Introduction à la première partie
p. 39-40
Texte intégral
1Depuis sa création en 1948, la Zone Franc se caractérise par une relative rigidité de ses principes et mécanismes de fonctionnement56. La Zone Franc d’aujourd’hui est profondément différente de celle qui s’était progressivement dégagée d’une évolution autarcique au cours des années trente et dans le cadre d’un pouvoir colonial centralisé57. Jusqu’au début des années 90, cette zone qui symbolise la coopération Franco-africaine est apparue comme une zone commerciale et de confluence des flux financiers privilégiés par certains pays occidentaux. La France y est singulièrement attachée par ses relations historiques avec les États membres (anciennes colonies). Elle a contribué pour l’essentiel à la création d’un environnement économique relativement stable dans ces États malgré l’impact défavorable de l’instabilité politique et de la conjoncture économique mondiale58, mais cette période n’a été que de courte durée. Les anciens sous-ensembles régionaux sont caractérisés par leurs faiblesses et leurs inefficacités. Aussi, les différentes tentatives de rapprochement entre les États n’ont eu qu’une faible influence sur les structures juridiques des ordres juridiques internes des États, et sur l’ordre juridique international.
2Depuis quelques années, il en va autrement de l’intégration économique et dans une moindre mesure, de l’intégration juridique, qui sont présentées comme des sortes de voies royales vers le développement59. Les communautés juridiques et économiques deviennent de véritables instruments de création et d’organisation de vastes espaces politiques et économiques capables d’insuffler un dynamisme nouveau aux économies des États qu’elles regroupent. L’entreprise et le développement des deux processus d’intégration s’inspirent de la nouvelle prise de conscience des différents États parties aux deux traités UEMOA et OHADA. L’UEMOA, en tant qu’organisation économique et monétaire sous-régionale, est l’héritière de plusieurs tentatives de regroupement entreprises par les États qui la forment ou par certains d’entre eux60. Elle est différente de toutes ses devancières car elle est une institution supranationale, conçue dans la perspective d’un dépassement des organisations internationales traditionnelles du type intergouvernemental. De même, c’est une technique d’intégration identique qui a été adoptée par l’OHADA, fondée sur la supranationalité de l’organisation chargée de réaliser l’harmonisation du droit des affaires en Afrique. A L’instar de l’UEMOA, l’OHADA est la concrétisation d’une ambition qui tire les leçons de certains échecs enregistrés par les États africains en matière d’unification de leur droit61.
3En effet, dans le but de créer entre eux une union économique d’une part, et un espace juridique uniforme d’autre part, les auteurs des deux traités de Dakar et de Port-Louis ont institué des communautés supranationales dotées d’attributions propres et de pouvoirs réels découlant du transfert de souveraineté des États membres62. Alors, ces deux communautés coexistent car les États parties aux deux traités ont consenti à une limitation de leur droit souverain au profit de ces communautés qu’ils ont investies des missions d’établir des ordres juridiques nouveaux63. Les corps de règles qui forment ces ordres juridiques s’imposent à elles, de même qu’ils sont applicables à leurs ressortissants ainsi que, d’une manière générale, à toutes les situations juridiques visées par ces nouvelles règles et qui étaient soumises antérieurement à d’autres règles relevant de leur ordre juridique interne.
4Afin de mieux poser les termes du problème de la coexistence des ordres juridiques de l’UEMOA et l’OHADA, il importe d’analyser la problématique de la dualité des sources juridiques des deux organisations (Titre I), et celle de la dualité des systèmes institutionnels (Titre II).
Notes de bas de page
56 Lauréac M. GOUEMBE, op. cit. p. 15.
57 Dans le cadre d’un besoin de protection de leur économie contre les crises économiques extérieures, les pays africains de la zone ont trouvé, en vue de pallier les déficits de leurs balances des paiements, un mécanisme de rouage avec la France. Jusqu’aux années 1990, ceci symbolisait la coopération Franco-africaine. Il s’agit de la liberté de transfert, de la convertibilité illimitée et la parité fixe entre les monnaies des pays membres et le franc français de l’époque actuellement devenu euro. La garantie illimitée par le trésor français de la valeur des monnaies émises dans la zone.
58 Durant cette période, la Zone franc a été un espoir pour les États qui la compose, car l’intégration monétaire était la fibre unificatrice des pays membres.
59 Après avoir constaté l’échec de toutes les politiques de développement entreprises par les États africains depuis l’indépendance, l’O.U.A. a adopté en 1980 un ambitieux programme d’orientation du développement économique de l’Afrique 1980/2000. Dix ans après, l’intégration économique à l’échelle régionale et continentale, prônée par le plan de Lagos, a fait l’objet d’un traité conclu à Abuja le 03 janvier 1991 (traité instituant la Communauté Economique Africaine). Le NEPAD institué après la fusion des plans MAP et autres, illustre cette évolution.
60 Il s’agit du Conseil de l’entente institué le 30 mai 1959, de l’Union douanière de l’Afrique de l’Ouest (1959-1966), de l’Union Monétaire Ouest Africaine, de l’Union douanière des États de l’Ouest (1966-1973) et de la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (1973-1994).
61 L’harmonisation du droit des États de la Zone franc n’est pas une idée neuve. En 1960, après les indépendances, le droit français était applicable partout dans la zone. Durant cette période, l’idée d’unification du droit africain germait dans l’esprit de certains grands penseurs de l’époque. Il s’agit du professeur René DAVID vers 1963, et du juge Kéba MBAYE qui, quelques années après, avait lancé un appel pour l’unification du droit ; Voir son article « l’Unification du droit en Afrique », Revue sénégalaise de droit, décembre 1971, p. 65. L’objectif du BAMREL, (Bureau Africain Mauricien de Recherche et d’Etude Législative) était d’élaborer des textes de loi unifiés et susceptibles d’être adoptés par les États francophones ; Voir Joseph Issa SAYEGH, O.R. DEGNI et O. SÉGUIR ; Codification et unification du droit », Kéba MBAYE, Tome I.
62 Cf. Les articles 6, 19, 24 du traité de l’UEMOA et 8 du traité OHADA.
63 Cf. Les articles 6, 19, 24 du traité de l’UEMOA et 8 du traité OHADA.
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L’intégration juridique dans l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) et dans l’organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afriques (OHADA)
Amadou Yaya Sarr
2008
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Louis-Daniel Muka Tshibende
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