Introduction au titre II
p. 479-480
Texte intégral
1L’étude de la cohérence dans le fonctionnement des deux organisations nous a permis de constater que les deux ordres juridiques de l’UEMOA et de l’OHADA peuvent, dans une certaine mesure, fonctionner de manière cohérente et se compléter mutuellement. Mais cette réalité évidente peut en cacher une autre, qui elle, peut plutôt entraîner les risques de conflits entre les deux organisations. Les fondements de ces risques de conflits découlent des objectifs984 que les deux organisations se sont fixées.
2En effet, de prime abord, la possibilité d’une coexistence entre l’UEMOA et l’OHADA peut être envisagée sans grande difficulté. Les buts poursuivis à travers l’une et l’autre organisation sont, à bien des égards, identiques en ce qui concerne les objectifs généraux et très complémentaires en ce qui concerne les objectifs spécifiques. Quelle que soit la compréhension que l’on peut en avoir, il est certain que les deux processus d’intégration ne poursuivent pas des objectifs contradictoires ou antinomiques. Par conséquent, on ne saurait retenir entre les deux processus l’existence d’une incompatibilité de principe.
3L’objectif général des deux organisations est de promouvoir le développement économique des États membres. Celui-ci est posé de plus en plus en des termes qui sont perçus comme rendant indispensable l’intégration des économies des petits États. La nécessité d’une véritable insertion dans les échanges économiques internationaux, celle d’une participation effective à la réalisation des flux commerciaux et financiers mondiaux d’une part, celle pour chaque État de compter sur ses moyens propres, d’autre part ; l’insuffisance des moyens humains économiques et financiers des États africains, ainsi que la faible organisation du cadre de leurs activités économiques et financières expliquent qu’aucun d’entre eux ne peut tout seul pourvoir à ses besoins de développement économique et social985.
4Aussi, l’institution de l’UEMOA et de l’OHADA procède-t-elle, pour l’essentiel, de la même prise de conscience par les États concernés de la nécessité de coordonner leurs efforts de développement en soumettant, totalement ou partiellement, la gestion des moyens humains et matériels dont ils disposent à un cadre de politiques communes ou harmonisées. Ce souci apparaît clairement aussi bien dans le préambule du traité de Dakar que dans celui de Port Louis. Chacune des deux institutions, forte des atouts qui lui sont propres, entend relever ou plus précisément concourir au relèvement d’un défi. En ce qui concerne l’UEMOA et en s’en tenant au traité qui l’institue, il s’agit principalement de renforcer en étendant au domaine économique la solidarité qui, depuis 1962, au sein de l’Union Monétaire Ouest Africaine unit les États membres dans la gestion et la responsabilité d’un État unique. L’OHADA pour sa part, entend stimuler le développement économique des États membres qui, par leur appartenance à une même zone monétaire, la Zone Franc – caractérisée par une forte stabilité économique et monétaire – disposeraient d’un cadre approprié pour la réalisation progressive de l’intégration de leur économie et celle de l’Afrique en général.
5Comme on peut le constater, les deux organisations ont les mêmes objectifs le développement économique et social des États membres. L’atteinte de ces objectifs passe nécessairement par un partage de domaines de compétence entre les deux organisations. C’est à ce niveau que la problématique des risques de conflits tire ses potentialités, car l’UEMOA et l’OHADA n’ont procédé à aucun partage de compétences. Chacune, en fonction des objectifs qu’elle veut atteindre, envahit son champ dans des domaines variés soit du coté du droit des affaires, soit de celui du droit économique. Chacune des organisations vise la compétitivité et le développement des entreprises africaines.
6Ainsi, il est certain que ces organisations entreront en conflit soit dans la gestion de leurs domaines de compétence soit au niveau de leurs domaines matériels ou encore au niveau juridictionnel rapporté aux compétences respectives des deux Cours de justice. Ces risques de conflit sont donc perceptibles au niveau du droit matériel, qu’il soit originaire ou dérivé. Ils ne doivent pas pour autant constituer un handicap puisque des solutions thérapeutiques et préventives peuvent être apportées autant aux dispositions pertinentes des deux organisations, qu’elles seront issues de la collaboration ou de la coopération entre les deux ordres juridiques.
7Ainsi, nous traiterons des risques de conflit entre les deux ordres juridiques (chapitre I) et des propositions de solutions aux risques de conflit (chapitre II).
Notes de bas de page
984 Les deux organisations visent ensemble le développement économique des États membres pour la compétitivité de leur entreprise dans un marché commun concurrentiel et un marché financier dans un cadre juridique harmonisé. Cette identité d’objectif peut être un vecteur de risque de conflit car l’espace économique est le même pour les deux organisations.
985 Voir J. LOHOUES OBLE, L’apparition d’un droit international des affaires en Afrique, in Revue Internationale de Droit Comparé, n° 3, 1999, p. 543.
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L’intégration juridique dans l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) et dans l’organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afriques (OHADA)
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L’information des actionnaires, source d’un contre-pouvoir dans les sociétés anonymes de droit français et du périmètre O.H.A.D.A.
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