Chapitre I. Manifestations de normativité
p. 49–114
Texte intégral
126. Selon notre organisation politique, marquée par la séparation des pouvoirs, la fonction naturelle du juge, sa fonction organique, est d’appliquer la règle de droit édictée par l’autorité législative. Cette application particulière et concrète de la règle générale et abstraite renvoie à la dimension contentieuse de la jurisprudence. En ce sens, elle se définit comme l’ensemble des décisions individuelles de justice rendues dans un domaine particulier – celui de la propriété littéraire et artistique, par exemple – ou pour l’ensemble du Droit1.
2Mais la signification du mot « jurisprudence » a évolué en même temps que la réalité qu’elle recouvrait. L’acception contentieuse, couramment utilisée au xixe siècle, n’est plus celle qui est aujourd’hui retenue. Le Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie juridique relève en effet que depuis le « milieu du xxe siècle, la jurisprudence tend à être définie comme une source du droit et non plus comme un moyen de régler les conflits d’intérêts »2. Et M. Zénati de préciser, à juste titre, que cette acception est désormais le « sens principal du mot jurisprudence »3.
327. Cette évolution n’est pas seulement le signe d’un simple glissement sémantique, mais d’une profonde mutation : la « fonction individualisante », pour reprendre la terminologie de M. Sourioux précédemment appliquée à l’ensemble des sources complémentaires, s’est doublée d’une « fonction généralisante »4. En l’occurrence, l’explication a été donnée par l’un des plus hauts magistrats près la Cour de cassation, Pierre Bellet :
« le juge est un législateur des cas particuliers, suivant une formule célèbre. Mais à l’opposé et en même temps, tout acte juridictionnel a une fonction généralisante. Car un juge professionnel, surtout s’il est spécialisé dans une matière déterminée pour de longues années, – comme c’est le cas à la Cour de cassation – peut – et même doit – penser aux décisions qu’il rendra dans le futur (...), la formule qu’il adopte pour un arrêt doit nécessairement resservir dès lors qu’il retrouvera une espèce semblable et inversement ».5
4Des auteurs en ont explicité les ressorts : besoin du juge d’être constant avec soi-même et besoin juridique plus large de constance, logique et cohérence, habitude et mimétisme, confort intellectuel et rationalité juridique6 ; bref toute une série de motifs plus ou moins exprimés et qui peuvent, implicitement au moins, servir de fondement à des décisions juridictionnelles ultérieures. D’autres auteurs ont identifié le terreau sur lequel la règle vient à naître. Ainsi, M. Dupeyroux observe que :
sont « seules susceptibles de fournir l’occasion de la naissance d’une règle jurisprudentielle les situations qui, ayant donné lieu à un certain règlement en justice, sont par nature appelées à se reproduire et à être réglées en justice de la même manière »7.
5Quoi qu’il en soit, il faut admettre que de l’activité judiciaire résulte une nouvelle règle qui, de par sa généralité, est susceptible de régler pour l’avenir un nombre indéterminé de cas particuliers. Le juge dispose ainsi d’un véritable pouvoir normatif qui transcende sa fonction première d’application de la règle de droit. Aussi sera-t-il nécessaire de distinguer avec Hébraud « le contenu effectif de la décision individuelle concrète, et les inductions abstraites, susceptibles de généralisation, que l’on peut en tirer »8. Inutile de préciser que seules ces dernières nous intéresseront.
628. Il va de soi que dans l’immense majorité des cas, le juge prend d’abord appui sur la loi. Mais lorsque celle-ci est insuffisante, n’est-il pas amené à s’appuyer sur les précédentes décisions ? Et comment nier que le précédent, s’il ne saurait être assimilé dans notre système juridique positif à une règle formelle de droit, sert au moins d’indication ; indication d’autant plus fiable et pressante qu’elle émane de la Juridiction suprême, juridiction unique et centralisée qui au sommet de la pyramide judiciaire assure l’unité de la jurisprudence et dont l’autorité s’impose aux juridictions inférieures9. Certes, en France « aucun précédent n est impératif et ne crée le moindre droit pour ceux qui n étaient pas partie au procès »10. Le juge de droit écrit n’est pas le juge de Common law11. Mais la référence au précédent n’est–elle pas inéluctable ? Non seulement cela semble logique et inévitable, mais cela participe en outre d’une bonne administration de la justice12. En ce sens, Paul Esmein précise que, ce faisant, le juge répond « au sentiment public qui réclame l’égalité devant la justice, c est-à-dire que soient traités de même tous ceux qui se trouvent dans la même situation »13. Toutefois, si le juge est amené à reprendre le contenu d’une précédente décision juridictionnelle il doit faire preuve d’une grande discrétion et ne pas faire exclusivement référence à la jurisprudence, fût-elle de la Cour de cassation14. L’arrêt de règlement serait sinon au bout du chemin15.
7Les règles jurisprudentielles ont donc pour point commun d’être dégagées au fur et à mesure de cas particuliers, et d’avoir vocation, par une constante répétition de solutions identiques, à trancher de nouveaux litiges semblables et à influer sur les comportements individuels et collectifs. Lorsque le juge pose de telles règles, son pouvoir normatif est alors particulièrement éclatant.
829. Illustrations du pouvoir normatif du juge, les règles générales prétoriennes s’expriment avec une intensité variable selon qu’elles s’exercent dans les creux ou à rencontre de la loi. Les manifestations praeter legem (section 1) et contra legem (section 2) sont les deux points que l’on développera ici, étant précisé que les manifestations secundum legem seront laissées de côté. Bien que plus nombreuses, elles ne présentent guère d’intérêt du point de vue du pouvoir normatif du juge dans la mesure où l’application stricte de la loi n’ajoute rien à l’ordonnancement juridique des règles du droit positif.
9Auparavant, il convient d’indiquer que ce pouvoir normatif réside essentiellement, sinon exclusivement, entre les mains de l’organe juridictionnel suprême. En ce sens M. Zénati indique que le caractère occulte et l’utilisation marginale de la jurisprudence des cours et des tribunaux « n’autorisent pas à lui accorder une importance significative »16. Le rôle des juridictions inférieures ne saurait toutefois être négligé. Hébraud précise à cet égard que :
« c’est à travers les décisions particulières que se dégage la jurisprudence ; il y a là un mouvement inverse de celui qui est à la base de l’application de la loi par le juge, mais qui, remontant par un jeu de réciprocité à un autre niveau, n’est qu’une manifestation du lien intime qui unit le juge et la loi »17.
10La règle jurisprudentielle s’inscrit dans un cadre contentieux : en amont, elle est l aboutissement du « travail de gestation et de mûrissement » qui se réalise dès le premier stade de la jurisprudence dite « massive »18 ; en aval, son autorité dépend dans une large mesure de l’accueil qui lui est réservée par les juges du fond. « Le germe du pouvoir créateur de la jurisprudence, écrit Hébraud, se situe au niveau des décisions particulières concrètes »19.
11Sous ces réserves, c’est donc principalement à la jurisprudence de la Cour suprême qu’il faudra s’intéresser, en l’occurrence la Cour de cassation. En droit d’auteur, elle est en effet l’instance de prédilection, puisque si le Conseil d’État a certainement vocation à appréhender les problèmes juridiques nés de la création intellectuelle et ne saurait à ce titre être a priori exclu de l’analyse, force est de constater que ses interventions restent marginales20.
SECTION 1. MANIFESTATIONS PRAETER LEGEM
1230. Les manifestations praeter legem du pouvoir normatif du juge s’entendent des règles prétoriennes élaborées par la Juridiction suprême dans le silence de la loi21. Dégagées au hasard des espèces, elles forment en droit d’auteur une jurisprudence importante, complémentaire des dispositions légales. En présence de textes lapidaires édictés au lendemain de la Révolution française, il apparaît en effet que ce pouvoir normatif a profondément et durablement empreint le droit d’auteur. Les constructions prétoriennes, souvent audacieuses, ont d’ailleurs pour la plupart été consacrées par la loi du 11 mars 1957. Mais malgré ses indéniables qualités, cette loi n’a pas pour autant figé la matière. Sous la poussée de la jurisprudence, le droit de la propriété littéraire et artistique a continué et continue à évoluer.
13Charte du droit d’auteur, le monument législatif de 1957 nous servira donc de point de démarcation entre les manifestations historiques (§1) et les manifestations contemporaines (§2) du pouvoir normatif du juge.
§ 1. Manifestations historiques
1431. Les manifestations historiques du pouvoir normatif du juge s’exprimant dans les silences laissés par la loi doivent être nuancées malgré leur importance. D’abord parce que le sujet est connu. De nombreuses études, auxquelles nous renverrons, y sont consacrées22. Ensuite parce que du point de vue de la théorie générale des sources du droit, ce qui a été valable hier ne l’est plus forcément aujourd’hui. Les sources ne sont pas figées mais évoluent dans le temps et l’espace. Par conséquent, les enseignements du passé ne sauraient être aveuglement transposés dans notre système juridique actuel. La double contingence spatio–temporelle des sources du droit l’interdit23.
15Sous cette réserve, la jurisprudence antérieure à la loi du 11 mars 1957 ne saurait être négligée. Son importance dans le système juridique antérieur atteste en l’occurrence de la spécificité des sources du droit d’auteur. Dans un système de droit écrit, il est en effet paradoxal (B) de constater que le droit de la propriété littéraire et artistique, dominé par les constructions prétoriennes, est essentiellement jurisprudentiel (A).
A/ Un droit d auteur essentiellement jurisprudentiel
16Des témoignages unanimes (1°), corroborés de quelques exemples (2°), devraient emporter la conviction du caractère essentiellement jurisprudentiel du droit d’auteur antérieurement à la loi du 11 mars 1957.
1°) Un constat communément admis
17Les témoignages attestant de l’importance du pouvoir normatif du juge affluent de toutes parts. Doctrine, législation et décisions judiciaires sont unanimes.
1832. À la veille de la grande loi du 11 mars 1957, les réalisations prétoriennes étaient d’une richesse telle que certains auteurs s’interrogeaient sur l’opportunité d’une nouvelle législation, tandis que d’autres allaient jusqu’à s’opposer à l’abrogation du système antérieur24. L’on connaît les propos de Plaisant souhaitant, non sans mélancolie, « bienvenue à la loi » nouvelle25. Une nouvelle loi, par nature rigide et imparfaite, était inévitablement frappée d’une certaine suspicion au regard de la souplesse du système antérieur qui avait permis, grâce au travail inlassable des juges, d’assurer aux auteurs un degré élevé de protection tout en relevant efficacement les défis nouveaux suscités par les progrès de la technique.
19Les avis les plus autorisés s’expriment en ces termes : Desbois, dans la première édition de son Traité sur Le droit d auteur, qui, il faut le souligner, avait précisément pour objet de « présenter un tableau fidèle des solutions d ores et déjà acquises, d expliquer et de justifier les décisions des juges », observe que « le silence de la loi pose, à l égard des auteurs les plus angoissants problèmes »26. Mais d’ajouter :
« Fort heureusement, la réalité est moins sombre que les apparences ; la lecture des dispositions légales ne donne qu’une vue incomplète, ne présente que l’ébauche du statut des auteurs, tel qu’il est, en fait et en droit, modelé aujourd’hui. Les plus graves questions que l’apparition de la photographie, du cinématographe, des disques, et de la radiodiffusion a soulevées, ont reçu des solutions, car jour après jour, nos tribunaux ont affronté des problèmes que ne pouvaient se poser les législateurs de 1791 et de 1793 ». Et de préciser : « A côté et en marge des lois, un édifice s est élevé grâce à l initiative hardie et féconde de la jurisprudence ; un droit coutumier, d’origine jurisprudentielle, s est formé, qui permet de donner satisfaction aux besoins les plus pressants, d’ordre moral aussi bien que patrimonial »27.
20Savatier, plus concis, fait le même constat :
« En France, l’indigence des textes était manifeste. A peine traçaient-ils le canevas sur lequel avait brodé une jurisprudence protectrice des œuvres de l’esprit ». Et d’ajouter : « De cette jurisprudence, se dégageait une remarquable esquisse juridique »28
21Reconnue par la doctrine, la jurisprudence l’était aussi par le législateur et, fait plus étonnant,... par le juge lui-même.
2233. C’est le législateur tout d’abord qui a abondamment puisé à la source jurisprudentielle pour édicter son grand œuvre. Si la loi de 1957 contient d’importantes innovations, elle n’en demeure pas moins en grande partie une codification des solutions jurisprudentielles. Assurant un rôle privilégié dans la formation et la régénération du droit, la jurisprudence a joué le rôle d « aiguillon du législateur »29.
23En droit d’auteur le fait est notoire30. Le projet de loi sur la propriété littéraire et artistique de 1954, duquel ressortira pour l’essentiel la loi du 11 mars 1957 sur le droit d’auteur, n’indiquait-il pas dans son exposé des motifs qu’il avait notamment pour objet de « codifier la jurisprudence qui s est créée depuis un siècle et demi en matière de droit d’auteur »31 ? Les déclarations des législateurs vont dans le même sens et sont dépourvues de toute ambiguïté : Monsieur le député J. Isorni, pour ne citer que lui, ne le cache pas : « le texte que nous avons adopté, dit-il, s’inspirait d’une jurisprudence souple et abondante »32.
24Difficile dans ces conditions de ne pas voir dans la jurisprudence et la loi deux sources complémentaires du droit d’auteur. Leur complémentarité est parfaite lorsque la jurisprudence se jette ainsi dans la loi, lorsqu’elle est absorbée par la principale source du droit. Cette issue joue cependant à l’avantage du législateur. De cette fusion, par voie d’intégration de la solution jurisprudentielle dans le droit écrit, résulte une transformation radicale de la nature juridique de la règle prétorienne. En effet, en la consacrant expressément, le législateur lui confère force de loi. La règle jurisprudentielle en question se nove en règle légale, en règle formelle de droit33. La jurisprudence en se glissant dans le moule légal acquiert alors une valeur juridique incontestable, mais dénaturée car légalisée34. Elle cesse d’être une règle jurisprudentielle pour devenir une loi.
25La complémentarité de ces deux sources du droit peut se manifester d’une autre manière. On le sait, le législateur est libre « par l espèce d usufruit qu’il a de la jurisprudence, d en recueillir périodiquement les fruits les mieux venus »35. Il peut donc condamner expressément certaines constructions prétoriennes36. Ainsi de la loi du 11 mars 1957 qui n’a pas hésité à rompre sur certains points avec la jurisprudence antérieure37. Mais l’exemple historique le plus significatif du droit d’auteur est celui de la loi du 9 avril 1910 qui a posé le principe d’indépendance des droits patrimoniaux et du support matériel en réaction à une jurisprudence qui ne distinguait pas toujours l’œuvre d’art de son support38. En effet, selon la jurisprudence fixée par un arrêt des chambres réunies de la Cour de cassation du 27 mai 1842, la vente d’une œuvre d’art emportait, sauf réserve expresse contraire, celle du droit de reproduction :
« Attendu, en droit, que conformément aux dispositions du Code civil, la vente faite sans aucune réserve transmet à l’acquéreur la pleine et absolue propriété de la chose vendue, avec tous les accessoires, avec tous les droits et avantages qui s y rattachent ou en dépendent ;
Attendu que la vente d’un tableau et les effets qu’elle est appelée à produire, ne sauraient échapper à l’application de ces principes, qu’autant qu’une loi spéciale et exceptionnelle en aurait, d’une manière formelle, autrement disposé... »39.
26Par la loi du 9 avril 1910, le législateur a posé une règle exactement inverse à celle consacrée par ces deux attendus en disposant dans un article unique que :
« L’aliénation d’une œuvre d’art n’entraîne pas, à moins de convention contraire, l’aliénation du droit de reproduction »40.
27Reste que, même dans le cas où le législateur condamne la jurisprudence, le rapport de complémentarité demeure. Il est certes plus ténu, mais il ne disparaît pas pour autant, loin s’en faut. Les tâtonnements et les errements jurisprudentiels participent de la perfectibilité du droit. Le législateur, à condition qu’il connaisse la jurisprudence, ce qui était manifestement le cas en 1957 comme en 1910, peut en relever les imperfections et, sur la base de celles-ci, parfaire son œuvre. La jurisprudence n’est donc pas seulement une source complémentaire, elle est absolument nécessaire. Il n’y a là rien de très nouveau. Portalis ne s’exprimait pas autrement lorsqu’il affirmait qu’« il faut que le législateur veille sur la jurisprudence : il peut être éclairé par elle, et il peut, de son côté, la corriger ; mais il faut qu’il y en ait une ; (...) on ne peut pas plus se passer de jurisprudence que des lois »41.
2834. Dernier hommage, et pas des moindres, il n’est pas rare de voir le juge, lui-même, faire référence à ses propres constructions. Ainsi du Tribunal civil de la Seine affirmant dans un jugement du 6 avril 1949 que :
« il est admis en jurisprudence que le film véritable création intellectuelle résultant d’activités artistiques très diverses, est non pas une œuvre de commande, ni une œuvre collective (...), mais que tout au contraire c’est une œuvre de collaboration, dans laquelle chaque participant, s’il est un créateur d’art conserve son individualité propre et par voie de conséquence, le droit de se prévaloir des dispositions légales relatives à la protection de la propriété littéraire et artistique » 42.
29S’appuyer sur une construction prétorienne – fût-elle pertinente – pour qualifier juridiquement une œuvre de l’esprit, afin de déclencher le régime juridique correspondant à la qualification retenue, est un bien curieux exercice d’autosatisfaction judiciaire dans un système juridique de droit écrit qui prohibe à la fois le précédent et les arrêts de règlement. Et pourtant, cette manière de faire n’était pas isolée43. L’on a dit ce procédé dénué de valeur juridique dans la mesure où la Juridiction suprême, elle-même, a toujours refusé de lui reconnaître une quelconque portée juridique. Le fait d’invoquer seulement une « jurisprudence constante » n’est pas une motivation suffisante pour la Cour de cassation qui considère que la violation de la jurisprudence ne saurait servir de base à un pourvoi44. Il n’empêche, le procédé laisse perplexe d’autant que les juges suprêmes acceptent aujourd’hui que les juges du fond fassent référence à la jurisprudence à condition, toutefois, « qu’ils en rappellent les motifs et constatent en fait la similitude des situations »45. Sans compter que parfois la jurisprudence de la Cour de cassation est préférée à... la loi elle-même46 ! Sans tomber dans de telles extrémités qui restent à ce jour marginales, les références de plus en plus nombreuses à la jurisprudence dans les décisions constituent « peut-être, selon M. Gautier, l’amorce d’un changement dans la motivation des décisions françaises : il y aurait désormais place pour un visa des précédents nationaux et supra-nationaux, ce qui était jusqu’alors contraire à la tradition judiciaire. Evidemment, la double influence européenne (CEDH, CJCE) commence à se faire sentir »47. On ne saurait mieux traduire les incidences du pouvoir normatif du juge sur le droit contemporain48.
2°) Un constat étayé par des constructions prétoriennes riches et abondantes
3035. Lorsque l’on arpente les rives du droit d’auteur pour s’intéresser au limon jurisprudentiel, il apparaît que les illustrations attestant de la richesse et de la diversité des constructions prétoriennes antérieurement à la loi du 11 mars 1957 sont légion.
31La raison en est simple. Jusqu’à cette loi, le paysage législatif du droit d’auteur est particulièrement clairsemé. Deux décrets-lois, celui des 13-19 janvier 1791 sur le droit de représentation et celui des 19-24 juillet 1793 sur le droit de reproduction ; décrets-lois, certes fondamentaux, mais quelque peu lapidaires – au total moins d’une vingtaine d’articles49. Quelques modifications législatives sont venues les compléter ; mais elles ont été rares et leur portée limitée. Desbois, après inventaire, conclut qu’en 1950 « la législation des droits d’auteur, aujourd’hui encore en France, consiste essentiellement en deux dispositions, qui comptent plus de cent cinquante ans d’âge. L’une fournit la charte du droit de représentation, l’autre du droit de reproduction »50.
32Dans ce contexte, il n’est pas étonnant de constater que le droit d’auteur moderne s’est constitué par couches prétoriennes successives qui ont profondément enrichi le noyau dur législatif. Pêle–mêle de nombreux exemples peuvent être cités.
3336. Le droit moral tout d’abord. « Expression juridique du lien qui unit l’œuvre à son auteur », selon la définition de M. Françon, le droit moral n’a été réglementé par le législateur qu’en 1957, consacrant ainsi les constructions prétoriennes51. Il est en effet unanimement reconnu que ce sont les tribunaux qui ont bâti aux xixe et xxe siècles, dans le silence de la loi mais avec l’aide de la doctrine, les principes le régissant, assurant ainsi aux auteurs, dès avant 1957, la sauvegarde de leurs intérêts extrapatrimoniaux52. Avant sa consécration par la loi, le droit moral a été l’œuvre des juges53. Son origine jurisprudentielle est aujourd’hui communément admise54.
3437. Par la suite, constatant la coexistence de prérogatives d’ordre moral et patrimonial, la jurisprudence a été amenée à préciser la nature juridique du droit d’auteur lors d’affaires concernant les régimes matrimoniaux. Echappant aux classifications classiques des droits subjectifs distinguant entre les droits extra-patrimoniaux et les droits patrimoniaux et, à l’intérieur de ces derniers, les droits réels des droits personnels, le droit d’auteur est doté d’une nature juridique spécifique très tôt reconnue par la Cour de cassation. Dès la fin du xixe siècle, elle soulignait sa singularité en ces termes :
« loin de constituer une propriété comme celle que le Code civil a définie et organisée pour les biens meubles et immeubles,(les droits d’auteur et le monopole qu’ils confèrent) donnent seulement à ceux qui en sont investis le privilège exclusif d’une exploitation temporaire »55.
35Avec le soutien de la doctrine, la jurisprudence a ensuite dégagé le caractère dualiste du droit d’auteur composé de prérogatives morales et patrimoniales56. L’article L. 111–1 CPI en disposant que ce droit « comporte des attributs d’ordre intellectuel moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial » a consacré cette construction57.
3638. À continuer notre promenade géologique sur le limon jurisprudentiel, il ressort que l’originalité, autre notion fondamentale du droit d’auteur contemporain en ce qu’elle conditionne l’accès à cette protection particulière, est en grande partie le fruit d’une jurisprudence séculaire qui s’est efforcée, malgré le mutisme législatif, de déterminer positivement ce qui relevait ou non de la protection accordée par les deux décrets révolutionnaires58.
37Au lendemain de la Révolution française, le champ d’application de la protection accordée aux auteurs n’était pas en effet strictement délimité. Le décret de 1791 faisait simplement référence aux représentations théâtrales « des pièces de tous les genres » et aux « ouvrages des auteurs »59 ; tandis que le décret de 1793, plus précis, visait « les auteurs d’écrits en tout genre, les compositeurs de musique, les peintres et dessinateurs qui feront graver des tableaux ou dessins »60. Mais avec le progrès technique du xixe siècle ce qui allait sans dire à la fin du xviiie siècle allait de moins en moins de soi. Aussi une loi de 1902 précisa-t-elle que la protection du droit d’auteur est indifférente au « mérite ou à la destination de l’œuvre ». Mais ce n était là faire état que de conditions purement négatives61. Malgré ce cadre fuyant, le droit d’auteur a vu progressivement ses contours se dessiner. Des conditions positives, objet d’une application systématique, ont été érigées. Les magistrats ont ainsi accordé protection aux seules créations de forme à condition toutefois qu’elles soient originales62. Le critère contemporain de discrimination entre les œuvres protégeables et les œuvres non protégeables était posé63. Cependant, il serait inexact de présenter l’originalité comme un bloc homogène sans fissure. Entre les mains du juge, l’acception de l’originalité prétorienne oscillait entre « la personnalité de l’auteur », son « empreinte personnelle » (définition subjective classique de l originalité) et « la nouveauté » ou « l’effort intellectuel », (acceptions plus objectives, mais aussi plus controversées)64. Par la suite, la doctrine, et plus précisément Desbois, a systématisé le concept qui sera implicitement consacré par la loi du 11 mars 195765.
3839. Dans le sillon de l’originalité, et en dépit des critiques d’une partie importante de la doctrine, la jurisprudence a étendu la protection instituée par les décrets révolutionnaires aux photographies66. Là encore, les solutions jurisprudentielles en la matière n’ont pas été linéaires, loin s’en faut67. Mais ce qu’il importe de souligner, c’est que les juges ont adapté les textes à une technique artistique née postérieurement à leur élaboration. Jusqu’en 1957, les photographies ont donc été protégées dans le silence de la loi au gré des interprétations jurisprudentielles68.
39Et plus généralement, la protection accordée aux photographies doit être rapprochée de celle accordée par les magistrats aux œuvres issues des progrès techniques nés avec le xixe siècle, que le législateur révolutionnaire ne pouvait, par hypothèse, prévoir. Dans le silence de la loi, c’est en effet par les constructions prétoriennes du juge que le domaine d’application du droit d’auteur a été étendu tant aux œuvres qu’aux procédés de diffusion générés par le progrès technique. Ainsi, le juge a-t-il accordé protection à des œuvres nouvelles comme les œuvres radiophoniques et cinématographiques, par exemple69. Il a également étendu les droits exclusifs de représentation et de reproduction aux nouveaux modes de diffusion des œuvres, tels que la radiodiffusion C est en effet la célèbre jurisprudence dite des « aubergistes » qui a posé le principe contemporain du cumul des redevances : celles-ci se suivent et se cumulent dès lors que la communication atteint un nouveau public70. À communication nouvelle vers un nouveau public, autorisations et rémunérations nouvelles. Ce sont ces solutions qui sont aujourd’hui transposées aux discothèques notamment.
4040. Signalons encore que l’actuel système légal de protection des titres – protection autonome du titre lui-même en tant qu’œuvre de l’esprit indépendamment de l’œuvre qu’il désigne, et protection alternative sur le terrain du droit d’auteur, lorsque le titre est original, et sur celui de la concurrence déloyale, dans le cas contraire71 –procède dans tous ses éléments directement de la jurisprudence de la Cour suprême, et plus précisément de l’arrêt « Gueule d’Amour » rendu le 2 février 193772. Les principes dégagés des nombreuses décisions antérieures demeurent encore valables aujourd’hui73.
4141. S il paraît vain de se lancer dans une démarche exhaustive, inexorablement vouée à l’échec, il ne paraît pas inutile de citer deux derniers exemples significatifs de la portée des règles dégagées dans le silence de la loi par la Cour de cassation. Le premier exemple, relatif aux œuvres collectives, démontre que la jurisprudence, par l’influence qu’elle a exercée sur le législateur, a été une simple source indirecte, tandis que le second atteste, qu’en matière d œuvres de collaboration, la jurisprudence, à l’origine de règles juridiques positives, a été une source directe du droit74.
4242. Contrairement à certaines affirmations, la qualification d’œuvre collective n’est pas une pure création du législateur de 195775. Si la paternité est traditionnellement attribuée à Lerebours-Pigeonnière, vice-président de la Commission de la propriété intellectuelle, cette présentation doit être nuancée76. Une lecture attentive de ses travaux montre en effet que la définition qu’il donne de l’œuvre collective est en grande partie empruntée à la célèbre séquence jurisprudentielle « Firmin-Didot »77.
43C’est effectivement lors de ce feuilleton judiciaire, né de la contrefaçon par les frères Firmin-Didot du dictionnaire historique la Biographie universelle Michaud, que les juges ont utilisé pour la première fois la notion d œuvre collective dans un sens juridique relativement complet78.
44La Cour d’appel de renvoi d’Orléans précisa en effet que l’ouvrage litigieux constitue « une œuvre collective, un ensemble, un tout (...), qu’aucun autre nom que celui des frères Michaud n’était indiqué au public comme celui des créateurs et des organisateurs de l’œuvre collective »79. Cette qualification résultait des conditions posées par la Cour de cassation qui avait relevé, qu’en l’espèce, la participation des frères Michaud ne pouvait se réduire au rôle d’un simple éditeur ; leur participation « comprenant, dit-elle, tout à la fois la conception première de l’œuvre et son organisation, le choix des matériaux, la distribution des sujets (...), enfin le contrôle sur tous les travaux partiels pour les combiner dans l’ensemble et les adapter au but commun »80. En application de ces éléments constitutifs de l’œuvre collective, il revenait, selon la Cour, d’attribuer aux frères Michaud « la qualité d’auteur de l’ensemble et de coauteurs des différentes parties de la Biographie universelle dans leur rapport avec l’ensemble »81.
45C’est ce système qui sera intégralement repris par la loi du 11 mars 1957 qui définit l’œuvre collective comme « l’œuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom... » et en attribue, sauf preuve contraire, la propriété à « la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée »82. Les critères modernes d’ » initiative » et de « direction » sont la synthèse des efforts prétoriens antérieurs.
46Que la jurisprudence ait été une source indirecte du droit par l’influence exercée sur le législateur, cela ne paraît en l’espèce guère contestable. La simple lecture des dispositions légales relatives à l’œuvre collective montre que la qualification et le régime juridique élaborés par le juge avec l’aide de la doctrine ont été expressément consacrés par la loi du 11 mars 195783. Une fois de plus la jurisprudence a fourni au législateur le matériau nécessaire à l’édiction de règles légales devenues, par là même, incontestables84. Qu’il faille pour autant en conclure que cette source d’inspiration a été aussi une source directe du droit par l’élaboration de règles juridiques participant de la réglementation du droit, il y a un pas qu’on ne saurait franchir. Et l’évolution ultérieure l’interdit puisque les juges ont par la suite délaissé la notion d’œuvre collective nouvellement élaborée, au profit d’une analyse plus classique des relations entre entrepreneurs et collaborateurs. En ce sens, et après analyse des solutions jurisprudentielles postérieures à l’arrêt « Firmin-Didot », M. Cedras note une réelle « désaffection pour la notion d’œuvre collective » de la part des tribunaux à tel point que la notion se serait « éclipsée » derrière l’application de concepts voisins empruntés au droit commun (en l’occurrence, contrat de travail ou contrat d’entreprise)85.
4743. En revanche, quant aux œuvres de collaboration, les magistrats sont allés beaucoup plus loin, si loin qu’il est difficile, cette fois, de ne pas reconnaître à la jurisprudence rang de source directe du droit. Cela se vérifie tant du point de vue de la définition que du régime des œuvres de collaboration.
48Bien que laconique, la définition donnée par le législateur contemporain commande la réunion de trois éléments86 : 1°) la participation de personnes physiques, 2°) en qualité d’auteur et 3°) une participation concertée87. L’œuvre de collaboration est donc celle dans laquelle, selon la définition de M. Françon, « différents auteurs ont réalisé leur création respective sous l’empire d’une inspiration commune et en se concertant »88. La spécificité des œuvres de collaboration réside davantage dans le troisième critère que dans les deux premiers, simples manifestations de la conception personnaliste du droit d’auteur à la « française ». Or, cette nécessaire « participation concertée » avait été très clairement dégagée par la jurisprudence antérieure. Desbois cite le célèbre arrêt « Donizetti » de la Chambre civile du 7 avril 192589. Mais ce critère apparaît déjà dans une décision citée par Pouillet de la Chambre des requêtes en date du 4 février 1881 qui porte en germe les éléments constitutifs de l’œuvre de collaboration :
« si la représentation d’une œuvre composée à la fois de paroles et de musique ne peut avoir lieu sans le double consentement de l’écrivain et du musicien, c’est à la condition, dit la Cour, que cette œuvre, qu’elle qu’en soit d’ailleurs l’importance, ait été produite en commun et sous l’inspiration commune »90.
49Les juges ne se sont pas arrêtés en si bon chemin. Après avoir ainsi défini l’œuvre de collaboration, ils en ont dessiné les contours. Son régime se caractérise aujourd’hui par deux traits essentiels : l’indivision et le point de départ de la durée de protection post mortem auctoris91. Sur le premier point, les constructions prétoriennes ont été empruntées au droit commun et n’appellent pas d’observation particulière. En revanche, le second point, spécifique au droit d’auteur, mérite quelques précisions. Car dans le silence de la loi, il a fait l’objet d’une importante construction prétorienne. La loi du 14 juillet 1866 qui modifiait la durée de protection des œuvres littéraire et artistique en portant le délai de protection à 50 ans post mortem auctoris, n’avait prévu en effet aucune disposition spéciale quant au point de départ de la durée du monopole d’exploitation des coauteurs d’une œuvre de collaboration. Or c’est précisément cette lacune qui a été comblée par l’arrêt « Donizetti » du 7 avril 192592. Après avoir expressément relevé que « la loi du 14 juillet 1866 (...) ne prévoit pas le cas où l’œuvre est créée en collaboration », la Chambre civile de la Cour de cassation décida, en termes généraux, que le point de départ de la durée de protection post mortem auctoris d’une œuvre de collaboration ne commence à courir qu’à compter de la mort du dernier collaborateur survivant, prolongeant d’autant la durée de protection des droits de l’auteur prédécédé93. Selon la Juridiction suprême :
l’œuvre de collaboration doit être maintenue « dans le domaine privé aussi longtemps que dure et s’exerce le droit de jouissance légale de l’un des collaborateurs ou de ses héritiers ou ayants cause ; qu’en outre, et pendant cette même période, le partage des produits de l’œuvre doit se faire entre les représentants de chaque ligne »94
50Cette règle prétorienne posée aussi nettement pour la première fois par la Cour de cassation, continua à régir ce type d œuvre jusqu’à sa consécration expresse par la loi de 195 795. Difficile dans ces conditions de ne pas lui reconnaître la qualité de source directe du droit. En élargissant sa réflexion à la théorie générale des sources, le commentateur de l’arrêt ne dit d’ailleurs pas autre chose lorsqu’il affirme dans sa note que « la réglementation du droit d auteur est (...) en grande partie une réglementation prétorienne. Ce qui prouve une fois de plus que la jurisprudence est bien une source de droit positif, quand la loi est muette »96. On ne saurait mieux dire.
5144. Aux exemples choisis, objections pourraient être faites de leur caractère nécessairement arbitraire, de leur absence d’exhaustivité destinée, tel l’arbre qui cache la forêt, à dissimuler les inévitables hésitations et égarements des tribunaux. Ces objections sont fondées. L’édifice jurisprudentiel antérieurement à la loi de 1957, loin d’être parfait, n’est pas sans faille97. Il y a eu des hésitations, des revirements, et parfois des ratés98. Mais dans le silence de la loi, les reproches adressés à la jurisprudence sont relativement peu nombreux99. Bien au contraire, nombreux sont les auteurs qui ont lancé de véritables appels au pouvoir normatif du juge, l’encourageant à faire preuve de plus d’audace afin de mieux tenir compte de la particularité du droit d’auteur100. Et force est de constater que dans l’ensemble les règles prétoriennes ont réussi à combler les lacunes de la loi et à assurer aux auteurs une protection juridique appropriée et efficace.
5245. Qui plus est, la jurisprudence ne s’est pas contentée de compléter par couches successives les dispositions laissées en suspens par le législateur. Les stratifications prétoriennes successives ont bouleversé les grands équilibres du droit d’auteur, jusqu’à ébranler la philosophie du système mis en place.
53Il est en effet désormais admis que la conception humaniste sur laquelle repose l’ensemble de l’édifice juridique du droit d’auteur positif est le fruit de la jurisprudence. C’est elle qui véritablement a recentré la protection autour de la personne du créateur. Ainsi M. le Conseiller Kéréver précise-t-il, à rebours de certaines présentations aujourd’hui abandonnées, que :
« le droit d auteur né de la Révolution française, loin d’être d’essence personnaliste, est surtout inspiré par des considérations juridico-économiques. C est le xixe siècle qui, par la jurisprudence consacrée par la loi du 11 mars 1957, va tirer le droit d’auteur vers son aspect personnaliste »101.
54Antérieurement à la législation du 11 mars 1957, le paysage juridique français du droit d’auteur apparaît donc largement comme un droit jurisprudentiel. Ce qui du point de vue de la théorie générale des sources constitue une situation assez paradoxale.
B/ Une situation paradoxale
5546. Dans le système juridique de droit écrit français, la jurisprudence est censée occuper une place secondaire, sinon résiduelle, par rapport à la principale source du droit, la loi. Or antérieurement à la loi du 11 mars 1957, la situation juridique du droit d’auteur semble inversée avec, d’un côté, une législation discrète sur de nombreux points et condamnée au mutisme pour la plupart des créations nouvelles engendrées par le progrès technique et, de l’autre, une jurisprudence créative, réalisant les évolutions les plus profondes et tirant le droit d’auteur vers son aspiration la plus noble. Dans ces conditions, il ne paraît pas excessif de soutenir qu’antérieurement à la loi du 11 mars 1957, la jurisprudence a investi la première place au sein des sources du droit. Singulière situation qui confine au paradoxe lorsque l’on rappelle que c’est cet état de fait qui a été officiellement entériné au plan international.
56C’est en effet au xixe siècle, précisément au moment où les sources du droit d’auteur sont sens dessus dessous, que les principales conventions internationales du droit de la propriété littéraire et artistique ont été élaborées. Dépassant la philosophie de leur système respectif (système de droit écrit / système du précédent), des pays de traditions différentes se sont rencontrés en croisant le fer notamment sur la conception à retenir : conception personnaliste à la « française », centrée autour du lien indéfectible, quasi filial, qui unit l’auteur à son œuvre, ou conception anglo-saxonne, prenant davantage en compte l’intérêt du public et essentiellement tournée vers des considérations économiques102. On sait que la France, pays de droit écrit, y participa et que la délégation française joua un rôle prépondérant dans l’élaboration aussi bien de la Convention de Berne de 1886 que de la Convention Universelle signée à Genève en 1952. Mais ce qu’il importe de souligner, c’est que la France s’est appuyée moins sur sa législation, lapidaire, que sur sa jurisprudence, au contraire riche et abondante103. Quant aux pays anglo-saxons, davantage enclins au système du précédent, il est piquant d observer qu’ils se sont présentés aux négociations armés des premières législations véritablement protectrices des intérêts de l’auteur104.
57Il y avait là un bien étrange paradoxe que Desbois n’a pas manqué de relever :
« N’y avait-il pas, s’interroge-t-il, quelque gageure, quelque contradiction dans l’attitude d’un pays, tel que la France, traditionnellement enclin à la logique et à l’esprit de synthèse (d’abandonner) aux méthodes de l empirisme un secteur des relations juridiques (...). La carence du législateur français suscitait à l’époque contemporaine d’autant plus de surprise que la Grand Bretagne et les Etats-Unis, qui sont demeurés fidèles à l autorité du précédent judiciaire, ont fait appel aux services du Parlement dans le domaine de la propriété littéraire et artistique »105.
5847. À l’issue de ces développements, une conclusion s’impose. Que la jurisprudence ait été une source primordiale à l’élaboration de la loi du 11 mars 1957, nul n’en disconvient. Que cette jurisprudence ait participé par ses constructions prétoriennes, mais aussi par ses hésitations et ses errements, à la perfectibilité du droit positif, cela ne fait aucun doute. Que la jurisprudence ait ainsi joué à merveille un rôle expérimental, cela est tout aussi évident. Mais ces évidences, qui sans nul doute conduisent à affirmer que la jurisprudence antérieurement à 1957 a été une source indirecte du droit, autorisent, aussi, il nous semble, à affirmer qu’elle a été une source directe du droit. Elle n’a pas seulement exercé une influence sur le législateur, elle a aussi formulé des règles générales qui ont été appliquées à un nombre indéterminé de cas particuliers106. Ses constructions prétoriennes ont participé non seulement à l’élaboration du droit d’auteur moderne, mais aussi et pendant plus d’un siècle et demi, à sa réglementation.
59Finalement, et ce serait le dernier paradoxe, le droit d’auteur antérieurement à la loi du 11 mars 1957 offre, en présence de textes anciens et lapidaires et d’une jurisprudence au contraire riche et abondante, un visage essentiellement jurisprudentiel, ce qui le rapprocherait de ce point de vue davantage du droit administratif, progressivement élaboré par la jurisprudence du Conseil d’État, que du droit civil107. Rétrospectivement, les cent cinquante années écoulées depuis la Révolution apparaissent à de nombreux égards comme « l’âge d’or » de la jurisprudence. Et il n’est pas certain que la période contemporaine ne soit pas aussi féconde. C’est ce qu’il convient maintenant de vérifier.
§ 2. Manifestations contemporaines
6048. Depuis la loi du 11 mars 1957, complétée par la loi du 3 juillet 1985, aujourd’hui codifiées au sein du Code de la propriété intellectuelle, la situation législative du droit d’auteur a profondément évolué. La nouvelle législation est en effet beaucoup plus précise et étoffée que la précédente108. Charte du droit d’auteur, elle est traditionnellement présentée, comme « un monument législatif moderne et achevé »109. Législation si complète que la doctrine française du droit d’auteur aurait été frappée, selon Me Edelman, d’une sorte de « paralysie exégétique devant un texte "parfait" »110. Sévère vis-à-vis de la doctrine, cette critique n’affecte nullement la jurisprudence. Loin d’être paralysée, elle a au contraire fait preuve depuis 1957 d’une étonnante vigueur. Il n’est qu’à voir la multiplication des recueils de jurisprudence et le soin minutieux avec lequel la doctrine suit les vicissitudes du droit positif à travers les décisions jurisprudentielles111.
61Plus précisément, la vigueur de la jurisprudence se manifeste au travers d’une réglementation prétorienne importante (A) dont certains exemples permettent de mettre en exergue les procédés techniques par lesquels une règle générale peut naître de décisions, en principe, particulières (B).
A/ Une réglementation prétorienne importante
6249. L’étude de la jurisprudence antérieure à 1957 a montré que dans le silence de la loi, le juge a été amené à dépasser, transcender, sa fonction première d’application des règles formelles de droit, afin de suppléer, par une réglementation prétorienne importante, une réglementation légale lapidaire.
63Dans ces conditions, la tentation est grande de penser a contrario qu’une législation abondante serait un frein au développement du pouvoir normatif du juge. La loi du 11 mars 1957, beaucoup plus étoffée que les deux décrets-lois de 1791 et 1793, aurait dû modérer les interventions du juge. Or il n’en a rien été. Le préjugé ne résiste pas à l’analyse. Malgré un dispositif législatif relativement dense, les constructions prétoriennes sont sous l’empire du droit positif tout aussi importantes. Nombre d’exemples peuvent être cités.
6450. Ainsi de la jurisprudence relative à la rémunération proportionnelle de l’auteur. Au fil des espèces qui se sont présentées ces vingt dernières années pour déterminer le mode de calcul de la rémunération proportionnelle en application de l’article L. 131-4 CPI, la Cour régulatrice a adopté une construction générale relativement complète et qui se veut favorable aux créateurs.
65On sait en effet que la question, débattue en doctrine, a été tranchée par la Cour de cassation dans le sens des intérêts de l’auteur en choisissant, d’une part, le prix de vente au public comme assiette de la rémunération proportionnelle et en prenant soin, d’autre part, d’ajouter que cette solution résulte des dispositions impératives de l’article L. 131-4 CPI112. On se rappelle aussi que cette solution, en présence d’interprétations doctrinales divergentes, nourries par les dispositions contradictoires du législateur, relevait davantage de l’interprétation que de l’évidence113. Reste que la solution est désormais fermement établie. Le choix du chiffre d’affaire de l’exploitant est donc écarté au motif que c’est à ce dernier « de supporter les frais d’exploitation seul dans le contrat d’édition »114 ; l’auteur n’ayant « pas à participer aux frais de l’entreprise »115. La Cour de cassation a complété le dispositif mis en place puisqu’elle semble dorénavant exclure la TVA de l’assiette de la rémunération116. L ensemble de ce dispositif prétorien mériterait d’être approuvé s’il n’avait été étendu à d’autres hypothèses, telles que les cessions à l’étranger ou encore l’édition vidéographique117. Car ainsi que cela a été montré à de nombreuses reprises, il est en effet très difficile dans ces hypothèses de connaître exactement le prix payé par le public en l’absence d’un dispositif équivalent à la « Loi Lang » qui fixe pour le livre un prix unique de vente au public118. Aussi peut-on regretter que la détermination de règles prétoriennes générales se fasse parfois au détriment des conséquences pratiques immédiates des solutions de la Cour Suprême119.
66Quoi qu’il en soit, il semble difficile de contester que le principe d’un prix public de vente hors taxe comme assiette de la rémunération proportionnelle due à l’auteur constitue une règle jurisprudentielle dégagée dans le silence de la loi, au fur et à mesure des litiges, mais ayant vocation générale à s’appliquer à tous les cas semblables. Elle est, sans nul doute, l’expression contemporaine du pouvoir normatif du juge. Croire qu’il ne s’agit que d’une solution d’espèce serait irréaliste. Les professionnels ne s’y sont pas trompés et essaient d’appliquer la règle prétorienne en imaginant des solutions originales lorsqu’il n’existe pas de prix unique de vente au public120.
6751. Il est également difficile de contester que le recours par le juge au principe correcteur de l’abus de droit constitue une règle jurisprudentielle générale121. Si les auteurs méritent protection, leurs prétentions - fussent-elles d’ordre pécuniaire ou d’ordre moral – ne sauraient dégénérer en abus. Excessives ou malveillantes, les revendications des auteurs ne sauraient échapper au pouvoir modérateur du juge. Du moins les tribunaux ne le permettent plus, puisqu’ils semblent dorénavant résolument engagés à condamner l abus de droit au-delà même des prescriptions légales. Ainsi, la Cour de cassation condamne-t-elle, même sans texte, l’abus de droit moral122 ; prérogative pourtant éminemment personnelle123 – parfois qualifié de droit discrétionnaire124.
68La théorie prétorienne de l’abus de droit, élaborée au xixe siècle à partir du droit de propriété, droit absolu mais non illimité, ne semble donc plus connaître de frontière en se répandant comme une tache d’huile à l’ensemble des droits subjectifs, droits de la personnalité compris. Et M. Caron dans sa thèse consacrée à 1 « Abus de droit et droit d’auteur » en fait une démonstration convaincante, non sans souligner la sagesse des juges : « L expérience montre, dit-il, que la théorie de l’abus de droit n a pas révolutionné l ordre juridique et que les droits, même relativisés, n’en continuent pas moins d’exister. C’est pourquoi il importe de faire confiance au juge »125. Les droits dits « absolus » ne sont pas seulement limités par la loi ; ils sont également tenus en lisière par le pouvoir normatif du juge, lequel a su dans l’ensemble se préserver des abus qu’il sanctionne.
6952. Les exemples de règles générales d’origine juridictionnelle pourraient être multipliés. Ainsi, lorsque la Juridiction suprême lors du fameux arrêt intervenu à propos de la colorisation du film « Asphalt Jungle » de John Huston décide que les textes relatifs au droit moral de l’auteur ainsi que les dispositions de l’actuel article L. 111-4 CPI « sont des lois d’application impératives »126 ; c’est-à-dire « des lois de police », pour user d’une terminologie plus respectueuse des principes du droit international privé127. En application de cette jurisprudence dégagée dans le silence de la loi, l’auteur qui a valablement renoncé à ses prérogatives morales par un contrat soumis à une loi étrangère (en l’espèce, la loi américaine) n’a pas pour autant perdu la faculté de se prévaloir, en France, du droit moral.
7053. Il faudrait encore citer la jurisprudence relative au droit de destination qui permet à un auteur de contrôler l’exploitation secondaire de ses œuvres réalisée par le truchement d’un support matériel licitement mis dans le commerce. Cette faculté est aujourd’hui expressément reconnue par la directive européenne 92/100/CE du 19 novembre 1992 relative au droit de location et de prêt128. Mais dès avant sa reconnaissance au plan communautaire, c’est le juge qui sur le fondement de dispositions légales implicites a associé l’auteur aux utilisations nouvelles, telles que la location ou le prêt public. Développée à partir des années quarante, cette jurisprudence a fait l’objet d’une véritable consécration à la fin des années quatre-vingt129. Aussi, l’auteur peut-il désormais « suivre son œuvre à travers le destin des exemplaires, pour contrôler ce destin et participer aux profits que les tiers prétendent tirer de sa création », selon l’expression de M. Pollaud-Dulian dont la thèse est consacrée au droit de destination130.
7154. L’évocation du droit de destination oblige à dire un mot de la jurisprudence communautaire dont le pouvoir normatif complémentaire est par ailleurs expressément reconnu par la doctrine131. Malgré les hésitations initiales quant à l’application du Traité de Rome au droit d’auteur, le droit positif est venu clore les controverses doctrinales pour reconnaître clairement la compétence communautaire132. Le mérite en revient essentiellement à la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) : dans le silence du Traité, que certains interprétaient comme une volonté des rédacteurs de laisser le droit d’auteur hors de son champ d’application, elle n’a pas hésité à soumettre le droit de la propriété littéraire et artistique aux règles communautaires133.
72Depuis lors, la Cour de justice s’est efforcée depuis plus de trente ans de construire un ensemble cohérent de règles destinées à permettre la mise en œuvre des grands principes communautaires tels que la non-discrimination, la libre concurrence et la libre circulation. Sur ce dernier point, la CJCE a ainsi dessiné les contours de la théorie de l’épuisement des droits de propriété intellectuelle en vertu de laquelle « la commercialisation d’un produit couvert par une propriété incorporelle dans un pays de l’Union empêche, sauf motif légitime, le titulaire du droit de s’en prévaloir une nouvelle fois, dans les autres Etats membres, à l’occasion de sa distribution »134.
73En droit d’auteur en effet, si le droit de location ou de prêt n’est pas soumis à épuisement, il en va différemment en matière de distribution135. Une importante distinction gouverne la matière selon la jurisprudence communautaire. La règle de l’épuisement ne joue qu’à l’intérieur de l’Union européenne. Ainsi lorsque le produit a été écoulé licitement sur le marché d’un autre État membre par le titulaire du droit ou avec son consentement, le droit de distribution est épuisé136. Cela suppose que le produit ait été régulièrement commercialisé, par le titulaire ou avec son autorisation. En revanche, la règle de l’épuisement est écartée lorsque le pays d’origine n’est pas membre de l’Union européenne137. La règle ne joue qu’à propos des relations à l’intérieur du marché commun, depuis étendu à l’espace économique européen. Sous cette dernière réserve, il n’y a donc pas d’épuisement international.
74La contribution de la CJCE a été considérable en droit d’auteur ; aussi considérable que celle érigée dans les premières années de son existence relativement à la primauté du droit communautaire sur les législations nationales et à son applicabilité directe et immédiate138.
75De sorte que pour la première fois un système juridique transnational tend « à appréhender le phénomène de circulation des objets protégés par le droit de la propriété littéraire et artistique, non de manière pluri-étatique, mais par référence à un seul et même espace territorial : l’espace européen »139. Et force est de reconnaître que la jurisprudence communautaire y a pris une part prépondérante par ses réalisations prétoriennes.
7655. Si la législation positive dispose désormais d’une assise légale beaucoup plus consistante tant sur le plan interne que sur le plan international, elle ne saurait pour autant tout prévoir, ne serait-ce que parce qu’elle est incapable d’envisager toutes les hypothèses qui se présenteront avec le temps. En droit d’auteur comme dans les autres branches du droit, même lorsque le législateur se veut très complet, les lacunes sont inévitables, sauf à restaurer le dogme de la complétude de la loi140. C est alors au juge, notamment, que revient la tâche de combler les vides laissés par le législateur, soit en précisant le sens et la portée des dispositions légales (1°), soit en les adaptant aux nécessités nouvelles (2°). Dans les deux cas, il le fait le plus souvent par des règles générales, expression de son pouvoir normatif. C’est ce dernier point qu’il conviendra de souligner.
1 °) Précision des dispositions légales
7756. Plus le dispositif légal est lâche, plus le juge dispose d’une marge de manœuvre importante pour compléter les silences de la loi. En attestent les exemples précédents141. À l’inverse, la liberté du juge ne se rétrécit pas forcément lorsque le cadre légal est plus étroit. L’exemple des dérogations au monopole exclusif de l’auteur paraît à cet égard particulièrement significatif dans la mesure où le législateur, d’habitude synthétique, fournit ici la liste des exceptions « de façon analytique, c est-à-dire, précise M. Sirinelli, de manière très descriptive et limitative »142. Or, même dans ce cas, il s’avère que le dispositif légal institué à l’article L. 122-5 CPI est incomplet, de sorte que le juge a été amené à le préciser143. Deux exemples seront évoqués : le premier concerne les revues de presse, le second porte sur le sens et la portée des notions cadres utilisées par le législateur.
7857. L article L. 122-5, 3° CPI dispose que « sous réserve, que soient indiqués clairement le nom de l’auteur et la source (...), les revues de presse » sont soustraites au droit de reproduction de l’auteur. Mais que faut-il entendre par « revue de presse » ? La loi ne dit mot. Il va de soi que les sujets traités doivent être des sujets d’actualité144. Comme il est évident ainsi que cela a été jugé, que cette exception ne concerne ni la reproduction quasi intégrale d’une interview145 ; ni la reproduction quasi exclusive d éditoriaux d un même journaliste146. Mais il ne s’agit là que d’éléments négatifs de définition qui ne permettent pas une approche globale. Or, la jurisprudence a suppléé cette carence par une définition générale. Selon la Cour de cassation, la revue de presse doit s’entendre comme :
« la présentation conjointe et par voie comparative de divers commentaires émanant de journalistes différents et concernant un même thème et un même événement »147.
79Cette définition n’est pas exempte de critiques, notamment parce qu’elle semble exclure, contrairement à une pratique répandue, les revues de presse constituées d’articles divers relativement, non pas à une thématique unique, mais à des sujets d’actualité multiples148. Mais ce qu’il importe de relever, c’est que l’ampleur de la dérogation est abandonnée, dans le silence de la loi, à la jurisprudence. C’est elle qui va finalement donner un sens précis aux limites du monopole de l’auteur. C’est elle qui, en dernier lieu, va délimiter l’importance de la brèche ouverte par la loi dans l’édifice du droit de reproduction. Le pouvoir normatif du juge est alors libre de jouer les artificiers et de déterminer, par des règles générales qu’il aura dégagées au cours des procès, l’orientation à donner à des espèces semblables.
8058. De même, les magistrats ont-ils précisé le sens et la portée de « notions cadres », telles que les expressions de « lois du genre » ou encore de « cercle de famille », limitant respectivement les exceptions légales de parodie et de représentations privées et gratuites149. Ainsi la première notion commande, selon la jurisprudence, que la parodie soit « humoristique, qu’il n’y ait aucun risque de confusion avec l’œuvre objet de parodie et que les droits de la personnalité de l auteur soient respectés »150. La seconde comprend, selon une jurisprudence non moins constante, « les personnes, parents ou amis très proches, qui sont unis de façon habituelle par des liens familiaux ou d amitié »151.
81Ces précisions prétoriennes de portée générale appliquées par delà les espèces particulières participent de la fonction normative de la jurisprudence. En contrepoint de dispositions légales incomplètes, la jurisprudence s’impose comme une source d’appoint incontournable. En précisant le sens et la portée des dispositions légales, le juge remplit la mission que Portalis lui assignait lorsqu’il déclarait que « c’est à l’expérience à combler successivement les vides que nous laissons »152. Il en de même lorsque le juge adapte la loi aux exigences de la vie moderne.
2°) Adaptation des textes
8259. Nul ne conteste en doctrine « la légitimité de l’adaptation du droit par le juge »153. Dès lors que l’on admet, banal lieu commun, que la loi est toujours en retard sur la technique, il faut admettre que c’est au juge que revient la tâche de combler le décalage existant. Car c’est lui qui est le premier confronté aux mutations profondes de la société.
83En droit d’auteur, le juge est habitué à « l’irruption de la technique dans le processus créatif »154 :
« N’oublions pas, rappelle M. Lucas, que le droit d’auteur est né en quelque sorte de la technique puisque c’est l’invention de l’imprimerie qui a permis de démultiplier les œuvres, provoquant la naissance d’un marché, et qui a fait apparaître la nécessité de protéger les auteurs. Par la suite, le droit d’auteur a évolué pour "coller" à la technique. Il lui a fallu ainsi "digérer" le disque, la radio, le cinéma, la télévision, le câble, le satellite. Et cela ne s est pas si mal passé »155
84Les magistrats ne sont pas étrangers à ce succès. Ces dernières années, ils ont dû de nouveau faire face aux transformations radicales de l’environnement culturel engendrées par l’avènement du numérique. En une décennie le droit d’auteur a en effet été propulsé à une vitesse vertigineuse d’un monde à l’autre, de l’analogique au digital156. Et de nouveau, ce sont les magistrats qui ont eu la charge les premiers de traduire en termes juridiques les changements de paradigmes de la nouvelle société dite « de l’information ».
8560. Force est en effet de reconnaître que les problèmes juridiques posés par les techniques modernes de communication ont été réglés, comme par le passé, par des constructions prétoriennes élaborées à partir de textes édictés à un moment où ces techniques n’existaient pas. Le pouvoir créateur et normatif du juge a été une fois encore mis à contribution.
86Jadis, une partie importante du travail jurisprudentiel avait été d’étendre le domaine d’application du droit d’auteur aux œuvres nouvelles et aux nouveaux procédés techniques de diffusion157. Aujourd’hui ce travail se poursuit. Par une importante jurisprudence praeter legem, les prérogatives traditionnelles de l’auteur appréhendent les nouvelles formes d’exploitation de leurs œuvres. Le droit de reproduction s’est ainsi enrichi du droit de destination158. Quant au droit de représentation, la jurisprudence contemporaine dite « des chambres d’hôtel » prolonge celle « des aubergistes »159. Depuis le revirement de la Cour de cassation dans l’affaire « CNN », il est admis que la réception des émissions de radio et de télévision dans les chambres d’hôtel donnent prise à l’application du droit d’auteur. Par cet important arrêt de principe la Haute juridiction a en effet décidé que la communication des programmes de la chaîne câblée CNN dans des chambres d’hôtel constitue une représentation au motif que :
« l’ensemble des clients de l’hôtel, bien que chacun occupe à titre privé une chambre individuelle, constitue un public à qui la direction de l’établissement transmet les programmes de télévision, dans l’exercice et pour les besoins de son commerce »160.
87Les termes généraux de cette décision tranchent définitivement la question de l’application du droit d’auteur aux diffusions réalisées dans les chambres d’hôtel161. Ils ont surtout ouvert de nouvelles perspectives au moment où se développaient massivement les « autoroutes de l’information ».
8861. Et comment conclure ces développements consacrés aux efforts d’adaptation des textes par les juges sans évoquer Internet ? Il y a peu les médias jugeaient la législation française obsolète. Or avec les premières décisions judiciaires, l’Internet est entré dans le champ du droit d’auteur sans qu’il ait été besoin d’élaborer un corpus de règles spécifiques162. Plus personne ne s’en étonne même si beaucoup de choses restent à faire. Il n’en demeure pas moins que la jurisprudence a ainsi montré que le droit d’auteur n’est pas inadapté au monde numérique et immatériel bien qu’il ait été « conçu pour l’analogique et les supports matériels »163.
89Ainsi l’œuvre multimédia bénéficie-t-elle de la protection du droit d’auteur au même titre qu’une œuvre classique164. Et la diffusion d’une œuvre en réseau, ainsi que sa numérisation, relèvent du monopole exclusif d’exploitation reconnu aux auteurs par le Code de la propriété intellectuelle165. Enfin, il faut noter la rapidité avec la laquelle le juge a réagi en proposant des solutions souvent adéquates166. De l’avis unanime, cela a constitué un facteur notable permettant de dissiper l’angoisse du juriste aux prises avec le monde virtuel. Grâce au juge, les passions se sont apaisées et le soi-disant « vide législatif », déduit par certains du silence de la loi, est resté à l’état virtuel.
90Certes, tout n’est pas réglé ; des problèmes juridiques restent en suspens, des questions nouvelles viendront à se poser. Mais dans l’ensemble, le droit d’auteur né avec la Révolution française a su s’adapter à la « Révolution numérique »167. Les juges, aidés par une doctrine régénérée par le dynamisme des nouvelles technologies, ont empêché une intervention prématurée du législateur ; la précipitation a été évitée. Preuve en est que la jurisprudence est parfois une source apaisante permettant d’attendre et de « calmer l’inflation législative »168.
9162. En droit d’auteur, les magistrats ont ainsi suivi à la lettre les paroles célèbres du Premier président de la Cour de cassation, Ballot-Beaupré :
Le juge, disait-il, « ne doit pas s attarder à rechercher obstinément quelle a été, il y a cent ans, la pensée (des législateurs) ; il doit se demander ce qu’elle serait si le même texte était aujourd’hui rédigé par eux ». Et d’ajouter : « la justice et la raison commandent d’adapter libéralement, humainement, le texte aux réalités et aux exigences de la vie moderne »169.
92L’on a dit ces paroles isolées170 ; force est de constater qu’elles ne sont pas restées lettre morte, en droit d’auteur du moins. La législation sur la propriété littéraire et artistique a toujours eu un temps de retard. Tributaire de l état de la technique, elle a toujours été à la remorque des nouveaux procédés de communication des œuvres au public. Les juges se sont efforcés et s’efforcent de combler ce retard en confrontant les textes aux situations nouvelles et imprévues et en les adaptant « aux réalités et aux exigences de la vie moderne ». Qui les en blâmerait ?
93Plusieurs autres exemples pourraient être donnés. Au-delà de ces exemples nécessairement épars, il est des cas dans lesquels la volonté du juge de poser des règles jurisprudentielles générales ne fait aucun doute en raison des procédés techniques utilisés. C’est à quoi il convient maintenant de s’intéresser.
B/ Les procédés techniques utilisés
9463. Les procédés dont le juge dispose pour donner naissance, à partir de décisions particulières, à une règle générale sont nombreux. Il ne saurait être ici question d’en dresser un panorama complet ni d’en analyser les motivations profondes. Les noms sont illustres, et il serait hors de propos d’exposer ce qui a déjà été dit à de nombreuses reprises171. La représentation apaisante du juge machine à syllogisme judiciaire s’est brisée sur la réalité, saisie dans sa complexité par la doctrine172. Le juge n’est plus un simple exécutant de la volonté du législateur. « La fonction de juger a sa logique et ses exigences, écrit M. Riais, qui interdisent de la réduire à cette legidiction mécanique à laquelle on a cru un temps pouvoir la cantonner »173.
95Parmi ces procédés, il va de soi que l’interprétation joue un rôle capital. Les méthodes d’interprétation sont connues et souvent développées174 ; les procédés techniques conduisant à une règle générale le sont moins. Deux techniques seront ici retenues en ce qu’elles procèdent d’une volonté délibérée de la part du juge d’édicter des règles juridiques générales valables au-delà du litige particulier à l’occasion duquel la règle a été édictée : il s’agit des présomptions judiciaires (1°) et de l’obiter dictum (2°), instruments emblématiques du pouvoir normatif du juge.
1 °) Les présomptions
96Les présomptions ont été utilisées pour régler le sort notamment de certaines actions en justice. Deux exemples sont significatifs.
9764. Le premier exemple concerne la présomption de titularité des droits patrimoniaux que le juge n’a pas hésité à créer, en marge des textes, au bénéfice des personnes morales qui agissent en justice contre les tiers contrefacteurs175.
98Un bref rappel du droit positif s’impose afin d’apprécier pleinement la portée de l’une « des plus belles créations prétoriennes récentes en droit de la propriété intellectuelle », selon M. Caron176. D’une part, il convient de préciser que, conformément au droit commun, pour agir en contrefaçon contre un tiers, une personne morale doit préalablement démontrer qu’elle est bien titulaire des droits qu’elle estime bafoués177. Et il faut ajouter, d’autre part, que selon le Code de la propriété intellectuelle la qualité d’auteur n’étant reconnue qu’aux seules personnes physiques, une personne morale ne peut être titulaire des droits d’auteur que dans deux séries d’hypothèses. Lorsqu’elle est titulaire ab initio des droits d’auteur, ce qui est le cas lorsqu’il s’agit d’une œuvre collective (article L. 113-5 CPI) ou d’un logiciel créé par un salarié (article L. 113-9 CPI). Et lorsqu’elle est cessionnaire des droits patrimoniaux de l’auteur personne physique à la suite, soit d’une cession, soit d’une présomption de cession (articles L. 132-24 CPI pour les œuvres audiovisuelles et L. 132-31 CPI pour le contrat de commande d’une œuvre pour la publicité). En conséquence, une personne morale pour agir en contrefaçon contre un tiers doit, en principe, préalablement rapporter la preuve, soit d’une cession de droit, soit de l’existence d’une œuvre qui emporte à son profit dévolution des droits litigieux. Or, cette preuve est difficile à rapporter lorsqu’il s’agit d’une œuvre collective, et l’entreprise s’avère particulièrement délicate lorsque la personne morale a oublié de se faire céder les droits, ce qui est, hélas, « fréquent compte tenu de l’indigence de la pratique contractuelle »178. Dans les procès en contrefaçon, ces contraintes probatoires profitaient aux contrefacteurs : assignés en justice, ils soulevaient l irrecevabilité de l’action dirigée contre eux, et échappaient à toutes poursuites, la personne morale ne parvenant pas à démontrer sa qualité de titulaire des droits d’auteur sur l’œuvre litigieuse179. Afin de faciliter l’action en justice des personnes morales et de sortir de l’impunité subséquente des contrefacteurs, la Cour de cassation a développé une parade efficace : elle a créé dans le silence de la loi une présomption de titularité des droits de l’auteur au bénéfice de la personne morale dans le but de lutter contre la contrefaçon.
99C’est l’arrêt dit « Aréo » de la première Chambre civile du 24 mars 1993 qui, le premier, a posé cette règle prétorienne180. Depuis, elle est régulièrement appliquée en dépit de quelques variantes dans sa formulation181. L « attendu » de l’un des deux arrêts rendus le 11 mai 1999 en des termes quasi identiques par la première Chambre civile en donne la mesure182 :
« Attendu que la Cour d’appel a exactement retenu qu’en l absence de toute revendication d’un droit d’auteur sur les créations litigieuses par une quelconque personne physique, la Société (...) qui les commercialisait sous son nom, était, du fait de ces actes de possession et indépendamment de la qualification de l’œuvre, présumée, à l’égard de la société (...) poursuivie pour contrefaçon, titulaire des droits de propriété incorporelle de l’auteur... »183.
100Sous certaines conditions, sur lesquelles il n’est pas ici question de revenir puisqu’elles ont été abondamment commentées, la personne morale est présumée titulaire des droits de l’auteur184. Elle est donc dispensée d’avoir à rapporter la preuve difficile de sa qualité de titulaire des droits de l’auteur sur l’œuvre litigieuse. Et la Cour de cassation prend soin de préciser que la présomption ne joue qu’à rencontre des tiers contrefacteurs ; les droits des auteurs personnes physiques étant expressément réservés185. Cette construction audacieuse place désormais les personnes morales en position de force : l’accès aux prétoires leur est ainsi grandement facilité et l’impunité de fait, dans laquelle les contrefacteurs se trouvaient auparavant, fortement tempérée186. En ce sens, elle mérite d’être approuvée187.
101S’il est vrai que la Cour de cassation n’a pas expressément précisé la nature de la présomption, simple ou irréfragable, le mécanisme instauré n’est pas sans rappeler celui des présomptions dites « présomptions antéjudiciaires »188. Ces présomptions légales opèrent un renversement de la charge de la preuve comme l’illustre l’exemple traditionnellement cité de l’article 2268 du Code civil : « La bonne foi est toujours présumée, et c est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver ». Par identité de motifs, ce serait aux contrefacteurs qui allèguent l’absence de droits de la personne morale à la prouver. Le déplacement de la preuve est ici systématisé non par la loi, mais par le juge, de telle sorte que sur son injonction la personne morale est présumée titulaire des doits de l’auteur à l’égard des contrefacteurs.
102Cette présomption de titularité des droits reconnue aux personnes morales renvoie aux présomptions « quasi légales ». M. Caron, prenant appui sur une doctrine avisée, souligne qu’il s’agit là d’une « présomption créée de toute pièce par le juge », c est-à-dire d’une présomption spontanément élaborée par la jurisprudence189. Le mécanisme de la présomption fournit en effet au juge le moyen de poser, dans le silence de la loi, des règles prétoriennes générales et, finalement, de faire œuvre normative. Afin de mettre en exergue l’une des manifestations du pouvoir normatif du juge, M. Dupichot parle, à juste titre, de « présomptions normatives purement prétoriennes dites présomptions quasi légales »190. Et plus loin d’ajouter :
« Partant de situations de fait-types et d indices usuels, la jurisprudence se manifeste en tant que source créatrice du droit : indépendamment de toute intervention législative, le poids de la jurisprudence transformera une présomption de fait en présomption contraignante pour le juge saisi. Ces présomptions, dites quasi-légales ou extra-légales par la doctrine, sont élaborées spontanément par le corps judiciaire, notamment afin de faciliter aux plaideurs la preuve de la réunion des conditions de mise en œuvre d’une institution jugée opportune ou vice-versa »191.
103La règle générale dégagée par le corps judiciaire a donc bien vocation à transcender l’espèce à l’occasion de laquelle et pour laquelle elle a été créée, pour être appliquée, en des termes quasi identiques, à des litiges semblables192.
10465. Une construction similaire a été élaborée sur le terrain pénal de la contrefaçon. L’on sait que la contrefaçon peut être civilement et pénalement sanctionnée et que le délit de contrefaçon trouve son siège dans deux articles importants :
L’article L. 335-2 CPI dont l alinéa 1er dispose que « toute édition d’écrits, de composition musicale de dessin, de peinture... au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon ; et toute contrefaçon est un délit ».
Et l’article L. 335-3 alinéa 1er CPI selon lequel « est également un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une œuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur, tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi ».
105Outre l élément légal, l’infraction est constituée, au pénal, par le réunion d’un élément matériel et d’un élément moral. C’est ce dernier qui est ici visé. Dans le silence de la loi, la question s’était en effet posée de savoir si l’élément intentionnel est nécessaire pour constituer le délit de contrefaçon. La réponse affirmative est aujourd’hui certaine193. Mais la jurisprudence est allée encore plus loin. Profitant du vide laissé par le législateur, elle a en effet créé une présomption de mauvaise foi du contrefacteur, du moins lorsqu’il s’agit de la contre-façon par représentation et par reproduction194. Cette présomption simple de mauvaise foi a été élaborée par les juges dès la fin du xixe siècle : dès lors que le fait matériel de la contrefaçon est établi, la mauvaise foi du prétendu contrefacteur est présumée195. La règle est aujourd’hui communément admise196. Et elle n’est remise en cause ni par la jurisprudence, constante sur ce point, ni par le Nouveau Code pénal qui supprime les délits non intentionnels197.
10666. Ajoutée à la précédente, la règle facilite la répression en même temps qu’elle renforce la lutte contre la contrefaçon. Dès lors que le but est noble (la lutte contre la contrefaçon) et le remède conforme à l’esprit général de la loi (la protection des intérêts de l’auteur), la Cour de cassation n’hésite pas à compléter le dispositif légal par des règles prétoriennes générales. D’autres procédés sont utilisés, tel l’obiter dictum.
2°) L’obiter dictum
10767. Lorsque le juge insère un motif de droit sans rapport avec le litige à seule fin de trancher d’avance une question débattue, sa volonté de dégager des règles prétoriennes générales ne fait guère plus de doute198. Dans une note restée célèbre, Hébraud explique que la Cour glisse dans ses motifs une « proposition générale et abstraite qui se présente comme expression directe d’une règle nouvelle de droit prétorien »199. La règle prétorienne se détache alors très nettement de son espèce pour venir informer magistrats et sujets de droit d’une évetuelle modification jurisprudentielle.
108Le procédé n’est pas si fréquent. Voulet, Conseiller à la Cour de cassation, avant de rappeler l’arrêt du 20 mai 1969 traditionnellement cité en droit privé, relatif à l’action en réclamation d’aliments de l’article 342 al. 2 du Code civil étendue par la Cour de cassation aux enfants naturels simples alors que la question posée concernait seulement les enfants adultérins, observe en effet que « c’est avec une grande prudence et très exceptionnellement que la Cour consent à "déborder le moyen" et à résoudre un problème qui ne lui était pas directement soumis »200. Mais il est employé par les magistrats, le plus souvent par les juges du fond, parfois par la Cour suprême.
10968. Quelques exemples existent en droit d’auteur. Ainsi, quant aux conditions de protection d’une œuvre de l’esprit, une Cour d’appel pour mieux souligner que seules les créations de forme originale peuvent être protégées pose qu’» il y a des limites à la protection d’une création par le Code de la propriété intellectuelle »201.
110Les exemples pourraient être multipliés. Qu’il suffise de citer cet arrêt du 7 juin 1995 par lequel la Cour d’appel de Paris se prononce très clairement sur la qualification de l’œuvre audiovisuelle202 : « Le film "Du rififi chez les femmes", comme toute œuvre cinématographique, est, selon la Cour, une œuvre de collaboration », alors qu’une position plus nuancée s’imposait, dès lors que l’on admet, comme le soutient une partie très minoritaire de la doctrine, que l’ambiguïté des termes du Code de la propriété intellectuelle ne saurait écarter ipso jure l’éventualité d’une qualification d œuvre collective203.
11169. Quant à la Cour de cassation, c’est par une sorte d’obiter dictum qu’elle a annoncé sa jurisprudence en matière d’actions en justice exercées par les personnes morales204. Dès un arrêt de 1991 relatif à la qualification d’œuvre collective de modèles de tissus, elle prenait soin de préciser que la position de la Cour d’appel qui avait débouté la personne morale de son action en contrefaçon, faute pour elle de démontrer sa qualité de titulaire des droits, tournait à l’avantage des contrefacteurs205. En condamnant la Cour d’appel qui avait dénié à ces tissus la qualification d’œuvre collective, « en l absence de toute revendication d un ou plusieurs créateurs personnes physiques, et, précise-t-elle, au seul profit d un éventuel contrefacteur... », la Cour suprême dénonçait la perversité du système légal et préparait les tempéraments jurisprudentiels ultérieurs206.
112C’est également par une sorte d’obiter dictum que la Haute Juridiction a complété son importante jurisprudence praeter legem relativement aux actions en justice exercées par les auteurs d’une œuvre de collaboration. Depuis l’arrêt dit « Trio de Jazz », la jurisprudence appliquait rigoureusement l’article L. 113-3 CPI aux actions en justice exercées par les coauteurs d’une œuvre de collaboration. Celui-ci dispose notamment que « les coauteurs doivent exercer leurs droits d’un commun accord ». Selon la jurisprudence, l’exigence légale d’« un commun accord » empêchait l’auteur d’agir seul en contre-façon207. Cette règle a par la suite été assouplie. Parmi les tempéraments ultérieurs, l’un a trait aux prérogatives extra-patrimoniales de l’auteur : lorsqu’il s’agit du droit moral, un coauteur peut agir seul en justice sans avoir à mettre en cause les autres créateurs. Depuis un arrêt du 10 mai 1995, cette exception est communément admise208. La solution se situe en réalité dans le prolongement de l’arrêt dit « Trio de Jazz », lors duquel la Cour de cassation avait clairement manifesté sa volonté de réserver les prérogatives morales de l’auteur en relevant, expressément, par obiter dictum que « le chef critiqué par le moyen ne concernait pas la défense du droit moral attaché à la personne de chacun des coauteurs »209. Cela laissait clairement entendre, comme l’a dit M. Françon, que « lorsque le coauteur d’une œuvre de collaboration invoque son droit moral, il lui est, au contraire, tout à fait loisible d’agir seul en justice sur la base d un tel fondement »210.
11370. Enfermé dans un cadre contentieux, le juge ne peut en principe se saisir lui–même. Dès lors comment de ne pas être étonné de le voir « sortir du procès », se saisir de l’occasion que lui offre le litige pour déborder le cadre délimité par la question de droit dont il est saisi ? Il y a certes là un moyen commode pour la Cour de cassation d’anticiper sur l’avenir, de préparer les esprits et d’orienter les conduites des praticiens et, finalement, d’assurer l’unité de la jurisprudence. Il n’est pas certain que cela suffise à justifier un tel procédé. L’obiter dictum est d’ailleurs analysé en doctrine comme une résurgence moderne des arrêts de règlement prohibés par l’article 5 du Code civil211. C est l avis notamment de M. Sériaux :
« Ça et là la Cour de cassation statue bien par voie de disposition générale et réglementaire », par ce procédé, dit-il, « elle ne peut pas ne pas savoir qu’elle œuvre en vue de la construction forcément à venir d’un ordre juridique opposable erga omnes ». Et il ajoute que l’obiter dictum « pour tous les juges du fond est présage sûr, franche menace de cassation pour qui d’entre eux s aviserait de s inscrire en faux »212.
114C’est également le signe d’une transformation de la mission de la Cour de cassation qui, participant directement à la formation du droit, « assume très consciemment un rôle d’élaboration et de direction de la jurisprudence »213. L expression de Cour « régulatrice », parfois employée à propos de la Cour de cassation, est loin d’être innocente.
115Le procédé de l’obiter dictum laisse dubitatif. Il suscite en effet des sentiments contradictoires. D’un côté, il ravive le spectre de l’abus des Parlements de l’ancien régime et, de l’autre, il facilite les évolutions lentes et parfois profondes qui seront d’autant mieux acceptées qu’elles auront été annoncées à l avance. Cette réflexion faite « en passant » a par ailleurs le mérite de provoquer le débat entre les sources sur les changements en cours : le juge dialogue avec le législateur, propose une réforme que la pratique, de son côté, aura eu le temps d’éprouver. Finalement, l’on peut se demander si l’obiter dictum ne constitue pas, par la discussion qu’il sous-tend, ou devrait sous-tendre dans une relation harmonieuse des sources du droit, un excellent moyen pour le juge de collaborer à la vie et, disons-le, au progrès du droit.
11671. Conclusion. Au hasard des espèces, des règles générales sont donc dégagées par la Juridiction suprême afin de prolonger les dispositions légales, d’en éclairer le sens et les zones d’ombres, d’en combler les silences et, finalement, de suppléer un législateur faillible. En marge des textes, une relation nécessairement complémentaire unit la jurisprudence à la loi. L’inévitable faillibilité du législateur conduit nécessairement le juge à compléter les textes, à les adapter. La jurisprudence apparaît alors comme un prolongement naturel de la loi, son complément indispensable. Elle en précise les contours, rajeunit les dispositions vieillies, apporte des solutions nouvelles à celles qui sont insuffisantes. Bref, son expérience, pour reprendre l’expression de Portalis, comble les vides laissés par le législateur214.
117Mais la relation privilégiée qui se noue entre ces deux sources du droit est-elle toujours synonyme de complémentarité ? N’est-il pas des hypothèses dans lesquelles le juge va à l’encontre de la loi ? Pour le savoir, l’étude des manifestations praeter legem du pouvoir normatif du juge doit se prolonger par celle de ses manifestations contra legem.
SECTION 2. MANIFESTATIONS CONTRA LEGEM
11872. La coopération qui existe entre les deux sources privilégiées du droit n’est pas toujours harmonieuse. La relation complémentaire qui se noue entre la jurisprudence et la loi ne signifie pas forcément qu’un rapport de parfaite complémentarité s’instaure systématiquement entre elles. La collaboration du juge à l œuvre législative ne saurait dissimuler les conflits éventuels. Le juge peut aller à l encontre de la loi et le dialogue tourner au duel215.
119Lorsqu’elle s’oppose à la loi, la jurisprudence est dite contra legem216. Les manifestations contra legem du pouvoir normatif du juge s’entendent donc des règles prétoriennes élaborées non plus dans le silence de la loi, comme c’est le cas de la jurisprudence praeter legem, mais à l’encontre de celle-ci. La jurisprudence ne se contente plus de compléter la loi, de l’accompagner plus ou moins fidèlement, mais en prend le contre-pied et la contredit. Elle ne marche plus à côté mais contre la loi.
120Simple de prime abord, l’hypothèse d’une jurisprudence contra legem est en réalité plus complexe qu’il n’y paraît (§1). L’issue du conflit entre la loi et la jurisprudence est en outre est loin d’être évidente (§2).
§ 1. L’apparente simplicité de la jurisprudence dite contra legem
12173. L’apparente simplicité de la jurisprudence contra legem soulève en réalité de sérieuses difficultés : d’abord parce que son identification est malaisée (A), ensuite parce que le conflit entre la loi et la jurisprudence est susceptible de revêtir des formes multiples (B).
A/ Identification malaisée
122L’identification des manifestations contra legem n’est pas toujours aisée, et cela pour au moins deux raisons : l’opposition entre la loi et la jurisprudence est tantôt fuyante (1°), tantôt abandonnée à la subjectivité de l’interprète (2°).
1°) L opposition « fuyante »
12374. La difficulté à identifier la jurisprudence contra legem tient en premier lieu à son caractère fuyant. En effet, l’opposition entre la loi et la jurisprudence n’est pas toujours frontale. Si certaines fois le juge n’hésite pas à contredire ouvertement la loi afin de provoquer l’intervention du législateur, d’autres fois un résultat semblable est obtenu par des voies plus détournées. Violation biaisée, plus subtile, mais aussi plus dangereuse, qui peut prendre la forme d’un désintérêt délibéré pour la loi ; la désuétude est alors au bout du chemin. Mais le juge peut encore, selon la formule consacrée, « tourner la loi pour mieux montrer qu’il la respecte ». Fidélité de façade derrière laquelle la loi se lézarde, le juge opère alors « sans bruit et en sauvegardant les apparences d’une parfaite obéissance à la loi »217.
2°) L opposition abandonnée à la subjectivité de l’interprète
12475. Plus fondamentalement, la difficulté à identifier la jurisprudence contra legem tient aux incertitudes inhérentes à la notion. Il est en effet parfois bien délicat de distinguer nettement les manifestations contra legem des manifestations praeter legem de la jurisprudence, la ligne de partage entre les deux étant nécessairement soumise à l’appréciation subjective de l’interprète. En ce sens, M. Malaurie observe que :
« c est pure question doctrinale que de juger de la rectitude juridique de la jurisprudence et de dire laquelle est ou laquelle n’est pas fidèle à la loi »218.
125Les richesses de l interprétation arment le juge pour contredire la principale source du droit tout autant qu’elles désarment l’interprète qui tente d’en démasquer les conflits. Le domaine de l interprétation est si vaste, ses frontières si floues qu’il est bien difficile de déterminer d’une manière aussi objective qu’incontestable les éventuelles contrariétés à la loi219.
126À cet égard, il faut noter que des difficultés semblables existent quelle que soit la source du droit considérée. Ainsi s agissant des « coutumes contra legem », M. Combacau se demande si « une telle formule (a) un sens en droit positif alors que cette qualification résulte d’une confrontation entre la coutume et une représentation doctrinale du contenu de la loi »220 On y reviendra221.
12776. Un exemple est emblématique. Il s agit de la jurisprudence relative à l’exploitation par des tiers de l’image d’un bien. Dans un arrêt de principe, la Cour de cassation a posé que le droit à l’image des biens constitue un attribut du droit de propriété. Sous le visa de l article 544 du Code civil, elle a énoncé que :
« le propriétaire a seul le droit d exploiter son bien, sous quelque forme que ce soit... » ; «...l’exploitation du bien sous la forme de photographie porte atteinte au droit de jouissance du propriétaire »222.
128Par conséquent, le propriétaire d’un immeuble, en l’occurrence le Café Gondrée situé sur la route du débarquement de juin 1944 et classé monument historique, peut interdire à un tiers d’exploiter des cartes postales reproduisant le bien sans son autorisation.
129Critiqué par les spécialistes du droit de propriété littéraire et artistique, l’arrêt est approuvé par une partie de la doctrine civiliste. Les premiers considèrent que la solution porte atteinte à l’article L. 111-3 CPI qui dissocie propriété intellectuelle et propriété corporelle223. La Cour aurait ainsi confondu deux droits, le droit de propriété sur l’objet corporel défini à l’article 544 du Code civil comme « le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu’on n en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements » et le droit de propriété incorporelle de l’auteur régi par le Code de la propriété intellectuelle au terme duquel « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous »224. À l’opposé, certains civilistes analysent la décision de la Haute juridiction comme une exacte application du droit de propriété, droit réel le plus complet de tous. Le droit de propriété comprendrait, parmi les diverses utilités de la chose, celle d interdire l’exploitation commerciale de l’image du bien sans l’autorisation de son propriétaire. Le droit à l’image des biens ne serait ainsi qu’une composante du droit de propriété que la Cour de cassation aurait fait jaillir à la lumière, sans doute en raison de l’expansion du marché très lucratif que représente désormais ce que M. l’avocat général Sainte-Rose appelle la « communication par l’image »225. La jurisprudence « Café Gondrée » a depuis été précisée et tempérée226.
130Source de conflits potentiels entre le propriétaire et l’auteur, la décision de la Juridiction suprême est, on le voit, susceptible de lectures opposées, radicalement différentes227. Le débat oscille entre la simple interprétation extensive de l’article 544 du Code civil ou la véritable construction prétorienne contra legem. La frontière entre les deux est bel et bien tenue, la distinction malaisée. Elle n’est toutefois pas impossible.
B/ Diversité des formes du conflit
131Les formes du conflit entre la loi et la jurisprudence sont diverses, ce qui, soit dit en passant, ne facilite guère plus l’identification de la jurisprudence contra legem. Malgré ces difficultés, une analyse plus poussée montre que celle-ci peut revêtir un double visage : du simple accroc (1°), à la véritable contrariété (2°).
1 °) Simple accroc
13277. Parfois il ne s’agit que d’une contrariété sans lendemain, d’un simple accroc. Le juge est faillible, et la Juridiction suprême n’est pas à l’abri d’une éventuelle « bavure ». L’exemple le plus fameux est peut-être celui qui s est produit à l occasion de la protection du titre d’une chanson intitulée « Aux Jeunes Loups »228. On se souvient que la Cour de cassation avait décidé que ce titre était devenu banal par suite du succès immédiat qu’il connut dans le public, prenant ainsi à revers les principes du droit d’auteur qui commandent de se placer, pour apprécier l’originalité d’un titre, à la date de sa création ou de sa première utilisation. Cette décision a été unanimement critiquée. Colombet non sans ironie relevait que « la rançon de la célébrité, du succès d’un titre (...), est la chute prématurée dans le domaine public »229. Cette décision est restée isolée, mais elle illustre bien les limites de l’angélisme jurisprudentiel.
133Aussi convient-il de se garder des représentations idéales. Toute œuvre humaine est par nature imparfaite, celle du juge comme celle du législateur. Il n’y a là rien de très nouveau.
2°) Véritable contrariété
13478. D’autres fois l’opposition entre la loi et la jurisprudence est plus profonde et révèle de véritables contrariétés entre la loi et la jurisprudence. C’est dans cette dernière hypothèse que la jurisprudence contra legem dévoile son vrai visage. Il ne s’agit plus en effet d’un simple malentendu provisoire, mais d’un conflit réel entre deux sources du droit. De multiples conflits existent ; ils sont en réalité inévitables, ainsi qu’on le verra.
13579. De nombreux exemples de jurisprudence contra legem peuvent être cités. Ainsi, de la célèbre jurisprudence « Microfor »230. L’on se souvient que l’Assemblée Plénière avait implicitement consacré le caractère licite d’une base de données constituée exclusivement de la réunion et du classement de courtes citations empruntées à des œuvres préexistantes alors que, selon les dispositions de l’article L. 122-5 CPL, la citation, pour être licite, doit notamment s’incorporer dans une œuvre seconde231. Afin de ne pas entraver l’émergence de la nouvelle économie de l’information, les juges avaient été appelés à faire œuvre créatrice en sacrifiant la conception traditionnelle de l’exception de citation, ainsi qu’en attestent clairement la lecture des conclusions de M. l’avocat général Jean Cabannes232.
136Pour suppléer la carence initiale du législateur, cette jurisprudence contra legem conférait aux bases de données un régime juridique spécifique qui s’est imposé malgré les critiques doctrinales et la résistance des juridictions inférieures. Depuis, l’inertie du législateur a été corrigée ; la spécificité des bases de données a été consacrée par la loi. Elle est désormais codifiée aux articles L. 112-3 et L. 341-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle depuis la transposition en 1998 de la directive du 11 mars 1996233. Mais le débat ne s’est guère apaisé : la loi est loin d’avoir tout réglé et la doctrine continue de dénoncer « les "œuvres informatiques", toutes entières conçues pour le profit, et qui désign(ent) l’entrée en force du "copyright industriel" au cœur même du droit d’auteur »234.
13780. Cet exemple de jurisprudence contra legem n’est pas isolé. À continuer à puiser dans le domaine des exceptions aux droits patrimoniaux de l’auteur, l’on peut citer celle antérieure à la loi du 11 mars 1957 relative à la libre citation235.
138Sous l’empire des législations révolutionnaires, et plus particulièrement du décret–loi de 1793 relatif au droit de reproduction, aucune exception n’était formellement admise. Or la jurisprudence, avec le soutien de la doctrine, avait admis dans des limites étroites l’existence de dérogations. Ainsi, la citation littéraire était-elle traditionnellement admise, malgré les dispositions légales, en raison de nécessités sociales impérieuses, ce que Pouillet appelait « le droit inviolable à la critique »236. Faute d’une assise légale, celles–ci étaient donc fondées sur des considérations d’opportunité conciliant les intérêts du public et des écrivains.
139Pour des raisons similaires, un arrêt de la Cour suprême en date du 19 mars 1926 avait été jusqu’à étendre l’exception de citation à la reproduction d’œuvres d’art dans un manuel d’histoire237. Mais il est resté isolé, si bien que cette dernière jurisprudence contra legem a fait long feu.
140Contraire à la lettre de la loi, cette jurisprudence n’en a pas moins été codifiée par le droit positif : la citation littéraire est en effet aujourd’hui expressément consacrée par la loi238. Mais son extension demeure controversée. Une partie très importante de la doctrine y est pourtant favorable : s’appuyant sur l’esprit de la loi, nombre d’auteurs encouragent la jurisprudence à dépasser le domaine originel de la citation, le genre littéraire, afin de tenir compte des pratiques et exigences contemporaines239. En dépit de ces encouragements, la jurisprudence s’interdit de violer la lettre des textes et refuse d’admettre la citation artistique. Elle considère que la reproduction ou la représentation intégrale d’une œuvre, quelles qu’en soient la forme et la durée, ne saurait s’analyser comme une courte citation240. Mais pour combien de temps241 ?
141A s’en tenir à une application stricte du Code de la propriété intellectuelle, toute autre position serait certainement contraire à la loi. Mais l’esprit et la lettre des textes sont souvent difficiles à concilier, et une interprétation historique de l’exception de citation justifierait sans doute certaines adaptations afin de mieux tenir compte des besoins de la société contemporaine242. Le juge, une nouvelle fois, pourrait faire œuvre progressiste et dépasser les dispositions légales afin d’anticiper les réformes législatives à venir. Une telle évolution semble d’autant plus justifiée que les magistrats pourraient être tentés de remédier aux carences du législateur en utilisant le « droit du public à l’information », notamment consacré à l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme, comme un expédient permettant d’ajouter à la liste légale du Code de la propriété intellectuelle une nouvelle exception justifiant la libre citation des œuvres de l’esprit quel que soit le genre culturel concerné. Certaines juridictions françaises se sont déjà engagées dans cette voie243. Ce courant suscite en doctrine les plus grandes réserves, notamment parce que sous le coup de « l’exception d’information » la liste restrictive des exceptions légales est susceptible d’imploser244.
142Le juge dispose d’une certaine marge de manœuvre et peut prendre certaine liberté avec la loi, mais son pouvoir normatif ne saurait être illimité et imposer des réformes structurelles importantes. Une remise en cause profonde du dispositif légal actuel devrait relever, en tout état de cause, de la compétence exclusive du législateur. Encore faut-il qu’il se prononce... Peut-être le fera-t-il à l’occasion de la transposition de la directive du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information245.
14381. Ces quelques exemples ne prétendent pas à l’exhaustivité. Ils prouvent, s’il en était besoin, que le conflit entre la loi et la jurisprudence est une réalité inévitable, incontournable. L’opposition entre ces deux sources du droit fait partie intégrante de notre organisation constitutionnelle. Le législateur a besoin du juge pour appliquer la loi tout autant que ce dernier a besoin du premier pour remplir sa mission. Ces deux sources n’évoluent pas dans des lieux clos, repliés sur eux-mêmes, mais dans des sphères interdépendantes. Le dialogue peut tourner au duel dès lors que l’on admet, ainsi que l’a montré un auteur, que « la séparation des pouvoirs ne peut être l’isolement des pouvoirs »246. Dès lors, la question se pose de connaître l’issue d’un conflit inévitable, opposant la jurisprudence et la loi.
§ 2. L’issue d’un conflit inévitable entre la loi et la jurisprudence contra legem
14482. Inhérente à notre ordre juridique positif, la jurisprudence contra legem doit en principe plier sous le poids de la principale source du droit. Dans un système juridique de droit écrit, l’issue du conflit est en théorie certaine : le dernier mot revient toujours à la loi. Reste que son succès n’est pas inconditionnel. M. Malaurie dans une analyse des réactions du législateur sur la formation du droit par la jurisprudence pose trois conditions : la loi peut entériner ou combattre la jurisprudence, mais sa victoire dépend « d’abord de la volonté du législateur ; en outre, elle n’a de promptitude que si elle est une riposte immédiate à une jurisprudence récente ; enfin, elle n’est effective que si elle est soutenue par l’opinion »247.
145Le succès de la principale source du droit suppose donc une intervention positive de la part du législateur soit pour condamner soit, à l’inverse, pour consacrer la jurisprudence contraire. Dans cette dernière hypothèse, le pouvoir normatif du juge est particulièrement vif puisque le législateur se soumet et s’incline devant lui. Cependant, ainsi que l’a observé M. Malaurie :
« cette consécration législative, en même temps qu’un hommage au juge, traduit une indélébile infériorité du droit jurisprudentiel en France, car si le législateur croit devoir fixer par écrit les solutions jurisprudentielles, c’est bien qu’il les estime incertaines »248.
146Ce fut le cas de la jurisprudence Microfor précédemment citée et de l’exception de citation en matière littéraire antérieurement à 1957249.
14783. Mais qu’advient-il dans l’hypothèse inverse ? Que se passe-t-il lorsque le législateur reste inerte et qu’il n’abroge, ni ne ratifie les constructions prétoriennes contraires ? Rien ou presque rien, serait-on tenté de répondre :
« Le législateur contemporain, écrit M. Dupeyroux, dénonçant l’empiétement du juge sur la fonction législative, a paradoxalement perdu ce pouvoir de surveiller efficacement l’observation de sa propre loi par les juges qui lui revenait si naturellement aux yeux des hommes de la Révolution »250.
148Parce que le législateur a perdu le pouvoir de surveiller la loi qu’il édicte, l’issue du conflit qui oppose la jurisprudence à la loi est aléatoire. En cas d’inertie du législateur, la jurisprudence, source en principe complémentaire, se trouve en mesure de rivaliser à armes égales avec la loi, ainsi que le montrent respectivement les deux exemples suivants. Le premier a trait aux exceptions aux prérogatives patrimoniales de l’auteur ; le second est relatif à la contrefaçon pour violation du droit moral. Bien que contraires à la loi, ces deux constructions prétoriennes n’ont été ni infirmées ni confirmées. Elles n’en constituent pas moins, en contrepoint de la loi, du droit positif. Et force sera de constater, loin des préjugés, que les résultats ne sont pas toujours source d’insécurité.
14984. S’agissant des limites relatives au monopole de l’auteur, les magistrats ont en effet su faire œuvre créatrice malgré des dispositions légales très strictes.
150En vertu du monopole exclusif que la loi reconnaît à l’auteur, toute reproduction ou représentation d’une œuvre protégée est soumise à son autorisation et lui ouvre droit à rémunération. Ce monopole n’est pas absolu. Des exceptions limitent les droits patrimoniaux de l’auteur. Ainsi de l’article L. 122-5 CPI autorisant, dans certains cas et à certaines conditions, la reproduction et la représentation d’une œuvre protégée, sans qu’il soit nécessaire d’obtenir une autorisation ni de payer une redevance. L’on sait que les exceptions légales aux droits patrimoniaux de l’auteur sont strictement énumérées251. La liste est, selon la formule consacrée, exhaustive ou limitative. En l’absence de texte, toute autre exception ne saurait donc être admise. L’on sait aussi qu’elles sont d’interprétation stricte en application de l’adage exceptio est strictissimae interpratationis et du principe général du droit d’auteur selon lequel les textes s’interprètent in favorem auctoris252.
151Et pourtant, bien que strictement énumérées par la loi, la liste des exceptions de l’article L. 122-5 CPI n’est pas exhaustive : aux exceptions légales, il faut ajouter l’exception prétorienne relative aux œuvres situées dans les lieux publics253. Selon une jurisprudence fermement établie, une œuvre est soustraite au monopole de l’auteur dès lors qu’elle est située dans un lieu public et qu’elle est accessoire par rapport au sujet principal254. Cette tolérance avait été introduite par la jurisprudence dès la fin du xixe siècle255. Malgré son caractère contra legem, nul ne songe plus aujourd’hui à la remettre en cause, bien au contraire256.
152Créée de toute pièce par la jurisprudence, cette restriction au monopole de l’auteur heurte le caractère restrictif de l’article L. 122-5 CPI Aussi peut-on s’étonner de voir le juge élargir la liste, pourtant exhaustive, des exceptions légales et, finalement, légiférer en lieu et place du législateur. Et il est remarquable qu’il le fasse par une règle prétorienne générale, c’est-à-dire ayant vocation à trancher d’autres litiges semblables à ceux à l’occasion desquels elle a été formulée. L’exception prétorienne a en effet été appliquée à des hypothèses fort diverses. Au-delà des espèces, le même critère s’applique tantôt pour autoriser la reproduction d’un monument en arrière plan d’une photographie destinée à promouvoir un modèle de voiture257 ; tantôt pour interdire la représentation de sculptures situées dans un lieu public pour illustrer un reportage télévisuel consacré aux « Chefs d’œuvre en péril »258.
153Il est pourtant bien difficile de condamner cette exception prétorienne. Non seulement sa légitimité n’est pas discutée, mais sa pérennité ne nuit aucunement à la sécurité juridique. Bien au contraire, sa longévité, son application constante, ainsi que sa reconnaissance unanime lui confèrent des attributs identiques à ceux des autres exceptions légales. À l’image de certaines lois, certaines jurisprudences s’écrivent dans le marbre et sont si assurées que le législateur ne semble pas juger utile d’intervenir afin de les consacrer formellement259.
15485. En revanche, s’agissant du délit pénal de contrefaçon, un phénomène inquiétant est observable sur le terrain des sources du droit260. La question s’est en effet posée de savoir si la violation du seul droit moral est susceptible de constituer un délit pénal de contrefaçon au sens de l’article L. 335-3 CPI261. Dans le passé la Cour suprême n’a eu à se prononcer que dans de très rares occasions262. Mais l’hypothèse n’est pas d’école263. Et la question resterait ouverte si une jurisprudence récente n’en indiquait la voie à suivre. Or le chemin qu’elle semble vouloir emprunter va non seulement à rencontre de la loi, mais conduit en outre à s’interroger sur les limites du pouvoir normatif du juge.
155Selon une jurisprudence récente, la Cour de cassation paraît décidée à entrouvrir la porte des sanctions pénales à la violation du seul droit moral. Saisie directement de la question pour la première fois, la chambre criminelle dans un arrêt du 13 décembre 1995 a en effet admis le principe de sanctions pénales pour violation du droit moral264. Pour rejeter le pourvoi formé à l’encontre de l’arrêt de la Cour d’appel qui avait infligé des sanctions pénales pour violation du droit moral de divulgation d’un artiste peintre dont les toiles avaient été diffusées contre sa volonté (en l’espèce des toiles, jugées inachevées, avaient été abandonnées, et découvertes dans une cave par le locataire de l’ancien logement de l’artiste), la Cour de cassation a retenu que :
« caractérise la contrefaçon par diffusion, prévue par l’article L. 335-3 CPI, la mise sur le marché de l’art d’une œuvre originale, même abandonnée par son auteur, lorsqu’elle est faite en violation du droit moral de divulgation qu’il détient sur celle-ci en vertu de l’article L. 121-2 de ce code »265.
156La solution a été depuis implicitement confirmée, puisque la Cour de cassation a adopté une position semblable dans un arrêt de la chambre criminelle du 11 juin 1997266.
157La motivation nuancée de la Juridiction Suprême, ainsi que sa confirmation simplement implicite, imposent la prudence267. Mais en entrebâillant la porte à des sanctions pénales pour violation du droit moral, la Cour de cassation ne prend-elle pas le risque de consacrer une solution contraire à la loi ? À vrai dire, la réponse dépend d’une interprétation du droit positif, ce qui illustre une nouvelle fois les difficultés d’identification de la jurisprudence contra legem268.
158En effet, une partie importante de la doctrine, en se plaçant sous l’autorité de Desbois, soutient qu’une telle solution ne contredit pas les dispositions légales269. Mieux, elle serait implicitement, mais nécessairement, commandée par les dispositions générales du Code de la propriété intellectuelle. La formule de l’article L. 335-3 CPI en visant « la violation des droits de l’auteur, tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi » renverrait à l’article L. 111-1 CPI au terme duquel le droit de l’auteur « comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial ». En conséquence de ce mécanisme de renvoi, la violation du droit moral constituerait implicitement, mais nécessairement, un délit pénal.
159Ces arguments ne semblent toutefois pas décisifs au regard de ceux avancés par une autre partie non moins importante de la doctrine. Celle-ci soutient que la violation du seul droit moral de l’auteur ne saurait être pénalement sanctionnée en raison du principe d’interprétation stricte de la loi pénale, corollaire du principe à valeur constitutionnelle de légalité des délits et des peines270. M. Gautier rappelle par ailleurs que lorsque la loi est obscure, le doute doit profiter à l’accusé271. Au principe d’interprétation stricte de la loi pénale inscrit à l’article 111-4 du Code pénal, il faut ajouter que le mécanisme de renvoi précédemment évoqué n’a rien d’évident si l’on veut bien considérer que l’article L. 335-3 CPI en visant expressément la « reproduction, représentation ou diffusion » renvoie aux seules prérogatives d’ordre patrimonial de l’auteur telles qu’elles sont définies et réglementées aux articles L. 122-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, non à celles d’ordre moral272.
160Au regard de cette dernière interprétation, si donc la Cour de cassation persistait dans cette voie en consacrant clairement le caractère pénal du délit de contrefaçon pour violation exclusive du droit moral, elle échapperait difficilement au grief de jurisprudence contra legem273.
16186. Sur le terrain des sources du droit, il convient d’observer que le juge semble adopter à l’égard de la loi pénale un comportement similaire à celui observable en droit civil. Peut-être, est-il influencé par la double dimension de la contrefaçon, sanction pénale d’un droit civil274. Reste que la liberté acquise en droit civil ne saurait se propager comme par contagion sur le terrain pénal. Il y aurait là les prémisses d’un phénomène d’extension du pouvoir normatif du juge hors de son domaine de prédilection qui, s’il venait à se généraliser, n’irait pas sans susciter les plus grandes réserves. Car les principes gouvernant ces matières ne sont pas identiques. La texture ouverte du droit civil, corroborée par la généralité des termes de la loi sur le droit d’auteur, autorisent et même encouragent les constructions prétoriennes275. En revanche, le système légal des incriminations sur lequel le droit pénal repose en fait un système dit « fermé », qui devrait efficacement tenir en lisière le pouvoir normatif du juge276. Fautes d’être identiques, les règles du droit civil ne sont pas transposables au droit pénal et inversement, sauf à voir les traditionnelles limites du pouvoir normatif du juge lentement s’effacer. Aussi convient-il de se rappeler les paroles de Portalis distinguant les matières criminelles des matières civiles :
« Ainsi, en matière criminelle, où il n’y a qu’un texte formel, et préexistant qui puisse fonder l’action du juge, il faut des lois précises et point de jurisprudence. Il en est autrement en matière civile : là, il faut une jurisprudence, parce qu’il est impossible de régler tous les objets civils par des lois... »277.
162Si au civil, le juge est autorisé d’une certaine manière à faire œuvre créatrice, et inévitablement à contrarier la lettre des textes ; au pénal, la solution opposée doit s’imposer.
16387. Conclusion. Les manifestations contra legem du pouvoir normatif du juge conduisent finalement à des résultats contrastés. Toutes ne sauraient être condamnées sans nuance. Ainsi, si l’ouverture de la jurisprudence à des sanctions pénales en cas de violation du seul droit moral mérite réprobation, nul ne songe en revanche à remettre en cause l’exception prétorienne relative aux œuvres situées dans les lieux publics.
164S’il est un regret, ce serait finalement celui de l’inertie du législateur, mais pour la combattre, encore faut-il qu’il dispose d’instruments adéquats. Certes, il peut opérer des réformes législatives, prendre des lois interprétatives. Mais ces procédures sont lourdes à mettre en œuvre et, peut-être, trahissent-elles une approche dépassée des sources du droit. Les relations entre les sources du droit sont depuis trop longtemps envisagées en termes d’opposition. Or la modernité, ce n’est pas l’opposition des unes contre les autres, mais l’articulation des unes et des autres, surtout lorsqu’il s’agit de la jurisprudence et de la loi.
165Afin de renforcer la complémentarité du juge et du législateur, Breton proposait de restaurer le référé législatif, en complétant l’article 4 du Code civil d’un alinéa 2 qui obligerait le juge à surseoir à statuer, et à référer au législateur lorsque des « problèmes fondamentaux » se présentent278. Il y a là une piste qui mériterait certainement d’être empruntée. Les exemples précédents montrent d’ailleurs qu’il n’y a en réalité pas plus (ou pas moins !) de raisons de s’inquiéter des abus du pouvoir normatif du juge que de l’impéritie d’un législateur qui multiplie les lois transversales, modifiant ainsi le droit de la propriété littéraire et artistique au fil de circonstances drainées par l’actualité. Parce que nulle institution n’est irréprochable, l’essentiel n’est-il pas de prévoir des garde-fous ? Le juge constitutionnel contrôle a priori la constitutionnalité des lois279. Aussi ne serait-il pas anormal de permettre au législateur de contrôler a posteriori l’application par le juge des lois qu’il édicte. Mais cela suppose d’admettre en France une mutuelle correction de la législation par le juge, et de la jurisprudence par le législateur280.
16688. Le droit français s’est orienté vers un système différent : à l’intervention du législateur, il a préféré consacrer la Juridiction suprême comme autorité privilégiée d’interprétation de la loi, à l’instar de la technique de la question préjudicielle existant en droit communautaire devant la Cour de justice des communautés européennes281. C’est le mécanisme dit de la « saisine pour avis de la Cour de cassation » institué par la loi du 15 mai 1991 et codifié aux articles L. 151-1 à L. 151-3 du Code de l’organisation judiciaire. Les juridictions de l’ordre judiciaire peuvent dorénavant solliciter l’avis de la Juridiction suprême lorsqu’elles sont saisies, selon l’article L. 151-1, d’une « question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges ».
167Une quinzaine de décisions sont rendues en moyenne chaque année mais, à notre connaissance, aucun avis, depuis l’entrée en vigueur de ce dispositif, ne concerne directement le droit de la propriété littéraire et artistique. Pourtant bien des difficultés mériteraient un règlement préventif. Nombre de contrariétés pourraient être ainsi résolues par une décision anticipée de la Haute juridiction282.
168Malheureusement, les conditions sont strictes. Elles viennent cependant d’être assouplies. Alors qu’auparavant la procédure était inapplicable en matière pénale, la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature a supprimé l’alinéa 4 de l’article L. 151-1 du Code de l’organisation judiciaire aux termes duquel « les dispositions du présent article ne sont pas applicables en matière pénale »283. Cette réforme, passée relativement inaperçue, étend la possibilité pour les juridictions de saisir « pour avis » la Cour de cassation284. Elle ouvre ainsi d’intéressantes perspectives puisque dorénavant, plus rien n’empêche une juridiction inférieure de solliciter l’avis de la Cour de cassation afin de déterminer, par exemple, si la violation du seul droit moral est susceptible de constituer le délit pénal de contrefaçon au sens de l’article L. 335-3 CPI.
CONCLUSION DU CHAPITRE I
16989. Qu’elles soient anciennes ou contemporaines, conformes ou contraires à la loi, les constructions prétoriennes tendent à démontrer que la jurisprudence occupe une place de tout premier ordre dans le système juridique français du droit d’auteur. Le juge dispose d’un pouvoir normatif qui s’exprime tantôt de manière indirecte, tantôt de manière directe.
170Il s’exprime de manière indirecte lorsque ses constructions prétoriennes participent à l’élaboration de la règle formelle de droit. La jurisprudence est alors source indirecte du droit, par l’influence qu’elle exerce sur le législateur. En droit d’auteur celle-ci est considérable. À l’origine des plus grandes avancées, adaptant sans faillir les textes aux exigences modernes de la vie des Arts et des Lettres, essayant de concilier la protection nécessaire et légitime des créateurs avec des réalités économiques plus contingentes, les constructions élaborées, par et sous le contrôle de la Cour de cassation, ont enrichi et continuent d’enrichir par couches successives le droit d’auteur. Si l’on admet que ce dernier est un droit essentiellement jurisprudentiel, il faut aller plus avant et admettre qu’il emprunte les voies de formation du droit prétorien. A l’image du droit jurisprudentiel, le droit d’auteur « s’est fait par ces systématisations successives toujours recommencées comme la mer valéryenne »285.
17190. Mais la jurisprudence n’est pas seulement pour la loi une « fontaine de jouvence », pour filer une autre métaphore célèbre286. Le juge ne se contente pas de participer à la lente et éternelle formation du droit. La Cour de cassation ne se borne pas, comme l’y invitait l’idéologie révolutionnaire, à défendre la loi contre les empiétements du juge, ni à assurer la fonction plus moderne de l’unité d’interprétation. Elle constitue également une source directe du droit, en ce qu’elle contribue activement à la réglementation du droit d’auteur par voie de dispositions générales qui, bien que dégagées au hasard des litiges, transcendent en réalité les espèces particulières à l’occasion desquelles elles ont été formulées, pour régir un nombre indéterminé d’autres situations semblables.
172La généralité des termes de la loi a ainsi permis à la jurisprudence d’élargir le domaine d’application du droit d’auteur aux disques, au cinéma, à la photo, aux réseaux, mais aussi à la télévision, à la radio, ainsi qu’aux communications par câble et satellite. Ce complètement des dispositions légales n’est pas toujours conforme à la loi. Tantôt la jurisprudence accompagne la loi en marchant, telle un fidèle servante, à ses côtés pour en combler les lacunes. Tantôt elle s’en écarte et n’hésite pas à aller à son encontre. Mais dans les deux cas, il s’avère que des pans entiers du droit de la propriété littéraire et artistique relèvent ainsi de la réglementation prétorienne.
17391. L’on a dit en commençant que le pouvoir normatif du juge ne peut être admis qu’à la double condition d’identifier, en premier lieu, la présence dans notre droit de règles prétoriennes participant tant à la formation qu’à la réglementation du droit d’auteur et, en second lieu, de rompre intellectuellement avec une acception étroite du positivisme juridique qui considère que la règle juridique positive est exclusivement celle qui est édictée par une autorité spécialement habilitée à cet effet. La première condition remplie, il faut s’intéresser à la seconde. Maintenant que l’existence de ces règles prétoriennes est avérée en droit d’auteur, il convient de s’interroger sur la valeur juridique du pouvoir normatif du juge (chapitre II).
Notes de bas de page
1 En ce sens, V. Vocabulaire juridique Cornu, PUF, 2002, V° « Jurisprudence », sens 1.
2 Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, LGDJ, 2e éd., 1993, V° « Jurisprudence », n° 1.3.
3 F. Zénati, La jurisprudence, Dalloz, Méthodes du droit, 1991, p. 82.
4 J.–L. Sourioux, « Rapport français de droit civil », Le rôle de la pratique dans la formation du droit, Travaux de l’association H. Capitant, Journées suisses, 1983, t. XXXIV, Economica, 1985, n° 5. – V. spéc. sur ce point, supra, n° 18.
5 P. Bellet, « Grandeur et servitudes de la Cour de Cassation », RID comp., 1980, p. 293s., spéc. p. 296.
6 V. notamment, S. Belaïd, Essai sur le pouvoir créateur et normatif du juge, préface M. Villey, LGDJ, 1974, spéc. p. 297s. ; P. Hébraud, « Le juge et la jurisprudence », Mélanges offerts à P. Couzinet, Université des sciences sociales de Toulouse, 1974, p. 329. – Adde, A. Lebrun, La coutume : ses sources ; son autorité en droit privé, LGDJ, Paris, 1932, spéc. n° 249s. consacrés à la « jurisprudence constante ».
7 O. Dupeyroux, « La jurisprudence, source abusive du droit », Mélanges J. Maury, t. II, Librairie Dalloz et Sirey, 1960, p. 349s., spéc. p. 362.
8 P. Hébraud, « Le juge et la jurisprudence », op. cit., n° 4. – Comp. F. Zénati, op. cit., p. 84. Selon l’auteur, la jurisprudence est un phénomène dérivé : « Lorsque l’on dit que la jurisprudence est créatrice ou source du droit, lorsque l’on parle de décision de jurisprudence, on conçoit la jurisprudence comme un phénomène antérieur à une règle qui en procède. Fondamentalement la jurisprudence η ‘est pas règle, elle est matière qui produit la règle. Quelle est cette matière ? » s’interroge-t-il, avant de répondre : « C’est le jugement. L’acte de juger n’a pas pour objet ni finalité l’établissement d’une règle, mais l’apparition de la règle est une manière d’effet secondaire de l’acte individuel qu’est le jugement ».
9 Infra, n° 99s. et 199s.
10 T. Sauvel, « Essai sur la notion de précédent », D, 1955,1, chron. p. 93s., spec. p. 94.
11 V. notamment, C. Jauffret Spinosi, « Comment juge le juge Anglais ? », Rev. Droits, n° 9, « La fonction de juger », PUF, 1989, p. 57s.
12 V. par exemple, B. Starck, H. Roland et L. Boyer, Introduction au droit, Litec, 5e éd., 2000, n° 881. Les auteurs affirment qu’ « il faut compter avec la force du précédent. C’est là une donnée psychologique constante qui tend à placer le juge sous la loi de l’imitation, que favorise le sentiment d’une continuité nécessaire du droit ». – Adde, J. Ghestin et G. Goubeaux avec le concours de M. Fabre-Magnan, Traité de droit civil – Introduction générale, LGDJ, 4e éd., 1994, n° 482.
13 P. Esmein, « La jurisprudence et la loi », RTD civ., 1952, p. 18.
14 V. sur l’évolution perceptible en la matière, infra, n° 34 et 106.
15 V. spéc, B. Beignier, « Les arrêts de règlement », Rev. Droits, n° 9, « La fonction de juger », PUF, 1989, p. 45s. ; A. Sériaux, « Le juge au miroir. L’article 5 du Code civil et l’ordre juridictionnel français contemporain », Mélanges C. Mouly, t. I, Litec, 1998, p. 171s. – V. sur la prohibition des arrêts de règlement, infra, n° 99s.
16 F. Zénati, loc. cit., p. 176.
17 P. Hébraud, « Le juge et la jurisprudence », loc. cit., n° 4. – V. également sur ce point, infra, n° 120.
18 M.-A. Frison-Roche et S. Bories, « La jurisprudence massive », D, 1993, chron. p. 287, n° 8.
19 P. Hébraud, « Le juge et la jurisprudence », eod. loc, n° 4.
20 Le droit d’auteur ne relève pas exclusivement de la compétence du juge judiciaire, mais est soumis aux critères classiques de répartition des compétences entre juge judiciaire et juge administratif. V. sur ce point, P.-Y. Gautier, Précis, n° 444, et les nombreuses références citées. – Et sur la Cour de justice des communautés européennes, infra, n° 34, 54, 88, 100, 106.
21 V. notamment, Vocabulaire juridique Cornu, PUF, 2002, V° « Praeter legem ».
22 V. parmi la littérature abondante, le tableau complet des consécrations par le législateur de 1957 des constructions prétoriennes dressé par H. Desbois, « Commentaire de la loi du 11 mars 1957 », D, 1957, L., p. 350s. et R. Savatier, « Loi du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique », JCP, 1957, I, 1398.
23 J.-F. Perrin, Pour une théorie de la connaissance juridique, Librairie Droz, GenèveParis, 1979, spéc. p. 18 et 87. – Comp. G. Del Vecchio, Philosophie du droit, traduction J.-A. d’Aynac et préface G. Ripert, Dalloz, Paris, 1953, spéc. p. 302. – Et déjà, supra, n° 3.
24 H. Desbois, « Commentaire de la loi du 11 mars 1957 », op. cit., p. 350 ; A. Tournier, « Le bilan de la loi », RIDA, n° XIX (n° spécial entièrement consacré à la loi française du 11 mars 1957), 1958, p. 73.
25 M. Plaisant, « Bienvenue à la loi », RIDA, n° XIX, op. cit., p. 9.
26 H. Desbois, Le droit d’auteur en France, Dalloz, 1e éd., 1950, p. 4.
27 Ibidem, p. 4.
28 R. Savatier, « Loi du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique », op. cit., n° 2. – Et du même auteur, Le droit de l’art et des lettres. Les travaux des muses dans la balance de la justice, Paris, LGDJ, 1953 où en avant-propos, l’auteur souligne l’importance de la jurisprudence : « Nous y avons fait, écrit-il, peu de place à la réglementation, que trop de profanes confondent avec le droit lui-même. Elle n’a qu’une assez mince importance dans la matière, où tout est en équité et en nuances. Nous avons, en revanche, consulté et utilisé le plus grand nombre possible de décisions ».
29 L expression est empruntée à J.-L. Bergel, « La loi du juge. Dialogue ou duel ? », Études offertes à P. Kayser, t. I, Presses Universitaires d Aix-Marseille, 1979, p. 21s., spéc. p. 24.
30 En ce sens, H. Desbois, « Commentaire de la loi du 11 mars 1957 », loc. cit., p. 353 ; R. Savatier, « Loi du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique », loc. cit., n° 3. – Et pour des exemples, infra, n° 35s.
31 J. Vilbois, « Historique », RIDA, n° XIX, loc. cit., p. 51–53. - V. également, H. Desbois, « Commentaire de la loi du 11 mars 1957 », eod. loc, p. 351 où l’auteur écrit : « Le législateur s’est gardé de bouleverser l’édifice que, jour après jour, les tribunaux avaient édifié ». Et de proposer d’inscrire la fidélité du législateur à la tradition jurisprudentielle « au fronton des principes qui ont présidé à l’élaboration de la loi nouvelle ».
32 J. Isorni, « Le vote de la loi », RIDA, n° XIX, eod. loc, p. 23. – Les propos de Me Boutet, rapporteur de la commission de la propriété intellectuelle, vont dans le même sens : « La loi nouvelle, dit-il, ne présente aucune modification de structure par rapport aux textes anciens et à la jurisprudence édifiée au cours d’un siècle et demi... » in, « Considérations générales », RIDA, n° XIX, eod. loc, p. 17.
33 À noter qu’il ne peut y avoir novation de la règle jurisprudentielle en règle légale que lorsque le législateur consacre expressément une construction prétorienne. La théorie dite de « la délégation implicite de la règle jurisprudentielle par le législateur » ne saurait, selon nous, être admise : V. sur ce point, infra, n° 109s.
34 Comp. avec la « légalisation » des usages, infra, spéc. n° 270, 279 et 372.
35 G. Cornu, « La lettre du Code à l’épreuve du temps », Mélanges offerts à R. Savatier, Dalloz, 1965, p. 166.
36 V. l article de référence, P. Malaurie, « La jurisprudence combattue par la loi », Mélanges offerts à R. Savatier, op. cit., p. 603s.
37 V. par exemple en matière de régime matrimonial de l’auteur, les jurisprudences « Lecocq » (Civ. 24 juin 1902, DP, 1903, I, p. 5, conclusions Baudoin, note A. Colin et S, 1902, I, p. 305, note Lyon–Caen) et « Canal » (Civ. 14 mai 1945, DP, 1945, p. 285, note Desbois ; S, 1945, I, p. 101, note Batiffol et JCP, 1945, II, 2835, note R. C). – Adde, M. Crionnet, Les droits intellectuels et les régimes matrimoniaux en droit français, LGDJ, 1975 ; F. Pollaud-Dulian, J.-Cl. PLA, fasc. 337.
38 V. spéc. sur ce point, P.-Y. Gautier, Précis, n° 159 ; X. Linant de Bellefonds, Droits d’auteur et droits voisins, Dalloz, 2002, n° 459.
39 Ch. Réun. 27 mai 1842, S, I, 1842, p. 386s., DP, 1842, I, p. 297s., conclusions Dupin, rapport Mesnard. – Et dans le même sens, déjà, Crim. 23 juillet 1841, S, 1841, I, p. 561s., conclusions Delapalme, rapport Romiguières.
40 V. désormais, l’article L. 111–3 alinéa 1er CP1 : « la propriété incorporelle (...) est indépendante de la propriété de l’objet matériel ». – À noter que la jurisprudence a par la suite précisé que la loi de 1910 n’a ni un effet rétroactif ni un caractère interprétatif de sorte que les personnes qui ont acheté avant 1910 des œuvres d’art graphique ou plastique sont titulaires des droits de reproduction si ces œuvres sont encore protégées et si l’aliénation ne comportait aucune clause contraire. - V. spéc. sur ce point, Crim. 19 mars 1926, DP, 1927, I, p. 25, note M. Nast ; Ie Civ. 16 juin 1982, Bull, civ., I, n° 228, p. 196 ; D, 1983, IR, p. 96, obs. C. Colombet ; P.-Y. Gautier, « Le contrat bouleversé : de l’imprévisibilité en droit des propriétés artistiques », D, 1990, chron. p. 130s. ; A. Bertrand, Le droit d’auteur et les droits voisins, Dalloz, 2e éd., 1999, n° 1.16 ; et, infra, n° 131.
41 « Discours préliminaire sur le projet de Code civil » in, J. E. M. Portalis, Écrits et discours juridiques et politiques, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 1988, p. 30.
42 Trib. civ. Seine, 6 avril 1949, « Un seul amour », JCP, 1950, II, 5462 ; G. Lyon-Caen et P. Lavigne, Traité théorique et pratique du droit du cinéma français et comparé, LGDJ, 1957, n° 264.
43 V. par exemple quant aux œuvres de collaboration, Paris 27 février 1918, GP, 1918, I, p. 125. Pour asseoir le principe d’indivisibilité née de la collaboration de l’auteur de la musique d’un opéra et de celui du livret, la Cour d’appel à propos de l’œuvre dramatico-musicale « La fille du régiment » relève dans un même attendu que « la jurisprudence, invariable sur ce point, a admis ce principe de l indivisibilité de la copropriété (...) ; que des arrêts célèbres ont fixé cette règle (...) ; qu’il résulte de cette règle que... ». – Et quant aux œuvres collectives, V. l « attendu » de la juridiction du premier degré lors de l’affaire « Firmin-Didot » : « Attendu qu’il résulte de la loi et de la jurisprudence que la qualité d’éditeur ne confère par elle-même aucun droit personnel... » (jugement du 12 août 1852, cité par le Conseiller Quénault, rapport sous Crim. 16 juillet 1853, DP, 1853, I, p. 309). Et plus généralement, sur cette jurisprudence, infra, n° 42.
44 V. par exemple, E.-L. Bach, Rép. Civ. Dalloz, 2e éd., V° « Jurisprudence », n° 35.
45 J. Carbonnier, Droit civil – Introduction, PUF, 27e éd., 2002, n° 148. - V. ainsi par exemple en droit d’auteur, TGI Strasbourg, 16 novembre 2001, Com., Com. électr., janvier 2002, p. 22, note C. Caron : « Attendu, en troisième lieu, que les journaux télévisés ainsi qualifiés d’œuvres audiovisuelles protégées, ont la nature d œuvres de collaboration ainsi que cela ressort tant de la présomption édictée par l’article L. 113-7 du CPI, que de la jurisprudence désormais bien établie qui interprète cette présomption comme s appliquant à toute œuvre audiovisuelle... ».
46 V. pour un exemple récent, Versailles 6 février 2003, D, 2003, p. 720, note P.-Y. Gautier. L’arrêt est rendu en matière de baux commerciaux, mais il est éloquent. L’extrait suivant mérite d’être cité : « Considérant que, contrairement à ce qui est prétendu par l’intimée, cette loi (la loi n° 2001–1168 du 11 décembre 2001, dite loi MURCEF) n’a pas eu pour objet "d’éteindre une controverse nuisible au Droit et à l’intérêt des justiciables", puisque, dans un Etat de droit, une controverse de cette nature s éteint nécessairement d’elle-même lorsque la jurisprudence de la juridiction suprême est bien fixée ; Considérant qu’en réalité, la loi du ! ! décembre 2001 n a répondu à aucun motif d’intérêt général, mais, votée à l’instigation des bailleurs, elle n a pas eu d autre objet que de mettre un terme à une jurisprudence qui déplaisait à ceux-ci, ainsi que cela a été reconnu au cours des débats parlementaires.... » Et de conclure « que pour toutes ces raisons, la cour dira que la loi du 11 décembre 2001 n est pas applicable à la présente procédure et elle statuera au vu des articles L. 145–33 et L. 145–38 du code du commerce dans leur rédaction antérieure ». Et M. Gautier d’observer que le juge « avec beaucoup d’audace, retient dans l’arrêt annoté l’application de l’ancienne jurisprudence de la Cour de cassation (qui "avait le mérite de clarifier la situation... ") et refuse d’appliquer la loi nouvelle à l’instance en cours ». – Comp. Soc. 26 septembre 2002, JCP, 2003, 10046, note A. Perdriau : « Mais attendu que la cour d’appel n était pas tenue de répondre à des conclusions qui étaient inopérantes dès lors qu’elle se conformait à la doctrine de la Cour de cassation dans son arrêt du 12 février 1997 » (sic).
47 P.–Y. Gautier, note sous Versailles 6 février 2003, décision préc, note 10 de bas de page, n° 4.
48 V. également sur ce point, infra, n° 106.
49 V. pour le droit de représentation, Le Moniteur Universel, 15 janvier 1791 (texte complété du rapport de Le Chapelier et de la discussion devant l’Assemblée Constituante) et pour le droit de reproduction, Le Moniteur Universel, 21 juillet 1793 (texte précédé du rapport de Lakanal devant la Convention et adopté sans discussion !).
50 H. Desbois, Le droit d’auteur en France, Dalloz, 1e éd., 1950, p. 1.
51 A. Françon, Cours de propriété littéraire, artistique et industrielle, Les cours de droit, Litec, 1994/1995, mise à jour au 1er janvier 1996, p. 213.
52 V. notamment, H. Desbois, « Les droits d’auteur : aspects essentiels de la jurisprudence française », Études offertes à G. Ripert, LGDJ, Paris, 1950, t. II, p. 60 et spec. n° 12s. – V. également, S. Strömholm, Le droit moral de l’auteur en droit allemand, français et Scandinave, P.A. Norstedt & Söners Förlag, Stockholm, t. I, 1967, spec. n° 8s. – À noter que dans la 3e éd. du Traité de Pouillet, un chapitre spécifique est consacré « au droit moral de l’auteur », E. Pouillet, Traité théorique et pratique de la propriété littéraire et artistique et du droit de représentation, Imprimerie et librairie générale de jurisprudence, Paris, 3e éd., 1908, par G. Maillard et C. Claro, p. 256.
53 H. Desbois, « Le droit moral », RIDA, n° XIX, avril 1958 (n° spécial entièrement consacré à la loi française du 11 mars 1957), p. 121.
54 V. spéc, A. et H.-J. Lucas, Traité, n° 9 avec la jurisprudence citée : « Avant 1800, les esprits y sont préparés, mais il (le droit moral) n’est pas reconnu en tant que concept juridique. Ce sera l œuvre de la jurisprudence ».
55 Req. 25 juilllet 1887, S, 1887, I, p. 17, note Lyon-Caen et DP, 1888, I, p. 5, note Sarrut. – V. sur la nature juridique du droit d’auteur, fruit des constructions prétoriennes, J. Escarra, J. Rault et F. Hepp, La doctrine française du droit d’auteur, Grasset, Paris, 1937.
56 V. la jurisprudence « Lecocq » (Civ. 24 juin 1902, DP, 1903, I, p. 5, conclusions Baudoin, note A. Colin et S, 1902, I, p. 305, note Lyon-Caen), confirmé par les arrêts « Canal » (Civ. 14 mai 1945, DP, 1945, p. 285, note Desbois ; S, 1945, I, p. 101, note Batiffol et JCP, 1945, II, 2835, note R.C.) et « Bonnard » (1e Civ. 4 déc. 1956, JCP, 1956, II, 11141, note Weill et RTD Com, 1957, p. 390, obs. Desbois).
57 Desbois, n° 206s. ; A. Françon, op. cit., p. 205s. ; C. Colombet, Précis, n° 242s. ; P-Y. Gautier, Précis, n° 18s. ; A. et H.-J. Lucas, Traité, n° 15s.
58 V. notamment, sur la genèse prétorienne du concept d’originalité, S. Haas, L originalité au sens du droit d’auteur. Contribution à l’étude de la notion, Thèse Paris I, 1991, spéc. p. 165. L’auteur semble formel : « D’origine prétorienne la notion d’originalité n’a en effet de vie, de sens, que dans et par la jurisprudence qu’elle suscite ».
59 Le Moniteur Universel, 15 janvier 1791.
60 Le Moniteur Universel, 21 juillet 1793.
61 V. spéc. quant aux effets de cette législation du 11 mars 1902 a priori « anodine » sur le droit d’auteur, A. Bertrand, op. cit., n° 1. 15.
62 V. l’importante jurisprudence en matière d’informations de presse, le juge refusant protection aux nouvelles brutes selon une jurisprudence fermement établie : Req. 8 août 1861, DP, 1862, I, p. 136 et 23 mai 1900, DP, 1902, I, p. 145. – V. également, J.-M. Leloup, Le journal, les journalistes et le droit d’auteur, Librairies techniques, Paris, 1962. L’auteur cite, aussi, à l’appui de cette jurisprudence « inébranlable », une décision du Trib. Com. Seine, 12 juin 1851 qui déjà refusait protection aux simples dépêches télégraphiques (op. cit., n° 95).
63 En ce sens, S. Haas, op. cit., spéc. p. 165. L’auteur rend hommage au « travail acharné des magistrats des tribunaux et des Cours d’appel comme des membres de la Cour de Cassation ». – Plus réservés, A. Lucas et P. Sirinelli, « L’originalité en droit d’auteur », JCP, 1993, I, 3681, n° 7. Les auteurs soulignent le travail des tribunaux mais observent, toutefois, qu’ils « faisaient, peut être, de l’originalité une condition comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir ».
64 En ce sens, A. Lucas et P. Sirinelli, « L’originalité en droit d’auteur », op. cit., n° 7 ; A. et H.-J. Lucas, Traité, n° 78s. – Et en jurisprudence, appréciant l’originalité au travers du « travail personnel de l’auteur », V. par exemple : Crim. 27 novembre 1869, DP, 1870, I, p. 186 ; 18 mai 1938, GP, 1938, II, p. 311 ; Civ. 27 mai 1942, S, 1942, I, p. 124. Ce dernier arrêt est particulièrement significatif en ce qu’il mêle les deux acceptions de l’originalité. Après avoir rappelé que protection est accordée « seulement aux œuvres qui, par leur configuration, leur forme et la méthode employée pour leur présentation, témoignent d’un travail purement personnel à leur auteur », la Cour suprême approuve la Cour d’appel d’avoir dénié protection à l’œuvre en question (un dessin publicitaire) « dès lors qu’elle a affirmé expressément qu’il n’offrait aucun caractère de nouveauté ». – Et sur la difficulté de distinguer nouveauté et originalité, P.-Y. Gautier, Précis, n° 25s.
65 Desbois, n° 3. - V. également, infra, n° 142.
66 V. par exemple, Y. Gendreau, La protection des photographies en droit d auteur français, américain, britannique et canadien, LGDJ, 1994 ; R. Gouriou, Les photographes et le droit d’auteur. Études de droit comparé, LGDJ, 1959 ; P. Frémond. Le droit de la photographie. Le droit sur l’image, Publicness, 3e éd., 1985.
67 Les circonvolutions jurisprudentielles antérieurement à la loi de 1957 sont résumées par Desbois, farouche opposant à la protection des photographies par le droit d’auteur : « Tour à tour, les juges ont accordé leur préférence à un système absolu, qui accorde aide et protection indistinctement à toutes les photographies, puis à une conception éclectique, qui, à l’aide de différents critères, prétend faire le départ entre les clichés ; mais à l’intérieur de ce second cadre, la sélection s est faite dans un esprit de plus en plus libéral, si bien que, sans exagération ni paradoxe, à l’heure actuelle, il est permis d’affirmer que toutes les photographies remplissent les conditions requises pour la protection » in, H. Desbois, Le droit d’auteur en France, Dalloz, 1e éd., 1950, n° 107. –Comp. Desbois, n° 72s.
68 V. spéc, Y. Gendreau, op. cit. et du même auteur, J.-Cl. PLA, fasc. 1150.
69 G. Lyon–Caen et P. Lavigne, Traité théorique et pratique du droit du cinéma français et comparé, 2 tomes, LGDJ, 1957, spec. t. I, n° 16. Les auteurs affirment avec force autorité qu’« en matière de droit des auteurs, les sources sont purement jurisprudentielles, et la Cour de Cassation a rendu des arrêts essentiels ». – V. plus spéc, le célèbre arrêt « Mascarade » de la Cour de cassation qui détermine très précisément l’ensemble du statut de l’œuvre cinématographique (Civ. 10 novembre 1947, JCP, 1948, II, 4166, note R. Plaisant et D, 1947, p. 529 avec le rapport du conseiller P. Lerebours-Pigionnière, et la note signée P. L.-P.).
70 Illustration par deux arrêts de la Cour de cassation qui relativement à des faits similaires s’expriment en termes quasi identiques : après avoir posé en principe que « le droit d’exploitation qui appartient à l’auteur d’une œuvre musicale pendant la période déterminée par la loi lui confère le droit d’exiger une redevance à l’occasion de chacune des représentations publiques de son œuvre », la Cour suprême en précise les conditions : « l’aubergiste (...) réalise une exécution publique distincte de la première (...) puisqu’elle implique, d’une part, un appel à une partie du public auquel ne s’adressait pas directement l’émission, et, d’autre part, une transmission de l’œuvre à ce public spécial » (Civ. 2 janvier 1946, S, 1946, I, p. 150 et D, 1946, p. 133 ; 28 avril 1947, D, 1948, p. 390, note H. Desbois). – Comp. avec les articles L. 122-2 et L. 132-20 CPI (anciens articles 27 et 45 L. 1957, légèrement modifiés par la loi du 3 juillet 1985) qui consacrent le principe du cumul des redevances.
71 V. article L.l 12-4 CPI (ancien article 5 L.1957). – Et sur l’ensemble de la question, la thèse de F. Valancogne, Le titre de. roman, de journal, de film. Sa protection, Sirey, 1963.
72 Civ. 2 février 1937, « Gueule d’Amour », DP, 1938, I, p. 97 avec la note critique de H. Desbois. La Cour de cassation reconnaît au titre une double protection. D’une part, sur le terrain de la protection autonome par le droit d’auteur, en relevant que « si un titre peut, en attendant que paraisse le livre auquel il est destiné, bénéficier d’une protection résultant d’un droit de propriété, c’est à la condition qu’ayant été porté à la connaissance des tiers en vue d’une publication prochaine, il présente en outre, une originalité lui imprimant un caractère d œuvre ». Et d’autre part, sur le terrain subsidiaire de la concurrence déloyale, en précisant « qu’à défaut d’originalité, l’emploi fait en connaissance de cause par un tiers du titre choisi pour l’ouvrage qu’un auteur se propose de publier, peut, le cas échéant, donner lieu à réparation au profit de l’auteur lésé, s’il est établi qu’eu égard aux circonstances particulières de l’espèce, il constitue un acte de concurrence déloyale générateur d’un préjudice ». Ce système ainsi mis en place sera codifié par la loi du 11 mars 1957 (V. article L. 112-4 CPI, ancien article 5 L. 1957).
73 L arrêt « Gueule d’Amour » préc. parachève l évolution jurisprudentielle : d’abord refus (V. par exemple, Paris 17 juillet 1903, Gaz. Trib., 1904, II, p. 105), puis admission à la protection sous condition d’originalité (V. par exemple, à propos du titre la « Marche funèbre », Trib. Civ. Seine, 13 avril 1931, DH, 1931, Somm., p. 44 et GP, 1931, I, p. 173 ; et sur appel, Paris 31 décembre 1933, GP, 1933, II, p. 947). –L’arrêt « Gueule d’amour » a été suivi par la jurisprudence postérieure avant d’être expressément consacré par le législateur (V. article 5 de la loi du 11 mars 1957, devenu article L.112-4 CPI) : V. en ce sens, notamment, R. Savatier, « Loi du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique », JCP, 1957, I, 1398, n° 16 ; C. Colombet, Précis, n° 66s. ; R. Castelain, « La protection des titres », RIDA, n° X, janvier 1956, p. 3s.
74 V. sur la distinction entre source directe et source indirecte du droit, O. Dupeyroux, « La doctrine française et le problème de la jurisprudence source de droit », Mélanges G. Marty, Université des sciences sociales de Toulouse, 1978, p. 463-464.
75 Desbois, n° 124 : L’auteur relève que les expressions « œuvres collectives » et « œuvres composites » n’étaient pas communément employées sous l’empire du droit antérieur à 1957. Et d’ajouter, « composites et collectives voilà des épithètes qui ne proviennent pas du passé ».
76 H. Desbois, « Commentaire de la loi du 11 mars 1957 », D, 1957, L., p. 356 ; C. Colombet, Précis, n° 119.
77 Le Conseiller P. Lerebours-Pigeonnière définit l’œuvre collective comme « une sorte d’œuvre anonyme (les dictionnaires, les encyclopédies) qu’un éditeur publie sous son nom et qui ne cesse pas d’être anonyme, alors même que la liste des collaborateurs est connue (le Dictionnaire de l’Académie est notoirement l’œuvre de quarante Immortels), parce qu’il est impossible de déterminer le rôle ni la part de chacun dans la conception et la composition de l’œuvre ; en conséquence, on admet qu’une telle œuvre appartient, comme si elle était entièrement sa création ou en tant qu’œuvre anonyme, à l’éditeur qui a dirigé la composition et sous le nom duquel elle est divulguée » (V. note signée P. L.-P. sous Civ. 10 novembre 1947, D, 1947, p. 533, et spéc. p. 534). À noter que les références jurisprudentielles sont citées dans le rapport qui précède (V. rapport du Conseiller Paul Lerebours-Pigionnière sous Civ. 10 novembre 1947, décision préc, spéc. p. 531).
78 Trois arrêts de Cour d’appel ; deux arrêts de cassation : 1er arrêt de cassation, Crim. 16 juillet 1853, DP, 1853, I, p. 309 et S, 1853, I, p. 546 (avec, dans les deux cas, publication du rapport du Conseiller Quénault). Résistance : Amiens 1er décembre 1853, DP, 1855, II, p. 157. 2nd arrêt de cassation pour vice de forme : Crim. 4 mai 1854, DP, 1855, I, p. 127 et S, 1855, II, p. 50. Et enfin, Orléans 10 juillet 1854, DP, 1855, II, p. 157 et S, 1855, II, p. 50.
79 Dernière juridiction de renvoi, Cour d’appel d’Orléans, 10 juillet 1854, décision préc.
80 Crim. 16 juillet 1853, décision préc.
81 Ibidem. – Dans le même sens, l’arrêt de la seconde Cour d’appel de renvoi (Orléans 10 juillet 1854, décision préc.) qui souligne que l’entrepreneur a « un mérite d’auteur de l’ensemble et non pas seulement de simple éditeur, et par suite un droit distinct et personnel à raison de cet ensemble, le droit supérieur à celui des écrivains signataires des notices qui n’ont fourni, chacun, que quelques-unes des parties de l œuvre collective ».
82 V. articles L. 113-2 al. 3 et L. 113-5 CPI (anciens articles 9 et 13 L. 1957).
83 En ce sens, J. Cédras, Les œuvres collectives en droit français, Thèse Paris II, 1978, p. 10s. – V. également, P.-Y. Gautier, Précis, n° 383, précisant que la définition de l’article L. 113–2 CPI est « reprise quasiment mot pour mot de la vénérable jurisprudence "Firmin-Didot" ».
84 V. sur la « légalisation » de la jurisprudence, supra, n° 33.
85 J. Cédras, op. cit., p. 27.
86 V. article L. 113–2 al. 1 CPI (ancien article 9 L. 1957) et article L. 113-3 CPI (ancien article 10 L. 1957).
87 A. et H.-J. Lucas, Traité, n° 171s. – V. également, C. Colombet, Précis, n° 111s. ; P.-Y. Gautier, Précis, n° 390s.
88 A. Françon, loc. cit., p. 187.
89 Desbois, n° 136.
90 Req. 4 février 1881, cité par E. Pouillet, op. cit., n° 116.
91 Articles L. 113–3 et L. 123–2 CPI.
92 Civ. 7 avril 1925, D, 1926, I, p. 33, note M. Nast avec les nombreuses références citées, dont l’important arrêt de la Cour d’appel de Paris du 9 décembre 1905 (Paris 9 décembre 1905, DP, 1911, II, p. 361, note C. Claro). – Jurisprudence confirmée notamment par Civ. 6 juillet 1927, GP, II, 563 et D, 1927, p. 431.
93 Civ. 7 avril 1925, décision préc.
94 Ibidem.
95 V. article L. 123–2 CPI (ancien article 21 al. 3 L. 1957) : « Pour les œuvres de collaboration, l’année civile prise en considération est celle de la mort du dernier vivant des collaborateurs ». – Et en ce sens, R. Castelain, « La durée de protection », RIDA, n° XIX, avril 1958, p. 375 et spec. p. 389 ; R. Savatier, « Loi du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique », JCP, 1957, I, 1398, n° 53.
96 Nast, note sous Civ. 7 avril 1925, décision préc.
97 H. Desbois, « Commentaire de la loi du 11 mars 1957 », op. cit., p. 350 ; R. Savatier, « Loi du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique », op. cit., n° 8.
98 L exemple le plus manifeste est, sans doute, celui relatif au régime matrimonial de l’auteur dans la mesure où les solutions dégagées ont été en partie condamnées par le législateur : V. les jurisprudences « Lecocq » et « Canal », décisions préc.
99 V. pour une analyse des imperfections de l’édifice jurisprudentiel, H. Desbois, « Les droits d’auteur : aspects essentiels de la jurisprudence française », Études offertes à G. Ripert, LGDJ, Paris, 1950, t. II, p. 60, spéc. n° 15s.
100 V. en ce sens, quant au régime matrimonial de l’auteur, la frilosité reprochée à la Cour de cassation par A. Colin, note sous Civ. 24 juin 1902 « Lecocq », décision préc. Et aussi, Batiffol, note sous Civ. 14 mai 1945, « Canal », décision préc. – V. également, la situation emblématique des artistes-interprètes antérieurement à la loi du 3 juillet 1985 et les appels de la doctrine au pouvoir normatif du juge pour remédier à leur exclusion de la protection accordée aux auteurs par la loi du 11 mars 1957 : V. par exemple, H. Desbois, « Les droits d’auteur : aspects essentiels de la jurisprudence française », op. cit., spéc. n° 18.
101 A. Kéréver, « Révolution française et droit d’auteur », RIDA, n° 141, 1989, p. 4. -V. également, J.-C. Ginsburg, « Histoire de deux droits d’auteur : la propriété littéraire et artistique dans la France et l’Amérique révolutionnaires », RIDA, n° 147, 1991, p. 125.
102 V. pour une présentation des deux systèmes de droit d’auteur qui ne sont pas, bien au contraire, deux blocs imperméables l’un à l’autre : A. Strowel, Droit d’auteur et copyright, Bruylant–LGDJ, Bruxelles–Paris, 1993 ; A. Françon, Le droit d’auteur : aspects internationaux et comparatifs, éd. Yvon Biais inc., Québec, 1992, p. 111s.
103 Desbois, « Avant Propos », p. VI : « La France, écrit-il, peut tirer quelque fierté d’avoir sur le plan international accomplit la mission de pionner, grâce à sa jurisprudence, sinon par l activité de ses législateurs ».
104 H. Desbois, « Commentaire de la loi du 11 mars 1957 », D, 1957, L., p. 350.
105 Desbois, « Avant propos », p. VI ; « Commentaire de la loi du 11 mars 1957 », op. cit., p. 350.
106 V. en ce sens, O. Dupeyroux, « La doctrine française et le problème de la jurisprudence source de droit », Mélanges G. Marty, Université des sciences sociales de Toulouse, 1978, p. 463s.
107 L on sait, toutefois, que des pans entiers du droit civil procèdent de constructions prétoriennes. L’exemple des droits de la personnalité, proche du droit d’auteur, est éloquent : V. en ce sens, l’analyse de la jurisprudence relative au droit au respect de la vie privée antérieurement à la loi du 3 juillet 1970 par R. Nerson, RTD civ., 1971, p. 109s. – Sur la jurisprudence administrative, V. par exemple, parmi la littérature abondante, M. Waline, « Cinquante ans de jurisprudence administrative », D, 1950, chron. p. 21s. ; J. Rivero, « Le juge administratif français : un juge qui gouverne ? », D, 1951, chron. p. 21s.
108 V. sur le caractère lapidaire de l’ancienne législation, supra, n° 30 et spéc. n° 35.
109 A. Schmidt, « L’application jurisprudentielle de la loi du 11 mars 1957 », RIDA, n° LXXXIV, avril 1975, p. 41.
110 B. Edelman, J.-Cl. PLA, fasc. 301-1, n° 5.
111 À signaler notamment les chroniques régulières de M. le Conseiller A. Kéréver à la RIDA qui font le tour des décisions judiciaires importantes, ainsi que pour les nouvelles publications, C. Caron, Com., Com. électr., éd. Juris–Classeur ; A. Lucas et P. Sirinelli, chroniques in, Propriétés intellectuelles, IRPI. - V. également, A. Schmidt, « L’application jurisprudentielle de la loi du 11 mars 1957 », op. cit., p. 41s. ; « L’application jurisprudentielle...(suite et fin) », RIDA, n° LXXXV, juillet 1975, p. 3s. ; et plus récemment, A. Françon, « Chronique de France », RIDA, n° 181, juillet 1999, spéc. p. 169s.
112 1e Civ. 9 octobre 1984, « Masson », Bull. civ. I, n° 252 ; D, 1985, IR, p. 316, obs. C. Colombet et RIDA, n° 125, 1985, p. 144. – Depuis, jurisprudence constante : 1e Civ. 26 janvier 1994, « Glénat », Bull. civ. I, n° 34 et RIDA, juillet 1994, p. 309 ; 9 janvier 1996, « Pactet », JCP, 1996, II, 2643, note X. Daverat et RIDA, juillet 1996, p. 331.
113 En ce sens, A. Lucas, « L’assiette de la rémunération proportionnelle due par l’éditeur », D, 1992, chron. p. 269s. ; X. Daverat, note sous 1e Civ. 9 janvier 1996, JCP, 1996, II, 2643, n° 4. – Et spéc. soulignant l’imprécision du vocabulaire employé par le législateur, Y. Gaubiac, « L’assiette de la rémunération proportionnelle selon la loi française sur le droit d’auteur », Mélanges A. Françon, Dalloz, 1995, p. 163s.
114 Desbois, n° 562.
115 P.-Y. Gautier, Précis, n° 266.
116 1e Civ. 16 juillet 1998, « De Nuremberg à Nuremberg », D, 1999, p. 306, note E. Dreyer, RIDA, n° 178, octobre 1998, p. 241.
117 V. pour les cessions à l’étranger, 1e Civ. 7 juin 1995, « Glénat », D, 1995, p. 494 ; JCP, 1996, II, 22581, note A. Françon et RTD com., 1996, p. 59, obs. A. Françon ; 15 octobre 1996, « Uderzo », Dalloz aff., 1996, p. 1396 ; JCP, éd. E, 1997, I, 683, obs. H.-J. Lucas. – V. également, P.-Y. Gautier, « Invitation au voyage : les cessions de droit d’auteur à l’étranger, créatrices de groupes de contrats », D, 1995, chron. p. 262s. – Et pour l’édition vidéographique, Ie Civ. 16 juillet 1998, « De Nuremberg à Nuremberg », décision préc.
118 P.-Y. Gautier, « Invitation au voyage : les cessions de droit d’auteur à l’étranger, créatrices de groupes de contrats », op. cit., p. 262s. ; A. Lucas, « L’assiette de la rémunération proportionnelle due par l’éditeur », op. cit., spéc. n° 19s. – Adde, E. Dreyer, note sous 1e Civ. 16 juillet 1998, décision préc, spéc. n° 5. – Et sur la loi du 10 août 1981 dite « Loi Lang », F. Pollaud-Dulian, observations sous Paris, 10 mai 2000, JCP, 2001, II, 10471.
119 V. en ce sens, E. Dreyer, note préc, n° 5.
120 V. sur les solutions imaginées par la pratique, infra, n° 120.
121 C. Caron, Abus de droit et droit d’auteur. Contribution à la théorie de l’abus de droit en droit français, Publications de l’IRPI, n° 17, Litec, 1998. A noter que de larges extraits de sa thèse sont publiés in, « Abus de droit et droit d’auteur. Une illustration de la confrontation du droit spécial et du droit commun en droit civil français », RIDA, n° 176, avril 1998, p. 3s. – Comp. C. Carreau, « Propriété intellectuelle et abus de droit », Mélanges A. Françon, Dalloz, 1995, p. 17s.
122 1e Civ. 14 mai 1991, « Chiavarino », JCP, 1991, II, 21760, note critique F. Pollaud-Dulian ; RIDA, n° 151, janvier 1992, p. 273, note P. Sirinelli ; RTD com., 1991, p. 592, obs. A. Françon. – Contra, 1e Civ. 5 juin 1984, « Maddalena », D, 1985, IR, p. 312, obs. C. Colombet.
123 L’immense majorité de la doctrine range le droit moral de l’auteur parmi les droits de la personnalité : V. en ce sens, notamment, A. Françon, note sous 1e Civ. 10 mars 1993, D, 1994, p. 78. – Cependant, contra, J. Raynard, note sous 1e Civ. 10 mars 1993, JCP, 1993, II, 22161.
124 Contra cependant, F. Pollaud–Dulian, « Abus de droit et droit moral », D, 1993, chron. p. 97s. Mais force est de constater que l’auteur est aujourd’hui bien seul dans le concert quasi unanime de la doctrine à refuser de reconnaître que le droit moral est susceptible d’abus. – Adde, D. Roets, « Les droits discrétionnaires : une catégorie juridique en voie de disparition ? », D, 1997, chron. p. 92s.
125 C. Caron, « Abus de droit et droit d’auteur. Une illustration de la confrontation du droit spécial et du droit commun en droit civil français », op. cit., p. 35.
126 1e Civ. 28 mai 1991, « Huston », Rev. crit. DIP, 1991, p. 752, note P.-Y. Gautier ; JCP, 1991, II, 21731, note A. Françon et éd. E, 1991, II, p. 220, note J.-C. Ginsburg et P. Sirinelli ; D, 1993, p. 197, note J. Raynard ; Clunet, 1992, p. 133, note B. Edelman ; et sur renvoi, Versailles 19 décembre 1994, RIDA, avril 1995, p. 389, note A. Kéréver.
127 En ce sens, P.-Y. Gautier, note sous, 1e Civ. 28 mai 1991, « Huston », décision préc, n° 1.
128 À noter que la directive n’a pas été transposée, le gouvernement français ayant estimé que « le Code de la propriété intellectuelle reconnaît juridiquement aux auteurs (...) le droit généralement dénommé droit de destination (Rép. Min., mai 1996, Légipresse, n° 132, juin 1996, IV, p. 60). – V. sur ce point, P.-Y. Gautier, Précis, n° 156 ; A. et H.-J. Lucas, Traité, n° 256s. ; et infra, spéc. n° 204. – Adde, Projet de loi relatif à la rémunération au titre du prêt en bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs, Sénat, n° 271, consacré par la loi du 18 juin 2003 ; et sur ce dernier point, infra, n° 190 et 307.
129 V. les trois arrêts « SACEM » suivants : 1e Civ. 1er mars 1988. 22 mars 1988 et 19 avril 1988, JCP, 1988, II, 21120, note A. Françon et RTD com., 1988, p. 445, obs. A. Françon. – V. également, A. et H.-J. Lucas, Traité, n° 261s.
130 F. Pollaud-Dulian, Le droit de destination. Le sort des exemplaires en droit d’auteur, préface A. Françon, LGDJ, Paris, 1989, n° 11, et plus spéc. sur le rôle de la jurisprudence française, n° 119 bis et s. – Comp. T. Desurmont, « Le droit de l’auteur de contrôler la destination des exemplaires sur lesquels son œuvre se trouve reproduite », RIDA, n° 134, octobre 1987, p. 3s.
131 V. spéc. en ce sens, G. Isaac et M. Blanquet, Droit communautaire général, Armand Colin, 8e éd., 2001, p. 171–172. La CJCE, source complémentaire du droit communautaire, est décrite en des termes qui méritent d’être reproduits : « A l’aptitude de l’ordre juridique communautaire à accueillir le droit jurisprudentiel (caractère général, imprécis et incomplet des règles contenues dans les traités ; rigidité du droit primaire due à la lourdeur de la procédure de révision ; inertie du droit dérivé résultant des blocages au sein du Conseil) correspond, en effet, l’aptitude non moins remarquable de la Cour de justice à créer du droit (égalité institutionnelle avec le Conseil et la Commission : 7 CE. (ex 4) ; mission d assurer "le respect du droit" : 220 CE. (ex 164), donc pas seulement du droit écrit ; capacité opérationnelle du fait de son monopole de l’interprétation authentique : 243 CE. (ex 177)) ». – V. également, J. Boulouis, « A propos de la fonction normative de la jurisprudence, remarques sur l’œuvre jurisprudentielle de la Cour de justice des communautés européennes », Mélanges offerts à M. Waline, t. 1, LGDJ, 1974, p. 179s. ; R. Kovar, J.-Cl. Europe, fasc. 411, spéc. n° 29s.
132 V.-L. Bénabou, Droits d’auteur, droits voisins et droit communautaire, Bruylant, Bruxelles, 1997, spéc. n° 18s.
133 Ibidem, spéc. n° 36s. avec la jurisprudence citée et spéc. : CJCE 8 juin 1971, « Deutsche Grammophon », RTD europ., 1973, p. 369 et 558, obs. M. Johannes ; 20 janvier 1981, « K-Tel », RTD europ., 1981, p. 182 et 101, obs. G. Bonet ; RIDA, n° 109, juillet 1981, p. 174 note C. Joubert ; RTD com., 1981, p. 538, obs. A. Françon.
134 M.-C. Boutard-Labarde et P.-Y. Gautier, note sous TPICE 16 décembre 1999, « Microsoft », JCP, 2000, II, 10370, n° 1.
135 V. notamment, CJCE 17 mai 1988, « Warner Bros », JCP, 1989, II, 211173, note B. Edelman ; RTD europ., 1988, p. 647, obs. G. Bonet ; 28 avril 1998, « Métronome Musik », D, 1999, p. 353, note B. Edelman ; 22 septembre 1998, D, 1999, p. 239, note B. Edelman. – V. également, pour ces deux dernières décisions, Dalloz aff., 1999, p. 238, note V.-L. Bénabou et RTD com., 1999, p. 81, obs. A. Françon.
136 V. notamment, les jurisprudences « K-Tel » et « Deutsche Grammophon », décisions préc.
137 V. notamment, CJCE 9 février 1982, « Polydor », RTD europ., 1982, p. 340 et 300, obs. G. Bonet ; TPICE 16 décembre 1999, « Microsoft », JCP, 2000, II, 10370, note M.-C. Boutard-Labarde et P.-Y. Gautier ; RTD europ., 2000, p. 116, obs. G. Bonet ; RTD com., 2001, p. 92, obs. A. Françon.
138 V. notamment, CJCE, 15 juillet 1964, « Costa c. Enel », Rec. CJCE, 1964, p. 1141, conclusions M. Lagrange. – V. également, CJCE, 5 février 1963, « Van Gend en Loos », Rec. CJCE, p. 1, conclusions K. Roemer et 9 mars 1978, « Simmenthal », Rec. CJCE, p. 629. – À noter que les terminologies sont fluctuantes. Selon une doctrine autorisée, les deux principes cités peuvent être ainsi définis : « Non seulement le droit communautaire s’insère automatiquement dans l’ordre interne des Etats membres (principe d’applicabilité immédiate : ni transformation, ni réception), mais il possède une aptitude générale à y compléter directement le patrimoine juridique des particuliers de droits subjectifs et/ou d’obligations, tant dans leurs rapports avec d’autres particuliers que dans leurs relations avec l Etat dont ils relèvent » et d’ajouter que, concrètement, cette applicabilité directe, « c’est le droit pour toute personne de demander à son juge de lui appliquer traités, règlements, directives ou décisions communautaires. C est l’obligation pour ce juge de faire usage de ces textes, quelle que soit la législation du pays dont il relève » (G. Isaac et M. Blanquet, Droit communautaire général, Armand Colin, 8e éd., 2001, p. 188).
139 J.-S. Berge, J.-Cl. PLA, fasc. 1920, n° 32.
140 Est-il besoin de préciser que la prétendue complétude de la loi ne saurait s’identifier à la complétude de l ordonnancement juridique, sauf à réduire le droit à la loi ! V. en ce sens, parmi la littérature abondante, Études publiées par C. Perelman, Le problème des lacunes en droit, Centre national de recherches de logique, Bruylant, Bruxelles, 1968 et, notamment, les contributions de F. Terré, « Les lacunes du droit », p. 143s. ; R. Savatier, « Les creux du droit positif au rythme des métaphores d’une civilisation », p. 521s. – Adde, L. Siorat, Le problème des lacunes en droit international. Contribution à l’étude des sources du droit et de la fonction judiciaire, Thèse Toulouse, 1958, n° 13, et plus spéc. n° 90s.
141 Supra, n° 31 s. et 48s.
142 P. Sirinelli, « Synthèse » présentée lors des Journées d’Étude de l’ALAI, septembre 1998, Université de Cambridge, Les frontières du droit d’auteur, Australian Copyright council, 1999, p. 131s. et spéc. p. 136. – V. également, A. et H.-J. Lucas, Traité, n° 289s.
143 L exemple le plus connu a trait aux représentations et reproductions d’œuvres situées dans les lieux publics, mais il s’agit, selon nous, d’une jurisprudence contra legem : V. sur ce point, infra, n° 84 et 87.
144 A. Françon, RTD com., 1979, p. 457, obs. sous Crim. 30 janvier 1978.
145 TGI Seine 17 juin 1964, JCP, 1964, II, 13787 ; RTD com., 1964, p. 782, obs. H. Desbois.
146 Crim. 30 janvier 1978, D, 1979, p. 583, note J. Le Calvez ; RTD com., 1979, p. 456, obs. A. Françon.
147 Crim. 30 janvier 1978, décision préc.
148 V. spéc, J. Le Calvez, note sous Crim. 30 janvier 1978, décision préc. – Et pour de plus longs développements sur cette pratique, infra, n° 282.
149 Article L. 122–5 CPI. – Et plus généralement sur les notions cadre en droit d’auteur, C. Castets, Notions à contenu variable en droit d’auteur, Thèse Paris XI, 2001.
150 Y. Gaubiac, « Rapport français », Les frontières du droit d’auteur, op. cit., p. 234. –V. également, P.-Y. Gautier, Précis, n° 202 ; A. et H.-J. Lucas, Traité, n° 342s.
151 Y. Gaubiac, « Rapport français », loc. cit., p. 235, citant TGI Paris, 24 janvier 1984, GP, 1984, I, p. 240, note Marchi. – V. également P.-Y. Gautier, Précis, n° 193 ; A. et H.-J. Lucas, Traité, n° 326s.
152 « Discours préliminaire sur le projet de Code civil » in, J. E. M. Portalis, Écrits et discours juridiques et politiques, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 1988, p. 30.
153 J. Ghestin et G. Goubeaux avec le concours de M. Fabre-Magnan, Traité de droit civil – Introduction générale, LGDJ, 4e éd., 1994, n° 472, citant en ce sens des juristes aussi illustres que Gény, Ripert ou Portalis.
154 P. Sirinelli, « Le droit d’auteur à l’aube du 3e millénaire », JCP, 2000, I, 194, n° 6.
155 A. Lucas, Droit d’auteur et numérique, Litec, 1998, n° 19, note 40.
156 V. l'article précurseur, T. Dreier, « L’analogique, le digital et le droit d’auteur », Mélanges A. Françon, Dalloz, 1995, p. 119.
157 Supra, n° 32 et spéc. 39.
158 Supra, n° 53.
159 Supra, n° 39.
160 1e Civ. 6 avril 1994, « CNN », D, 1994, p. 450, note P.-Y. Gautier ; JCP, 1994, II, 22273, note J.-C. Galloux ; RIDA, n° 161, juillet 1994, p. 367, note A. Kéréver. – V. également, B. Edelman, « La télédiffusion dans les chambres d’hôtel », D, 1994, chron. p. 209 ; A. Françon, « La soumission des hôteliers au droit d’auteur pour les émissions de radio ou de télévision captées dans leurs établissements », Mélanges J. Foyer, PUF, 1997, p. 249.
161 V. en ce sens spéc, J.-C. Galloux, note sous Ie Civ. 6 avril 1994, décision préc.
162 Les deux premières décisions judiciaires en droit d’auteur sont les deux ordonnances de référé rendues le même jour, TGI Paris, réf., 14 août 1996, « Sardou » et « Brel », D, 1996, p. 490, note P.–Y. Gautier ; JCP, 1996, II, 22727, obs. F. Olivier et E. Barbry ; JCP, éd. E., 1996, 881, note B. Edelman ; RIDA, janvier 1997, p. 361, note C. Caron ; RTD com., 1997, p. 97, obs. A. Françon. – V. pour l’analyse des premières décisions judiciaires rendues à l’étranger, Y. Gendreau, « Le droit de reproduction et l’Internet », RIDA, n° 178, octobre 1998, p. 3s., et spéc. p. 23.
163 A. Lucas, Droit d’auteur et numérique, Litec, 1998, n° 18, citant nombre d’auteurs ayant pourtant annoncé la mort de la propriété littéraire et artistique.
164 V. récemment, 1e Civ. 28 janvier 2003, Com., Com, électr., avril 2003, p. 17, note C. Caron ; соmp. avec l’une des premières décisions, TGI Nanterre, 26 novembre 1997, PIBD, 1998, III, p. 212 et GP, 1998, p. 220, note I. Demnard–Tellier. – Et sur l’œuvre multimédia, V. notamment, P.-Y. Gautier, J.-Cl. PLA, fase. 1165 ; « Les œuvres "multimédia" en droit français », RIDA, n° 160, avril 1994, p. 91s. et Précis, n° 111 ; B. Edelman, « L’œuvre multimédia, un essai de qualification », D, 1995, chron. p. 109s. ; A. Lucas, « Droit d’auteur et multimédia », Mélanges A. Françon, Dalloz, 1995, p. 325s. ; F. Olivier et E. Barbry, « Le multimédia à l’épreuve du droit français », JCP, 1995,1, 3879.
165 V. par exemple, TGI Paris, réf., 14 août 1996, « Sardou » et « Brel », décisions préc. ; 5 mai 1997, « Queneau », RIDA, octobre 1997, p. 265 ; JCP, 1997, II, 22906, note Olivier ; RTD com., 1997, p. 458, obs. A. Françon.
166 Par exemple, Trib. corr. Valence, 2 juillet 1999, RIDA, n° 183, janvier 2000, p. 348 ; Com., Com. électr., octobre 1999, p. 15 note C. Caron. Lors de la condamnation d’un commerçant qui proposait au public le matériel nécessaire à la duplication massive et sans autorisation de CD audio et de CD Rom, le Tribunal a notamment ordonné la diffusion de la décision sur la chaîne de télévision M6 qui avait assuré au contre-facteur une large publicité. Pour répondre à une atteinte médiatisée, le juge impose une publicité équivalente des sanctions dans le but d’assurer à l’affaire un retentissement similaire auprès du grand public.
167 P. Sirinelli, « Le droit d’auteur à l’aube du 3e millénaire », JCP, 2000. I, 194.
168 G. Cornu, sans titre, contribution à la table ronde sur le thème « La jurisprudence aujourd’hui », RTD civ., 1992, p. 342.
169 Paroles prononcées à l’occasion du centenaire du Code civil, Le code civil, 1804 -1904, Le livre du centenaire, publication par la société d’études législatives, éditeur A. Rousseau, Paris, 1904, p. 27.
170 P. Esmein, « La jurisprudence et la loi », RTD civ., 1952, p. 17s., spec. p. 20.
171 L'ouvrage incontournable reste celui de F. Gény, Science et technique en droit privé positif, 4 volumes, Sirey, de 1914 à 1924. – V. également, E.-H. Perreau, Technique de la jurisprudence en droit privé, préface F. Gény, 2 tomes, Librairie des sciences sociales et politiques, M. Rivière éd., Paris, 1923.
172 V. notamment, Motulsky, Principes d’une réalisation méthodique du droit privé, Thèse Lyon, 1948. – Adde, E.–L. Bach, Rép. Civ. Dalloz, 2e éd., V° « Jurisprudence », n° 43. L’auteur donne l’explication suivante du syllogisme : « La majeure serait formée par la règle de droit applicable, la mineure par l' affirmation que les faits de l’espèce remplissent les conditions nécessaires à l'application de la règle qui forme la majeure, la conclusion n étant que la déduction logique des conséquences qui résultent de cette application de la règle de droit envisagée, aux faits du procès ». –Et sur l'impossibilité de réduire le raisonnement judiciaire à un syllogisme, notamment, P. Sanz de Alba, Sur quelques aspects de l’équité, Thèse, Faculté de droit et de sciences politiques d' Aix-Marseille, 1980, spéc. n° 217s. où l’auteur analyse les différentes phases du raisonnement judiciaire et y décèle l’existence d’éléments irrationnels.
173 S. Rials, « L office du juge », Rev. Droits, n° 9, « La fonction de juger », PUF, 1989, p.3.
174 V. spéc, parmi la littérature abondante, APD, « L interprétation dans le droit », t. XVII, Sirey, 1972. – Travaux de l’Association H. Capitant, « L’interprétation par le juge des règles écrites », Journées louisianaises, t. XXIX, 1978, Económica, 1980. –V. également, E.-H. Perreau, op. cit., p. 260s. ; B. Oppetit, « La découverte du sens en droit positif », Droit et modernité, PUF, 1998, p. 129s.
175 V. spéc, J.-L. Goûtal, « Présomption de titularité des droits d’exploitation au profit des personnes morales... », RIDA, n° 175, janvier 1998, p. 65s., spéc. p. 69. – V. également, P. Tafforeau, « De la possession du droit d’auteur par une personne morale », Com., Com. électr., avril 2001, p. 9s. ; A. Kessler-Michel, Présomptions et droit d’auteur, Thèse Paris XI, 2001.
176 C. Caron, note sous 1e Civ. 11 mai 1999, deux arrêts, Com., Com, électr., oct. 1999, p. 12. – Et dans le même sens, J.-L. Goûtal, « Présomption de titularité des droits d’exploitation au profit des personnes morales... », op. cit., p. 65s.
177 P.-Y. Gautier, Précis, n° 441.
178 J.-L. Goûtal, « Présomption de titularité des droits d’exploitation au profit des personnes morales... », loc. cit., p. 69.
179 V. spéc, A. Françon, obs. sous, 1e Civ. 24 mars 1993, « Aréo », RTD com., 1995, p. 418.
180 1e Civ. 24 mars 1993, « Aréo », 2e espèce, JCP, 1993, II, 22085, note F. Greffe et RTD com., 1995. p. 418, obs. A. Françon.
181 V. par exemple, 1e Civ. 4 mai 1994, « Chanel », RIDA, n° 163, janvier 1995, p. 201 ; 31 janvier 1995, D., 1995, SC, p. 287, obs. C. Colombet ; 28 mars 1995, « Thermopac », RIDA, n° 165, juillet 1995, p. 327 ; 9 janvier 1996, « Dior », RIDA, juillet 1996, p. 342 et RTD com., 1997, p. 95 obs. A. Françon ; 3 juillet 1996, RIDA, n° 171, janvier 1997, p. 315 et D., 1997, I, p. 328 note A. Françon et RTD com., 1997, p. 267, obs. A. Françon ; 13 octobre 1998, RIDA, n° 179, janvier 1999, p. 385 et p. 311 obs. A. Kéréver et RTD com., 1999, p. 393, obs. A. Françon ; 22 février 2000 (2 espèces), RTD com., 2000, obs. A. Françon, p. 363, et Com., Com. électr., avril 2000, p. 21, note C. Caron ; D, 2001, SC, p. 2635, obs. P. Sirinelli ; 3 avril 2001, D, 2001, SC, p. 2636, obs. P. Sirinelli. – À noter que la solution a aussi été implicitement réaffirmée lors d’un conflit de lois dans l’espace : 1e Civ. 7 avril 1998, RIDA, n° 177, juillet 1998, p. 255 et p. 199, obs. A. Kéréver.
182 1e Civ. 11 mai 1999, décisions préc.
183 1e Civ. 11 mai 1999, 2e espèce, décision préc.
184 V. notamment pour l’analyse détaillée des conditions posées par la Cour de cassation, C. Caron, note sous 1e Civ. 11 mai 1999, décision préc. ; J.-L. Goûtal, « Présomption de titularité des droits d’exploitation au profit des personnes morales... », eod. loc, p. 65s. ; P. Tafforeau, « De la possession du droit d’auteur par une personne morale », op. cit., spéc. n° 19s.
185 V. en ce sens, J.-L. Goûtal, « Présomption de titularité des droits d’exploitation au profit des personnes morales... », eod. loc, p. 77.
186 À noter que certains auteurs critiquent cette jurisprudence en ce qu’elle irait « à l encontre de la tradition humaniste du droit d’auteur français » et serait source « d’insécurité » (A. Françon, note sous 1e Civ. 3 juillet 1996, D, 1997, I, p. 328). – V. cependant, les objections pertinentes de B. Edelman, « L’œuvre collective, une définition introuvable », D, 1998, p. 141, n° 12 ; J.-L. Goûtal, « Présomption de titularité des droits d’exploitation au profit des personnes morales... », eod. loc, p. 65s.
187 V. également, infra, n° 143.
188 J. Ghestin et G. Goubeaux avec le concours de M. Fabre-Magnan, Traité de droit civil – Introduction générale, LGDJ, 4e éd., 1994, n° 717.
189 C. Caron note sous 1e Civ. 11 mai 1999, décisions préc.
190 Rép. Civ. Dalloz, V° « Présomptions », par J. Dupichot, n° 11.
191 Ibidem, n° 69.
192 V. également sur la nature de cette règle, principe général du droit ad futurum, infra, n° 143.
193 V. spéc. Desbois, n° 752s. ; C. Colombet, Précis, n° 384. – Adde, Bouzat. « La présomption de mauvaise foi en matière de contrefaçon de propriété littéraire et artistique », RIDA, juillet 1972, p. 171 ; S. Durrande, « L’élément intentionnel de la contrefaçon et le nouveau code pénal », D, 1999, chron. p. 319.
194 En ce sens, S. Durrande, « L’élément intentionnel de la contrefaçon et le nouveau code pénal », op. cit., p. 319, et spéc. p. 320-321.
195 Crim. 11 avril 1889 et 13 mars 1890, Ann. Prop. Ind., 1892, p. 189 et 190 ; 7 décembre 1900, DP, I, 339 ; 1er février, 1912, GP, 1912,1, p. 437 ; 12 février 1969, D, 1969, p. 296. – V. également avec les nombreuses références citées, P.-Y. Gautier, Précis, n° 429.
196 V. en ce sens, par exemple, N. Quoy, « La responsabilité en matière de contrefaçon par reproduction », RIDA, n° 181, juillet 1999, p. 3s. et spéc. p. 9.
197 En ce sens, S. Durrande, « L’élément intentionnel de la contrefaçon et le nouveau code pénal », loc. cit., p. 319. ; P.-Y. Gautier, Précis, n° 429. – À noter qu’au civil, il est de jurisprudence constante que la bonne foi est indifférente : V. récemment en ce sens, en termes quasi identiques, 1e Civ. 29 mai 2001 et 26 juin 2001, Com., Com. électr., juin 2002, p. 24s., note C. Caron : « la contrefaçon est caractérisée, indépendamment de toute faute ou mauvaise foi, par la reproduction, la représentation ou l’exploitation d’une œuvre de l’esprit en violation des droits de propriété intellectuelle qui y sont attachés » ; P.-Y. Gautier, « L indifférence de la bonne foi dans le procès civil pour contrefaçon », Propriétés intellectuelles, avril 2002, n° 3, p. 28s.
198 E.-L. Bach, « Jurisprudence », op. cit., spec. n° 153 ; J. Carbonnier, Droit civil –Introduction, PUF, 27e éd., 2002, n° 147.
199 P. Hébraud, RTD civ., 1969, p. 607 (obs. sous 1e Civ. 20 mai 1969).
200 J. Voulet, « L’interprétation des arrêts de la Cour de cassation », JCP, 1970,1, 2305, n° 4.
201 Obiter dictum relevé par P.-Y. Gautier, Précis, n° 34, citant Douai, 7 octobre 1996, RIDA, n° 172, avril 1997, p. 286.
202 Paris 7 juin 1995, RIDA, n° 167, janvier 1996, p. 270. – Adde, Paris 17 janvier 1995, RIDA, n° 165, juillet 1995, p. 332. La Cour interprétant l’article L. 113–7 CPI affirme que « par cette disposition claire s inspirant de la tradition humaniste qui avait présidé à l’élaboration de la loi du 11 mars 1957 le législateur a entendu signifier que l’œuvre audiovisuelle ne pourra jamais être une œuvre collective » ; Paris, 16 mai 1994, « Ramdam », RIDA, n° 162, octobre 1994, p. 474 ; JCP, 1995, II, 22375, note X. Linant de Bellefonds.
203 C. Hugon, Le régime de l’œuvre audiovisuelle, Litec, 1993 ; J.-C. Galloux, J.-Cl. PLA, fasc. 1190, n° 7. – Contra spéc, F. Pollaud-Dulian, « Les auteurs de l’œuvre audiovisuelle », RIDA, n° 169, juillet 1996, p. 51s.
204 Supra, n° 64.
205 1e Civ. 22 octobre 1991, Bull, civ., n° 276 ; D, 1993, SC, p. 85, obs. C. Colombet.
206 V. en ce sens, B. Edelman, « L œuvre collective, une définition introuvable », D, 1998, p. 141, n° 7, précisant que par cet arrêt la Cour de cassation « annonçait sa jurisprudence future ».
207 1e Civ. 4 octobre 1988, « Trio de jazz », D, 1989, p. 482, note P.-Y. Gautier ; RTD com., 1990, p. 32 obs. A. Françon et D, 1989, SC, p. 50, obs. C. Colombet.
208 1e Civ. 10 mai 1995, D, 1996, p. 115, note critique B. Edelman ; RTD com., 1996, p. 57, obs. A. Françon et RIDA, n° 166, octobre 1995, p. 285.
209 1e Civ. 4 octobre 1988, « Trio de jazz », décision préc.
210 A. Françon, obs. sous 1e Civ. 10 mai 1995, décision préc.
211 V. sur la prohibition des arrêts de règlement, infra, n° 99s.
212 A. Sériaux, « Le juge au miroir. L’article 5 du Code civil et l’ordre juridictionnel français contemporain », Mélanges C. Mouly, t. I, Litec, 1998, p. 171s., spéc. n° 7.
213 P. Hébraud, RTD civ., 1969, p. 609 (obs. sous 1e Civ. 20 mai 1969).
214 « Discours préliminaire sur le projet de Code civil » in, J. E. M. Portalis, Écrits et discours juridiques et politiques, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 1988, p. 30.
215 J.-L. Bergel, « La loi du juge. Dialogue ou duel ? », Études offertes à P. Kayser, t. I, Presses Universitaires d Aix-Marseille, 1979, p. 21s.
216 V. spéc, Vocabulaire juridique Cornu, PUF, 2002, V° « Contra legem ».
217 P. Bellet, « Grandeur et servitudes de la Cour de Cassation », RID comp., 1980, p. 293s., spéc. p. 295.
218 P. Malaurie, « La jurisprudence combattue par la loi », Mélanges offerts à R. Savatier, Dalloz, 1965, p. 603s., spéc. p. 607.
219 V. spéc. parmi la doctrine abondante, M. Villey « Préface », APD, « L’interprétation dans le droit », t. XVII, Sirey, 1972, p. 5, comparant l’interprétation du juriste à celle de « l’interprète musicien, auxquelles les notes de musique ne disent pas tout, qui grâce aux notes mais en usant d’autres indications (...) cherche à s’imprégner de l’esprit du compositeur, dont il prolonge la création ; collaboration affichée dans certain genre de musique contemporaine, qui laisse une part considérable à l’initiative de l’exécutant... ».
220 J. Combacau, « Ouverture : De la régularité à la règle », Rev. Droits, n° 3, « La coutume », PUF, 1986, p. 7.
221 Infra, n° 296s.
222 1e Civ. 10 mars 1999, D, 1999, p. 319, conclusions J. Sainte-Rose, note E. Agostini ; RTD civ., 1999, p. 859, obs. F. Zénati ; JCP, 1999, II, 10078, note P.-Y. Gautier ; Les Grands arrêts de la jurisprudence civile, par H. Capitant, F. Terré et Y. Lequette, Dalloz, 11e éd., 2000, n° 63 ; JCP, éd. E, n° 18-19, p. 819, note M. Serna ; RIDA, n° 182, octobre 1999, p. 109, note M. Cornu, p. 151s. ; RTD com., 1999, p. 397, obs. A. Françon ; Defrénois, n° 17, septembre 1999, p. 897, note C. Caron ; Com., Com. électr., octobre 1999, p. 14, note Y. Gaubiac. – V. également, P. Kayser, « L’image des biens », D, 1995, chron. p. 291s. ; B. Edelman, « La rue et le droit d’auteur », D, 1992, chron. p. 91s. ; P. Frémond, « Les droits sur l’image d’un immeuble », Cahiers du droit d’auteur, n° 9, octobre 1998, p. 12s. ; F. Kendérian, « L’image des biens : nouveau droit subjectif ou faux débat ? », D, 2002, p. 1161.
223 Article L. 111-3 al. 1er CPI : « La propriété incorporelle définie par l’article L. 111-1 est indépendante de la propriété de l’objet matériel ». – Et spéc. en ce sens, P.-Y. Gautier, note sous 1e Civ. 10 mars 1999, décision préc.
224 Article L. 111-1 alinéa 1er CPI.
225 J. Sainte-Rose, conclusions, 1e Civ. 10 mars 1999, décision préc, p. 320.
226 V. notamment, 1e Civ. 25 janvier 2000, RTD civ., 2001, p. 618, obs. T. Revet ; JCP, 2001, II, 10554, note A. Tenenbaum ; Com., Com. électr., mars 2000, p. 19, note C. Caron ; Légipresse, 2000, n° 171, III, p. 59, note J.-M. Bruguière ; 2 mai 2001, JCP, 2001, II, 10553, note C. Caron ; D, 2001, p. 1973, note J.-P. Gridel. – Et infra, n° 182 et 187s.
227 V. également sur ce point spéc, B. Edelman, « L’"image" d’une œuvre de l’esprit tombée dans le domaine public », note sous, Paris 31 mars 2000, D, 2001, p. 770s.
228 1e Civ. 13 novembre 1984, « Aux Jeunes Loups », RTD com., 1985, p. 309, obs. A. Françon et D, 1985, IR, p. 310, obs. C. Colombet – Adde, qualifiant cet arrêt de « bavure », M. Grégoire, Publicité et droit d’auteur, Librairies techniques, n° 9, 1990, p. 77.
229 C. Colombet, obs. préc, sous 1e Civ. 13 novembre 1984.
230 1e Civ. 9 novembre 1983, JCP, 1984, II, 20189, note A. Françon ; D, 1984, IR, p. 290, obs. C. Colombet, et p. 129, chron. J. Huet. – Résistance de la Juridiction de renvoi : Paris 18 décembre 1985, D, 1986, p. 273, note J. Huet ; JCP, 1986, II, 20615, obs. A. Françon. Nouvelle cassation : Ass. Plén. 30 octobre 1987, D, 1988, p. 21, conclusions J. Cabannes ; JCP, 1988, II, 20932, rapport Nicot, obs. J. Huet ; RTD com., 1988, p. 57, obs. A. Françon. Et sur renvoi : Lyon 12 juin 1989, D, 1989, IR, p. 234.
231 Y. Gaubiac, « La liberté de citer une œuvre de l’esprit », RIDA, n° 171, janvier 1997, p. 3s., et spéc. p. 17s. ; A. et H.-J. Lucas, Traité, n° 336s. ; P.-Y. Gautier, Précis, n° 198.
232 J. Cabannes, conclusions préc, sous Ass. Plén. 30 octobre 1987.
233 Loi n° 98-536 du 1er juillet 1998 portant transposition dans le CPI de la directive 96/9CE du Parlement européen et du conseil du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données, JO, 2 juillet 1998, p. 10075. – V. notamment, G. Koumantos, « Les bases de données dans la directive communautaire », RIDA, n° 171, janvier 1997, p. 79s. ; F. Pollaud-Dulian, « Brèves remarques sur la directive du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données », Dalloz aff., 1996, p. 539s.
234 B. Edelman, « Les bases de données ou le triomphe des droits voisins », D, 2000, chron. p. 89s., n° 1. – V. également, P.-Y. Gautier, Précis, n° 114.
235 H. Wistrand, Les exceptions apportées au droit de l’auteur sur ses œuvres, Montchrestien, 1968, p. XI, soulignant l’importance du travail prétorien : « Ce n’est pas par hasard que cet ouvrage est écrit en français. En choisissant cette langue j’ai voulu rendre hommage à la jurisprudence française ».
236 E. Pouillet, Traité théorique et pratique de la propriété littéraire et artistique et du droit de représentation, Imprimerie et librairie générale de jurisprudence, Paris, 3e éd., 1908, par G. Maillard et C. Claro, n° 511s. avec de nombreuses références jurisprudentielles.
237 Crim. 19 mars 1926, DP, 1927, I, p. 25, note M. Nast. Au terme d’une analyse rigoureuse des textes et de l’esprit de la loi, l’auteur salue l’une des rares (trop rares ?) décisions admettant l’exception de citation d’œuvres d’art.
238 V. article L. 122–5 CPI.
239 V. en ce sens notamment, M. Vivant, « Pour une compréhension nouvelle de la notion de courte citation en droit d’auteur », JCP, 1989, I, 3372 ; P.-Y. Gautier, Précis, n° 197s. ; M. Cornu et N. Mallet-Poujol, « Le droit de citation audiovisuelle », Légicom, n° 16, 1998, p. 120s. Et plus généralement, L. Bochurberg, Le droit de citation, (Étude de droit comparé, Thèse Paris II, 1992), Masson, 1994 ; H. Wistrand, op. cit., spéc. p. 213 pour la citation musicale. – Contra, Desbois, n° 247s. ; C. Colombet, Précis, n° 230 ; A. Françon, Cours de propriété littéraire, artistique et industrielle, Les cours de droit, Litec, 1994/1995, mise à jour au 1er janvier 1996, p. 236.
240 V. pour la reproduction, Ass. Plén. 5 novembre 1993, JCP, 1994, II, 22201, note A. Françon et 1e Civ. 10 février 1998, Dalloz aff., 1998, p. 430, note J. P.-S. – Et pour la représentation, 1e Civ. 4 juillet 1995, D, 1996, p. 4, note B. Edelman ; RIDA, n° 167, janvier 1996, p. 263.
241 V. récemment, Paris, 7 juin 2000, D, 2001, SC, p. 2555, obs. P. Sirinelli, admettant implicitement l’application de l’exception de citation, en dehors du genre littéraire, à des œuvres musicales. – V. également, infra, spéc. n° 360.
242 V. spéc. en ce sens, P.-Y. Gautier, Précis, n° 198.
243 V. la très critiquable décision, TGI Paris 23 février 1999, RTD com., 2000, p. 96, obs. A. Françon ; D, 1999, p. 580, note P. Kamina ; D, 2000, « Du mauvais usage des droits de l’homme (à propos du jugement du TGI de Paris du 23 février 1999) », p. 455s., chron. B. Edelman ; décision heureusement infirmée par CA Paris, 30 mai 2001, D, 2001, p. 2504, note C. Caron. – Comp. 1e Civ. 6 février 1996, « FOCA », D, 1996, IR, p. 82, obs. T. Hassler ; Dalloz aff., 1996, p. 425 ; J.-C. Galloux, « L’exclusivité de télédiffusion des événements face au droit du public à l’information », JCP, 1997,1, 4046.).
244 V. spéc, C. Caron, « La convention européenne des droits de l’homme et la communication des œuvres au public : une menace pour le droit d’auteur », Com., Com. électr., octobre 1999, p. 9.
245 Directive CE n° 2001-29 du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, JOCE, L, 22 juin 2001, p. 10s. ; D, 2002, L, p. 2096s. – V. notamment, Propriétés intellectuelles, janvier 2002, n° 2 (n° spécial consacré à « La directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information. Bilan et perspective ») ; J. Passa, « La directive du 22 mai 2001 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information », JCP, 2001, I, 331, spéc. n° 15 ; C. Caron, « La nouvelle directive du 9 avril 2001 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information ou les ambitions limitées du législateur européen », Com., Com. électr., mai 2001, p. 20s. ; A. Françon, RTD com., 2001, p. 701.
246 J.-L. Bergel, « La loi du juge. Dialogue ou duel ? », Études offertes à P. Kayser, t. I, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 1979, p. 41.
247 P. Malaurie, « La jurisprudence combattue par la loi », Mélanges offerts à R. Savatier, Dalloz, 1965, p. 603s., p. 614.
248 Ibidem, p. 605.
249 Supra, respectivement n° 79 et 80.
250 O. Dupeyroux, « La jurisprudence, source abusive du droit », Mélanges J. Maury, t. II, Librairie Dalloz et Sirey, 1960, p. 349s., spéc. p. 372.
251 Les frontières du droit d’auteur, Journées d’Étude de l’ALAI, septembre 1998, Université de Cambridge, Australian Copyright council, 1999, et plus spéc. les contributions de P. Sirinelli, « Synthèse », p. 136 et Y. Gaubiac, « Rapport français », p. 228. – V. également, A. et H.-J. Lucas, Traité, n° 289s. ; et supra, n° 56.
252 P.-Y. Gautier, Précis, n° 22 ; A. et H.–J. Lucas, Traité, n° 292.
253 V. notamment, C. Colombet, Précis, n° 235 ; P.-Y. Gautier, Précis, n° 73 ; A. et H.-J. Lucas, Traité, n° 347 ; X. Linant de Bellefonds, Droits d’auteur et droits voisins, Dalloz, 2002, n° 656.
254 V. par exemple, 1e Civ. 4 juillet 1995, « Antenne 2 », 2e espèce, D, 1996, p. 4, note B. Edelman et RIDA, janvier 1996, p. 259 ; 12 juin 2001, Bull. civ., I, 00 ; D, 2001, p. 2517, obs. J. Daleau – Adde, P. Kayser, « L’image des biens », D, 1995, chron. p. 291s., n° 9s.
255 V. la doctrine « classique » avec la jurisprudence citée : E. Pouillet, Traité théorique et pratique de la propriété littéraire et artistique et du droit de représentation, Imprimerie et librairie générale de jurisprudence, Paris, 3e éd., 1908, par G. Maillard et C. Claro, n° 578 bis ; A.-Ch. Renouard, Traité des droits d’auteur dans la littérature, les sciences et les beaux–arts, t. II, Paris, 1839, p. 80 ; Desbois, n° 255.
256 À noter que certains auteurs plaident pour un élargissement de l’exception prétorienne aux lieux fermés, du moins pour les œuvres des arts appliqués, opérant ainsi une discrimination critiquable : V. en ce sens, G. Kostic, « La représentation de l’œuvre d’un tiers dans une publicité », D, 1999, chron. p. 503 ; A. Bertrand, Le droit d’auteur et les droits voisins, Dalloz, 2e éd., 1999, n° 5.22. – Adde, très prudent, doutant que ce soit le rôle de la Cour de cassation de créer de nouvelles exceptions au droit d’auteur, C. Caron, note sous 1e Civ. 12 décembre 2000, Com., Com. électr., février 2001, p. 25s.
257 1e Civ. 16 juillet 1987, RIDA, janvier 1988, p. 94 (rejet du pourvoi formé contre Paris, 30 mai 1985, Ann. Propr. Ind., 1986, p. 124).
258 1e Civ. 4 juillet 1995, « Antenne 2 », décision préc. La Cour de cassation, après avoir rappelé la règle prétorienne relative aux œuvres situées dans les lieux publics, relève que la « Cour d’appel a souverainement retenu que, filmées intégralement et en gros plan — ce qui ne s’imposait pas compte tenu du sujet traité – les sculptures avaient été volontairement représentées pour elles-mêmes ».
259 Sans remettre en cause l’exception prétorienne relative aux œuvres situées dans les lieux publics, il est à noter que le projet de loi ne reprend pas cette exception alors que la directive du 22 mai 2001 sur le droit d’auteur dans la société de l’information la consacre expressément (V. art. 3 Directive CE n° 2001-29 du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, préc).
260 V. sur la contrefaçon, notamment N. Quoy, La contrefaçon par reproduction en droit d’auteur français et comparé, Thèse Paris-II, 1998 (dont de larges extraits sont publiés in, « La responsabilité en matière de contrefaçon par reproduction », RIDA, n° 181, juillet 1999, p. 3s.).
261 Selon l’article L. 335-3 al. 1er CPI : « Est également un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une œuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur, tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi ». – Adde, article L. 335-2 al. 1er CPI : « Toute édition d’écrits, de composition musicale de dessin, de peinture... au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon ; et toute contrefaçon est un délit ».
262 V. cependant, la célèbre affaire des « Liaisons dangereuses » en matière de saisie contrefaçon, 1e Civ. 6 décembre 1966, JCP, 1967, II, 14937, conclusions Lindon et D, 1967, p. 381, note Desbois. – Et plus généralement, B. Parisot, « Le droit moral de l’auteur dans la jurisprudence française depuis la mise en vigueur de la loi du 11 mars 1957 », RIDA, n° XXXXIX, avril 1966, p. 93s. et spéc. n° 5s.
263 A. Françon, « Les sanctions pénales de la contrefaçon du droit moral », Mélanges offerts à J.–J Burst, Litec, 1997, p. 171.
264 Crim. 13 décembre 1995, RIDA, juillet 1996, p. 307 ; RTD com., 1996, p. 462, obs. A. Françon.
265 Ibidem.
266 Crim. 11 juin 1997, RIDA, janvier 1998, p. 295 et p. 237, obs. A. Kéréver ; Dalloz aff, 1997, p. 1043 ; D, 1998, SC, p. 192, obs. C. Colombet. La Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour d’appel qui avait relaxé des prévenus (il leur était reproché d’avoir violé le droit moral de l’auteur en recopiant la signature de peintres dont les œuvres tombées dans le domaine public étaient reproduites), en relevant que « la reproduction de la signature de l’auteur d’une œuvre d’art tombée dans le domaine public, sur la copie de cette œuvre, ne porte pas atteinte au droit moral de cet auteur lorsque, comme en l’espèce, aucune confusion n’est à craindre entre l’original et sa copie ». A contrario la Cour suprême ne laisse-t-elle pas entendre qu’en cas de confusion, la violation du droit moral est susceptible d’être pénalement sanctionnée ? – V. également, deux arrêts récents, le second plus explicite que le premier, Crim. 3 septembre 2002 et 22 mai 2002, Com., Com. électr., décembre 2002, p. 15, note C. Caron ; RTD corn., 2003, obs. A. Françon, p. 85s. ; et sur le premier arrêt, Lègipresse, 2002, n° 197, III, p. 206, note C. Alleaume.
267 V. spéc., A. Françon, « Les sanctions pénales de la contrefaçon du droit moral », op. cit., spéc. p. 178.
268 Supra, spéc. n° 75s.
269 Desbois, n° 743s. – V. également, C. Colombet, Précis, n° 384 ; A. Françon, « Les sanctions pénales de la contrefaçon du droit moral », loc. cit., p. 174.
270 V. en ce sens, P.-Y. Gautier, Précis, n° 436 ; A. et H.-J. Lucas, Traité, n° 785 ; R. Savatier, « Loi du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique », JCP, 1957,1, 1398, n° 50. – V. également, A. Lucas-Schloetter, Droit moral et droits de la personnalité. Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 2002, n° 985s. ; S. Choisy, Le domaine public en droit d’auteur, (Thèse Paris II, 2001), Publications de 1TRPI, Litec, 2002, n° 464s.
271 P.–Y. Gautier, Précis, n° 436.
272 V. spéc, S. Choisy, op. cit., n° 469, faisant clairement observer que : « L’inclusion du droit moral dans l’article L. 335–3 CPI ne pouvant être clairement établie, il faut conclure à son exclusion ».
273 Et force est de constater que c’est la voie qu’elle semble vouloir emprunter : V. spéc. les deux arrêts récents, Crim. 3 septembre 2002 et 22 mai 2002, décisions préc.
274 P.–Y. Gautier, Précis, n° 419.
275 Supra, n° 20.
276 V. en ce sens, notamment P. Foriers, « Les lacunes du droit », Le problème des lacunes en droit, Études publiées par C. Perelman, Centre national de recherches de logique, Bruxelles, Bruylant, 1968, p. 9s., et spéc. p. 23s.
277 « Discours préliminaire sur le projet de Code civil » in, J. E. M. Portails, Écrits et discours juridiques et politiques, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 1988, p. 28-29.
278 A. Breton, « À propos de la filiation non classique », RTD civ., 1992, « La jurisprudence aujourd’hui », p. 340.
279 V. la décision récente du Conseil Constitutionnel à propos d’une de ces lois transversales en droit d’auteur : décision n° 2000-433 DC du 27 juillet 2000 censurant certaines dispositions de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, JO, 2 août 2000, p. 11922.
280 Nous avons ici inversé les termes de l’interrogation de Y.-L. Hufteau, Le référé législatif, PUF, 1965, p. 5 : « N’y a-t-il pas place, s’interroge-t-il, pour une mutuelle correction de la jurisprudence par la législation, et de la législation par la jurisprudence ? ».
281 V. notamment, F. Zénati, « La saisine pour avis de la Cour de cassation », D, 1992, chron. p. 247 ; A.-M. Morgan de Rivery-Guillaud, « La saisine pour avis de la Cour de cassation », JCP, 1992, I, 3576 ; R. Libchaber, « La saisine pour avis, une procédure singulière dans le paysage jurisprudentiel », RTD civ., 2003, p. 157s.
282 V. spéc, F. Zénati, « La saisine pour avis de la Cour de cassation », op. cit., p. 249.
283 Loi organique n° 2001–539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature, JCP, G, 2001, III, 20515.
284 A. Perdriau, « La loi organique du 25 juin 2001 et la Cour de cassation », JCP, G, 2001, « Actualité », p. 1657 ; R. Libchaber, « La saisine pour avis, une procédure singulière dans le paysage jurisprudentiel », op. cit., spéc. p. 157. – V. également, articles 706-55 et suivants du Code de procédure pénale.
285 P. Bellet, « Grandeur et servitudes de la Cour de Cassation », op. cit., p. 300 citant les élans poétiques de Rivero.
286 H., L., J. Mazeaud et F. Chabas, Leçons de droit civil – Introduction à l’étude du droit, Montchrestien, 12e éd., 2000, n° 112.
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Les sources complémentaires du droit d’auteur français
Le juge, l’Administration, les usages et le droit d’auteur
Xavier Près
2004
Compensation écologique
De l'expérience d'ITER à la recherche d'un modèle
Virginie Mercier et Stéphanie Brunengo-Basso (dir.)
2016
La mer Méditerranée
Changement climatique et ressources durables
Marie-Luce Demeester et Virginie Mercier (dir.)
2022