Chapitre I. L’institution d’organes de décision et d’exécution chargés de promouvoir et d’appliquer le droit communautaire
p. 207-242
Texte intégral
1Les deux organisations ont été élaborées à partir du modèle juridique des organisations internationales. Mais elles sont, manifestement, des organisations internationales singulières, caractérisées par une intégration particulièrement poussée et un système institutionnel original547. Ce système institutionnel est composé d’organes de décision et d’exécution dont le rôle est de permettre aux organisations que sont l’uemoa et l’ohada de réaliser des objectifs qu’elles se sont assignées. Ces organes sont organisés par des dispositions pertinentes des deux traités. Cette organisation permet de distinguer les organes de décision qui sont au sommet et qui définissent les politiques et donnent des instructions aux organes d’exécution qui sont eux chargés d’exécuter les politiques définies par les organes de décision.
2Les traités de base, après avoir défini et organisé ces organes, les ont dotés de pouvoirs et d’attributions, qui leur ont été transférés, ou abandonnés par les États membres. Dans l’exercice de leurs attributions, les deux organisations ont également institué un système de fonctionnement de leurs organes qui leur permettra de contribuer de manière correcte au développement de l’intégration juridique. C’est ce pari que veulent relever les États membres de chacun des deux traités, en consacrant ces organes. Ainsi de ce qui précède, la trame de notre réflexion s’articulera autour de deux axes. Premièrement nous allons procéder à l’analyse de l’organisation et des compétences des organes de décision et d’exécution des deux organisations (section 1) et deuxièmement, nous analyserons le fonctionnement des organes institutionnels des deux organisations. (Section 2)
SECTION 1. L’ORGANISATION ET LES COMPÉTENCES DES ORGANES DES SYSTÈMES INSTITUTIONNELS DANS LE CADRE DE L’UEMOA ET DE L’OHADA
3A l’instar de l’Union européenne, les deux Organisations ont consacré chacune des organes de décision et d’exécution leur permettant d’assurer leur fonctionnement correct. Ces organes sont dotés de compétences permettant d’assurer aux organisations d’atteindre leurs objectifs.
4Le système communautaire d’exercice des compétences se distingue tout à la fois de celui qu’on rencontre dans les États fédéraux et de celui qui est propre aux organisations internationales. À la différence des premiers, il n’existe pas réellement de clauses générales de compétence ni une liste systématique qui opérerait une répartition minutieuse et détaillée des compétences. Pour les seconds, l’ampleur et la nature des compétences confiées aux organes des deux organisations sont sans commune mesure avec celles qui sont les plus souvent dévolues aux organisations internationales classiques.
5Il faut noter que les traités ne définissent pas clairement les compétences entre eux et les États membres. Il n’existe pas de principe général qui permettra de classer les compétences en termes de compétences exclusives, concurrentes, partagées ou subsidiaires. En réalité les traités se bornent à fixer les objectifs548 à atteindre et à définir les pouvoirs qui permettent de les atteindre. Ces pouvoirs sont attribués aux organes, qui sont organisés de manière à permettre aux traités de remplir efficacement leur mission. Ainsi pour mieux rendre compte de l’organisation de ses organes et des compétences qui leur sont dévolues, nous traiterons de l’organisation et des compétences du système institutionnel de l’uemoa (§1) et de l’organisation et des compétences du système institutionnel de l’ohada (§2).
§ 1. L’organisation et les compétences des organes du système institutionnel de l‘UEMOA
6L’UEMOA, comme les organisations régionales ou sous-régionales telle que la communauté européenne, a sacrifié à la tradition en mettant en place des organes et en répartissant leurs compétences. Mais la répartition de ces compétences n’est pas le fruit du hasard, car les États membres de l’uemoa ont décidé de transférer à ces organes une partie de leur pouvoir pour promouvoir l’intégration africaine. Ce fondement se justifie d’autant plus que la mondialisation impose aux États de se regrouper pour mieux développer leurs économies. Ainsi, notre réflexion, pour rendre compte de cette situation, portera sur les fondements de l’attribution des compétences (A), l’organisation et les attributions des fonctions des organes du système institutionnel de l’UEMOA (B).
A. Les fondements de l’attribution des competences
7Les principes de base du système institutionnel des organes de décision et d’exécution de l’uemoa se caractérisent d’abord, par la consécration de la notion d’organe que sont la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement549, le Conseil des Ministres550 et la Commission551.
8Ensuite, par la consécration du principe de l’attribution des pouvoirs lié étroitement au caractère fonctionnel de la personnalité juridique des organisations internationales qui postule qu’à la différence des États, les organes créés ne disposent pas d’une plénitude de pouvoirs et de compétences. En effet dans l’ordre juridique communautaire, la personnalité juridique de l’uemoa se manifeste par le fait qu’il est titulaire de droits et d’obligations. Elle dispose de pouvoirs, de compétences, de budgets autonomes, et de patrimoines …
9Enfin, par la consécration du principe de loyauté,552 qui impose aux États membres d’adopter une attitude résolument dynamique. Quant à la mise en œuvre du traité, le principe d’équilibre institutionnel, correspondant à une volonté de cohésion qu’il serait bon d’affirmer et le principe de l’autonomie des institutions par la consécration du règlement intérieur.
10Ainsi, le principe de séparation des pouvoirs consacré par Montesquieu dans son livre de « l’Esprit des lois » a été repris dans les dispositions du système institutionnel des organes de décision de l’uemoa. En effet, la séparation des pouvoirs est la garantie de l’autonomie des institutions républicaines. Devant la mondialisation, les fragiles États constituant l’Union ont décidé à l’instar de l’Union européenne, pour assurer la crédibilité de leur économie, de transférer une partie de leur souveraineté aux organes de décision « dénommés » institutions supranationales. La coopération institutionnelle devient l’instrument de séparation des pouvoirs. L’objectif est alors de déléguer une partie des pouvoirs de l’État aux organes communautaires, afin d’en préserver l’autonomie. Le principe de base du droit des traités est l’obligation pour les États membres de respecter leurs engagements. En fait, qu’un État puisse se lier durablement envers d’autres, constitue une limitation volontaire de sa souveraineté. Comme le souligne en 1923, la Cour Permanente de Justice Internationale dans l’affaire du Vapeur Wimbledon : « Toute convention apporte une restriction à l’exercice des droits souverains de l’État, en ce sens qu’il imprime à cet exercice une direction déterminée. Mais la faculté de contracter des engagements internationaux est précisément une attribution de la souveraineté de l’État. »553
11La mise en œuvre du système communautaire d’attribution des compétences, en terme de transfert, tend à présenter l’uemoa comme revêtue partiellement de compétence étatique. « La notion de transfert de compétence hausse l’attribution de compétence au rang d’un instrument de remaniement des souverainetés. Le transfert opéré par les États, de leur ordre juridique interne au profit de leur ordre juridique communautaire, des droits et des obligations correspondant aux dispositions du traité, entraîne une limitation de leurs droits souverains. A travers la notion de transfert de souveraineté, la source des compétences détermine la nature supranationale de l’organisation554 ».
12A L’instar des organisations internationales classiques, l’uemoa ne bénéficie que d’une compétence d’attribution. Cela signifie que ses activités ne peuvent se déployer qu’à un certain nombre de domaines limitativement déterminés par le traité. Dès lors qu’elle s’est vue reconnaître une compétence particulière, l’Union peut l’exercer à tout moment dans les conditions prévues par le traité. Et le non exercice d’une compétence n’a pas pour effet d’en dessaisir l’Union.
13Par ailleurs, l’attribution d’une compétence à l’Union s’assimile à un transfert de compétence de la part des États membres au profit des institutions communes. Dans ce cadre, on peut noter une similitude entre le traité de l’uemoa, et celui de la Communauté européenne. En effet, en vertu de l’article 3B, alinéa 1er, la Communauté européenne bénéficie des compétences d‘attribution, puisqu’elle ne peut agir que « dans les limites des compétences d’attribution qui lui sont conférées et les objectifs qui lui sont assignés. »555
14En d’autres termes, elle ne dispose pas d’une plénitude de compétences, mais son action doit nécessairement trouver son fondement juridique dans les dispositions du traité556 à l’instar des organisations internationales, régies par le principe de spécialité, mais aussi des États Fédéraux ayant soumis les compétences fédérales au principe de l’universalité. Ainsi, concrètement dans l’uemoa, les organes ne peuvent donc édicter un acte juridique que dans la mesure où ils exercent expressément le pouvoir d’une stipulation du traité et dans la stricte limite du domaine concerné par cette stipulation et de l’objet pour lequel une compétence a été conférée à l’Union. Cela signifie que les États conservent leur compétence normative de droit commun, et qu’une attribution de compétence au profit de l’Union ne se présume pas. Autrement dit, la compétence nationale est la règle, et la compétence de l’Union, l’exception.
15A l’instar des communautés européennes, dans la pratique, on verra une conception extensive des compétences des organes Communautaires. En effet, deux raisons peuvent justifier cette affirmation. La Cour de justice de l’uemoa pourra reconnaître certainement l’existence de la compétence implicite. Le concept de compétence implicite, traduit la méthode d’interprétation judiciaire qui est fréquemment utilisée par la Cour suprême des États-Unis, dans le cadre du renforcement des pouvoirs du Gouvernement fédéral sur les États fédérés.
16La démarche de la Cour Suprême des États-Unis retient que le Gouvernement Fédéral et ses organes possèdent tous, des pouvoirs inhérents aux missions qui lui sont confiés par les Pères fondateurs de la Constitution de 1787. Cette méthode d’interprétation appliquée aux compétences d’une institution internationale est également utilisée par la première Cour de la Haye, la CPJI, dès le début de son fonctionnement. C’est ainsi qu’elle fait recours à cette méthode pour apprécier la compétence de l’Organisation Internationale du Travail557 à propos de celle de la Commission européenne558.
17Il se peut également que l’existence d’une réserve de compétence judiciaire puisse être appliquée. Dans le cadre de la réalisation des buts du traité, il serait possible d’attribuer des pouvoirs d’action à l’Union, dans l’hypothèse où il n’existe pas d’autres bases juridiques pouvant remédier à ce vide juridique. En réalité, l’idée de fond est que les compétences d’attribution évoquées plus haut en faveur des organes de l’Union, entretiennent des rapports complexes avec les compétences autonomes des États membres, d’où la nécessité de leur articulation.
18D’abord ces compétences peuvent être exclusives et notamment dans le cadre de l’Union douanière des politiques commerciales communes. La compétence de l’Union est exclusive, lorsque, dans une matière donnée, les États membres ont perdu le pouvoir de légiférer ou de réglementer. Ensuite dans certains domaines, les compétences des États subsistent, l’Union coordonne leurs exercices. C’est dans le cadre de la coordination des politiques économiques et de l’harmonisation des législations nationales. Enfin, ces compétences peuvent être contingentes. Dans la plupart des cas, les compétences attribuées à l’Union sont des compétences partagées, c’est-à-dire, que les États membres conservent le pouvoir d’édicter des actes aussi longtemps que l’Union n’a pas encore exercé ses compétences.
19Mais, même lorsqu’ils continuent d’exercer leurs compétences propres, les États membres sont liés par la stipulation générale du traité et par les principes généraux du droit communautaire. Ainsi, par exemple, tant qu’une organisation commune n’a pas encore été instituée, les États peuvent maintenir ou adopter des dispositions ne violant pas les règles de la libre circulation prévue par le Traité.
20Mais si l’Union a déjà commencé à exercer sa compétence dans un domaine déterminé, mais elle devra respecter les règles générales des Traités, des principes généraux du droit communautaire et de l’obligation de coopération. Toutefois, même dans les cas où elle est seule compétente pour légiférer dans les domaines exclusifs ou partagés, l’Union peut toujours reconnaître des pouvoirs d’exécution aux autorités nationales, pour la mise en œuvre des opérations décidées au niveau communautaire.
21En ce qui concerne le mode d’action communautaire, commandé par le mécanisme de la subsidiarité, le traité uemoa fixe les actes juridiques par lesquelles les institutions communautaires exercent leur compétence. Elles disposent de la gamme classique d’instruments juridiques, actes additionnels, règlements, directives, décisions. Elles ont à leur portée des méthodes telles que l’uniformisation, ou le rapprochement des législations, et la reconnaissance mutuelle par l’harmonisation. Le principe de subsidiarité est à la fois une notion politique et une notion juridique, l’insertion du concept dans le vocabulaire juridique appelle le professionnel du droit à se demander en quoi consiste juridiquement ce principe et éventuellement, quelles peuvent être ses implications.559
22Le concept de subsidiarité n’est pas un élément nouveau, en effet, on peut remonter très loin dans l’histoire pour analyser la naissance du concept. Selon plusieurs auteurs, tels que Aristote ou Tocqueville, l’idée qui inspire la subsidiarité est de mettre en garde l’État « omnipotent et réducteur ». Au vu du principe de subsidiarité, l’autorité politique peut et doit intervenir uniquement lorsque les groupements inférieurs s’avèrent impuissants à réaliser l’objectif poursuivi. La subsidiarité n’exclut pas l’intervention de l’État, qui devient néanmoins l’exception, tandis que la règle serait plutôt la non ingérence de l’État dans la sphère de la société civile. Le principe de subsidiarité a été transféré en matière fédérale. On rend compte aujourd’hui de la décentralisation, terme de gestion administrative. « Il ne faut pas remettre à une société plus grande, ce qui peut être accompli par une société plus petite560 ».
23La signification juridique de la notion de subsidiarité, indique une limitation des compétences de l’État par les compétences transférées à l’autorité inférieure par le biais du traité instituant les rapports institutionnels. Dans ses deux applications, comme principe de répartition de compétence entre l’État et la société civile ou entre l’État et la Fédération et les États membres, la subsidiarité tend à imposer à l’État un champ de compétences. Il convient de souligner que le principe de subsidiarité a été appliqué dans les grands empires Ouest Africains des xiii & xvi siècle. Les usages et les coutumes locaux sont respectés, dès qu’ils s’avèrent compatibles avec les règles communes, y compris la liberté du commerce.
24L’Union doit agir conformément au principe de subsidiarité en vertu duquel ne sont traités au niveau de l’Union que les domaines pour lesquels l’action communautaire est censée être plus efficace que des actions isolées. En effet, le principe de subsidiarité signifie ici qu’un organe de l’uemoa ne doit pas faire au niveau de l’Union Ouest africaine ce qui peut être fait de façon équivalente, ou mieux, à tout autre niveau inférieur.
25Le principe ne s’applique pas aux questions relevant de la compétence exclusive de l’Union. Une distinction doit permettre de parvenir à déterminer le domaine de la subsidiarité. En fait, les compétences peuvent être exclusivement nationales, communautaires, ou partagées. C’est dans cette dernière situation que se développe le domaine de subsidiarité. Ces concepts ne sont pas toujours dans la réalité séparés par les frontières aux tracés parfaits. La difficulté tient à ce qu’il n’existe pas de compétence « partagée » ou « mixte », mais des domaines communs et des objectifs communautaires. A cet égard, le Conseil européen a une conception restrictive du principe. Il souligne que le principe ne concerne pas et ne saurait remettre en question les compétences conférées à la Communauté par le traité, telles qu’elles ont été interprétées par la CJCE.
26Il soutient aussi que, plus la nature d’une exigence du traité est spécifique, moins elle laisse de champs à l’application de la subsidiarité. On retient enfin que lorsque l’application de la subsidiarité exclut une action de la communauté, les États membres ne se tiennent pas, moins tenus de confirmer leur action aux règles énoncées à l’article 5 du traité.
27Par son essence même, les organes de l’Union tiennent leurs compétences du transfert qui leur en est consenti par les États membres de l’uemoa. En dehors de ce transfert, les États conservent l’intégralité de leurs compétences. En conséquence, il n’y a pas lieu, pour faire jouer le mécanisme de la subsidiarité, de dresser l’alerte des compétences nationales, c’est l’opération qui convient. L’esprit de cette solution se trouve d’ailleurs dans les constitutions fédérales. Il n’en demeure pas moins qu’elle risque de laisser un certain flou.
28En plus de la consécration du principe de subsidiarité, l‘UEMOA a également consacré le principe de la supranationalité sous la pression du contexte mondial et la situation peu reluisante de leur économie. Les États signataires ont compris l’impérieuse nécessité de transférer une partie ou la totalité de leur souveraineté aux structures supranationales. L’option supranationale de l‘UEMOA se manifeste par le choix des États membres de procéder à un transfert des compétences au lieu de s’en tenir à une limitation de l’exercice du pouvoir souverain.
29La supranationalité a connu une évolution bien établie. Comme on le voit, le mode de dévolution des compétences consacré par l’UEMOA, conduit à l’émergence d’organes de décision, chargés de déterminer le cadre de gestion des activités de l’Union. Ainsi, après l’étude du fondement de l’attribution des compétences, voyons à présent l’organisation et l’attribution des compétences dans le cadre de l’UEMOA.
B. L’organisation et les attributions des fonctions des organes du système institutionnel de l’UEMOA
30Les structures de décision de l’Union sont au nombre de trois : la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement, le Conseil des Ministres et la Commission. La répartition des fonctions entre les structures constituant le cadre de gestion ne correspond pas au schéma hérité de Montesquieu. Ainsi, comme dans l’Union européenne, trois organes ont été également consacrés, auxquelles des fonctions précises ont été attribuées. Il s’agit du Conseil, du Parlement et de la Commission. En 1979, l’expression « Triangle Institutionnel » a été consacrée pour désigner ces trois organes de décision dans l’Union européenne. A l’instar de l’Union européenne, l’UEMOA a consacré l’organisation de ses organes, mais également a défini leur fonction respective. S’agissant de l’organisation, l’UEMOA a, dans son article 16 défini les organes qui composent l’Union. Il s’agit essentiellement, dans ce cadre, d’analyser la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement, le Conseil des Ministres et la Commission. Nous traiterons tour à tour de l’organisation et des fonctions et de ces organes.
1. La Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement
31Par rapport au schéma de Montesquieu, cet organe correspond à l’organe chargé du Pouvoir Exécutif, opérant sur les propositions du Conseil des Ministres. Il constitue l’Institution Suprême, car composée de Chefs d‘État et de Gouvernement. La Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement a essentiellement quatre compétences institutionnelles :
32* La fonction d’impulsion
33Aux termes de l‘article 8 du traité, dès l’entrée en vigueur du traité, la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement, fixe des orientations générales pour la réalisation des objectifs de l’Union. Elle constate à intervalles réguliers, l’état d’avancement du processus d’intégration économique et monétaire et fixe, s’il y a lieu, de nouvelles orientations.
34Dans le même sens, l’article 60 précise, « la Conférence des Chefs d’État, établit les principes directeurs pour l’harmonisation des législations des États membres. Elle identifie des domaines prioritaires dans lesquels, conformément aux dispositions du présent traité, un rapprochement des législations des États membres est nécessaire pour étendre les objectifs de l’Union…. ».
35Il revient à la Conférence de fixer les orientations majeures de l’activité de l’Organisation. Il ressort des dispositions des articles 17 à 19, que la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement a une fonction de guide et d’orientation générale du schéma communautaire.
36* La fonction d’Appel
37Aux termes de l’article 5 du traité de l’uemoa, il est apporté un alinéa suivant : « le Président de la Commission, le Gouverneur de la BCEAO et le Président de la BOAD peuvent assister aux réunions de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement et peuvent exprimer le point de vue de leur institution sur les points à l’ordre du jour qui les concernent ».
38Elle est compétente pour trancher les questions qui n’ont pas été réglées à l’unanimité au niveau du Conseil des Ministres.
39* La Fonction normative
40Aux termes de l’article 19 du traité, « la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement prend en tant que besoin, des actes additionnels aux traités » mais, aussi des protocoles additionnels et des traités. Les actes additionnels sont annexés au traité. Ils complètent celui-ci, sans toutefois le modifier. Leur respect s’impose aux organes de l’Union, ainsi qu’aux activités des États Membres. Elle dispose également du pouvoir de modifier le traité. Cette fonction est la manifestation du pouvoir de création de normes juridiques dans l’UEMOA. Il est à noter que l’acte additionnel se situe au sommet de la hiérarchie du bloc de l’ordre juridique communautaire.
41La raison de l’importance attachée à de tels actes additionnels tient au fait qu’ils ont le pouvoir de compléter le traité de base, dont ils font partie intégrante. Par ailleurs, il faut souligner que l’acte additionnel est prévu par le traité de base de l’Union, lorsqu’une étape importante, doit être franchie dans la voie de l’Union.
42En dernier lieu, il faut noter que la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernements est compétente, en ce qui concerne la fonction internationale, concernant les adhésions, le retrait des États, mais également la coopération internationale.
43Comparé au schéma de l’Union européenne, cette institution peut être assimilée à celui du Conseil européen, qui regroupe les Chefs d’État ou de Gouvernement qui donnent l’impulsion nécessaire à son développement et définit les orientations de politique générale. Il faut noter que le rôle du Conseil européen n’a été véritablement défini qu’en 1987 par l’Acte Unique européen qui en constitue le fondement juridique.
44En 1993, le traité de Maastricht a confirmé l’existence de ce Conseil européen en son article D.
2. Le Conseil des Ministres
45Le Conseil des Ministres regroupe, en fonction des matières traitées, les ministres nationaux compétents. Pour les matières économiques et monétaires, le traité UEMOA dans ses articles 21 et 23, fait toutefois référence à l’article 6 du traité de l’UMOA pour modifier la compétence spécifique des ministres chargés de ces questions. Lorsque les questions politiques ou de souveraineté sont discutées, le Conseil sera composé des ministres des affaires étrangères. Le Conseil des Ministres est chargé de veiller à la mise en œuvre des orientations générales définies par la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement. Il dispose à l’instar du Conseil de l’Union européenne de la compétence normative lui permettant d’arrêter des règlements, directives et décisions, ainsi que de formuler les avis et les recommandations dans les cas prévus par le traité561.
46Il dispose également du pouvoir d’autoriser des mesures de sauvegarde en vue de faire face à des problèmes économiques majeurs au plan interne. En application de l’article 47 du traité, le Conseil a des pouvoirs de décision importants en matière budgétaire qu’elle partage avec la Commission. Selon l’article 51 du traité, le Conseil adopte sur proposition de la Commission, à l’unanimité, les règlements financiers spécifiques, notamment les modalités d’élaboration et d’exécution du budget, ainsi que les règles de reddition et de vérification des comptes.
47Le Conseil des Ministres de l’uemoa est l’équivalent du Conseil dans l’Union européenne, mais à plusieurs égards des différences existent. En effet, contrairement à l’Union européenne, le Conseil des Ministres n’a pas de siège celui de l’Union européenne a son siège à Bruxelles, représente et défend les intérêts des gouvernements des États membres et l’intérêt général de la communauté. Le Conseil européen assure l’insertion dans le système institutionnel de l’Union européenne, les États membres et leur gouvernement, et il joue dans ce système un rôle essentiel. S’agissant des pouvoirs, le Conseil de l’Union européenne exerce, dans le cadre communautaire, le pouvoir législatif et le pouvoir budgétaire, seul ou avec le Parlement. Il est titulaire du pouvoir exécutif.
48La nature institutionnelle du conseil n’empêche pas que dans les domaines qui relèvent de la compétence des États Membres, ces derniers décident en son sein de coordonner leur action sous forme de décisions des représentants des États membres, réunis au sein du conseil. L’article 2 du traité de fusion des exécutifs prévoit que le Conseil serait formé par les représentants des États Membres et que chaque gouvernement y déléguerait un de ces membres, le Traité sur l’Union européenne précise que les représentants des États membres sont au niveau ministériel et doivent être habilités à engager le gouvernement de l’État membre qu’ils représentent.562
49Cette formulation est destinée à permettre la participation des États membres des gouvernements des collectivités infra étatiques, comme les régions belges ou les Landers Allemands.
50D’autres fonctionnaires assistent également les membres du Conseil. Le traité fait uniquement référence au Conseil et ne mentionne pas les diverses formations de celui-ci. Il en résulte qu’il n’existe qu’un seul Conseil qui dispose chaque fois qu’il se réunit et nonobstant sa composition, de la plénitude des pouvoirs qui lui sont attribués par les traités. A ce titre, il faut noter que, c’est le Conseil et non le Parlement Européen, qui est le principal titulaire du pouvoir normatif. Comme on peut le constater à travers ces développements tant au niveau de l’uemoa qu’au niveau de l’Union européenne, la fonction législative qui, dans le schéma de Montesquieu relève des Parlements, a changé de titulaire.
51Dans le système communautaire, les Parlements nationaux sont dépouillés de cette fonction qui relève selon les cas du Conseil des Ministres dans le cadre de l’uemoa ou de l’Union européenne. Plusieurs justifications peuvent légitimer ce transfert de compétence qui, s’il a des avantages certains, ne manquera pas d’avoir des inconvénients. A l’instar du Conseil de l’Union européenne, le Conseil des Ministres dispose de plusieurs attributions dans le cadre de la fonction législative, et devient le véritable législateur de l’uemoa. Dans le cadre de la fonction exécutive, le Conseil exerce de nombreuses compétences pour la mise en œuvre des politiques communautaires.
3. La Commission de l’UEMOA
52La Commission de l’UEMOA est l’organe de gestion du processus d’intégration économique de l’Union. Elle veille au bon fonctionnement et à l’intérêt général de l’Union, indépendamment des différents intérêts nationaux. Les sept commissaires qui la composent sont nommés pour un mandat de quatre ans renouvelable par la conférence. Les critères retenus en vue de cette nomination, sont doubles, compétence et intégrité563. Par ailleurs, dans l’exercice de leur fonction, ils doivent faire preuve d’indépendance totale, et ne peuvent ni solliciter, ni accepter aucune instruction émanant d’un gouvernement ou d’un organisme564.
53A leur entrée en fonction, ils devront prêter serment, en ce sens que devant la Cour de justice, ils seront tenus de ne plus exercer d’autres activités professionnelles rémunérées ou non565. Aux termes de l’article 27, alinéa 2, ils bénéficient d’un statut particulier. Ils sont nommés séparément par la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement, et, sont issus de la Commission, la durée de leur mandat, est de 4 ans renouvelables.
54Au titre des compétences institutionnelles, la Commission dispose de six fonctions principales. Dans le cadre de l’exécution du budget de l’Union, elle assure une fonction d’exécution après délégation expresse et contrôle du Conseil. Elle exécute les actes qu’ils prennent566. En tant que gardienne du traité, à l’instar de son homologue européen, elle assure la fonction de contrôle. Elle peut ainsi transmettre à la Conférence et au Conseil les recommandations et des avis « qu’elle juge utiles à la préservation et au développement de l’Union »567. Elle peut saisir la Cour de justice en cas de non-respect par les États de leurs obligations et apprécier la légalité des actes des organes de l’Union. En outre, elle exerce un contrôle sur l’application des clauses de sauvegarde568 et veille à l’application de concurrence.
55Ainsi, pratiquement en dehors des actes additionnels qui sont complètement autonomes au plan juridique et politique, tous les autres actes juridiques font intervenir en amont et en aval la Commission. Dans les négociations internationales, c’est la Commission qui représente l’Union. Mais le pouvoir de conclusion revient habituellement au Conseil des Ministres ou dans les cas exceptionnels, à la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement.
56Dans sa fonction d’information, la Commission recueille toutes les informations nécessaires pour la poursuite de sa mission. A ce titre, elle établit un rapport annuel qui est soumis au Comité interparlementaire, ainsi qu’aux organes législatifs nationaux.
57L’importance des compétences attribuées à la Commission s’explique par sa nature supranationale, c’est-à-dire par sa nature d’organe indépendant des États membres et gouvernements. L’idée de fond du schéma d’intégration retenu par le traité de l’Union est de permettre à un organe collégial d’éviter une gestion solitaire, comme c’est souvent le cas quand il s’agit d’un secrétariat exécutif, tout en évitant une gestion trop dépendante des contingences nationales, des États membres. Ces données expliquent largement la nature des compétences attribuées à la Commission et les rapports que cette dernière entretient avec les autres organes de l’Union.
58Schématiquement, on peut dire que la Commission de l’UEMOA a un pouvoir étendu de proposition qu’elle exerce de sa propre initiative ou à l’ordre du Conseil. L’article 24 lui confère un pouvoir normatif subordonné tandis que le Conseil des Ministres lui confie l’exécution des règles qu’il établit. L’exercice de ses compétences s’opère selon divers procédés.
59D’abord, la Commission peut s’informer auprès des États et des Entreprises et procéder à la vérification dans les limites du respect du droit. Ensuite, sur la base de l’article 72, la Commission peut prendre une décision motivée sur la violation par un État membre de ses obligations communautaires. Enfin, sur la base de l’article 90, la Commission peut prendre les sanctions vis-à-vis de certaines entreprises en cas de violation de certaines dispositions communautaires. L’exécution de toutes ses compétences confère à la Commission une fonction administrative interne. Elle arrête son règlement intérieur569 des services et nomme aux différents emplois ; les attributions du Président de la Commission et des Commissaires sont définies par le règlement intérieur de la Commission.
60S’il y a des similitudes avec l’organisation de la Commission européenne, des différences réelles et apparentes doivent en revanche être soulignées. En effet, contrairement à la Commission de l’uemoa qui était fixée par le traité qui est lui-même récent, la Commission européenne, elle, a subi de nombreuses évolutions à la suite du traité de Maastricht et d’Amsterdam.
61A l’origine, la Commission semble assez proche, à certains égards, du secrétariat intégré des organisations internationales du type de ceux d’un exécutif national. L’évolution a préservé cette ambiguïté tout en laissant intact le principe essentiel qui est celui de l’indépendance de la Commission. Le statut de la Commission européenne est fixé par l’article 211 (ex. 155) et suivants du traité CE. Les dispositions relatives à la nomination et à la composition de la Commission ont été profondément modifiées par le traité de Maastricht et d’Amsterdam.
62D’une institution nommée par les États membres et dont la responsabilité devant le Parlement était largement théorique, les modifications des traités et la pratique de ces dernières années ont conduit à une institution trouvant son origine tant dans la volonté des États que dans celle du Parlement et dont la responsabilité devant le Parlement est bien réelle. S’agissant de la désignation de la Commission, il faut noter qu’à l’origine, le Président de la Commission et les membres de celle-ci étaient nommés par les États membres d’un commun accord avec les Gouvernements des États membres. L’investiture Parlementaire est donc l’une des conditions de la nomination. Il en découle que la Commission tient son mandant tant du Parlement que des États membres, contrairement à l’uemoa, on voit que la procédure est différente.
63En ce qui concerne la durée des mandats, elle est de cinq (5) ans contrairement à celle de la Commission de l’UEMOA qui, elle est de quatre (4) ans.
64Quant à la composition de la Commission européenne, elle comprend vingt (20) membres nationaux des États membres. Elle compte, au moins, un membre ayant la nationalité de chacune des États sans pouvoir compter plus de deux membres de la même nationalité. Dans la pratique, il est alloué deux membres aux grands États comme la France, l’Allemagne, l’Italie et le Royaume Uni. Comme dans l’uemoa, l’indépendance des membres et le principe de la collégialité ont été consacrés. Pour l’organisation de la Commission, elle est régie par l’article 211 (ex. 155) CE. Elle veille à l’exécution du traité, formule des recommandations et des avis, dispose d’un pouvoir de décision et participe à la formation des actes du Conseil du Parlement européen, et exerce des compétences d’exécution que le Conseil lui confère. A ce titre, elle dispose du pouvoir d’initiative, d’exécution de surveillance et assure la fonction de représentation. Dans le cadre de l’UEMOA, la Commission a plusieurs attributions dans les domaines législatif, exécutif, budgétaire, de contrôle interne et international. Après l’étude de l’organisation et des compétences des organes institutionnels de l’UEMOA, voyons à présent ceux de l’OHADA.
§ 2. L’organisation et les attributions des organes du système institutionnel de l’OHADA
65A l’instar de l’uemoa, l’ohada a mis en place des organes qui lui permettront de mener à bien les missions qu’elle s’est fixées. Pour atteindre ces objectifs, elle a consacré l’organisation de ses organes et leur a attribué des fonctions qui ne sont rien d’autre que les compétences d’attribution. Ainsi pour mieux rendre compte de l’organisation et des attributions du système institutionnel de l’ohada, nous traiterons, d’abord, du fondement de l’attribution des compétences (A), puis de l’organisation des organes et de leurs compétences (B).
A. Les fondements de l’attribution des compétences
66A l’instar de l’UEMOA, les principes de base du système institutionnel de l’OHADA se caractérisent par la mise en place d’organes dénommés Conseil des Ministres, Secrétariat Permanent et Ecole Régionale Supérieure de Magistrature. Pour atteindre les objectifs fixés par le traité, les États membres de l’OHADA ont décidé d’abandonner leur souveraineté au profit de ces organes.
67Selon Gaston Kenfack DOUAJNI, « la souveraineté est la principale caractéristique de l’État. Seul l’État est souverain et le fondement même de la souveraineté est de ne se soumettre à aucun autre pouvoir. Ainsi entendu, la souveraineté est une notion essentiellement politique, qui se confond avec l’indépendance et exprime l’autonomie des gouvernants de l’État qui agissent sans avoir à subir les injonctions d’un État tiers »570. La souveraineté de l’État lui permet de contrôler les engagements internationaux. À ce titre, Gaston Kenfack DOUAJNI a précisé que « la mise en œuvre de cette faculté sus-évoquée par la ratification des traités internationaux constitue une manifestation de la souveraineté étatique, et traduit généralement de la part d’un État, la volonté de régler avec les autres États contractants des problèmes communs ». La lecture du traité de l’ohada laisse apparaître que les États signataires ont renoncé à une parcelle de leur souveraineté au double plan législatif et judiciaire en vue d’atteindre les objectifs communs qu’ils se sont fixés.
68Si les États parties ont décidé d’abandonner leur souveraineté au profit d’organes supranationaux, ils se sont basés sur des fondements sûrs. L’objectif premier de l’ohada étant de régler le problème de la disparité des normes juridiques en matière de droit des affaires à l’intérieur de l’espace juridique des États signataires du traité de Port-Louis, il va de soi que cette harmonisation qui est en réalité, une unification, malgré la terminologie adoptée pour désigner l’organisation, implique un organe législatif commun aux parties prenantes. Les fondements de cet abandon de souveraineté ont été justifiés dans les États parties par la consécration de l’unité africaine. Le préambule du traité constitue le fondement de cet abandon de souveraineté au profit d’organes communautaires.
69En effet, les débats sur l’unité africaine remontent d’avant les indépendances, entre les partisans de l’unité et ceux de la balkanisation, ce qui oppose le groupe de Casablanca et celui de Dakar. L’intégration africaine doit être une réalité, car la mondialisation et la globalisation ne donneront aucune chance aux petits États.
70Comme dans l’Union européenne, les États africains doivent tendre vers l’intégration. A cet effet, il faut saluer la récente création de l’Union africaine qui a remplacé l’OUA. Le développement du continent Africain ne pourra se faire que par l’élimination de la balkanisation. Le NEPAD est également créé pour le développement du continent. Toutes ces organisations constituent des outils devant favoriser l’intégration africaine ; mais il faut ajouter que l’Afrique de la Zone Franc doit également, en plus de la communauté monétaire qui est un acquis incontestable, consacrer un droit économique des affaires.
71Il est évident que ce droit économique des affaires uniformisé a des mérites certains pour les investisseurs et pour les hommes d’affaires installés sur la Zone Franc, qu’ils soient ressortissants ou étrangers.
72Les objectifs nobles, que se ont fixés les seize (16) États de la Zone Franc pour l’harmonisation du droit des affaires, ont suffisamment été mis en lumière pour que l’on ait besoin d’insister outre mesure. Comme on a pu le constater, la naissance de l’ohada apparaît comme une œuvre juridique salutaire présentant plusieurs avantages. En tant que moyen d’intégration juridique, cette organisation traduit une prise de conscience des États membres de l’enjeu que représente le mouvement inéluctable de la mondialisation des échanges dans lequel s’inscrit parfaitement la naissance de cette institution. Pour assurer cette mission, les États signataires du traité ohada n’ont eu d’autre choix que de confier certaines attributions aux organes supranationaux. C’est cela qui a justifié l’abandon de souveraineté. Tous les États-parties ont interrogé leurs Parlements nationaux571 avant de ratifier le traité.
73Il est incontestable que tous les États-parties dans leur écrasante majorité ont accepté d’abandonner leur souveraineté. La souveraineté de l’État ne peut plus se définir aujourd’hui de la même manière qu’elle l’était au xixème siècle. Avec la mondialisation du droit 572 et sa régionalisation,573 la perception de la souveraineté a évolué. L’essence de celle-ci veut que la souveraineté puisse être perçue comme absolue, mais elle constitue plutôt le fondement d’une discipline internationale librement consentie, puisque c’est de la souveraineté elle même que l’État tire le droit de s’assujettir à la règle nationale. Ainsi, dès le 16 janvier 1963, la Cour Permanente de Justice Internationale rappelait dans l’arrêt Wimbledon, qu’une limitation de souveraineté est inhérente à la notion même d’engagement international. A fortiori, la création d’une organisation internationale ne peut se concevoir sans l’acceptation par les États membres d’abandonner des compétences à son profit. L’évolution contemporaine de la société internationale et en particulier son institutionnalisation ne peut que renforcer cette emprise du droit international sur les droits nationaux.
74C’est ce qui ressort de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel français quand il affirme, à propos du traité de Maastricht, que « le respect de la souveraineté nationale ne fait pas obstacle à ce que la France puisse conclure, sous réserve de réciprocité, des engagements internationaux en vue de participer à la création ou au développement d’une organisation internationale permanente dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoir de décision, par l’effet du transfert de compétence consenti par les États membres »574. Sans prétendre transposer aux États membres de l’ohada une analyse purement française, on peut admettre que ce raisonnement, bâti dans le contexte de la construction européenne puisse s’appliquer à l’entreprise d’intégration à laquelle ceux-ci se sont attelés dans la mesure où d’incontestables similitudes sont perceptibles, quant à l’inspiration ayant guidé ses promoteurs.
75L’abandon de souveraineté s’est traduit par la création d’organes supranationaux. L’évolution de la société internationale est caractérisée d’une part, par la persistance de l’État souverain et de l’inter-étatisme. D’autre part, depuis le milieu des années 1980, la configuration de l’économie mondiale a changé de nature avec le développement massif des mouvements de capitaux. La souveraineté de l’État apparaît de plus en plus comme un mythe.
76La croissance considérable et régulière du commerce mondial, la dépendance croissante des économies nationales à l’égard des échanges internationaux, ainsi que l’accroissement marqué des investissements privés internationaux, n’ont pas cessé de renforcer l’intégration économique internationale et par conséquent, l’outil de sa mise en œuvre, l’intégration juridique, créant ainsi une interdépendance accrue entre les États.
77Nous assistons impuissamment au développement de la mondialisation qui dépouille les États nationaux d’une partie de leur souveraineté ; le monde devient un « village planétaire », il faut s’ouvrir ou périr. Ainsi, pour faire face à tous ces constats, les États membres de la Zone Franc et membres de l’ohada ont permis l’émergence d’organes institutionnels supranationaux de décision. Ce fondement de l’attribution des compétences est à la base de l’organisation et des attributions de compétence des organes institutionnels de l’OHADA.
B. L’organisation et les attributions des compétences des organes du système institutionnel de l’OHADA
78L’organisation des organes du système institutionnel de l’ohada est structurée de la même manière que la plupart des organisations d’intégration. L’ohada, pour atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés a consacré les organes comme le Conseil des Ministres qui a le rôle d’un Parlement car c’est le Conseil qui est l’organe législatif. Elle a également institué le Secrétariat Permanent organe d’exécution qui joue le principal rôle administratif. Le troisième organe est l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature. Ainsi nous traiterons successivement du Conseil des Ministres, du Secrétariat Permanent et de l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature.
1. Le Conseil des Ministres
79Composé des Ministres chargés de la justice et des finances des États membres. Le Conseil des Ministres assure la haute direction de l’ohada. Cet organe a été consacré par les articles 27 à 30 du traité. Le Conseil des Ministres est, à l’instar de l’OMC, l’organe législatif. Les États parties au traité ont confié à cet organe le pouvoir législatif. Les fondateurs de l’ohada ont choisi de confier à un Conseil des Ministres la compétence législative pour adopter les normes qui caractérisent le droit communautaire, que sont les Actes uniformes. Il n’est pas besoin de parcourir les dispositions constitutionnelles des 16 États membres de l’ohada pour circonscrire le débat.
80Inspirés tous du modèle français, les États ont opéré un partage de compétences entre le Législatif et le Judiciaire. L’originalité de l’ohada est de confier au Conseil des Ministres, émanation de l’exécutif, le pouvoir d’adopter les lois à la place des Parlements nationaux, qui perdent ainsi une partie de leur souveraineté. La compétence attribuée au Conseil des Ministres, résulte de la volonté des Parlements. A la lumière de la procédure suivie, les Parlements nationaux ont, au nom de l’unité africaine et de l’intégration africaine abandonné leur souveraineté, au profit d’un organe supranational législatif.
81La ratification du traité importe donc, pour chacun des Parlements des États-parties, dévolution de ses prérogatives, non à l’exécutif de chacun des États, mais à un organe communautaire, qui assure les fonctions politiques, par son action législative, le Conseil des Ministres de l’ohada, qu’il soit composé de membres de l’exécutif qui exercent des prérogatives relevant sur le plan du droit interne de la compétence des Parlementaires, et cela, ne devant pas faire oublier que le Conseil des Ministres de l’ohada, malgré sa dénomination, peut énoncer des normes relevant du domaine de la loi sans que cela soit perçu comme une violation de l’ordre constitutionnel.
82Il faut rappeler que même si les règles de procédures en matière d’habilitation ne sont pas observées, la ratification du traité par l’Assemblée nationale doit être interprétée comme une habilitation permanente des membres de l’exécutif. L’unification du droit que l’ohada est censée réaliser serait compromise si les Actes uniformes avaient un contenu variable suivant les États. Dès lors, on peut s’interroger sur l’opportunité d’une procédure de ratification par les Parlements. Une telle finalité avait pour conséquence un « dépeçage » des Actes Uniformes. C’est donc avec raison que les promoteurs de l’ohada ont pris deux mesures radicales, l’exclusion de toute ratification ultérieure des Actes Uniformes d’une part, celle des réserves d’autre part.
83Comme on a pu s’en rendre compte, le traité ohada enlève aux Parlements nationaux et aux organes législatifs nationaux leur pouvoir législatif et réglementaire, dans la mesure575 où les dispositions des Actes uniformes déterminent, non seulement les principes généraux d’une matière qui relève du pouvoir législatif, mais également des modalités d’application de celle-ci, qui relèvent normalement du pouvoir réglementaire. Il s’ensuit que les organes consultatifs nationaux, le Conseil Economique et Social, ainsi que le Conseil Consultatif du Travail, se trouvent écartés de la procédure d’harmonisation.
84S’il est vrai que les États-parties ont fait un choix judicieux en confiant au Conseil des Ministres, le pouvoir d’adoption des Actes uniformes, certains se sont élevés contre cette institution. En effet, selon Mactar SAKHO, dans la tradition démocratique la fonction législative appartient aux assemblées élues576. Le Conseil des Ministres est une émanation avérée du Pouvoir exécutif, dont la vocation ne consiste pas en l’édiction des lois. De ce point de vue, il est permis de soutenir que le traité porte atteinte à la règle de la séparation des pouvoirs. Cette idée est soutenue par un éminent juriste, Joseph Issa Sayegh, qui parle de dépouillement des Parlements nationaux de leur pouvoir législatif.
85Selon Maître Doudou NDOYE, le traité ohada a porté une atteinte au pouvoir législatif. Ainsi, selon lui, « les Parlements des États concernés n’auront plus à se prononcer sur les domaines captés par l’ohada et extensibles selon la volonté du Conseil des Ministres. Désormais, les ministres se réuniront pour légiférer directement et publier « leur loi ». Le Pouvoir Exécutif africain renforce ainsi sa mainmise sur tous les domaines importants, à l’exclusion des Parlements : phénomène ancien et constant en Afrique, où le pouvoir exécutif est seul souverain et permanent »577.
86A notre avis, toutes ces positions doctrinales ne sont pas des critiques positives, car, vu la configuration des États africains et surtout la diversité des sources juridiques de ces États, l’intégration juridique est devenue une impérieuse nécessité, la création d’un Parlement à la place du Conseil des Ministres serait trop chère pour les États-parties.
87D’ailleurs, cette position est soutenue par Djibril ABARCHI, selon qui : « si les critiques consistant à percevoir le Conseil des Ministres de l’ohada, comme un organe ayant confisqué les prérogatives des Parlements est concevable sur le plan théorique, l’option des promoteurs de l’OHADA n’est pas moins une solution réaliste578 ».
88Bien que la compétence du Conseil des Ministres dans le domaine du droit défini par le traité est incontestable, il est permis de s’interroger sur la portée de cette compétence à deux niveaux. Dans un premier temps, il s’agit du domaine du droit des affaires tel qu’énuméré dans l’article 2 du traité. Ce domaine reste flou car le droit des affaires est flexible et entretient des liens étroits avec d’autres branches telles que le droit civil, la procédure civile, etc. Dans un deuxième temps, il est permis d’affirmer que la compétence résiduelle des Parlements nationaux est réelle, car le traité ne leur enlève pas le droit de continuer de légiférer dans les domaines où l’OHADA n’intervient pas.
89En plus de ces compétences législatives, le Conseil des Ministres a également des pouvoirs de décision. A ce titre, il faut distinguer celles qui ont une portée générale de celles de nomination devant assurer les organes énoncés par le traité. Les décisions de portée générale sont celles qui s’appliquent à un nombre indéterminé de personnes, celles relatives par exemple aux frais d’arbitrage ou celles relatives à l’approbation des frais d’arbitrage.
90S’agissant des décisions individuelles, elles sont beaucoup plus nombreuses. A ce titre, le Conseil des Ministres a le pouvoir de nomination du Secrétariat Permanent, du Directeur de l’Ecole Supérieure Régionale de Magistrature et d’approbation du programme annuel d’harmonisation, d’élire les membres de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage CCJA et d’adopter le budget annuel du Secrétariat Permanent et de la CCJA.
91Aux termes de l’article 4 du traité, le Conseil des Ministres a également le pouvoir de prendre des règlements d’application du traité. Le Conseil des Ministres est l’organe Suprême de l’Ecole Régionale Supérieure de Magistrature, et à ce titre, il définit la politique générale de l’école et adopte le rapport d’activité et le rapport financier annuel. Le Pouvoir d’extension du Traité est également accordé au Conseil des Ministres. En effet, il est stipulé à l’article 2 « toute autre matière que le Conseil des Ministres déciderait à l’unanimité d’y inclure conformément à l’objet du présent traité ». Les États parties au traité ont compris que l’œuvre législative ne sera jamais achevée : pour ce faire, ils ont prévu la possibilité d’extension du traité.
92Mais, il faut noter que ce pouvoir d’extension comporte des limites, en effet, l’objet du traité consiste en l’harmonisation du droit des affaires. En premier lieu, l’extension doit porter sur une matière du droit des affaires, le Conseil des Ministres ne pourra pas inclure une autre matière qui ne sera pas dans ce domaine. Ensuite, la matière envisagée doit se prêter à l’harmonisation. Elle doit donner lieu à des règles communes. Pour être dans le sens du traité, les normes qui le sous tendent doivent être prises pour moderniser les économies africaines. L’exigence de simplicité est en elle-même remarquable. Sa réalisation n’est pas aisée et il ne faut guère se leurrer car le droit n’est pas simple. Seulement, il peut apparaître complexe sans être compliqué et incohérent. Comment concilier un dispositif moderne avec des économies sous-développées ? Les catégories et mécanismes classiques, n’ont-elles pas vocation à constituer des éléments du droit harmonisé ?
93Il est très facile d’affirmer que le traité ohada n’opère pas un transfert de compétences aux institutions communautaires qu’à propos du droit des affaires. Mais la lecture de ce texte laisse perplexe, quant à la détermination des matières que recouvre cette terminologie. La notion de droit des affaires telle qu’envisagée par le traité est plus vaste que le contenu de la matière, telle qu’on a l’habitude de l’appréhender dans les manuels de droit.
2. Le Secrétariat Permanent, Organe d’Exécution
94Le Secrétariat Permanent est installé à Yaoundé en République du Cameroun. Un accord de siège signé le 30 avril 1997 entre celui-ci et l’ohada, définit les privilèges et immunités en République du Cameroun dans le prolongement du titre VII du traité.
95Le Secrétariat Permanent est la cheville ouvrière de l’OHADA, c’est un organe administratif en ce sens qu’il exerce des fonctions administratives, vis-à-vis de tous les organes de l’ohada et assure les liens constants entre les États parties et les instances de l’ohada579. Il est dirigé par un Secrétariat Permanent, comme pour le Conseil des Ministres, pour une durée de quatre ans renouvelables580.
96En outre, le Secrétariat Permanent nomme à son tour ses collaborateurs en fonction des critères définis par le Conseil des Ministres et dans les limites du budget. Aux termes de l’alinéa de l’article 3 du traité, le Secrétariat Permanent assiste le Conseil des Ministres et, à ce titre, propose au Président l’ordre du jour du Conseil des Ministres.
97Au plan nominatif581 le Secrétariat Permanent joue un rôle important, car c’est à lui que revient le rôle de préparer les projets d’Actes Uniformes qu’il soumettra à l’examen des États membres et à l’avis de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage. Dans ses attributions, le Secrétariat Permanent invite les États-parties à procéder à la présentation de candidats aux fonctions de juge à la CCJA avant les élections, et dresse leur liste. L’article 35 du traité fixe les attributions du Secrétariat, en cas de remplacement d’un juge de la cour décédé, ainsi que le remplacement ou la nomination d’un juge.
98Comme on le voit, le Secrétariat Permanent peut être assimilé dans ses fonctions aux institutions des autres organisations, telles la Commission de l’uemoa ou la Commission européenne. Si certaines fonctions et attributions sont similaires, d’autres au contraire sont différentes. Dans le cadre de l’uemoa, l’organe permanent qui applique la politique définie par les Chefs d’État et le Conseil des Ministres est la Commission. Pour la Communauté européenne, l’organe qui assure cette fonction est également la Commission européenne.
3. L’École Régionale Supérieure de Magistrature
99Rattachée au Secrétariat Permanent, et dotée d’institutions, cette Ecole dispose d’une personnalité juridique et de l’autonomie financière et administrative, et bénéficie également d’immunités et privilèges découlant de son statut international (article 27) et aussi par les articles 48 à 51 du traité. L’article 26 du statut décrit les obligations des États membres. L’Ecole a principalement pour objectif d’œuvrer à l’amélioration de l’environnement juridique et judiciaire dans l’ensemble des États membres. A ce titre, elle est chargée en particulier d’assurer la fonction et le perfectionnement des Magistrats et auxiliaires de la justice des États membres en droit communautaire et en Droit des Affaires. En plus de la formation des magistrats et auxiliaires de justice, l’Ecole doit promouvoir le développement et la recherche en droit africain, mais œuvrer également dans la liaison entre la CCJA et les Hautes Juridictions des États membres et à l’harmonisation de la jurisprudence.
100Les Organes de l’Ecole sont :
101- le Conseil des Ministres ;
102- le Conseil d’Administration ;
103- le Conseil d’Etablissement ;
104- la Direction.
105- Le Conseil des Ministres :
106Ses attributions en la matière ont été étudiées en supra.
107- Le Conseil d’Administration :
108Il est composé du Secrétariat Permanent, du Président de la CCJA ou de son représentant, de trois représentants des cours suprêmes ou juridictions supérieures de l’ordre Judiciaire des États membres, siégeant pour deux ans, non immédiatement renouvelables, a raison d’un représentant par État et selon, l’ordre établi à l’article 27 du traité. Deux représentants désignés pour trois ans par le Secrétariat Permanent parmi les Directeurs des établissements des formation initiales des magistrats des pays membres : deux représentants des enseignants permanents à l’ERSUMA élu pour trois ans par leurs pairs.
109Le Conseil d’Administration a plusieurs missions : il adopte le budget et arrête les comptes annuels de l’Ecole avant leur transmission au Conseil des Ministres, adopte les textes, précisant l’organisation et le fonctionnement de l’école ; reçoit les concours financiers et autres organismes d’aides internationaux aux privés ou publiques, fixe le quota d’élèves entre les États membres : nomme le Directeur des études et stages, le directeur des affaires administratives et financières, les Enseignants et chercheurs rattachés à titre permanent à l’école.
110- Le Conseil d’Etablissement
111Il est composé du Directeur Général, Président, du Directeur des études et stages, des enseignants permanents, d’un représentant des enseignants vacataires élu par ses paires. Le conseil d’Etablissement est chargé d’évaluer le niveau scientifique de l’établissement et d’assurer le contrôle des formations dispensées.
112- La Direction de l’Ecole
113Nommé par le Conseil des Ministres, sur proposition du Conseil d’Administration, pour une durée de trois ans renouvelables, le Directeur général est responsable du fonctionnement de l’ensemble des services de l’ERSUMA. Entre autres missions, il doit mettre en œuvre le plan de formation adopté par le Conseil d’Administration nomme des enseignants et chercheurs, assure l’articulation entre les différents établissements nationaux de formation initiale de Magistrature et l’ERSUMA afin de dynamiser leurs relations. Il collabore avec les institutions nationales des États membres ainsi qu’avec toute institution nationale, régionale ou internationale pouvant aider à la réalisation des objectifs de l’école. Il est assisté par le Directeur des Etudes et Stages et par le Directeur des Affaires Administratives et Financières.
114A travers cette étude, nous avons analysé les fonctions et attributs des organes institutionnels des deux organisations. Nous allons voir, à présent, leur fonctionnement.
SECTION 2. LE FONCTIONNEMENT DES ORGANES DU SYSTÈME INSTITUTIONNEL DANS LE CADRE DE L’UEMOA ET DE L’OHADA
115Pour atteindre les buts que se sont fixés les États membres dans les traités uemoa et ohada, les organes institutionnels, précédemment étudiés, doivent mettre en œuvre les attributions qui leur ont été confiées. Le fonctionnement des organes institutionnels de l’uemoa et de l’ohada est régi par des dispositions pertinentes des traités. En effet, il est confié aux deux organisations la mission de l’intégration économique des espaces uemoa et ohada afin de permettre le développement économique de cette sous-région de l’Afrique. Ce développement ne peut se faire que si les deux organisations exercent effectivement les attributions qui leur ont été conférées par les traités afin de permettre le fonctionnement correct des institutions.
116Dans les organisations d’intégration internationale, des pouvoirs importants sont attribués aux organes, qui de fait, exercent à la place des États membres, les souverainetés qui leur sont transférées ou abandonnées. Cette mise en œuvre des organisations traduit l’engagement général des États membres à participer au fonctionnement. Ainsi, pour rendre compte du fonctionnement de ces institutions, notre réflexion portera sur le fonctionnement des systèmes institutionnels de L’uemoa (§1) et le fonctionnement des systèmes institutionnels de l’ohada (§2).
§ 1. Le fonctionnement du système institutionnel de l’UEMOA
117Le principe d’attribution des pouvoirs est étroitement lié au caractère fonctionnel de la personnalité juridique des organisations internationales. Ils postulent qu’à la différence des États, les organes créés ne disposent pas d’une plénitude de pouvoirs et de compétences. Ils ne peuvent exercer que les pouvoirs qui leur ont été attribués en vertu de l’acte constitutif de l’organisation. L’exercice des pouvoirs ainsi délimité ne peut se concevoir que dans le cadre des matières dans lesquelles une compétence est accordée. C’est dans le fonctionnement des institutions que se manifeste l’exercice des compétences. Ainsi de ce qui précède, nous traiterons du Fonctionnement du Système Institutionnel de l’uemoa dans le cadre des organes de décision (A) et dans le cadre des organes d’exécution (B).
A. Le Fonctionnement Dans Le Cadre Des Organes De Decision
118Dans le cadre l’UEMOA, les organes de décision créés pour l’édiction et la promotion des normes communautaires sont au nombre de deux. Il s’agit de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement et du Conseil des Ministres.
1. Le fonctionnement de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement
119Composée des Chefs d’État des États membres, la Conférence peut se voir compléter par le président de la Commission, le Gouverneur de la BCEAO et de la BOAD. Ceux-ci ne disposent pas d’une voix délibérative, mais sont invités à exprimer le point de vue de leurs institutions sur les points qui les concernent582. La Conférence se réunit au moins une fois l’an583 et aussi souvent que nécessaire584 sous la présidence du Chef de l’État, dans lequel elle siège. Le calendrier de ses travaux est fixé par son Président. Mais, elle peut, en tout temps, être convoquée sur l’initiative de son Président ou à la demande d’un ou plusieurs Chefs d’État membres. En cas d’urgence, le Président peut consulter ses collègues en recourant à la procédure écrite.
120La Conférence statue à l’unanimité, par le biais d’acte additionnel. Le traité ne spécifie toutefois pas si elle concerne l’ensemble des États membres ou les membres présents et votants, ce qui laisse pendantes les questions d’absences volontaires de politique « chaises vides »585 et de l’abstention d’un membre présent. Cette prise de décision consacrée par la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement dans l’uemoa est également consacrée par l’Union européenne, en ce qui concerne son Conseil, mais également par le Conseil des Ministres de l’ohada.
121Il y a unanimité en l’absence de vote négatif. L’abstention d’un ou plusieurs États membres n’empêche pas la prise de décision. Le vote à l’unanimité risquera d’accentuer le caractère intergouvernemental de l’Union, puisqu’il est respectueux du principe du respect du consentement des États consacré par le droit international. Ainsi, le vote à l’unanimité par l’adoption d’acte additionnel est prévu dans plusieurs domaines du traité UEMOA586. La problématique qui se pose est celle de savoir si le vote à l’unanimité est pertinent ? En effet, si ce vote permet d’avoir un consensus, il n’est pas sûr que, dans certaines situations ce consensus puisse être atteint, car, en fonction des matières à traiter, les souverainetés des États peuvent être remises en cause, ce qui pourrait entraîner des blocages dans les prises de décision. En outre, il faut noter que le traité ne précise pas s’il s’agit de l’ensemble des États membres présents et votants. A ce titre, le traité de l’Union européenne est plus précis car, selon ce texte, les abstentions des membres présents ou votants ne font pas obstacle à l’adoption à l’unanimité. Il faut noter également que dans le traité de l’Union européenne, le vote au Conseil européen n’est pas uniquement à l’unanimité. Cette même unanimité est requise seulement dans certains domaines jugés particulièrement sensibles au plan politique.
122Les auteurs du traité de Rome ont choisi de rompre avec la règle traditionnelle de droit international suivant laquelle la souveraineté des États ne peut s’accommoder que de la procédure de vote à l’unanimité. Il a consacré trois modalités de vote : le vote à la majorité simple, le vote à la majorité qualifiée et le vote à l’unanimité. Cela signifie à ce niveau que le vote à la majorité est la règle et celle de l’unanimité, l’exception. Ainsi, dans le Conseil de l’Union européenne, c’est la base juridique de l’acte en cause qui commande les règles de vote applicables. Cette méthode pourrait être utilisée par la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement en matière d’adoption d’Actes additionnels car, l’intérêt supérieur de l’intégration régionale doit primer sur les intérêts particuliers des États membres. Mais, la particularité de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement est qu’elle est différente de celle du Conseil européen. Cette différence est d’autant plus remarquable que dans l’organigramme des deux organisations, la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de L’uemoa, dans son fonctionnement, doit prendre des règles juridiques tels que les actes additionnels qui sont de véritables normes juridiques. Dans le Conseil européen, bien que, rien n’interdisent à cet organe de prendre de tels actes, ils n’ont pas été prévus certainement pour des raisons d’opportunité.
123Les modalités concrètes de fonctionnement du Conseil de l’Europe sont établies progressivement au fil de la pratique. C’est le Conseil Européen de Londres en juin 1977 qui précisera le contenu. On a ainsi affirmé que la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de l’uemoa agit dans son fonctionnement comme un organe législatif lorsqu’elle prend des Actes additionnels, contrairement au Conseil européen qui n’exerce pas ce pouvoir.
124L’acte remarquable qu’il faut souligner, est que dans le cadre du vote à l’unanimité prévu dans l’uemoa, le principe du quorum n’est pas précisé, ce qui laisse entendre que ce principe ne va pas se poser. Dans le cadre de son fonctionnement, la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement a tenu plusieurs sommets et adopté plusieurs textes dans les domaines variés, en vue de remplir les fonctions et attributions qui ont été attribuées par le traité uemoa originaire modifié.
125C’est ainsi, dans sa mission d’édiction de normes communautaires, que la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement a adopté le 19 décembre 2001 la norme supranationale587, instituant les règles d’origines des produits de l’uemoa, dont l’objectif est de « fixer les règles d’origines applicables dans les échanges commerciaux entre les États membres de l’uemoa, ainsi que les procédures et contrôles des certificats d’origines588 ».
126La Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement a également, dans le cadre de l’approfondissement de ses compétences en matières de politiques sectorielles communes, édicté un acte juridique589 de « haute portée communautaire » modifiant l’article 25 du protocole additionnel II, relatif aux politiques sectorielles communes, le 29 janvier 2003.
127La haute institution a adopté le 29 janvier 2003, le traité instituant le Parlement de l’uemoa, ainsi que le traité de l’uemoa modifié en vue de son adaptation à la création du Parlement de l’uemoa.
128Dans le cadre de l’approfondissement et de la mise en œuvre de l’intégration, la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement a, adopté dans sa mission législative, plusieurs Actes additionnels590 dans beaucoup de domaines.
129C’est ainsi que dans la mise en œuvre des articles 4, 8, 60 du traité UEMOA, la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement a dans son fonctionnement, pris plusieurs mesures. Dans le cadre de l’exécution des prescriptions prévues à l’article 4 du traité, la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement a donné l’impulsion nécessaire pour l’adoption des dispositions nécessaires pour leur mise en œuvre. S’agissant de l’application de l’article 8 du traité, les orientations générales ont été données pour la réalisation des objectifs fixés à cet effet. Des dispositions ont également été prises pour l’exécution des mesures prévues à l’article 60 du traité UEMOA.
2. Le fonctionnement du Conseil des Ministres
130Pour mettre en œuvre les orientations retenues par la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement, le Conseil des Ministres se réunit au moins deux fois par an.
131La Présidence du Conseil est tournante,. Comparée au Conseil des Ministres européens, la fréquence des réunions est plus faible. La différence peut être recherchée dans le rôle que joue chacune des deux institutions dans les schémas communautaires. La relative longueur de la Présidence ne justifierait-elle pas cependant que soit trouvée une forme de dénonciation entre la présidence du moment d’une part, et celle qui précède autant que celle qui suit, d’autre part ? Ce système de « traité », utilisé au niveau de l’Union européenne, permet tout à la fois de renforcer le dynamisme de chacun et d’assurer une continuité bénéfique dans la gestion des dossiers. Il faut noter que le système de rotation semestrielle affaiblit la présidence dans la mesure où il ne lui laisse qu’une durée réduite pour donner de nouvelles impulsions politiques au développement de l’Union. Pour remédier à ces faiblesses, il serait plus souhaitable d’allonger la durée de la présidence qui passerait à un an.
132Dans le cadre de l’UEMOA, il revient au Comité des Experts le pouvoir de préparer les délibérations du Conseil des Ministres. Un Comité des Experts, composé de représentants des États membres, est chargé de préparer les travaux et les délibérations du Conseil. La Commission est représentée à ces réunions. Il adopte à la majorité des membres présents les avis qu’il transmet au Conseil, arrête à la majorité des 2/3 de ses membres le règlement intérieur du comité, lequel a été adopté par le règlement n° 65/CM du 11 avril 1995. La compétence générale de décision, attribuée au Conseil des Ministres est d’ailleurs soumise à une contrainte technique. En effet, les décisions qu’il arrête ne deviennent définitives qu’à l’issue d’une procédure d’examen de leur comptabilité avec la politique économique, monétaire et financière de l’Union. Cette vérification incombe aux Ministres en charge de l’Economie et des finances.
133En plus du Comité des Experts, la plupart des actes juridiques que doivent adopter le Conseil des Ministres sont l’émanation de la Commission qui, sur proposition, les soumet au Conseil. A l’instar d’une procédure connue dans le cadre de l’Union européenne, le conseil ne peut amender une proposition faite par la Commission qu’en statuant à l’unanimité dès lors qu’il s’agit d’un acte de nature juridique et que le traité a confié spécialement la compétence de proposition à la Commission.
134On peut remarquer que le traité a consacré ce principe de l’unanimité pour l’amendement des propositions faites par la Commission dans le domaine prévu par le traité, mais également les règlements financiers spécifiant notamment les modalités d’élaboration et d’exécution du budget économique, les règles de vérification et de réédition des comptes591. Ce vote à l’unanimité, est également prévu dans le traité de l’ohada
135La portée de ce vote à l’unanimité ne manque pas de critique, car des blocages peuvent toujours exister si la volonté de plusieurs États n’est pas sauvegardée.
136C’est certainement cette limite qui a poussé les européens dans l’acte unique européen de 1986, le traité de Maastricht 1992 et le traité d’Amsterdam de 1997, à réduire le nombre des hypothèses de vote à l’unanimité, mais il faut noter que le vote subsiste dans plusieurs domaines essentiels.
137Il est curieux de noter que la notion de quorum n’est plus évoquée dans l’adoption de ces amendements, ce qui peut être également une critique, la notion de quorum est un élément important, car dans le domaine de l‘intégration, c’est la souveraineté des États qui est en cause. Ce qui justifie l’exigence du quorum.
138Dans l’Union européenne l’exigence du quorum découle de l’article 206 (ex. 150) du traité selon lequel, chaque membre du Conseil ne peut recevoir délégation que d’un autre membre. Pour que les quinze membres puissent être présents ou représentés, il convient que huit membres du conseil soient effectivement présents. Contrairement à l’Union européenne où c’est le principe de l’unanimité qui est requis dans plusieurs domaines, dans 1 ‘UEMOA, ce principe n’est requis que dans un seul domaine.
139Dans le traité de l’uemoa, il faut noter que c’est la consécration du principe de la majorité, car dans la plupart des délibérations du conseil, c’est ce principe qui est consacré. Mais, il faut noter que dans l’uemoa, il n’existe pas de pondération de voix, comme dans l’Union européenne592. Comme système électoral, les avantages sont certains, mais, aussi des inconvénients ne manqueront pas de subsister.
140Le vote par majorité a deux variantes : la majorité simple et la majorité qualifiée. La majorité simple signifie que les décisions sont adoptées lorsque qu’on recueille la majorité des voix plus une. Dans le Conseil européen, ce principe a été adopté dans certains domaines rares. La deuxième variante est la majorité qualifiée. Cette majorité est plus difficile à atteindre, que la majorité simple. Dans le système européen, cette majorité est utilisée, mais ce qui la caractérise c’est le système de pondération qui est fonction du poids économique des États, auquel ont attribue des voix supplémentaires.
141Dans l’uemoa, c’est le système de la majorité qualifiée au 2/3 qui a été consacré pour l’adoption de certaines dispositions communautaires par le Conseil des Ministres. Les hypothèses de vote à la majorité qualifiée sont nombreuses593.
142Dans le cadre du budget de l’Union, le Conseil adopte sur proposition de la Commission, après consultation du Parlement et avant le début de chaque exercice, à la majorité des deux tiers de ses membres. Aux termes de l’article 56 du traité UEMOA, le Conseil statue à la majorité des 2/3 de ses membres sur proposition de la Commission et décrète les modalités d’application des articles 54 et 55 dudit traité. Il faut noter que ces articles sont relatifs aux ressources de l’Union. Les articles 54 et 55 du traité traitent respectivement du Tarif Extérieur Commun (TEC) et de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA).
143Pour la réalisation des programmes mentionnés à l’article 60 du traité uemoa, le Conseil, à la majorité des deux tiers de ses membres, arrêtera des règlements ou directives nécessaires à la réalisation de ses objectifs. Dans le domaine de la politique économique, le Conseil sur proposition de la Commission adoptera à la majorité des deux tiers 2/3 de ses membres des dispositions communautaires fixés par l’article 65 du traité UEMOA. Il en va de même dans les domaines économiques prévus dans plusieurs dispositions du Traité594.
144En matière de concurrence, également sur propositions de la Commission, le Conseil adoptera plusieurs dispositions communautaires en la matière595. S’agissant de la libre circulation des personnes et des biens, le Conseil adoptera également des dispositions communautaires relatives aux domaines prévus aux articles 91, 92 et 98. Quant à l’exécution des actes qu’il édicte, le Conseil peut en confier l’exécution à la Commission. Les « règlements d’exécution » pris par cette dernière ont la même valeur juridique que les actes qu’ils ont vocation à mettre en œuvre. L’usage du verbe « pouvoir » indique qu’il ne s’agit pas d’une compétence automatique de la Commission. On peut sans doute regretter qu’une organisation nouvellement créée ne soit parvenue à vaincre cette décision fondamentale sur la localisation du pouvoir exécutif.
145Cette situation est également observée au plan européen. Elle alourdit considérablement le fonctionnement journalier de l’organisation et témoigne d’une crainte des États à traduire dans les faits leur volonté, pourtant déclarée, d’intégration. Dans le cadre de sa compétence, le Conseil a adopté dans plusieurs domaines des règlements, directives, décisions, recommandations et avis. Cet arsenal juridique fait du Conseil un véritable organe législatif qui, à l’instar du Conseil de l’Union européenne, matérialise concrètement le pouvoir que les Chefs d’État et de Gouvernement impulsent pour le développement de l’Union.
146En matière de sauvegarde, le Conseil a également édicté plusieurs dispositions communautaires. Dans le domaine de l’harmonisation des législations, plusieurs directives ont été adoptées. Il en va de même dans le domaine de la surveillance multilatérale des politiques macro-économiques, de la réalisation du marché commun et de la mise en œuvre des politiques sectorielles communes.
147Après l’étude du fonctionnement des organes de décision, notre réflexion portera sur celui des organes d’exécution.
B. Le fonctionnement dans le cadre des organes d’exécution
148Pour le fonctionnement des organes d’exécution, il s’agit essentiellement de la Commission qui est l’organe central du pouvoir de décision. La Commission dont le siège est à Ouagadougou, au Burkina-Faso, a été installée le 30 janvier 1995. Elle est un organe collégial qui comprend au moins un national de chacun des États membres, sans que les membres ayant la nationalité d’un seul État, soit supérieur à deux. Comme toute Institution, la Commission a la maîtrise de son règlement intérieur. Les obligations imposées par le traité étant limitées, c’est au règlement intérieur qu’il revient de les compléter.
149Les décisions de la Commission sont, en effet, adoptées par le collège des commissaires et sont imputables à ceux-ci par la solidarité qui est en règle comme dans les Gouvernements. Quelles que soient les pressions que pourrait opérer un État membre sur un Commissaire de sa nationalité, elles seraient largement contrariées par le fait que les décisions sont prises collectivement. Le principe de collégialité qui résulte implicitement des dispositions relatives au statut de ses membres a trouvé une expression formelle dans le règlement intérieur. Dans le cadre de l’Union européenne, le principe « de collégialité » se traduit par le fait que les décisions adoptées ne sont jamais celles du Commissaire en charge d’un dossier, mais celles de l’ensemble de l’Institution. Ce principe se trouve renforcé par la règle qui veut que l’on recherche, au sein de cette institution, le consensus. Ce n’est que dans les hypothèses où cela ne s’avère pas possible que l’on procède au vote formel à la majorité simple. L’effet psychologique de ce renforcement de la collégialité ne doit pas être sous-estimé au plan pratique. A ce titre, la Cour veille au respect de la collégialité. Elle a été amenée dans ce contexte à se prononcer sur les délibérations accordées par la Commission à l’un de ses membres. Si, compte tenu du nombre de décisions à prendre, le phénomène est inévitable, il doit être limité à des actes de pure gestion et à caractère administratif, et reposer sur une habilitation donnée avec l’accord des membres du collège. L’acte pris sur délégation engage la responsabilité de la Commission dans son ensemble596.
150La Cour a également rappelé avec force le principe et les exigences de la collégialité dans d’autres affaires. Dans le cadre de l’uemoa, les délibérations de la Commission varient selon que les décisions sont prises en séances ou selon la procédure écrite. Ainsi, s’agissant des délibérations prises en séance, la procédure est la suivante. Sous réserve des décisions de l’article 19, la Commission se réunit au moins une fois par semaine ou, en cas de besoin, sur convocation du Président ; les points à l’ordre du jour émanant du Président, ou des Commissaires, ou du Gouverneur de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest. L’ordre du jour est élaboré en tenant compte du programme d’action de la Commission après consultation des membres de la Commission ou du Gouverneur par le Président. Il faut noter également que le Président peut inscrire à l’ordre du jour d’autres questions sur l’initiative des Commissaires ou du Gouverneur de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest. L’ordre du jour doit être transmis au moins aux sept membres de la Commission et au Gouverneur de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest avant la tenue de chaque réunion.
151La Commission tient ses réunions à huis clos et ses débats sont confidentiels. A l’instar de la Commission européenne, le règlement intérieur fixe le quorum pour la tenue des réunions. Dans le cadre de l’uemoa, le règlement intérieur fixe à quatre la majorité pour la tenue des réunions.
152La Présidence des séances est assurée par le Président, contrairement à la Commission européenne où il est prévu des postes de Vice-présidents pour palier l’absence du Président. Dans le cadre de l’uemoa, c’est le Commissaire le plus ancien ou le plus âgé qui assure cette fonction en cas d’absence du Président de la Commission.
153Les modalités de prise de décision en séance sont réglementées par le traité597 et le règlement intérieur.
154Les délibérations de la Commission sont acquises au terme d’un vote formel réunissant la majorité simple des membres. La voix du Président est prépondérante en cas de partage de voix.
155Le vote à la majorité simple signifie que les décisions sont adoptées lorsqu’elles ont recueilli la majorité des voix plus une (soit cinq États membres sur huit).
156Quant aux décisions par voie de procédure écrite, la Commission peut, lorsque les circonstances l’exigent, adopter les décisions sans débats préalables pour les procédures écrites. Cette procédure est réglementée par le règlement intérieur598 de la Commission.
157Ainsi, au-delà des règles prévues par le traité, le règlement intérieur permet au Président ou à un membre de la Commission de soumettre un dossier à ses collègues en les priant de faire-part de leurs observations et objections dans un délai déterminé.
158Passé ce délai, leur accord est réputé acquis et permet d’estimer que la décision envisagée est celle de la Commission.
159La préparation et l’exécution des décisions de la Commission s’apprécient à travers la répartition des domaines d’activités qui relèvent soit du Président de la Commission, soit des commissaires et la coordination de leurs activités, mais également au rôle dévolu aux Cabinets et au Secrétariat de la Commission.
160Le fonctionnement de la Commission doit s’analyser également à travers ses séances.
161Sous l’autorité de son Président elle est structurée de manière à former une véritable administration qui comprend plusieurs départements, directions et divisions, qui dans le cadre de leur mission coopèrent en étroite collaboration, et dont les modalités de fonctionnement sont précisées dans l’organigramme des séances de la Commission.
162Dans le cadre de sa fonction d’exécution, les États membres transmettent à la Commission tous les éléments nécessaires pour l’établissement d’un rapport semestriel retraçant les comportements économiques des États membres599. Ce rapport est relatif à la convergence des politiques et performances économiques et à la compatibilité de celles-ci avec la politique monétaire.
163Il est destiné au Conseil mais est rendu public. Il faut noter sur ce point que l’uemoa est plus précis que les Traités des Communautés européennes qui ne fixent pas de périodicité. Dans le cadre de la mise en œuvre de la surveillance multilatérale, la Commission anime et appuie les Comités nationaux de politiques économiques. Dans le cadre des travaux statistiques, elle intervient à diverses opérations relatives à l’élaboration et à la publication de l’indice régional des prix ainsi qu’aux travaux d’harmonisation des statistiques. En tant que gardienne du traité à l’instar de celle de l’Union européenne, la Commission a saisi à plusieurs reprises la Cour de justice en cas de non-respect par les États de leurs obligations.
164En matière d’initiative législative, à la différence de la technique retenue par les auteurs des traités européens, la Commission de l’uemoa ne semble pas détenir de pouvoir structuré et encore moins de monopole. Il convient cependant de ne pas se laisser tromper par cette apparence. En effet, dans ce domaine, la plupart des textes communautaires qui ont été adoptés par le Conseil des Ministres (règlements, directives, avis, recommandations) le sont sur la base des propositions de la Commission600.
165En application de sa fonction d’information, la Commission établit annuellement un rapport qui sera soumis au Comité interparlementaire ainsi qu’aux organes législatifs nationaux. Ce rapport retrace l’ensemble des actions réalisées par la Commission durant l’année.
166Dans plusieurs rencontres internationales, la Commission a assuré sa fonction de représentation. A ce titre, elle a participé à plusieurs négociations sous-régionales, régionales et internationales. Avec la CEDEAO, elle a eu à participer à plusieurs réunions de concertation entre cette organisation et l’uemoa.
167Dans le cadre de la mise en œuvre des dispositions de l’accord de coopération conclu entre l’uemoa et le Conseil de l’entente, elle a participé à plusieurs rencontres avec le Conseil de l’entente. La Commission a assisté également à plusieurs rencontres601 avec les organisations intergouvernementales de l’Afrique de l’Ouest. La Commission entretient également avec l’Union européenne une coopération soutenue dans plusieurs domaines mais également avec les institutions internationales, et assiste les États membres dans les négociations avec le FMI et la Banque Mondiale.
168Dans le cadre de son fonctionnement elle a renforcé son activité en matière de communication, mais également ses rapports avec les organes de l’Union tels que le Comité interparlementaire qui sera remplacé par le Parlement, la Cour de justice, la Cour des Comptes, les Institutions spécialisées autonomes et les États membres. En matière d’harmonisation des législations, la Commission poursuit l’application des séries d’actions, surtout pour la formation dans le domaine des directives constitutives du cadre des finances publiques. Il en va de même de l’harmonisation des fiscalités indirectes et de la mise en œuvre du Système de Comptabilité Ouest Africain (SYSCOA).
169Dans le cadre du marché financier régional, en tant que membre de cette structure, la Commission a participé régulièrement à leurs travaux. Il en va de même de la réalisation du marché commun, où elle participe à l’élaboration et à l’exécution des actions et des normes communautaires y afférant. Il s’agit de la construction du marché commun qui s’articule autour de la libre circulation des marchandises originaires602, de la politique commerciale603, des règles de la concurrence, le code communautaire des investissements, la libre circulation des personnes, des services, des biens et des capitaux, et le doit d’établissement.
170Au titre des politiques sectorielles, la Commission a également participé à la définition et à la mise en œuvre de plusieurs actions dans ces domaines.
171Après l’étude du fonctionnement du système institutionnel de l’uemoa, nous traiterons à présent celui de l’ohada.
§ 2. Le fonctionnement des organes du système institutionnel de l’OHADA
172Dans le cadre du fonctionnement du système institutionnel de l’OHADA, quatre organes ont été créés pour promouvoir le droit communautaire. Il s’agit du Conseil des Ministres, du Secrétariat Permanent, de l’Ecole Supérieure Régionale de Magistrature et la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage. Ces organes se répartissent en organes de décision (A) et en organes d’exécution (B).
A. Le fonctionnement des organes de décision : le conseil des ministres
173Dans le cadre de l’ohada, l’organe de décision est essentiellement constitué par le Conseil des Ministres qui est l’organe supérieur dans ce domaine. A ce titre, on peut le qualifier comme un organe ambivalent résultant du fait qu’il assure un rôle à la fois exécutif et législatif. Ainsi, lorsqu’il adopte les Actes uniformes ou lorsqu’il décide des matières à harmoniser, le Conseil des Ministres est un organe législatif. Par contre, lorsqu’il adopte des règlements dans le cadre de l‘application du traité, il a une fonction exécutive. La Présidence du Conseil des Ministre est assurée à tour de rôle par chaque État partie pour une durée d’un an. Il se réunit au moins une fois par an, sur convocation de son Président et à son initiative ou à celle du tiers des États parties.
174Au titre de sa fonction législative, l’article 11 dispose : « le Conseil des Ministres approuve sur proposition du Secrétariat Permanent le programme annuel d’harmonisation du droit des affaires ». L’adoption du programme d’harmonisation se fait selon un processus donné. Le projet est préparé par le Secrétariat Permanent et soumis à l’appréciation du Président du Conseil des Ministres. Celui-ci autorise son inscription à l’ordre du jour de la prochaine réunion ministérielle.
175Aux termes de l’article 29, « le Président du Conseil des Ministres arrête l’ordre du jour du Conseil des Ministres sur proposition du Secrétariat Permanent ». Le programme de cet ordre du jour, tel que défini par l’article 29, ne fait pas de distinction selon que le Conseil des Ministres se réunit pour l’adoption du Programme annuel d’harmonisation, ou pour l’adoption des Actes Uniformes. Aux termes de l’article 28, « le Conseil des Ministres ne peut valablement délibérer que si les deux tiers au moins des États parties sont représentés ». Cette règle pose la problématique de la validité des décisions du Conseil des Ministres. Cette majorité des deux tiers veut dire que le Conseil des Ministres ne peut délibérer si ce quorum n’est pas atteint. L’exigence de ce quorum peut poser des problèmes dans le fonctionnement de l’organisation car, si un ou plusieurs États ne souhaitent pas aliéner une partie de leur droit interne, ils n’assisteront pas à la réunion du Conseil des Ministres, ce qui pourrait constituer un handicap majeur.
176Il faut noter que la consécration du principe du quorum n’est pas l’apanage du seul Conseil des Ministres de l’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique. Dans le cadre de l’Union européenne, ce système a été consacré dans les traités. En effet, dans le cadre du Conseil de l’Europe, il a été prévu que certaines délibérations ne se feront que si le quorum est atteint. Le système du quorum a des avantages, mais également des inconvénients.
177L’exigence d’un quorum se conçoit aisément. Elle est un facteur de crédibilité. En outre, elle crée des conditions favorables pour l’adhésion des citoyens aux directives formulées. L’harmonisation de droits divers qui reposerait sur la volonté de trois ou quatre États engagerait difficilement les pays signataires. Le douloureux processus de ratification du traité de Maastricht en est la preuve tangible.
178S’agissant de l’abstention, il a été précisé dans le traité qu’il ne fait pas obstacle à l’adoption des Actes uniformes. Ce principe pose également la situation des États qui, pour des raisons qui leur sont propres, s’abstiennent dans l’adoption d’Actes Uniformes. Cette situation, si elle pouvait empêcher l’adoption d’Actes Uniformes, allait constituer un préjudice au processus d’harmonisation. Mais, heureusement, la passivité de certains États dans ce domaine n’empêchera pas l’adoption d’Actes uniformes, ce qui est un avantage certain dans la production des normes juridiques dans le système de l’OHADA.
179Pour ce qui concerne l’adoption des Actes uniformes par le Conseil des Ministres, il requiert l’unanimité des représentants des États parties présents et votants604. Ce principe de l’unanimité a été consacré par plusieurs organisations d’intégration. Il s’agit de l’uemoa et de l’Union européenne pour certaines matières jugées trop importantes. Le vote à l’unanimité, bien que consacré par les organisations internationales, comporte des inconvénients, surtout pour les organisations d’intégration. Le principe de l’unanimité est très difficile à mettre en œuvre. L’illustration en a été donnée, dans le cadre de l’ohada, par l’amendement apporté à l’article 10 du projet d’Acte uniforme portant sur les sociétés commerciales et le Groupement d’intérêt économique.
180Pour ce cas, il s’agissait d’ajouter à l’article 40, qui traite des apports en numéraires et de l’apport en industrie. Le bon sens devait commander l’abandon du vote à l’unanimité dans le cadre d’une organisation large comme l’ohada, car les négociations peuvent être longues avant d’aboutir sur une prise de décision. Exiger une prise de décision unanime pour 16 États, pourrait être difficile et bloquer le processus décisionnel. Aussi, le vote à l’unanimité pourrait être abandonné au profit du vote à la majorité.
181En dehors de l’élaboration et de l’adoption des Actes uniformes où l’unanimité est exigée, ce principe ne l’est pas dans les autres cas. En effet, en ce qui concerne l’adoption des règlements, dans le cadre de l’application du traité, le Conseil des Ministres le fait en tant qu’organe exécutif et, dans ce cas, c’est la majorité absolue qui est exigée.
182Le traité de l’ohada, à l’instar du traité européen, précise que c’est la majorité des États présents et votants qui est exigé. Dans l’uemoa, au contraire, cette précision n’a pas été faite, ce qui pourrait entraîner des confusions. Cependant, à l’instar de l’uemoa et dans le cadre de l’OHADA, chaque État n’a qu’une voix quel que soit son poids économique. S’agissant de l’Union européenne, en fonction de leur poids économique, certains États ont plus de voix que les autres.
183Dans le cadre de son fonctionnement, le Conseil des Ministres de l’ohada a adopté plusieurs Actes uniformes constituant ainsi un véritable ordre juridique dérivé, applicable directement dans les États parties sans aucune autre mesure de transposition. C’est ainsi que l’Acte uniforme sur le Droit Commercial Général, l’Acte uniforme sur le Droit des Sociétés et les GIE, l’Acte uniforme sur les Sûretés, l’Acte uniforme portant sur le recouvrement des créances et les voix d’exécution, l’Acte uniforme sur le droit de l’arbitrage, l’Acte uniforme sur le droit comptable et l’Acte uniforme sur le droit du transport ont été adoptés.
184Aux termes de l’article 9 du traité, « les Actes Uniformes entrent en vigueur quatre vingt dix jours, après leur adoption, sauf modalité particulière d’entrée en vigueur prévue par l’Acte uniforme lui-même. Ils sont opposables trente jours francs après leur publication au Journal Officiel de l’ohada ». Cette publication conditionne l’opposabilité des actes. De même, on peut considérer qu’un acte uniforme adopté et publié au Journal Officiel sera opposable trente jours après cette formalité, mais dans un délai inférieur à 90 jours depuis l’adoption. Les Actes uniformes sont publiés au Journal Officiel de l’ohada, mais le sont également au Journal Officiel de chacun des États parties. Cette seconde publication est faite moins pour l’opposabilité que pour assurer une large diffusion. Cela explique t-il le fait que tous les États-parties au Traité n’aient pas jugé opportun de procéder à cette seconde publication pour les premiers Actes uniformes adoptés en Avril 1997 à Cotonou ? ou bien, est ce parce que dans beaucoup de ces États, le Journal Officiel accuse un retard énorme là où il continue de paraître ?
185A la lecture des dispositions de l’article 9 du traité, deux questions peuvent venir à l’esprit. La première question que pourrait se poser les praticiens est celle de savoir si la double publication de l’Acte uniforme dans le Journal Officiel de l’ohada et dans le Journal Officiel de l’État partie est exigée pour l’application de l’Acte uniforme. A notre avis, la seule publication de l’Acte uniforme dans le Journal Officiel de l’ohada doit suffire. S’il faut exiger que l’État partie ait publié l’Acte adopté pour que son application soit effective, cela peut être dangereux car un État pourrait délibérément retarder l’application d’un Acte uniforme.
186La deuxième question est relative au délai d’entrée en vigueur. Etant donné que les Actes uniformes doivent l’être 90 jours après leur adoption, alors l’article 9 poursuit en disant qu’ils sont opposables trente jours après leur publication au Journal Officiel de l’ohada. Cela signifie sans doute que, dans le silence de l’Acte uniforme sur la date de son entrée en vigueur, celle-ci doit être fixée au quatre vingt dixième jour suivant l’adoption. Quant à l’opposabilité, elle signifie que l’Acte uniforme est apte à produire ses effets à l’égard des justiciables, et peut être utilement invoqué par toute partie à un contentieux ou un tiers trente jours après sa publication au Journal Officiel de l’ohada.
187Après l’étude du fonctionnement des organes de décision, voyons à présent celui des organes d’exécution.
B. Le fonctionnement des organes d’exécution
188Les organes d’exécutions sont au nombre de deux ; il s’agit du Secrétariat Permanent et de l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature.
1. Le fonctionnement du Secrétariat Permanent
189Le fonctionnement du Secrétariat Permanent doit s’analyser essentiellement à travers sa fonction administrative et au plan normatif.
190Sur le plan administratif, le Secrétariat Permanent par son fonctionnement joue un rôle prépondérant dans le dispositif de l’ohada.
191Dans la coordination des activités administratives de tous les organes de l‘ohada, le Secrétariat Permanent prépare tous les dossiers relatifs à cette coordination. Pour la préparation des rencontres des Conseils des Ministres, le Secrétariat Permanent définit et propose l’ordre du jour. A ce titre, il est rapporteur des travaux du Conseil des Ministres.
192Dans le cadre de la nomination ou du remplacement des juges, il lui revient de contacter les États-parties pour la présentation des candidats avant les élections et dresse leur liste. C’est ainsi que le Secrétariat Permanent a joué pleinement son rôle dans le remplacement des juges, soit pour cause de décès, soit pour remplacement soit pour démission ou fin de mandat.
193Au plan normatif le Secrétariat Permanent joue également un rôle important dans la préparation et l’adoption des Actes uniformes et normes du droit communautaire. A cet effet, c’est au Secrétariat Permanent qu’il revient le rôle de préparer les projets d’Actes uniformes en concertation avec les gouvernements des États parties. Chaque année, il soumet à l’approbation du Conseil des Ministres un programme d’harmonisation. Ainsi, une fois ce programme adopté, le Secrétariat Permanent prépare les projets d’Actes uniformes. Ces avants projets sont ensuite envoyés aux Commissions nationales. Le Secrétariat Permanent finalise les projets d‘Actes uniformes et les envoie aux Ministres chargés de la justice des États membres de l’ohada. A ce niveau, un délai de quatre vingt dix jours à compter de la date de réception des projets est imparti aux différents gouvernements pour réagir. Normalement la réaction doit émaner des gouvernements, ce qui suppose que les projets fassent l’objet d’un rapport au Conseil des Ministres.
194En pratique, le délai de 90 jours se révèle insuffisant et la plupart des États donnent leurs observations à partir des réponses reçues des Institutions comme la Cour Suprême, les Ministres chargés du Commerce, des finances et des facultés de droit de leur Université. Le défaut de réponse à la demande d’observation expédiée par le Secrétariat Permanent de l’ohada suppose que l’État partie n’a pas d’observations à faire sur le projet d’Acte uniforme. Ainsi, à l’expiration du délai imparti, le Secrétariat Permanent transmet pour avis à la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage le projet d’Acte uniforme accompagné des observations et de son rapport. La Cour dispose de trente jours pour donner son avis605. Le traité ne dit pas s’il s’agit d’un avis lié ou d’un avis simple. Mais pratiquement, les avis de la Cour sont pris en compte dans la mise au point par le Secrétariat Permanent du texte définitif du projet d’Acte uniforme.
195L’expédition du projet d’Acte uniforme aux États parties se fait par le Secrétariat Permanent. Le projet d’Acte uniforme ainsi finalisé est proposé au Président du Conseil des Ministres pour figurer à l’ordre du jour de la réunion du Conseil des Ministres. Cette procédure mise en œuvre par le Secrétariat Permanent afin de permettre au Conseil des Ministres d’adopter un Acte ne pose t-elle pas une dualité dans la procédure d’uniformisation comme a eu à le démonter Joseph Issa Sayegh ? Pour lui, il y a deux procédures. La procédure explicite prévue par le traité et la procédure implicite en droit interne. Selon lui, le délai de 90 jours pourrait être mis à profit par les États pour saisir les organismes consultatifs internes habituellement compétents en matière législative.
196A notre avis, il n’existe pas de dualité de procédure, car les organes consultatifs internes ne sont pas maîtres des textes qui leur sont soumis par le Secrétariat Permanent. On leur demande seulement de donner des avis sur les projets ficelés par le Secrétariat Permanent. D’ailleurs, si cette procédure devait être utilisée dans le fond et la forme, des problèmes de lenteurs pourraient être notés quand on sait comment fonctionnent nos administrations. Il faut noter que la procédure utilisée pour l’adoption des Actes uniformes pourrait être assimilée à la procédure utilisée dans l’Union européenne pour l’élaboration et l’adoption des textes communautaires.
2. Le fonctionnement de l’Ecole Régionale Supérieure de Magistrature
197Dans le cadre de son fonctionnement, plusieurs organes interviennent.
198Tout d’abord le Conseil des Ministres. Cet organe Suprême de l’Ecole Régionale Supérieure de Magistrature joue un rôle prépondérant dans le fonctionnement de l’Ecole. A ce titre, dans sa fonction exécutive et administrative et dans le cadre de ses réunions, elle définit la politique de l’Ecole prévue par le Conseil d’Administration. C’est au Conseil des Ministres que revient la charge d’adopter le rapport d’activités et le rapport financier annuel préparé par le Conseil d’Administration. Il revient également au Conseil des Ministres de fixer la contribution des États et les salaires du personnel de Direction de l’Ecole.
199Le Conseil d’Administration se réunit une fois par an en session ordinaire, et en session extraordinaire à l’initiative de son Président ou à la demande de la majorité des membres. Dans le cadre de ses attributions, le Conseil d’Administration adopte plusieurs décisions liées au fonctionnement de l’Ecole. La dualité qui est traduite dans l’institution des organes de décision et d’exécution se manifeste également dans l’institution des organes de contrôle.
Notes de bas de page
547 Les deux organisations UEMOA et l’OHADA ont mis en place des systèmes institutionnels bien organisés à l’instar de l’Union européenne.
548 Traité UEMOA, art.4.
549 A cet égard, l’article 16 du traité de l’UEMOA, renvoie à l’article 5 du traité UMOA. Malgré la similitude avec les traités européens, il y a une différence importante, puisque « le Conseil européen, réuni au sommet de Paris de 1974 n’est pas considéré comme une Institution.
550 Traité UEMOA, art. 16.
551 Traité UEMOA, art. 16.
552 Les États doivent s’abstenir de prendre des mesures susceptibles de faire obstacle à l’application du traité et de sa mise en œuvre, et ils doivent apporter leurs concours à la réalisation des objectifs de l’Union.
553 CPJI, série A, n° 1 – arrêt du 17août 1923, p. 25.
554 Guy ISAAC, Droit communautaire Général, Messon, 4ème édition p. 48.
555 Avis 2/24 de la CJCE du 28 mars 1966 Rec. p. 1795.
556 R. KOVAR, compétence des Communautés européennes, JCL Europe, fasc. 420, Mars 1990 N° 11.S.
557 Avis consultatif n° 13 du 23 juillet 1926, série B. P. 18.
558 Avis consultatif n° 14 du 8 décembre 1927, série B. P. 64.
559 Guy ISAAC, Droit Communautaire Général, Messon 4ème édition, p. 48.
560 Riol DESTIN, Ddu Fédéralisme, LGDJ. 1987 p. 22-23.
561 Traité UEMOA, section 2 de la politique économique, art. 63 et s. ; Traité UEMOA, section 3 du marché commun, art. 78, 80, 81, 82, 84, 86, 91, 92, 98, etc.
562 Art. 203, ex. 146 CE.
563 Traité UEMOA, art. 33.
564 Traité UEMOA, art. 26, règlement de la Commission, art. 26.
565 Traité UEMOA.
566 Traité UEMOA, protocole additionnel n° 1, art. 8.
567 Traité UEMOA, art. 86.
568 Traité UEMOA, art. 90.
569 Voir Décision n° 0180/2003/PC/OM/UEMOA – portant création et organisation des services de la CCommission de l’UEMOA. Règlement intérieur de la Commission – art. 22 à 26. Règlement intérieur de la Commission – art. 27 à 31
570 Gaston Kenfack DOUAJNI, L’abandon de souveraineté dans le traité OHADA, Revue Penant n° 830, pp.125 à 159.
571 Sénégal, décision du Conseil constitutionnel n° 73/C/93 du 16 décembre 1993. Au Congo, le Conseil National de transition a autorisé le Président de la République le 30 octobre 1988 à ratifier le traité.
572 L. ALAY G. Comprendre la mondialisation, Charles Albert Miclalet « Métamorphoses de la mondialisation, une approche économique » ; La mondialisation du droit, Litec 2000, travaux CRÉDIMI, p. 12 ; Les causes du développement de la mondialisation du droit sont multiples : le développement des sciences et techniques, le développement du Capitalisme libéral, le développement des techniques juridiques. Ainsi, il devient impérieux de gérer l’espace juridique mondial par les organisations économiques telles que le FMI, l’OCDE, l’OMC mais également par les organisations juridiques, telles que l’OIT et l’OMPI.
573 Les causes de la régionalisation du droit sont nombreuses et se manifestent par la création d’organisations régionales. En Europe, le Conseil de l’Europe. En Amérique, l’Organisation des États américains – OEA – ALENA – AEC – CARICOM, etc… En Asie, Pacifique, ANSEA – ASACR. En Afrique, – CEDEAO –UEMOA CEEAC – OUA devenu UA – UMA – COMESA –CEMAC – SADC.
574 Décision n° 92 308. DC du 09 avril 1992
575 L’article 54 du traité énonce «aucune réserve n’est admise au présent traité», ce qui revient à dire qu’un État partie ne peut par exemple décider d’une dérogation à telle ou telle disposition d’un Acte uniforme.
576 Mactar SAKHO, Le Domaine du traité d’Harmonisation du droit des affaires en Afrique in EDJA N°2.
577 Doudou NDOYE, OHADA mythe et réalité, EDJA n°27, octobre/novembre/décembre 1995.
578 Djibril ABARCHI, La supranationalité de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du droit des affaires, in www.ohada;com; Voir idem Revue EDJA n° 22.
579 Le Conseil des Ministres, l’Ecole Supérieure Régionale de Magistrature, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, Traité OHADA, art. 40.
580 OHADA, art. 6.
581 Le renouvellement est un gage de démocratie interne.
582 Traité UEMOA, art. 114, complétant l’article 5 du traité UMOA.
583 Traité UEMOA, art. 114
584 Traité UEMOA, art. 114, faisant référence à l’article 5, du traité UEMOA
585 L’une des premières grandes crises de la communauté européenne a été marquée par la politique de « chaise vide » pratiquée pendant 7 mois par la France en 1965.
586 Traité UEMOA, art. 42, 55, 56, 57, 58, 59, 64, 74, 111, 112.
587 Protocole additionnel, n°/2001, instituant les règles d’origine des produits de l’UEMOA.
588 art. 2 du protocole.
589 Protocole additionnel n° IV, modifiant et complétant le protocole additionnel n° II, relatif aux politiques sectorielles communes de l’uemoa.
590 Acte additionnel n° 04/99 portant Pacte de Convergence, de Stabilité, de Croissance et de Solidarité entre les pays de l’UEMOA; Acte additionnel n° 04/96 instituant un régime tarifaire préférentiel transitoire des échanges au sein de l’UEMOA et son mode de financement ; Acte additionnel n° 03/2001 portant adoption de la politique agricole de l’UEMOA; Acte additionnel n° 04/2001 portant adoption de la politique énergétique commune de l’UEMOA; Acte additionnel n° 03/2003 modifiant l’acte additionnel n° 04/99 du décembre portant Pacte de Convergence, de Stabilité, de Croissance et de la solidarité entre les États-membres de l’UEMOA; Acte additionnel n° 04/2003 instituant une période transitoire de financement de la Chambre consulaire de l’UEMOA par une subvention de l’UEMOA.
591 art. 51 – traité UEMOA.
592 Dans l’Union européenne, le nombre de voix est fonction des poids politico-économiques des États ; les Grands États ont plus de voix que les petits États.
593 Traité UEMOA, art. 47.
594 Traité UEMOA, art. 66, 67, 68, 71, 72, 74, 78, 80, 81, 82, 84, 85, 86.
595 Directive n° 02/2002/CM-UEMOA, relative aux droits de la concurrence.
596 Arrêt du 23 septembre 1986, affaire 5/85, AKZO c/Commission rec. 2607.
597 Traité UEMOA, art. 32 ; Règlement intérieur, art. 15 à 18.
598 Règlement intérieur de la Commission, art. 19 à 21.
599 Directive n° 01/86/CM du 15 janvier 1986, déterminant les modalités de mise en œuvre de la
surveillance multilatérale et les organes chargés d’assurer cette surveillance.
600 Traité UEMOA, art. 80, 86, 89.
601 Ces rencontres se sont tenues à LOME 11 et 12 janvier 2001 les 18,19,20 Avril 2001 à Dakar, et 8 & 9, 10 octobre 2001 à NIAMEY.
602 Il se traduit par la mise en œuvre du régime préférentiel des échanges pour l’application de l’Acte additionnel 04/96 du 10 mai 1996 et par l’application de l’Acte additionnel 06/99 du 8 décembre 1999 interdisant le dispositif de compensation financière au sein de l’UEMOA, mais également par l’élimination des bourses non tarifaires.
603 Elle se traduit par la mise en œuvre du Tarif Extérieur Commun, des accords commerciaux avec l’O.M.C. et autres organisations ainsi que celle de la directive n° 01/2001 CM/UEMOA du 26 mai 2002, relative aux positions communes des États membres de l’UEMOA.
604 Traité OHADA, art. 8, alinéa 2.
605 Traité OHADA, art. 7.
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L’intégration juridique dans l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) et dans l’organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afriques (OHADA)
Amadou Yaya Sarr
2008
L’information des actionnaires, source d’un contre-pouvoir dans les sociétés anonymes de droit français et du périmètre O.H.A.D.A.
Louis-Daniel Muka Tshibende
2009