Chapitre II. Les fondements généraux de l’obligation de minimiser le dommage
p. 143-180
Texte intégral
1234. C’est essentiellement dans les mécanismes de la responsabilité que l’on peut trouver des fondements généraux de l’obligation de minimiser le dommage. Rappelons que la mise en œuvre de la responsabilité civile, contractuelle ou extracontractuelle, est, en principe, conditionnée par la réunion de trois éléments : l’existence d’un fait dommageable, d’un dommage réparable et d’un lien de causalité entre ce fait dommageable et ce dommage. De plusieurs manières, le non-respect, par la victime, de son obligation de minimiser le dommage est susceptible d’influer sur ces trois conditions et d’être ainsi sanctionné. Il peut d’abord être pris en compte au titre d’un fait de la victime ayant contribué au dommage dans son étendue finale (Section I). On peut ensuite considérer que la notion de dommage réparable ne comprend pas le préjudice qui aurait pu être évité par la victime en exécution de l’obligation de minimiser le dommage (Section II). Enfin, la question pourrait aussi se ramener à celle de l’existence d’un lien de causalité suffisant entre le fait dommageable initial et le préjudice final (Section III).
SECTION I - MANQUEMENT À L’OBLIGATION DE MINIMISER LE DOMMAGE ET FAIT DE LA VICTIME
2235. Ayant pour conséquence de lui faire supporter une partie du préjudice final, le fait de la victime peut, bien sûr, s’entendre d’une faute de la victime proprement dite (§ 1). Diverses notions voisines - telles que celle de faute dans la gestion d’affaires, d’acceptation des risques ou encore d’abus de droit - ont toutefois également été invoquées à l’appui de l’obligation de minimiser le dommage (§ 2).
§ 1. Manquement à l’obligation de minimiser le dommage et faute de la victime
3236. Une contribution de la victime au préjudice dans son étendue finale peut, semble-t-il, être sanctionnée par un recours à la notion de faute de la victime. Au moins ce rapprochement s’impose-t-il assez naturellement (A). Un examen critique de cette notion montre cependant que le rattachement de l’obligation de minimiser le dommage à la notion de faute de la victime ne résout probablement pas tous les problèmes (B).
A -La faute de la victime envisagée comme fondement de l’obligation de minimiser le dommage
4237. La notion de faute de la victime peut connaître au moins deux acceptions. Traditionnellement, elle est comprise comme la cause ou l’une des causes du dommage initial. Ainsi présentée, la faute de la victime, c’est celle par laquelle la victime a soit provoqué le fait dommageable initial, soit, sans l’avoir à proprement parler provoqué, a au moins concouru à sa réalisation. Il s’agit alors d’une faute de la victime antérieure ou, à la rigueur, concomitante au fait dommageable initial et contributive au dommage initial. Cause exclusive du dommage, elle entraîne, du moins en droit commun de la responsabilité, l’exonération totale de l’auteur du dommage465. Cause partielle du dommage, elle conduit, toujours en droit commun, à un partage de la responsabilité. En décidant, par trois arrêts en date du 6 avril 1987, que « le gardien de la chose instrument du dommage est partiellement exonéré de sa responsabilité s’il prouve que la faute de la victime a contribué à la production du dommage », la Deuxième Chambre civile de la Cour de cassation a, en effet, abandonné la jurisprudence Desmares même en dehors du domaine spécifique des accidents de la circulation, régis, quant à eux, par la loi du 5 juillet 1985466. Mais cette hypothèse est, en réalité, étrangère à la question de la modération du préjudice. Celle-ci n’est concernée que par une faute de la victime qui serait postérieure au fait dommageable initial et contributive au seul dommage dans son étendue finale. Stricto sensu, cette question ne se pose qu’après la survenance du fait dommageable initial et la production du dommage initial467.
5238. Certains droits ont expressément consacré la dualité de la notion de faute de la victime, distinguant, d’une part, la faute antérieure ou concomitante au fait dommageable et, d’autre part, celle qui lui est postérieure. Ainsi, alors que l’article 1227 du Code civil italien distingue entre la faute concomitante et la faute subséquente de la victime, le § 254 du Bürgerliches Gesetzbuch allemand oppose, d’un côté, le cas où celui qui a subi le dommage a contribué, par sa faute, à sa survenance même et, d’autre part, celui où la victime a omis d’aviser le débiteur du danger d’un dommage exceptionnellement élevé ou a négligé d’écarter ou de diminuer le dommage468.
6239. L’absence d’une telle distinction d’origine légale n’a pas empêché une grande partie de la doctrine belge d’invoquer la notion de faute de la victime à l’appui de l’obligation de minimiser le dommage469. Cette position est d’ailleurs confortée par la jurisprudence. Les conclusions du Procureur général Hayoit De Termicourt en témoignent. Il y est rappelé que la victime peut avoir « commis une faute si, en n’effectuant pas une réparation qu’elle aurait pu faire sans inconvénient pour elle, elle a laissé s’aggraver le dommage, elle a laissé la chose se détériorer plus gravement [...]. La jurisprudence considère que dans cette hypothèse, l’aggravation du dommage [...] est due en tout ou en partie à la négligence ou à l’inertie de la victime et n’a pas pour cause l’acte illicite »470.
7240. Suivie en l’espèce, cette position le fut également dans d’autres décisions de la Haute juridiction belge471. Le 17 septembre 1964, elle a, par exemple, décidé qu’« il incombe au chef d’entreprise ou à son assureur qui allègue que l’aggravation de l’incapacité de travail est due au fait de la victime de prouver que celle-ci aurait commis une faute, soit en refusant sans motif légitime à se soumettre à un traitement qui aurait permis sa guérison ou l’amélioration de son état, soit en faisant pratiquer inconsidérément une opération qui a aggravé celui-ci »472.
8241. En France, la jurisprudence s’est, à plusieurs reprises, prononcée sur le comportement d’une victime qui, après un accident, refuse des soins, c’est-à-dire des traitements médicaux ou des interventions chirurgicales, qui la sauveraient ou amélioreraient son état. Le principe de l’inviolabilité du corps humain qui, depuis la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994, trouve son expression dans l’article 16-1, alinéa 2, du Code civil, interdit certes de les pratiquer contre la volonté de la victime473. Mais cela n’a pas empêché la jurisprudence de considérer que le refus de soins qui ne sont ni dangereux, ni douloureux, et dont l’effet améliorant est au moins presque certain, pouvait être fautif474.
9242. Après une brève parenthèse, pendant laquelle elle avait décidé non seulement que les juges n’ont pas le pouvoir d’imposer des soins à une victime qui refuse de s’y soumettre, mais également qu’un tel refus ne saurait en aucun cas justifier une diminution de l’indemnité475, la Cour de cassation revint à sa position antérieure dans un arrêt rendu le 30 octobre 1974476. En l’espèce, la victime d’un accident, atteinte d’une hémorragie interne, avait refusé, pour des motifs religieux (elle était témoin de Jéhovah), la transfusion sanguine qui l’aurait sauvée. Elle était en effet décédée huit jours plus tard. Saisis d’une action en réparation de leur préjudice par les héritiers de la victime, les juges du fond avaient considéré qu’il était sans intérêt de rechercher si le comportement de la victime caractérisait ou non une faute. La réponse de la Cour de cassation fut claire. La Haute juridiction reprocha, en effet, à la cour d’appel d’avoir « refusé de rechercher si la victime avait pu par sa faute se priver d’une chance d’amélioration ou de survie en n’acceptant pas sciemment les soins que nécessitait son état »477, alors « qu’une telle faute doit être retenue pour la réparation du préjudice subi lorsque ce refus a concouru à la réalisation du dommage »478. Le message est clair : s’il est fautif, le refus de la victime de se soumettre à des soins, à un traitement médical ou à une intervention médicale ou chirurgicale, peut justifier qu’elle supporte l’aggravation du préjudice qui est la conséquence de son attitude.
10243. Possible, le recours à la notion de faute de la victime afin de sanctionner l’obligation de minimiser le dommage est-il pour autant pleinement satisfaisant ? La réponse à cette question passe par un examen critique de cette notion.
B - Examen critique de la notion de faute de la victime comme fondement de l’obligation de minimiser le dommage
11244. Cet examen peut être mené sous deux angles. Il s’agit, d’abord, de vérifier si une utilisation de la notion de faute de la victime est compatible avec la conception « dominante » de la causalité dans le droit considéré (1°). Ensuite, il convient de déterminer si, en elle-même, la notion de faute de la victime est apte à fonder l’obligation de minimiser le dommage (2°).
1° - La faute de la victime envisagée dans ses rapports avec la théorie de la causalité
12245. En Belgique, d’importantes critiques ont été développées à l’encontre du recours à la notion de faute de la victime comme fondement de l’obligation de minimiser le dommage. On y a fait valoir que le rattachement de l’obligation de minimiser le dommage à la notion de faute de la victime était incompatible avec la conception dominante de la causalité, la théorie de l’équivalence des conditions. Consacrée par la jurisprudence belge dominante, celle-ci répute chaque fait ayant précédé le dommage et dont on doit répondre cause du dommage pris dans sa totalité. Autrement dit, selon la théorie de l’équivalence des conditions, est considéré comme cause du dommage chaque fait ayant précédé le dommage est sans lequel le dommage ne se serait pas produit de la même manière479. La Cour de cassation belge pose, en effet, en principe que « le lien de causalité entre une faute et un dommage est établi dès lors que le juge constate que, sans cette faute, le dommage, tel qu’il se présente in concreto, ne se serait pas produit »480. Par conséquent, tout événement intervenu dans la réalisation d’un dommage et sans lequel celui-ci ne se serait pas produit de la même manière peut être retenu comme sa cause et obliger son auteur à la réparation intégrale, et ce même si le dommage est dû en partie à une faute de la victime481.
13246. En France, une telle objection ne saurait être retenue. Malgré des concessions faites à la théorie de l’équivalence des conditions482, la jurisprudence y préfère, en effet, généralement celle de la causalité adéquate483. Elle rattache le plus souvent le dommage à celle des causes qui, selon la définition consacrée, d’après le cours normal des choses, était de nature à le produire, distinguant ainsi cette cause des facteurs qui n’ont pu entraîner le dommage qu’en raison de circonstances exceptionnelles484. Or, l’influence néfaste de la victime sur l’étendue du dommage ne devrait pas, en principe, s’inscrire dans le cours normal des choses. Et, par voie de conséquence, dans le cadre de la théorie de la causalité adéquate, la victime devrait pouvoir se voir opposer sa propre faute. Celle-ci peut, en effet, rompre le lien de causalité entre le fait dommageable initial et le préjudice final.
14247. Mais, même en droit belge, les objections tirées de la théorie de l’équivalence des conditions n’ont pas été décisives. Cette théorie signifie seulement qu’il faut a priori tenir compte de tous les antécédents du dommage, quelle que soit sa place dans la chaîne des causes du dommage final. Elle ne signifie pas, en revanche, que chaque fait ayant précédé le dommage en est la cause dans sa totalité. S’expliquant notamment par la volonté de protéger le victime, la théorie de l’équivalence des conditions lui permet de s’adresser à l’un quelconque des auteurs d’un fait entrant dans la chaîne de causalité ayant conduit au dommage et lui évite d’avoir à diviser ses poursuites485. Ensuite, celui qui a payé plus que ce qu’il ne devait, c’est-à-dire plus que ce dont il était responsable en raison de son fait, dispose d’un recours contre les coresponsables à hauteur de la partie du préjudice résultant de leurs faits. Le schéma peut parfaitement s’appliquer lorsqu’une faute de la victime a concouru à la réalisation du dommage.
15248. Dans ce cas cependant, au lieu d’imposer à l’auteur du dommage une obligation de réparation intégrale du préjudice, puis de lui accorder un recours partiel contre la victime, il serait possible de limiter ab initio le droit à réparation de la victime par le mécanisme de la compensation. Celle-ci pouvant, semble-t-il, opérer entre l’obligation de réparation, a priori intégrale, de l’auteur du fait dommageable initial et l’obligation de la victime ayant contribué au dommage dans son étendue finale et qui doit supporter la partie résultant de sa propre faute486. En ce sens, la Cour de cassation belge a d’ailleurs décidé que « l’auteur n’échappera à l’obligation de réparer intégralement le préjudice que dans le cas [...] où celui-ci est dû également à la faute de la victime ; [...] en effet, alors la question de la contribution se posera en même temps entre les mêmes personnes que celle de l’obligation »487.
16249. En définitive, quelle que soit la théorie dominante de la causalité - théorie de la causalité adéquate ou théorie de l’équivalence des conditions - la faute de la victime après la production du dommage initial pourrait permettre de laisser à sa charge la partie du préjudice qu’elle aurait pu éviter. D’autres critiques ont cependant été adressées à la notion même de faute de la victime.
2° - La faute de la victime envisagée en elle-même
17250. Elles avaient pour point de départ l’idée d’une « responsabilité envers soi-même » évoquée par Josserand. Selon cette théorie, dans le cas où le préjudice a pour cause une faute de la victime, il resterait tout simplement à sa charge. Réputée « responsable envers elle-même », elle serait ainsi privée de toute action pour ce préjudice488. Rejetant cette idée au motif qu’une responsabilité ne peut se concevoir en l’absence d’un droit à réparation, Dabin n’écarte cependant pas l’idée d’une faute envers soi-même. Selon cet auteur, « tout individu est en faute quand, volontairement ou par négligence, il viole les lois et les règlements ou quand il transgresse les normes de la conduite honnête, diligente et prudente »489. Et il ajoute que « du point de vue d’une définition, peu importe qu’en fait celle-ci ait ou non causé un dommage à quelqu’un et, dans l’affirmative, quelle fut la victime du dommage : tiers ou auteur du dommage »490.
18251. On a ainsi soutenu que la victime qui ne prend pas les mesures propres à minimiser son préjudice ne commettrait, en définitive, qu’une faute envers elle-même. Or, l’article 1382 du Code civil subordonne la responsabilité pour faute à l’existence d’un « fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage »491 C’est clairement poser l’exigence d’une faute envers une tierce personne492.
19252. Cette thèse se rapproche de celle qui, de manière radicale, tend à nier tout caractère fautif, à l’égard d’autrui comme à son propre égard, du comportement de la victime qui ne modère pas son préjudice. Selon cette opinion, elle ne négligerait alors que ses propres intérêts. Or, une telle conduite ne saurait être fautive. Le juge anglais Pearson a ainsi déclaré, dans l’affaire Darbshire c. Warran, que la victime qui ne prend pas les mesures raisonnables pour restreindre le dommage causé par le défendeur était libre d’agir ainsi et qu’elle ne commettait alors pas de faute, ni envers le débiteur, ni envers qui que ce soit493. Ce point de vue, qui est aussi celui d’une partie de la doctrine néerlandophone494 et allemande495, revient, en définitive, à nier l’existence même de l’obligation de minimiser le dommage.
20253. Une telle analyse ne convainc pas. L’existence d’une simple faute de la victime envers elle-même peut, à la rigueur, se concevoir lorsque la victime est seule responsable et seule victime de son préjudice. Elle est alors privée de toute action, faute de débiteur. Toutefois, si le comportement de la victime n’est pas fautif tant qu’il ne porte atteinte qu’à ses propres intérêts, il le devient, en revanche, lorsque la victime souffre d’un dommage initial causé par un tiers dont la responsabilité se trouve ainsi engagée. Le fait de le laisser s’aggraver ou de ne rien faire afin de le réduire ou, au moins, l’endiguer, ne constitue pas seulement, dans le chef de la victime, une négligence dans la gestion de ses propres intérêts. Il s’agit également d’une faute envers le débiteur de la réparation, auteur du dommage initial.
21254. L’aggravation ou la limitation du dommage a, en effet, des conséquences sur l’étendue de la dette de réparation. Rappelons que celle-ci couvre, en principe, l’intégralité du préjudice496, apprécié au jour de la décision définitive497, et ce même si, depuis le jour où s’est produit le dommage initial, la situation de la victime s’est aggravée. Le préjudice qui n’a pas été limité ou qui a été aggravé ne pèse donc pas seulement sur sa victime. La responsabilité d’une autre personne - du débiteur de la réparation - y est notionnellement liée498. Le fait de la laisser s’aggraver apparaît bien comme un fait qui cause à autrui un dommage au sens de l’article 1382 du Code civil. Une telle qualification du comportement de la victime correspond d’ailleurs bien à la conception actuelle, objective, de la faute. Celle-ci est définie comme un comportement que n’aurait pas adopté un homme normalement diligent et prudent, placé dans les mêmes circonstances ou, autrement dit, un comportement socialement défectueux499.
22255. C’est à la doctrine allemande que l’on doit la définition de cette situation. Elle a mis l’accent sur le fait que le droit de la victime d’obtenir du tiers responsable la réparation de son préjudice crée une « relation juridique spéciale » entre les parties500. C’est dans le cadre de celle-ci que s’inscrit l’obligation, à la charge de la victime, de minimiser le dommage dont elle demande la réparation. La violation de cette obligation peut, dès lors, constituer une faute envers l’auteur du dommage initial, débiteur de la réparation, et priver la victime d’un droit d’obtenir des dommages-intérêts complets501. En ce sens, Mazeaud et Tunc ont, par exemple, fait remarquer que « sans doute est-ce une faute envers soi-même, mais c’est aussi une faute envers le défendeur, puisque, en participant à la réalisation du dommage, [la victime] nuit à ce dernier, tenu de réparer »502.
23256. Allant plus loin, un auteur anglais, M. Ogus, souligne que l’absence de modération du préjudice par la victime, plus qu’une simple faute envers le débiteur de la réparation, pouvait même constituer un comportement contraire à l’intérêt de la société ou, en d’autres termes, à l’intérêt général qui est, entre autres, d’éviter tout gaspillage. Plus qu’une simple relation entre particuliers, c’est alors l’efficacité d’une politique de prévention des dommages qui est en jeu503. Où l’on retrouve l’idée d’un fondement économique de l’obligation de minimiser le dommage504.
24257. Possible, le recours à la notion de faute de la victime pour fonder l’obligation de minimiser le dommage ou, mieux, pour fonder la sanction de l’inexécution de l’obligation de minimiser le dommage, pourrait toutefois n’être que d’une utilité relative, au moins si l’on s’en tient au rôle qui lui est dévolu dans son acception classique, c’est-à-dire lorsqu’elle est antérieure ou concomitante au fait dommageable et, comme telle, contributive au dommage initial. Le rôle de la faute de la victime est, en effet, notamment restreint dans le cadre de la loi du 5 juillet 1985 sur les accidents de la circulation. Pouvant certes être invoquée contre une victime conductrice et contre une victime non conductrice subissant un dommage résultant d’une atteinte à ses biens, elle ne peut, en principe, en vertu de l’article 3 de la loi, être opposée à une victime non conductrice qui réclame l’indemnisation des dommages résultant d’une atteinte à sa personne. Et il est fréquemment question de ce type de dommage dans le cadre de l’obligation de minimiser le dommage505. Une faute ne pourrait alors être opposée à la victime que si elle était inexcusable et si elle était la cause exclusive de l’accident506. Cause exclusive de l’accident : par hypothèse, il s’agit ici d’une faute antérieure ou concomitante à l’accident, et une telle faute ne pourrait être invoquée au soutien de l’obligation de minimiser le dommage. De même, l’efficacité juridique de la faute de la victime semble limitée lorsqu’elle est opposée à un fait dommageable constitutif d’une infraction pénale. La Chambre criminelle de la Cour de cassation décide, en effet, régulièrement qu’en cas d’infraction volontaire contre les biens, la faute de la victime ne peut entraîner l’exonération, même partielle, de son auteur507.
25258. Afin de sanctionner l’obligation de minimiser le dommage sur le terrain de la faute de la victime, il faudrait, dès lors, reconnaître la spécificité de la faute de la victime postérieure au fait dommageable initial et contributive au seul dommage final. Or, la reconnaissance de cette spécificité n’est pas acquise. Et devant l’incertitude qui affecte cette reconnaissance, il faut bien s’interroger sur l’utilité de recourir à d’autres concepts, complémentaires ou voisins de la notion de faute de la victime.
§ 2. Manquement à l’obligation de minimiser le dommage et notions voisines de la faute de la victime
26259. Pour fonder l’obligation de minimiser le dommage, on a aussi songé à la faute commise dans la gestion d’affaires (A), à l’acceptation des risques (B) ainsi qu’à l’abus de droit (C).
A - La faute dans la gestion d’affaires508
27260. C’est dans la doctrine que l’on trouve les premières traces du rattachement de l’obligation de minimiser le dommage à la gestion d’affaires509. Puis, une certaine jurisprudence belge a paru sensible à cette explication. Dans un arrêt en date du 22 janvier 1976, la Cour de cassation belge a décidé qu’il découlait de l’article 17 de la loi du 11 juin 1874 sur les assurances « qui fait application des règles de la gestion d’affaires, notamment de l’article 1375 du Code civil », que l’assureur doit supporter les charges des frais non seulement quand les diligences de l’assuré ont eu pour but de limiter le dommage, mais aussi quand elles ont tendu à le conjurer, c’est-à-dire à le prévenir510. Dix ans plus tard, un arrêt de la Cour d’appel de Liège paraissait, à première vue, confirmer le lien qui pouvait exister entre l’obligation de minimiser le dommage et la gestion d’affaires. Les magistrats y considérèrent le fait de ne pas avoir modére le préjudice comme une « omission fautive dans la gestion des intérêts du débiteur de la réparation »511.
28261. La portée de ces décisions quant au fondement de l’obligation de minimiser le dommage doit cependant être mesurée avec prudence. D’abord parce qu’elles semblent isolées. Ensuite, parce que l’arrêt de la Cour de cassation belge est avant tout relatif aux effets d’une obligation de minimiser le dommage spécifique, au surplus, au droit des assurances. Enfin, parce qu’il ressort de l’arrêt de la Cour d’appel de Liège que c’est, plus précisément, la faute dans la gestion d’affaires qui permet de sanctionner la négligence de la victime.
29262. Malgré ces éléments, une partie de la doctrine belge a, à nouveau, exprimé l’idée d’un rapprochement entre l’obligation de minimiser le dommage et la gestion d’affaires. En ce sens, M. Dalcq a, par exemple, écrit que la victime « doit en application des règles de la gestion d’affaires gérer les intérêts du responsable en limitant son dommage dans la mesure du possible »512.
30263. Une telle proposition implique de l’on définisse les rôles respectifs des parties concernées. La gestion d’affaires met en scène deux personnages : celui de gérant, qui serait incarné par la victime du dommage, et celui du maître de l’affaire, qui serait, quant à lui, tenu par le débiteur de la réparation. Et c’est ainsi que le premier gérerait l’affaire du second en limitant, voire en réduisant, sa dette de réparation.
31264. Serait ainsi satisfaite la condition selon laquelle le gérant doit agir au moins partiellement dans l’intérêt du maître de l’affaire. Le fait de servir intentionnellement les intérêts d’autrui est, en effet, une condition essentielle - c’est-à-dire nécessaire à son existence même - de la gestion d’affaires. Celle-ci ne peut donc être caractérisée si ce n’est qu’involontairement que l’on a rendu service à autrui513. Elle pourra, en revanche, exister si l’acte n’est pas totalement désintéressé et si, en servant les intérêts d’autrui, on a également servi ses propres intérêts514.
32265. « Quasi-contrat synallagmatique »515, la gestion d’affaires crée des obligations à la charge des deux parties concernées : gérant et maître de l’affaire516. On verra d’ailleurs que, par son régime, la gestion d’affaires pourrait offrir un fondement à l’obligation de minimiser le dommage. Mais que ce sont ses conditions qui posent problème.
33266. Selon l’article 1374, alinéa 1er, du Code civil français, le gérant, dont les obligations peuvent, grosso modo, être comparées à celles d’un mandataire517, est tenu de gérer l’affaire en bon père de famille. Le droit québécois consacre une solution similaire en imposant au gérant d’apporter à l’affaire les mêmes soins qu’il aurait apportés à la sienne propre. Cette obligation, déjà contenue dans l’ancien article 1045 du Code civil du Bas-Canada, a été reprise implicitement par le nouvel article 1484 du Code civil du Québec qui soumet le gérant « aux obligations générales de l’administrateur du bien d’autrui chargé de la simple administration, dans la mesure où ces obligations ne sont pas incompatibles, compte tenu des circonstances ». Pour le contenu exact de ces obligations, il est ainsi renvoyé aux articles 1301 et suivants du Code civil et notamment à l’article 1309 dont il ressort que l’administrateur doit agir avec prudence et diligence, avec honnêteté et loyauté.
34267. La référence à cette obligation d’agir en bonne père de famille, fondamentale en matière de responsabilité civile, rend assez séduisant le rattachement à la gestion d’affaires de l’obligation de minimiser le dommage. 11 est, en effet, généralement admis que le débiteur de cette dernière doit prendre toutes les mesures raisonnables, autrement dit, toutes les mesures qu’aurait prises un bon père de famille afin de modérer le préjudice518.
35268. Le fait d’y manquer peut constituer une faute engageant sa responsabilité à l’égard de l’auteur du dommage. Répondant, en principe, de toute faute, même d’imprudence ou de négligence, le gérant peut toutefois voir sa responsabilité atténuée, en vertu de l’alinéa 2 de l’article 1374, en considération des circonstances qui l’ont conduit à se charger de l’affaire. De manière comparable, reprenant sur ce point la jurisprudence rendue sous l’empire de l’ancien Code civil519, l’article 1318 du nouveau Code civil québécois prévoit que le tribunal peut réduire les dommages-intérêts, même lorsque le gérant n’a pas agi comme il aurait dû le faire, en tenant compte des circonstances. Le fait d’avoir entrepris de limiter ou de réduire le préjudice à lui causé par une tierce personne pourrait, semble-t-il, le cas échéant justifier le bénéfice d’une telle clémence.
36269. L’article 1372 du Code civil français impose, par ailleurs, au gérant de continuer la gestion qu’il a commencée et de se charger de toutes les dépenses à cette fin. Le créancier-victime doit donc prendre toutes les mesures raisonnables afin de limiter ou de réduire le préjudice et, en principe, exposer tous les frais nécessaires à cette fin.
37270. En contrepartie, l’article 1375 met à la charge du maître de l’affaire l’obligation de lui rembourser toutes les dépenses utiles ou nécessaires qu’il a exposées520. La jurisprudence retient une conception large de l’acte de gestion521 : elle considère notamment qu’il peut s’agir indifféremment d’un acte juridique ou d’un acte matériel522. La notion paraît donc suffisamment large pour pouvoir inclure toutes les mesures prises en exécution de l’obligation de minimiser le dommage.
38271. L’acte est réputé utile dès lors qu’au moment où il a été entrepris, il paraissait opportun et raisonnable523. La Cour d’appel de Nancy a ainsi précisé que « l’utilité de la gestion doit être appréciée non quant au résultat éprouvé, mais par rapport à son caractère initial, peu importe que l’aide n’ait pas atteint son but et, même si le gérant a commis une erreur d’appréciation sur l’utilité de son intervention, celle-ci doit néanmoins être tenue pour utile dès lors qu’elle aurait pu l’être et qu’il l’a crue de bonne foi opportune »524. L’appréciation de cette utilité est subjective525. Elle est fondée sur la psychologie du gérant et doit être faite au moment où l’acte litigieux a été accompli526.
39272. Dès lors, pourquoi ne pas remplacer l’exigence de l’utilité par celle de l’opportunité de la gestion527 ? Alors que la première contient l’exigence d’un résultat, la seconde exprime une idée de moyens. Seule cette dernière conception, par ailleurs expressément consacrée par le nouveau Code civil québécois – son article 1486, alinéa 1er, dispose que « le géré doit, lorsque les conditions de la gestion d’affaires sont réunies et même si le résultat recherché n’a pas été atteint, rembourser au gérant les dépenses nécessaires ou utiles faites par celui-ci et l’indemniser pour le préjudice qu’il a subi en raison de sa gestion et qui n’est pas dû à sa faute »528 – permettrait d’ailleurs d’expliquer le régime de l’obligation de minimiser le dommage. Celle-ci impose, en effet, à la victime de prendre des mesures raisonnables et lui permet, en principe, d’en obtenir l’indemnisation même si le résultat recherché n’a pas été atteint, c’est-à-dire même si le dommage n’a pas pu être modéré529. Ces éléments, a priori favorables à l’accueil de l’obligation de minimiser le dommage sur le fondement de la gestion d’affaires, ne doivent pas faire oublier le premier élément qui conditionne l’existence même de ce quasi-contrat.
40273. Reprenant le principe posé par l’article 1371 du Code civil au sujet des quasi-contrats en général, l’article 1372 en fait expressément un acte volontaire, supposant une intervention bienveillante et spontanée. Dans une affaire soumise à l’examen de la Cour de cassation en 1967, les juges du fond avaient rappelé qu’« aux termes de l’article 1372 du Code civil, il ne peut y avoir gestion d’affaires que si l’on gère volontairement l’affaire d’autrui » et « qu’il faut donc entreprendre spontanément et sans en être chargé des actes utiles pour autrui » pour rejeter, en l’espèce, la demande de l’administration de l’enregistrement qui, en sa qualité de séquestre juridique, se prétendait gérante d’affaires parce qu’« elle n’avait pas agi spontanément, mais en vertu des devoirs de sa fonction ». Sur pourvoi, la Première Chambre civile considéra que « l’arrêt [avait relevé] justement que la gestion d’affaires supposait la volonté de gérer l’affaire d’autrui » et conclut que « par ce seul motif, la Cour d’appel avait justifié sa décision »530.
41274. La jurisprudence a, par ailleurs, précisé que, plus généralement, les personnes qui, légalement ou conventionnellement, sont tenues d’accomplir certains actes ne peuvent s’en prévaloir comme étant des actes de gestion531. On l’aura compris : pour cette raison, tenant au caractère par essence volontaire, de la gestion d’affaires, les règles de celle-ci ne peuvent être invoquées directement à l’appui d’une obligation de minimiser le dommage.
42275. Dans la recherche du fondement de cette dernière, il convient donc de se tourner vers d’autres notions. Toujours parmi les notions voisines de la faute de la victime, se trouve l’acceptation des risques.
Β - L’acceptation des risques
43276. La victime peut avoir plusieurs attitudes vis-à-vis du dommage. Elle peut soit avoir consenti à le subir, soit, sans avoir consenti à le subir, en avoir accepté le risque.
44277. La victime peut, d’une part, consentir à subir le dommage. Au moins lorsqu’il est d’ordre matériel, l’adage volenti non fit injuria retire alors au fait dommageable tout caractère blâmable. Lorsqu’il s’agit d’un dommage corporel, la jurisprudence ne reconnaît, en revanche, pas plus d’effet au consentement qu’à la faute de la victime et exonère l’auteur du dommage tantôt totalement532, tantôt partiellement533.
45278. Sans consentir au dommage même, la victime peut, d’autre part, en accepter le risque en se prêtant à une activité qu’elle sait comporter un certain danger. Cette question, qui est celle de l’acceptation des risques proprement dite, se pose notamment à propos d’activités sportives dangereuses534 ou de certaines interventions médicales ou chirurgicales535. Elle n’est cependant nullement limitée à ces hypothèses536.
46279. Le comportement de la victime qui, par sa passivité après la production du dommage initial, crée un risque d’aggravation de celui-ci, peut certainement s’apparenter à une acceptation de ce risque. Toutefois, les auteurs qui ont examiné la pertinence du rapprochement entre l’obligation de minimiser le dommage et l’acceptation des risques ont assez rapidement écarté l’idée que la première puisse être fondée sur la seconde537. Pourquoi ? La réponse se trouve à la fois dans l’imprécision et dans l’utilité pour le moins réduite de la notion d’acceptation des risques.
47280. L’imprécision de la notion peut, d’une part, faire douter du bien fondé de son emploi par la jurisprudence538. Ainsi, la simple connaissance du risque n’emporte-t-elle pas nécessairement son acceptation. La détermination des risques qui ont été effectivement acceptés peut, par conséquent, être délicate539.
48281. D’autre part, et surtout, l’utilité de la notion d’acceptation des risques est discutable. Un recours trop fréquent à celle-ci aurait certainement pour conséquence de laisser systématiquement une partie du dommage à la charge de la victime qui se prête à une activité comportant un certain risque. Constatant cela, une partie de la doctrine a plaidé pour une limitation de son rôle aux seuls cas où la victime s’est exposée à un danger inutile. En d’autres termes, dans cette optique, pour être juridiquement efficace, l’acceptation des risques doit être fautive.
49282. Cette assimilation de l’acceptation des risques à la faute de la victime avait été proposée par Durand dès 1931540. L’idée a ensuite été reprise par Henri et Léon Mazeaud qui, en 1938, écrivirent que « certains cherchent en effet à construire aujourd’hui une théorie générale du risque accepté. On entend par là le consentement, donné à l’avance par la victime, au dommage, susceptible de se réaliser et l’on prétend que chaque fois que la victime a ainsi accepté les risques, elle n’a droit à rien. ‘Volenti non fit injuria’. Thèse inexacte car la maxime invoquée ne joue que dans les cas où la victime a voulu le dommage, non dans ceux où elle a simplement consenti à la possibilité de réalisation de ce dommage. Quant à la question de savoir si ce consentement a une incidence sur la responsabilité, il suffit d’appliquer les règles générales ; il ne sera susceptible d’exonérer l’auteur du dommage que dans le cas où il sera fautif, c’est-à-dire où il constitue une faute de la victime »541.
50283. C’est aussi la position de la jurisprudence française, qui considère que l’acceptation des risques par la victime ne saurait, en tant que telle, fonder une réduction de l’indemnité. Il ne peut en être autrement que si cette acceptation est fautive542. La Cour de cassation a même affirmé que la notion d’acceptation des risques n’ajoutait rien aux effets attachés à la faute de la victime543. Une telle négation de sa spécificité conduit logiquement à son rejet en tant que fondement de l’obligation de minimiser le dommage.
51284. La notion d’abus de droit, quant à elle, appelle une conclusion moins catégorique.
C - L’abus de droit544
52285. L’obligation de minimiser le dommage a également été envisagée sur le terrain de la notion d’abus de droit. André De Bersaques a ainsi pensé que la victime qui ne prend pas les mesures qui s’imposent en vue de la limitation de son préjudice manquait à son obligation de minimiser le dommage et qu’elle pouvait faire un usage abusif de son droit à en réclamer la réparation intégrale. Selon l’auteur belge, « le titulaire d’un droit n’est pas fondé à épuiser âprement toutes les prérogatives qu’il lui confère, sans le moindre souci des intérêts de celui à qui il peut l’opposer »545. Dans le même ordre d’idées, M. Delahaye relève que la théorie de l’abus de droit trouve une application en matière de modération du préjudice. En effet, « la victime est tenue de prendre toutes les mesures utiles pour limiter le dommage parce qu’il n’est pas admissible que, par égoïsme ou insouciance des intérêts du débiteur, elle aggrave l’obligation de ce dernier »546. Une partie de la jurisprudence belge fait également référence à la notion d’abus de droit lorsqu’elle est appelée à résoudre des questions relatives à la modération du préjudice547. Une telle position soulève notamment deux questions. Quel est, d’une part, le droit dont il serait fait un usage abusif ? Quel est, d’autre part, l’apport de la notion d’abus de droit quant au fondement de l’obligation de minimiser le dommage ? Autrement dit, en quoi cette notion serait-elle plus apte à fonder l’obligation de minimiser le dommage que celles qui ont déjà été évoquées et examinées ?
53286. Le non-respect de l’obligation de minimiser le dommage peut d’abord sans doute prendre la forme d’une invocation abusive par la victime d’un droit en vue de se soustraire aux mesures qui diminueraient le préjudice ou qui, au moins, en empêcheraient l’aggravation. Dans certains cas, le refus, par la victime d’un préjudice corporel, de se soumettre à des soins améliorants - à un traitement médical ou à une intervention chirurgicale - a ainsi été présenté comme un abus du droit à l’inviolabilité du corps humain548. Ce droit permet certes à la victime de s’opposer au traitement ou à l’intervention en tant que telle, en ce sens qu’elle ne saurait être contrainte manu militari à s’y soumettre. Le fait de le brandir abusivement pourrait cependant, au moins en théorie, justifier que la victime doive supporter seule la partie du préjudice qu’elle aurait pu éviter au moyen des soins préconisés.
54287. D’une manière plus générale, un abus peut ensuite être déduit de l’exercice immodéré ou tardif par le créancier de ses droits. Il peut notamment résulter du choix par le créancier, entre deux modes d’exercice de son droit présentant pour lui un intérêt égal, de celui qui est le plus dommageable pour le débiteur. En principe, le créancier peut certainement exiger le mode de réparation de son choix : réparation en nature - réparation matérielle ou remplacement, etc. -ou réparation par équivalent. En revanche, s’il poursuit un mode de réparation qui représente d’importantes difficultés par rapport à un autre mode de réparation qui lui procurerait pourtant la même satisfaction, il abuserait certainement de son droit de choisir ce moyen549.
55288. La Cour de cassation belge a ainsi décidé, dans une affaire particulièrement parlante, que constituait un abus de droit le fait d’exiger la destruction d’un immeuble de plusieurs étages, parce que, plus de vingt ans après sa construction, le propriétaire voisin avait découvert que, par suite d’une erreur de mesurage, l’immeuble empiétait de quinze centimètres sur sa propriété550. Et, dans le même ordre d’idées, la Cour de cassation française a parfois estimé que le recours à la réparation en nature dépendait de l’appréciation du juge, libre, si ce remède devait être disproportionné au préjudice, de lui préférer la réparation par équivalent, c’est-à-dire l’octroi de dommages-intérêts551. Certains arrêts ont toutefois reconnu à la victime le droit d’obtenir la réparation en nature dès lors que celle-ci était matériellement possible552. Ainsi, par exemple, à propos de la construction défectueuse de l’escalier d’accès à une piscine, qui ne comprenait pas le nombre de marches contractuellement prévues, la Troisième Chambre civile de la Cour de cassation a-t-elle décidé que la demande de mise en conformité de celui-ci ne pouvait être écartée sans que soit recherché si elle était impossible553.
56289. Malgré ces résistances, propres, pour la plupart, à la matière contractuelle, où la solution découle probablement de la force obligatoire du contrat, le choix d’un moyen d’action qui, sans être plus avantageux pour le créancier, est plus dommageable pour le débiteur qu’un autre mode de réparation, est donc parfois considéré comme abusif. Refuser de l’accorder revient à sanctionner l’exercice inutile, voire nuisible et, comme tel, fautif, d’un droit. S’il est peut-être vrai qu’elle tend à ramener son critère à celui, plus général, d’une faute génératrice de responsabilité554, cette conception ne prive toutefois pas la notion d’abus de droit de tout intérêt en ce qui concerne le fondement de l’obligation de minimiser le dommage.
57290. En effet, alors que, dans un premier temps, la théorie de l’abus de droit s’est développée sur le terrain de la responsabilité délictuelle, notamment pour contrecarrer l’absolutisme du droit de propriété555, elle s’est depuis développée pour s’élargir au domaine contractuel. Et l’abus d’un droit contractuel est généralement sanctionné sur le fondement textuel de l’article 1134, alinéa 3, du Code civil. Émise, en France, par René Demogue, cette idée du rattachement de l’abus des droits contractuels à la bonne foi a été reprise, en Belgique, par André De Bersaques556. L’abus d’un droit contractuel peut, semble-t-il, constituer un manquement à l’obligation de bonne foi dans l’exécution des contrats et peut être rattaché, plus précisément, à la fonction restrictive de cette dernière557.
58291. Le principal avantage de la notion d’abus de droit est, dès lors, de transcender, la distinction des responsabilités contractuelle et délictuelle et d’offrir, au moins potentiellement, un fondement unitaire à l’obligation de minimiser le dommage. Encore faut-il toutefois que le manquement à l’obligation de minimiser le dommage puisse être systématiquement qualifié d’abus de droit au regard des éléments constitutifs de ce dernier. Incertaine si le critère de l’abus de droit est l’intention de nuire558, cette qualification deviendrait possible si c’était l’inutilité qui était retenue.
59292. Sauf l’abus de droit, s’il était défini de manière large, sur le terrain duquel l’obligation de minimiser le dommage pourrait être sanctionnée, les notions voisines de la faute de la victime ne peuvent donc être retenues comme fondement général de celle-ci. Le recours à la gestion d’affaires est impossible et l’invocation de l’acceptation des risques se révèle inutile.
60293. Qu’en est-il des notions complémentaires de la faute de la victime ? Il s’agit, d’une part, de la notion de dommage réparable et, d’autre part, de la notion de causalité.
SECTION II - MANQUEMENT À L’OBLIGATION DE MINIMISER LE DOMMAGE ET DOMMAGE RÉPARABLE
61294. Deux notions peuvent, a priori, limiter l’étendue du dommage réparable en cas d’inexécution, par la victime, de l’obligation de minimiser le dommage et ainsi apparaître comme des fondements possibles de cette dernière : la notion de préjudice prévisible (§ 1) et celle de préjudice direct (§ 2).
§ 1. Manquement à l’obligation de minimiser le dommage et dommage prévisible
62295. En matière contractuelle, le dommage imprévisible n’est, en principe, pas réparable. L’article 1150 du Code civil dispose, en effet, que « le débiteur n’est tenu que des dommages-intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors de la conclusion du contrat »559. L’appréciation du caractère prévisible du dommage se fait au jour de la conclusion du contrat560, in abstracto : c’est au critère de l’homme raisonnable, placé dans les mêmes conditions que le débiteur, qu’il convient de se référer à cette fin561.
63296. On a parfois considéré que la partie du dommage qui aurait pu être évitée au moyen de mesures raisonnables était imprévisible et, comme telle, en principe exclue de la réparation. Ce qui revient à dire que le débiteur en défaut doit pouvoir s’attendre à ce que le créancier insatisfait prenne les mesures propres à limiter, voire à réduire le dommage qui résulte pour lui de l’inexécution du contrat. Deux exemples ont été invoqués afin d’illustrer ce rapprochement.
64297. Le premier concerne le contrat de bail. À son sujet, l’article 1760 du Code civil prévoit qu’« en cas de résiliation par la faute du locataire, celui-ci est tenu de payer le prix du bail pendant le temps nécessaire à la relocation, sans préjudice des dommages-intérêts qui ont pu résulter de l’abus ». On a rapproché ce texte du droit commun de la responsabilité contractuelle, tel qu’il résulte des articles 1150 et 1151 du Code civil. Comme ces derniers, il semble distinguer entre une attitude loyale et une attitude déloyale du débiteur contractuel. Alors que, dans le second cas, la réparation s’étend à tous les préjudices directs, dans le premier, elle ne couvre que les dommages prévisibles562. Plus précisément, le caractère prévisible du dommage s’entend ici de celui qui est la conséquence des mesures nécessaires à la relocation. Tout préjudice supplémentaire reste à la charge du bailleur. Cette règle devrait l’inciter à modérer son préjudice en cherchant à relouer son bien563.
65298. Le second exemple est relatif à la vente. Lorsque le vendeur ne livre pas les marchandises qui étaient convenues, il doit pouvoir attendre de l’acheteur que celui-ci prenne des mesures propres à minimiser le préjudice qui résulte pour lui de cette inexécution, par exemple, en se fournissant auprès d’un tiers lorsqu’un tel achat de remplacement est possible. Ensuite, si le prix des marchandises de remplacement est supérieur à celui auquel le vendeur s’était engagé à livrer, l’acheteur pourra le poursuivre afin d’obtenir le remboursement de la différence du prix564. Lorsque, en revanche, la partie lésée néglige de prendre ces mesures, elle est privée de la partie du préjudice qui aurait pu être évitée. Cette solution a été rattachée à la notion de préjudice réparable qui, en matière contractuelle, s’entend, entre autres, de sa prévisibilité565.
66299. Le rapprochement entre l’obligation de minimiser le dommage et la notion de prévisibilité n’est toutefois pas satisfaisant. Cette condition est limitée à la seule matière contractuelle. En l’absence d’accord entre les parties, il ne saurait, en effet, être question de distinguer entre préjudice prévisible et préjudice imprévisible. De plus, même en matière de responsabilité contractuelle, le dommage imprévisible devient réparable en cas d’inexécution dolosive ou en cas de faute lourde du débiteur. Il est, par conséquent, impossible de voir dans la notion de dommage prévisible un fondement général de l’obligation de minimiser le dommage.
67300. Celui-ci doit être recherché dans une exigence commune à la responsabilité contractuelle et à la responsabilité extracontractuelle. Et ce dénominateur commun pourrait être la notion de dommage direct.
§ 2. Manquement à l’obligation de minimiser le dommage et dommage direct
68301. En effet, quelle que soit la nature, contractuelle ou extracontractuelle, de la responsabilité, le dommage devra être direct afin d’être réparable. Il doit être une suite nécessaire du fait générateur de responsabilité566. Il est considéré comme indirect lorsqu’il n’est pas rattaché au fait dommageable initial par un lien de causalité suffisant567 ou, lorsque, en matière contractuelle, il découle d’autres causes que de l’inexécution568. Dans ce dernier cas, l’exigence tenant au caractère direct du dommage est d’ailleurs expressément posée par l’article 1151 du Code civil, aux termes duquel « dans le cas même où l’inexécution de la convention résulte du dol du débiteur, les dommages et intérêts ne doivent comprendre, à l’égard de la perte éprouvée par le créancier et du gain dont il a été privé, que ce qui est une suite immédiate et directe de l’inexécution de la convention »569.
69302. Il a parfois été suggéré que la modération des dommages-intérêts alloués à la victime qui ne prend pas les mesures raisonnables en vue de sa modération existait en droit civil sous la forme du refus de la réparation du dommage direct. Transcendant la distinction de la responsabilité contractuelle et de la responsabilité extracontractuelle, cette règle s’oppose, en effet, à ce que le fardeau du débiteur soit excessif et, en particulier, qu’il aille au-delà de ce dont il est directement responsable570. Le préjudice qui aurait pu être évité au moyen de mesures raisonnables sera ainsi considéré comme indirect et, comme tel, exclu de la réparation. Deux décisions, l’une française, l’autre québécoise, ont été invoquées à l’appui de cette thèse571.
70303. Dans une espèce jugée par la Cour d’appel de Montpellier le 9 décembre 1965572, le demandeur réclamait la réparation du préjudice résultant pour lui de la fermeture de sa librairie à compter du jour de l’accident dont il avait été victime le 23 décembre 1960 jusqu’au 1er mai 1961. Le défendeur et son assureur contestèrent cette prétention. Selon eux, si le demandeur avait eu recours aux services d’un employé, ce qui aurait été possible compte tenu du marché du travail à cette époque à Montpellier, il aurait pu ouvrir son magasin dès sa sortie d’hôpital, en février 1961. Leur argumentation était donc fondée sur l’imputabilité au comportement de la victime des pertes subies entre février et mai 1961. L’accident, quant à lui, ne serait à l’origine que des seules pertes subies par la victime jusqu’à sa sortie d’hôpital. Les juges montpelliérains furent sensibles à cette argumentation et décidèrent que le demandeur « ne saurait exciper de l’impossibilité de se procurer l’aide à laquelle sa relative impotence justifiait qu’il ait à recourir » et que « la compétence des commis de librairie placés sous l’autorité directe de l’employeur ne requiert pas des qualités exceptionnelles, les demandes de cette nature étant nombreuses à Montpellier ». Dès lors, il convenait « d’écarter la fermeture de la librairie au-delà du 15 février 1961 comme une conséquence nécessaire de l’accident ». On aura compris le message de la Cour de Montpellier : n’étant pas une conséquence nécessaire de l’accident, le dommage litigieux était indirect et, comme tel, exclu de la réparation.
71304. La parenté entre les droits français et québécois est indéniable. Le Code civil québécois de 1866, rappelons-le, était fortement inspiré du modèle français de 1804573. Aussi n’est-ce pas vraiment surprenant qu’il ait consacré des règles analogues à celles exprimées par les articles 1150 et 1151 du Code Napoléon. Reconnaissant l’existence du principe de la modération du préjudice, la doctrine québécoise avait souligné que celui-ci avait un lien avec l’article 1075 du Code civil du Bas-Canada574. Ce dernier prévoyait justement que les dommages-intérêts ne pouvaient comprendre que ce qui était une suite immédiate et directe de l’inexécution du contrat et ce quand bien même celle-ci fut le fruit d’un dol du débiteur.
72305. Légale, la parenté entre le droit québécois et le droit français est également jurisprudentielle et doctrinale. 11 est, en effet, arrivé que la jurisprudence québécoise se réfère au droit français à l’appui de l’obligation de minimiser le dommage. L’explication est pour le moins surprenante : on sait, en effet, que le droit français interne n’a jamais expressément consacré l’obligation de minimiser le dommage !
73306. C’est dans l’affaire Boutin c. Paré575 que les droits français et québécois furent tous deux invoqués afin de résoudre un problème qui rappelait fortement le célèbre exemple de la vache pestiférée donné par Pothier afin d’illustrer la question de la modération du préjudice576. Le demandeur avait acheté au défendeur une vache atteinte d’une maladie contagieuse. Son lait était impropre à la consommation. Le vendeur avait certainement commis une faute en vendant l’animal comme étant en parfaite santé. De ce fait, il engageait sa responsabilité envers l’acquéreur. Lorsqu’il s’est agi s’évaluer le préjudice qui devait être réparé par le vendeur, la question fut posée de savoir si le demandeur aurait pu éviter une partie de ses pertes résultant de la contamination de son troupeau par l’animal malade. Elle fut résolue de la manière suivante : la décision prise par le demandeur de garder l’animal plutôt que de le vendre pour le prix de la viande avait été prise par l’acheteur à ses propres risques et périls. Son préjudice ne saurait donc être considéré comme une conséquence immédiate et directe de l’inexécution.
74307. L’exigence d’un dommage direct a ensuite été reprise par l’article 1607 du nouveau Code civil québécois. On a fait remarquer que, comme son prédécesseur, ce texte pourrait permettre de sanctionner l’obligation de minimiser le dommage577. On peut néanmoins penser que le détour par ce texte est devenu inutile depuis que l’obligation de minimiser le dommage est sanctionnée par un texte spécifique, l’article 1479 du même Code, aux termes duquel, « la personne qui est tenue de réparer un préjudice ne répond pas de l’aggravation de ce préjudice que la victime ne pouvait éviter »578.
75308. Quelle que soit la pertinence de ces exemples, il convient de ne pas perdre de vue que la notion de dommage direct est issue de la théorie de la causalité. C’est, en effet, parce que le dommage n’est pas rattaché au fait dommageable initial par un lien de causalité suffisant qu’il est considéré comme indirect. La négligence de la victime, qui contribue à aggraver son préjudice ou qui en empêche la diminution, rompt le lien de causalité entre le fait dommageable initial et le préjudice final. Ainsi appréhendée, elle apparaît elle-même comme la cause d’une partie de ce dernier. D’ailleurs, dans l’affaire jugée par la Cour de Montpellier, on peut penser que seule l’attitude de la victime était la cause du préjudice résultant de la réouverture tardive de la librairie. De même, dans l’affaire québécoise Boutin c. Paré, l’inexécution initiale du vendeur semble n’avoir pas été la cause de tout le préjudice dont l’acheteur demandait la réparation.
76309. Derrière la notion de dommage direct, c’est donc, en réalité, la théorie de la causalité qui trouve application lorsqu’il s’agit de sanctionner l’inexécution, par la victime, de son obligation de minimiser le dommage. Voyons si elle peut en être le fondement général.
SECTION III - MANQUEMENT À L’OBLIGATION DE MINIMISER LE DOMMAGE ET LIEN DE CAUSALITÉ
77310. La condition tenant à l’existence d’un lien de causalité entre le fait dommageable et le préjudice dont la victime demande la réparation est d’une portée générale. En matière de responsabilité délictuelle, elle découle des articles 1382 et suivants du Code civil. Tous ces textes comportent d’ailleurs une référence au verbe « causer ». Quant à la responsabilité contractuelle, cette exigence ressort assez clairement de l’article 1151 du Code civil qui, même en cas d’inexécution dolosive ou de faute lourde du débiteur, limite la réparation due par ce dernier à ce qui est une « suite immédiate et directe » de l’inexécution.
78311. La principale difficulté vient de ce que la notion de causalité est réfractaire à une approche unitaire579. La jurisprudence française est partagée principalement entre deux théories580. Celle de l’équivalence des conditions répute cause du dommage tout événement dont la survenance a été une circonstance à défaut de laquelle le dommage ne se serait pas produit de la même manière, tous les antécédents du dommage étant considérés comme équivalents sur la plan causal581. La théorie de la causalité adéquate, en revanche, considère comme cause du dommage l’événement qui, d’après le cours normal des choses, était de nature à le produire, impliquant ainsi une sélection entre les différents antécédents du dommage582.
79312. Quant à leur importance respective, on peut dire que la jurisprudence française a aujourd’hui une préférence relative pour la seconde583 et qu’elle fait des concessions à la première584. En somme, on a l’impression qu’elle les applique l’une ou l’autre, au gré des circonstances. L’importance du rôle du juge585, voire de l’équité586, dans l’appréciation du lien de causalité rend particulièrement difficile toute consécration dogmatique de l’une ou de l’autre des définitions proposées. Tout au plus pourra-t-on se risquer à constater l’existence, en droit français, d’une conception « dominante » de la causalité, qui est celle de la causalité adéquate587. Or, en vertu de celle-ci, il est certainement possible de considérer que la partie aggravée ou non limitée du dommage n’est pas, d’après le cours normal des choses, une conséquence du fait dommageable initial (§ 1). Un tel recours à la notion de causalité, en vue de fonder l’obligation de minimiser le dommage, pourrait cependant se heurter à quelques difficultés (§ 2).
§ 1. Manquement à l’obligation de minimiser le dommage et rupture du lien de causalité entre le fait dommageable initial et le dommage final
80313. Le lien de causalité entre le fait dommageable initial et le préjudice final peut sans doute être rompu par un comportement de la victime postérieur au premier et qui influe sur l’étendue du second. L’appréciation de ce lien de causalité devrait permettre au juge d’exclure de la réparation la partie du préjudice que la victime aurait pu éviter sans inconvénient disproportionné pour elle588. Cette partie n’a pas, alors, sa cause dans le fait dommageable initial. D’après le cours normal des choses, ne devrait, en effet, être considéré comme conséquence du fait dommageable que le dommage que des mesures raisonnables ne permettaient pas d’éviter. Dans cette optique, la modération du dommage par la victime correspond au cours normal des choses. Et, à l’inverse, son influence néfaste sur l’étendue du dommage fait figure de novus actus interveniens rompant le lien de causalité entre le fait dommageable initial et le préjudice final.
81314. À partir de ce constat, l’obligation de minimiser le dommage peut être présentée comme trouvant son fondement dans la distinction causale entre le préjudice direct et le préjudice indirect589. À propos de la théorie anglaise de la mitigation of damages, M. Heuze fait ainsi la remarque qu’elle « impose de ne retenir, parmi les dommages dont la réparation peut être demandée que ceux qui sont la conséquence nécessaire de l’infraction commise par le débiteur à l’exclusion de tous ceux qui résultent du fait ou de la faute de la victime »590. Dire que doit être exclue de la réparation la partie du préjudice qui n’est pas la conséquence nécessaire de l’infraction commise par le débiteur et qui résulte du fait ou de la faute de la victime, c’est sans doute recourir au critère de la causalité.
82315. Une illustration du rapprochement entre l’obligation de minimiser le dommage et l’analyse du lien de causalité est fournie par la jurisprudence belge. Dans un arrêt en date du 24 juin 1986, la Cour d’appel de Liège évoque, en effet, l’idée de l’obligation de minimiser le dommage ainsi que son rattachement à la notion de causalité591. Après avoir rappelé que « l’article 1382 du Code civil oblige celui qui a causé un dommage à en assurer une complète réparation », elle considéra « que le lien qui unit la faute au dommage doit revêtir un caractère de nécessité, en ce que le fait fautif ait nécessairement créé le dommage tel qu’il se présente in concreto et qu’un rapport causal existe entre le dommage initial et le dommage final ». Ensuite, elle précisa que « les difficultés à faire connaître son droit et le retard qui en résulte ne doivent pas empêcher la victime de faire exécuter les réparations nécessaires pour limiter les frais ». En effet, il lui incombe « d’agir en bon père de famille et de faire exécuter les réparations, même si la responsabilité et le montant du dommage sont encore contestés ».
83316. D’une manière générale, même lorsque le débat porte principalement sur une faute qu’aurait commise la victime, celle-ci n’est prise en considération que si elle a joué un rôle causal dans la manifestation du dommage. En, Belgique, le Procureur général Hayoit De Termicourt a ainsi rappelé que lorsque la victime d’un préjudice a commis une faute en laissant le dommage s’aggraver, la jurisprudence considère que cette aggravation « est due en tout ou partie à la négligence ou à l’inertie de la victime et n’a pas pour cause l’acte illicite »592.
84317. Certaines décisions françaises rendues dans des affaires impliquant une question relative à la modération du préjudice et retenant une faute à l’encontre de la victime contiennent d’ailleurs des références plus ou moins explicites au lien de causalité entre le fait dommageable initial et le préjudice final593. Dans son arrêt, déjà cité à plusieurs reprises, du 30 octobre 1974, la Chambre criminelle de la Cour de cassation française a, par exemple, pris le soin de préciser qu’« une faute de la victime doit être retenue pour la réparation du préjudice subi lorsque [elle] a concouru à la réalisation du dommage »594. Concourir à la réalisation du dommage, c’est le causer, au moins partiellement. Et, rappelons-le, dans cette affaire, la cour de renvoi décida que « [l’existence du lien de causalité entre les blessures et la mort] ne saurait pour autant écarter l’imputation à la victime d’une part de responsabilité si elle a commis elle-même une faute, soit à l’occasion du fait causal initial, soit dans la réalisation ultérieure du dommage qu’elle subit »595. En substance, afin d’entraîner la réduction des dommages-intérêts, le comportement de la victime doit avoir eu une incidence causale sur l’étendue du préjudice final.
85318. En généralisant cette idée, on obtient le principe selon lequel lorsque, par son comportement postérieur au fait dommageable initial, la victime influe sur l’étendue du dommage final, soit qu’elle l’aggrave, soit qu’elle omet de le restreindre ou de le réduire, lorsque cela est possible au moyen de mesures raisonnables, elle rompt le lien de causalité qui doit nécessairement exister entre le fait dommageable et le dommage et doit supporter seule la partie du dommage qu’elle aurait pu éviter. Possible et utile, le recours à la notion de causalité n’en soulève pas moins quelques difficultés.
§ 2. Difficultés soulevées par le rattachement de l’obligation de minimiser le dommage à la notion de causalité
86319. La première difficulté vient de ce qu’il est des domaines dont le débat sur la notion de causalité est a priori absent. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce n’est point aux cas de responsabilité objective en général - à la responsabilité du fait des choses ou à la responsabilité du fait d’autrui - que l’on pense ici. Car, si le lien de causalité entre le fait dommageable et le dommage est alors parfois présumé, il n’en demeure pas moins qu’il est une condition de la responsabilité. Ce qui pose davantage problème, c’est le droit des accidents de la circulation, tel qu’il résulte de la loi du 5 juillet 1985. Et pour cause. En retenant la notion d’implication596, son article 1er semble, a priori, écarter tout recours à celle de causalité597. Seulement, alors que ce texte ne vise que l’implication du véhicule terrestre à moteur dans l’accident de la circulation, la jurisprudence a ajouté à cette condition celle tenant à l’imputabilité du dommage à l’accident598. Ce qui au fond, n’est autre chose qu’un lien de causalité entre l’accident et le dommage. Toutefois, dans un souci de protection des victimes conforme à l’esprit de la loi de 1985, la jurisprudence décharge, en principe, celles-ci de la preuve de l’imputabilité : elle considère que l’implication du véhicule terrestre à moteur dans l’accident fait, en principe, présumer l’imputabilité du dommage à l’accident599. Ce qui n’est donc autre chose qu’une présomption de causalité600.
87320. Mais cette présomption a parfois été écartée dans le cas où le dommage dont la victime demande réparation ne s’est pas manifesté concomitamment à l’accident, mais seulement postérieurement à celui-ci601. La solution permettait sans doute de prendre en considération la conduite de la victime qui, après la survenance d’un accident, influe sur l’étendue de son propre préjudice en négligeant de prendre les mesures adéquates, par exemple, dans le cas où elle souffre d’un dommage résultant d’une atteinte à sa personne et, plus particulièrement, d’un dommage corporel, en négligeant de se soumettre aux soins appropriés. Un arrêt de la Deuxième Chambre civile en date du 19 février 1997 a toutefois réaffirmé la présomption d’imputabilité en des termes qui semblent généraux602. Et, aujourd’hui, la présomption d’imputabilité semble à nouveau pouvoir jouer même si le dommage est survenu ou s’est aggravé seulement après l’accident. Le fait qu’il se soit aggravé ou qu’il n’ait pu être réduit du fait d’une négligence de la victime n’y change a priori rien.
88321. Quoiqu’il en soit, il ressort de ce même arrêt que cette présomption d’imputabilité - de causalité - n’est qu’une présomption simple et que le conducteur du véhicule terrestre à moteur impliqué dans l’accident est admis à démontrer que le dommage n’est pas imputable à l’accident, mais, par exemple, au comportement de la victime603.
89322. De plus, à supposer satisfaite la double condition de l’implication du véhicule terrestre à moteur dans l’accident de la circulation et de l’imputabilité du dommage à l’accident, le conducteur, a priori responsable sur le fondement de la loi de 1985, a encore la possibilité de s’exonérer au moins partiellement en rapportant la preuve d’une faute de la victime604, sauf, bien sûr, pour les dommages qui résultent d’une atteinte à la personne de cette dernière605. Dans ce cas, la question à résoudre est, encore une fois, très proche de celle de la causalité de droit commun...
90323. La seconde difficulté, d’une portée générale, tient à la question de savoir si un fait non fautif de la victime, postérieur à la survenance du dommage initial, peut lui être opposé s’il rompt le lien de causalité entre le fait dommageable initial et le préjudice final. Cette question prend tout son intérêt lorsque, malgré une conception pourtant extensive de la faute, le comportement de la victime n’entre pas, à coup sûr, dans cette qualification. Ainsi, alors que la jurisprudence et de nombreux auteurs l’admettent606, certains refusent de considérer comme fautif le refus, par la victime d’un dommage corporel, de se soumettre à des soins607.
91324. Le droit français refuse, en principe, de tenir compte d’un fait non fautif de la victime dans l’évaluation du dommage réparable608. La réponse est plus nuancée dans d’autres droits. Ainsi, au Québec, malgré une jurisprudence apparemment en sens contraire609, un auteur se prononce tout de même pour une exclusion totale ou partielle de la responsabilité de l’auteur de la faute initiale en cas de rupture du lien de causalité suite à un événement non fautif610. En Belgique, dans les cas où le caractère fautif du comportement de la victime est discuté, l’accent a été mis sur l’opportunité de retenir, à son sujet, le terme plus neutre - et plus large de fait de la victime611. Le recours systématique à celui-ci permettrait non seulement de faire l’économie du débat sur le caractère fautif du comportement de la victime, mais également, à terme, de contribuer à la construction générale d’une théorie du fait du créancier, distincte de la théorie de la faute de la victime612.
92325. Ne se heurtant à aucun obstacle théorique, le recours à la notion de causalité dans le but de sanctionner l’obligation de minimiser le dommage a néanmoins suscité quelques réserves quant à sa mise en œuvre pratique. M. Gautier avance ainsi qu’il peut être extrêmement délicat de rechercher quelle est la part contributive exacte du comportement de la victime au dommage613. Cette difficulté ne nous paraît pas décisive. Les juges n’ont-ils pas déjà dû s’atteler à des tâches au moins aussi complexes lorsqu’il s’est agi pour eux de démêler les incidences causales des accidents en chaîne ou, plus généralement, d’une pluralité d’évènements ayant précédé le dommage ? Le fait de la victime qui, après la survenance du dommage initial, omet de le réduire ou contribue à son aggravation, rompt le lien de causalité entre le fait dommageable initial et le dommage final. Et, dès lors, il doit être retenu dans l’évaluation du dommage réparable.
Notes de bas de page
465 Civ. 2e, 19 février 1992, Bull. civ. II, n° 53 ; Civ. 2e, 4 mars 1992, Bull. civ. II, n° 21 ; v. également, Grenoble, 10 mai 1994, J.C.P. 1995. IV. 482. Telle est la solution du droit commun ; dans les régimes spéciaux, notamment dans le domaine des accidents de la circulation, régis par la loi du 5 juillet 1985, le rôle de la faute de la victime peut être différent, à la fois plus restreint et plus complexe.
466 Civ. 2e, 6 avril 1987, 3 arrêts, J.C.P. 1987. 1. 20828, note F. CHABAS, Defrénois 1987. 113, note J.-L. AUBERT, R.T.D.civ. 1987. 767, obs. J. HUET, D. 1988. 32, note Ch. MOULY ; en ce sens, v. également, Civ. 2e, 8 mars 1995, Bull. civ. II, n° 82, D. 1995. Somm. 232, obs. Ph. DELEBECQUE.
467 V. également, supra, n° 12.
468 Sur ces textes, v. également, supra, n° 45.
469 V. J. DABIN, Examen de jurisprudence. Responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle (1948 à 1951), R.C.J.B. 1952, p. 92 ; J. DABIN et A. LAGASSE, Examen de jurisprudence. Responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle (1951 à 1955), R.C.J.B. 1955, p. 265 ; R. O. DALCQ, Traité de la responsabilité civile, t. Il, Bruxelles, 1962, n° 2386, n° 2447, n° 2515, n° 3437 et n° 4130 ; R. P1RSON et R. DE VILLE, Traité de la responsabilité civile extra-contractuelle, t. I, n° 220 ; T. DELAHAYE, Résiliation et résolution unilatérales en droit commercial belge, op. cit., n° 225.
470 HAYOIT DE TERMICOURT, concl. avant Cass. Belge, 8 mai 1952, Pas. 1952. I. 570, spéc. p. 575.
471 Cass. belge, 7 février 1946, Pas. 1946. 1. 60 ; Cass. belge, 28 novembre 1960, Pas. 1961. I. 335 ; Cass. belge, 17 septembre 1964, Pas. 1965. I ; 60 ; Cass. belge, 27 janvier 1971, Pas. 1971. I. 491 ; Cass. 25 novembre 1981, R.G.A.R. 1983, n° 10564 ; Cass. belge, 19 octobre 1983, Pas. 1984. I. 171.
472 Cass. belge, 17 septembre 1964, op. cit. ; cette jurisprudence est au surplus généralement suivie par les juridictions du fond : v., par exemple, Civ. Liège, 7 juillet 1941, Bull. Ass. 1941, p. 690 ; Civ. Nivelles, 25 février 1942, R.G.A.R. 1947, n° 4046 ; Corr. Liège, 12 janvier 1966, J.L. 1965-1966. 290 ; Corr. Namur, 20 octobre 1967, Bull. Ass. 1970. 286 ; Mons, 2 novembre 1976, R.G.A.R. 1981, n° 10366.
473 Avant l’entrée en vigueur de la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994, v. Crim. 3 juillet 1969, J.C.P. 1970. II 16447, note R. SAVATIER, R.T.D.civ. 1969. 782, obs. G. DURRY ; v. également, P.-J. DOLL, Des conséquences pécuniaires du refus par la victime d’un accident de se soumettre à une opération chirurgicale améliorante après consolidation des blessures, J.C.P. 1970. II 2351 ; comp. en Belgique, Cass. belge, 28 novembre 1960, Bull. Ass. 1961. 297, Pas. 1961. I. 335 ; Liège, 7 avril 1941, Bull. Ass. 1941. 690, note G. D. ; Corr. Liège, 25 avril 1947, R.G.A.R. 1947, n° 4306 ; Civ. Bruxelles, 13 février 1959, Bull. Ass. 1960. 822 ; Bruxelles, 11 janvier 1963, Pas. 1964. 2. 242 ; R. MARTENS, Obligation pour la victime d’un accident de se soumettre à certaines interventions chirurgicales, à une réadaptation ou à une rééducation, Bull. Ass. 1954. 18 ; R. O. DALCQ, L’obligation de minimiser le dommage dans la responsabilité quasi-délictuelle, op. cit., n° 12, p. 369.
474 Req. 3 janvier 1935, S. 1938. 1. 137 ; Civ. 27 février 1953, Gaz. Pal. 1953. 2. 11 ; Chambéry, 22 décembre 1947, D. 1948. 172 ; Angers, 19 janvier 1955, J.C.P. 1958. II 8531 ; T.G.I. Laval, 13 février 1967, D. 1968. 39, note M. LE ROY ; Paris, 11 mai 1968, Gaz. Pal. 1968. 2.118.
475 Crim. 3 juillet 1969, op. cit.
476 Crim. 30 octobre 1974, D. 1975. 178, note R. SAVATIER, J.C.P. 1975. II. 18038, obs. L. MOURGEON, R.T.D.civ. 1975. 713, obs. G. DURRY ; sur renvoi, v. Lyon, 6 juin 1975, D. 1975. 415, note R. SAVATIER, J.C.P. 1976.11. 18322, obs. L. M.
477 Souligné par nous.
478 Souligné par nous.
479 V. également, infra, n° 311.
480 Cass. belge, 18 juin 1973, Pas. 1973. I. 909 ; Cass. 19 mars 1976, Pas. I. 806 ; Cass. belge, 8 décembre 1983, Pas. 1984. I. 388 ; Cass. belge, 11 octobre 1989, R.G.A.R. 1992, n° 12007. La doctrine adhère très largement à cette théorie : v. H. DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil belge, t. II, 3e éd., 1934, n° 953 s. ; La relation causale en matière de responsabilité aquilienne, R.G.A.R. 1959, n° 6336 ; R. O. DALCQ, La notion de causalité dans l’œuvre du Professeur Henri de Page, J.T. 1973, p. 750 s. ; La responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle. Examen de jurisprudence (1980-1986), R.C.J.B. 1988, p. 391 s. ; D. PHILIPPE et I. DE LA SERNA, Inédits du droit de la responsabilité, J.L.M.B. 1990, p. 300 s.
481 R. O. DALCQ, Traité de la responsabilité civile, op. cit., n° 2672 ; J.-L. FAGNART, Examen de jurisprudence concernant la responsabilité civile, 1968-1975, Bruxelles, 1976, p. 30, note 47.
482 V. infra, n° 312.
483 Ibid
484 Ibid.
485 R. KRUITHOF. L’obligation de la partie lésée de restreindre le dommage, op. cit., n° 13, p. 27.
486 R. KRUITHOF, L’obligation de la partie lésée de restreindre le dommage, op. cit., n° 13, p. 27. Ces obligations seront alors probablement considérées comme réciproques et connexes : sur la notion de connexité, v. S. REIFEGERSTE, La connexité de créances contractuelles : pour une approche juridique d’une condition originale de la compensation, Petites Affiches, 4 avril 200, p. 6.
487 Cass. belge, 20 avril 1936, Pas. 1936. I. 208.
488 L. JOSSERAND, La responsabilité envers soi-même, D. 1934. Chron. 76.
489 J. DABIN, Fait dommageable envers soi-même et responsabilité a l’égard des proches, Ann. dr. 1965. 122 et Mélanges J. Brèthe de la Gressaye, Bordeaux, 1967, p. 144, spéc. p. 146.
490 Ibid.
491 Souligné par nous.
492 R. O. DALCQ, Traité de la responsabilité civile, t. II, op. cit., n° 2971.
493 Darbshire c. Warran (1963) W.L.R. 1067, 1075 ; v. également, M. ELLAND-GOLDSMITH, La « mitigation of damages » en droit anglais, R.D.A.I. 1987, n° 2 p. 347.
494 A. R. BLOEMBERGEN, Schadevergoeding bij onrechtmatige daad, Deventer, 1965, p. 363 ; J. DRION, G. DE GROOTH cl F. DE LONG, Toelichting ontwerp voor een niuew burgerlijk wetboek, La Haye, 1961, p. 564, cités par R. KRUITHOF, L’obligation de la partie lésée de restreindre le dommage, op. cit., n° 12, p. 25, note 58.
495 R. SCHMIDT, in SOERGEL et SIEBERT (éd.), Bürgerliches Gesetzbuch, II, Schuldrecht I (§ 241 - 610), Stuttgart, 1967, p. 206 s.
496 V. infra, n° 510.
497 V. infra, n° 556 s.
498 En ce sens, v. D. MEDICUS, in Staudingers Kommentar zum Bürgerlichen Gesetzbuch, II, Recht der Schuldverhältnisse, § 243-254, Berlin, 1983, n° 30 ; comp., en France, R. DEMOGUE, Traité des obligations en général, op. cit., n° 802 ; et, à propos du droit romain, v. D. J. BARONCEA, Essai sur la faute et le fait du créancier, th. Paris, 1929, n° 22 s., p. 59 s.
499 H. MAZEAUD, La faute objective et la responsabilité sans faute, D. 1985. Chron. 13 ; G. VINEY et P. JOURDAIN, Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, 2e éd. L.G.D.J., 1998, n° 440 s., p. 317 s.
500 R. SCHMIDT, Die Obliegenheiten, Studien auf dem Gebiet des Rechtszwanges im Zivilrecht unter besonderer Berücksichtigung des Privatrechts, Karlsruhe, 1953, p. 169 s.
501 R. DEMOGUE, Traité des obligations en général, op. cit., n° 803 ; A. M. HONORE, Causation and remoteness of damages, International Encyclopedia of Comparative Law, t. XI, Torts, 1, Tübingen, 1986, n° 150, p. 100.
502 H. L. et J. MAZEAUD, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et contractuelle, t. II, Paris, 1970, n° 1467-2.
503 A. OGUS, The Law of Damages, Londres, Butterworths, 1973, p. 85 ; comp. R. KRUITHOF, L’obligation de la partie lésée de restreindre le dommage, op. cit., n° 8, p. 20.
504 V. supra, n° 160.
505 V. infra, n° 466 s.
506 Etant précisé, au surplus, que la Cour de cassation a imposé une définition pour le moins restrictive de la faute inexcusable. Pour mémoire, il s’agit d’une « faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience » : Civ. 2e, 20 juillet 1987, 10 arrêts, Bull, civ. II, n° 160 s., Gaz. Pal. 1988. 1. 26, note F. CHABAS ; Ass. plén. 10 novembre 1995, D. 1995. 633, rapp. Y. CHARTIER, J.C.P. 1996. I. 22564, concl. M. JEOL, note G. VINEY, R.T.D.civ. 1996. 187, obs. P. JOURDAIN, Defrénois 1996. 762, obs. D. MAZEAUD.
507 Crim. 27 mars 1973, Bull. crim. n° 197 ; Crim. 15 janvier 1974, Bull. crim. n° 20 ; Crim. 28 février 1990, R.T.D.civ. 1990. 670, obs. P. JOURDAIN ; Crim. 4 octobre 1990, Bull. crim. n° 331 ; Crim. 16 mai 1991, Bull. crim. n° 208, J.C.P. 1992. I. 3572, obs. G. VINEY ; Crim. 7 novembre 2001, J.C.P. 2001. IV. 1037.
508 Sur la notion de gestion d’affaires, v. notamment, M. PICARD, La gestion d’affaires dans la jurisprudence contemporaine, R.T.D.civ. 1921. 420 ; H. SINAY, La fortune nouvelle de la gestion d’affaires, Gaz. Pal. 1946.. Doctr. 53 ; F. GORE, Le fondement de la gestion d’affaires, source autonome et générale d’obligations, D. 1953. Chron. 39 ; R. BOUT, La gestion d’affaires en droit français contemporain, L.G.D.J., 1972, préf. P. Kayser.
509 V. R. DEMOGUE, Traité des obligations en général, op. cit., n° 463 bis, ρ ; 128 ; R. MARTENS, Obligations pour la victime d’un accident de se soumettre à certaines interventions chirurgicales, à une réadaptation ou à une rééducation, op. cit., p. 28.
510 Cass. belge, 22 janvier 1976, Pas. 1976. I. 583.
511 Liège, 25 juin 1986, inédit, cité par R. O. DALCQ, L’obligation de minimiser le dommage dans la responsabilité quasi-délictuelle, op. cit., n° 22, p. 371, et par R. KRUITHOF, L’obligation de la partie lésée de restreindre le dommage, op. cit., n° 22, p. 35.
512 R. O. DALCQ, L’obligation de réduire le dommage dans la responsabilité quasi-délictuelle, R.G.A.R. 1987, n° 11271, p. 5 s. ; v. également, B. HANOTIAU, Régime juridique et portée de l’obligation de modérer le dommage dans les ordres juridiques nationaux et le droit du commerce international, R.D.A.I. 1987, n° 28, p. 400.
513 Civ. 20 octobre 1897, S. 1. 489, D.P. 1902. I. 49, note SARRUT ; Civ. 25 juin 1919, S. 1921. 1. 12, D.P. 1923. 1. 223, Grands arrêts de la jurisprudence civile, op. cit., 225 ; Civ. 28 octobre 1942, D.C. 1943. 29, note P. LEREBOURS-PIGEONNIERE ; Civ. 3e, 15 janvier 1974, J.C.P. 1974. IV. 73 ; Civ. 1re, 28 mai 1991, Bull. civ. I, n° 167, J.C.P. 1991. IV. 290, Defrénois 1992. 746, obs. J.-L. AUBERT.
514 Com. 16 novembre 1976, Bull. civ. IV, n° 291 ; Civ. 1re, 28 mai 1991, op. cit. La jurisprudence québécoise est plus exigeante à cet égard. Elle décide, en effet, que le gérant qui a eu l’intention de gérer à la fois pour lui-même et pour le maître de l’affaire ne peut, en principe, invoquer que l’action de in rem verso, à l’exclusion de la gestion d’affaires : v. Adams c. Adams (1919) 28 B.R. 278 ; Banque nationale du Canada c. Gauthier (1982) R.J.Q. 1433 (C.P.). L’intention de se faire indemniser est néanmoins nécessaire pour que soit constituée la gestion d’affaires. « L’intention du gérant d’affaires », dit-on, « allie deux idées opposées : égoïsme et altruisme » : v. A. MAYRAND, Des quasi-contrats et de l’action de in rem verso, th. Montréal, 1939, p. 8.
515 F. TERRE, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, Les obligations, 7e éd., Dalloz, 1999, n° 958, p. 885.
516 V. D. ACQUARONE, La nature juridique de la responsabilité civile du gérant d’affaires dans ses rapports avec le maître de l’affaire, D. 1986. Chron. 21.
517 L’article 1372 du Code civil français indique, en effet, que le gérant d’affaires se soumet à toutes les obligations qui résulteraient d’un mandat exprès.
518 V. infra, n° 330 s.
519 V., par exemple, St.-Michel c. Gadbois (1973) C.S. 885.
520 L’utilité est généralement présentée comme l’une des conditions d’existence même de la gestion d’affaires : v. H. L. et J. MAZEAUD, Leçons de droit civil, t. II, vol. 1, Obligations, Théorie générale, 8e éd., par F. CHABAS, Montchrestien, 1991, n° 683, p. 823 ; B. STARCK, H. ROLAND et L. BOYER, Les obligations, t. 2, Le contrat, 5e éd., Litec, 1995, n° 1854, p. 770.
521 Sur cette notion, v. M. MARTEAU-PETIT, La notion d’acte de gestion et le droit des sociétés, th. Paris II, ronéo., 1992 ; v. également F. GORE, Le fondement de la gestion d’affaires, source autonome et générale d’obligations, op. cit., p. 39.
522 Req. 28 février 1910, D.P. 1911. 1. 137, S. 1916. 1. 52, Grands arrêts de la jurisprudence civile, op. cit., n° 224, pour l’hospitalisation d’un blessé ; Civ. 1re, 16 novembre 1955, J.C.P. 1956. II. 9087, note P. ESMEIN ; Lyon, 17 juin 1946, D. 1947. Somm. 9 ; T.I. Valence, 14 décembre 1960, D. 1961. 619, note F. GORE ; comp., au Québec, Lorie c. Adelstein (1914) 46 C.S. 543, pour le fait d’arrêter un cheval emballé (hypothèse qui s’est également présentée à des juges français : v. T. com. Seine, 3 janvier 1900, S. 1902.. 217, note PERREAU) ; Fontaine c. Gascon (1956) C.S. 138 ; Robitaille c. Grant (1924) 48 R.L.N.S. 353, pour l’administration du patrimoine d’autrui.
523 Civ. 28 octobre 1942, op. cit. ; civ. 1re, 16 novembre 1955, op. cit. ; Civ. 1re, 2 juin 1970, Bull. civ. I, n° 188 ; v. également, B. STARCK, H. ROLAND et L. BOYER, Les obligations, t. 2, Le contrat, op. cit., n° 1854, p. 770.
524 Nancy, 6 octobre 1988, R.T.D.civ. 1989. 540, note J. MESTRE.
525 R. BOUT, La gestion d’affaires en droit français contemporain, op. cit., n° 269 s., p. 329 s.
526 Civ. 28 octobre 1942, op. cit. ; civ. 1re, 16 novembre 1955, op. cit. ; Civ. 1re, 28 janvier 1988, Bull. civ. I, n° 16, D. 1989. 405, note D. MARTIN, J.C.P. 1989. II. 21217, note Y. DAGORNE-LABBE, R.T.D.civ. 1989. 539, obs. J. MESTRE ; Paris 29 mars 1946, D. 1946. 227 ; Poitiers, 28 avril 1948, D. 1948. 353 ; Nancy, 6 octobre 1988, op. cit. ; v. également, R. BOUT, La gestion d’affaires en droit français contemporain, op. cit., n° 348, p. 422.
527 En ce sens, v. P. LEREBOURS-PIGEONNIERE, note sous. Civ. 28 octobre 1942, op. cit. ; G. MARTY et P. RAYNAUD, Droit civil, t. II, vol. 1, 1962, n° 340 ; Ph. JESTAZ, L’urgence et les principes classiques du droit civil, L.G.D.J., 1969, préf. P. Raynaud, n° 296 et n° 304 ; M.-C. FAYARD, Les impenses, L.G.D.J., 1969, préf. R. Nerson, n° 90 s. ; R. BOUT, La gestion d’affaires en droit français contemporain, op. cit., n° 354 s.
528 Souligné par nous.
529 V. infra, n° 526.
530 Civ. 1re, 19 avril 1967, Bull. civ. I, n° 136.
531 Soc. 11 octobre 1984, Bull. civ. V, n° 369, J.C.P. 1984. IV. 346 ; Lyon, 13 mars 1969, D. 1970. Somm. 1979 ; v. également, à propos de la jurisprudence belge, J. LIMPENS et R. KRUITHOF, Examen de jurisprudence (1964-1967), Les obligations, R.C.J.B. 1969, p. 245 ; R. KRUITHOF, L’obligation de la partie lésée de restreindre le dommage, op. cit., n° 22, p. 35.
532 V. Paris, 7 décembre 1961, D. 1962. 694 ; Paris, 7 février 1964, J.C.P. 1964. II. 13593, note P. ESMEIN.
533 V. Civ. 2e, 20 mai 1969, D. 1969. 645 ; Ch. mixte, 28 janvier 1972, J.C.P. 1972. II. 17050, concl. R. LINDON ; Crim. 8 mars 1973, Gaz. Pal. 1973. 2. 589.
534 V. L. LORVELLEC, Les aspects juridiques de la violence sportive, Mélanges P. Bouzat, 1980, p. 285 ; F. ALAPHILIPPE et J.-P. KARAQUILLO, L’activité sportive dans la balance de la justice, Dalloz, 1983 ; G. DURRY, L’adéquation des notions classiques du droit de la responsabilité au fait sportif, in Les problèmes juridiques du sport, Responsabilité et assurance, Économica, 1984, p. 19 ; G. VINEY et P. JOURDAIN, Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, op. cit., n° 573-1, p. 517 s. ; comp., en droit québécois, L. GIROUX, L’acceptation des risques, (1965) 25 R. du B. 621 ; J.-L. BAUDOUIN, La responsabilité civile, 4e éd., 1985, n° 379, p. 194.
535 V. J. HONORAT, L’acceptation des risques dans la responsabilité civile, L.G.D.J., 1969, préf. J ; Flour, n° 57 s. ; F. BOUVIER, Le consentement à l’acte thérapeutique : réalités et perspectives, J.C.P. 1986. I. 3249 ; F. TERRE, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, Les obligations, op. cit., n° 707, p. 659 s.
536 V. A. MAYRAND, L’amour au volant et la règle non volenti fit injuria, (1961) 21 R. du B. 366.
537 R. O. DALCQ, L’obligation de minimiser le dommage dans la responsabilité quasi-délictuelle, op. cit., n° 17, p 369 s. ; R. KRUITHOF, L’obligation de la partie lésée de restreindre le dommage, op. cit., n° 20, p. 33.
538 R. O. DALCQ, L’obligation de minimiser le dommage dans la responsabilité quasi-délictuelle, op. cit., n° 17, p. 369.
539 Ibid., p. 370.
540 P.-J. DURAND, Des conventions d’irresponsabilité, th. Paris, 1931, n° 18, p. 65 s.
541 H. et L. MAZEAUD, obs. R.T.D.civ. 1938, n° 16, p. 465.
542 Civ. 2e, 24 janvier 1964, Gaz. Pal. 1964. 1. 384 ; Civ. 1re, 4 mai 1980, Bull. civ. I, n° 77, R.T.D.civ. 1980. 769, obs. G. DURRY.
543 Civ. 1re, 6 janvier 1987, Bull. civ. I, n° 7.
544 Sur la notion d’abus de droit, v. H. CAPITANT, Sur l’abus de droit, R.T.D.civ. 1928. 365 ; L. JOSSERAND, de l’esprit des droits et de leur relativité, Théorie dite de l’abus des droits, 2e éd., 1939 ; H. DE LA MASSUE, Responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle sous la notion d’abus du droit, R.T.D.civ. 1948. 1 ; G. RIPERT, La règle morale dans les obligations civiles, 4e éd., L.G.D.J., 1936, n° 89 ; A. PIROVANO, La fonction sociale des droits : réflexion sur le destin des théories de Josserand, D. 1972. Chron. 67 ; M. ROTONDI, Le rôle de la notion d’abus du droit, R.T.D.civ. 1980. 66 ; E. GAILLARD, Le pouvoir en droit français, Économica, 1985, préf. G. Cornu, n° 157 s. ; J. KARILA DE VAN, Le droit de nuire, R.T.D.civ. 1995. 533 ; Ph. STOFFEL-MUNCK, L’abus dans les contrats : essai d’une théorie, L.G.D.J., 2000, préf. R. Bout.
545 A. DE BERSAQUES, L’abus de droit, R.C.J.B. 1953, p. 281 ; v. également, du même auteur, L’abus de droit en matière contractuelle, R.C.J.B. 1969, p. 505.
546 T. DELAHAYE, Résiliation et résolution unilatérales en droit commercial belge, op. cit., p. 271 ; v. également, M. LIENARD, Les évènements qui influencent le dommage postérieurement au fait dommageable, Bull. Ass. 1972, p. 395 ; B. HANOTIAU, Régime juridique et portée de l’obligation de modérer le dommage dans les ordres juridiques nationaux et le droit du commerce international, op. cit., n° 29 s., p. 400.
547 V. J. de P. Namur, 14 octobre 1977, Rev. rég. dr. 1978. 495, note M. COIPEL ; J. de P. Namur, 28 octobre 1977, Rev rég. dr. 1978. 415, note M. COIPEL ; Liège, 13 février 1980, J.L. 1981. 109, note P. HENRI ; Civ. Namur, 18 février 1983, Rev. rég. dr. 1983. 329 ; Mons, 28 mai 1984, Pas. 1984. II. 133 ; Liège, 8 février 1985, R.G.A.R. 1987, n° 11284.
548 V. LESOUDIER, Obligation légale pour l’ouvrier victime d’un accident du travail de se soumettre au traitement prescrit, R.T.D.civ. 1904. 285 ; E. J. PERREAU, Soins médico-chirurgicaux s "imposant aux victimes d’un accident du travail et aux assurés-accident, Rev. crit. lég. jur. 1936, p. 305 s. ; R. MARTENS, Obligation, pour la victime d’un accident, de se soumettre à certaines interventions chirurgicales, à une réadaptation ou à une rééducation, Bull. Ass. 1954. 18 ; R. DIERKENS, Les droits sur le corps et le cadavre de l’homme, Paris, 1966, p. 93 s. ; J. MALHERBE, Médecine et droit moderne, Paris, 1969, p. 177 s. ; P.-J. DOLL, Des conséquences pécuniaires du refus par la victime d’un accident de se soumettre à une opération chirurgicale améliorante après consolidation des blessures, J.C.P. 1970. II. 2351 ; G. DURRY, obs. sous Crim. 30 octobre 1974, R.T.D.civ. 1975, p. 713 ; C. LAPOYADE-DESCHAMPS, La responsabilité de la victime, op. cit., p. 504 s.
549 R. O. DALCQ, L’obligation de minimiser le dommage dans la responsabilité quasi-délictuelle, op. cit., n° 20, p. 371 ; T. DELAHAYE, Résiliation et résolution unilatérales en droit commercial belge, op. cit., p. 273.
550 Cass. belge, 10 septembre 1981, Pas. 1982. I. 28.
551 Civ. 1re, 24 mai 1960, Bull. civ. I, n° 283 ; Civ. 3e, 8 octobre 1970, Bull. civ. III, n° 501.
552 En ce sens, v. Civ. 3e, 19 avril 1977, D. 1977. 487, note FRANCK ; Civ. 3e, 7 juin 1979, Gaz. Pal. 1979. 2. Somm. 400.
553 Civ. 3e, 17 janvier 1984, J.C.P. 1984. IV. 93, R.T.D.civ. 1984. 711, obs. J. MESTRE.
554 Ce critère est retenu par de nombreux auteurs : v. H. L. et. J. MAZEAUD, Leçons de droit civil, t. II, vol. 1, Obligations, Théorie générale, 8e éd., par F. CHABAS, op. cit., n° 455, p. 466 et n° 458, p. 468 s. ; F. TERRE, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, Les obligations, op. cit., n° 708, p. 661 ; R. O. DALCQ, L’obligation de minimiser le dommage dans la responsabilité quasi-délictuelle, op. cit., n° 18, p. 400. Il est contesté par d’autres : v. J. GHESTIN et G. GOUBEAUX, Traité de droit civil, Introduction du droit, 4e éd., avec le concours de M. FABRE-MAGNAN, n° 779 s., p. 763 s.
555 C’est l’apport de la célèbre jurisprudence Clément-Bayard : Req. 3 août 1915, Grands arrêts de la jurisprudence civile, op. cit., n° 62.
556 A. DE BERSAQUES, L’abus en matière contractuelle, op. cit. p. 497.
557 S. STIJNS, Abus, mais de quel(s) droit(s) ? Réflexion sur l’exécution de bonne foi des contrats et l’abus des droits contractuels, op. cit., p. 35 ; L. CORNELIS, La bonne foi : aménagement ou entorse à l’autonomie de la volonté, op. cit., p. 52 ; J. PERILLEUX, La bonne foi dans l’exécution du contrat, op. cit., n° 13, p. 246. C’est également la position de la jurisprudence belge : v. Cass. belge, 19 septembre 1983, R.C.J.B. 1986. 282 ; Cass. belge, 17 mai 1990, R.C.J.B. 1990. 595.
558 C’est pourtant là sa définition classique.
559 Sur la notion de dommage prévisible, v. I. SOULEAU, La prévisibilité du dommage, th. Paris II, dactyl., 1979.
560 Civ. 1re, 25 janvier 1989, J.C.P. 1989. II 21357, note G. PAISANT, D. 1989. Somm. 337, obs. J.-L. AUBERT ; en ce sens, v. également, Paris, 31 mars 1994, Gaz. Pal. 1994. 1.407.
561 V. D. TALLON, Les remèdes, Droit français, in Le contrat aujourd’hui : comparaisons franco-anglaises, sous la direction de D. Tallon et D. Harris, L.G.D.J., 1987, n° 25, p. 281.
562 A. MICHAUD, Mitigation of damage in the context of remedies for breach of contract, R.G.D. 1984, p. 311.
563 V. MOURICAULT, Rapport au Tribunal, 5 mars 1804, in FENET, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, t. XIV, p. 333.
564 M. ALTER, L’obligation de délivrance dans la vente de meubles corporels, L.G.D.J., 1972, préf. M. Catala, n° 222, p. 372.
565 A. MICHAUD, Mitigation of damage in the context of remedies for breach of contract, op. cit., p. 323.
566 H. L. et J. MAZEAUD, Leçons de droit civil, t. II, vol. 1, Obligations, Théorie générale, 8e éd., par F. CHABAS, op. cit., n° 568 s., p. 653 s.
567 F. TERRE, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, Les obligations, op. cit., n° 672 s., p. 554 s.
568 D. PHILIPPE, À propos du dommage direct et imprévisible et des clauses s’y rapportant, R.D.A.I. 1995, p. 175.
569 Souligné par nous.
570 R. E. CHARLIER, Les effets de la hausse des prix dans la responsabilité civile et administrative, J.C.P. 1947. I. 630.
571 V. A. MICHAUD, Mitigation of damage in the context of remedies for breach of contract, op. cit., p. 311 s.
572 D. 1967. 477, note P. AZARD.
573 V. supra, n° 55.
574 L. FARIBAULT, Traité de droit civil du Québec, t. 7 bis, Wilson & Lafleur, 1948, n° 465 ; C. DE LORIMIER, La Bibliothèque du Code civil de la Province du Québec, vol. VIII, Sénécal, 1883, p. 305 s. ; F. LANGELIER, Cours de droit civil de la Province de Québec, Wilson & Lafleur, 1905-1911, t. 3, p. 526 ; J. J. BEAUCHAMP, Le Code civil de la Province du Québec annoté, L.G.D.J., 1904-1905, p. 1048 s.
575 Boutin c. Paré, (1959) B.R. 466.
576 V. supra, n° 56.
577 C. MASSE, La responsabilité civile, in La réforme du Code civil, Textes réunis par le Barreau du Québec et la Chambre des notaires du Québec, t. 2, Obligations, Contrats nommés, n° 42, p. 271.
578 V. supra, n° 57.
579 Sur la notion de causalité, v. P. MARTEAU, La notion de causalité dans la responsabilité civile, th. Aix-en-Provence, 1913 ; P. ESMEIN, Trois problèmes de responsabilité civile, R.T.D.civ. 1934. 317 ; G. MARTY, La relation de cause à effet comme condition de la responsabilité civile (étude comparative des conceptions française, anglaise et allemande), R.T.D.civ. 1939. 685 ; A. JOLY, Vers un critère juridique du rapport de causalité au sens de l’article 1384, alinéa 1er, du Code civil, R.T.D.civ. 1942. 257 ; P. ESMEIN, Le nez de Cléopâtre ou les affres de la causalité, D. 1964. Chron. 105 ; F. CHABAS, L’influence de la pluralité des causes sur le droit à réparation, L.G.D.J., 1967, préf. H. Mazeaud ; B. STARCK, La pluralité des causes de dommage et la responsabilité civile, J.C.P. 1970. I. 2339 ; F. CHABAS, Bilan de quelques années de jurisprudence en matière de rôle causal, D. 1970. Chron. 113 ; A. H. HONORE, Causation and remoteness of damages, International Encyclopedia of Comparative Law, La Haye, 1971, vol. XI, chap. 7 ; H.-Ph. VISSER’T HOOFT, Causalité et sens commun : esquisse d’une analyse conceptuelle, in Etudes de logique juridique, sous la direction de Ch. Perelman, Bruylant, 1973, p. 93 ; G. VINEY et P. JOURDAIN, Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, op. cit., n° 332 s., p. 151 s.
580 Notons toutefois qu’il existe une troisième théorie, dite de la proxima causa, que l’on doit à l’anglais BACON, et qui commande de ne retenir, parmi les antécédents du dommage, que celui qui s’est chronologiquement produit le dernier. Elle n’a jamais été retenue par la jurisprudence française. Rejet qui se comprend aisément : l’ordre chronologique n’est pas forcément l’ordre causal et l’élément le plus récent n’est pas forcément l’élément déterminant d’un point de vue causal.
581 C’est principalement à l’auteur allemand VAN BURI que l’on doit cette théorie : v. VAN BURI, Die Kausalität und ihre strafrechtliche Beziehungen, 1855 ; sur cette théorie, v. également, A. H. HONORE, Causation and remoteness of damages, op. cit., n° 60 s. ; G. VINEY et P. JOURDAIN, Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, op. cit., n° 339, p. 160.
582 La paternité de cette théorie est attribuée à un autre auteur allemand, VAN KRIES : v. Die Prinzipien der Wahrscheintichkeitsrechnung, 1886. Elle a ensuite été perfectionnée par RÜMELIN : v. Die Verwendung der Kausalbegriffe in Straf- und Zivilrecht, Archiv fur zivilistische Praxis, 1900, vol. XC. En France, elle a été défendue notamment par G. MARTY : v. La relation de cause à effet comme condition de la responsabilité civile (étude comparative des conceptions française, anglaise et allemande), op. cit. ; sur cette question, v. également G. VINEY et P. JOURDAIN, Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, op. cit., n° 340-1, p. 161.
583 V., par exemple, Civ. 2e, 12 décembre 1968, Bull. civ. II, n° 306 ; R.T.D.civ. 1969. 569, obs. G. DURRY ; Civ. 1re, 16 juin 1969, Bull. Civ. I, n° 230 ; Com. 30 juin 1969, Bull. Civ. IV, n° 249 ; Crim. 14 janvier 1970, D. 1970. Somm. 97 ; Civ. 2e, 25 octobre 1973, Bull. civ. II, n° 277 ; Civ. 2e, 2.3 juin 1993, Bull. civ. II, n° 228, 1er arrêt ; Versailles, 30 mars 1989, J.C.P. 1990. IL, 21505, note A. DORSNER-DOLIVET, R.T.D.civ. 1992. 117, obs. P. JOURDAIN ; Toulouse, 6 mai 1993, D. 1993. 555, note Ph. LE TOURNEAU.
584 V., par exemple, Civ. 2e, 3 janvier 1962, R.T.D.civ. 1963. 100, obs. A. TUNC ; Civ. 2e, 20 décembre 1966, R.T.D.civ. 1967. 818, obs. G. DURRY ; Crim. 13 novembre 1975, Gaz. Pal. 1976. 1. 178 ; Civ. 2e, 24 mai 1978, J.C.P. 1979. II. 19714, note N. DEJEAN DE LA BÂTIE ; Civ. 2e, 11 janvier 1979, Bull. civ. II, n° 19 ; Paris, 7 juillet 1989, Gaz. Pal. 1989. 2. 752, concl. PICHOT.
585 P. ESMEIN, Le nez de Cléopâtre ou les affres de la causalité, op. cit., p. 205 ; B. STARCK, H. ROLAND et L. BOYER, Obligations, t. 1, Responsabilité délictuelle, op. cit., n° 1060, p. 437.
586 B. STARCK, H. ROLAND et L. BOYER, Obligations, t. 1, Responsabilité délictuelle, op. cit., n° 1060, p. 437.
587 Il est intéressant de noter, au passage, que l’examen du droit comparé conduit à des conclusions semblables, à ceci près que la théorie « dominante » de la causalité peut ne pas être la même que celle qui connaît les faveurs de la jurisprudence française. En Allemagne, la jurisprudence se réfère ainsi généralement à la théorie de l’équivalence des conditions. C’est également la position du droit belge : v. R. O. DALCQ, La notion de causalité en matière de responsabilité acquilienne, R.G.A.R. 1959, n° 6336 ; La responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle, Examen de jurisprudence (1980-1986), R.C.J.B. 1989, p. 391 s., spéc. p. 415 ; D. PHILIPPE et I. DE LA SERNA, Inédits du droit de la responsabilité III, J.M.B. 1990, ρ 300 s. Le droit québécois, quant à lui, malgré une jurisprudence difficile à synthétiser - mais est-ce vraiment une originalité en la matière ? - préfère généralement la théorie de la causalité adéquate. On y distingue, en effet, la cause véritable, ayant objectivement rendu possible la réalisation du dommage et les simples circonstances ou occasions du dommage : v. J.-L. BAUDOUIN, La responsabilité civile délictuelle, op. cit., n° 352, p. 182 s.
588 R. O. DALCQ, L’obligation de minimiser le dommage dans la responsabilité quasi-délictuelle, op. cit., n° 21, p. 371.
589 P. AZARD, note sous Montpellier, 9 décembre 1965, D. 1967. 477 ; A. MICHAUD, Mitigation of damages in the context of remedies for breach of contract, op. cit., p. 313 ; V. HEUZE, La vente internationale de marchandises, G.L.N. Joly, 1992, n° 437, note 497.
590 V. HEUZE, La vente internationale de marchandises, op. cit., n° 437, note 497.
591 Liège, 24 juin 1986, inédit, cité par R. O. DALCQ, L’obligation de minimiser le dommage dans la responsabilité quasi-délictuelle, op. cit., n° 22, p. 371.
592 HAYOIT DE TERMICOURT, concl. avant Cass. Belge, 8 mai 1952, Pas. 1952. I. 570, spéc. p. 575.
593 V. Crim. 30 octobre 1974, D. 1975. 178, note R. SAVATIER, J.C.P. 1975. II. 18038, obs. L. MOURGEON, R.T.D.civ. 1975. 713, obs. G. DURRY ; Civ. 1re, 19 mai 1987, D. 1987. I.R. 138 ; comp., en dehors de tout débat sur la faute de la victime, Civ. 2e, 20 juin 1985, Bull. civ. II, n° 125 ; Crim. 16 octobre 1987, J.C.P. 1987. IV. 391 ; Civ. 2e, 3 octobre 1990, J.C.P. 1990. IV. 378.
594 Souligné par nous.
595 Lyon, 6 juin 1975, D. 1975. 415, note R. SAVATIER, J.C.P. 1976. II. 18322, obs. L. M.
596 Sur la notion d’implication, v. F. CHABAS, Brèves remarques complémentaires sur la notion d’implication et son rôle, Gaz. Pal. 1986 1. Doctr. 262 ; H. GROUTEL, L’implication des véhicules dans la loi du 5 juillet 1985 (à propos des arrêts rendus par la Deuxième Chambre civile le 21 juillet 1986), D. 1987. Chron. I.
597 V. P. JOURDAIN, Implication et causalité dans la loi du 5 juillet 1985, op. cit. ; R. RAFFI, Implication et causalité dans la loi du 5 juillet 1985, D. 1994. Chron. 158 ; en ce sens, v. également, Civ. 2e, 4 décembre 1985, Bull. civ. II, n° 186 ; Civ. 2e 19 février 1986, J.C.P. 1986. IV. 121 ; Civ. 2e, 11 avril 1986, J.C.P. 1986. II. 20672, note J.-F. BARBIERI ; Civ. 2e, 17 mars 1993, J.C.P. 1993. IV. 1311 ; Civ. 2e, 28 juin 1995,. 1995. I.R. 215.
598 Civ. 2e, 28 juin 1989, Gaz. Pal. 24 novembre 1989, p. 9, note F. CHABAS, Resp. civ. et assur. 1989, n° 304, obs. H. GROUTEL, J.C.P. 1990. II. 21508, note J.-C. MONTANIER, R.T.D.civ. 1990. 94, obs. P. JOURDAIN ; Civ. 2e, 16 janvier 1991, Bull. civ. II, n° 16 ; v. également, M. BEHAR-TOUCHAIS, Observations sur l’exigence d’imputabilité du dommage à l’accident de la circulation, J.C.P. 1991. I. 3492.
599 Civ. 2e, 8 novembre 1989, Bull. civ. II, n° 200, R.T.D.civ. 1990. 96, obs. P. JOURDAIN ; Civ. 2e, 3 mars 1993, Bull. civ. II, n° 82.
600 P. JOURDAIN, obs. R.T.D.civ. 1996, p. 406.
601 Crim. 13 juin 1991, Bull. crim. n° 250, Resp. civ. et assur. 1991, n° 383, et chron. n° 26, par H. GROUTEL, R.T.D.civ. 1992. 125, obs. P. JOURDAIN ; Civ. 2e, 24 janvier 1996, Resp. civ. et assur. 1996, n° 131, R.T.D.civ. 1996. 406, obs. P. JOURDAIN ; Civ. 2e, 6 novembre 1996, Resp. civ. et assur. 1997, n° 18.
602 D. 1997. 384, note Ch. RADE, J.C.P. 1998. II. 10005, note Ph. BRUN, ibid. 1997. I. 4070, n° 32, obs. G. VINEY, Resp. civ. et assur. 1997, n° 163, obs. H. GROUTEL.
603 V. également, Civ 2e, 24 octobre 1990, Bull. civ. II, n° 210, R.T.D.civ. 1991. 131, obs. P. JOURDAIN ; Civ. 2e, 16 octobre 1991, J.C.P. 1992. II. 21934, note Ph. CONTE, D. 1992. Somm. 273, J.-L. AUBERT, R.T.D.civ. 1991. 550, obs. P. JOURDAIN.
604 V. supra, n° 257.
605 V. ibid.
606 V. supra, n° 146 s.
607 V. ibid.
608 Civ. 2e, 6 avril 1987, 3 arrêts, J.C.P. 1987. 1. 20828, note F. CHABAS, Defrénois 1987. 113, note J.-L. AUBERT, R.T.D.civ. 1987. 767, obs. J. HUET, D. 1988. 32, note Ch. MOULY, affirmant que « le gardien de la chose instrument du dommage est partiellement exonéré de sa responsabilité s’il prouve que la faute de la victime a contribué à la production du dommage » et ne visant donc, comme cause exonératoire, que le seul fait fautif de la victime.
609 Chartier c. Laramée, (1969) B.R. 80 (1969) R.C.S. 771.
610 J.-L. BAUDOUIN, La responsabilité délictuelle, op. cit., n° 364, p. 188.
611 J. DABIN et A. LAGASSE, Examen de jurisprudence, Responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle (1959 à 1963), R.C.J.B. 1964, p. 335 ; v. également, retenant ce terme, Bruxelles, 26 mars 1974, R.G.A.R. 1975, n° 9405, note J.-F.
612 V. D. TALLON, L’inexécution du contrat : pour une autre présentation, R.T.D.civ. 1994, p. 230, article concernant essentiellement le droit des contrats, mais dont l’idée est parfaitement transposable au droit de la responsabilité délictuelle, l’auteur lui-même se prononçant d’ailleurs pour la construction d’une véritable théorie générale des remèdes ; Ch. ANDRE, Le fait du créancier contractuel, L.G.D.J., 2002, préf. G. Viney.
613 P.-Y. GAUTIER, Contre Bentham : l’inutile et le droit, R.T.D.civ. 1995, p. 822.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les sources complémentaires du droit d’auteur français
Le juge, l’Administration, les usages et le droit d’auteur
Xavier Près
2004
Compensation écologique
De l'expérience d'ITER à la recherche d'un modèle
Virginie Mercier et Stéphanie Brunengo-Basso (dir.)
2016
La mer Méditerranée
Changement climatique et ressources durables
Marie-Luce Demeester et Virginie Mercier (dir.)
2022