La limitation responsabilité dans le droit maritime
p. 17-44
Texte intégral
1Une fois que la responsabilité du transporteur est engagée, il doit indemniser le destinataire (ou le chargeur) pour toute perte ou avarie ou retard.
2Dans les transports maritimes une responsabilité illimitée est de nature à entraver le développement de ce secteur économique vital pour plusieurs nations1.
« La limitation de responsabilité a revêtu diverses formes depuis qu’elle est apparue au xvie siècle, en Europe occidentale, dans des lois qui visaient à l’origine à encourager les investissements dans des navires marchands »2.
3Par le passé « Le Consulat de la Mer » avait permis au transporteur de ne pas réparer entièrement les dommages dus à la navigation. Avant la Convention de Bruxelles, presque toutes les législations maritimes connaissaient la responsabilité limitée du transporteur sous des formes variées. À cette époque
« Le transporteur, craignant que sa responsabilité ne soit trop étendue, se couvre par une clause limitative de responsabilité… Si l’expédition est faite avec valeur déclarée ; c’est la déclaration de valeur qui constitue le maximum de l’indemnité à payer par l’armateur. Les clauses limitatives de responsabilité sont certainement valables ; la jurisprudence les déclare, en effet, valables »3.
4Les risques dans les transports maritimes sont très grands malgré le développement technologique en la matière (automatisation, informatique communication par satellites, radars, etc.)4. La valeur des navires et celle des marchandises sont très grandes. Ces valeurs importantes et qui ne cessent d’augmenter avec le temps impliquent des risques très élevés et par conséquent des coûts d’exploitation du transporteur tendanciellement élevés5. De plus dans ce domaine des transports maritimes, la concurrence sous toutes ses formes est incessante et rude6.
5Les transporteurs maritimes ne peuvent continuer à investir dans ce domaine sans l’assurance d’une certaine rentabilité de ce secteur7. Cette rentabilité ne serait possible que si certaines conditions étaient réunies parmi lesquelles une limitation de responsabilité soit garantie par les législations nationales et, soit par les conventions internationales.
6Chaque pays veut protéger sa flotte et assurer l’expansion de son armement soit pour soutenir le commerce extérieur national, soit pour économiser ou gagner des devises, soit enfin pour une combinaison de toutes ces raisons auxquelles il faut ajouter l’indépendance nationale au sens large du terme. La limitation de responsabilité constitue un moyen parmi d’autres pour protéger et aider l’armement national8.
7Le transporteur maritime, malgré le développement des moyens de communication, n’a pratiquement aucun contrôle matériel sur ses préposés une fois que le navire est en mer. Néanmoins sa responsabilité est engagée dans une certaine mesure si la faute de ses préposés est commerciale et non nautique (selon certains droits et conventions). Il serait illogique de sanctionner un transporteur pour des pertes ou avaries causées par la faute de ses préposés dans la navigation et dans l’administration du navire qui échappent matériellement à son contrôle9.
8Pour les raisons mentionnées auparavant, les lois nationales et les conventions internationales limitent la responsabilité de l’armateur propriétaire de navire10 et celle du transporteur11. C’est cette dernière qui nous intéresse.
I. Le principe de la limitation de responsabilité
9Le principe de la limitation de responsabilité est défini ainsi par P. Chauveau : « Lorsque la responsabilité est encourue, un maximum est fixé à cette responsabilité qui ne peut être dépassée qu’en cas de déclaration de valeur »12.
10L’article 4, paragraphe 5 de la Convention de Bruxelles prescrit :
« Le transporteur comme le navire ne seront tenus responsables en aucun cas des pertes ou dommages causés aux marchandises ou les concernant pour, une somme dépassant 100 livres sterling par colis ou unité, ou l’équivalent de cette somme en une autre monnaie, à moins que la nature et la valeur de ces marchandises n’aient été déclarées par le chargeur avant leur embarquement et que cette déclaration ait été insérée au connaissement ».
11Cette limitation de responsabilité a été demandée à la Conférence de La Haye en 1921. Les représentants des armateurs ont souligné qu’il convenait de protéger le transporteur contre « les prétentions excessives et inattendues des propriétaires des marchandises »13.
12Cette limitation revendiquée par les transporteurs et accordée à eux par la convention de Bruxelles et par la suite par les lois nationales, fonctionne dans tous les cas où cette responsabilité existe, sauf :
en cas de déclaration de valeur des marchandises (article 4, paragraphe 5 de la Convention de Bruxelles de 1924 ; article 266 du DCCM, article 28 de la loi française du 18 juin 1966…).
en cas de dol et de faute lourde14 (l’article 28 de la loi française de 1966 dans son alinéa a) se réfère à la notion de dol, la loi du 23 décembre 1986 ; la Convention de Bruxelles de 1924 et le DCCM ont gardé le silence à propos du cas de dol et de faute lourde).
13Les Règles de Hambourg ont adapté les dispositions du Protocole de 1968 à ce sujet (article 8) :
« 1. Le transporteur ne peut pas se prévaloir de la limitation de responsabilité prévue à l’article 6 s’il est prouvé que la perte, le dommage ou le retard à la livraison résulte d’un acte ou d’une omission du transporteur commis soit avec l’intention de provoquer cette perte, ce dommage ou ce retard, soit témérairement et en sachant que cette perte, ce dommage ou ce retard en résulterait probablement.
2. Nonobstant les dispositions du paragraphe 2 de l’article 7, un préposé ou un mandataire du transporteur ne peut pas se prévaloir de la limitation de responsabilité prévue à l’article 6 s’il est prouvé que la perte, le dommage ou le retard à la livraison résulte d’un acte ou d’une omission de ce préposé ou de ce mandataire, commis soit avec l’intention de provoquer cette perte, ce dommage ou ce retard, soit témérairement et en sachant que cette perte, ce dommage ou ce retard en résulterait probablement ».
14Il nous paraît nécessaire d’aborder les points suivants en détail en ce qui concerne la limitation de responsabilité
Base de calcul de l’indemnité
Cas où la limitation légale est écartée
Quels sont les bénéficiaires de la limitation de Responsabilité ?
II. Base de calcul de l’indemnité
15La Convention de Bruxelles de 1924 dans son article 4, paragraphe 5 indique la base de calcul de la limitation de responsabilité « par colis ou unité ». La loi française du 18 juin1966 (article 29) va dans le même sens : « La responsabilité du transporteur ne peut dépasser pour les pertes ou dommage subis par les marchandises, et par colis ou par unité, une somme dont le montant sera fixé par décret ». Le DCCM dans son article 266 ne se réfère qu’au colis.
16Néanmoins ces bases de calcul ont posé et posent des problèmes. Ces problèmes se résument en trois points que le Doyen Rodière présente ainsi :
« 1° - qu’est-ce qu’un colis ?
2° - Qu’est-ce que l’unité dont il faut tenir compte ?
3° - quand le titre de transport mentionne à la fois un nombre et un poids (ou un volume), faut-il se référer au nombre c’est-à-dire finalement à la notion de colis ou au poids (ou au volume) c’est-à-dire finalement à la notice d’unité ? »15.
A. Qu’est-ce qu’un colis ?
17Selon Ripert, on peut entendre par colis des marchandises individualisées portées au connaissement en fonction de leur nombre16.
18Le Doyen Rodière définit le colis comme
« un élément de cargaison, reconnu par des marques distinctives et porté sur le titre de transport. Cette définition… assure la sécurité pécuniaire du transporteur ; elle correspond à ce dont la convention des parties charge contractuellement le transporteur »17.
19La notion de colis pose des problèmes avec les transports unitarisés : palettes, conteneurs ou engins similaires. L’attendu de jugement rendu le 19 décembre 1973 par le tribunal de commerce du Havre montre bien les difficultés qui existent en ce qui concerne la définition du colis : « il convient donc d’examiner chaque cas particulier avec soin pour déterminer ce qui a été pris en charge au moment de l’embarquement ».18
20Le Président de Chambre au tribunal de commerce de Paris, Gervais de Rouville, déclara lors d’une réunion de la Commission de la Conférence générale des présidents et juges des tribunaux de commerce de France,
« qu’il est généralement admis que, conformément à l’arrêt déjà ancien de la Cour de cassation du 12 octobre 1964, c’est aux déclarations inscrites par le chargeur au connaissement qu’il faut se reporter pour savoir si le transporteur est responsable d’un seul colis ou d’autant de colis qu’il y a de lots dans le conteneur »19.
21En ce qui concerne l’application de la notion de colis au conteneur, les tribunaux français ont tendance à se référer aux décisions des tribunaux des États-Unis. En effet, dans une affaire soumise au tribunal de commerce du Havre20, les juges se sont expressément référés à l’arrêt Kulmerland rendu le 13 août 1973 par la Cour d’appel de New York21.
22L’affaire présentée devant le tribunal de commerce du Havre est la suivante : 9 260 colis de genres différents avaient été chargés dans 9 conteneurs. Le chargeur, en dénombrant de manière très précise le contenu de chaque conteneur sur une annexe au connaissement, estimait engager, en cas de sinistre, la pleine responsabilité du transporteur. Le contenu d’un des conteneurs, à savoir 650 balles de riz, chaque balle comprenant à son tour 6 paquets de 10 livres anglaises, avait été sinistré.
23Le tribunal, en invoquant le critère retenu par la décision de l’arrêt Kulmerland a statué :
« Attendu en effet qu’un colis, dans le sens maritime du terme ne peut être qu’une unité susceptible de supporter les aléas d’un transport maritime ; que tel n’est évidemment pas le cas pour ces ballots de riz tels qu’ils sont décrits ;
Attendu qu’il est constant que tel qu’il a été conditionné, le riz ne pouvait être reçu à bord d’un navire conventionnel, y être arrimé et supporter les aléas du voyage ; qu’il était indispensable de fournir à ce riz une véritable protection et que cette protection n’a été autre que le conteneur »22.
24Dans l’affaire Kulmerland, la Cour d’appel de New York selon P. Bonassies n’a pas attaché « une grande importance à la dimension du conteneur, ni même aux mentions portées sur le connaissement ». Pour la Cour « il faut déterminer un critère qui permette d’aboutir à une prévisibilité raisonnable. On ne peut la trouver que dans un critère économique et fonctionnel ». Dans cette perspective, estime la Cour, « la première question, quand un conteneur est en cause, est de savoir si son contenu aurait pu être facilement transporté dans les paquets ou les cartons individuels dans lesquels il a été emballé par l’expéditeur ».
25La Cour conclut :
« Le critère de l’unité fonctionnelle de conditionnement que nous proposons aujourd’hui est destiné à fournir un critère de sens commun à partir duquel toutes les parties concernées peuvent, lors de la conclusion du contrat, répartir leurs responsabilités pour dommages, acquérir des assurances supplémentaires si nécessaire, et aussi éviter les difficultés d’un litige »23.
26Les hésitations des juges dans l’application de la notion de colis au conteneur avaient montré l’urgence d’une réforme. En effet les problèmes sont apparus avec l’utilisation d’engins de groupement de colis, essentiellement les conteneurs. Ces engins ont souvent un contenu qui n’a plus de rapport avec la valeur de 100 livres or fixée par la Convention de Bruxelles de 1924. On a donc décidé de revoir le plafond et le système de la limitation de responsabilité. Le Protocole de 1968 précise cette question de colis dans le cadre d’engins de groupement. L’article 2, paragraphe c du Protocole tranche le problème de la façon suivante :
« Lorsqu’un cadre, une palette ou tout engin similaire est utilisé pour grouper des marchandises, tout colis ou unité énuméré au connaissement comme étant inclus dans cet engin sera considéré comme un colis ou unité au sens de ce paragraphe. En dehors du cas prévu ci-dessus cet engin sera considéré comme un colis ou unité ».
27La tendance va dans le même sans que le Protocole de 1968. Si le connaissement porte uniquement la mention « conteneur » contenant tel type de marchandise sans que le nombre soit spécifié, le conteneur sera considéré comme un colis24. En revanche, quand le connaissement indique le nombre de colis qui sont inclus dans le conteneur, les tribunaux décident que chaque colis constitue un colis au sans de la limitation de responsabilité25. On retrouve la même jurisprudence dans les droits étrangers (Canada, États-Unis, etc.). Il faut bien noter que le conteneur en lui-même est considéré comme un colis étant donné sa valeur en tant qu’unité de charge.
B. Qu’est-ce que l’unité dont il faut tenir compte ?
28La notion d’unité pose plus de problèmes que celle de colis. Elle a été qualifiée de « manifestement ambiguë ». Notons que le DCCM ne mentionne nullement la notion d’unité.
29Selon Rodière26, on peut distinguer trois conceptions possibles en ce qui concerne l’unité :
L’unité matérielle (objet du transport) mentionnée au connaissement ou « commodity unit ».
L’unité matérielle telle qu’elle est utilisée dans la police ou « shipping unit ».
L’unité habituelle de fret ou « customary freight unit ».
30Pour certains auteurs, il faut se référer à l’unité indiquée sur le connaissement aux fins d’identifier la marchandise, pour d’autres à l’unité de fret.
31La jurisprudence française est favorable à la conception de l’unité matérielle mentionnée au connaissement27. Cette conception a l’avantage d’assurer une certaine sécurité des parties : chargeur et transporteur peuvent d’avance calculer le montant de la limitation et « le chargeur saura s’il a intérêt à faire une déclaration de valeur »28.
32Bien que la jurisprudence française attache une importance considérable aux énonciations du connaissement lorsqu’il s’agit d’une marchandise chargée en vrac, il n’en est pas ainsi quand elle se trouve en présence de gros envois comme des camions ou des automobiles.
33Par exemple, dans une affaire concernant un camion, le tribunal de commerce du Havre avait considéré le camion comme un colis, n’avait pas tenu compte des mentions du connaissement indiquant le poids du camion et avait rejeté la demande du chargeur désirant que l’on prenne en considération le poids du véhicule mentionné au connaissement29.
34Pour une affaire similaire, le tribunal de commerce du Havre avait considéré que le raisonnement du chargeur ne correspondait pas à l’interprétation de la jurisprudence concernant 1’unité et avait décidé
« il ne peut y avoir de calcul par unité que lorsqu’on se trouve en présence d’une marchandise voyageant en vrac et qui ne constitue pas de ce fait un ou plusieurs colis. Lorsqu’on se trouve au contraire en présence d’une marchandise unique, portant des marques spécifiques, et quel que soit son poids, sa dimension et son encombrement, cette marchandise constitue un colis »30.
35Toutefois dans une autre affaire, le même tribunal avait jugé qu’une voiture transportée à nu ne constituait pas un colis aux termes de la Conventions de Bruxelles et qu’il convenait de prendre en considération le maximum de responsabilité du transporteur maritime en fonction de l’unité utilisée au connaissement, c’est-à-dire la tonne31.
36La conception d’unité de fret insérée au connaissement et qui doit servir à calculer l’indemnité présente le même inconvénient que la première conception (unité de marchandise). Car
« pour une même expédition, un connaissement peut indifféremment exprimer le poids qui sert au calcul du fret en kilo, en quintal ou en tonne, de sorte que la limite de responsabilité varierait suivant les hasards du libelle du connaissement »32.
37C’est cette conception de l’unité de fret qui a été choisie par la législation américaine dans la loi de 1936 :
« Ni le transporteur ni le navire ne seront ou ne deviendront en aucun cas responsables d’aucune perte ou dommage aux marchandises pour une somme supérieure à 500 dollars par colis de monnaie légale aux États-Unis, ou dans le cas de marchandises non chargées en colis, par unité habituelle de fret ou l’équivalent de cette somme… » (Art. 4, n° 5, paragraphe 1).
38En application de ce texte, les tribunaux américains ne tiennent pas compte de l’unité de fret basée sur le tarif de la conférence à laquelle appartient le transporteur. Dans une affaire soumise à la Cour de New York, s’agissant d’un transport d’automobiles chargées à Hambourg à destination de New York et arrivées avariées, le connaissement couvrant le transport mentionnait 61 véhicules du fret total de 4 390 dollars, c’est-à-dire 72 dollars par voiture. Le destinataire prétendait que la limitation légale devait être calculée par unité volumétrique (le mètre cube), basée sur le tarif de la conférence à laquelle appartenait l’armateur. Les juges n’ont pas suivi l’argumentation du destinataire et ont décidé qu’en droit les mentions du connaissement primaient et que par conséquent la voiture devait être considérée comme l’unité de fret33.
39Dans une autre affaire, la jurisprudence américaine avait opté pour le poids en tant qu’unité de compte :
« … un tracteur, d’un poids de 43 319 livres, qui avait été expédié sans patins mais avec la superstructure recouverte en partie d’un coffrage de bois, avait été livré endommagé. Le transporteur aurait voulu limiter sa responsabilité à 500 dollars, en alléguant que ce tracteur était un “colis”, mais le tribunal a jugé que la responsabilité du transporteur ne pouvait être limitée qu’à 500 dollars par tonneau d’encombrement (base sur laquelle le fret avait été calculé) et que, comme le tracteur représentait 34,6 tonneaux d’encombrement, la responsabilité s’élevait à 34,6 x 500, soit 17 300 dollars »34.
40Le tribunal d’Alexandrie est allé dans un sens différent en déclarant qu’une voiture transportée à nu ne constitue pas un colis et que par conséquent la limitation de responsabilité de 100 livres ne s’appliquait pas, mais qu’il fallait se référer à la valeur de la voiture. Ce jugement donne à penser que le tribunal d’Alexandrie considérait que le transporteur qui avait accepté l’énonciation sur le connaissement de la nature de la voiture et de sa marque, avait accepté la valeur réelle de la voiture. Les indemnités se calculaient dans ce cas en fonction de la valeur de la voiture et non en fonction de la limitation légale35.
41Dans une affaire similaire, la jurisprudence marocaine avait suivi la décision du tribunal d’Alexandrie :
« L’article 266 du DCCM limitant à 100 000 francs par colis la responsabilité de l’armateur lorsqu’aucune déclaration de valeur ne figure au connaissement, ne saurait s’appliquer lorsqu’il s’agit du transport d’un véhicule neuf, d’une marque connue, et d’un prix déterminé officiellement, qui voyage à nu, le transporteur ayant alors une pleine connaissance de sa valeur réelle »36.
III. Cas où la limitation légale est écartée
A. Déclaration de valeur
42Dans la pratique les chargeurs ne déclarent pas la valeur de la marchandise sur les connaissements pour des raisons multiples. La raison la plus simple est le risque de payer un faux de fret ad valorem qui serait plus élevé. Les chargeurs trouvent souvent moins onéreux ou plus pratique de prendre une assurance que de déclarer la valeur de la marchandise.
43Les parties peuvent fixer d’un commun accord une somme autre que celle de la limitation de responsabilité, manifestée par une clause du connaissement (Convention de Bruxelles de 1924, article 4, paragraphe 5, alinéa 3). Mais cette possibilité de clause est rarement utilisée dans la pratique37. Le moyen relativement utilisé par les chargeurs est ce qu’on appelle la déclaration de valeur (article 4, paragraphe 5 de la Convention de Bruxelles de 1924, article 28, b de la loi française du 18 juin 1966 et article 266 du DCCM). Comme le souligne P. Chauveau : « Pas plus que la limitation conventionnelle, la valeur déclarée ne constitue une clause pénale »38. Il s’agit d’une présomption concernant la valeur et la nature de la marchandise39. Cette déclaration doit être faite : 1) avant l’embarquement, 2) elle doit être indiquée sur le connaissement, 3) elle doit porter sur la valeur et la nature de la marchandise ; cette mention de la nature de la marchandise est exigée par la Convention de 1924. Par contre la loi de 1966 et le DCCM ne mentionnent que la valeur déclarée.
44Mais la déclaration de la valeur nous conduit logiquement à préciser la nature de la marchandise et les soins qu’il faut lui réserver.
45Le problème se pose quand la déclaration de valeur n’est mentionnée que sur la police d’assurance40. La Cour de Cessation en France a répondu que la valeur déclarée sur la police d’assurance constitue en quelque sorte une déclaration de valeur41. Cet arrêt a fait l’objet d’une critique de la part de P. Lureau. Selon cet auteur, l’assurance et le transport sont deux contrats distincts, réunis sur le même titre. En assurant la marchandise, le transporteur n’agit que comme mandataire de l’assureur, il ne fait évidemment pas partie au contrat d’assurance qui figure au connaissement par simple commodité pratique.
46C. Scapel estime, de sa part, que cette décision aboutit à un résultat fâcheux. D’après Scapel, cette décision dénature les intentions contractuelles des parties, puisque le transporteur n’a pas reçu la contrepartie normale de la déclaration de valeur et donc l’extension de sa responsabilité : le paiement d’un fret ad valorem42.
47De même sous l’empire de la loi du 18 juin 1966, le tribunal de Commerce de Marseille est allé dans le même sens et a décidé que la valeur déclarée par le transporteur pour assurer la marchandise pourrait équivaloir à une déclaration de valeur43.
48Les effets de la déclaration de valeur peuvent se résumer ainsi il faut savoir si la déclaration de valeur est exacte ou si elle est supérieure ou inférieure à la valeur exacte de la marchandise.
si la valeur déclarée de la marchandise est exacte, le transporteur est tenu à dédommager le chargeur jusqu’à concurrence de ce montant en cas de perte totale. En cas de perte partielle ou d’avarie, le transporteur paiera une somme proportionnelle au dommage survenu, comme dans le domaine des assurances44.
si la valeur déclarée de la marchandise est supérieure ou inférieure à la valeur exacte, deux cas se présentent :
Dans le cas de la déclaration de valeur de la marchandise supérieure à la valeur exacte, la Convention de Bruxelles de 1924 (article 4, paragraphe 5), la loi du 18 juin 1966 (article 31), et le DCCM du 31 mars 1919 (article 269) sanctionnent le chargeur de perte de tout droit à une indemnité en cas de pertes ou d’avaries45.
L’article 269 du DCCM est beaucoup plus sévère puisqu’il énonce : « Lorsque la déclaration inexacte sur la nature, la valeur ou la quantité des marchandises embarquées aura été faite de bonne foi, elle aura pour sanction l’obligation de payer un fret double »46.Dans le cas de la déclaration de valeur de la marchandise inférieure à la valeur exacte, une décision de la Cour de Cessation du 27 décembre 1943 en France avait condamné le chargeur pour avoir fait une déclaration inférieure à la valeur réelle47.
B. Déchéance de la limitation de responsabilité en cas de dol
49La question de déchéance de la limitation de responsabilité se pose en cas de faute lourde et de dol. La question avait été laissée sans réponse par le Code marocain de 1919 comme par la Convention de 1924 ainsi que la loi de 1936 du droit maritime français. Tous ces textes ont prévu une seule exception à la limitation légale de responsabilité du transporteur maritime, celle de la déclaration de valeur.
50En cas faute, la jurisprudence a souvent été indulgente vis-à-vis des transporteurs. En droit français, la limitation est écartée dans le cas de dol, c’est-à-dire dans le cas de faute intentionnelle et volontaire du transporteur48. La loi du 18 juin 1966 et le protocole de 1968 ont intégré la déchéance en cas de dol. Le Protocole de 1968 a ajouté la faute commise « témérairement et avec conscience qu’un dommage en résulterait probablement » ce qui signifie une faute inexcusable.
51En France la Cour de cassation avait décidé que seul le dol, faute intentionnelle et volontaire, et non la faute lourde, entraînait déchéance de la limitation49.
52Dans une affaire présentée devant la Cour d’appel de Rouen concernant le transport de conteneurs renfermant deux moteurs d’avion chargés à New York à destination de Douala et couvert par un connaissement net de réserves et régit par la Convention de Bruxelles, les conteneurs avaient été chargés en cale comme il était prévu, non pas étaient arrimés debout sur leur socle, mais couchés et avaient été manipulés au débarquement par roulement sur eux-mêmes. Les marchandises avaient été livrées endommagées en raison de ce mode d’arrimage et de manipulation.
53La Cour d’appel de Rouen n’a pas jugé la faute du capitaine dolosive et a fait bénéficier le transporteur de la limitation légale. Cette décision a été confirmée par la Cour de cassation pour la raison suivante :
« Les juges du fond ont déclaré, sans être critiqués à cet égard par le pourvoi, que les fautes ainsi commises par le capitaine n’avaient pas été intentionnelles ; qu’ils ont pu, en conséquence déclarer, sans avoir à tenir compte de la plus ou moins forte gravité de ces fautes, et aucune fraude n’ayant été d’ailleurs alléguée, que la limitation légale de responsabilité édictée en faveur du transporteur par la Convention de Bruxelles trouvait ici son application »50.
54Dans une décision rendue par la Cour d’appel de Paris, les agissements du transporteur ont été qualifiés de dolosifs51.
55D’après la jurisprudence, il semble que la distinction entre dol et faute lourde soit très délicate à faire. Néanmoins la jurisprudence n’a jamais, à notre connaissance, admis l’assimilation de la faute lourde au dol. Comme on l’a mentionné, la loi de 1966 a opté pour la déchéance de la limitation en cas de dol52. Dans une affaire concernant le transport de foies de porc congelés et avariés, ceux-ci furent chargés à bord d’un navire à New York sans que le capitaine ait pris des réserves sur le connaissement.
56Le tribunal de commerce53 et la Cour d’appel54 de Rouen décidèrent que le fait que le capitaine n’ait pas pris des réserves sur le connaissement ne constituait pas une faute lourde. En conséquence, la déchéance de la limitation de responsabilité ne fut pas appliquée. La Cour de cassation55 renvoya la cause à la Cour d’appel de Rennes au motif que la Cour d’appel de Rouen, en décidant qu’il n’y avait pas eu faute lourde, n’avait pas permis à la Cour de cassation d’exercer son contrôle sur la nature de la faute commise. Dès lors, la Cour d’appel de Rennes56 décida qu’une faute lourde avait été commise, ce qui invalidait la limitation de responsabilité par colis. Comme le remarque Ripert,
« … dans aucune de ses dispositions, la Convention de Bruxelles du 25 août 1924, à la différence de certains traités qui l’ont précédée ou suivie, ne fait une quelconque allusion à la faute lourde du transporteur maritime pour décider que cette faute doit faire échec à la limitation de responsabilité qu’elle édicte »57.
57En droit américain, certaines fautes du transporteur comme le fait de transporter une marchandise en pontée contrairement à la demande du chargeur, étaient apparues comme modifiant par leur gravité les bases fondamentales du contrat, entraînant par là déchéance de la limitation58.
58Par contre en cas de faute lourde, la Cour d’appel des États-Unis a statué que des circonstances assimilables à un déroutement ne privent pas le transporteur du bénéfice de la limitation de responsabilité.
« La décision de la Cour d’appel des États-Unis dans l’affaire Atlantic Ins. Co. v. Poseidon démontre la confusion qui existe. La cargaison devait être transportée de Chicago à Anvers mais elle ne fut pas déchargée à Anvers lorsque le navire y arriva. La cargaison fut transportée à Hambourg où elle fut déchargée. Ce n’est que dix-huit mois plus tard que la livraison fut effectuée. Dans cette affaire, la Cour décida qu’il s’agissait d’un déroutement… La Cour décida alors, parce qu’il y avait déroutement, que le contrat de transport était résilié mais elle ajouta que cela ne privait toujours pas le transporteur du bénéfice des Règles et de la limitation de responsabilité par colis »59.
59Le Professeur F. Tetley critique cette décision en des termes clairs :
« On est en droit de conclure que la décision dans l’affaire Atlantic Mutual est erronée pour les raisons suivantes :
a) Il n’y a aucune indication par la Cour sur le point de savoir si le dépassement était intentionnel ;
b) En supposant qu’il y avait une intention de dépassement et que le contrat était résilié, tel que la Cour le déclare, alors les Règles de La Haye et la limitation de responsabilité par colis ne devraient pas bénéficier au transporteur. Les Règles ne s’appliquent qu’à un connaissement ou autre contrat de transport (voir les art. 2 et 1-b) »60.
C. Autres cas de déchéance
60La limitation légale est écartée, d’une part si par convention des parties la limite a été fixée à une somme supérieure au chiffre légal, d’autre part en cas d’arrimage irrégulier61 et enfin en cas de lettre de garantie frauduleuse. Dans le cas de lettre de garantie frauduleuse, l’indemnité est totale puisque le connaissement est net. En effet le transporteur le délivre en contrepartie d’une lettre de garantie dont il sait qu’elle ne correspond pas à la réalité62.
IV. Quels sont les bénéficiaires de cette limitation de responsabilité ?
61De toute évidence le transporteur est le bénéficiaire de la limitation de responsabilité. La Convention de Bruxelles, la loi du 18 juin 1966 et d’autres législations qui ont imité la Convention de Bruxelles sont restées muettes en ce qui concerne les préposés du transporteur à propos de la limitation de responsabilité. Selon C. Scapel peut-être cela est dû à l’insolvabilité des préposés du transporteur et l’action n’est souvent faite que contre le transporteur lui-même63.
62Le Professeur E. du Pontavice nous signale : « il paraît possible d’insérer au connaissement une clause stipulant que l’ayant droit à la marchandise et le transporteur s’interdisent toute action et tout recours contre les préposés »64. Les préposés peuvent alors se libérer de leur responsabilité, par contre le transporteur ne peut pas se libérer de la sienne (voir la Convention de 1924 et la loi du 10 juin 1966).
V. Le Protocole de 1968 et la limitation de responsabilité
63Le Protocole de 1968 apporte trois changements principaux :
Il substitue à la limitation de la Convention de 1924 une limitation double, à la fois par colis ou unité et par kg. La limitation la plus élevée étant applicable.
Il précise le mode de calcul de la limitation de responsabilité pour les colis groupés, soit dans un conteneur, soit dans une palette ou tout engin similaire.
Il précise la solution à apporter au problème de la faute : la déchéance du transporteur du droit de la limitation de responsabilité en cas de faute intentionnelle ou en cas de faute inexcusable (le nouvel art. 4, para. 5 du Protocole de 1968).
« Le Protocole de 1968 adopte une solution nette ; il déclare que le transporteur sera déchu de la limitation de responsabilité non seulement en cas de faute intentionnelle, mais aussi en cas de faute “inexcusable”, c’est-à-dire chaque fois que le dommage résulte d’un acte qui a eu lieu témérairement et avec conscience qu’un dommage en résulterait probablement. Il restera à la jurisprudence à préciser comment il faut entendre la notion de faute inexcusable, à dire aussi si la faute inexcusable du préposé doit être assimilée à la faute inexcusable du transporteur »65.
64Le Protocole de 1968 relève le plafond de la limitation de responsabilité et abandonne la référence à la livre-or. La nouvelle règle porte la limitation à 10 000 francs Poincaré par colis ou unité ou 30 francs Poincaré par kilogramme de poids brut des marchandises.
65L’article 2, paragraphe c) du Protocole prévoit aussi que « lorsqu’un cadre, une palette ou tout engin similaire est utilisé pour grouper des marchandises, tout colis ou unité énuméré au connaissement comme étant inclus dans cet engin sera considéré comme un colis ou unité… » pour le calcul de la limitation de responsabilité.
66L’article 2, paragraphe b) du Protocole de 1968 prévoit ce qui suit :
« La somme totale due sera calculée par référence à la valeur des marchandises au lieu et au jour où elles sont déchargées conformément au contrat, ou au jour et au lieu où elles auraient dû être déchargées.
La valeur de la marchandise est déterminée d’après le cours en bourse, ou, à défaut, d’après le prix courant sur le marché ou, à défaut de l’un et de l’autre, d’après la valeur usuelle de marchandises de même nature et qualité ».
67Lors de la rédaction du Protocole, la question de l’extension de la limitation de responsabilité aux préposés du transporteur et aux entreprises de manutention s’est posée. Les rédacteurs n’ont pas voulu étendre la limitation de responsabilité aux entreprises de manutention. Le texte du Protocole dans son article 3, paragraphe 2 prévoit que les limitations seront appliquées aux actions intentées aux préposés du transporteur : « Si une telle action est intentée contre un préposé du transporteur, ce préposé pourra se prévaloir des exonérations et des limitations de responsabilité que le transporteur peut invoquer en vertu de la convention ». Par exemple le capitaine peut invoquer la limitation légale de responsabilité.
68Il faut bien noter que le Protocole modificatif de 1979 a abandonné l’or comme étalon, et a opté pour l’unité de compte du FMI à savoir le DTS. Ce protocole qui est entré en application le 18 mai 1986 prévoit comme limitation de responsabilité 2 DTS par kilo ou 665 DTS par colis ou unité, « la limitation la plus élevée étant applicable ».
VI. La limitation de responsabilité dans le droit maritime marocain (textes et jurisprudence)
A. Au niveau du DCCM
69Le Dahir du Code de Commerce maritime marocain fut promulgué le 31 mars 1919 et entra en application le 1er juin de la même année.
70« À cette époque, aucune législation ne connaissait, sinon à l’état de projet, la limitation par un texte de loi impératif et d’ordre public de la responsabilité de l’armateur »66. Donc le législateur marocain de l’époque avait en quelque sorte innové en matière de droit maritime comparé et créé un code qui constituait une référence pour les législations étrangères.
71L’article 266 du DCCM (modifié par le Dahir du 29 avril 1946 27 Joumada I 1365 et le Dahir du 16 septembre 1954 – 17 Moharrem 1374) prescrit :
« Lorsqu’une déclaration de valeur ne figure pas au connaissement, la responsabilité de l’armateur et du capitaine est limitée à 1 000 Dirhams par colis, et ce, nonobstant toute convention contraire.
Lorsqu’une déclaration de valeur figure au connaissement, cette responsabilité est limitée à la valeur ainsi déclarée ».
72Le législateur marocain s’est référé à la notion de colis pour le calcul de l’indemnité en cas de perte ou d’avarie. Cette notion n’est pas bien définie67. Elle n’est pas utilisable pour les marchandises en vrac (solide ou liquide). De plus, avec les conteneurs ou des engins similaires, la notion de colis semble inadéquate et la limitation de responsabilité de 1 000 DH paraît dérisoire.
73Le dommage qui est pris en considération dans le calcul de la limitation de la responsabilité, est précisé dans l’article 264 du DOC (Dahir des Obligations et Contrats)
« Les dommages sont la perte effective que le créancier a éprouvée et le gain dont il a été privé, et qui sont la conséquence directe de l’inexécution de l’obligation. L’appréciation des circonstances spéciales de chaque espèce est remise à la prudence du tribunal : il doit évaluer différemment la mesure des dommages-intérêts, selon qu’il s’agit de la faute du débiteur ou de son dol ».
74L’application de ce Principe est conforme aux intérêts de la marchandise afin d’éviter que le transporteur ne s’enrichisse aux dépens du chargeur ou du destinataire. Toutefois le propriétaire de la marchandise ou le destinataire ne reçoit que l’équivalent du dommage subi par sa marchandise si sa valeur est inférieure à 1 000 DH. La valeur maximale ne dépasse pas 1 000 DH68.
75M. Rivière écrivait :
« On s’est demandé si l’article 266 Dahir du Code de Commerce Maritime est simplement limitatif ou s’il entend fixer un forfait applicable en tous cas, la première interprétation nous paraît résulter nettement de la rédaction même de l’article »69.
76M. Henri Aubrun ajoute à ce propos :
« L’article 266, pare. 1 laisse en suspens une question délicate. En limitant l’indemnité à 2 500 francs par colis, il ne précise pas s’il entend attribuer au colis cette valeur, dont l’armateur paiera le tout ou seulement partie, suivant que la perte sera totale ou partielle, ou s’il entend, au contraire, que cette somme soit acquise en tous cas comme une indemnité forfaitaire. Entre ces deux systèmes, celui du prorata, plus logique, celui du forfait, plus apprécié par des chargeurs et d’un usage plus courant, on ne voit pas lequel la loi marocaine a choisi »70.
77Reste le problème de savoir si les parties peuvent fixer une valeur supérieure à la limitation légale. Ripert avait déjà répondu à cette question en 1921 :
« Quand à la clause qui établirait un chiffre plus fort, (c’est-à-dire supérieur à 1 000 dirham) elle est certainement valable, malgré l’expression légale, car elle revient à l’acceptation d’une déclaration de valeur (art. 266, pare. 2) »71.
78La question de la faute lourde et du dol a également posé des problèmes à la jurisprudence marocaine.
79La limitation légale de responsabilité s’applique-t-elle en cas de faute lourde ou de dot du transporteur ou de ses préposés ? Cette question a déjà été posée par Bayssière et Me J. Bonan72. Ce dernier résuma la position de la jurisprudence avant 1951 :
« La question est controversée et les différentes chambres de la Cour d’appel de Rabat n’ont pas réussi, sur ce point, à accorder leur jurisprudence. Tantôt il a été décidé que l’indemnité limitée édictée par la loi s’appliquait à toutes les fautes, quel qu’en soit le caractère (ce qui nous semble immoral, car il serait permis à l’armateur ou à ses préposés de faire disparaître un colis de valeur, quand celle-ci n’a pas été inscrite sur le connaissement, en acceptant la perspective d’avoir à payer une indemnité maxima de 48 000 francs), tantôt la faute lourde est exclue des prévisions de l’art. 266 (DCCM) »73.
80Selon la législation marocaine (art. 98 et 264 DOC il n’y a entre le dol et la faute lourde qu’une différence de degré mais il n’y a aucune différence de nature (art. 232 DOC)74.
81L’arrêt très ancien du 21 novembre 1930 paraît révéler que la Cour d’appel ne faisait qu’appliquer le sens de l’article 83 de l’ancien Code de Commerce. Cet article fait appel à l’article 232 du DOC En effet, la Cour d’appel, suivant l’un des motifs du jugement du 23 juin 1929, statua :
« Les dispositions de l’article 266 du Dahir du 31 mars 1919 formant Code de Commerce Maritime règlent l’étendue de la responsabilité contractuelle, mais ne font pas échec aux principes de la responsabilité civile (art. 232 du DOC) »75.
82Le paiement des dommages-intérêts en cas de pertes ou d’avaries doit s’effectuer en devise nationale, à savoir le Dirham. Tout paiement en devise étrangère ou en or est contraire à l’ordre public.
83L’article 269 du DCCM prévoit que toute déclaration inexacte sur la nature, la valeur ou la quantité des marchandises embarquées, faite de bonne foi, entraîne pour le chargeur l’obligation de payer un double fret.
« Cette disposition légale est écrite à la suite d’autres articles qui aggravent la responsabilité des armateurs, soit en frappant de nullité certaines clauses par lesquelles ils pourraient échapper à leurs obligations contractuelles, soit en restreignant la portée. Il a donc paru équitable au législateur de compenser les risques plus grands, courus désormais au Maroc par les armateurs en protégeant ceux-ci contre les conséquences préjudiciables pour eux des déclarations de chargement fausses ou inexactes qui pourraient figurer aux connaissements »76.
84G. Ripert trouva que le DCCM dans son article 269 sanctionne d’une manière illogique le chargeur du simple fait qu’il a commis une faute légère dans la déclaration de la valeur ou du poids77.
85Le DCCM n’est pas seulement sévère vis-à-vis du transporteur mais également vis-à-vis du chargeur, et ce à travers cet article 269. Cet article « … peut élever un utile rempart contre les fraudes intéressées et quelquefois invérifiables des chargeurs, relatives aux déclarations sur la valeur, la nature ou la quantité des marchandises »78.
86Néanmoins, il faut noter que l’article 269 n’a pas son pareil au niveau de la sévérité, même si, à notre connaissance, il n’a jamais été appliqué.
87Notons que le Maroc en adhérent aux Règles de Hambourg qui sont entrées en application depuis 1992 a fait un saut d’un droit interne qui s’applique exclusivement aux litiges maritimes à une convention internationale fruit des revendications des pays en développement.
B. Le DCCM 1919 et les Règles de Hambourg
88Les Règles de Hambourg constituent un progrès incontestable par rapport au DCCM en ce qui concerne la limitation de responsabilité. Elles ont reproduit le texte du Protocole de 1968 avec une légère augmentation des chiffres et une nouvelle unité de compte : le DTS (825 DTS par colis ou 2,5 DTS par kg, le DCCM se limite à 1 000 DH par colis [article 266]). L’article 266 se réfère au colis comme critère de calcul de la limitation de responsabilité. Cette notion de colis est confuse et ne correspond plus aux modes de conditionnement actuels (conteneurs ou engins similaires), ni à la nature des marchandises (éléments d’usine clé en main). De même les 1 000 DH79 ne correspondent plus à la valeur des marchandises de nos jours, ni à l’érosion monétaire, ni à la dépréciation du Dirham par rapport aux devises étrangères.
89La déchéance de la limitation de responsabilité est absente dans le DCCM, mais par contre les Règles de Hambourg ont adopté les dispositions du Protocole de 1968 à ce sujet (article 8).
« 1. Le transporteur ne peut pas se prévaloir de la limitation de responsabilité prévue à l’article 6 s’il est prouvé que la perte, le dommage ou le retard à la livraison résulte d’un acte ou d’une omission du transporteur commis soit avec l’intention de provoquer cette perte, ce dommage ou ce retard, soit témérairement et en sachant que cette perte, ce dommage ou ce retard en résulterait probablement.
2. Nonobstant les dispositions du paragraphe 2 de l’article 7, un préposé ou un mandataire du transporteur ne peut pas se prévaloir de la limitation de responsabilité prévue à l’article 6 s’il est prouvé que la perte, le dommage ou le retard à la livraison résulte d’un acte ou d’une omission de ce préposé ou de ce mandataire, commis soit avec l’intention de provoquer cette perte, ce dommage ou ce retard, soit témérairement et en sachant que cette perte, ce dommage ou ce retard en résulterait probablement ».
C. Les limitations de responsabilités du transporteur des Règles de Hambourg (RH) aux Règles de Rotterdam (RR)
90RH : Les Règles de Hambourg ont substitué au Franc Poincaré le DTS avec une légère augmentation des chiffres : 2,5 DTS par kilo au lieu de 2 selon le Protocole de 1968, ou 835 DTS par colis ou unité, au lieu de 665 selon le Protocole de 1968. Les Règles précisent : « la limitation la plus élevée étant applicable ».
91Pour le transport par conteneur ou engin similaire, les Règles précisent :
« Lorsqu’un conteneur, une palette ou tout engin similaire est utilisé pour grouper des marchandises, est considéré comme un colis ou autre unité de chargement tout colis ou unité dont il est indiqué au connaissement, si un connaissement est émis, ou sinon dans tout autre document faisant preuve du contrat de transport par mer qu’il est contenu dans cet engin. En dehors du cas prévu ci-dessus, les marchandises contenues dans cet engin sont considérées comme une unité de chargement ».
92En cas de retard, la limitation de responsabilité est 2.5 frais de fret payable pour la marchandise ayant subi le retard mais n’excédant pas le montant brut du fret payable en vertu du contrat de transport.
93RR : La limitation de responsabilité est de 875 DTS par colis ou autre unité de chargement ou 3 DTS par kg de poids brut des marchandises objet de litige (art. 59) En cas de retard la limitation de responsabilité est 2.5 frais de fret payable pour la marchandise ayant subi le retard mais n’excédant pas la limite fixée pour la perte totale des marchandises concernées (art. 60). Les RR intègrent la responsabilité pour retard comme les RH. Néanmoins, cette indemnité est négligeable au début du xxie siècle par rapport au préjudice réel subi par une chaîne logistique face à une rupture d’approvisionnement en matières premières ou pièces.
D. La jurisprudence marocaine
94Au niveau de la jurisprudence marocaine, on constate un certain flottement dans les décisions des tribunaux à propos de la limitation de responsabilité légale.
95Les questions les plus controversées sont :
La faute lourde et le dol.
La déclaration de valeur et la notion de colis.
1. La faute lourde et le dol
96En cas de dol ou de fraude la limitation de responsabilité ne peut produire d’effet et ce même avant l’entrée en application des textes impératifs concernant les transports maritimes.
97La question qui constitue le nœud du problème de la jurisprudence marocaine est la suivante : en cas de faute lourde, équivalente au dol, le transporteur ou ses préposés peuvent-ils bénéficier de la limitation légale de responsabilité ?
98En vérité cette question est la plus intéressante en matière de limitation de responsabilité légale du transporteur. C’est cette question qui divise les tribunaux et la Cour d’appel.
99Une présentation chronologique de la jurisprudence à propos de la faute lourde équivalente au dol nous permet de déceler le flottement des décisions des juges. Dans un arrêt du 25 mars 1930, la Cour d’appel semblait admettre que les dispositions de l’article 266 devaient s’appliquer dans tous les cas, même si l’armateur ou ses préposés terrestres ou maritimes avaient commis une faute lourde équivalente au dol80.
100Dans son arrêt du 21 novembre 1930 la Cour d’appel81 avait décidé que les dispositions de l’article 266 ne pourraient jouer au cas où le transporteur maritime aurait commis un dol ou une faute lourde équivalente au dol.
101Les dispositions de cet article 266 « ne font pas échec aux principes de la responsabilité civile (article 232 du DOC : Dahir des Obligations et Contrats) ».82
102Dans un arrêt du tribunal de Première Instance de Casablanca du 8 avril 1947, la limitation de responsabilité ne peut être invoquée en cas d’arrimage défectueux ou insuffisant qui constitue une faute lourde83.
103La Cour d’appel de Rabat avait statué dans deux affaires84 que la faute lourde mais non intentionnelle du transporteur (ou de ses préposés) ne pouvait entraîner la déchéance de la limitation de responsabilité.
104Dans un autre arrêt de la même Cour d’appel85, il est mentionné que « la responsabilité de l’armateur en cas de manquants, même par vol par des non-préposés de l’armateur est limitée à 48 000 francs par colis (art. 266 DCCM) ».
105Par contre dans un arrêt du tribunal de Première Instance de Casablanca du 25 mai 1954, les juges semblaient admettre que les dispositions de l’article 266 du DCCM, en ce qui concerne la limitation de responsabilité ne pouvaient être appliquées lorsque les avaries de la marchandise transportée (une voiture) étaient la conséquence d’une faute lourde du transporteur qui en l’occurrence avait négligé d’arrimer et de bloquer les freins de l’automobile transportée.
106La question de la faute lourde constitue en fait le point de division et de divergence entre les tribunaux des premiers juges et les Cours d’Appel86. Les tribunaux de Première Instance statuaient souvent que la faute lourde du transporteur devait le faire condamner à réparer le dommage en entier. Mais la plupart du temps les arrêts de la Cour d’appel de Rabat ne soutenaient pas cette thèse87. Il nous semble qu’il y a une ambiguïté d’interprétation de la faute lourde qui est parfois assimilée au dol.
107R. Bayssière pense que
« Selon la législation marocaine (art, 98, 264 DOC) il n’y a entre le dol et la faute lourde qu’une différence de degré qui fait que “L’appréciation des circonstances spéciales de chaque espèce est remise à la prudence du Tribunal et que celui-ci doit évaluer différemment la mesure des dommages-intérêts, selon qu’il s’agit de la faute du débiteur ou de son dol”, mais il n’y a aucune différence de nature (art. 232 DOC) »88.
2. La déclaration de valeur et la notion de colis
108La plupart des arrêts que nous avons consultés précisent : « à défaut de déclaration de valeur sur le connaissement, la responsabilité de l’armateur, en cas de pertes ou d’avaries est limitée à 1 000 DH »89. Néanmoins l’arrêt du 9 mai 1963 avait statué autrement90.
109De même avant cette décision, par un arrêt du 18 septembre 1941, le Tribunal de Casablanca avait considéré que la limitation de responsabilité légale « ne s’applique pas quand la valeur de ce colis est justifiée par une facture du fournisseur dont la référence est reproduite par le connaissement »91.
110L’affaire suivante datant du 14 juillet 1974 illustre les problèmes que pose la notion de colis92.
111Deux groupes-compresseurs avaient été chargés sur un navire à destination de Casablanca. Un de ces deux groupes-compresseurs avait été avarié pendant la traversée. L’assureur subrogé (art. 367 du DCCM) avait réclamé une indemnisation totale des dommages causés à ce groupe compresseur, en avançant que le transporteur était en mesure de connaître la valeur de l’engin qui voyageait à nu (sans emballage).
112Dans son jugement du 14 juillet 1974 concernant cette affaire, le Tribunal Régional de Casablanca93 avait déchu le transporteur de la limitation de responsabilité et avait décidé que l’indemnité devait être calculée sur la base du colis. Cette décision est allée dans le même sens que celle du 9 mai 1963.
113En s’alignant sur la décision de la Cour Suprême, la Cour d’appel de Casablanca94 avait annulé ce jugement du Tribunal Régional de Casablanca et avait statué que toute unité non emballée – véhicule ou groupe-compresseur – doit être considérée comme un colis dont la valeur sera limitée, en cas de non déclaration de valeur, à 1 000 Dirhams (art. 266 du DCCM).
114Cette décision de la Cour d’appel constitue un recul par rapport à celle de l’affaire du 9 mai 196395. Une autre décision de la même Cour datant du 27 juin 1978 ne fera que confirmer cette tendance96.
115La Cour d’appel tend, par conséquent, à confondre les notions de colis et d’unité. Le DCCM ne donne pas de définition claire de la notion de colis, et la notion d’unité n’est pas mentionnée dans le DCCM.
116Soulignons aussi que l’article 147 du DCCM., alinéa 1, stipule
« Le Capitaine est responsable de tous les dommages et pertes survenus aux marchandises chargées sur le pont du navire, à moins que le chargeur, par une mention spéciale approuvée et signée par lui sur le connaissement, ait expressément autorisé ce mode de chargement… ».
117De ce qui précède, l’article 147 considère que le capitaine est responsable de tous dommages et pertes… et comme le chargement en pontée sans autorisation expresse est assimilé à une faute lourde, l’article 266 risque d’être déclaré en vertu de la jurisprudence en la matière97.
118En effet, dans un arrêt (n° 1591) du 17 juin 198098, la Cour d’appel de Casablanca avait écarté l’application de la limitation de responsabilité de l’article 266 du fait que le transporteur avait fait un arrimage en pontée sans le consentement du chargeur. La Cour jugea que cet arrimage en pontée était irrégulier et qu’il constituait une faute privant le transporteur du droit à la limitation de responsabilité fixée par l’article 266 du DCCM.
119Reste à savoir si les préposés terrestres du transporteur (ou l’entreprise de Manutention Marocaine99) peuvent bénéficier de la limitation de responsabilité légale.
120Dans un arrêt de la Cour d’appel du 3 juillet 1936 nous pouvons lire :
« L’article 266 du Code de Commerce Maritime, qui limite la responsabilité de l’armateur et du capitaine à 2 500 francs (de l’époque) par colis, quand aucune déclaration de valeur ne figure au connaissement, ne peut s’appliquer, s’il ne s’agit ni d’une perte, ni d’une avarie, mais d’un dommage causé au destinataire par la faute d’un préposé terrestre de l’armateur »100.
121Dans une autre affaire, la même Cour d’appel avait statué que la faute d’un préposé terrestre de l’armateur entraînait la non application de la limitation de responsabilité fixée par l’article 266 du DCCM.101
122Dans un arrêt du 25 janvier 1937 du Tribunal de Casablanca, il est précisé que
« L’acconier-dépositaire est responsable dans les termes du droit commun d’une avarie survenue à la marchandise postérieurement à la prise en charge par lui de celle-ci et ne peut invoquer la limitation de responsabilité édictée par l’article 266 du Code de Commerce Maritime en faveur du transporteur maritime »102.
123La jurisprudence103 est restée fidèle au principe de la non application de la limitation de responsabilité à l’égard des préposés ou acconiers dépositaires.
124La responsabilité de l’acconier est soumise à l’article 103 du DOC quand l’acconier, est impliqué dans une action judiciaire contre le transporteur. Les modalités de l’action directe du destinataire (ou du chargeur) à l’encontre de l’acconier sont fixées par l’article 5 du cahier des charges de l’acconier de l’époque qui édicte vis-à-vis des tiers une responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle, telle qu’elle est généralement prévue par l’article 78 du DOC.
125Dans son arrêt du 25.06.1998 la Cour Suprême a jugé que le transporteur maritime ne bénéficie pas de la limitation de responsabilité dans le cas du vol (dossier numéro 8/5/89 Cour Suprême Rabat le 07.10.1999).
126La Cour d’appel commerciale de Casablanca dans sa décision du 27.07.2000 dossier 9/99/2421 a statué que le transporteur ne bénéficie pas de la limitation de responsabilité quand le dédommagement effectif dépasse le montant demandé.
127La Cour d’appel de commerce de Casablanca dans une autre affaire (arrêt n° 2001/2672, du 24.12.2001, dossier 9/2001/1162) a signifié que lorsque la valeur de la cargaison n’est pas indiquée sur le connaissement la limitation de responsabilité en cas de perte ou d’avarie d’un colis se limite à celle fixée par les Règles de Hambourg à savoir 835 DTS par colis ou unité.
128Dans un arrêt de la Cour d’appel de Commerce (n° 2000/903, du 27.04.2000) on note que l’acconier (ODEP) n’a pas le droit de bénéficier de la limitation de responsabilité prévue par l’article 266 du DCCM pour motif que seuls l’armateur et le capitaine bénéficient de la limitation prévue par cet article et non l’acconier. Cet arrêt ne fait que confirmer l’arrêt de la Cour Suprême de Rabat publié le 06.02.185 dossier n° 95002.
VII. Conclusion
129En dépit de leur entrée en application le 1er novembre 1992, les juridictions marocaines commencent à peine s’habituer aux dispositions des Règles de Hambourg.
130À cela s’ajoute aussi l’application du dahir portant code du commerce maritime (DCCM) du 31 mars 1919 toujours en vigueur. Le droit maritime positif marocain est marqué par une dualité de sources.
131Face à cette évolution du droit maritime marocain, un nouveau projet de code maritime est préparé mais n’a pas encore pu voir le jour. Parallèlement les puissances maritimes ont proposé une nouvelle convention intitulée Règles de Rotterdam (RR).
132Les règles de Rotterdam 2009 (RR) constituent un compromis entre la convention de 1924 dite règles de Bruxelles qui défend les intérêts des transporteurs maritimes et la convention de 1978 dite règles de Hambourg qui est largement ratifiée par les Pays en développement, majoritairement des pays des chargeurs.
133Les RR ne s’éloignent pas des RH en ce qui concerne la question de limitation de responsabilité et intègrent aussi la responsabilité pour retard comme les RH. Malgré certaines faiblesses, les RR prennent en considération la logique globale des flux tendus des entreprises qui cherchent à réduire les stocks (vers le stock zéro).
Notes de bas de page
1 P.-J. Hesse, « Introduction à une Chronique bibliographique d’histoire du droit maritime », DMF, 1980, p. 643-648 et p. 707-714 ; E. Gold, Maritime Transport, The Evolution of International Marine Policy and Shipping Law, Lexington Hooks, Massachusetts, 1981.
2 Les Connaissements, NU New York, 1970, p. 48.
3 G. Ripert, Précis de Droit Maritime, 7e édition, Paris, Dalloz, 1956, p. 258-259.
4 A. Lawrence, International Sea Transport: The Years Ahead, Cornell University Press, Lexington Books, 1972.
5 B. Francou, Structure du coût de Transport Maritime, Thèse, Aix, 1975.
6 El. A. Geargandopoulos, The Dry Bulk Cargo Markets, Bremen, 1979.
7 B. M. Deakin, Shipping Conferences, Cambridge University Press, 1973, p. 163-224.
8 G. Ripert, Traité Général de Droit Maritime, Tome II, 4e édition, Paris, 1952, p. 140.
9 L. M. Martin, L’abandon du navire et du fret en droit français, Thèse, Bordeaux, 1957, p. 19 et suite ; voir Me G. Jorro, « Le propriétaire du navire a-t-il la faculté d’abandon en droit maritime marocain ? », GTM, 10 juillet 1953, p. 125.
10 M. T. K. Thommen, Réglementation international des transports maritimes, Nations unies, New York, 1970. F. Odier, « La responsabilité du propriétaire de navire », in Le Droit Maritime Marocain, INEJ, Rabat, 1981, p. 76-79.
11 Voir lois nationales : loi française de 1966, loi américaine de 1936, dahir marocain de 1919, etc.
12 P. Chauveau, DMF, n° 812, p. 551.
13 Les Connaissements, op. cit., p. 48.
14 Rodière note : « Si comme la fraude, le dol échappe à toutes les règles et fait échec à cette limitation légale, les termes généraux impératifs du texte excluent toute assimilation de la faute lourde au dol », DMF, 1960.
15 R. Rodière, Traité Général de Droit Maritime, Dalloz, Paris, 1967, Tome II, n° 668, p. 301.
16 P. Chauveau, op. cit., n° 812, p. 552. G. Ripert, op. cit., Tome II, p. 709.
17 R. Rodière, op. cit., Tome II, p. 301, n° 669 ; voir aussi BT 976, 516 ; E. du Pontavice, Droit et pratique des transports maritimes et affrètement, Paris, 1970, p. I 33.
18 DMF, 1974, p. 304.
19 J. M. M., 18.12.1975, p. 3132.
20 Trib. de Comm. du Havre, 19 octobre 1973 : DMF, 1974, p. 304.
21 Royal typewriter Co. ; V.M.V. Kulmerland 1873, 766 commenté par P. Bonassies, DMF, 1974, p. 752 et suivantes. Dans cette affaire 350 cartons contenant des machines à calculer avaient été mis par l’expéditeur dans un conteneur qui avait été transporté sous un connaissement mentionnant de la machinerie. À New York le conteneur fut pillé. La question s’est posée de savoir s’il fallait appliquer 500 $ par carton. La Cour a considéré que la référence au connaissement était hasardeuse et qu’il fallait se référer à un critère objectif. Le critère objectif se trouvait dans la notion de paquetage.
22 Dans une affaire, 54 cartons contenant chacun 40 convertisseurs de fréquence pour téléviseurs étaient fixés sur 9 palettes, et le tribunal a dû décider si le nombre de colis était de 9 ou de 54. Il a jugé que, comme chaque palette constituait une unité en soi, qui pouvait être mentionnée et était conçue pour l’être, il n’y avait que 9 colis, et que le transporteur pouvait limiter sa responsabilité à 500 dollars par palette ; Standard Electrica S.A. v. Hamburg Sudamerikanische and Columbus Lines (1967), in Les Connaissements, op. cit. p. 50.
23 Ce critère a été vivement critiqué par les auteurs américains, DMF, 1974, p. 752, commentaire. de P. Bonassies.
24 DMF, 1973, p. 594.
25 DMF, 1977, p. 234.
26 R. Rodière, op. cit., Tome II, a° 67C.
27 La Cour de cassation, Dalloz, 1947, p. 581.
28 E. du Pontavice, op. cit., I 33.
29 Tribunal de Comm. du Havre, 23 avril 1965, DMF, 1965, p. 751.
30 Trib. de Comm. du Havre, 14 mars 1973, DMF, 1974, p. 161 ; DMF, 1975, p. 352.
31 Trib. de Comm. du Havre, 18 septembre 1970, D. 1971, p. 293.
32 P. Chauveau., op. cit., n° 812.
33 Freedman & Slater V.M. v. Tofevo, 10 avril 1936, commenté par P. Bonassies, DMF, 1968, p. 238-239 ; Indian Supply Mission V.S.S. Overseas Joyce, Cour de New York, 1er octobre 1965, commenté par P. Bonassies, DMF, 1968, p. 239-240.
34 Affaire Gulf Italia v. American Export Lines (1958), A.M.C. 439 in Les connaissements, Nations unies, New York, 1970, p. 49.
35 Tribunal d’Alexandrie, 21.2.1954, DMF, 1955, p. 313.
36 Casablanca, 9 mai 1963, GTM, 10 mars 1964, p. 26 : voir p. 115 M. El Khayat, La responsabilité du transporteur en droit maritime marocain et droit comparé, thèse en droit privé, Juin 1986, Université de Panthéon Assas Paris II. p. 115.
37 C. Scapel, Le Domaine des limites légales de responsabilité dans le transport de marchandises par mer, Thèse, Aix-en-Provence, 1974 ; P. Bonassies & Ch. Scapel, Droit Maritime, LGDJ, Paris 2006.
38 P. Chauveau, op. cit., n° 812.
39 « Le transporteur est en droit de contester la valeur déclarée à charge de prouver la valeur réelle. » P. Chauveau, op. cit., n° 816 ; voir aussi le Trib. de Comm. de Marseille, 8.7.77, DMF, 1978, p. 234.
40 R. Rodière, op. cit., Tome II, n° 680.
41 Cour de cassation., 25 juin 1958, DMF, p. 716 avec note de P. Lureau.
42 C. Scapel, op. cit., p. 30.
43 Trib. de comm de Marseille, 17 juin 1969, DMF, 1970, p. 358.
44 R. Rodière, op. cit., Tome II, n° 680.
45 La déchéance frappe également le destinataire, voir Smeesters & Winkelmolen, Droit maritime et droit fluvial, 2° ed., t. II, Bruxelles, Maison F. Larcier, 1933, p. 399. À ce propos P. Chauveau note : « Elle (la loi) n’exige pas la preuve d’une intention frauduleuse, mais simplement de la connaissance de la nature ou de la valeur réelle de la marchandise inexactement déclarée », op. cit., n° 816 ; voir aussi Trib. de comm., Seine, 13 juin 1950, DMF, 1951, p. 937.
46 DCCM.
47 Cette décision a été critiquée, voir G. Ripert, t. II, n° 1818 bis ; P. Chauveau, op. cit., p. 816.
48 G. Ripert, op. cit., t. II, n° 1819 ; P. Chauveau, op. cit., n° 816 et R. Rodière, t. II, n° 675.
49 L’arrêt des chambres réunies de la Cour de cassation du 11 mars 1960, rendu sous l’empire de la loi de 1936, séparait la faute lourde du dol et écartait la limitation légale seulement en cas de dol, DMF, 1960, p. 331 ; Cour de cassation, 6 juillet 1954, DMF, 1954 ; Cour de cassation, 11 mars 1960 DMF, 1960, p. 331 ; Cour de cassation, 4 juillet 1957, DMF, 1957, p. 661 : La Cour considéra qu’un vol commis par l’équipage par suite d’un manque de surveillance constituait une faute lourde. Néanmoins le transporteur pouvait bénéficier de la limitation de responsabilité par colis de la loi Française du 2 avril 1936.
50 DMF, 1969, p. 613, note de P. Lureau.
51 Cour d’appel de Paris, 24 mars 1976, J.T., 1976, n° 1741.
52 Comme le note W. Tetley, « Néanmoins, il existe une lacune dans la loi du 18 Juin 1966 en ce qui concerne l’inexécution fondamentale du contrat. La loi considère que le contrat est violé par le transporteur dans des cas de fraude (dol) (art. 28-A), mais la loi ne fait pas mention de nullité en cas de faute lourde ou négligence volontaire, ou dans tout autre cas similaire, telle qu’une faute lucrative (ou faute commise par intérêt personnel, sans intention de causer de dommages à l’autre partie). On doit conclure qu’en France, aucune de ces circonstances ne fait perdre au transporteur le bénéfice de la limitation de responsabilité par colis. Ceci ne fut peu accepté d’emblée par toutes les autorités. (R. Rodière, Traité Général de Droit Maritime, Tome II, pare. 675, mentionne avec regret que la faute lucrative (faute où une personne agit pour son bénéfice monétaire personnel) ne fût pas incluse dans la loi du 18 juin 1966). Il semble déplorable que la loi du 18 Juin 1966 n’étende pas l’inexécution fondamentale du contrat au-delà de la fraude parce que cette derrière est rare, difficile à prouver et demeure de portée limitée », Inexécution fondamentale du contrat suivant les règles de La Haye, Visby, Uncitral par W. Tetley Q,C., DMF, 1977, p. 610-611.
53 Trib. de comm. de Rouen, 2 avril 1957, DMF, 1957, p. 618.
54 Cour d’appel de Rouen, 16 janvier 1955, DMF, p. 356.
55 Cour de cassation, 11 avril 1964, DMF, 1964, p. 471.
56 DMF, 1966, p. 553.
57 DMF, 1952, p. 421 ; DMF, 1952, p. 691 ; note de G. Ripert in A. Fakhari, Le Contrat de transport maritime de marchandises en Droit Iranien comparé au Droit Français, Aix, 1977, p. 309.
58 P. Bonassies, Droit Maritime Marocain, op. cit., p. 130 ; voir aussi l’affaire Jones & Guerro v. Flying Clipper, 1954 AMC 259, cité par W. Tetley Q.C., DMF, 1977, p. 606.
59 Atlantic Mutual Insurance Co. v. Poseidon, DMF, 1977, p. 607-608, commentaire de W. Tetley Q.C. ; voir aussi commentaire de P. Bonassies, DMF, 1965, p. 67-75.
60 W. Tetley, op. cit., DMF, 1977, p. 607-608.
61 Article 147 du DCCM.
62 E. du Pontavice, op. cit., I 28.
63 C Scapel, op. cit., p. 102.
64 E. du Pontavice, op. cit I 31.
65 P. Bonassies, Droit Maritime Marocain, op. cit., p. 130.
66 R. Bayssière, Le droit commercial maritime du Maroc français, thèse, Bordeaux, 1935, p. 355.
67 La Cour Suprême, 22.1.1969, jugement n° 88, RMD, Année 1970, p. 479 : Ce jugement a considéré une voiture non emballée comme un colis et que par conséquent la limite de responsabilité légale devait être de 1 000 DH par colis nonobstant toute clause contraire.
68 Trib. de comm. de Marseille, 28.1.1947, GTM, 10.5.47, n° 1 000, p. 47.
69 M. Rivière, Traités, Codes et Lois du Maroc, T. III ; et Précis de la législation marocaine, 1927, p. 336, in R. Bayssière, Le droit commercial maritime du Maroc Français, Thèse, Bordeaux, 1935 p. 355-366.
70 R. Aubrun, « Les Clauses des Connaissements », Recueil Penant, mai 1922, n° 59, III, p. 16, cité in R. Bayssière, op, cit., p. 356.
71 G. Ripert, GTM, n° 8, 24 novembre 1921.
72 R. Bayssière, op. cit., p. 359-365. J. Bonan, « Les idées maitresses du Dahir formant Code de Commerce Maritime au Maroc », Revue Juridique et Politique de l’Union Française, T. V, 1951, p. 220-227 ; voir aussi P. Bertrand de la Grassière, « La limitation légale de la responsabilité du transporteur maritime et la faute lourde (la jurisprudence de la Cour de Rabat et l’évolution de la jurisprudence de la Métropole) », Rev. Mar. de droit, 1er juin 1957, p. 241.
73 J. Bonan, op cit., p. 224.
74 D CCM, DOC, CCM.
75 Affaire Bosch c Cie Générale Transatlantique, GTM, n° 371, 28.9.29.
76 Répertoire Alphabétique de la Jurisprudence de la Cour d’appel de Rabat, 1947, Tome XXIV, vol. II, p. 405.
77 G. Ripert, « Les transports sur le Maroc et les sévérités du Code Chérifien », GTM, 2e année, n° 18, 2 février 1922.
78 R. Bayssière, op. cit., p. 386.
79 Rabat, 23 Février 1955, GTM, 10 Janvier 1956 ; voir aussi Tribunal de Casablanca, 21.12.1979, jugement commercial n° 3035 en arabe, non publié ; Tribunal de Casablanca, 7.4.1981, Jugement commercial n° 1027, en arabe, non publié.
80 Rec. Penant, 1933, 77, p. 28 in Bayssière, op. cit., p. 360.
81 Voir Rec. Penant, 1933, II, p. 28 in Bayssière, op. cit., p. 360.
82 Tribunal de Première Instance de Casablanca, 8 avril 1947, GTM, 10 juillet 1947, p. 121.
83 Ibid.
84 Cour d’appel de Rabat du 19.3.1948, DMF, 1949, p. 18 ; Cour d’appel de Rabat du 23.1.1951, RACAR, 1952, p. 495.
85 Cour d’appel de Rabat, 25 avril 1951, GTM, 10 juillet 1952, p. 10.
86 Plusieurs Cours d’Appel ont été créées après la réorganisation des institutions judiciaires au Maroc. (Au Maroc ce constat est le résultat de non références aux décisions publiées avant 1965 dans la GTM. Depuis cette date la plupart des décisions ne sont pas publiées. En France avant la loi de 1966 la Cour de cassation avait précisé : « A la différence du dol ou faute intentionnelle, la faute lourde ne le privait pas ale transporteur) de la limitation légale de responsabilité », voir R. Rodière, op. cit., T. II, p. 306-307.
87 R. Bayssière, op. cit., p. 362-363. + Avant cette limitation était de 2 500 Francs, puis elle est passée à 48 000 Francs et depuis 1954 elle est de 1 000 Dirhams (100 000 Francs avant la création du Dirham).
88 Bayssière, op. cit., p. 360.
89 GTM, 15.12.1945, p. 164 ; GTM, 1952, p. 110 ; DMF, 1949, p. 18 ; RACAR, 1951, p. 111, etc.
90 GTM, 10 mars 1964, p. 28.
91 Trib. de Casablanca, 18 septembre 1941, GTM, 29 novembre 1941, p. 191. La jurisprudence tunisienne a pris la même position : « Dans un jugement de Première Instance du 20 Décembre 1977 le certificat d’importation établi par la Société Tunisienne de Banque pour le compte d’un chargeur (pour les besoins de la douane) a été considéré comme suffisant pour constituer une déclaration de valeur du colis. Pourtant l’armateur n’est pas censé connaître l’existence d’un tel document ».
92 M. Qabbal, « Jurisprudence Marocaine », DMF, 1980, p. 633-634.
93 Trib. Région. de Casablanca, 14 juillet 1974, (Dossier 14474 en arabe, non publié), cité aussi par Mostafa Qabbal, op. cit., DMF, p. 633.
94 Cour d’appel de Casablanca, 15 février 1977, (Dossier 476/8 en arabe, non publié), cité aussi par M. Qabbal, op. cit., DMF, p. 633.
95 « …, le conditionnement de la marchandise, tout comme son poids, sa dimension ou son état, importe peu dans la détermination du statut sous lequel elle (la marchandise) voyage » M. Qabbal, op, cit., p. 634.
96 GTM, 10 mars 1964, p. 28, op. cit., l’arrêt n° 1255 du 27 juin 1978 in M. Qabbal, op. cit., DMF, p. 634.
97 Arrêt du 13 février 1957, GTM, n° 1211.
98 Cour d’appel de Casablanca, 17 juin 1980 (Dossier n° 1591 en arabe, non publié), cité aussi par M. Qabbal, DMF, 1983, p. 316 ; voir aussi l’arrêt n° 897 du 15 juin 1982 de la Cour d’appel de Casablanca, cité par M. Qabbal, DMF, 1983, p. 316.
99 RAPC. – Régie d’Acconage du Port de Casablanca – (Dahir n° 1/63/278 du 24 Joumada II 1383 – 12 novembre 1963 - portent création de la RAPC, tel qu’il a été complété par le décret royal a°32/67 du 14 Rebia I 1387 – 23 juin 1967).
100 GTM, 12 décembre 1936, p. 339.
101 Cour d’appel de Rabat, 1957, Rev. Mar. de Droit, 1er novembre 1957, p. 4081 confirme la décision du tribunal de Casablanca du 15 avril 1955.
102 GTM, 27 mars 1937, p. 98.
103 Recueil des arrêts de jugements en arabe.
Auteur
Professeur universitaire, Avocat près du Barreau de Casablanca, Président de l’Association Marocaine de la Logistique (AMLOG)
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
La responsabilité civile à l’épreuve des pollutions majeures résultant du transport maritime
Tome I et II
Karine Le Couviour
2007
L’unification du droit maritime
Contribution à la construction d’un ordre juridique maritime
Massimiliano Rimaboschi
2006
Le droit maritime dans tous ses états
Hommage méditerranéen à Pierre Bonassies, Philippe Delebecque et Christian Scapel
Mustapha El Khayat (dir.)
2016