Chapitre I. Les risques de conflits entre les deux ordres juridiques
p. 481-536
Texte intégral
1L’identité d’objectifs entre les deux organisations ne peut être que source de conflits. En effet, orienté vers l’unification des règles de droit applicables aux activités et opérations économiques, les objectifs particuliers de l’OHADA sont à peu prés les mêmes que ceux de l’UEMOA, c’est toute la problématique car il y’a une confusion de domaines986.
2Les problèmes de développement économique des États africains en général, et ceux de l’UEMOA, en particulier, sont de natures diverses. On s’accordera cependant volontiers avec les auteurs du traité de l’OHADA sur l’idée selon laquelle ces problèmes ne sauraient trouver de solutions qu’avec l’aménagement d’un environnement juridique et judiciaire susceptible de restaurer la confiance des investisseurs, de promouvoir la production et circulation des biens et services. Ce faisant, la perfection de l’œuvre d’intégration économique exige la mise à la disposition des agents économiques d’instruments juridiques harmonisés ou uniformisés, appropriés à leurs besoins, de telle sorte que l’espace économique unique en formation corresponde à un espace juridique unique homogène. Cette double exigence telle que formulée par les pères fondateurs des deux traités ne manquera pas d’entraîner des risques de conflits de compétence entre les deux ordres juridiques. Ces risques de conflits peuvent apparaître au niveau du domaine matériel des ordres juridiques car les risques de chevauchement et les germes de conflit entre les deux processus d’intégration sont réels. Ils trouvent leur source dans la détermination du champ d’action du droit matériel, l’une ou l’autre des organisations.
3Ainsi, pour mieux apprécier des risques de conflits, nous traiterons des risques de conflits de compétence entre les deux ordres juridiques au niveau de leurs domaines matériels et normatifs (sections 1) et des risques de conflits de compétences au plan juridictionnel (section 2).
SECTION 1. LES RISQUES DE CONFLITS DE COMPETENCE ENTRE LES DEUX ORDRES JURIDIQUES AU NIVEAU DE LEUR DOMAINE MATERIEL ET NORMATIF
4La complémentarité ou l’interdépendance des deux processus d’intégration économique et juridique n’a pas échappé à leurs auteurs. Le traité de Port Louis l’a affirmé solennellement dans son préambule en rappelant « que la réalisation de ces objectifs, entre autre, l’intégration économique des États membres et sa poursuite dans un cadre africain plus large, suppose la mise en place dans leur État d’un droit des affaires harmonisés, simple, moderne et adapté, afin de faciliter l’activité de l’entreprise987 »
5Le traité de Dakar en son article 4, opère une double liaison entre le renforcement de la compétitivité économique et l’existence d’un environnement rationalisé (article 4) d’une part, et entre autre l’harmonisation des législations nationales notamment fiscales et le bon fonctionnement d’un marché commun d’autre part.
6C’est cette ambiguïté dans la non détermination claire des domaines qui constitue une source potentielle de conflit tant au niveau du domaine matériel § 1 et qu’au niveau normatif § 2.
§ 1. Les risques de conflits de compétence entre les deux ordres juridiques dans le cadre de leur domaine matériel
7Les deux ordres juridiques de l’UEMOA et de l’OHADA visent en théorie, dans le cadre de leur objectif, le développement économique des États parties. Les objectifs poursuivis par les États membres de l’UEMOA et de l’OHADA sont formulés dans les dispositions988 consacrées par les deux organisations.
8Cette identité d’objectifs et de domaines devra être un atout pour le développement souhaité. Mais il faut noter que dans la pratique des risques de conflits de compétence pourront apparaître entre les deux organisations. Ainsi pour mieux expliquer ces conflits, nous traiterons de la confusion des domaines matériels entre les deux ordres juridiques (A) et de la difficulté de répartir des domaines matériels des deux ordres juridiques (B)
A. La confusion des domaines matériels entre les deux ordres juridiques
9Le fondement de cette confusion des domaines matériels entre les deux organisations trouve sa source sur l’identité ou la complémentarité d’objectifs entre les deux institutions. En effet, l’objectif général des deux organisations est de promouvoir le développement économique des États membres. D’une manière spécifique, l’UEMOA entend favoriser le progrès économique de ses États membres à travers le renforcement de la productivité et de la compétitivité des économies dont les performances générales devront converger, et l’établissement d’un marché989 commun ouvert et concurrentiel. Dans ce marché, les activités économiques bénéficieraient d’un environnement juridique rationalisé et harmonisé par l’entremise d’actions, voire de politiques communes, dans des domaines et secteurs d’activités qui servent de leviers à l’économie, aux ressources humaines, aux transports et télécommunications, aux industries etc., au travers de l’harmonisation des législations des États membres notamment celles relatives à la fiscalité990.
10Orienté vers l’unification des règles de droit applicables aux activités et opérations économiques, les objectifs particuliers de l’OHADA paraissent complémentaires à ceux de l’UEMOA.991 En effet, l’UEMOA s’est fixée comme objectif la création d’un marché commun ouvert et concurrentiel dans lequel sont menées des activités économiques dans un environnement juridique rationalisé et harmonisé. L’OHADA ne vise pas autre chose comme elle le préconise dans son préambule992.
11On dit souvent des traités communautaires d’intégration qu’ils sont pétris de téléologie. Il s’agit, en général, de traité cadre formulant des objectifs précis à atteindre grâce à une instrumentation juridique appropriée, qui laisse aux organes institutionnels et aux États membres les compétences utiles pour la mise en œuvre des règles et principes originaires dégagés par les traités d’intégration ou d’unification. Ces finalités conventionnelles déterminées peuvent être strictement économiques ou, avec des nuances sociales, politiques ou juridiques plus ou moins prononcées. Elles peuvent également constituer des objectifs d’accès immédiats ou à moyen et long terme. Ainsi, selon Denys SIMON « c’est la réalisation de l’Union douanière et du marché commun qui apparaît comme le fondement direct de la règle essentielle d’unité et d’uniformité de l’application du droit communautaire sur l’ensemble du territoire de la communauté, laquelle est la base des doctrines de l’effet direct et de primauté du droit communautaire. Les exigences qui s’attachent à l’application des règles communautaires dans les ordres juridiques internes des États imposent, en effet, des raisons plus économiques que proprement juridiques, dans la mesure ou l’absence d’uniformité des règles communes sont de nature à provoquer des détournements de trafic, des distorsions de concurrence, et le cas échéant, de la délocalisation d’activités »993.
12On ne saurait mieux justifier la nature spécifique et structurante des traités d’intégration. C’est cette même logique économique qui du reste animera le juge communautaire et national statuant en matière communautaire dans la recherche de solution donnant toute l’efficacité nécessaire à la force de pénétration du droit communautaire dans son uniformité, ce avec le souci constant d’écarter toute source d’incohérence et d’hétérogénéité dans l’application de ce droit. En effet, en dépit des nobles objectifs visés, par ces deux traités, il est évident que dans la pratique des conflits apparaîtront, surtout du fait de l’imprécision avec laquelle l’UEMOA et l’OHADA ont procédé quant à la répartition de leur domaine matériel.
13L’analyse des dispositions des traités consacrera leur domaine d’intervention et permettra de conclure à une confusion des domaines matériels des deux ordres juridiques. L’identité ou la complémentarité d’objectifs aurait pu assurer à l’UEMOA et à l’OHADA une compatibilité si chacun des processus pouvait investir un champ d’action qui lui est propre. Malheureusement, il n’en est rien. La définition de la compétence matérielle des deux organisations non seulement se recoupe très largement, ce qui crée un risque de conflit mais présente un caractère extensif, ce qui est source d’incertitude et d’augmentation des risques de conflits. Ainsi, il résulte des deux dispositions du traité UEMOA (article 16 alinéa 2 et 60 alinéas 2 que les compétences des organes de l’UEMOA sont des compétences d’attribution.
14L’article 16 alinéa 2 en pose le principe général « ces organes agissent dans les limites des attributions qui leur sont conférés par le traité de l’UEMOA et le présent traité dans les conditions prévues par ces traités ». L’article 60, alinéa 1 fait une application plutôt ambiguë de ce même principe, en prévoyant dans le titre IV du traité relatif aux actions de l’Union que « la Conférence des Chefs d’État identifie les domaines prioritaires dans lesquels, conformément aux dispositions du présent traité, un rapprochement des législations des États membres est nécessaire pour atteindre les objectifs de l’Union ».
15A travers ces dispositions, on se rend compte que ce traité n’a pas prévu une détermination précise des compétences d’attribution de l’Union et de ses organes. Il semble plutôt que c’est le critère des objectifs visés à l’article 4 du traité qui commande ces compétences. En somme la logique téléologique du traité communautaire l’emporte sur le principe de répartition des compétences institutionnelles.
16« C’est le renforcement des activités économiques et financières des États membres, dans le cadre d’un marché ouvert et concurrentiel et d’un environnement juridique rationalisé et harmonisé » qui va constituer le schéma global autour duquel vont s’articuler les objectifs de l’Union. En l’absence de toute détermination expresse ni a fortiori précise des attributions de l’Union et de ses organes, la compétence racione materiae du droit communautaire de l’UEMOA se confond avec les objectifs du traité.
17Le domaine d’action, particulièrement vaste et imprécis, qui se dégage embrasse toute la réglementation relative à l’établissement des politiques communes en matière monétaire, financière, économique et commerciale, et la mise en œuvre d’actions et de politiques communes en vue de la coordination des politiques sectorielles nationales, de l’organisation et de la libéralisation des prestations de service en matière de transport, de télécommunication, des activités industrielles et minières, investissement, etc. ; de l’harmonisation des législations des États membres en matière de droit public et privé applicable aux relations d’affaires etc.
18Un tel domaine d’application et d’intervention du droit communautaire de par son étendue et son imprécision est loin de contribuer à la clarification de la problématique des compétences dans le système de l’UEMOA.
19Mieux, si l’on se réfère aux dispositions de l’article 5 de ce traité selon lesquels « dans l’exercice des pouvoirs normatifs que le présent traité leur attribue et dans la mesure compatible avec les objectifs de celui-ci, les organes de l’Union favorisent l’édiction de prescriptions minimales et réglementations cadre qu’il appartient aux États membres de compléter en tant que besoins994 ».
20On peut se demander si le traité de Dakar par ce principe d’édiction des prescriptions minimales n’a pas privilégié la compétence partagée entre l’Union et les États membres par rapport aux compétences exclusives des communautés. Ces compétences exclusives sont jurisprudentiellement reconnues par la CJCE dans son arrêt du 08 décembre 19Deutschetche BAKELS Rec. 1001 sur les compétences exclusives de la CEE en matière douanière. Dans le cadre de l’UEMOA, la Cour de justice de l’UEMOA a rendu un avis dans le même sens relatif à l’interprétation de l’article 84 du traité UEMOA portant les compétences en matière d’accord commercial995 et l’interprétation des articles 88 89 et 90 du traité portant sur les compétences en matière de règles de concurrence996.
21Par comparaison au traité UEMOA, on constate à l’évidence cette même propension à s’arroger un domaine d’intervention matérielle extensible à volonté pour le traité OHADA. Ainsi, l’article 1 de ce traité dispose que « le présent traité a pour objet l’harmonisation du droit des affaires » et l’article 2 précise que « pour l’application du présent traité, entre dans le domaine du droit des affaires, l’ensemble des règles relatives au droit des sociétés et aux statuts des commerçants, au recouvrement des créances, aux sûretés et aux voies d’exécution, au régime du redressement des entreprises et de la liquidation judiciaire, au droit de l’arbitrage, au droit du travail au droit comptable, au droit de la vente et des transports, et toute matière que le Conseil des Ministres déciderait à l’unanimité d’y inclure, conformément à l’objet du présent traité et aux dispositions de l’article 8 ».
22Le droit des affaires n’étant pas déjà une matière au contenu généralement défini du droit en général, à cause de sa nature hybride et qui touche aux divisions classiques du droit, comme le droit public, le droit privé, le droit civil, le droit commercial et le droit pénal etc.
23Ce droit pluridisciplinaire et protéiforme a vocation à couvrir toutes les règles du droit qui se rapportent à « l’entité économique qu’est l’entreprise dans ses activités qui concourent à la production et à la diffusion de richesses » d’où son implication dans le droit commercial en général, le droit des professions commerciales, des sociétés commerciales, le droit bancaire, le droit social, le droit pénal des affaires, le droit fiscal des affaires, le droit douanier, le droit comptable, le droit des contrats, le droit de la concurrence, le droit financier, le droit des assurances etc.
24En somme toute matière qui peut être comprise dans le droit économique général, domaine de prédilection des organisations d’intégration économique.
25Ainsi, comme on peut le remarquer, à l’instar du traité UEMOA, celui de l’OHADA lui aussi, a consacré un domaine dont la délimitation est imprécise, dont l’extension est possible à volonté. Le droit des affaires n’est pas une branche véritablement reconnue du droit, dans le sens de celle qui relève des divisions traditionnelles du droit (droit public, droit privé, droit civil, droit pénal).
26En dépit des efforts et de l’intelligence remarquable de nombreux auteurs997, le droit des affaires demeure une branche du droit flexible, dont le domaine en extension varie sensiblement d’un auteur à un autre et d’une époque à une autre pour s’adapter aux besoins en constante évolution du monde des affaires. Matière pluridisciplinaire par essence, le droit des affaires a vocation à englober toutes les règles qui se rapportent à l’entreprise dans son acception économique.
27Au regard de ce qui a été dit plus haut à propos de l’UEMOA aucune des matières susceptibles d’être comprises dans le droit des affaires n’est a priori exclu du champ d’action de celui-ci.
28Ainsi, comme nous venons de le voir, les deux organisations couvrent un même domaine d’intervention matérielle, car l’UEMOA et l’OHADA partagent la particularité commune : donner une forte impulsion au processus d’intégration en vue d’améliorer et de renforcer la croissance économique des pays africains.
29En somme, l’UEMOA et l’OHADA seraient des instruments de développement en Afrique.
30Une analyse fine des domaines matériels des deux organisations fait apparaître qu’on a assigné des objectifs d’intégration économique au droit et qu’en vue de satisfaire ces objectifs le droit doit subir des mutations.
31Pour être précis, il convient de retenir que la mutation affecte plutôt la forme du droit, car sa fonction de régulatrice demeure.
32Au total, ce sont des formes juridiques de l’économie qui ont changé dans la perspective de l’intégration économique de notre continent en vue de son développement.
33La confusion des domaines matériels des traités ne peut à terme qu’être source de risques de conflits.
34En effet, le développement économique assigné aux deux organisations qui coexistent dans un même espace économique, à savoir la Zone Franc, ne pourra aboutir qu’avec cette situation de confusion.
35Les domaines de compétence matérielle de l’UEMOA et de l’OHADA sont les mêmes, du fait que ces deux organisations ont investi un même champ couvrant à peu près les mêmes matières qui sont nécessaires au développement de l’entreprise correspondant à une réalité du monde économique. L’entreprise est une notion centrale du droit des affaires et se présente sous diverses formes : groupe international de sociétés, grandes entreprises industrielles, entreprises publiques etc.…. Pour les économistes, l’entreprise constitue, en dépit de cette extraordinaire variété de formes et de moyens, une notion essentielle de la science économique. Ils l’étudient plus spécialement sous deux angles. En premier lieu, comme unité de production de biens ou de services. L’entreprise est alors considérée comme un agent économique, qui intervient sur un marché et entretient des échanges avec d’autres entreprises ou avec des consommateurs. En second lieu, l’entreprise est considérée comme une organisation, un système social complexe.
36Ainsi de ce qui précède, il ressort que l’entreprise comporte nécessairement trois notions : un ensemble de moyens de production, une organisation et une activité économique.
37Bien qu’ayant fait une apparition récente dans le domaine juridique, aujourd’hui, elle a acquis une reconnaissance juridique.
38L’entreprise en tant qu’entité économique est la préoccupation majeure de l’UEMOA et de l’OHADA. C’est cette préoccupation qui fait que la plupart des normes en vigueur aujourd’hui dans l’espace de l’UEMOA et de l’OHADA ont été édictées pour le renforcement de la croissance et de la compétitivité des entreprises africaines.
39Dès lors, il est aisé d’affirmer que les deux organisations qui poursuivent les mêmes objectifs auront des difficultés pour développer leur stratégie d’intégration de manière parallèle. Cette confusion de domaines des deux organisations ne peut être que facteur de risques de conflit.
40En réalité, il est difficile pour chacune des deux organisations de poursuivre un domaine d’intégration qui lui est propre, si au début, on peut constater que chacune tend à investir son domaine propre dans la réalité cela ne devra pas continuer car les matières qu’elles édictent sont relatives au même domaine à savoir le développement des activités économiques. Dans ce cadre, il faut noter les difficultés liées à la répartition de leur domaine matériel.
B. Les difficultés liées à la répartition des domaines matériels des deux ordres juridiques
41Au regard des dispositions pertinentes des deux traités relatives à leur domaine matériel, aucun des critères traditionnellement utilisés pour suggérer la répartition des domaines des différentes branches du droit, ne peut être raisonnablement envisagée, pour la répartition des domaines d’actions exclusives entre l’UEMOA et l’OHADA.
42Ni le critère objectif fondé sur l’objet des règles de droit, qui semble être retenu par les différents traités, ni le critère fonctionnel fondé sur les fonctions assignées aux règles de droit, ni la combinaison de ces critères, ne peuvent être une issue d’un secours quelconque998
43Dans une approche plutôt empirique, fondée sur les réalisations actuelles de l’UEMOA et de l’OHADA, on pourrait concevoir une répartition de compétences qui réserverait à l’OHADA la détermination d’une sorte de droit commun des affaires consistant à la réglementation uniforme de l’environnement de l’entreprise par des opérations qui concourent, selon l’article 2 dudit traité, à la production et la diffusion de richesses économiques, à la circulation des biens.
44Ainsi, au regard du champ d’application des Actes uniformes, toutes les précautions ont été prises pour sécuriser l’investissement. En définitive, dans cette approche, on peut retenir que tous ces textes uniformes visent à placer l’entreprise africaine dans une dynamique de compétitivité mondiale999.
45S’agissant de l’UEMOA, le processus en cours en matière d’intégration économique pourrait conduire à affirmer qu’elle s’occupe plutôt de l’uniformisation du droit économique consistant en l’aménagement des cadres généraux de l’économie.
46L’objectif de l’UEMOA est d’assurer à l’intégration des espaces économiques et la coordination des politiques économiques de l’ensemble des États membres, qui passent donc nécessairement par les règles juridiques ayant pour objet les cadres généraux de l’économie.
47L’ensemble de ces règles pouvait être regroupé en deux groupes.
48Les unes sont relatives au fonctionnement d’un marché commun, ainsi nous y trouvons des règles organisant une union douanière, avec la libre circulation des marchandises et le tarif extérieur commun, les règles relatives à la circulation de tous les facteurs de production (les personnes, les capitaux, les services.
49L’autre série de règles est liée au domaine monétaire et financier et on y trouve également toute la réglementation boursière. C’est à dire le cadre général de la politique des investissements, de financement des entreprises, du contrôle de la production et de la distribution des richesses, la protection de l’environnement, la concurrence, la distribution et la consommation, etc.…
50Outre son arbitraire dans l’attribution des domaines, une telle proposition méconnaîtrait la profonde imbrication des groupes de matières réparties : l’activité économique est une totalité et pour cette raison, il est difficile de justifier son écartèlement entre plusieurs organisations, celle-ci pouvant obéir à des logiques différentes.1000 A quoi il convient d’ajouter que du point de vue de la politique juridique, la soumission à la réglementation d’une même matière à deux autorités distinctes ne peut jamais constituer une bonne solution. Or c’est justement en de tels termes que se trouve actuellement posé le problème de la réglementation de nombreux aspects de l’activité économique. Au total et en l’état de ce qui précède, les deux organisations ont une égale vocation à investir le cadre et les mécanismes de l’activité économique pour les organiser, chacune selon ses objectifs et sa stratégie du moment.
51Ainsi, il est à noter que, pour le moment, chacune des organisations a le pouvoir d’écarter de son champ certaines matières qu’elle détermine librement ou, dans les mêmes conditions, d’admettre la coexistence des règles qu’elle édicte avec d’autres règles de droit interne ou d’origine conventionnelle. Ce faisant, le premier facteur de perturbation à notre avis, est constitué par l’impossibilité d’une distribution de domaines d’action étanches entre l’UEMOA et l’OHADA.
52L’intégration économique, a-t-on vu, ne peut être efficacement poursuivie sans un minimum d’unification ou d’harmonisation de certaines règles de droit. Aussi, à l’instar de la technique d’intégration économique de l’Union européenne qui l’inspire, l’UEMOA prévoit dans son programme d’intégration, la réalisation de l’harmonisation des législations de ses États membres.1001 Elle doit porter son action non seulement sur les règles d’organisation du cadre des activités économiques, mais également sur toute autre règle, dès lors que la poursuite des objectifs de l’Union l’exige.
53A la différence de l’UEMOA, il est vrai que l’OHADA n’a pas en charge l’intégration économique de ses États membres. Toutefois même avec son objet limité, l’harmonisation du droit des affaires, elle partage avec l’UEMOA un large domaine. La mesure du risque de conflit entre l’UEMOA et l’OHADA est difficile à déterminer, car en théorie, il est illimité. Cela résulte de la souplesse, sinon l’imprécision avec laquelle le domaine d’action de l’une et de l’autre organisations a été fixé. Celui ci est en effet déterminé dans chacun des deux traités à l’aide de critères généraux et avec la possibilité de son extension. Il en résulte que le développement des deux processus d’intégration comporte un risque sérieux de conflit, et d’émergence de règles contradictoires1002.
54Le fondement de cette difficulté de faire la répartition des domaines de compétence matérielle entre l’UEMOA et l’OHADA se trouve dans la difficulté de faire une distinction nette entre le droit des affaires qui est le centre de l’entreprise et le droit économique qui est la base de l’entreprise.
55Il faut noter que l’expression droit des affaires est récente1003, elle couvre en fait dans une large mesure, une matière qui, pendant plus d’un siècle et demi, à été enseignée sous le nom de droit commercial.
56Beaucoup ont considéré que les deux expressions droit des affaires et droit commercial, sont synonymes et qu’elles désignent en vérité la même chose. Ainsi, dans de nombreux ouvrages, on parle tantôt de droit commercial, tantôt de droit des affaires. Cette conception est écartée, car les deux notions sont distinctes et couvrent des réalités différentes.
57Le droit commercial est l’ensemble des règles applicables aux commerçants dans l’exercice de leurs activités professionnelles. Quant aux droits des affaires, il se définit comme l’ensemble des règles de droit applicables à l’entreprise.
58Ainsi, dans le droit commercial, c’est le concept de commerce qui commande l’application de la règle de droit commercial à une situation donnée alors que dans le cadre du droit des affaires, c’est le concept d’entreprise qui commande l’application de la règle de droit des affaires. L’entreprise peut être définie comme toute entité organisée, ayant une activité économique de production, de distribution et de prestation de services.1004
59Le concept est plus large que celui du commerçant. A l’instar de l’ensemble du droit des affaires, qui s’applique aux entreprises en général, le droit commercial constitue un sous-ensemble qui s’applique de façon spécifique aux entreprises des commerçants et à leurs activités. Dés lors, il est permis d’affirmer que le droit des affaires englobe et prolonge le droit commercial.
60Il est à noter que le droit des affaires est issu du droit commercial, mais par l’évolution des affaires, le droit commercial est dépassé, domaine aussi nécessaire aux droits des affaires.
61Il faut remarquer que cette transformation et cette évolution sont dues à la grande mutation économique vers le xix siècles due aux techniques de production. Ainsi, l’entreprise industrielle remplace l’entreprise artisanale, ce qui nécessite des capitaux et des investissements, du personnel salarié qui jusqu'à cette époque était ignorée, ce qui entraînera la création de nouveaux instruments juridiques.
62Ce développement dû au néolibéralisme économique entend restaurer l’initiative industrielle et le rôle fondamental des entreprises privées dans le fonctionnement de l’économie. Elle considère que le jeu concurrentiel du marché constitue le régulateur de l’économie ce qui entraînera l’internationalisation du droit des affaires.
63Parmi les nombreuses sources du droit des affaires, c’est actuellement le droit communautaire par le biais de ses traités constitutifs qui constitue la source fondamentale.
64Le droit communautaire revêt pour le droit des affaires une importance considérable1005. Son influence est double, en premier lieu, le droit communautaire oriente l’évolution du droit interne des États. En effet, il comporte parmi ses objectifs, l’harmonisation et le rapprochement des droits des États. A ce titre les États sont obligés de modifier leur législation interne. En second lieu, le droit communautaire modifie le droit des affaires national. Ainsi, il faudra constater aujourd’hui que le domaine du droit des affaires ne cesse de s’agrandir. La spécificité du droit des affaires fait de ce droit une exigence propre à la vie et au développement des affaires. Selon Yves Guyon « le droit des affaires englobe notamment des questions qui relèvent du droit public, (intervention de l’État dans l’économie), du droit fiscal, du droit du travail, place des salariés dans la société etc.1006 »
65Son importance dans le monde n’est plus à démontrer, car les affaires jouent un rôle important dans le développement de l’humanité. Ainsi du fait des intérêts en jeu dans les affaires, il est devenu impérieux d’encadrer par le droit ceux qui y interviennent d’où La grande influence du droit des affaires de sorte que selon toujours Yves Guyon « pour Mao Tsé Toung, l’homme vit dans les affaires comme un poison vit dans l’eau »1007.
66Devant les impératifs de développement économique, le droit des affaires s’est imposé en raison de sa modernité, car il correspond à une vision contemporaine d’une activité professionnelle en constante évolution. Le droit des affaires présente d’ailleurs deux facettes. Dans une certaine perspective, il est par essence pluridisciplinaire, au point d’englober les techniques de gestion et de financement. Il est moins une technique d’encadrement, qu’une technique d’organisation, au service de l’entreprise. Dans une seconde perspective qui est de plus en plus courante, le caractère pluridisciplinaire et fonctionnel du droit des affaires ne joue pas un rôle déterminant. Le droit des affaires y apparaît plutôt comme l’ensemble des règles de droit applicables aux entreprises et aux relations de droit privé. Mais, il faut noter que le droit des affaires reconnaît la spécificité du droit commercial, qui constitue encore aujourd’hui une réalité du droit positif. L’on ne peut ignorer en effet l’existence de nombreuses règles dont l’application est réservée aux seuls commerçants, au sens précis et traditionnel du terme. Mais il dépasse le droit commercial, car il comporte aussi les règles applicables à toutes les entreprises en général, du moins à celles qui ont une activité relevant du droit privé.
67Le droit des affaires, du fait de son caractère expansionniste, entretient avec le droit civil des rapports de complémentarité, mais les rapports d’influence de ce droit sur le droit civil sont plus prépondérants. Face à l’évolution économique le droit des affaires ne peut plus à lui seul réglementer l’activité économique, ainsi face aux influences du droit commercial, la doctrine a inventé après la deuxième guerre mondiale de nouvelles branches de droit. Ainsi, selon Yves Guyon « on parle aujourd’hui à volonté de droit des affaires, voire de droit économique ou de droit des entreprises »1008.
68Certains auteurs comme Joseph Issa Sayegh, ont affirmé que l’UEMOA s’est donné comme objectif l’harmonisation de toutes les législations nécessaires à la réalisation non seulement de l’Union Monétaire, mais de l’Union économique.
69Pour lui, c’est donc le droit économique, c’est-à-dire le droit des affaires dans son ensemble qui peut être harmonisé par son entremise. On remarquera que cet éminent auteur semble confondre lui aussi le droit économique et le droit des affaires. C’est dire que ces droits partagent un même domaine, d’où toute la difficulté de séparer les deux domaines, car le droit économique, comme le droit des affaires, a pour base de prédilection l’entreprise.
70S’agissant du droit économique, la doctrine a fait une large diffusion à son sujet.
71L’enseignement du droit économique est récent. Si l’ordre juridique a toujours eu des repères sur le système économique qu’il encadre, régit et normalise, c’est l’inclusion massive de l’État dans la vie économique au 20e siècle et la quasi-généralisation du développement relatif à l’économie dans toutes les branches du droit qui ont conduit à s’interroger sur l’existence du droit économique.
72En effet, si pendant longtemps la distinction classique du droit privé et du droit public a semblé sans équivoque, la socialisation progressive de l’économie et la nécessité pour les pouvoirs publics de préciser et de clarifier les lois de l’économie qui ont rendu la distinction moins évidente.
73Autrement dit la rencontre interdisciplinaire du droit et de l’économie a eu pour conséquence de rendre un peu floue la rencontre du droit public et du droit privé.
74Car, le fonctionnement harmonieux de tout système économique requiert un certain nombre de règles, de droit, qui assurent l’appropriation et l’usage des facteurs de productions, des produits ou des services, utiliser seul à cette fin, le droit public présente le danger d’une trop grande limitation de la liberté économique.
75Le droit privé quant à lui ne pourra appréhender les structures de l’activité économique.
76Dans leur perspective économique le droit public fait appel à des techniques de droit privé et le droit privé à celles du droit public.
77Ainsi, comme en droit privé, le droit public recourt à des techniques contractuelles inspirées du droit public, ce sont par exemple les conventions collectives et dans certaines variantes du contrat d’adhésion. Toujours en droit privé on assiste en droit commercial à une grande réglementation publique de l’activité commerciale qui a profondément porté atteinte à l’autonomie des individus et à la liberté des échanges. Ses altérations s’observent dans les secteurs tels que le droit de la concurrence, du crédit de l’accès et à l’exercice de certaines professions.
78Même en droit civil, des considérations d’ordre public ont laissé formés le régime des biens, la propriété n’est plus absolue à cause de l’expropriation et celle des obligations par le déclin de la liberté contractuelle.
79Au total, on assiste à une réglementation publique des activités privées, des techniques de droit privé sont utilisés notamment pour les activités industrielles et commerciales etc.
80Tous ces exemples illustrent la difficulté de faire la distinction entre le droit privé et le droit public. C’est ainsi qu’on assiste à un développement de l’interventionnisme étatique pour la réglementation des activités privées. Cette évolution du droit soutenue essentiellement pour des raisons d’ordre économique et sociale a conduit à conclure à l’existence d’une économie qui est la recherche d’une identité.
81Mais il faut noter qu’à l’heure actuelle, il n’existe pas de définition unanimement acceptée en droit économique.
82Les auteurs ont retenu et proposé plusieurs critères, mais ces différentes positions doctrinales sont articulées sur trois pôles. Certains mettent l’accent sur les sujets de droit, les structures, d’autres sur l’objet du droit économique, enfin d’autres privilégient la finalité du droit économique.
83Ainsi, le droit économique est considéré comme le droit de l’entreprise, le droit de l’intervention de l’État dans la vie économique ou le droit de l’intérêt général.
84En ce qui concerne la conception selon laquelle le droit économique est le droit de l’entreprise, elle a été élaborée par Claude Champaud qui définit le droit économique comme « le droit de l’organisation et du développement économique que ceci relève de l’État, l’initiative privé ou du concours de l’un ou de l’autre1009 »
85Selon Champaud dans un système d’économie libérale, c’est l’élément privé qui est au centre de cette organisation et de ce développement économique. C’est donc la conduite de base du système économique. Ainsi, le droit économique sera donc nécessairement et essentiellement le droit de l’ensemble de l’entreprise. L’entreprise entendue comme une unité de production, de distribution et de service.
86Le droit économique s’efforcera à concilier les trois intérêts qui s’y rencontrent : l’intérêt général, l’intérêt propre de chaque entreprise et les intérêts particuliers des individus qui concourent à sa réalisation. Ainsi entendu le droit économique recouvre un système de relations juridiques.
87D’abord les structures et le fonctionnement interne de l’entreprise à savoir ses rapports avec les travailleurs, entre les managers et les apporteurs de capitaux, structures d’affiliation patrimoniale.
88Ensuite, les relations avec les autres éléments qu’il s’agisse de coopération ou de concurrence.
89Enfin, les relations avec les pouvoirs publics, réglementation de police, de direction et de l’économie. Dans cette perspective le droit économique annexe une bonne partie du domaine reconnu au droit social, au droit commercial, au droit fiscal, au droit des affaires, au droit administratifs etc. Sous cet angle, il se rapproche du droit des affaires, c’est pourquoi certains auteurs considèrent que cette conception est trop large et qu’elle est insuffisante à définir le droit économique.
90En effet, on ne peut circonscrire le droit économique à l’entreprise. Cette notion est considérée par certains comme étant étroite. C’est pourquoi, certains auteurs préfèrent utiliser d’autres notions. Ainsi, pour Didier Truchet1010, la notion est trop floue, n’a aucune consistance juridique et est inconnue des classifications classiques. Trop stricte, elle écarte l’État et les ménages. Il lui préfère la notion d’unité économique qui a l’avantage d’être utilisée dans les terminologies de la comptabilité publique. Pour d’autres, Mestre et Linotte, la notion d’unité économique évoque l’idée de production, et s’adapte mal aux institutions et aux particuliers, ils préfèrent la notion d’agent économique, notion plus compréhensible, plus large et qui met l’accent sur l’activité plutôt que sur les structures.
91A côté de ceux qui considèrent le droit économique comme le droit de l’entreprise, d’autres considèrent ce droit comme le droit de l’intervention de l’État dans la vie économique. Selon cette conception, les auteurs tels que Chenot et Gentre considèrent le droit économique comme l’ensemble des règles ayant pour objet de donner aux pouvoirs publics la possibilité d’agir activement sur l’économie. Il comprend donc essentiellement des mesures autoritaires d’organisations économiques qui procèdent du refus laissé pour les seules lois de l’économie de marché.
92Autrement dit c’est un droit qui ambitionne d’orienter l’évolution de l’économie dans le sens désigné pour les pouvoirs publics, il doit alors exprimer un équilibre entre les pouvoirs publics et la survivance des acteurs publics du droit administratif et fiscal et du droit privé. Cette position doctrinale est critiquable, car cette doctrine conduit à exclure du système économique les règles de droit dont le contenu est spécifiquement économique sans qu’il relève de l’intervention de l’État dans la vie économique.
93Cette conception du droit économique conduit à privilégier les pouvoirs publics et par conséquent la naissance du droit public économique. Ainsi, de cette conception on peut déduire que le droit économique est le droit ou plutôt la matière qui consiste à rassembler sous la bannière du droit économique toutes les branches du droit public et du droit privé qui touchent à l’économie pour en faire un droit de l’économie. Ensuite, il serait possible de classer ensemble les branches du droit public pour en faire un droit public économique ou le droit public de l’économie1011.
94En tant que discipline de regroupement, on y trouve tout ce qui concerne l’économie au sens des économistes, c’est-à-dire la production, la répartition des échanges, fabrication des échanges, transformation, transport et consommation de richesse.
95Dans cette conception large, les frontières sont peu précises, on peut y inclure le régime de la propreté, des droits réels principaux et accessoires, le droit des biens, le droit social, le droit financier, le droit budgétaire, le droit des emprunts etc…
96Dans cette perspective, le droit économique comme d’ailleurs le droit des affaires devient tentaculaire et de nombreuses branches du droit pourraient s’y trouver incluses.
97Même en se limitant aux branches du droit public, ce qui n’est pas chose aisée, puisque la matière économique se joue à la frontière des disciplines et que la distinction du droit public, du droit privé y est souvent plus mal aisée qu’ailleurs, il reste une discipline très large.
98Une seconde conception considère que le droit public, économique est une discipline spécifique.
99A ce niveau, la problématique qui se pose est celle de la détermination d’un critère autour duquel la matière s’organise.
100Certains auteurs s’interrogent sur l’existence d’un droit économique avant de penser à celui d’un droit public économique.
101Le doyen Savatier1012 considère le droit économique comme le droit de l’ex-croissance des affaires, le droit commercial confronté à la puissance publique.
102D’autres comme Ch. Jeantet1013 considèrent le droit public économique comme le droit de l’intervention de l’État dans l’économie.
103Pour C. Champaud, c’est un droit cristallisé autour de la notion d’entreprise. Quant à certains auteurs, ils parlent même du droit public des affaires en insistant sur l’adaptation du droit public classique au monde des affaires qui fait apparaître des techniques juridiques surtout des conceptions nouvelles1014.
104Enfin, d’autres1015 considèrent que le droit économique ne se limite pas aux seules interventions de l’État, mais doit s’accorder à reconnaître que seul et même la réalité qui guide les deux conceptions précitées du droit économique, c’est la poursuite et la réalisation de l’intérêt économique général.
105En effet, l’entreprise privée à travers la réalisation de l’intérêt général joue un rôle en matière de plein emploi et participe à la formation du PNB, c’est l’enrichissement de la notion, de même l’intervention de l’État dans la vie économique exprime la volonté des pouvoirs publics d’orienter les compétences des agents économiques publics dans le sens voulu par l’intérêt général, qu’il veut faire prendre en considération par les divers agents économiques.
106Ces différentes conceptions du droit économique découlent d’une spécificité de ce droit, ainsi, deux thèses permettent d’analyser ce sujet. Celle qui considère ce droit comme une discipline nouvelle et l’autre qui réfute cette thèse.
107Celle de la discipline nouvelle a été théorisée par les auteurs tels que Jeantet, mais surtout par G. Farjat. Pour cet auteur, le droit nouveau qu’est le droit économique ne peut être compris ou interprété, et encore moins développé à partir de l’analyse juridique classique. Pour lui, l’analyse classique selon laquelle c’est le droit qui vient au secours de l’économie est fausse. Le droit économique relève effectivement d’une certaine interpénétration de l’économie et du juridique. C’est cependant l’économique qui donne à ce droit nouveau sa cohésion.
108En d’autres termes, l’application du droit à l’économie a fait subir de telles modifications au droit qui en est issu un droit nouveau présentant des caractéristiques propres et dont l’analyse est différente de celle du droit classique.
109Parmi les caractéristiques de ce droit nouveau, Gérard Farjat cite le caractère concret, la mobilité, l’importance de l’analyse économique des faits et le développement considérable de l’appréciation de l’opportunité.
110Dans le droit économique, le droit est une technique au service de la finalité économique, ce qui évidemment ne remet pas en cause son caractère normatif. Mais il faut tout simplement adopter une attitude nouvelle dans les rapports entre le droit et l’économie et se rendre compte de la véritable influence des faits économiques sur la transformation du droit.
111Cette influence se manifeste sous la forme d’un déclin du droit ou, pour rendre compte la formule de Farjat, d’une déjuridisation du droit. Cette déjuridisation du droit ou le déclin de ses techniques constitue la base du droit économique.
112Face aux exigences et à la réalité de l’économie, le droit a perdu de sa rigueur et sa rigidité. Il s’est dénaturé, il est devenu au contact de l’économie une discipline scientifique spécifique distincte du mode original d’où l’appellation d’une nouvelle branche de droit économique. Ce droit est défini par Farjat comme « le droit de la concentration et de la collectivisation des biens de production et l’organisation de l’économie par des pouvoirs privés ou publics1016 »
113Cette conception de Farjat et de ses condisciples n’a pas convaincu tous les auteurs, de sorte que certains considèrent que le droit économique n’est pas une branche nouvelle.
114A l’encontre de la thèse de Farjat la majorité de la doctrine fait valoir que le droit économique n’est pas une discipline juridique. Ainsi, Claude Champaud dit que le droit économique « n’est pas une branche nouvelle du droit mais seulement un esprit juridique particulier appliqué à un corps de règles diverses ».
115Pour d’autres encore comme A. Lambert, « ce serait seulement une optique nouvelle à l’égard de la notion et des pouvoirs qui continuent de faire respectivement partie des branches du droit constitutionnel »1017.
116Jacquemin et Schanz1018 ne disent pas autre chose. Pour eux, le droit économique est une nouvelle optique vis à vis des matières traditionnelles. Aujourd’hui, disent-ils, l’économie politique est sous jacente à toutes les branches du droit. Le droit s’édifie particulièrement sur des données économiques et ces données gouvernent sa construction. On note alors, aujourd’hui, une sorte d’indivisibilité de toutes les branches du droit, en ce que le droit lui-même correspond et ce qu’il incorpore d’économie. Toujours pour ces auteurs, le droit économique ne constitue pas encore un corps de règles particulières et homogènes dont l’étude et l’enseignement constituerait une spécialité. Le droit économique est plutôt un ordre juridique répondant aux normes et aux besoins d’une civilisation en voie de formation.
117C’est le droit envisagé dans ses conséquences économiques. Toute règle de droit implique à des degrés divers certains effets économiques. Cela ne veut donc pas dire que le droit au contact de l’économie a été si dénaturé, si transformé qu’un nouveau droit spécifique et autonome a vu le jour et qu’il n’y a pas eu asservissement du droit par l’économie, le contraire non plus. Plus qu’une discipline juridique, le droit est une méthode d’approche, une technique.
118Vasseau ne disait t-il pas que le droit économique est « une manière d’envisager et peut être de sentir en fonction des nécessités de l’économie les problèmes de droit ». Cette manière d’appréhender le droit économique emporte notre adhésion. En réalité, plus qu’une discipline autonome le droit économique, comme le dit Vedel, est une interdiscipline1019. On le retrouve à tous les niveaux de la politique économique c’est donc avec raison que Savy le divise en droit macro-économique, en droit microéconomique, et en droit économique sectoriel.1020
119Le droit macro-économique, selon, lui embrasse les perspectives d’ensemble de l’économie à moyen et long terme et vise en outre à garantir les grands équilibres conjoncturels (réglementation des prix ou de commerce extérieur, droit monétaire) etc.
120Le droit micro-économique est fait de règles qui par nature s’appliquent à un seul ensemble et vise à influencer son comportement, conformément aux exigences de l’intérêt économique général, lettre d’agrément, quasi-contrat etc…
121Le droit économique sectoriel envisage les interventions publiques voire privées sur une branche d’activités (ex agriculture) ou fraction délimitée de l’espace économique national (action urbaine).
122On le constate encore évidemment dans l’analyse précédente que le droit économique emprunte à la fois au droit privé et au droit public et cela sans les dénaturer fondamentalement ni créer un nouveau droit. Il s’agit d’une technique au service d’une finalité plus que tout autre chose. C’est donc le droit appliqué à toutes les matières qui entrent dans la notion d’économie c’est le droit de l’économie.
123Et comme il rassemble pour l’essentiel toutes les parties du droit privé et du droit public qui touche à l’économie il y a lieu de croire qu’il existe un droit privé de l’économie et un droit public de l’économie.
124Selon de Laubadere, la relative privatisation des modes d’intervention de la puissance publique et la tendance de celle-ci à employer des instruments dont la forme est parfois franchement inspirée du droit privé, est révélatrice du rapprochement et de l’interdépendance du droit public et du droit privé.
125Cependant, il n’y a pas là un trait en lui-même différent du phénomène général du rapprochement du droit public et du droit privé. Ce moment trouve seulement un terrain propice en matière économique parce que les économies publiques et privées sont aujourd’hui très solidaires.
126Cette difficulté éprouvée par la doctrine pour systématiser le droit économique, justifie la difficulté de le séparer du droit des affaires.
127C’est ainsi qu’est né un troisième courant qui emporte notre adhésion, il s’agit du courant qui souhaite la reconnaissance du droit de l’entreprise. En effet selon cette doctrine, le droit commercial doit se reconstruire autour de la notion d’entreprise, qui correspond à la réalité économique contemporaine et à la vie des affaires.
128L’idée par son caractère, novateur et réaliste s’est imposée avec force telle l’origine de travaux doctrinaux et d’un enseignement fructueux. Reconnu aujourd’hui par l’ensemble de la communauté des juristes du droit privé, le droit de l’entreprise tend véritablement à s’imposer comme une nouvelle branche du droit. Le droit de l’entreprise doit aussi ses sources au fait que le droit positif contemporain fait de plus en plus place à la notion d’entreprise.
129Depuis une trentaine d’années, les lois qui interviennent en matière économique prennent pour destinataire l’entreprise.
130Ainsi, le droit communautaire objet de notre thèse est venu renforcer ce mouvement, car la notion d’entreprise est au centre du droit communautaire des affaires.
131Les initiateurs du traité OHADA, comme celui de l’UEMOA ont, dans les préambules de ses traités et dans certaines dispositions pertinentes de ces deux organisations unanimement pensés que l’intégration économique est une condition sinéquanon du développement de leur État.
132Ces différentes dispositions1021 ont particulièrement de manière spécifique pour une large part, visé l’entreprise et son développement.
133Avec ces deux traités, il est né un nouveau droit communautaire des affaires qui n’est rien d’autre qu’un droit de développement.
134La naissance du droit de développement explique en dépit d’intérêts nationaux souvent divergents, les États membres des deux organisations ont réussi jusqu’ici à surmonter les crises ou dépasser les stagnations qui avaient bouleversé leur économie.
135La naissance du droit communautaire des affaires, à l’instar du droit communautaire des affaires dans le contexte européen, est en train de dépasser les clivages entre le droit des affaires, le droit économique, le droit de l’entreprise pour consacrer une discipline de synthèse appelée droit communautaire des affaires que ce soit dans le contexte africain, que ce soit celui de l’Europe.
136Ce droit communautaire des affaires, est avant tout un agencement technique répondant à une logique économique et sécuritaire, le droit africain des affaires est une projection dans le domaine spécifique du fonctionnement de l’activité des entreprises, de l’ordre juridique communautaire, il est donc par définition une discipline téléologique entièrement axée sur la construction communautaire.
137Il faut noter que c’est un droit spécifique, par rapport au droit des affaires nationales en général, et se double à l’intérieur du système communautaire d’un particularisme.
138Le droit communautaire des affaires auquel a abouti notre réflexion dans la difficile opération de séparation du domaine matériel des deux organisations a comme fondement les deux traités constitutifs.
139Pour atteindre leur objectif, il fallait mettre en place un nouveau droit de développement qui, en constante évolution, touche de nombreux domaines juridiques appartenant aussi bien au droit privé qu’au droit public. Les objectifs des traités impliquent l’harmonisation de multiples branches des droits nationaux, qu’ils s’agissent du droit fiscal, du droit douanier, du droit bancaire, du droit des transports, du droit commercial, du droit social, etc..
140C’est dans cet effort d’harmonisation de toutes les branches du droit qui sont nécessaires au développement des agents économiques, que se trouvent les difficultés de faire une répartition des domaines matériels des deux organisations, car la frontière n’est pas facile à délimiter d’où des risques potentiels de conflits de compétence.
141Ce risque de conflits de compétence dans le domaine matériel conduit également aux risques de conflit de compétence au plan normatif
§ 2. Les risques de conflits de compétence entre les deux ordres juridiques au plan normatif
142Comme nous venons d’analyser en supra, les deux traités visent le même objectif, et couvrent le même domaine matériel.
143La conséquence qui en découle, c’est la difficulté de répartir leur domaine matériel ; ce qui entraînera des risques de conflits de compétences tant au niveau choix des matières à harmoniser ou uniformiser (A) que des risques de conflits au niveau de l’insertion de ses normes dans les ordres internes (B)
A. Les risques de conflits liés aux choix des matières à harmoniser ou à uniformiser
144L’adoption d’une nouvelle réglementation est toujours redoutée aussi bien par les praticiens, que par les théoriciens du droit qui craignent un bouleversement des habitudes acquises.
145Les traités UEMOA et OHADA ont tous les deux prévu de manière arbitraire, les matières qu’ils souhaitent harmoniser ou uniformiser pour atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés.
146Le domaine de l’harmonisation du droit des affaires envisagé par les États parties est défini comme étant toute discipline du droit des affaires de nature à promouvoir les échanges régionaux et internationaux.
147Mais la priorité exprimée par le traité OHADA est prévue dans l’article 2 qui dispose « pour l’application du présent traité, entre dans le domaine du droit des affaires, l’ensemble des règles relatives au droit des sociétés et au statut juridique des commerçants, au recouvrement des créances, aux sûretés et voie d’exécution, au régime de redressement judiciaire des entreprises en difficulté et la liquidation judiciaire, au droit de l’arbitrage, au droit du travail, au droit comptable, au droit de vente et de transport et toute autre matière que le Conseil des Ministres déciderait, à l’unanimité d’y inclure conformément à l’objet du présent traité et aux dispositions de l’article 8 ».
148A cet effet, le Secrétariat Permanent propose un programme annuel d’harmonisation du droit des affaires.1022
149Les rédacteurs de l’article 2 se sont gardés de définir le droit des affaires, se limitant à une énumération non exhaustive du reste des matières à insérer renvoyant au concept.
150Le choix apparaît trouver sa justification dans l’extrême difficulté voire l’impossibilité de définir avec précision une catégorie juridique, car les réformes antérieures ne s’appliquent qu’au droit des sociétés1023. Les auteurs du traité ont préféré faire l’économie d’un exercice périlleux s’en remettant peut être aux théoriciens pour cerner les contours de la notion.
151Quant à l’article 4 du traité UEMOA, il a fixé les buts et les objectifs de l’Union en délimitant en quelque sorte de manière arbitraire, le champ d’action du traité. Il s’ensuit nécessairement un besoin énorme d’harmonisation de plusieurs matières.
152En effet, l’article 4 dispose « sans préjudice des objectifs définis par le traité de l’UMOA, l’Union poursuit dans les conditions établies par le présent traité, la réalisation des objectifs ci-après :
- renforcer la compétitivité des activités économiques et financières des États membres dans le cadre d’un marché ouvert concurrentiel et d’un environnement juridique rationalisé et harmonisé ;
- assurer la convergence des performances et des politiques économiques des États membres par l’institution d’une procédure de surveillance multilatérale ;
- créer entre les États membres, un marché commun basé sur la libre circulation des personnes, des biens, des services, des capitaux et le droit d’établissement des personnes exerçant une activité indépendante ou salariée, ainsi qu’un tarif extérieur commun et une politique commerciale commune
- instituer une coordination des politiques sectorielles nationales par la mise en œuvre d’actions communes et éventuellement de politique communes, notamment dans les domaines suivants : ressources humaines, aménagement du territoire, transport et télécommunication, environnement, agricultures, énergie, industrie et mine,
- harmoniser dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché commun, les législations des États membres et particulièrement le régime des fiscalités ».
153L’analyse de l’article 4 permet de déduire que le traité UEMOA s’est fixé comme objectif l’intégration des espaces économiques. À cet effet, il vise la mise en œuvre de politiques sectorielles communes qui seront les vecteurs du développement, mais aussi l’émergence d’entreprises communautaires, aptes à relever les défis de la compétition internationale. La conduite de ces politiques commerciales complète les politiques économiques communes, en promouvant l’intégration des secteurs clés.
154Cette intégration des espaces économiques nationaux permet de multiplier les sources de financement de l’activité économique d’une part, en assurant aux entreprises une source de financement d’autre part.
155L’article 60 va dans le même sens en disposant « dans le cadre des orientations prévues à l’article 8, la Conférence des Chefs d’État établit des principes directeurs pour l’harmonisation des législations des États membres ».
156Elle identifie des domaines prioritaires dans lesquels, conformément aux dispositions du présent traité, un rapprochement des législations des États membres est nécessaire pour atteindre les objectifs de l’Union. Elle détermine également les buts à atteindre dans les domaines et les principes généraux à respecter.
157Dans l’exercice de ces fonctions, « la Conférence des Chefs d’État tient compte des progrès réalisés en matière de rapprochement des législations des États de la région dans le cadre d’organismes poursuivant les mêmes objectifs que l’Union », et l’article 61 de préciser « le Conseil statuant à la majorité des deux tiers 2/3 de ses membres sur proposition de la
158Commission, arrête les directives ou règlements nécessaires pour la réalisation des programmes mentionnés à l’article 60 ».
159La mise en œuvre de la réglementation prévue aux articles 1er et 2 du traité OHADA sont qualifiés « Actes uniformes ».
160« Les Actes uniformes peuvent inclure des dispositions d’incrimination pénales. Les États membres s’engagent à déterminer dans les sanctions pénales encourues ».
161Quant à l’article 42 du traité UEMOA il dispose « pour l’accomplissement de leur mission et dans les conditions prévues par le présent traité ; la Conférence prend des Actes additionnels conformément aux dispositions de l’article 19 ».
162Le Conseil édicte des règlements, des directives et décisions, il peut également formuler les recommandations et ou des avis.
163La Commission prend des règlements pour l’application des actes du Conseil et édicte des décisions, elle peut également formuler les recommandations et/ou des avis.
164L’ensemble de ces dispositions prévues dans le cadre de l’OHADA ou de l’UEMOA ont pour objectif l’élaboration des ordres juridiques consacrés par les deux organisations en vue de leur permettre d’atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés à savoir le développement économique et social de leur État membre.
165Comme analysé au supra, les deux organisations visent les mêmes objectifs et couvrent le même domaine qui se traduit soit par le droit des affaires ou par le droit économique ou le droit des entreprises.
166La frontière entre ces concepts est très difficile à établir ce qui fait une confusion juridique très difficile à cerner, car plusieurs auteurs ont théorisé ces conceptions sans qu’une unanimité ne soit dégagée.
167L’analyse des dispositions de ces deux traités permet d’affirmer que l’UEMOA comme l’OHADA, peuvent intervenir chacun que ce soit dans le domaine du droit des affaires, du droit économique, ou du droit des entreprises.
168Ainsi, à l’instar du droit des communautés européennes1024, l’UEMOA et l’OHADA ont consacré un droit communautaire des affaires. Ce droit regroupe plusieurs matières.
169Ces différentes matières sont regroupées dans l’UEMOA et dans l’OHADA car elles partagent un même domaine matériel.
170Pour l’harmonisation des matières constitutives de ces domaines matériel, l’UEMOA utilise les actes appelés règlements, directives, recommandations et ou avis, tandis que l’OHADA, utilise les actes uniformes et des règlements.
171Ces différents actes juridiques constituent les ordres juridiques des deux organisations. Ces deux ordres juridiques sont constitués de normes appelées système normatif que ce soit l’UEMOA ou l’OHADA.
172C’est dans le choix des systèmes normatifs que les risques de conflits peuvent naître.
173En effet, comme nous venons de l’étudier en supra, les matières objet d’intégration juridique ou d’intégration économique dans le cadre de l’UEMOA ou de l’OHADA partagent le même domaine matériel. Dans le cadre du traité de l’UEMOA, les dispositions des articles 4 et 60 du traité couvrent un large domaine, dans lequel plusieurs matières peuvent faire l’objet d’uniformisation ou d’harmonisation afin de permettre à l’Union d’atteindre ses objectifs.
174Les matières en question couvrent aussi bien le domaine du droit économique que celui du droit des affaires.
175Du fait que les deux organisations peuvent chacune élaborer les règles juridiques soit sous forme d’Actes uniformes dans le cadre de l’OHADA ou de règlements, de directives, de décision, recommandations ou avis dans le cadre de l’UEMOA, les risques de conflits peuvent apparaître si les deux organisations ne se concertent pas dans l’édiction de ces règles.1025
176Il en résulte que le développement des deux processus d’intégration comporte un risque sérieux de conflits, d’une émergence de règles contradictoires.
177Il faut noter que parmi les règles de droit que les deux organisations vont mettre en œuvre, les risques de conflit seront plus accentués entre les Actes uniformes de l’OHADA et les règlements de l’UEMOA.
178Ces deux actes juridiques de l’ordre juridique communautaire ont les mêmes caractères et un même régime.
179L’Acte juridique communautaire qu’il s’agisse de celui de l’UEMOA ou de l’OHODA, outre leur source d’élaboration par un exécutif délibérant, présente une nature juridique, mieux une même force de pénétration dans le droit interne des États membres respectifs des deux organisations. Même l’organisation d’intégration économique présente un parapluie d’instruments juridiques plus variés, qui va de l’Acte additionnel pris par la Conférence des Chefs d’État, aux règlements, directives, décisions, là où l’OHADA ne connaît que l’Acte uniforme communautaire.
180L’Union Monétaire Ouest Africaine utilise un Acte uniforme formel non communautaire parce que réceptionné selon les procédures traditionnelles propres à chaque État.
181La fusion de l’UMOA dans l’UEMOA va poser la question de la nature juridique de ces Actes uniformes hybrides comme l’Acte uniforme portant la loi bancaire, l’Acte uniforme sur les crédits mutuels ou celui portant sur les effets de commerce.
182Il est à remarquer que l’étude de ces deux organisations dans leur conception et leur fonctionnement fait apparaître que les premières difficultés sont nées des chevauchements de compétence de leurs organes institutionnels, avec comme illustration, la même force de pénétration dans le droit interne des États membres, qui leurs sont communs, des normes communautaires respectivement élaborées et mises en rigueur indépendamment les uns des autres.
183On peut déjà noter quelques illustrations à travers l’élaboration de certaines normes juridiques.
184En effet, on peut relever des contradictions1026 majeures entre les dispositions de l’Acte uniforme de l’OHADA, portant organisation des procédures simplifiées, de recouvrement de créances et les voies d’exécution, qui autorisent la compensation d’office entre les dettes publiques, avec les créances détenues par tout particulier, contre l’État et les entreprises publiques et les dispositions de la directive n° 06/97/CM/UEMOA qui interdit la compensation d’office, entre les dettes réciproques de l’État et les particuliers.
185Il se pose ainsi, un problème de conflit de loi communautaire qui n’est pas facile à résoudre si l’on sait que l’article 10 du traité OHADA dispose que « les Actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les États parties, nonobstant toute disposition contraire de droit interne antérieure ou postérieure », alors que l’article 6 du traité UEMOA prévoit à son tour que « les actes arrêtés par les organes de l’Union pour la réalisation des objectifs du présent traité et conformément aux règles et procédures instituées par celui-ci sont appliqués dans chaque État membre nonobstant toute législation nationale contraire, antérieure ou postérieure ».
186En effet, cette situation1027 est quand même regrettable, car ce sont les mêmes Conseils des Ministres que soit dans le cadre de l’UEMOA qui participent à l’élaboration de la directive. Il faut également noter que c’est le Conseil des Ministres qui est l’organe central dans l’élaboration des Actes uniformes, ainsi, au sein de l’OHADA il défend les intérêts des acteurs économiques, mais le cadre de l’UEMOA, il est le gardien de l’orthodoxie budgétaire.
187En matière de droit de la concurrence, des risques de conflit peuvent également naître.
188En effet, l’article 88 du traité de l’UEMOA pose les principes fondamentaux du droit de la concurrence de l’UEMOA qui a été interprété dans les dispositions que la Cour de justice de l’UEMOA dans son avis n° 003 /2000 depuis /2000, comme donnant compétence exclusive à l’Union, pour élaborer les normes en cette matière du droit communautaire interdisant ainsi l’application du droit national de la concurrence existant dans les États membres.
189La conséquence qui en découle, est l’effet bloquant de ces dispositions communautaires originaires1028 interdisant aux États membres sous peine de manquement à leur engagement communautaire, de participer à une élaboration quelconque d’un autre droit de la concurrence en dehors de l’espace communautaire de ce traité.
190C’est dire donc que le droit de la concurrence, tel que visé par le traité, ne peut, en aucune façon, coexister avec le droit de la concurrence de l’UEMOA.
191Cette situation est inacceptable, car le droit de la concurrence fait partie intégrante du domaine du droit des affaires.
192Il ne serait pas justifié, du fait de l’autonomie des deux ordres juridiques, et leur vocation à investir leurs domaines respectifs en vue d’atteindre leur objectif, d’empêcher à l’OHADA de prendre des Actes uniformes sur la matière du droit de la concurrence. Et si cet Acte uniforme était pris, rien n’interdit au Conseil des Ministres de prendre un tel Acte uniforme s’il le juge nécessaire, un risque de conflit pourrait naître entre les deux systèmes normatifs1029 .
193L’importance de la législation de la concurrence n’est plus à démontrer pour les entreprises et le droit des affaires.
194En régime de concurrence, toute entreprise peut légitimement chercher à conquérir la clientèle de ses concurrents. Mais l’entreprise est également en droit de défendre ses intérêts contre les menaces de ses concurrents.
195Il est légitime qu’elle cherche à conserver sa clientèle par des moyens licites d’où l’intérêt de réglementer le droit de la concurrence, ce qui a été fait dans le cadre de l’UEMOA.
196Dans le cadre de l’OHADA, qui a pour objectif principal la réglementation de l’environnement des entreprises, il n’est pas à écarter qu’elle réglemente elle aussi le droit de concurrence compte tenu de l’importance de cette matière en droit des affaires. D’ailleurs, le Conseil des Ministres de l’OHADA réuni les 11 et 12 mars 1999 à Ouagadougou, dans le cadre du programme annuel d’harmonisation du droit des affaires, a décidé d’inclure parmi les matières à harmoniser, le droit de la concurrence.
197En plus du droit de la concurrence d’autres matières peuvent entrer en conflit entre les deux ordres juridiques.
198En effet, en matière de liquidation des établissements bancaires, il faut noter l’existence d’une dualité de procédures.
199L’une des procédures est prévue par l’Acte uniforme de l’OHADA sur le redressement judiciaire, l’autre est prévu par la loi portant convention bancaire.
200Il faut noter bien que les deux textes soient complémentaires à bien des égards, se cache les conflits entre les deux, car l’article 63 de la loi bancaire dispose « l’administrateur provisoire ou le liquidateur nommé par le Ministre des Finances peut saisir la juridiction compétente afin de faire déclarer la banque ou l’établissement financier en état de cessation de paiement. Les fonctions de l’administrateur provisoire prennent fin dés la nomination d’un syndic ou d’un administrateur judiciaire ».
201L’article 63 pose un problème juridique entre l’UEMOA et l’Acte uniforme OHADA, dans le cadre de l’OHADA, il est possible qu’il nomme un syndic.
202En cas de redressement judiciaire, le problème peut se poser entre l’application de l’article 63 de la loi portant convention bancaire, et l’Acte uniforme de l’OHADA.
203On note ainsi une contrariété de textes pouvant conduire à un conflit de normes. Ce conflit est d’ailleurs inévitable, car les deux organisations ont mis en place Ces textes.
204L’Acte uniforme sur les entreprises en difficulté est entré en vigueur, il en va de même de la loi portant sur la réglementation bancaire. Ainsi, les risques de conflits ne sont plus potentiels mais réels.
205Il appartiendra aux juridictions de régler ce conflit inextricable.1030
206D’autres illustrations existent également pour justifier les risques de conflit normatif entre l’UEMOA et l’OHADA.
207L’Acte uniforme de l’OHADA relatif au droit commercial général a réglementé la vente commerciale, et a fixé les obligations du vendeur dans certaines dispositions.1031
208Ce texte peut entrer en conflit avec les dispositions de l’article 11 du code communautaire des investissements de l’UEMOA. Cet article fixe les règles de production devant être observées par les entreprises en soumettant celles-ci à l’obligation de se conformer aux règles et normes exigées pour les produits identiques dans leur pays d’origine.
209Il est évident que le contentieux qui naîtra de l’application des dispositions posera le problème du droit applicable, car la vente est régie par l’Acte uniforme sur le droit commercial général.
210Ainsi, toutes les autres obligations qu’impose l’article 11 du code des investissements relatifs à « l’investisseur producteur » et d’une manière générale, toutes celles qui pourraient être exigées par l’UEMOA dans le cadre d’une politique de normalisation des produits et services sont susceptibles de créer ou de favoriser un conflit de normes entre les deux ordres juridiques.1032
211Les conflits de normes peuvent également naître dans le cadre de la fiscalité. En effet, l’alinéa e de l’article 4 du traité UEMOA dispose « harmoniser dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché commun, les législations des États membres et particulièrement le régime de la fiscalité ». Ainsi, dans le cadre de l’UEMOA, l’harmonisation de la fiscalité a été prévue de manière explicite. C’est que ce traité a donné une importance capitale à cette matière, qui est au cœur du droit des affaires. L’importance du régime de la fiscalité pour les entreprises est capitale. La fiscalité peut même orienter la forme de la société, que le chef d’entreprise souhaite mettre en place.
212La fiscalité des affaires est une matière fondamentale dans le cadre du droit des affaires. L’UEMOA a procédé par une directive à l’harmonisation de la TVA. Cette directive est appliquée dans l’espace UEMOA. Le projet d’harmonisation de la fiscalité directe est très avancé, son application ne saurait tarder. L’harmonisation du droit fiscal des affaires dans le cadre de l’OHADA est une impérieuse nécessité, car laisser les États déterminer leur propre régime de fiscalité directe, pourrait constituer une entrave au développement des affaires. Ainsi, dans le cadre de son programme d’harmonisation, l’OHADA comme d’ailleurs l’UEMOA, procédera à l’harmonisation du droit fiscal des affaires. Cette matière ne saurait être exclue du domaine de l’harmonisation.1033 Il faut noter que le Conseil des Ministres de l’OHADA, réuni à Bangui les 22 et 23 mai, a décidé d’inclure dans le domaine du droit des affaires à harmoniser les matières suivantes : le droit de la concurrence, le droit bancaire, le droit de propriété intellectuel, le droit des sociétés civiles, des sociétés coopératives et mutualistes, le droit des contrats et de la preuve.
213En décidant ainsi d’harmoniser toutes ces matières1034, on voit que le domaine du droit des matières à harmoniser s’étend de plus en plus, ce qui risque d’entrer en conflit avec les matières que l’UEMOA décidera d’harmoniser. L’autre risque de conflit sera relatif à l’intégration de leurs normes juridiques dans ceux des États membres.
B. Les risques de conflits liés à l’intégration des normes juridiques de l’UEMOA et de l’OHADA dans l’ordre juridique interne des États membres
214L’UEMOA et l’OHADA sont des organisations internationales de nature identique. Elles se caractérisent principalement par leur supra-nationalité. Ces deux organisations ont, par le système de transfert de souveraineté ou d’abandon de celle-ci, acquis le statut d’organisation internationale supra nationale.
215Cette supranationalité confère tous les caractères fondamentaux à leurs règles, à l’instar des organisations internationales. Le premier caractère est celui de la primauté du droit communautaire sur le droit national des États parties1035. Cette primauté est consacrée par l’article 10 du traité OHADA, et 6 du traité UEMOA. Ce principe qui est une caractéristique fondamentale du droit communautaire positif de l’UEMOA et de l’OHADA, est de nature générale et absolue. En effet, ce principe inconditionnel impose la prévalence du droit communautaire sur le droit national, qu’il s’agisse du droit originaire issu des traités, ou du droit dérivé issu des organes, des engagements internationaux liant la communauté, ou même le principe général de droit adopté par le droit communautaire.
216Cette obligation de faire prévaloir la règle de droit communautaire, s’impose aussi bien à l’État membre qu’à ses institutions constitutionnelles, comme le gouvernement, son administration, les assemblées parlementaires et la justice.
217En vertu du principe communautaire de coopération, il appartient aux autorités nationales d’éliminer de l’ordonnancement juridique les dispositions incompatibles avec les engagements communautaires de l’État membre, sur la base de ses propres procédures nationales.
218Même si le droit communautaire reconnaît une certaine autonomie tant institutionnelle que procédurale des États membres, il se réserve cependant un droit d’encadrement de cette autonomie afin de préserver de façon égale et effective, le processus de primauté du droit communautaire, lequel relève fondamentalement d’une plus haute mission confiée aux institutions communautaires ;
219Le principe de primauté consacré par l’UEMOA et OHADA résultent d’une création jurisprudentielle1036 européenne.
220En effet, dans l’arrêt SIMMENTHAL, le juge communautaire disait « en vertu du principe de primauté du droit communautaire, les dispositions du traité et les actes des institutions directement applicables ont pour effet dans leur rapport avec le droit interne des États membres, non seulement de rendre inapplicable de plein droit dés leur entrée en vigueur toute disposition contraire de la législation nationale existante, mais encore, en tant que ces dispositions et actes font partie intégrante au rang de priorité de l’ordre juridique applicable sur le territoire de chacun des États membres, d’empêcher la formation de nouveaux actes législatifs nationaux dans la mesure où il serait incompatible avec les normes communautaires ».
221En somme, cette interprétation jurisprudentielle du principe de primauté donne un effet abrogatoire rendant inapplicable de plein droit les normes nationales antérieures incompatibles et un effet bloquant empêchant la survivance de toute norme nationale postérieure incompatible.
222Ce principe essentiel de primauté va entraîner des effets importants dans la mise en œuvre du droit communautaire de l’UEMOA et de l’OHADA et que leur Cour de justice aura un lot de contentieux à l’instar de hautes juridictions européennes.
223En raison de ce caractère, les normes juridiques de l’UEMOA et de l’OHADA ont la même hiérarchie, aucune des normes n’est supérieure à l’autre. Chaque norme a la même reconnaissance dans les droits internes des États1037.
224Ainsi, de ce qui est étudié en supra, les deux organisations ayant le même objectif, partageant un même domaine matériel des risques de conflits sont possibles, et la jurisprudence des deux hautes juridictions tranchera en faveur de l’un ou l’autre des deux ordres juridiques.
225Ces règles uniformes de l’UEMOA et de l’OHADA se présentant avec un même degré d’importance dans les ordres juridiques nationaux chacun dans ses champs d’application, il est évident que les contraintes verront le jour.
226La supranationalité du droit de l’UEMOA et de l’OHADA affirme expressément la primauté du droit communautaire. Par cette affirmation formelle, les traités de Dakar et de Port – Louis adoptent un postulat moniste pour résoudre le problème de l’intégration du droit communautaire dans les ordres juridiques nationaux. La mise en œuvre de cette conception aboutit à une solution non équivoque, le droit d’essence communautaire prime sur le droit interne des États. Ce principe de primauté devient aussi une composante essentielle de l’ordre public communautaire, principe devant assurer dans chacune des organisations, la cohésion, comme la cohérence de l’ordre juridique. Mais la juxtaposition des deux ordres juridiques supra nationaux est source de difficultés et peut entraîner des risques d’incompatibilité s’ils interviennent sur une même matière. Aucun des ordres juridiques ne pourra s’effacer au profit de l’autre, car ils ont le même degré de hiérarchique.
227L’autre difficulté peut résulter de la nature du droit produit et aux destinataires de ce droit. S’agissant des destinataires du droit produit, la question qu’on peut se poser est celle de savoir si le droit communautaire s’applique aux États ou aux particuliers. Cette question est réglée par Monsieur R. Lecourt quand il écrit à propos de la CEE « ou bien la communauté est, pour les particuliers une séduisante, mais lointaine abstraction intéressant seulement les gouvernements qui appliquent discrétionnairement les règles ou bien elle est pour eux une réalité effective et par conséquent créatrice de droit.1038 » S’il transcende les États pour toucher les particuliers, il est dit supra-étatique ou supra – national. S’il ne concerne que les États, il est inter étatique ou intergouvernemental.1039
228La deuxième caractéristique est celle de l’autonomie des ordres juridiques communautaires. Pour atteindre leurs nobles objectifs, le processus d’intégration économique de l’UEMOA et celui d’intégration juridique de l’OHADA repose sur un même système constitutionnel communautaire, caractérisé par une autonomie du système juridique aussi bien par rapport au droit international général qu’au droit interne des États membres.
229L’un des fondements de l’ordre juridique communautaire est son autonomie et sa spécificité. Il est à remarquer que l’étude de ces deux organisations, dans leur conception et leur fonctionnement fait apparaître que les difficultés sont nées de chevauchements de compétences de leurs organes institutionnels, avec à la clé, la même force de pénétration dans le droit interne des États membres, qui leur sont communs, des normes communautaires respectivement élaborées et mises en vigueur indépendamment les unes et les autres du fait de leur autonomie.1040 Cette autonomie fait que chaque ordre juridique a ses caractéristiques et pouvoirs qui font que leur coexistence a été démontrée en supra. Cette autonomie est due d’une part à la dualité de leur source juridique et à celle de leurs organes institutionnels.
230L’ordre juridique de l’UEMOA, et celui de l’OHADA ont leurs sources propres et leurs organes institutionnels propres. Dès lors leur autonomie est consacrée pour les deux postulats. Ainsi, le droit communautaire de l’UEMOA et le droit uniforme de l’OHADA, s’imposeront de façon autonome sur le territoire des États membres et sur le même palier de la hiérarchie des normes juridiques de ces États, ce qui, naturellement crée une situation de confusion juridique quasi inédite et qui est justement le contraire de la rationalité recherchée par ces deux organisations dans l’harmonisation des règles de droit applicable.
231Des virtualités conflictuelles commencent à se faire voir et prennent la forme de réalité, au niveau de l’élaboration de certaines normes communautaires, avant que la justice communautaire n’en connaisse les premières manifestations. Comme étudiée précédemment, cette autonomie se manifeste tant au niveau des ordres juridiques internationaux qu’au regard des ordres juridiques internes des États membres.1041
232Dans l’application du droit communautaire de l’UEMOA et de l’OHADA, des conflits normatifs naîtront. Il appartiendra aux juges des deux Hautes juridictions de trouver des solutions, il en ressortira que chaque juge donnera sa position et en fonction des attributs qui lui sont dévolus. A ce titre des problèmes insolubles pourront apparaître car les deux ordres juridiques, du fait de leur autonomie, ne se feront pas de concession, d’où la relativité de cette notion dans l’espace communautaire UEMOA, OHADA.
233La troisième caractéristique est liée à l’applicabilité directe des ordres juridiques de l’UEMOA et de l’OHADA. Le droit communautaire issu des œuvres normatives des instances communautaires, qu’il soit primaire, dérivé ou conventionnel ne revêt cette qualité que s’il remplit les conditions existentielles énumérées dans l’avis 1/91 de la Cour de justice des communautés européennes.1042 Selon le juge, « le traité CEE bien que conclu sous forme d’un accord international, n’en constitue pas moins la charte constitutionnelle d’une communauté de droit ». Les traités communautaires ont institué un nouvel ordre juridique au profit duquel les États ont limité dans les domaines les plus étendus, leur droit souverain et dont les sujets sont non seulement des États membres, mais également leurs ressortissants. Les caractéristiques essentielles de l’ordre juridique communautaires ainsi constituées, sont, en particulier la primauté par rapport au droit des États membres, ainsi que l’effet direct de toute une série de dispositions applicables à leurs ressortissants et à eux-mêmes.
234Ce sont ces principes d’effet direct et de primauté qui ont été consacrés par l’article 43 qui énumère les actes juridiques que peuvent prendre les organes de l’Union, et l’article 9 du traité de Port Louis qui qualifie les actes juridiques et fixe leurs conditions d’entrée en vigueur une fois remplies les formalités de publication et de délai. La rédaction des dispositions des deux traités a pris la forme identique quasi sacramentale selon laquelle, ces actes juridiques sont réputés d’applicabilité directe « nonobstant, toute législation nationale contraire, antérieure ou postérieure ».
235Le principe de l’effet direct, dans son volet applicabilité directe, signifie que l’acte communautaire, peut être invoquée dés son entrée en vigueur, par le justiciable, s’il est suffisamment clair, précis et inconditionnel, une fois adopté par les institutions communautaires, et dûment publiés1043. Il produit en conséquence, un effet direct dans l’ordre juridique des États membres sans passer par les procédures d’option propres aux constitutions respectives des États membres. Le volet applicabilité directe de l’effet, signifie que les ressortissants des États membres, érigés en sujets de droit communautaire, peuvent au même titre que les États membres, être titulaires de droits et obligations, irrévocables selon le cas devant les juridictions communautaires ou nationales lesquelles sont tenues de leur assurer toute protection utile à l’exercice de leur droit.
236Ce principe d’effet direct a été consacré par la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes. En effet, dans l’arrêt Van Gend en Loos, une entreprise néerlandaise avait intenté une action devant la Cour. Il en résulte la possibilité, pour le particulier de se prévaloir d’un droit devant leur juridiction nationale1044. Ce principe qui a permis aux particuliers de se prévaloir d’un droit communautaire pose toute la problématique des risques de conflits entre le droit communautaire de l’UEMOA et celui de l’OHADA, dans le cadre de leur intégration dans les ordres juridiques nationaux. En effet, du fait de la difficulté de détermination de leur domaine matériel, et de celle liée à la difficulté de choix des matières à uniformiser ou à harmoniser, il peut arriver que les sujets de droit que sont l’État et les particuliers dans une situation donnée que sont les règles de droit de l’UEMOA ou de l’OHADA qui leur seront applicables. Devant cette situation, un conflit de normes se posera audit sujet et les solutions dépendront de l’interprétation des juges qui chacun pourra interpréter en sa faveur, en fonction de sa lecture du texte. Car il peut arriver qu’une matière soit réglementée par l’UEMOA et par l’OHADA et que les dispositions soient concurrentes en fonction des objectifs visés pour les deux organisations.
237Le quatrième caractère du droit communautaire est celui de son caractère obligatoire devant les juridictions, et qui pose le principe de l’immédiateté du droit communautaire. Cette immédiateté de l’ordre juridique veut dire que le droit communautaire s’applique directement dès lors qu’il remplit toutes les conditions1045. Ainsi, le citoyen peut l’invoquer quand il se sent lésé. Les normes communautaires sont automatiquement valables dans les ordres juridiques nationaux. Il est non seulement inutile mais également prohibé de recourir à une quelconque procédure de transformation ou de réception. C’est le noyau dur de l’immédiateté du droit communautaire. Il s’agit d’une véritable révolution dans les relations entre ordres juridiques. Dans le cadre de la communauté européenne, la Cour de justice à condamné toute rémanence de dualisme, ou du moins, dans les relations entre normes communautaires et ordre juridique interne, les États demeureront totalement libres quant à la nature de leurs rapports avec l’ordre international.
238Le principe de l’immédiateté postule des conflits entre le droit communautaire et les droits nationaux mais également des conflits entre l’ordre juridique de l’UEMOA et celui de l’OHADA car les normes juridiques s’appliquent immédiatement sur les ordres juridiques nationaux. Le cinquième caractère est celui de la supranationalité du droit de l’UEMOA et celui de l’OHADA1046. Les traités UEMOA et OHADA sont des traités internationaux, à ce titre ils consacrent un droit supranational. Ce caractère de supranationalité confère aux deux organisations une suprématie tant juridique que judiciaire sur les organes internes de leurs États membres.
239Le fondement de cette supranationalité tant juridique que judiciaire prend sa source dans la décision des États membres de transférer ou d’abandonner, leur souveraineté au profit d’organes auxquels ils ont confié le pouvoir, d’édicter et d’appliquer et contrôler le droit communautaire.
240Il se trouve que ces organes sont l’émanation des États qui sont membres de l’UEMOA ou membres de l’OHADA.
241Le cadre économique étant le même, les matières qu’il couvre sont également les mêmes, ce qui fait que les organisations sont tous les deux, des organes supranationaux. Les risques de conflits sont également possibles dans le cadre de leur intégration dans le droit interne des États.
242Le sixième caractère est celui de la hiérarchie du droit communautaire par rapport au droit interne et au droit international. Les traités UEMOA et OHADA occupent un même degré de hiérarchie par rapport au droit interne des États qu’au droit international.1047
243Ce principe hiérarchique définit la position que ces deux ordres juridiques occupent par rapport à l’ordonnancement juridique. Cette position a également des conséquences dans l’application de ces normes.
244Ayant la même position l’une par rapport à l’autre et face à un problème que ce soit dans le cadre interne ou international, les risques de conflits sont perceptibles, car les deux normes UEMOA, OHADA, si elles couvrent une même matière, que ce soit dans le cadre du droit fiscal, du droit de la concurrence ou toute autre matière, dont il s’applique directement, le problème de risques de conflit est réel.
245Ainsi à l’instar des autres caractères du droit communautaire, le principe hiérarchique peut également être source de conflit entre les normes UEMOA et OHADA, dans le cadre de leur intégration dans les ordres juridiques internes.
246Ainsi, en raison des différents caractères qu’on vient évoquer à savoir les caractères de supranationalité, de primauté, d’applicabilité et d’immédiateté de hiérarchie, les règles de droit communautaire de l’UEMOA et de l’OHADA, se présentent dans les ordres juridiques des États membres avec un même titre, et ont pour objectif de régler les situations qui entrent dans leur champ respectif.
247C’est à ce niveau que se manifeste la possibilité de risques de conflit dans le cadre de leur intégration dans les ordres internes des États membres, entre les processus d’intégration.
248Celui-ci se réalisera toutes les fois où, en vue de régler une situation relevant de leur large domaine d’action commun1048, le droit communautaire de l’UEMOA et le droit uniforme de l’OHADA proposent des solutions radicalement différentes dont les ultimes effets ne s’harmonisent pas.
249Ainsi, le fait qu’ils s’intègrent dans le droit interne avec les mêmes degrés leur incompatibilité, débouchera sur des risques de conflits inextricables.1049
250Ainsi, dans toutes les matières qui relèvent de leurs domaines respectifs, si les organisations ont harmonisé les matières sans tenir compte de la vocation d’un ou de l’autre des risques de conflits sont possibles.
251L’illustration de ces deux cas de conflits est déjà consacrée, dans le cadre du code des investissements article 11, dans le cadre de la loi bancaire et l’Acte uniforme sur les entreprises en difficulté, dans le cadre de compense prévu dans l’Acte uniforme sur les saisies et les voies d’exécution et la directive de l’UEMOA qui interdit la compense etc.
252Après l’examen des risques de conflits entre l’UEMOA et l’OHADA au regard de leur intégration dans les ordres juridiques internes des États, il reste à examiner l’incident éventuel d’un aspect particulier du système juridique de l’UEMOA sur la portée du problème posé. La particularité à évoquer est relative à la diversité des techniques d’intégration juridique en usage dans l’UEMOA.1050
253Il s’agit d’abord de la technique d’unification consistant à formuler des règles uniformes qui se substituent aux règles similaires contenues éventuellement dans le droit interne des États membres.1051
254Ensuite, l’intégration peut être entreprise au moyen de l’harmonisation à travers laquelle, selon l’heureuse formule du Doyen CEREXHE et M. Le HARDY de BEAULIEU :
255« Chaque État conserve la maîtrise de sa propre action tout en établissant une zone de symbiose juridique extrêmement large avec ses partenaires, dans laquelle les législations se rapprochent sans aller jusqu'à la fusion pure et simple. Enfin, la coordination vise à réduire les disparités d’effets des droits nationaux1052 ».
256Au regard de leur constance, chacune de ces techniques législatives susceptibles d’être employée par le droit communautaire n’a aucune incidence sur le principe du problème de compatibilité UEMOA et OHADA. Les risques de conflits, au sens large, seront réalisés dès lors qu’il subsiste une divergence dans la solution retenue par l’un ou l’autre des deux ordres juridiques. Cependant, elles ne sont pas sans intérêt au moment de la résolution du problème. Les risques de conflits perceptibles au niveau des domaines matériels et normatifs, le sont également au plan juridictionnel.
SECTION 2. LES RISQUES DE CONFLITS ENTRE LES DEUX ORDRES JURIDIQUES AU PLAN JURIDICTIONNEL
257A l’évidence, si on se réfère notamment, aux statuts de la Cour de Justice de l’UEMOA et à ceux de la C.C.J.A. de l’OHADA, à leur mission d’application et d’interprétation du droit communautaire relevant de leurs compétences respectives et de leur prévalence sur les juridictions nationales, à la nature de l’ordre juridique qu’elles incarnent, on se rend compte des risques d’interprétations divergentes et contradictoires dans la dynamique d’unification ou d’intégration des juridictions suprêmes de l’UEMOA et de l’OHADA. Du fait de la nature et des compétences d’attribution de ces deux Cours de justice, il est évident que les risques de conflit de compétences ou de procédures judiciaires seront le lot quotidien dans l’application et l’interprétation du droit communautaire. Aussi allons-nous traiter des risques de conflits de compétences entre les deux Hautes Cours de justice (§ 1) et des risques de conflits issus des procédures judiciaires d’application des règles de l’UEMOA et de l’OHADA (§ 2).
§ 1. Les risques de conflits de compétences entre les deux cours de justice
258Conscientes des dangers d’interprétations divergentes ou contradictoires pour l’œuvre d’intégration ou d’unification, l’UEMOA et l’OHADA, ont chacune, institué une juridiction spéciale chargée de veiller à l’application uniforme des règles du droit qu’elles ont édictées ou dont elles ont favorisé l’édification.
259Il s’agit pour la première, de la Cour de Justice de l’UEMOA et pour la seconde, de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
260L’institution de ces deux cours supranationales est la réponse au problème qui est plus complexe que prévu dans le cadre de la CIMA1053.
261Chacune de ces deux cours a une compétence d’attribution prévue par les traités.
262Mais il faut noter que l’institution de ces Hautes juridictions ne manquera pas de créer des incidences en matière de conflits dans le cadre de leurs activités respectives en matière de processus d’intégration.
263Ainsi, ces risques de conflits peuvent résulter des compétences d’attribution entre les deux cours (A) mais également de l’appréciation et de l’interprétation du droit chargé d’encadrer la diversité des matières à harmoniser ou uniformiser (B).
A. Les risques de conflits résultant de l’attribution des compétences entre les deux cours de justice
264La Cour de Justice de l’UEMOA et la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA, en tant que juridictions communautaires stricto – sensu, ont en commun la mission générale d’assurer le respect dans son application et son interprétation uniforme du droit communautaire entrant dans leur domaine de compétence.
265Elles constituent en conséquence, les organes essentiels de garantie de l’effectivité de la communauté de droit qu’elles représentent, caractérisée par l’ordre juridique qui porte sa marque.
266Cette compétence d’attribution en matière de droit communautaire aura pour corollaire d’assurer le respect de la charte constitutionnelle » et le droit qui en découle, non seulement par les organes des deux Unions, mais encore, par leurs propres ressortissants et leurs États membres respectifs, ce qui suppose un élargissement implicite de leur pouvoir d’intervention pour assurer l’effectivité du droit communautaire.
267En effet, plus que les juridictions de droit interne et bien que titulaires d’une compétence d’attribution1054, les juridictions communautaires disposent pour les besoins de leur mission générale d’un champ d’investigation plus large, en principe.
268Sous le couvert du principe d’uniformité dans l’application et l’interprétation du droit communautaire et surtout de l’effet utile de ce droit, elles se caractérisent généralement par une jurisprudence offensive et dominatrice qui peut faire penser à un gouvernement des juges. C’est en tout cas le reproche qui est souvent fait à la Cour de justice de l’Union européenne, même si le rôle de cette haute juridiction a été en général reconnu en raison des initiatives jurisprudentielles, comme déterminant dans la construction de l’Union européenne.
269Ainsi, le principe de l’encadrement communautaire de l’autonomie procédurale1055 des États membres, comme celui de la subsidiarité1056, et celui des compétences exclusives de l’Union voire la primauté1057 du droit communautaire, sont des résultats de la participation jurisprudentielle de la haute juridiction européenne dans l’édification de cette communauté d’intégration économique.
270Il appartiendra donc aux nouvelles juridictions communautaires africaines de s’inscrire dans ce registre avec toutes les contingences de la perspicacité et la délicatesse qu’exige le contexte particulier sociopolitique de l’intégration africaine.
271Il importera de remarquer que l’activité des deux cours entrainera nécessairement la création de droits par le biais de l’intégration des dispositions existantes ou par le biais de comblement des lacunes du droit1058
272La simplicité, l’uniformité et la prévisibilité de l’application du droit sont des facteurs indispensables à l’émergence d’un environnement juridique et judiciaire cohérent, rationalisé et effectif.
273De ce point de vue, il est logique d’attendre de la dynamique que devraient créer les mécanismes juridictionnels de la Cour de Justice de l’UEMOA et la Cour Commune de Justice, d’Arbitrage, l’approfondissement et la détermination des contours réels des ordres juridiques communautaires des deux organisations.
274Pour légitime voire nécessaire que puissent être ces créations prétoriennes du droit attendu, celles-ci ne sont pas moins des sources d’incertitudes et de complications vu la coexistence des deux corps de règles étudiées.
275Ainsi, la répartition des compétences d’attribution des deux Cours peut entraîner une complication dans la résolution des litiges dans certaines situations.
276Lorsqu’une juridiction d’un État membre de l’UEMOA dont tous les États membres sont parties prenantes de l’OHADA, est saisie d’un litige à caractère mixte, parce que faisant appel à la fois à l’application ou à l’interprétation du droit communautaire de l’UEMOA, le juge national tenu de statuer même dans l’absence ou d’incertitude des normes juridiques invoquées, se trouvera dans une sorte d’impasse professionnelle quasi-inédite dans les annales judiciaires.
277En effet, il se trouvera dans un cas d’application simultanée de règles ayant la même hiérarchie de normes qui peuvent se contredire, et dont aucune ne peut être adoptée au détriment de l’autre, le pouvoir consultatif que lui accordent les deux traités ne lui sera d’aucune utilité parce que chaque institution de l’organisation consultée ne pourra opiner que dans le cadre de l’interprétation et l’application du droit communautaire de son ressort.
278Faudra-t-il du reste procéder à un éclatement du procès en autant de parties qu’il ya de droit applicable et de juridictions compétentes, avec les risques d’incohérences que cela comporte ?
279Les Hautes juridictions de l’UEMOA et de l’OHADA en raison de leurs limites de compétences, peuvent-elles statuer dans un litige en prenant en compte l’application ou l’interprétation d’un droit communautaire issu d’une organisation qui se définit comme autonome et spécifique ?
280Ainsi, comme étudié en supra, la complémentarité de l’UEMOA et de l’OHADA ne souffre d’aucune objection majeure ce d’autant plus que l’article 14 du traité UEMOA fait de l’élimination des incompatibilités, une action prioritaire de l’organisation.1059
281Il ressort de ce qui précède que ce n’est pas la nature des projets qui constitue la pierre d’échappement. C’est peut être dans la manière dont les objectifs sont mis ou seront mis en œuvre qu’il faut rechercher une éventuelle pomme de discorde.
282En effet, la configuration spatio-matérielle des deux organisations relève d’un entrelacement de relations susceptibles de déboucher sur des conflits majeurs. Au-delà de la pure imagination, cette interrogation devient préoccupante lorsque la question est envisagée sous l’angle de la complémentarité de leurs moyens d’actions respectifs et notamment de la coexistence des deux cours de justices.
283Le risque de conflits entre les deux systèmes juridiques loin être potentiel ou virtuel est réel eu égard à l’existence d’un domaine concurrent entre l’UEMOA et l’OHADA et ce du fait de la souplesse voire de l’imprécision avec laquelle le domaine d’action de chacune des deux organisations est fixé1060.
284Ce risque est aggravé par la disparité législative qui peut en résulter et la compétence d’attribution de chacune des deux Cours de justice. Ceux-ci pourraient hypothéquer l’avenir du processus d’intégration, tant il est vrai que l’intégration ne peut se réaliser dans le cadre d’un espace juridique diversifié1061 et qu’il n’est pas de droit communautaire sans unité de la jurisprudence.
285En effet, les compétences d’attribution des Cours de justice résultent des dispositions pertinentes des deux traités et de leur règlement de procédures. Le fondement de ces compétences d’attribution est que les organisations d’intégration doivent partager l’application de leur droit avec les institutions des États membres. En réalité, en matière de droit communautaire, le juge communautaire de droit commun est le juge national, ce principe signifie que, du fait de l’application directe et immédiate du droit communautaire dans l’ordre juridique interne des États, les juridictions nationales sont compétentes pour connaître des litiges qui en découlent.
286Cette manifestation de volonté des États membres, des traités internationaux communautaires, fait que les juridictions suprêmes ne peuvent bénéficier que des compétences d’attributions qui leur sont accordées par les traités.
287C’est ainsi qu’il faut une articulation précise entre les compétences des juridictions des États membres et celles des juridictions des Hautes juridictions1062.
288Ainsi, dans cette compétence d’attribution, le juge communautaire doit établir une articulation des compétences normatives entre les juridictions des États membres et les Hautes juridictions que sont CJUE de l’UEMOA et la CCJA de l’OHADA.
289Il est évident qu’il reviendra aux deux Cours de justice de jouer un rôle déterminant dans la théorisation et l’application de la problématique de délimitation de compétences juridictionnelles entre l’UEMOA et l’OHADA, d’une part et de celle ci avec les juridictions des États membres d’autre part.
290Les deux Cours de justice dans leur compétence d’attribution exercent des missions de juridiction constitutionnelle dans l’ordre juridique communautaire.
291Cette qualité découle de la dimension constitutionnelle qui leur a été confiée, ceux-ci du fait de la pluralité de fonctions exercées par les Cours de justice de l’UEMOA et l’OHADA fondée sur la variété du contenu du domaine matériel qu’elles partagent1063.
292Ce domaine qui lui est propre, permet de secréter un large domaine de règles juridiques communautaires, très variées, qui demandent une intense activité d’interprétation et d’application. Mais faute que ces deux Cours ont une même hiérarchie, des risques de conflits sont susceptibles d’apparaître dans leur œuvre d’interprétation et d’application du droit communautaire, qui se trouvent dans leurs domaines concurrents, du fait également de la méthode dont leurs compétences d’attribution ont été déterminées.
293En effet, dans le cadre de l’UEMOA, le protocole additionnel n° 1, relatif aux organes de contrôle de l’Union procède à une énumération variée des attributions de la Cour en tant que juge communautaire.
294Ce large domaine de compétences couvre pratiquement tout le contentieux relatif au droit économique, ou droit des affaires ou droit de l’entreprise.
295En ce qui concerne l’OHADA, ses compétences d’attribution sont prévues par le titre III du traité UEMOA et en ce qui concerne l’interprétation et l’application des Actes uniformes et le titre IV en ce qui concerne l’arbitrage.
296On peut noter à ce niveau également que le domaine est très varié car les Actes uniformes peuvent couvrir les domaines du droit économique, du droit des affaires ou du droit de l’entreprise1064.
297En effet, l’examen de ces deux domaines d’attribution pourrait conduire à affirmer que les risques de conflits peuvent apparaître dans l’application et l’interprétation par les deux Hautes juridictions du droit communautaire objet de leurs domaines respectifs, comme on l’a vu en supra, du fait de l’identité d’objectif des deux organisations, et le partage du domaine objet de leur espace économique des risques de conflits sont perceptibles car leur compétence d’attribution, ne peut découler que des normes juridiques issues des matières qui composent ces domaines.
298Ainsi, en substituant au mode diplomatique de règlement des conflits un mode juridictionnel, l’UEMOA et l’OHADA s’inscrivent dans une dynamique de juridisation du processus d’intégration.
299Cependant l’érection de deux Cours de justice, dont les compétences ratione materiae et ratione loci se recoupent en grande mesure, ne peut qu’être source de conflits en l’absence de toute hiérarchisation1065 juridictionnelle. En effet, la délimitation de compétences respectivement des deux Cours peut aboutir à compliquer sérieusement la résolution de certains conflits. Chaque litige implique l’intervention de deux cours, du fait de la difficulté de déterminer le domaine matériel des deux organisations et du fait de la confusion de ce domaine matériel.
300Les compétences d’attribution de la Cour de justice de l’UEMOA lui permettent d’intervenir sur les domaines relatifs au contrôle du respect par les États de leur obligation, ou contrôle de la légalité des actes des organes, à l’exception d’illégalité, au recours préjudiciel, au contentieux de pleine juridiction, au recours arbitral et à la compétence d’avis.
301Quant à celle de la CCJA, elle est liée à une compétence d’attribution relative également à l’interprétation, à l’application des Actes uniformes, à la compétence d’avis et aux recours juridictionnels et aux questions préjudicielles. Dans la pratique, ces domaines peuvent se recouper, car ils interviennent sur les mêmes matières, un sérieux conflit de compétence peut naître entre les deux Cours de justice.
302Il faut noter que les deux cours de justice de l’UEMOA et de l’OHADA ont des fonctions consultatives, dans l’exercice de ces fonctions, les deux Cours peuvent entrer en conflit dans les avis1066 qu’ils pourront rendre.
303Ainsi, il faut remarquer de façon originale, les délimitations de compétences respectives des deux Cours peuvent aboutir à compliquer sérieusement la résolution de certains conflits.
304L’hypothèse est constituée par les litiges qui impliquent l’application simultanée et coordonnée des règles communautaires de l’UEMOA qui relèvent normalement de la compétence de la CCJA1067. Les illustrations étudiées en supra, relatives à l’application de l’article 11 du code des investissements et du droit commercial général au fonds de commerce peut servir d’arguments pour justifier les risques de conflits. La question ne semble être envisagée ni dans l’un ou l’autre des deux systèmes judiciaires. L’avis 001/2000, dossier n° 6. 99 du 2 février 2000 précité le justifie en soulignant : « la nécessité d’une concertation entre les deux organisations en vue de la coordination de leur politique normative et de leurs juridictions respectives qui exercent leur contrôle juridictionnel sur les mêmes juridictions des États membres et dans des domaines qui ne sont pas nettement délimités1068 ».
305Ainsi, l’examen de l’article 14 alinéa 2 et 5 du traité OHADA prévoit une saisine de la CCJA en tant que juridiction consultative ou juridiction de cassation, ne vise que les États parties au traité, le Conseil des Ministres de l’OHADA et certaines juridictions nationales dans le cadre de l’application et l’interprétation du droit communautaire de l’OHADA. Dans ces conditions, il n’est pas exclu que la solution soit le morcellement du procès avec des risques de décisions inconciliables ou dont les effets manquent de cohérence ou d’harmonie. Autrement dit, l’interprétation et l’application d’un des droits intégrés seront assurés par une juridiction qui n’a pas reçu compétence pour le faire ou dont la compétence n’est pas admise par l’autre juridiction ou la décision qui rendra une des juridictions supranationale saisie de l’entier litige sera au contrôle de l’autre.
306Le développement des risques de conflits et à fortiori sa réalisation ont des conséquences très néfastes sur le processus en cours, qu’ils contribueront nécessairement à freiner.
307La modernisation et la simplification du droit mis au service d’un développement économique profondément pensé, risquent paradoxalement de ruiner la sécurité juridique qu’elles sont sensées asseoir et, ce faisant, de rimer dans l’esprit du justiciable ou de l’usager de la justice, avec l’incompréhension de la justice.
308L’expérience de la construction européenne atteste, si besoin en est, l’éminence du rôle qu’occupent le droit et les mécanismes juridictionnels dans la dynamique et la réussite de l’intégration économique1069 . Après l’étude des risques de conflits résultant de l’attribution des compétences, analysons ceux qui découlent de l’application et de l’interprétation du droit communautaire.
B. Les risques de conflits résultant de l’application et l’interprétation du droit chargé d’encadrer la diversité des matières à harmoniser ou à uniformiser
309Le système constitutionnel communautaire de l’UEMOA et de l’OHADA repose sur la collaboration fonctionnelle des organes des deux organisations.
310En tant que communauté de droit, à l’image de l’État fédéral, la constitution de l’organisation communautaire esquisse les trois pouvoirs constitutionnels classiques d’un État de droit, à savoir le législatif, le judiciaire et l’exécutif avec cette nuance notable, qu’est le Conseil des Ministres qui est sensé représenter l’exécutif qui exerce l’essentiel du pouvoir normatif.
311S’agissant du pouvoir judiciaire, qui englobe les juridictions communautaires en l’occurrence la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA et la Cour de justice de l’UEMOA et les juridictions nationales des États membres jugés de droit commun dans l’espace intégré, il va assurer l’application et l’interprétation uniformes des normes communautaires.
312Les systèmes normatifs de l’UEMOA et de l’OHADA sont d’essence supranationale1070. Cette supranationalité, dans l’UEMOA tout comme dans l’OHADA est manifeste tant au regard des conditions d’insertion du droit communautaire dans l’ordonnancement juridique de ces États membres que du degré d’effet juridique que peuvent produire ces différentes normes communautaires.
313De ce point de vue, l’hétéro normativité du droit des deux organisations se vérifie avec la consécration par leurs traités respectifs du principe d’applicabilité directe1071.
314Ce principe trouve à s’affirmer dans le régime juridique des actes des deux organisations, respectivement aux articles 6 et 10 des traités UEMOA et OHADA, articles dont les dispositions mettent en évidence les différents degrés d’effet juridique que peuvent produire ces différents actes. En la matière, il convient de souligner que le souci d’élaborer un droit uniforme de substitution est plus explicite dans l’OHADA que dans l’UEMOA. Dans cette dernière, la substitution se déduit plus de la nature des objectifs en cause1072 que du type de normes prévues par leur réalisation1073.
315Par ces deux dispositions, les systèmes normatifs de l’UEMOA et de l’OHADA consacrent le principe d’applicabilité directe dans ces deux aspects (applicabilité immédiate et effet direct).
316C’est dire que pour l’essentiel le droit secrété par les deux organisations s’insère automatiquement dans l’ordre interne des États et, après les formalités de publicité prescrites, peut être revendiqué par les particuliers, qui peuvent saisir soit les juridictions nationales des États parties, soit les deux Cours de justice de l’UEMOA ou de l’OHADA.
317Ainsi, les droits communautaires de l’UEMOA et de l’OHADA partagent les mêmes caractères étudiés en supra, ce qui justifie que ces deux normes sont d’égale valeur devant les Cours de justice, ce qui entraînera des risques de conflits au cas où les deux normes s’appliqueraient à une même matière.
318C’est dans cette saisine des deux Hautes juridictions que les risques de conflits sont perceptibles, car l’UEMOA et l’OHADA, couvrent des domaines d’activités similaires.
319Les normes juridiques sécrétées par les deux organisations sont nombreuses et couvrent des matières diverses tel que le droit des affaires, le droit économique et le droit de l’entreprise1074.
320L’application et l’interprétation de ces normes sont soit du ressort des juridictions qui sont considérées comme des juridictions de droit commun en matière communautaire soit, par la Cour de Justice de l’UEMOA ou la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
321Ces deux Cours du fait de leur compétence d’attribution sont de véritables juridictions constitutionnelles.
322Chargées d’assurer le respect du droit dans l’interprétation et dans l’application des traités UEMOA et OHADA, les deux Cours de justice doivent contribuer dans cette mission au développement du processus d’intégration, afin de permettre l’atteinte des objectifs.
323Les spécialistes du droit communautaire tiennent dans leur grande majorité, à mettre en avant le rôle de la jurisprudence des Hautes juridictions communautaires en tant que facteur d’intégration de premier degré.
324Les Hautes cours de justice de l’UEMOA et de l’OHADA doivent jouer un rôle important dans la contribution à la mise en évidence et au développement de l’ordre juridique communautaire.
325Dans le cadre du droit communautaire européen, la Cour de justice a joué un rôle prépondérant.
326Ainsi, c’est cette jurisprudence audacieuse progressivement développée à partir des années 19601075 qui a permis de dégager les principes essentiels qui marquent la spécialité de la construction communautaire et qui concourent à la mise en valeur des éléments constitutionnels de l’ordre juridique communautaire.
327Il faut noter à ce titre que le principe de l’autonomie du droit communautaire a été consacré par la Cour de justice européenne.
328Quant aux processus de constitutionnalisme du traité instituant la communauté européenne, il a été progressivement affirmé et consacré par cette même Cour de justice.
329C’est cette interprétation de la Cour de justice qui a permis à ce texte conventionnel, conclu par les États, de devenir selon les règles générales de droit international, d’avoir progressivement les caractéristiques d’une constitution dans le cadre de l’ordre communautaire.
330Il appartiendra à la Cour de justice de l’UEMOA et à la Cour de Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA, à l’instar de la Cour de justice des communautés européennes de développer la théorie faisant d’elles des Cours constitutionnelles.
331Dans les missions qui leur sont attribuées, ces deux Cours exercent des fonctions de juridictions constitutionnelles. Les caractères de juridictions constitutionnelles ne signifient pas bien évidemment qu’elles constituent des juridictions spécialisées chargées de connaître exclusivement, les litiges à caractère institutionnel par le biais des voies de droit spécifiquement prévues à cet effet.
332La doctrine ne manquera pas de préciser que ces Hautes juridictions se présentent comme des instances judiciaires atypiques1076 dotées d’une série d’attributions fortes, diversifiées et très importantes, qui remplissent à la fois des fonctions comparables à celles d’une juridiction internationale et à celle des juridictions constitutionnelles, administratives et judiciaires de l’ordre interne des États membres1077.
333Aussi, une analyse, fondée sur la typologie des différentes catégories de voies de recours ouvertes par les traités et les règlements de procédures devant ces Hautes cours de justice, ne saurait parfaitement conclure quant à la qualification de juridiction communautaire, étant donné que les recours prévus par les traités remplissent, dans la plupart des cas, plusieurs fonctions à la fois.
334Cela étant, il n’en reste pas moins possible d’extraire des diverses attributions contentieuses et non contentieuses conférées aux deux Cours de justice des fonctions de caractères constitutionnels, leur exercice par les deux institutions peut entraîner des conflits, s’ils régissent une même matière.
335Si l’on tente d’appréhender, dans une première étape, les critères sur la base desquels il est possible de démontrer que ces deux Cours assurent les fonctions de juridictions constitutionnelles, on peut tout d’abord relever que conformément au principe de communauté de droit, il incombe aux juridictions communautaires de contrôler la compatibilité des mesures arrêtées par les institutions et par les États membres avec les chartes constitutionnelles de base que constituent les traités1078.
336Selon une large définition de la notion de juridiction constitutionnelle, le juge communautaire exerce des fonctions de caractère constitutionnel, chaque fois qu’il est appelé à statuer sur les litiges qui mettent en cause, directement ou indirectement, le respect des dispositions contenues dans les traités fondateurs des organisations1079.
337Dans le même ordre d’idées, il convient d’ajouter que le contrôle exercé par les Hautes juridictions sur les mesures communautaires de portées générales adoptées directement sur la base du traité, présente des analogies certaines avec le contrôle de constitutionnalité des lois dans l’ordre interne des États membres.
338En dehors de ce critère tenant aux normes de référence du contrôle exercé par les Cours de justice, on peut encore démontrer la nature constitutionnelle de certaines fonctions exercées par celles-ci en s’appuyant sur l’objet des litiges qu’elles sont appelées à trancher dans le cadre des voies de recours ouvertes par les traités.
339Ce point de vue, est d’une importance capitale pour le juge communautaire qui est chargé de la résolution des conflits portant sur la répartition des compétences entre les communautés et les États membres, la répartition des pouvoirs entre les institutions à l’intérieur des communautés et le respect par les institutions et les autorités nationales agissant dans le cadre du droit communautaire, des droits fondamentaux des particuliers.
340Les Cours de justice se présentent dans ces conditions comme des instances chargées de la protection des équilibres constitutionnels qui sont à la base des communautés, ainsi que de la sauvegarde des droits fondamentaux de la personne contre l’activité normative des autorités publiques dans le cadre du droit communautaire1080.
341Les attributs constitutionnels des deux Cours ne manqueront pas de générer des conflits dans leur mission respective d’interprétation des traités et leur droit dérivé et jurisprudentiel.
342En ce qui concerne leur mission d’interprétation des traités, les dispositions1081 de l’UEMOA et de l’OHADA définissent les missions générales des deux cours dans l’ordre juridique communautaire qui consiste à assurer le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités.
343Investies de ses missions conçues en termes suffisamment larges, les Cours doivent au surplus exercer ces différentes attributions contentieuses et non contentieuses de manière à contribuer, en tant qu’institution de ces organisations à la réalisation des tâches confiées à celles ci.
344Dans ce contexte spécifique qui se distingue par le rôle central attribué au droit pour la réalisation des objectifs communautaires, la question qui se pose est celle de savoir si les deux cours disposent d’une liberté de choix dans l’exercice de leur fonction d’interprétation des traités et dans l’affirmative, quelle marge d’appréciation dans le règlement des litiges constitutionnels soumis à son prétoire.
345Autrement dit, s’agissant plus spécifiquement du contentieux de la compétence, s’il est vrai que les juridictions communautaires sont appelées à intervenir en dernier ressort dans les conflits mettant en cause la définition de la ligne de partage des compétences entre les deux Hautes cours de justice, il importe encore de déterminer l’étendue des possibilités de choix qui leur sont offertes à cet égard et ce d’autant plus qu’il est souvent reproché aux juridictions communautaires surtout dans le contexte européen1082 qui inspira certaines de nos deux Cours de se livrer à une intense activité judiciaire qui risque de mettre en cause sa légitimité.
346Dans ces conditions, on s’attachera à examiner la marge de manœuvre des deux Hautes juridictions dans leurs missions constitutionnelles en envisageant d’abord certains aspects de la question ayant trait au pouvoir normatif du juge communautaire, et plus particulièrement à la marge de liberté du juge dans sa fonction d’interprétation des règles du traité et l’élaboration des principes qui se dégagent de son système général.
347Une fois mise en évidence l’importance du pouvoir d’appréciation dont jouit le juge à cet égard, il sera très utile de s’interroger sur les éventuelles contraintes qui s’imposent dans la mise en œuvre de la politique interprétative des deux Cours dans un domaine qui leur est commun, dont les difficultés de délimitation ont été étudiées en supra, mais également sur le choix des normes juridiques chargées de les encadrer1083.
348La politique interprétative des normes communautaires va renforcer la fonction normative de la jurisprudence communautaire, les deux Cours de justice vont rendre des décisions jurisprudentielles, dont l’émanation se trouve d’abord dans le domaine du droit des affaires, ou du droit économique, ou du droit de l’entreprise, quand on sait qu’il est difficile de séparer ces trois domaines, ensuite dans les normes juridiques qui seront édictées, pour encadrer les matières issues de ces domaines.
349Dans le contexte européen, la Cour de justice a joué un rôle déterminant dans la formation et le développement de l’ordre juridique communautaire.
350Ainsi, en réalité le pouvoir normatif du juge communautaire a été affirmé, ce qui influencera les Cours de justice de l’UEMOA et l’OHADA.
351La réflexion sur le pouvoir normatif de la jurisprudence communautaire passe nécessairement par un examen des différentes théories d’interprétation juridique en général, autrement dit des schémas explicatifs mis en avant pour analyser l’activité d’interprétation des normes juridiques.
352Un rappel des principaux paradigmes proposés à cet égard par les théoriciens du droit permet d’en tirer certaines conclusions quant au pouvoir créateur de la jurisprudence dans l’ordre juridique communautaire.
353Selon une première conception, que l’on pourrait appeler la théorie cognitive de l’interprétation1084, l’opération d’interprétation est une activité de connaissance ou de description de normes, qui vise à la découverte selon des techniques logiques du seul sens exact et véritable des normes juridiques, dont la signification objective préexiste à cette opération intellectuelle.
354Cette conception selon laquelle l’œuvre de l’interprète consiste à dégager, au moyen d’une opération déductive, le sens de la norme interprétée tel que voulu par l’auteur de celle-ci, exerce encore une influence considérable sur la manière dont les juridictions motivent leurs décisions.
355En effet, le souci du juge de préserver la légitimité de la fonction juridictionnelle dans le contexte caractérisé par la séparation des pouvoirs dans les États membres à refusé formellement l’existence de pouvoir discrétionnaire dans l’interprétation des règles législatives et opère une dichotomie entre la fonction consistant à dire le droit et celle visant à créer le droit, qui serait réservée aux organes politiques qui partagent la fonction législative réglementaire.
356Cependant la prise en compte des enseignements de la théorie du langage a rendu indispensable une critique radicale de la théorie cognitive de l’interprétation dans la mesure où elle néglige la qualité essentielle de la polysémie des signes linguistiques et de l’importance capitale, pour la détermination de leur signification, de l’usage qui en est fait et du contexte dans lequel ils sont insérés.
357Dans le même ordre d’idées, il n’est plus sérieusement contesté que les différentes méthodes d’interprétations, loin de former des règles impératives, ne constituent que des directives, parfois contradictoires, visant à orienter le raisonnement juridique quant aux différentes significations qui peuvent être attribuées aux dispositions légales interprétées1085.
358Dans ces conditions, c’est à Hans Kelsen que revient le mérite d’avoir souligné que le droit d’appliquer par les organes habilités à cet effet, et notamment les juridictions, ne représente qu’un simple cadre à l’intérieur duquel il existe plusieurs possibilités d’application. Aussi, par voie de conséquence, l’opération d’interprétation accomplie par le juge ne se ramène pas à un acte de connaissance mais à un acte de volonté, c’est-à-dire un choix entre les différentes significations possibles du texte interprété1086.
359Le maître de l’école de Vienne a su mettre en évidence le caractère créateur de l’activité d’interprétation, tout en prenant soin d’indiquer que la mission de la science juridique consiste à formuler les différentes significations possibles des normes à interpréter de manière authentique par les juridictions. Il en résulte que les juridictions appelées à exercer une politique juridique dans l’interprétation des dispositions légales, mais dans le cadre, nécessairement limité, des significations possibles qui peuvent être déduites des textes normatifs interprétés.
360Selon une ligne de raisonnement, qui n’est pas fondamentalement différente, le professeur Hart observe pour sa part que les normes juridiques ont une marge d’imprécision, une « texture ouverte » d’où il résulte que les juridictions disposent d’une possibilité réelle de choix en ce qui concerne la qualification des situations qui ne se situent pas au « noyau dur » des normes générales interprétées, mais à une zone de pénombre, c’est-à-dire d’incertitude quant à la portée véritable de la disposition légale1087.
361Cette théorie « mixte » de l’interprétation qui est en faite partagée par un nombre croissant des juristes, n’admet ainsi le caractère créateur du processus interprétatif que dans l’hypothèse où il subsiste un doute sérieux sur la signification des noms interprétés.
362La liberté d’appréciation du juge dans l’application des normes générales dépend, selon son point de vue, de la clarté et de la précision des mesures normatives arrêtées par le législateur.
363Il n’est donc pas surprenant que certains auteurs se prononcent en faveur d‘une conception réaliste de l’interprétation selon laquelle avant l’opération d’interprétation par les organes compétents dans un ordre juridique donné, on ne peut parler des normes juridiques, mais simplement des énoncés normatifs tandis que les normes ne sont que le résultat de l’activité interprétative déployée par les organes compétents, en particulier les juridictions1088.
364L’objet de ce bref aperçu des théories de l’interprétation juridique n’est bien évidemment pas de trancher entre la thèse de l’interprétation « mixte » qui n’admet pas le caractère créateur de l’interprétation qu’en cas de doute sérieux sur la signification à attribuer à un texte normatif, et la thèse « réaliste » qui fait valoir que le processus interprétatif implique nécessairement une opération de construction de sens de la norme en cause, ni d’ailleurs de fournir une présentation intégrale de différentes thèses intermédiaires qui ont été proposées à cet égard.
365Une fois mises en évidence les différentes théories d’interprétation, il apparaît suffisant de tenter d’analyser l’étendue des différents choix de possibilités dont disposent les Cours de justice de l’UEMOA et l’OHADA dans l’interprétation des normes du traité et du droit dérivé communautaire.
366En effet, ces deux Cours, dans leur opération d’interprétation du droit communautaire seront, certes influencés par les juges de la Cour de justice des communautés européennes. Cette démarche a été illustrée dans l’arrêt CILFIT. Dans cette affaire, la prise de position du juge a été significative, car il dénombre les différents problèmes que pose l’interprétation du droit communautaire même à propos des dispositions à priori parfaitement claires.
367De ce point de vue, l’énumération des particularités de l’interprétation du droit communautaire retenu dans l’affaire CILFIT, loin de circonscrire la marge d’appréciation de la Cour de justice, confirme que celle-ci dispose d’un large éventail de choix dans la mise en œuvre de la politique interprétative et qu’il n’existe en réalité aucune directive générale de préférence qui soit de nature à établir une hiérarchie entre les différents procédés interprétatifs mis à la disposition du juge1089.
368Il est évident que dans le cadre de l’UEMOA et de l’OHADA, l’interprétation des juges communautaires pourrait entraîner des conflits, à cause de l’imprécision dans le partage de leur domaine de compétence.
369De nombreux exemples qui ne sont pas de simples cas d’école peuvent servir d’illustration. Il en est ainsi des exigences comptables fournies dans le code communautaire des investissements. Ce même code fournit un autre exemple d’application nécessairement distributive des règles communautaires de l’UEMOA et de l’OHADA. En effet, comme nous l’avons étudié en supra, en son article 11, le code fixe les règles de production qui doivent être observées par les entreprises d’origine étrangères à l’Union, en soumettant celles-ci à l’obligation de se conformer aux règles et normes exigées pour les produits identiques dans leur pays d’origine. Il est évident que le contentieux se rapportant à cette disposition se développera, le plus souvent parallèlement, ou plus exactement, dans le cadre d’un contentieux portant principalement sur la vente des produits visés ; notamment sur les obligations du vendeur qui sont régies par l’Acte uniforme de l’OHADA relatif au droit commercial général1090.
370D’autres exemples peuvent également servir d’illustration.
371Il ressort de ce qui précède que les chances d’assister à un conflit positif de juridiction ne sont pas une simple vue de l’esprit, puisque du fait de l’appartenance à différentes organisations, les actes d’un État peuvent violer plusieurs traités à la fois, conduisant à ce que les juridictions des organisations respectives se déclarent concurremment compétentes dans l’interprétation des dispositions issues des deux organisations1091.
372Malheureusement, et à l’État actuel de l’UEMOA et de l’OHADA, la question ne peut trouver de solutions dans aucun des deux systèmes judiciaires.
373L’analyse des risques de conflits de compétences entre les deux Hautes Cours de justice, conduit également à l’étude des risques de conflit qui résulteront des procédures judiciaires d’application des normes issues des deux organisations.
§ 2. Les risques de conflits de competences resultant des procedures judiciaires d’application des normes issues de l’UEMOA et de l’OHADA
374Les deux Cours de justice, issues de l’UEMOA et de l’OHADA, doivent avant de rendre des décisions de justice, respecter les procédures judiciaires prévues dans leurs traités respectifs, mais également dans leurs règlements de procédures.
375En effet, du fait des recoupements de compétences1092 entre les deux organisations, il est évident que les risques de conflits peuvent apparaître dans la mise en œuvre des procédures judiciaires d’application du droit communautaire devant les deux Cours de justice.
376Ces risques de conflits sont perceptibles dans le cadre des procédures relatives aux recours préjudiciels (A) et dans le cadre des autres procédures (B).
A. Les risques de conflits résultant des recours préjudiciels
377A l’instar du système juridictionnel de la Communauté européenne, l’UEMOA et l’OHADA ont également consacré le recours préjudiciel dans leur système judiciaire. Le recours préjudiciel est le principal mécanisme de coopération judiciaire, qui permet aux juridictions nationales qui appliquent le droit communautaire dans un litige porté devant elles de prononcer le sursis à statuer et à interroger les Cours sur l’interprétation d’un texte sur la légalité de celui-ci.
378L’interprétation qui n’est qu’un incident du litige principal qu’elle ne tranche pas elle-même mais à la suite duquel elle contribue.
379Ce mécanisme est le procédé technique le plus approprié pour assurer l’application uniforme du droit communautaire, que ce soit dans le cadre de l’UEMOA ou de l’OHADA.
380Dans le cadre de l’UEMOA, le recours préjudiciel est prévu par l’article 12 du protocole additionnel1093 n° 1 relatif aux organes de contrôle de l’Union, dans l’Acte additionnel n° 10/96 portant statut de la Cour de justice article 27, règlement n° 1/96 CM portant règlement109 de procédure devant la Cour de justice de l’UEMOA, article 15 alinéa 6.
381Dans le cadre des procédures judiciaires de l’OHADA, les recours devant la CCJA sont prévus par l’article 13, 14 et 18 et suivants du traité et les articles 56 et 58 du règlement de procédures1094 . Ces différentes dispositions posent la problématique des recours devant la CCJA.
382La particularité de ces recours est que la CCJA est considérée comme une juridiction supérieure aux autres juridictions nationales. Ainsi, on peut constater que les deux ordres juridiques dans leur démarche dans ce domaine ont entrepris des solutions différentes ce qui risque de poser des problèmes de conflits, dus à la difficulté de répartir les domaines matériels des deux organisations.
383Les ordres juridiques ne constituent pas des systèmes clos sur eux-mêmes, ils entretiennent au contraire des relations de complémentarité ou de contradiction.
384Les organisations supranationales d’intégration sont d’autant plus concernées par cette affirmation qu’elles sont habilitées à secréter un droit à la charnière du droit international et du droit interne des États.
385L’ordre juridique supra étatique qu’elles mettent en place se caractérise par « la super position de deux ordres organisés de façon que les sujets de chaque élément composant l’ensemble soit simultanément soumis au droit de l’élément et à celui de l’ensemble et que ses organes agissent simultanément comme organe propre de l’élément et comme organe commun à l’ensemble1095 ».
386Face à cette situation, les ordres juridiques de l’UEMOA et de l’OHADA se superposent non seulement aux droits nationaux mais entre eux-mêmes.
387Les Hautes juridictions de l’UEMOA et de l’OHADA, en raison de leurs limites de compétence, peuvent-elles statuer dans un litige en prenant en compte l’application ou l’interprétation d’un droit communautaire issu d’une organisation tierce se définissant comme autonome et spécifique ?
388Ainsi, la Cour de justice de l’OHADA en tant que juridiction de cassation des États membres avec pouvoir d’évocation, peut-elle être considérée dans le cadre des recours préjudiciels du traité de l’UEMOA comme une juridiction nationale de dernier ressort ? Et inversement, la Cour de justice de l’UEMOA, peut-elle utiliser la voie de la constitution ouverte aux États membres et leur juridiction nationale ? Qu’en sera-t-il de l’effet direct du droit communautaire et de son corollaire, le droit d’encadrement de la Cour de justice de l’UEMOA dont le pouvoir jurisprudentiel se trouve virtuellement inhibé ?
389De toute évidence, les traités constitutifs ne permettent même pas à leur juridiction statuaire de se consulter réciproquement dans le cadre de leurs activités juridictionnelles
390Cette situation ne peut que désorienter le juge national qui, devant une question de procédure relative à la saisine des deux Cours, aura toutes les difficultés, devant la diversité des moyens mis en œuvre pour garantir l’exigence d’unité de la jurisprudence indispensable à la cohérence de l’ordre juridique.
391En effet, « pour qu’un système juridique puisse prétendre, sinon à l’harmonie, du moins à la cohérence, il doit répondre à quelques conditions élémentaires.
392Les normes qui y sont édictées par les autorités publiques distinctes, il faut le présumer, ne se contredisent pas.
393Des mécanismes ou des procédures sont institués aux fins de résorber les contradictions qui pourraient apparaître entre les instruments juridiques. Un ou plusieurs juges sont établis pour faire respecter la cohérence du système1096 ».
394Cette question est encore plus complexe dans les ensembles intégrés à essence supranationale dans la mesure où l’ordre juridique interne des États doit coexister avec l’ordre juridique communautaire distinct à la fois de l’ordre juridique international et des ordres juridiques nationaux. La question de l’articulation du droit communautaire et les droits nationaux devient et constitue l’une des questions les plus importantes pour le développement d’un système juridique cohérent et notamment dans sa composante juridictionnelle.
395A ce propos, la solution retenue par les juridictions en présence et notamment la Cour de justice de l’UEMOA et l’OHADA diffèrent fondamentalement.
396A la solution de « coopération judiciaire » préconisée par l’UEMOA, l’OHADA oppose celle de la « hiérarchie juridictionnelle ». En effet, dans l’UEMOA, le souci a été, à travers le renvoi préjudiciel, de concilier la légitime autorité du juge national avec la nécessaire conformité du droit communautaire.
397Ainsi, la Cour de justice dispose d’une compétence lui permettant de statuer à titre « préjudiciel » sur l’interprétation du traité, des actes des organes de l’Union et sur les statuts des organismes créés par le Conseil, de même que sur la légalité des actes des organes.
398Il s’agit en règle générale, d’un recours incident par rapport à un litige principal se déroulant devant une juridiction ou un organe juridictionnel national.
399Il s’agit, également d’un recours non contentieux s’inscrivant dans le cadre d’un rapport de juridiction à juridiction puisque seules les juridictions et des organismes nationaux disposant d’une fonction juridictionnelle peuvent s’adresser à la Cour dans ce cadre1097.
400Les juridictions et les autorités nationales dotées d’une fonction jurisprudentielle peuvent poser une question à la Cour en vue de les éclairer dans l’approche d’un litige dont elles ont à connaître. Si elle statue en dernier ressort, elles sont tenues de poser cette question.
401Par ailleurs, on notera que la Cour, saisie par la Commission, peut rendre un arrêt d’interprétation qui sera adressé à la juridiction suprême d’un État membre, s’il apparaît que l’insuffisance de l’usage du recours préjudiciel de la part des organes de justice de cet État entraîne les interprétations erronées du traité, des actes et des statuts1098.
402Quant aux effets matériels des arrêts d’interprétation, on distinguera ceux qui sont rendus à la demande de la Commission.
403Les premiers sont obligatoires tant pour la juridiction concernée que pour toutes les juridictions des États membres concernés.
404La portée de cette distinction n’est pas évidente puisque dans l’un comme dans l’autre, on peut concevoir que le but de la procédure est d’uniformiser l’interprétation du droit de l’Union. Ainsi, la Cour de justice de l’UEMOA pour assurer la cohérence de l’espace juridictionnel communautaire, s’efforce lorsqu’elle est devant un renvoi préjudiciel par une juridiction nationale, de participer à la fonction juridictionnelle dans les États membres. Il existe ainsi un contrôle indirect de la Cour sur les juridictions nationales qui permette de renforcer le contrôle.
405La Cour de justice ne peut intervenir à titre préjudiciel que si elle a été saisie par une juridiction nationale à qui il appartient de déterminer les questions qui font l’objet de renvoi.
406C’est donc dans le seul cadre du renvoi opéré par le juge national que s’exerce la compétence préjudicielle de la Cour. Ce cadre est, toutefois, relativement large et la Cour dispose d’une marge de manœuvre importante à l’égard de la question posée par le juge du renvoi1099
407La procédure préjudicielle consacrée dans le cadre de l’UEMOA permet une véritable coopération judiciaire, contrairement à la procédure prévue dans le cadre de l’OHADA qui privilègie l’idée de hiérarchie. Aussi, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA consacre-t-elle, la hiérarchie juridictionnelle, ce qui fait d’elle un troisième degré de juridiction. Ainsi, dans le cadre de l’OHADA, le choix d’une organisation de type fédéral, a été fait avec pour conséquence, l’érection de la CCJA en une juridiction de cassation, mais aussi un troisième degré de juridiction.
408En effet, selon les articles 14 du traité OHADA et 56 du règlement de procédure, le recours préjudiciel se fait sur la base d’une consultation. L’avis consultatif permet à la juridiction qui a demandé le renvoi d’avoir la position de la CCJA sur la question. Dans toute organisation judiciaire, il est prévu un organe qui est habilité à émettre des avis sur les questions de droit. Il s’agit, dans la plupart des cas, des Cours suprêmes ou Cour de cassation. L’OHADA qui est à la fois un traité et une organisation dotée d’une Cour Commune de Justice et d’Arbitrage n’a pas fait échec à la règle. Avec ledit traité, cette compétence se trouve transférée des juridictions nationales suprêmes à la CCJA, uniquement en ce qui concerne le droit des affaires. En effet, aux termes des dispositions de l’article 14 al. 2 du traité précité « la Cour peut être consultée par tout État partie ou par le Conseil des Ministres sur toute question entrant dans le champ d’application de l’alinéa précédent. »
409La même faculté de solliciter l’avis consultatif de la Cour est reconnue aux juridictions nationales saisies en application commune du présent traité des règlements pris pour son application et les Actes uniformes ».
410Il faut noter qu’il s’agit simplement d’avis dépourvu de toute décision d’autorité de la chose jugée et de force de chose jugée. Cette demande d’avis doit suivre une procédure prévue par le règlement de procédure de la CCJA. La procédure à suivre est prévue par les articles 53 à 58 du règlement précité qui distingue selon que la demande émane des États parties, du Conseil des Ministres ou des Juridictions nationales.
411Selon l’article 56, toute décision pour laquelle une juridiction visée à l’article 14 sollicite un avis consultatif doit être notifié à la Cour, à la diligence de cette juridiction. Cette décision formulée en termes clairs, précise la question sur laquelle la juridiction a estimé nécessaire de solliciter l’avis de la Cour pour rendre son jugement. Il est joint tout document pouvant servir à élucider la question.
412Pour venir à la Cour, le greffier en chef notifie immédiatement la demande d’avis consultatif aux parties en cause devant la juridiction nationale. Il notifie en outre aux États parties aux traités.
413Dans ces notifications, le greffier en chef fait connaître à ces correspondants que la Cour est disposée à recevoir leurs observations écrites dans un délai fixé par le président.
414Ces observations sont par la suite communiquées aux auteurs par d’autres observations écrites. Ceux-ci sont admis à discuter des observations ainsi reçues dans les formes, mesures, délais, par le président. Celui-ci décide en particulier s’il y’a audience.
415Ainsi, de ces options divergentes, il découle eu égard à la connexité des matières qu’aurait rendu le juge national d’appel, il est tenu de saisir le juge communautaire de l’UEMOA en vertu des dispositions de l’article 12 alinéa 2 du protocole additionnel susceptibles d’être cassés ou infirmés par la CCJA en application soit de l’article 14 alinéa 3 et 5, soit de l’article 18 alinéa 3. Si un pourvoi en cassation a été formé au plan interne. Dans ces conditions, le risque est grand d’aboutir à la situation où « l’interprétation et l’application d’un droit intégré seront assurées par une juridiction qui n’a pas reçu compétence pour le faire, où la décision que rendra une juridiction supranationale saisie d’entrer en litige sera soumise au contrôle de l’autre1100 ».
416Il est donc à craindre qu’en définitive ne se construise un véritable labyrinthe procédural ou se perdraient le juge et le justiciable et qui déboucherait sur un déni de justice.
417Autant d’incohérences auxquelles il faut remédier si l’on veut voir s’approfondir le processus d’intégration dans la sous-région.
418A notre avis, nous pensons que le système de coopération judiciaire préconisé par l’UEMOA est plus simple, car il permet aux juridictions nationales de « dialoguer » avec la Cour de justice. Ainsi pour l’application du principe d’applicabilité directe du droit communautaire, les juridictions des États membres sont, selon une expression souvent employée, les « juges de droit commun du droit communautaire ». Il leur incombe, en effet, de faire en sorte que tous les intéressés puissent tirer, le cas échéant, bénéfice de ces dispositions1101.
419A ce titre, ils doivent tout simplement veiller au respect du principe de primauté selon l’expression de l’arrêt « Simmental » laissant inappliquée toute disposition éventuelle contraire de la loi nationale.
420Si la multiplicité des juges est un gage de l’efficacité de l’application, elle peut aussi devenir propre à chaque État. Il faut donc que, dans leur fonction d’application du droit communautaire les « juges de droit commun » soient encadrés par une Cour régulatrice.
421La régulation s’exerce par le mécanisme des questions préjudicielles à l’occasion du litige dont elle est saisie par le tribunal national estimant opportun d’adresser à la Cour, la question formulée par un jugement ou un arrêt préjudiciel que celle-ci est tenue de rendre, ce qui sera adressé au tribunal demandeur et dont le contenu s’imposera à celui-ci.
422Il existe deux types de questions préjudicielles : la question d’appréciation de validité et la question d’interprétation.
423La première a pour objet de permettre à un tribunal national devant qui la validité d’une disposition du droit communautaire dérivé est contesté par le demandeur à la Cour de justice de se prononcer selon ce point de vue ; afin d’éviter les solutions qui varient en fonction du litige.1102
424Quant au problème d’interprétation du droit communautaire il peut s’agir cette fois-ci aussi bien des traités constitutifs que du droit dérivé, car il ne s’agit plus pour le « juge de droit commun » de priver le cas échéant une disposition d’efficacité, mais seulement d’en écarter le sens.
425C’est pourquoi la compétence d’interprétation du droit communautaire n’est pas dérivée aux tribunaux nationaux qui ont la « faculté » de saisir la cour s’ils le souhaitent.
426Mais cette liberté comporte une limite importante. En effet, le juge qui statue en dernier ressort a, quand même, l’obligation de saisir la Cour des questions d’interprétation. Les questions d’appréciation de validité demeurent relativement rares. C’est en effet, sur les questions d’interprétation que se fondent pour l’essentiel, les rapports organiques entre les juridictions nationales et la Cour de justice.
427L’importance effective du mécanisme préjudiciel1103 provient tout d’abord de la fréquence avec laquelle elle doit être employée par les juridictions de l’espace UEMOA et OHADA. Ainsi, les justiciables et les juridictions doivent de plus en plus en être informés.
428L’importance du mécanisme de coopération vient aussi de ce qu’il sert en fait souvent à donner à la Cour de justice l’occasion de se prononcer sur la compatibilité d’une disposition du droit national avec le droit communautaire.
429Cet aspect de l’utilisation des questions préjudicielles d’interprétation permet de montrer à quel point la Cour de justice peut devenir un acteur du règlement des litiges nationaux dans lesquels le droit communautaire est en cause. Il illustre le fait que le mécanisme de coopération aboutisse à créer un système intermédiaire entre celui où une Cour demeure étrangère aux juridictions des États et celui propre au fédéralisme ou la Cour fédérale peut directement censurer les décisions des tribunaux des États. Il est à noter également que les risques de conflits peuvent exister dans le cadre des autres procédures juridictionnelles.
B. Les risques de conflits résultant des autres procédures juridictionnelles
430L’UEMOA et l’OHADA, pour la résolution des conflits qui pourront naître entre les États membres, la Commission et les personnes physiques ou morales, ont prévu des procédures permettant qu’on ait le droit d’agir ou de saisir les juridictions prévues à cet effet. Ainsi, les deux organisations ont, en plus des dispositions pertinentes prévues au niveau des traités, consacré des règlements de procédures. Ces règlements définissent les différentes procédures qu’il faut utiliser afin de permettre aux plaignants d’assurer leur défense.
431Dans le cadre de l’UEMOA1104 c’est le règlement n° 01/96/CM portant règlement de procédures de la Cour de justice de l’UEMOA. Pour l’OHADA1105, c’est le règlement de procédure de la Cour de Commune de Justice et d’Arbitrage adopté le 18 avril 1996. Ces deux règlements permettent aux justiciables de saisir les Hautes juridictions afin de permettre à ces dernières de dire le droit dans le respect des droits de la défense. Ainsi, en fonction des compétences d’attribution des deux Cours, chacune a prévu le déroulement de l’instanse en son sein.
432Les prétentions des parties en litige ne peuvent porter que sur les matières entrant dans les domaines respectifs de l’UEMOA et de l’OHADA. Comme nous avons eu à le préciser en supra, les deux organisations ont de manière délibérée répartit leurs compétences. Or, cela risque d’entraîner des conflits dans le domaine matériel1106. La confusion des domaines matériels introduit des difficultés dans le choix des matières à harmoniser, rendant évidents par suite les risques de conflits normatifs. A ce titre, si une matière a été à la fois uniformisée par l’UEMOA comme le règlement bancaire, et par l’OHADA comme l’Acte uniforme concernant les entreprises en difficulté, on notera une dualité de droit applicable pour une entreprise bancaire qui se trouve être dans une situation irrémédiablement compromise.
433D’autres illustrations peuvent également servir d’exemple car dans de pareilles situations, chacune des deux juridictions saisies peut exiger aux plaignants d’utiliser la procédure qu’elle a mise en place. Les procédures n’étant pas les mêmes, la même matière peut faire l’objet de deux procédures différentes or les dispositions des règlements de procédures sont différentes et spécifiques à chacune des deux organisations. C’est à ce niveau que les risques de conflits peuvent surgir, remettant ainsi en cause la sécurité juridique souhaitée dans l’espace communautaire. Ce risque est d’autant plus évident que les mêmes États membres des deux traités partagent le même espace économique et juridique.
434La coexistence entre les deux ordres juridiques dans un même espace ne peut toutefois durer sans heurts parce que les systèmes consacrés ne relèvent pas complètement d’une logique fédérale de superposition1107. Historiquement, la soumission des États au droit a eu entre autres corollaires la création de juridictions internationales chargées de veiller à la mise en œuvre des principes supérieurs définis dans les textes de base. La nouveauté du procédé était d’autant plus remarquable que les États s’étaient longtemps montrés hostiles à toute forme de « juridisation » des relations internationales, dans la mesure où celle-ci pouvait porter atteinte à leur souveraineté et à leur autonomie. Mais la consécration des Hautes juridictions de l’UEMOA et de l’OHADA a mis fin à cette hostilité, car les États ont accepté d’abandonner leur souveraineté judiciaire au profit des deux juridictions. Il faut cependant noter que ces deux juridictions ne peuvent pas fonctionner en s’ignorant, dans la mesure où leur coexistence pacifique n’est que de façade. Les frontières entre leurs procédures bien que limitées par des dispositions pertinentes, peuvent conduire inévitablement à la concurrence devant les institutions. Cela est dû à la fois aux méthodes d’interprétation et au fond du droit qu’elles sont appelées à appliquer.
435Outre les incertitudes qui, comme on vient de le voir, caractérisent les relations entre les systèmes normatifs communautaires des deux ordres juridiques, il s’y ajoute de façon inévitable le risque que des interactions fortuites conduisent leurs juridictions respectives chargées de dire le droit d’entrer en conflit ; surtout quand leurs procédures s’appliquent à une même matière. Ce conflit, par conséquent, suffira pour porter atteinte au droit du justiciable qui aura eu tort de saisir l’une ou l’autre juridiction chargée de trancher son litige. Il s’ensuit, dans l’absolu, non pas une simple divergence d’appréciation jurisprudentielle sur le sens ou la portée de telle ou telle disposition, mais plutôt un conflit entre les obligations juridiques directement imposées à l’État par les dispositions normatives des sentences rendues contre lui, et par l’une des deux Cours investies du pouvoir de le condamner1108.
436L’impression de relative quiétude qui semble régner parfois sur la perspective d’une guerre de sentences provient d’une sorte de conviction ambiante selon laquelle, ce conflit des choses jugées ne peut pas avoir lieu parce que les conditions de sa survenance ne sont jamais susceptibles de se trouver réunies. En bonne orthodoxie juridique, l’autorité de la chose jugée n’apparaît en effet, qu’à l’intérieur d’un espace strictement défini par un certain nombre d’identités. Ainsi, s’agissant de jugement portant sur une loi et donc, sauf exception, sur une norme de portée générale et impersonnelle, son autorité ne saurait se heurter qu’à celle d’un autre jugement possédant à la fois la même cause1109 et le même objet. L’identité des causes juridiques des divers procès mettant en jeu la loi semble, à première vue, ne pas pouvoir se rencontrer. La notion classique de cause juridique a, en effet, trait à la norme de référence du jugement, c’est-à-dire celle dont on allègue la violation. L’intersection formelle des champs des deux Cours n’est pas possible, chacune contrôlant le respect d’une classe singulière d’actes juridiques. La chose jugée ici n’est donc pas susceptible d’être remise en cause. Cette présentation scolastique tient son fondement de la nature formaliste des procédures. Mais, en réalité, dans la pratique on pourra assister à un jugement où il est potentiellement possible que les Cours soient en même temps compétentes. Aussi, ce conflit entre procédures n’est pas une simple vue de l’esprit, car il reste avéré que le conflit potentiel des choses jugées repose sur l’identité de l’objet des procès en question. L’on doit donc s’interroger sur l’existence d’un pouvoir partagé de juger la loi.
437La procédure que doit emprunter un justiciable pour obtenir l’exception d’illégalité est aussi bien consacrée dans le cadre de l’OHADA par l’article 17 du traité de Port-Louis, que dans l’espace UEMOA par l’article 11 du protocole additionnel n°1 au traité de l’UEMOA. La consécration de ces deux procédures par les traités pourra entraîner des conflits au cas où le conflit porterait sur une même matière. Devant cette situation, quelle est la procédure qui prévaudra sur l’autre du fait que les deux normes sont d’égale valeur, que les procédures sont distinctes et que rien n’est prévu par les traités pour résoudre ce genre de conflits ?
438Par ailleurs, les deux organisations ont également prévu des compétences d’avis pour les deux Cours de justice. Les procédures qui permettent à ces dernières de rendre des avis peuvent également entrer en conflit si les questions posées portent sur une même matière. Le juge sera alors devant une situation difficile à régler du fait de la non prévalence d’une procédure sur l’autre. En tout état de cause, le risque de conflits entre les procédures consacrées par l’UEMOA et par l’OHADA est un risque évident, car les deux organisations bien que coexistant, n’excluent pas l’existence d’interférences dans leurs domaines respectifs. Ainsi, ayant le même objectif et n’ayant pas de limite entre leurs domaines respectifs, elles entreront en conflit en ce qui concerne l’encadrement normatif de certaines matières, ce qui entraînera un problème réel de conflit entre les normes et les procédures. Cette analyse sur les conflits entre les deux ordres juridiques nous conduit à proposer des solutions aux risques de conflits appréhendés.
Notes de bas de page
986 Les domaines du droit des affaires consacrés par l’OHADA et ceux du droit économique prônés par l’UEMOA sont difficiles à séparer, car dans leur champ c’est l’activité économique qui est visée celle-ci est une totalité.
987 Voir préambule traité OHADA
988 Aucune des deux traités organisations n’a défini de manière claire son propre domaine, car la détermination n’est pas facile, chacune des deux organisations peut envahir le domaine économique qu’elle souhaite.
989 Traité UEMOA, articles 60 et suivants et art. 76.
990 L’harmonisation de la fiscalité a été consacrée comme un domaine prioritaire par l’UEMOA.
991 L’harmonisation juridique est un support incontournable de l’intégration économique.
992 Voir le préambule du traité OHADA précité.
993 Denys SIMON, Le système juridique communautaire, Paris Puf, 3ème édition, 1998.
994 Traité UEMOA, art. 5.
995 Avis de la Cour de justice en matière commercial.
996 Avis n°3/2000 de la Cour de l’UEMOA en matière de concurrence.
997 Parmi ces auteurs figurent Yves GUYON, Jacques MESTRE et autres, etc.
998 Dans le cadre de ces deux organes du fait de l’identité d’objectif, il est difficile de répartir les domaines.
999 L’Afrique doit, à l’instar des autres continents, dépasser certaines querelles et s’attacher au développement économique pour la mise en place d’un droit de développement car, de toutes les façons, la mondialisation l’y oblige.
1000 Ce qui pourrait aboutir au contraire de l’effet recherché qui est le développement des économies.
1001 Traité UEMOA, art. 60.
1002 Les risques de conflits sont réels car les deux domaines de compétence visent un même espace économique. Les États membres de l’UEMOA sont également membre de l’OHADA.
1003 Elle date environ d’une trentaine d’année.
1004 Il s’agit des entreprises privées et des entreprises publiques qui ont une activité de production, de distribution ou de prestation de services.
1005 DRUESNES, Droit matériel et politique de la communauté et de l’Union européenne 4e édition 1997 ; FALON, Droit matériel général de la communauté européenne 1997.
1006 Yves GUYON, Droit des affaires tome 1 8e édition p. 2.
1007 Yves GUYON op. cit. p. 2
1008 Yves GUYON, op. cit. p. 1.
1009 C. CHAMPAUD, Contribution à la définition du droit économique, D. 1967 1 15.
1010 D. TRUCHET, Réflexion sur le droit économique public en droit français, RDP, 1980, p.1009.
1011 DELVOLVÉ, Droit public de l’économie Dalloz 1998.
1012 R. SAVATIER, La nécessité de l’enseignement d’un droit économique, D 1961 I 117.
1013 Ch. JEANTET, Aspects du droit économique, Mélanges Hamel, 1961, p.33.
1014 C. CHAMPAUD, Contribution à la définition du droit économique, RD 1967 p. 215.
1015 L. R. PERNEYRE M GUIBAL, Lamy Droit public des affaires, 1997, n° 4,et édition 1999 ; Lettre, Jurisclasseur du droit public des affaires, LDPA créé en 1999, p. 330 ; R. SAVY, La notion de droit public économique en droit français, AJOA, 1971 p. 132.
1016 Gérard FARJAT, Contribution à la définition du droit économique, PUF, Collection Thémis, 2ème édition, 1982.
1017 A. LAMBERT, op.cit., p.212.
1018 Alex JACQUEMIN et SCHANZ, Le droit économique, collection Que sais-je ? Edition 1982.
1019 G. VEDEL, Le droit économique existe-t-il ? Mel. Vigieux 1981, p. 767 ; Voir André De LAUBADÈRE, Droit privé économique, Précis Dalloz, 5ème édition, 1986.
1020 René SAVY,La notion de droit économique en droit français, Actualité juridique, D. ADM, 1971, p.132.
1021 Voir préambule du traité OHADA et celui de l’UEMOA ; Art. 1 et 2 du traité OHADA ; Art. 4 du traité UEMOA ; Art. 60 du traité UEMOA ; Art. 8, 67, et 69, 76, 79, 82, et 95, du traité UEMOA; SCHAPIRA, G. Le TALLEC, J. B. BLAISE, Droit communautaire des affaires, Collection puf, 1984, Themis, Droit privé.
1022 Voir art. 8 Traité OHADA.
1023 George MEISSONNIER, Les sources du droit des sociétés, Encyclopédie juridique de l’Afrique, EDJA, 1982, tome VII, pp. 101 et suivants.
1024 Christian GAVALDA & Gibert PARLEANI, Traité de droit communautaire des affaires, 2e édition, Litec p. 3.
1025 Chacune des deux organisations a la liberté d’éditer des normes juridiques dans les domaine qu’elle choisit d’investir.
1026 Traité OHADA, Acte uniforme sur le recouvrement des créances et voies d’exécution, art. 30. Traité UEMOA, Directive n° 06/97/CM/UEMOA.
1027 Le Conseil des Ministres de l’UEMOA et celui de l’UEMOA sont l’émanation des États membres de l’UEMOA et ceux de l’OHADA car les États membres de l’UEMOA sont aussi membres de l’OHADA.
1028 Dans le cadre communautaire, il est imposé aux États membres d’une organisation de tout faire pour mettre en œuvre les actions communautaires.
1029 L’imprécision des domaines matériels aura comme conséquence les risques de conflits dans les systèmes normatifs.
1030 La Cour de justice de l’UEMOA et la cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA peuvent chacune se déclarer compétence régissent du conflit et relatif à a liquidation d’une entreprise.
1031 Traité OHADA, acte uniforme sur le droit commercial général, art. 202 et 288.
1032 Il sera inévitable que les Hautes juridictions soient en conflit pour trancher les litiges qui pourraient naître dans ces situations.
1033 L’importance de la fiscalité dans la vie de l’entreprise justifie celle accordéé à cette matière.
1034 Il est évident que toutes ces matières sont au cour du droit des affaires.
1035 Voir, art. 10 traité OHADA et 6 du traité UEMOA.
1036 CJCE, arrêt SIMENTHAL,09 mars 1978/106/77/, Rec 629.
1037 Voir les États membres de l’UEMOA et de l’OHADA.
1038 R Lecourt, l’Europe des juges, Bruxelles 1976 P. 248.
1039 BURDEAU, Traité de science politique, T2 ; L’État, 2e édition, Paris LGDJ, 1967.
1040 L’autonomie des ordres juridiques de l’UEMOA et de l’OHADA est une caractéristique fondamentale de ces deux organes.
1041 Les ordres juridiques internes des États membres de l’UEMOA ou de l’OHADA sont autonomes.
1042 CJCE du 19 décembre 1991, Rec. 1. 60. 79.
1043 Les Actes uniformes doivent être publiés dans le journal officiel de l’OHADA, il en va de même de certains actes de l’UEMOA.
1044 Le principe de l’effet direct impose aux juridictions nationales, l’application du droit communautaire.
1045 L’ordre juridique communautaire comme tout ordre juridique a pour objectif de réglementer des situations
1046 Les ordres juridiques communautaires de l’UEMOA et de l’OHADA sont des ordres supranationaux par rapport aux ordres juridiques nationaux.
1047 La hiérarchie du droit communautaire peut s’analyser autant au niveau des ordres juridiques nationaux qu’au niveau des ordres juridiques internationaux.
1048 Traité UEMOA, art. 16 al. 2 et 60 al. 1 ; Traité OHADA, art. 2.
1049 Aucun organe n’a reçu d’attribution pour régler ces risques de conflit.
1050 Voir P. MAYER et L. M. IBRIGA, La place du droit communautaire UEMOA dans le droit interne des États membres, Communication au séminaire tenu à Ouagadougou les 15, 16 et 17 février 1999, p. 25 et s.
1051 C’est la technique de l’uniformisation consacrée par le traité OHADA et la mise en place des actes uniformes (article 5 duit traité).
1052 P. MAYER et L. M. IBRIGA, La place du droit communautaire UEMOA dans le droit interne des États, op.cit. p.30.
1053 M. KAMITO, « Les cours de justice des communautés et organisations d’intégration économique africaines » ; Annuaire africain de droit international, vol 6, 1998, pp. 107 – 150.
1054 Le Traité UEMOA, Protocole additionnel n°2 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA, précise ces attributions ; Traité OHADA, art. 14.
1055 CJCE, 4 Avril 1968 LUK, aff.34/67, 35, 9.
1056 CJCE, 12 Novembre 1996, Royaume Unie / Conseil, CJCE 13 mai 1997, RFA c/ Parlement et Conseil.
1057 CJCE, 15 Juillet 1996, Costa c/ Enel., aff.6/64.
1058 Voir Mégret, Le rôle de la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes dans le développement du droit communautaire européen vol. 10 2e édition 1993.
1059 Traité UEMOA art. 14.
1060 Voirart. 4 du traité UEMOA, 1 et 2 du traité OHADA.
1061 E. CEREXHE HE, « L’intégration juridique comme facteur d’intégration régionale » ; Revue de droit n° 39 et 40, Spécial 20e anniversaire / thème intégration régionalE et droit pénal.
1062 Cette articulation trouve son fondement dans les transferts de compétence consacrés dans l’OHADA.
1063 Le domaine matériel de l’UEMOA et de l’OHADA est composé de plusieurs matières relevant soit du droit des affaires, du droit économique ou du droit de l’entreprise.
1064 Voir Joseph Issa SAYEGH et Jacqueline LOHOUES OBLE, Harmonisation du droit des affaires op. cit.
1065 L’ordre juridique de l’UEMOA, comme celui de l’OHADA sont tous deux de la même hiérarchie. Ce sont des ordres juridiques autonomes et ayant le même degré de primauté.
1066 Voir le protocole additionnel n°1 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA, art. 1 : la Cour de justice veille au respect du droit quand à l’interprétation et l’application du traité de l’Union. L’avis qu’elle a donné sur le projet de code communautaire des investissements, la CJUE assemblée voir dans cette disposition, l’affirmation de l’exclusivité de sa propre compétence en matière de règlement de litiges portant sur l’interprétation et l’application du droit communautaire ; Avis n°001/2000, dossier n°6 – 99 du 02 Février 2000, p. 3.
1067 La CCJA est une juridiction de cassation originale en ce que lorsque sa compétence est admise, elle l’est pour trancher au fond du litige qui a été soumis à une juridiction nationale de fond statuant en dernier ressort (article 14 du traité. Il faut noter également que la CCJA peut recevoir des litiges pour statuer dans le cadre de l’arbitrage
1068 De l’avis 1/91, Recueil 1991,1,6079 rendu le 14 décembre par la Cour de justice des communautés européenne, il résulte que tout mécanisme juridique qui risque de compromettre l’application et l’unité du droit commun est incompatible avec le traité CEE.
1069 Sur le rôle de la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes dans le développement du droit communautaire européen, Commentaire Mégret, vol. 10, 2e édition 1993, op. cit ; n° 24. Voir R. LE COURT « L’Europe des juges » Bruxelles, Bruylant, 1976.
1070 L’ordre juridique de l’UEMOA et de l’OHADA sont des ordres juridiques supranationaux consacrés par les deux organisations.
1071 Les droits communautaires de l’UEMOA et de l’OHADA sont directement applicables dans les États parties à ces traités.
1072 Dans le cadre de l’OHADA les actes uniformes se substituent aux droits nationaux, alors que dans celui de l’UEMOA cette substitution n’est manifeste qu’au niveau des règlements. En ce qui concerne les directives, les décisions et autres, elle n’est pas totale.
1073 Les règlements de l’UEMOA ont le même régime juridique que les Actes uniformes.
1074 Il est extrêmement difficile de faire une séparation tranchée entre ces trois notions.
1075 Une série de décisions ont permis, à partir de cette période, de renforcer l’essor du droit communautaire.
1076 R. DEHOUSSE, La Cour de justice des communautés européennes, p. 20
1077 G. ISAAC, Droit communautaire général ocit, p. 221. S.
1078 CJCE, 23 avril 1996 parti écologiste « les verts » C / parlement aff. 294/83, Rec P. 1339 p. 23; J RIDEAU, Juridictions internationales et contrôle du respect des traités constitutifs des organisations internationales, Paris LGDJ 1969 p. 64 . S.
1079 J. RIDEAU, Juridictions internationales et contrôle du respect des traités constitutifs des organisations internationales Paris LGDJ 1969 P. 64. S.
1080 Dans une étude systématique du rôle de la Cour de justice des communautés européenne sous ces trois aspects à savoir de délimitation verticale des pouvoirs entre la communauté et les États membres, la délimitation horizontale du pouvoir au niveau communautaire et la protection des droits fondamentaux des particuliers, on ne peut que renvoyer à la thèse de K. LENAER, le juge et la constitution p. 3405.
1081 Traité OHADA, art. 13 et suivants, Traité UEMOA protocole additionnel n° 1.
1082 Les Hautes cours de justice de l’UEMOA et de l’OHADA sont juges en dernier ressort, en ce qui concerne l’interprétation et l’application du droit communautaire.
1083 Le choix de la politique d’élaboration des normes juridiques chargées d’encadrer les matières est extrêmement important.
1084 Voir la classification proposée à cet égard par R GUASTINI, description de normes, in PAMSELEK (sous la direction, Interprétation et droit, Editions Bruylant Bruxelles, 1995, p. 89 ; Voir pour un examen de cette théorie dans le cadre général du droit international, Denis SIMON, L’interprétation judiciaire, op. cit. p. 78 et s.
1085 FOST et M. Van DE KERCHOVE, Entre la lettre et l’esprit, Les directives d’interprétation en droit, Bruylant Bruxelles, 1989, p. 67 et s.
1086 H KELSEN, Théorie pure du droit, op. cit. pp. 456, 459 et s.
1087 H. L. A. HART, Le concept de droit, op. cit. p. 153.
1088 R GUASTINI, L’interprétation en droit, théorie et idéologie, APD. 1972 ; H. L. A. HART, Le concept de droit op. cit. p. 153.
1089 FOST et M. VAN DE KERCHOVE, Entre la lettre et l’esprit, les directives d’interprétation en droit, op. cit. p. 67 s.
1090 Voir Acte Uniforme sur le droit Commercial général article 202 et 288.
1091 M. KAMITO n’exclut pas sur cette question des risques de conflit négatif. Op. cit. p. 148.
1092 Les deux organisations partagent un même domaine matériel
1093 Le Traité UEMOA, Protocole additionnel n° 1, art. 12 dispose : « la Cour de justice statut à titre préjudiciel sur l’interprétation du traité de l’Union, sur la légalité et l’interprétation des actes pris par les organes de l’Union, sur la légalité et l’interprétation des statuts des organes créés par un acte du conseil, quand une juridiction nationale ou une autorité à fonction juridictionnelle est appelée à en connaître à l’occasion d’un litige. Les juridictions nationales statuant en dernier ressort sont tenues de saisir la Cour de justice. La saisine de la Cour de justice par les autres juridictions nationales ou par les autorités à fonction juridictionnelle est facultative.
1094 Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage.
1095 Jean CAMBACAU, et Serge SUR, op. cit. p. 8.
1096 Franciz DELPEREE, « Les rapports de cohérence entre le droit constitutionnel et le droit international public » In Revue Française de droit constitutionnel (RFDC), 36, 1988, p. 729.
1097 On peut s’interroger sur la recevabilité d’un recours introduit par un collège arbitral. La formulation du traité permet de douter d’une telle possibilité, même si on peut regretter cette situation. A ce propos, en comparaison avec le système communautaire européen ; Voir M. LE HARDY DE BEAULIEU, Les institutions de l’Europe des quinze, FUCAM, Faculté des sciences politiques, 1995, p. 58 s.
1098 Protocole additionnel n° 1 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA, art. 12.
1099 Protocole additionnel n°1 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA, art. 13.
1100 A ce titre une confusion de compétence entre les deux juridictions sera excessive, ce qui pourra atténuer les risques de conflits.
1101 Le mécanisme préjudiciel n’est pas bien connu par ces juridictions, ce qui pourrait constituer un handicap.
1102 Les mécanismes de coopération entre les juridictions sont très importants pour les justiciables.
1103 Le mécanisme préjudiciel n’est pas bien connu par ces juridictions, ce qui pourrait constituer un handicap
1104 UEMOA, Règlement n° 01/96/CM portant règlement de procédure de la Cour de justice de l’UEMOA.
1105 OHADA, Règlement de procédure de la CCJA adopté le 18Avril 1996.
1106 La confusion des domaines est réelle entre les deux organisations.
1107 Les systèmes des organisations communautaires d’intégration est différent de celui des États fédéraux.
1108 Sur l’appréciation de ce problème voir Joël Andriants IMBAZOVINA, L’autorité des décisions de justice constitutionnelle européen sur le juge administratif français, Conseil Constitutionnel, Cour de justice des communautés européennes et la Cour européenne des droits de l’homme, LGDJ 1990.
1109 Il ne fait guère de doute que pour autant que la loi contrôlée possède une partie générale et impersonnelle, le jugement qui la déclare licite ou illicite possède lui-même une portée générale telle que non relative à la seule personne requérante. Dans les catégories du droit civil, la situation tend donc nécessairement du côté de ce qu’il est convenu d’appeler une autorité absolue de chose jugée.
Notes de fin
109 Règlement n° 1/96/CM portant règlement de procédure devant la Cour de justice de l’UEMOA : « les problèmes d’interprétation du traité de l’Union, de la légalité et de l’interprétation des actes pris par les organes de l’union, de la légalité et de l’interprétation des statuts des organes crées par un acte du conseil se posent devant une juridiction nationale dont les décisions sont susceptibles de recours. Cette production peut si elle le juge nécessaire poser des questions préjudicielles à la Cour. Lorsqu’une question de même nature est soulevée devant une juridiction nationale statuant en dernier ressort celle ci est obligée de saisir la cour ».
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