L’analyse des évolutions technologiques au sein de l’industrie musicale et leurs conséquences sur le cadre juridique applicable à ce secteur d’activité
p. 21-31
Texte intégral
1Pour surprenant que cela puisse paraître, toute réflexion approfondie sur les récentes mutations de l’industrie musicale nous semble désormais devoir induire une analyse des conséquences juridiques possiblement associées aux évolutions technologiques sous-jacentes à cette industrie. En effet, si les progrès technologiques sont certainement la cause principale des actuelles mutations économiques du secteur de l’industrie musicale, leur portée est d’une telle ampleur que l’on peut également se demander si ces évolutions technologiques n’induisent pas aussi une nécessaire réinvention du Droit applicable à ce secteur d’activité.
2Le Droit n’est pas seulement un outil de conformation d’une situation donnée à un instant donné, il est aussi l’expression d’une certaine conception de cette situation à un instant donné et en un lieu donné, d’où la légitime question de savoir si le Droit conçu pour organiser une industrie musicale analogique peut raisonnablement espérer continuer à ordonnancer une industrie musicale désormais numérique.
3C’est en vue de répondre à cette délicate question que nous verrons, après avoir rappelé quelques fondamentaux sur la musique et son industrie, comment s’est organisé le système industriel de la musique analogique et comment la technologie numérique est venue bouleverser les équilibres initiaux. Ces préalables nous permettront ensuite d’esquisser quelques libres propos sur les conséquences de ces évolutions technologiques sur l’industrie musicale et surtout sur le droit qui lui est, en France, encore applicable.
I. De la musique
4La musique est une chose importante !
5Elle est d’abord un élément fondamental de la Culture et des cultures, et elle revêt une importance sociologique de premier plan. D’ailleurs, les chiffres le confirment puisqu’il est avéré que 90 % des Français entendent (et non nécessairement écoutent) de la musique au moins une fois chaque jour, et qu’un Français sur cinq fait de la musique en amateur ou en professionnel. La musique est ainsi partout et tout le temps, dans les magasins, dans les parkings, dans nos voitures, dans les films, dans les publicités radiophoniques ou télévisées, etc.) et elle accompagne nos journées sans que l’on en ait nécessairement conscience.
6Mais la musique est également une réalité économique de première importance puisqu’elle génère, à l’échelle planétaire, un marché de plusieurs milliards de dollars par an et, pour n’évoquer que l’industrie musicale française, concerne environ 240 000 emplois ce qui est loin d’être négligeable.
7Enfin, voire d’abord, la musique est un art supposant un apprentissage long et difficile qui peut fondamentalement être décrit comme consistant à créer et/ou écouter des assemblages de sons et de silences produits par des cordes vocales ou des instruments, des objets ou des machines générateurs de fréquences acoustiques. La création, la description et l’assemblage de ces sons et de ces silences impliquent la maîtrise de savoirs et de savoir-faire extrêmement complexes supposant un niveau technologique et civilisationnel élevé.
8La musique est ainsi étroitement associée à une civilisation, un art, un marché et une industrie. C’est d’ailleurs dans cette dernière acception que la mise en évidence des possibles conséquences des évolutions technologiques et de leurs portées sur le cadre juridique applicable est la plus éclairante.
II. De l’organisation systémique de l’industrie musicale analogique
9Pour n’évoquer que la période de 1950 à 1980, qui constitue la période de l’apogée de la musique électrique et analogique, l’industrie musicale organisait alors le monde de la musique en trois groupes d’acteurs distincts, mais systémiquement solidaires :
- Les acteurs de la création de la musique analogique, tout d’abord, qui regroupaient les artistes et les créateurs (auteurs, compositeurs, musiciens, interprètes) autour des manageurs et des éditeurs et pour lesquels le droit faisait une place toute particulière aux compositeurs et aux auteurs dotés d’un statut particulièrement protecteur.
- Les acteurs de la production au sein desquels les producteurs jouaient un rôle central en association possible avec les fabricants d’instruments de musique et d’enregistrements, ainsi que les ingénieurs du son et dont la mission était de fabriquer le « master » grâce auquel seraient fabriquées les copies (disques, K7) à commercialiser.
- Les acteurs de la distribution, dont l’organisation reposait sur le schéma de la distribution physique qui s’étendait de la mise en pochette du disque 45 ou 33 tours ou la mise en boîte de la K7 ou du CD audio jusqu’à son acheminement en magasin et sa mise en vente, auxquels s’associaient les acteurs de la diffusion, à savoir les acteurs de la radio et la télévision et les fabricants de matériel d’écoute (chaîne Hi-fi, walkman, etc.).
10Or, le système industriel organisé sur la mise en relation de ses trois groupes d’acteurs va être très rapidement fragilisé par trois principales évolutions technologiques.
III. De la technologie numérique et de ses conséquences sur l’industrie musicale
11Aujourd’hui en phase de lente reconstruction, l’industrie musicale a été profondément mise à mal en moins de vingt ans par le développement de trois « facilités » étroitement associées à la technologie numérique :
- La première s’est matérialisée par le développement de la musique produite et assistée par ordinateur, ainsi que par son possible enregistrement sous forme de données binaires ;
- La deuxième, par la possibilité de « compresser » ces données binaires afin de fortement diminuer la taille des fichiers issus de l’enregistrement ;
- La troisième, par la liberté de distribuer ces fichiers compressés à l’échelle planétaire grâce au protocole Internet.
12De façon schématique, le numérique est une technologie qui permet de transformer un phénomène analogique – dans le cas présent de la musique, c’est-à-dire des vibrations sonores complexes – en un signal électrique, via sa captation par un micro par exemple, puis en une série de données numériques qui pourront être traitées, copiées, stockées et/ou transmises, avant d’être retransformées en un signal électrique susceptible d’actionner un dispositif capable de reproduire des vibrations sonores complexes (un haut-parleur par exemple). Cette opération peut ainsi s’apparenter à une double traduction, une sorte de double conversion d’une réalité physique (un son) en une réalité électrique (un signal) puis une réalité numérique (des données), ensuite traduite en une réalité électrique (un signal) puis une réalité physique (un son).
13Prenons comme exemple celui d’une guitare : le coup mécanique porté par un médiator tenu par le musicien sur l’une des cordes de l’instrument, la fait vibrer ce qui produit un son qui sera capté par un micro. Le micro transformera alors cette vibration sonore en signal électrique.
14Le passage du signal analogique au fichier numérique reposera ensuite sur l’intervention d’un convertisseur qui fera office de traducteur capable de muer le signal électrique en données digitales.
15Ce convertisseur analogique/numérique (CAN) est un système électronique sophistiqué mis au point à la fin des années 1990 qui a pour fonction de transformer un signal électrique analogique en données binaires, elles-mêmes composées de 0 et de 1, en vue de constituer un fichier contenant « l’image » du signal exprimée en un langage numérique. Il convient ici de noter qu’à ce stade, « l’image numérique » peut être stockée indéfiniment sur différents types de supports tels que des disques durs, des clefs USB, ou des serveurs. Elle peut également être traitée par l’ajout ou la modification des données numériques qui la composent. Elle peut être reproduite sous la forme de copies parfaites et enfin être transmise sur des réseaux filaires ou hertziens.
16Pour arriver jusqu’à nos oreilles, cette image numérique devra ensuite être retransformée en courant électrique via un convertisseur numérique/analogique (CNA) susceptible de faire fonctionner un haut-parleur capable de transmettre le son initialement produit par la vibration de la corde de la guitare.
17La particularité de cette technologie repose donc sur le changement de paradigme introduit au centre du processus, que l’on traduira par le passage d’une réalité mécanique (son), en une réalité électrique (signal), puis en une image numérique de cette réalité électrique (fichier numérique) qui pourra être stockée, enregistrée, modifiée, transmise, etc., avant d’être retransformée en signal électrique puis en son.
18Les potentialités apportées par le numérique autorisent, ainsi et en premier lieu, le développement de la musique assistée et/ou produite par ordinateur qui, par le biais d’applications informatiques, permet de reproduire les caractéristiques des instruments ou des appareils nécessaires à la production musicale classique et de donner une représentation « numérique » des sons que ces instruments produisent dans le monde analogique. Les sons d’un grand orgue peuvent ainsi être, par exemple, créés à partir d’une application numérique également capable de reproduire les fonctions et caractéristiques de l’interface de l’instrument.
19Par ailleurs, si le magnétophone permettait, avant cette révolution du numérique, d’enregistrer le son sur une bande magnétique et de « monter » des morceaux grâce à des « coupages et des collages » complexes, la technologie numérique va aisément permettre d’enregistrer plusieurs centaines de pistes différentes qui pourront ensuite être agencées, modifiées, copiées, mixées, etc. par des procédés informatiques permettant ainsi de réunir en un seul et unique ordinateur le potentiel d’un studio d’enregistrement historiquement nécessaire à toute production musicale professionnelle.
20Enfin, l’ingérence du numérique dans la création et la production musicale va également se traduire par une évolution notable du support. En effet, le disque compact audio, dit également CD audio, conjointement inventé en 1980 par les entreprises Philips et Sony, va prendre la forme d’une fine galette de 12 cm de rayon contenant, inscrits sur sa surface irisée, les zéros (parties planes) et les uns (parties creuses ou pits) contenus dans le master numérique issu de l’enregistrement lui-même numérique.
21Reposant sur un débit binaire de près de 1 500 kilobits par seconde (kb/s) pour permettre la reconstitution sonore, après reconversion analogique, de la copie parfaite du fichier numérique originel, un CD pouvait ainsi contenir 72 minutes de musique sur un support quasiment inaltérable du fait de l’absence d’usure associée à la lecture optique des informations inscrites sur ce dernier.
22Mais si le développement du CD audio est indiscutablement la première cause technique des bouleversements qu’a récemment connue l’industrie musicale, c’est parce qu’il va rencontrer cette seconde potentialité apportée par le numérique qu’est l’Internet.
23L’Internet n’est technologiquement et fondamentalement qu’un protocole d’interconnexion et de routage de données numériques adoptant un langage informatique permettant aux ordinateurs de transférer des données stockées sur leurs disques durs via différents réseaux filaires ou hertziens.
24C’est cette capacité à transférer des données binaires sans passer par un support physique (un CD par exemple), associée à la technologie de compression des données, qui aura les plus lourdes conséquences sur l’industrie de la musique puisqu’elle va profondément et radicalement remettre en cause les formes et les principes de sa production et de sa distribution.
25Toutefois, cette extraordinaire potentialité offerte par le protocole Internet ne pouvait devenir réalité sans cette troisième mutation également permise par la technologie numérique qu’est celle de la compression des fichiers numériques.
26Effet, comme rapidement évoqué ci-dessus, le débit binaire d’un disque compact audio était en 1985 de 1 411,2 kilobits par seconde, ce qui impliquait de créer un fichier contenant 1 411 200 zéros ou uns pour pouvoir enregistrer une seconde de musique en stéréo convertie en données digitales. Un tel débit rendait, à l’époque, l’idée même de transmettre ce type de fichier sur les réseaux de communication totalement incongrue. En effet, les réseaux de l’époque permettaient à peine de transmettre 128 kb/s de données numériques, soit 128 000 zéros ou uns par seconde ce qui était très éloigné de ce qu’impliquait la transmission sur ces réseaux du flux binaire issu d’un disque compact audio puisque ce dernier était plus de 11 fois supérieur à la capacité de transmission autorisée sur ces réseaux.
27Cependant, cette idée devenait moins incongrue si quelqu’un arrivait techniquement à diminuer la taille du flux numérique contenu dans un disque compact audio pour atteindre le débit permis par le réseau sans fortement altérer la qualité sonore du résultat final.
28C’est à Monsieur Karlheinz Brandenburg et à son équipe du Fraunhofer-Institut que l’on devra ce prodige, car ce mathématicien et ingénieur allemand va, au milieu des années 1990, réussir à créer un algorithme de traitement du débit binaire d’un disque compact audio permettant d’atteindre le débit souhaité grâce à un savant processus de simplification itérative des données contenues dans le fichier source. Cette compression d’un facteur 12 entraînait certes une petite perte de qualité du résultat sonore obtenu, mais autorisait enfin de transmettre ces fichiers compressés sur les réseaux mondiaux grâce au protocole Internet.
29L’avènement de cette avancée technologique, associée à la mise sur le marché de lecteurs numériques capables de lire ces fichiers compressés baptisés MP3, sonna ainsi le début de la lente agonie de l’industrie musicale analogique et l’irrésistible remise en cause du cadre juridique qui lui était alors applicable.
IV. Les conséquences des évolutions technologiques sur l’industrie musicale et le droit
30Concernant l’industrie de la création et de la production musicales, dont les principaux acteurs travaillaient depuis des décennies dans un but commun malgré des intérêts parfois divergents, elle va, tout d’abord, lentement se disloquer sous l’effet du développement des synthétiseurs, des samplers et des home studio numériques. Ce matériel offrira aux artistes la possibilité de créer des enregistrements de grande qualité de façon presque autonome, sans avoir à mobiliser un grand nombre de professionnels (musiciens, ingénieurs du son, etc.) et à nécessairement recourir à un manageur et/ou un éditeur ce qui aura évidemment des conséquences très lourdes sur l’économie de ces secteurs.
31Concernant l’industrie de la diffusion musicale, la situation évoluera de façon encore plus radicale dans le sens où la lente, mais irrésistible ascension des « distributeurs » numériques de fichiers ou de flux musicaux de types Napster, iTunes, Deezer ou Spotify va finir par totalement démanteler l’ancien dispositif industriel de la diffusion musicale.
32« Sidérées, incapables de s’intéresser à ce qui se passait au pied de leur montagne, les majors du disque ont réagi en actionnant la seule corde judiciaire. »1, mais c’était sans compter sur la lente anémie du système juridique qui va lui-même rapidement s’avérer incapable d’organiser la nouvelle architecture des acteurs et des intérêts de l’industrie musicale désormais numérique.
33En effet, si l’on se penche du côté du Droit, l’on constate que les mutations induites par les nouveaux modes de création, de production et de distribution de la musique vont également ébranler les fondations du schéma traditionnel de la protection des artistes et de leurs œuvres, ainsi que des cadres organisateurs des relations entre les acteurs de la production et de la diffusion des œuvres musicales.
34Néanmoins, cette crise des modes de régulation hérités d’un ordre juridique construit sur une certaine « économie » de l’industrie musicale analogique n’a, en vérité, rien de surprenant, tant il existe une relation étroite entre « l’économie d’un système » donnée et son droit. Si l’économie du système complexe concerné change notablement et brusquement, son droit se devra également de changer sans quoi il perdra de son efficacité et donc de sa légitimité. C’est inévitable et dans l’ordre des choses et dans l’ordre du Droit.
35Théoriquement, le Droit peut, en effet, se définir comme un ensemble de « devoirs être » (règles, normes, lois, etc.) associés à des sanctions applicables dans le cas de leur non-respect. Le but est ici d’organiser un collectif donné en imposant à ses membres des règles de « vivre ensemble » dont la transgression est susceptible de conduire à une sanction.
36Les devoirs être, qui composent la partie performative du Droit, énoncent généralement des obligations, des interdictions ou des autorisations posées par des « jurislateurs », c’est-à-dire des institutions reconnues compétentes par le droit pour poser ces normes, comme l’Assemblée nationale, le Gouvernement ou le Conseil supérieur de l’audiovisuel, par exemple. Quant au juge, il a pour mission d’apprécier de l’application de la sanction attachée au non-respect des obligations, des interdictions ou des autorisations ainsi posées.
37Or, lorsque ces institutions édictent des normes ou jugent de leur application, elles le font dans l’optique de résoudre un conflit d’intérêts divergents entre deux ou plusieurs parties en présence à un instant donné, en un lieu donné et dans une situation donnée. L’édiction des normes juridiques, comme leur application, s’inscrit donc dans un temps donné et dans un espace donné. Le Droit est ainsi une réalité politique (au sens de l’organisation de la cité) et sociologique (au sens du groupe social) située et ne peut s’entendre hors du contexte de sa création et de l’espace de son application.
38Cette approche du phénomène juridique est particulièrement éclairante concernant l’industrie musicale et sa crise actuelle, car cette dernière compte un très grand nombre d’acteurs dont les intérêts ne sont pas nécessairement convergents et peuvent donc entrer en conflit à n’importe quelle étape de la chaîne de création, de production ou de distribution.
39Il serait en effet utopique d’apprécier la finalité du processus de création, de production et de diffusion musicales comme un élément fédérateur absolu de l’ensemble de ses acteurs. L’intérêt d’un distributeur peut se heurter à celui de l’auteur, celui de l’éditeur à celui d’un diffuseur radiophonique, etc., d’où l’édiction d’un droit propre aux auteurs, aux distributeurs, aux éditeurs ou aux diffuseurs que les uns et les autres pourront exciper en cas de survenance d’intérêts contraires.
40À ce titre, le droit d’auteur peut être lu comme un élément de résolution des conflits d’intérêts dans le domaine de la création et de l’exploitation des œuvres, alors que le droit commercial pourra servir de référent en cas de survenance de conflits d’intérêts entre un fabricant de CD audio et un disquaire.
41Comme nous le constatons donc, les normes juridiques sont situées dans le temps et dans l’espace, et ne peuvent prétendre qu’à la possible résolution de conflits d’intérêts survenus à une période donnée et dans un lieu donné.
42Il apparaît ainsi, qu’au regard des mutations qui ont récemment bouleversé l’industrie musicale du fait du développement des technologies numériques, particulièrement difficile, pour ne pas dire totalement vain, d’envisager utiliser des normes associées à un système désormais caduc dans le but de résoudre des conflits qui se développement dans un système nouveau et résolument différent.
43Le secteur traditionnel de la musique a été, en moins de trente ans, confronté à un véritable changement de paradigme. Faire, produire, diffuser de la musique emprunte désormais des formes et des moyens qui n’ont plus qu’un lointain rapport avec ceux qui régissaient l’industrie musicale analogique.
44Il n’est, à ce titre, pas inutile de rappeler qu’historiquement les premières lois protégeant la création artistique se sont portées sur les supports de cette création musicale, à savoir sur les partitions des compositeurs, puis sur les supports de leurs enregistrements. Le droit d’auteur applicable aux œuvres musicales est issu de la réification de cette création, et il se prolonge en accordant une protection légale au support de cette création.
45Or, il semble désormais évident que dans le contexte numérique actuel, la création musicale tend irrémédiablement à se dématérialiser pour mieux être diffusée, ce qui introduit un nouveau paradigme échappant à plus d’un titre aux logiques légales construites dans et pour l’ancien schéma.
46De ce fait, les normes applicables aux conflits d’intérêts des acteurs de l’industrie musicale analogique ne peuvent plus légitimement et nécessairement être considérées comme susceptibles de répondre aux situations nouvelles issues de la révolution numérique.
47Il convient donc d’accepter l’obsolescence de certains mécanismes caractéristiques de la protection historique des auteurs et artistes interprètes pour repenser les intérêts en jeu et construire un nouvel arsenal légal à mettre en œuvre en vue de répondre de façon cohérente aux nouveaux défis directement issus du développement de la technologie numérique.
48Enfin, observons que le droit français ne peut plus seul résoudre les conflits « d’intérêts français » impliquant des « musiciens français » dans le sens où la notion même « d’intérêts ou de musiciens français » tend irrémédiablement à se dissoudre dans un espace de création, de production et de diffusion non plus national, mais planétaire où les fichiers et les flux musicaux circulent à grande vitesse sur un réseau de réseaux ignorant les frontières et les lois des États.
49Les changements des modes de création et de production, comme les évolutions des formes de diffusion directement imputables aux technologies numériques qui travaillent actuellement le monde de la musique n’ont donc pas que des conséquences sur la seule industrie musicale. Ces changements et ces évolutions sont également en train d’ébranler le droit applicable à cette industrie, confirmant ainsi combien, plus que de conformer une situation donnée, le droit est aussi fabriqué et façonné par cette même situation.
Notes de bas de page
1 Préface de S. Fanen in S. Witt, À l’assaut de l’empire du disque, Castor Music, 2016, p. 12.
Auteur
Professeur, droit public, directeur du Laboratoire Interdisciplinaire de Droit des Médias et des Mutations Sociales (LID2MS), directeur de l’Institut de recherche et d’études en droit de l’information et de la communication (IREDIC), Aix-Marseille Université (AMU)
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