDE, Réflexions critiques sur le droit de la preuve, LGDJ, Bibl. dr. privé, t. 239, 1994, préf. J. GUESTIN, n° 241, qui considère qu’existe une réelle différence de nature entre l’effet négatif et l’effet positif. Le premier serait une règle de recevabilité et le second une véritable règle de fond.
51 J. HERON, Droit judiciaire privé, Montchrestien, 3ème éd. par T. LE BARS, 2006, n° 345.
52 L’autorité positive de chose jugée aurait aussi cette finalité d’accélérer le cours de la justice et de préserver les règles de compétence exclusive : v. notamment J. HERON, « Localisation de l’autorité de la chose jugée ou rejet de l’autorité positive de la chose jugée ? », in Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs, Mélanges en l’honneur de Roger Perrot, Dalloz, 1996, pp. 131-147. Toutefois, le respect des règles de compétence constitue plutôt la cause du phénomène de préjudicialité, et l’accélération du cours de la justice est également un effet de l’autorité négative de la chose jugée, en ce sens que la finalité première est de mettre un terme aux litiges.
53 N. VALTICOS, L’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil, thèse, Paris, 1948, Sirey, 1953.
54 J. MAROTTE, L’incompatibilité des décisions de justice en droit judiciaire privé interne, européen et international, thèse, Paris X-Nanterre, 2001, dactyl., n° 460.
55 Civ. 3ème, 8 oct. 2003, Bull. civ. III, n° 170, D 2003, IR, p. 2727; civ. 2ème, 19 févr. 2004, RTD civ. 2005, p. 147, obs. P. JOURDAIN ; civ. 2ème, 30 juin 2005, RTD civ. 2006, p. 130, obs. P. JOURDAIN. Adde. G. LIET-VEAUX, « Aggravation des désordres et responsabilité décennale des constructeurs », JCP 2004, I, 110.
56 Ph. THERY, « La notion d’exécution », in L’exécution, XXIIIème colloque des Instituts d’Etudes Judiciaires, L’Harmattan, 2001, pp. 9-25 ; L. CADIET [dir.], Dictionnaire de la Justice, PUF, 2004, V° Exécution des décisions de justice, par Ph. THERY ; G. DEHARO, « Ce qu’exécuter veut dire… Une approche théorique de la notion d’exécution », Dr. et proc. 2005, n° 4, pp. 208-214.
57 TGI Saumur, ordonnance de référé, 13 mars 2002, D 2002, IR, p. 1182, LPA du 4 oct. 2002, p. 15, note B. ROLLAND.
58 De manière plus classique, la question s’est posée de savoir si la mise à exécution d’une expulsion prononcée en référé ne conférait pas à la décision de référé un caractère définitif : V. par ex. les observations de P. HEBRAUD sous : soc., 3 mai 1956, RTD civ. 1956, p. 773 et s.
59 Pour certains, l’autorité de la chose jugée, en plus de se rattacher à la jurisdictio, toucherait aussi à l’imperium en ce sens que, lorsque le juge dit le droit, ce dire bénéficie de la force obligatoire : S. GUINCHARD et F. FERRAND, Procédure civile, Droit interne et droit communautaire, Dalloz, 28ème éd., 2006, n° 226 ; S. RIALS, « L’office du juge », in La fonction de juger, Droits, n° 9, 1989, pp. 3-20, spéc. pp. 6 et 7.
60 Il s’agit ici de l’imperium stricto sensu, au sens d’imperium merum ; à envisager l’imperium au sens large du terme, l’imperium mixtum, il est alors possible d’y englober l’autorité de la chose jugée puisque, dans cette signification historique, l’imperium englobe la jurisdictio ; pour ces distinctions, v. C. JARROSSON, « Réflexions sur l’imperium », Etudes Pierre Bellet, 1991, pp. 245-279.
61 G. JEZE, « De la force de vérité légale attachée par la loi à l’acte juridictionnel », RDP 1913, pp. 437-502 ; P. HEBRAUD, « L’exécution des jugements civils », RID comp. 1957, pp. 170-202, spéc. p. 178, où l’auteur écrit que « la force de vérité légale absorbe et unifie, en en faisant la synthèse, à la fois les notions d’autorité de chose jugée et de force exécutoire », pour immédiatement critiquer cette confusion.
62 D. de BECHILLON, « Sur l’identification de la chose jugée dans la jurisprudence du Conseil d’Etat », RDP 1994, pp. 1793-1824 ; J. RODEVILLE-HERMANN, « L’évolution des fonctions du principe d’autorité de chose jugée dans les rapports du juge administratif avec le juge judiciaire, le Conseil constitutionnel et la Cour de justice des Communautés européennes », RDP 1989, pp. 1735-1779 ; M. Chapus semble quant à lui plus proche de la conception privatiste en distinguant clairement l’autorité de la chose jugée de la force exécutoire du jugement : R. CHAPUS, Droit du contentieux administratif, Montchrestien, 11ème éd., 2004, n° 1193 et ss.
63 CE, 13 juill. 1962, Sieur Béart de Boisanger, Les grandes décisions de la jurisprudence, Droit administratif, PUF, par J.-F. LACHAUME, n° 8, p. 144.
64 Décision 258 DC du 8 juill. 1989, citée par L. FAVOREU et L. PHILIP, Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, Dalloz, 13ème éd., 2005, Décision 62-18, Loi d’orientation agricole, commentaire n° 12.
65 L. FAVOREU et L. PHILIP, Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, Dalloz, 13ème éd., 2005, Décision 62-18, Loi d’orientation agricole, commentaire n° 12, spéc. n° 23 et ss. ; G. VEDEL, « Réflexions sur les singularités de la procédure devant le Conseil constitutionnel », in Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs ? Mélanges en l’honneur de Roger Perrot, Dalloz 1996, pp. 537-556 ; L. FAVOREU, « L’application de l’article 62, alinéa 2, de la Constitution par la Cour de cassation », D 2001, le point sur…, pp. 2683-2685.
66 L. FAVOREU et L. PHILIP, Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, Dalloz, 13ème éd., 2005, Décision 62-18, Loi d’orientation agricole, commentaire n° 12, spéc. n° 19 et ss.
67 Pour certains constitutionnalistes, toutefois, cette autorité de chose interprétée fait partie intégrante de l’autorité de la chose jugée, laquelle ne doit pas recevoir en la matière de définition restrictive : B. MATHIEU, « Pour une reconnaissance de l’« autorité de chose interprétée » par le Conseil constitutionnel. A propos de la question des quotas par sexe dans les jurys de concours de la fonction publique », D 2003, point de vue, pp. 1507-1509.
68 J.-F. RENUCCI, Droit européen des droits de l’homme, LGDJ, 3ème éd., 2002, n° 414 ; L. FAVOREU et alii, Droit des libertés fondamentales, Dalloz, 2005, n° 511 ; J.-P. MARGUENAUD (sous la direction de), CEDH et droit privé, L’influence de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’home sur le droit privé français, Mission de recherche droit et justice, La documentation française, 2001, pp. 11 et ss. N. FRICERO, « L’autorité de chose jugée des décisions de la CEDH », Procédures août-septembre 2007, pp. 52-55.
69 J.-P. MARGUENAUD (sous la direction de), CEDH et droit privé, L’influence de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’home sur le droit privé français, Mission de recherche droit et justice, La documentation française, 2001, p. 15.
70 D. de BECHILLON, « Sur l’identification de la chose jugée dans la jurisprudence du Conseil d’Etat », RDP 1994, p. 1794 et s.
71 J. HERON, Droit judiciaire privé, Montchrestien, 3ème éd. par T. LE BARS, 2006, n° 322 et ss. ; C. BLERY, L’efficacité substantielle des jugements civils, LGDJ, 2000, préf. P. MAYER.
72 C. BLERY, L’efficacité substantielle des jugements civils, LGDJ, 2000, préf. P. MAYER, spéc. n° 160.
73 Rép. Dalloz Procédure civile, V° Chose jugée par G. WIEDERKEHR, n° 6.
74 B. BOULOC, Procédure pénale, Dalloz, 20ème éd., 2006, n° 906.
75 Il convient de préciser que la condition, si elle est nécessaire, n’est pas suffisante. Pour être exécutoire, le jugement doit en outre être revêtu de la formule exécutoire (NCPC, art. 502) et avoir été régulièrement notifié (NCPC, art. 503). Pour une illustration des conséquences pratiques qu’il y a lieu de tirer de la distinction entre autorité de la chose jugée et force exécutoire quant au moment où ces attributs se produisent, v., par ex., com., 6 mai 2002, RTD civ. 2002, p. 565, obs. R. PERROT.
76 Il est régulièrement proposé de généraliser l’exécution provisoire des jugements de première instance, voire de supprimer l’effet suspensif d’exécution attaché à l’appel. V. infra n° 798 et ss.
77 Cass. Req. 6 mars 1865, D.P. 1865, 1, 249 ; Cass. Req. 3 nov. 1936, D.H. 1936, 569 ; Bordeaux, 1er déc. 1948, D 1949, 240 ; Amiens, 14 déc. 1949, JCP 1950, IV, 42 ; Cass. Com. 22 déc. 1959, D 1960, 685, note ROBERT.
78 Pour un exposé de ces critiques, v. notamment D. TOMASIN, Essai sur l’autorité de la chose jugée en matière civile, LGDJ, 1975, préf. P. HEBRAUD, n° 19 et ss.
79 E. PUTMAN, « La sentence arbitrale et son exécution », RRJ 1996, pp. 17-32.
80 L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Litec, 5ème éd., 2006, n° 1031.
81 H. MUIR-WATT, « Remarques sur les effets en France des jugements étrangers indépendamment de l’exequatur », in Mélanges Holleaux, Litec, 1990, pp. 301-316, spéc. n° 14.
82 Cass. 28 févr. 1860, DP 1960, 1, 57, S 1960, 1, 210 ; B. ANCEL et Y. LEQUETTE, Les grands arrêts de la jurisprudence française de droit international privé, Dalloz, 5ème éd., 2006, n° 4, p. 30.
83 H. MUIR-WATT, « Remarques sur les effets en France des jugements étrangers indépendamment de l’exequatur », dans Mélanges Holleaux, Litec, 1990, pp. 301-316, spéc. n° 14.
84 P. MAYER et V. HEUZE, Droit international privé, Montchrestien, 8ème éd., 2004, n° 399 ; L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Litec, 5ème éd., 2006, n° 764. Pour une critique de cette solution : F.-X. MORISSET, Le régime de l’efficacité en France des décisions étrangères patrimoniales, thèse Paris Sud XI, 2002, dactyl., spéc. n° 360 et ss.
85 B. ANCEL et Y. LEQUETTE, Les grands arrêts de la jurisprudence française de droit international privé, Dalloz, 5ème éd., 2006, n° 41, p. 357 ; P. MAYER et V. HEUZE, Droit international privé, Montchrestien, 8ème éd., 2004, n° 366 et ss.
86 Civ. 1ère, 20 févr. 2007, pourvoi n° 05-14082, D 2007, p. 727, obs. I. GALLMEISTER, p. 1115, note L. d’AVOUT et S. BOLLEE, par lequel la Haute juridiction est venue supprimer la condition tenant au bon choix de la loi appliquée par le juge étranger.
87 AUBRY et RAU, cités par D. TOMASIN, Essai sur l’autorité de la chose jugée en matière civile, LGDJ, 1975, préf. P. HEBRAUD, n° 27.
88 V. par ex. : F.-X. MORISSET, Le régime de l’efficacité en France des décisions étrangères patrimoniales, thèse Paris Sud XI, 2002, dactyl.
89 P. MAYER et V. HEUZE, Droit international privé, Montchrestien, 8ème éd., 2004, n° 401 ; H. MUIR-WATT, « Remarques sur les effets en France des jugements étrangers indépendamment de l’exequatur », dans Mélanges Holleaux, Litec, 1990, pp. 301-316, spéc. n° 17.
90 L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Litec, 5ème éd., 2006, n° 771.
91 V. par ex. M. DOUCHY-OUDOT, Procédure civile, L’action en justice, Le procès, Les voies de recours, Gualino, 2ème éd., 2006, n° 580.
92 V. l’exposé très complet fait par Mme FRICERO sur la notion de force de chose jugée, in Droit et pratique de la procédure civile, dir. S. GUINCHARD, Dalloz, 2005/2006, n° 423-171 et ss.
93 Civ. 2ème, 12 oct. 2006, pourvoi n° 05-10511, JCP 2006, IV, n° 3155.
94 Soc. 16 juin 2004, pourvoi n° 03-41338.
95 Cass. req. 7 mai 1935, D 1935, p. 313 ; adde. M. BIOCHE, Dictionnaire de procédure civile et commerciale, Videcoq, Paris, 1840, V° Force de chose jugée, qui retient la définition suivante : « Autorité d’une décision administrative ou judiciaire, rendue en dernier ressort, et contre laquelle il ne reste aucun moyen ordinaire de se pourvoir ».
96 Une décision assortie de l’exécution provisoire ne passe pas immédiatement en force de chose jugée : Com., 24 oct. 1995, Procédures 1996, n° 111, RJDA 1/1996, n° 164 ; civ. 2ème, 24 juin 1998, RTD civ.1999, p. 210, obs. R. PERROT. L’exécution provisoire ne fait que contrecarrer le jeu de l’effet suspensif de l’appel, mais ne le supprime pas.
97 Sauf concernant les intérêts civils où les voies de recours sont soumises au régime de la procédure civile.
98 V. infra n° 751.
99 V. par ex. infra n° 749 et ss.
100 V. supra n° 37.
101 D. TOMASIN, Essai sur l’autorité de la chose jugée en matière civile, LGDJ, 1975, préf. P. HEBRAUD, p. 121.
102 En ce sens, l’irrévocabilité correspondrait à la règle du dessaisissement du juge.
103 Ibid.
104 Laquelle signifie qu’un contrat ne peut être révoqué que du consentement mutuel des parties (C. civ., art. 1134, al. 2) : V. par ex. : J. FLOUR et J.-L. AUBERT, Les obligations, t. 1, L’acte juridique, Sirey, 12ème éd., 2006, n° 404 et ss. ; P. ANCEL, « Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat », RTD civ. 1999, pp. 771-810, spéc. n° 26 ; adde. D. MAZEAUD, rapport de synthèse présenté au 94ème Congrès des notaires, Le contrat, liberté contractuelle et sécurité juridique, Rep. Not. Defr. n° 19/1998, art. 36874, pp. 1137-1147, qui oppose l’irrévocabilité du contrat à son intangibilité.
105 C. civ., art. 359.
106 A. BENABENT, Droit civil de la famille, Litec, 11ème éd., 2003, n° 684.
107 C. civ., art. 894 et 953 ; V. par ex. : H. LECUYER, « L’irrévocabilité spéciale des donations », in Mélanges en l’honneur de Pierre Catala, Litec, 2001, pp. 405-420.
108 C. civ., art. 1356, al. 4.
109 CPP, art. 365.
110 C. civ., art. 370.
111 C. civ., art. 2004. Adde I. NAJAR, « Mandat et irrévocabilité », D 2003, pp. 708-714.
112 R.-G. SCHWARTZEMBERG, L’autorité de chose décidée, LGDJ, 1969, préf. G. VEDEL, notamment p. 3.
113 Pour l’emploi de ce terme, v. M.-A. FRISON-ROCHE, « L’erreur du juge », RTD civ.2001, pp. 819-832.
114 La consultation des principaux dictionnaires révèle aussi que, parmi les exemples donnés de ce qui peut être irrévocable, figurent les « arrêts, verdicts, jugements » : Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, par H. ROBERT, t. 3, V° irrévocable, Société du nouveau Littré, Le Robert, 1966 ; Grand Larousse encyclopédique en 10 volumes, t. 6, V° irrévocable, Librairie Larousse, 1962.
115 A titre historique, puisque cette disposition a été abrogée, peut être signalé l’article 377-2, alinéa 3, du Code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 mars 2002, qui disposait, en matière de délégation d’autorité parentale, qu’une nouvelle demande de restitution de l’enfant ne peut être formée par les parents « qu’un an au plus tôt après que la décision de rejet sera devenue irrévocable »115. En matière pénale, l’ancien article 767 du Code de procédure pénale, qui n’est plus en vigueur depuis le 1er mars 1994, prescrivait que : « Les condamnations civiles portées par les arrêts ou par les jugements rendus en matière criminelle, correctionnelle ou de police, et devenus irrévocables, se prescrivent d’après les règles établies par le Code civil. »
116 V. par ex. : articles 6 et 7 de l’ordonnance 92-1148 du 12 octobre 1992, portant extension et adaptation dans les territoires de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et des îles Wallis-et-Futuna de certaines dispositions modifiant le Code de procédure pénale et le Code des assurances et relatives aux victimes d’infractions ; article 25 de la loi 2001-1135 du 3 décembre 2001, relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions du droit successoral ; article 101 de la loi 2002-303 du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
117 V. infra n° 46 et ss.
118 V. par ex. l’article 23-2 du décret 93-306 du 9 mars 1993 relatif à l’autorisation d’exploitation commerciale de certains magasins de commerce de détail et de certains établissements hôteliers, aux observatoires et aux commissions d’équipement commercial, qui prévoit qu’en cas de recours devant le tribunal administratif contre une autorisation délivrée par la Commission d’équipement commercial, et si appel est interjeté de la décision rendue, le délai dans lequel la demande de permis de construire doit être faite est suspendu jusqu’à l’intervention du jugement définitif.
V. aussi l’annexe 0 de l’arrêté du 9 février 1988 relatif au registre du commerce et des sociétés, qui prévoit que « Lorsque la pièce visée aux annexes suivantes est une décision définitive, il peut s’agir d’une ordonnance, d’un jugement ou d’un arrêt, et une copie de celui-ci doit être fournie accompagnée : - d’un certificat de l’avocat ou de l’avoué attestant son caractère définitif, ou – d’un certificat de non-appel ou de non-pourvoi. »
119 V., parmi de nombreux exemples : articles 391 et 2123 du Code civil ; article L 211-13 du Code des assurances ; article 240 de la loi 85-98 du 25 janvier 1986, non repris dans le Code de commerce ; article 5 bis du décret 62-1235 du 20 octobre 1962 ; article 5 du décret 68-1081 du 29 novembre 1968.
120 V. notamment le contentieux suscité par l’article L 143-11-7 du Code du travail qui subordonne l’intervention du fonds de garantie des salaires à une décision de justice définitive. Pour une synthèse de la jurisprudence, dont les interprétations sont divergentes, V. F. DERRIDA, « Sur la notion de créances définitivement établies par décision de justice », Dr. Soc. 1993, pp. 760-764. La question a été tellement irritante que le législateur est intervenu, par la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001, pour remplacer l’expression litigieuse par celle de décision de justice exécutoire…
V. aussi : civ. 1ère, 28 avril 1987, JCP 1989, II, 21216, note C. BARREAU, concernant le sens à accorder à l’expression décision définitive se trouvant à l’article R 420-8, dans sa rédaction issue du décret du 14 janvier 1981, du Code des assurances (sens strict). Même difficulté au sujet de l’article L 211-13 de ce Code : civ. 2ème, 8 juill. 2004, RTD civ. 2004, p. 775, obs. R. PERROT, D 2005, p. 337, obs. P. JULIEN.
121 V. notamment : civ. 1ère, 18 oct. 1983, Bull. civ. I, n° 234 ; civ. 2ème, 15 octobre 1984, Bull. civ. II, n° 155 ; civ. 1ère, 28 mai 1991, Bull. civ. I, n° 170 ; civ. 3ème, 20 nov. 1991, Bull. civ. III, n° 282 ; civ. 3ème, 18 mars 1992, Bull. civ. III, n° 96 ; civ. 3ème, 28 oct. 1992, Bull. civ. III, n° 282 ; soc., 15 déc. 1993, Bull. civ. V, n° 313 ; civ. 1ère, 2 nov. 1994, Bull. civ. I, n° 316 ; civ. 3ème, 31 mai 1995, Bull. civ. III, n° 134 ; civ. 1ère, 21 mars 1995, Bull. civ. I, n° 133 ; civ. 1ère, 28 mars 1995, Bull. civ. I, n° 139 ; civ. 3ème, 31 mai 1995, Bull. civ. III, n° 134 ; civ. 3ème, 8 nov. 1995, Bull. civ. III, n° 229 ; civ. 1ère, 27 févr. 1996, Bull. civ. I, n° 112 ; com., 14 janv. 1997, Bull. civ. IV, n° 15 ; civ. 2ème, 28 févr. 2006, pourvoi n° 04-30459 ; civ. 3ème, 27 mars 2007, pourvoi n° 97-70062.
122 Civ. 2ème, 23 nov. 1994, Bull. civ. II, n° 237.
123 Com., 18 déc. 1984, Bull. civ. IV, n° 350.
124 Civ. 2ème, 28 janv. 1987, Bull. civ. II, n° 28.
125 Civ. 2ème, 5 janv. 1994, Bull. civ. II, n° 5.
126 Civ. 2ème, 14 oct. 1987, Bull. civ. II, n° 198.
127 Crim. 23 juin 1992, Bull. crim. n° 248.
128 V. encore: soc., 8 juil. 1981, Bull. civ. V, n° 680; civ. 1ère, 28 avr. 1986, Bull. civ. I, n° 105; soc., 29 oct. 1986, Bull. civ. V, n° 497; soc., 19 juin 1987, Bull. civ. V, n° 397; civ. 1ère, 18 oct. 1988, Bull. civ. I, n° 290; civ. 2ème, 24 mai 1991, Bull. civ. II, n° 156; civ. 2ème, 24 févr. 1993, Bull. civ. II, n° 73; civ. 2ème, 15 juin 1994, Bull. civ. II, n° 159; civ. 2ème, 7 déc. 1994, Bull. civ. II, n° 255; com. 7 mars 1995, Bull. civ. IV, n° 65; crim. 16 juil. 1996, Bull. crim., n° 297 ; crim. 21 janv. 1997, Bull. crim. 1997, n° 19 ; civ. 1ère, 13 décembre 2005, pourvoi n° 02-13492.
129 Pour cette terminologie, qui renvoie en réalité à la notion de décision irrévocable, V. par ex. : civ. 2ème, 18 févr. 1987, Bull. civ. II, n° 49 ; com., 3 déc. 1996, Bull. civ. IV, n° 303.
130 L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Litec, 5ème éd., 2006, n° 736 ; J. HERON, Droit judiciaire privé, Montchrestien, 3ème éd. par T. LE BARS, 2006, n° 349 ; P. JULIEN et N. FRICERO, Droit judiciaire privé, LGDJ, 2001, n° 533 ; S. GUINCHARD et F. FERRAND, Procédure civile, Droit interne et droit communautaire, Dalloz, 28ème éd., 2006, n° 226.
131 S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Litec, 3ème éd., 2005, n° 2206 ; M.-L. RASSAT, Manuel de procédure pénale, PUF, 2002, n° 363 ; B. BOULOC, Procédure pénale, Dalloz, 20ème éd., 2006, n° 971 ; comp. J. PRADEL, Procédure pénale, Cujas, 13ème éd., 2006, n° 1044, qui distingue clairement les deux expressions.
132 V. par ex. : com., 19 janv. 1981, Bull. civ. IV, n° 36, D 1982, SC, p. 168, obs. P. JULIEN, où l’emploi fortuit par un juge du terme décision définitive au lieu de celui de décision irrévocable donne lieu à un recours en interprétation. V. aussi civ. 1ère, 3 mai 2006, pourvoi n° 04-17259, qui emploie l’expression de « litige définitivement tranché ».
133 V. aussi les articles 91 et D 50 de ce Code ; quant à l’article 4, alinéa 2, relatif à la règle selon laquelle le criminel tient le civil en l’état, il prévoit que le sursis dure « tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique ». D’où il s’évince que lorsqu’un litige est « définitivement » tranché, il l’est de manière irrévocable. En ce sens également : E. JEULAND, Droit processuel, LGDJ, 2007, n° 462.
134 En procédure civile, les jugements définitifs ou, selon la terminologie du nouveau Code de procédure civile, les jugements sur le fond, s’opposent non seulement aux jugements avant-dire droit, mais aussi aux ordonnances de référé et sur requête : v. NCPC, chapitre II (Les dispositions spéciales) du titre XIV (Le jugement) du livre premier (Les dispositions communes à toutes les juridictions), qui distingue en effet les jugements sur le fond (section I) des autres jugements (section II), catégorie sous laquelle sont effectivement regroupées les décisions avant-dire droit, les ordonnances de référé et les ordonnances sur requête.
135 Mais l’expression est synonyme ; v. R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, t. 2, Procédure pénale, Cujas, 4ème éd., 1979, n° 676, p. 780 ; adde. J. DERRUPPE, « La notion particulière de décision définitive en procédure pénale », in Quelques aspects de l’autonomie du droit pénal. Etudes de droit criminel, dir. G. STEFANI, Dalloz, 1956, pp. 117-154.
136 Sur les particularités de ce régime, v. J. BROUCHOT, « Les voies de recours contre les décisions pénales distinctes des décisions sur le fond », JCP 1964, I, 1828 ; R. MEURISSE, « L’appel des jugements incidents en matière correctionnelle et de police », JCP 1967, I, 2066.
137 L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Litec, 5ème éd., 2006, n° 89 ; G. CORNU et J. FOYER, Procédure civile, PUF, 3ème éd., 1996, n° 139 ; G. COUCHEZ, Procédure civile, Sirey, 14ème éd., 2006, n° 398 ; S. GUINCHARD et F. FERRAND, Procédure civile, Droit interne et droit communautaire, Dalloz, 28ème éd., 2006, n° 1366.
138 G. COUCHEZ, Procédure civile, Sirey, 14ème éd., 2006, n° 398.
139 G. CORNU [dir.], Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, Quadrige/PUF, 2005, V° Fond.
140 Y. DESDEVISES, « Variations sur le fond en procédure civile », Etudes offertes à Henri-Daniel Cosnard, Economica, 1990, pp. 325-330.
141 L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Litec, 5ème éd., 2006, n° 89 ; comp. avec : E. JEULAND, Droit processuel, LGDJ, 2007, n° 462.
142 Cette opposition paraît d’ailleurs traditionnelle : l’article 2215 du Code civil relatif à la qualité du titre requis pour procéder à une procédure d’expropriation forcée y fait référence, et le texte n’a pas été modifié depuis 1804.
143 L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Litec, 5ème éd., 2006, n° 93 et s. ; S. GUINCHARD et F. FERRAND, Procédure civile, Droit interne et droit communautaire, Dalloz, 28ème éd., 2006, n° 1368 et s. ; J. HERON, Droit judiciaire privé, Montchrestien, 3ème éd. par T. LE BARS, 2006, n° 350 et s. ; R. PERROT, « Du « provisoire » au « définitif » », Mélanges Drai, Dalloz, 2000, pp. 447-461 ; G. WIEDERKEHR, « L’accélération des procédures et les mesures provisoires », RID comp. 1998, pp. 449-462.
144 Le tribunal, lorsqu’il est saisi d’un incident ou d’une exception de nullité, ne saurait en revanche se prononcer par un premier jugement sur cette défense pour ensuite aborder le fond. Il doit joindre l’incident au fond et statuer sur le tout par une même décision (CPP, art. 459, al. 3). Le but de cette disposition est d’éviter tout recours dilatoire, car si un premier jugement est rendu sur l’incident ou l’exception, l’appel est immédiatement ouvert, si bien que le prévenu a la faculté de gagner du temps en exerçant cette voie de recours.
145 Le délai d’appel, relativement à ce qui a été tranché, court à partir de ce premier jugement ; il n’est pas différé jusqu’au prononcé du jugement qui met fin à l’instance : crim., 2 janv. 1980, Bull. crim. n° 2 ; crim., 14 juin 1983, Bull. crim. n° 180 ; crim., 13 déc. 2006, pourvoi n° 06-82576, D 2007, AJ, p. 505.
146 G. CORNU et J. FOYER, Procédure civile, PUF, 3ème éd., 1996, n° 139, p. 591.
147 V., pour une telle présentation, J. HERON, Droit judiciaire privé, Montchrestien, 3ème éd. par T. LE BARS, 2006, n° 349.
148 V. par ex. R. GUILLIEN et J. VINCENT [dir.], Lexique de termes juridiques, Dalloz, 15ème éd., 2005, V° Chose jugée, qui ne distingue pas la chose jugée et l’autorité de la chose jugée.
149 G. CORNU [dir.], Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, Quadrige/PUF, 2005, V° Chose jugée.
150 C. BLERY, L’efficacité substantielle des jugements civils, LGDJ, 2000, préf. P. MAYER. V. aussi, pour d’autres développements de la théorie de l’efficacité substantielle des jugements : H. PEROZ, La réception des jugements étrangers dans l’ordre juridique français, thèse, Caen, 1997, dactyl. ; F.-X. MORISSET, Le régime de l’efficacité en France des décisions étrangères patrimoniales, thèse Paris Sud XI, 2002, dactyl., spéc. n° 136 et ss.
151 Ce phénomène est parfois désigné par l’expression de « purge des vices ».
152 C’est pourquoi certaines décisions sont privées d’autorité de chose jugée (ordonnance de référé ou sur requête par exemple). L’autorité de la chose jugée n’est pas le critère du juridictionnel. C’est la chose jugée qui pourrait en constituer le critère, même si par là l’acte se définit par le résultat auquel il aboutit.
153 J. FOYER, De l’autorité de la chose jugée en matière civile. Essai d’une définition, thèse, Paris, 1953, dactyl., p. 89.
154 V., par exemple, Aix-en-Provence, 18 oct. 1994, Bull. Aix 1994-2, somm. n° 7, p. 183, obs. Ph. STOFFEL-MUNCK ; Paris, 17 déc. 1985, D 1987, SC p. 46, obs. A. BENABENT ; civ. 2ème, 8 juil. 1999, RTD civ. 1999, p. 825, obs. J. HAUSER.
155 Il en est ainsi lorsque, par l’effet combiné de l’irrévocabilité et de l’autorité de la chose jugée, une décision ne peut plus être remise en cause quelle que soit la gravité des vices dont elle est entachée. Phénomène couramment appelé « la purge des vices » : civ., 15 nov. 1904, D 1905, 1ère partie, p. 254 ; Amiens, 28 juill. 1947, S 1948, p. 21, note H. SOLUS (acte d’appel signifié au nom d’une personne décédée) ; com., 19 juill. 1950, RTD civ. 1951, p. 125, obs. P. RAYNAUD ; civ. 2ème, 13 nov. 1952, D 1953, p. 113 (incompétence de la juridiction) ; civ. 1ère, 14 juin 1966, Bull. civ. I, n° 363 (« toutes les dispositions d’un jugement, quel qu’en soit le mérite, acquièrent l’autorité de chose jugée ») ; civ. 2ème, 7 janv. 1981, RTD civ. 1981, p. 436, obs. J. NORMAND ; civ. 1ère, 22 juill. 1986, Bull. civ. I, n° 225, (« le principe de l’autorité de la chose jugée est général et absolu et s’attache même aux décisions erronées ») ; com., 14 nov. 1989, Bull. civ. IV, n° 289, JCP 1990, IV, p. 14 (« l’autorité de la chose jugée s’attache aux jugements qui n’ont fait l’objet d’aucune voie de recours, quels que soient les vices dont ils sont affectés »).
156 Le nouveau Code de procédure civile est à cet égard révélateur puisque aussi bien l’autorité de la chose jugée que l’inobservation du délai imparti pour intenter une voie de recours sont sanctionnés par une fin de non-recevoir (art. 122 et 125). Une différence existait cependant, qui tenait au fait que la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée a longtemps été laissée à la seule initiative des parties, alors que celle résultant de la fermeture d’une voie de recours a toujours pu être relevée d’office par le juge. Depuis le décret du 20 août 2004, le juge a la faculté de relever d’office la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée.
157 V. sur tous ces points, la thèse particulièrement bien documentée, y compris concernant la bibliographie allemande et italienne, de N. VALTICOS, L’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil, 1948, Sirey, 1953, spéc. pp. 31-42. V. aussi, plus récemment, F. FERRAND et alii, « L’étendue de l’autorité de chose jugée en droit comparé », BICC du 15 octobre 2006, pp. 51-78.
158 Leurs principaux protagonistes sont, pour l’école allemande : Goldschmidt, Rosemberg, Schonke et Merkl, et pour l’école italienne : Chiovenda, A. Rocco et U. Rocco. : N. VALTICOS, L’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil, 1948, Sirey, 1953 n° 39.
159 Ibid. n° 41 ; adde. J. FOYER, De l’autorité de la chose jugée en matière civile. Essai d’une définition, thèse, Paris, 1953, dactyl., p. 88 ; F. FERRAND, « Les procédures civiles d’exécution en république fédérale d’Allemagne : considérations comparatives. Notion de chose jugée », RGP 1998, p. 542.
160 F. FERRAND et alii, « L’étendue de l’autorité de chose jugée en droit comparé », BICC du 15 octobre 2006, pp. 51-78.
161 V. par ex. : S. GUINCHARD et F. FERRAND, Procédure civile, Droit interne et droit communautaire, Dalloz, 28ème éd., 2006, n° 226.
162 Le terme de punctation provient de la doctrine allemande (punktation) et sert à désigner une pratique consistant à élaborer, point par point, un contrat, par le moyen d’accords partiels.
163 J. HERON, Droit judiciaire privé, Montchrestien, 3ème éd. par T. LE BARS, 2006, n° 342.
164 P. HEBRAUD, obs. ss. Civ. 2ème, 8 juin 1967, RTD civ. 1968, p. 191 ; D. TOMASIN, Essai sur l’autorité de la chose jugée en matière civile, LGDJ, 1975, préf. P. HEBRAUD, n° 320.
165 Pour la jurisprudence, v. par ex. : com., 14 nov. 1989, Bull. civ. IV, n° 289 : « L’autorité de la chose jugée s’attache aux jugements qui n’ont fait l’objet d’aucun recours, quels que soient les vices dont ils sont affectés ».
166 Sans parler ici des pouvoirs du juge de l’application des peines ou du juge de l’exécution qui peuvent, dans une certaine mesure, modifier ou différer le commandement judiciaire, résulterait-il d’une décision irrévocable.
167 V. M.-A. FRISON-ROCHE, « L’erreur du juge », RTD civ. 2001, pp. 819-832, qui oppose le principe de sécurité au principe de vérité.
168 J.-L. BERGEL, Théorie générale du droit, Dalloz, 4ème éd., 2003, n° 263.
169 V. pour une opposition des deux termes en matière administrative : D. LABETOULLE, « Principe de légalité et principe de sécurité », L’état de droit, Mélanges en l’honneur de Guy Braibant, Dalloz 1996, pp. 403-412.
170 F. TERRE, Introduction générale au droit, Dalloz, 7ème éd., 2006, n° 49 et ss.
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