Chapitre I. Le droit a un jugement – droit effectif à un jugement et droit à un jugement effectif
p. 189-227
Texte intégral
1210. Conformément à une évolution réaliste déjà relevée1, le droit s'intéressant "tout autant à l'effet des règles et de leur maniement qu'à leur source et à leur validité formelle"2, on a pu remarquer que "priver une personne titulaire d'un droit de le faire valoir efficacement équivaut à un déni de justice"3. On ne saurait pour autant prétendre que le souci de l'effectivité soit une préoccupation entièrement nouvelle ; l'ancienneté de la prohibition du déni de justice elle-même en atteste. Mais, sous l'influence du droit européen, cette volonté réaliste ou pragmatique d'effectivité des droits s'est considérablement intensifiée durant ces dernières années : le droit à un jugement, garant de l'effectivité du droit, doit à son tour être assuré d'effectivité. L'article 6 alinéa 1 de la Convention européenne des droits de l'homme est devenu le berceau de ce droit à un procès équitable : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle". Or la Cour européenne des droits de l'homme relie directement cet article à la prohibition des dénis de justice, qu'elle n'hésite pas à classer dans la catégorie des principes fondamentaux universellement reconnus4. La violation des droits garantis par la Convention à l'article 6 alinéa 1 – droit d'accès à un tribunal, droit à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, droit à une durée raisonnable de la procédure, droit à la publicité de la procédure et droit à ce que la cause soit entendue équitablement –, doit donc être considérée comme équivalant à un déni de justice5. En droit français, cette évolution réaliste a été appuyée par la décision du Conseil constitutionnel rendue le 9 avril 1996 ; celle-ci, visant l'article 16 de la Déclaration française des droits de l'homme aux termes duquel "Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée... n'a point de Constitution", a posé que "en principe, il ne doit pas être porté d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction"6. Ainsi le droit à un procès équitable consacré par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, loin de réaliser nécessairement une antinomie avec le droit commun, double le plus souvent les exigences de ce dernier. C'est seulement dans l'hypothèse où les exigences du droit interne se révèlent insuffisantes qu'elles doivent être complétées par les dispositions internationales7. L'internationalité du litige n'appelle pas de prime abord, relativement au droit à un procès équitable, de réflexion particulière. Qu'ils soient parties à un litige interne ou à un litige international, les sujets de droit doivent se voir reconnaître, dans les mêmes conditions, un droit identique à un procès équitable et donc effectif. Mais toujours au titre de l'effectivité du droit à un jugement, le déni de justice est invoqué en droit interne quand le justiciable ne parvient pas à trouver un juge8 ou quand, symétriquement, il se heurterait à une contrariété de décisions9. Or, il faut le rappeler, les règles de compétence juridictionnelle internationale n'ont pas de fonction répartitrice ; elles se contentent d'indiquer si l'ordre juridictionnel, dont elles émanent, est compétent ou non. Aussi en découlent les problèmes de coordination propres à tout système unilatéraliste : conflits négatifs (aucun ordre juridictionnel n'accepte de se reconnaître compétent), conflits positifs (plusieurs ordres juridictionnels se reconnaissent compétents) ; et les risques de carence judiciaire ou de contrariété de décisions s'en trouvent multipliés. La question rebondit alors : pour apprécier l'existence d'un risque réel de déni de justice ou de contrariété de décisions, ne convient-il pas de réintégrer les considérations précédentes relatives au droit à un jugement effectif entendu comme le droit à un procès équitable ? Autrement dit, n'y a-t-il pas risque réel de déni de justice, quand bien même il y a possibilité de saisine d'un juge étranger, si cette saisine ne permet pas d'assurer le respect du droit à un procès équitable ? A l'inverse, y a-t-il un risque réel de contrariété de décisions si la décision étrangère ne respecte pas ce droit fondamental ? Telles seront les questions appréhendées à travers l'examen successif des conflits négatifs de juridictions (Section 1) et des conflits positifs de juridictions (Section 2) en droit international privé.
SECTION 1. LE DÉNI DE JUSTICE ET LES CONFLITS NÉGATIFS DE JURIDICTIONS
2211. Il s'agit ici, on l'aura compris, de revenir sur le déni de justice, en tant que règle de compétence autonome internationale des tribunaux français ; celle-ci fut affirmée dès le xix ème siècle, pour remédier à l'ancienne incompétence des tribunaux français dans les litiges entre étrangers et entamer le processus de son abandon10. Quand le principe d'incompétence fut renversé, pour qu'y soit substituée la fameuse transposition de Bartin des principes de compétence territoriale interne à l'ordre international, ce chef de compétence spécifique parut privé d'une grande partie de son utilité11. La plupart des auteurs s'accordent néanmoins à reconnaître que cette compétence résiduelle conserve son intérêt12. "Un principe élémentaire de justice, joint d'ailleurs au souci de la protection de la paix publique"13, ne rend-il pas nécessaire l'intervention du juge français dans les cas exceptionnels où les règles françaises de compétence territoriale interne ou de compétence purement internationale ne permettraient pas de s'adresser à lui, et où aucun juge étranger ne pourrait être saisi ? De fait, la jurisprudence confirma très tôt ce sentiment14.
3Mais quelle place convient-il précisément de réserver au déni de justice, chef de compétence exceptionnel ? La compétence fondée sur le déni de justice ne doit-elle jouer que pour répondre à l'exigence que "tout plaideur puisse trouver des juges et que toute contestation puisse être légalement déférée à une juridiction certaine"15 ? En d'autres termes, l'admission de ce chef de compétence doit-elle être strictement subordonnée à l'existence d'une véritable carence judiciaire, et être exclue dès lors qu'existe la possibilité de saisir un juge étranger ? Une acception aussi restrictive du déni de justice ne saurait être aujourd'hui défendue, alors que prévaut une conception réaliste du droit. La possibilité formelle de saisir un juge étranger ne peut écarter à elle seule l'éventualité d'un déni de justice. Possible, la saisine du juge étranger doit également conduire au prononcé d'une décision effective. Le droit effectif à un juge doit s'accompagner du droit effectif à un jugement. Aussi le déni de justice doit être proposé comme remède à la saisine impossible du juge étranger (§1), mais aussi comme remède à l'ineffectivité de la décision étrangère (§2).
§ 1. Le déni de justice, remède à la saisine impossible du juge étranger
4212. Il convient ici de cerner la notion de saisine impossible du juge étranger (A), avant d'examiner l'accueil réservé par la jurisprudence à la compétence fondée sur le risque de déni de justice, appelée à y remédier (B).
A. La saisine impossible du juge étranger
5213. Les parties à un litige international peuvent se trouver dans l'impossibilité de droit de se faire rendre justice, dans une première série de cas où aucun juge étranger n'accepte de connaître directement de leur litige. La double incompétence du juge français selon les règles de compétence internationale françaises16, et du juge étranger selon les règles de compétence étrangères17, conduit à une carence judiciaire. Une telle incompétence internationale directe des juridictions françaises et des juridictions étrangères peut résulter tant du jeu des règles de compétence internationale ordinaires et privilégiées, de droit commun ou de droit conventionnel, que du jeu de clauses attributives de juridiction18. En effet, dans ce dernier cas, seule la loi française peut autoriser une clause attributive de juridiction à fonder la compétence des tribunaux français, ou au contraire à l'écarter ; mais seule la loi de l'État étranger, dont les tribunaux voient corrélativement leur compétence restreinte ou étendue, peut admettre ou rejeter cet effet de la clause19. Aussi peut-il en résulter des conflits négatifs, le juge français acceptant de donner effet à la clause qui a pour conséquence d'écarter sa compétence, alors que le juge étranger refuserait l'extension de sa compétence sur le fondement de ladite clause. Ainsi, le juge français devrait, avant de se déclarer incompétent en application des règles de compétence internationale ordinaire ou privilégiée, vérifier l'existence d'un juge étranger acceptant de connaître du litige20 ; de même le juge français devrait, avant de reconnaître effet à une clause attributive de juridiction lui retirant compétence, s'assurer que le juge étranger élu accepte de donner effet à la clause. Quand un tel examen l'amène à constater une impossibilité de droit pour les parties de trouver un juge, le juge français doit, afin d'éviter un déni de justice, corriger le jeu normal des règles de conflit de juridictions. En cas de double incompétence découlant des règles de compétence internationale ordinaire ou privilégiée, l'adaptation requise suggère au juge français en principe incompétent de retenir néanmoins sa compétence sur la base d'un chef de compétence complémentaire fondé sur le déni de justice. En cas de double incompétence découlant du jeu d'une clause attributive de juridiction, l'adaptation requise suggère au juge français de subordonner la validité de la dérogation à son efficacité : en choisissant un juge, les parties n'ont pas entendu renoncer à tout recours à la justice. Le risque de déni de justice conduit donc ici le juge à recouvrer la compétence, qu'une clause efficace lui aurait retirée21.
6214. A l'impossibilité de droit de trouver un juge étranger compétent, doit être assimilée l'impossibilité de fait, ce qui constitue déjà une manifestation de l'effectivité du droit à un juge. Apparemment, il n'existe alors aucun conflit négatif en raison de l'existence d'un tribunal étranger acceptant de se reconnaître compétent ; en réalité l'impossibilité de fait pour les parties de saisir ce tribunal, due à l'éloignement ou à un évènement de force majeure qui empêche l'accès à la justice étrangère, équivaut à une impossibilité de droit résultant d'un refus de compétence22. La notion d'impossibilité de fait a également vocation à jouer en matière d'élection de for. Dès 1974, Dominique Holleaux proposait notamment d'assurer la protection d'une partie faible, en assortissant le principe d'admissibilité de la clause d'élection par "une application également souple qui attribue ou rend compétence au juge français lorsqu'il y a un risque de déni de justice"23. On ne peut en effet écarter ni ignorer l'hypothèse d'une partie qui se verrait imposer un accord d'élection de for, qu'elle ne serait pas en mesure de refuser. Pour celle-ci, le fait de devoir plaider à l'étranger devant le for élu peut en raison de l'éloignement, des difficultés linguistiques, des frais afférant à la procédure, constituer une véritable contrainte, rendre ainsi illusoire son droit d'accès à un tribunal, et consacrer dans les faits un déni de justice24. Dans un tel cas de figure (non limité aux relations internationales de travail), le juge saisi qui ne serait pas le juge désigné devrait écarter le jeu de la clause et apprécier classiquement sa compétence internationale, alors que le juge saisi qui serait le juge désigné devrait soulever d'office son incompétence internationale.
7Il faudrait enfin rapprocher de ces cas d'impossibilité de fait ceux où, en présence d'un tribunal étranger normalement compétent, l'urgence de la situation impose néanmoins une solution plus rapide25. Parce qu'alors une déclaration d'incompétence du juge français placerait les parties dans l'impossibilité de trouver un juge immédiatement compétent, parce que l'exécution de la décision obtenue auprès du juge étranger compétent requerrait un délai préjudiciable aux intéressés, le juge français, pour éviter un tel déni de justice26, retient sa compétence pour ordonner des mesures provisoires ou conservatoires : sa compétence est ici non seulement complémentaire par rapport aux règles de compétence internationale françaises, mais subsidiaire par rapport à la compétence internationale étrangère, et dès lors restreinte.
8Quelle est la réception, en droit positif, de cette compétence fondée sur le déni de justice dans les différentes hypothèses décrites ?
B. L'accueil en droit positif d'une compétence résiduelle fondée sur le déni de justice
9215. Après l'admission en 1948 de la recevabilité générale des demandes formées par des étrangers contre des étrangers27, la jurisprudence confirma très tôt le sentiment que la règle autonome de compétence internationale dégagée au xixème siècle n'avait pas perdu pour autant tout intérêt. Un chef de compétence fondé sur le déni de justice fut reconnu, tant en droit commun28 (1) qu'en droit conventionnel (2).
1) Droit commun
10216. En droit commun, une compétence complémentaire fondée sur le déni de justice fut admise dans les hypothèses d'impossibilité de droit de saisir un juge étranger, résultant d'une double incompétence directe française et étrangère29.
11En réalité, les auteurs n'ont pas manqué de relever que nombre de décisions avaient recouru à la notion de déni de justice, dans des hypothèses où la compétence des tribunaux français était déjà justifiée sur le fondement d'autres chefs30. Ainsi soulignent-ils la référence faite à la notion de déni de justice par les décisions de la cour d'appel de Paris des 27 juin 194831 et 10 novembre 196032, du tribunal de grande instance de la Seine du 1er février 196633, alors que la compétence française était déjà justifiée du chef des articles 14 et 15 du Code civil. On peut certes tenir pour surabondante la référence ainsi faite au déni de justice ; mais on peut également voir dans ces décisions la volonté des juges de mettre à l'écart les articles 14 et 15 du Code civil, et de cantonner leur rôle à la réalisation de l'attache suffisante avec le for exigée par les juges français pour retenir leur compétence sur le fondement du déni de justice34. Les auteurs relèvent encore l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de cassation du 17 janvier 1950 faisant appel au déni de justice alors que la compétence française était justifiée par l'urgence35. Mais cette décision ne peut surprendre ; car il a été constaté que "l'urgence constitue la face positive et le déni de justice la face négative d'un commun facteur de rattachement, la nécessité de trouver un juge"36. Enfin, les auteurs ont pu dénoncer le caractère surabondant du recours à la notion de déni de justice dans l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 décembre 196037, puisqu'en l'absence d'un domicile en France et à l'étranger, la résidence en France du défendeur réalisait le chef de compétence prévu par l'article 59 alinéa 1 du Code de procédure civile.
12Quand le juge français est compétent par application des règles de compétence internationale française ordinaires, point n'est besoin de recourir au déni de justice. Encore faut-il que cette compétence internationale existe bien ! Aussi ne peut-on suivre dans sa généralité la proposition de Mme Sinay-Cytermann selon laquelle "il faudrait éviter dorénavant toute confusion entre les articles 42 et 43 du Nouveau Code de procédure civile (ayant remplacé l'article 59 alinéa 1 du Code de procédure civile) et le déni de justice, et se garder de faire jouer l'un à la place de l'autre"38. Il faut ici réserver l'article 42 alinéa 3 qui pose la compétence du forum actoris lorsque "le défendeur n'a ni domicile ni résidence connus", en prévoyant que le demandeur, s'il demeure à l'étranger, peut saisir la juridiction de son choix. Car cet article, comme le proposent MM. Ancel et Lequette, doit être considéré comme un texte réglant la seule compétence interne, après qu'a été tranchée positivement la question de la compétence internationale française39. Il en va de même pour le troisième cas visé par l'article 1166 alinea 2 du Nouveau Code de procédure civile (non modifié par la récente législation sur l'adoption internationale) qui énonce qu'en matière d'adoption, le tribunal compétent est le tribunal choisi en France par le requérant "lorsque celui-ci et la personne dont l'adoption est demandée demeurent à l'étranger"40. Une telle analyse a le mérite d'éviter la multiplication des risques de forum shopping qu'entraînerait la reconnaissance d'une portée internationale à ces deux textes. Ainsi ces articles seraient-ils notamment appelés à jouer, après qu'a été retenue la compétence internationale des tribunaux français sur le fondement du déni de justice.
13217. Un accueil également favorable fut réservé par la jurisprudence à une compétence fondée sur le déni de justice en raison d'une impossibilité de fait de saisir les tribunaux étrangers normalement compétents, notamment pour événements de guerre, éloignement41, ou en raison de l'urgence, comme cela a été précédemment souligné42.
14218. Qu'elle soit de droit ou de fait, l'impossibilité de saisir un juge étranger ne suffit pas à entraîner la compétence des tribunaux français, car "les tribunaux français n'ont pas vocation à régir les dénis de justice commis dans le monde entier"43. Aussi bien la jurisprudence exige une certaine attache du litige avec la France. Quelle est l'attache requise ? Mme Sinay-Cytermann dénonce à juste titre certaines décisions s'engageant dans une voie trop stricte44. Ainsi relève-t-elle l'exigence émise par le tribunal de grande instance de Paris, dans son jugement du 1er octobre 1976, d'une résidence stable du demandeur45. Or, comme le note l'auteur, "l'étranger simplement de passage en France, souffre de la même carence juridique que l'étranger résidant habituellement en France et la protection de ses intérêts légitimes requiert tout autant l'intervention judiciaire. A ce principe élémentaire de justice se joint le souci de protection de la paix publique ; l'État par delà la protection des intérêts des personnes privées, veille jalousement à la préservation de l'ordre social : or que l'individu réside habituellement ou soit simplement de passage en France, cet ordre social est menacé"46. Aussi conviendrait-il que la jurisprudence s'orientât vers une conception plus libérale du lien exigé, et se contentât de l'existence en France des intérêts de l'une des parties47, de la résidence du demandeur, ou de la nécessité d'accomplir en France une certaine prestation48. Ainsi traduirait-elle le changement de nature du rôle joué par le déni de justice depuis l'abandon du principe d'incompétence : appelé, avant celui-ci, à donner naissance à de nouveaux chefs de compétence internationale, le jeu de la notion requérait une conception stricte de l'attache du litige avec la France ; appelé depuis à corriger les défauts de coordination des règles de conflit de juridictions française et étrangère, le jeu de la notion doit se satisfaire d'une conception souple de l'attache du litige avec la France49.
2) Droit communautaire
15219. Le système de compétence institué par la Convention de Bruxelles du 27 septembre 196850, ne semblait ménager aucune place à une compétence résiduelle fondée sur le déni de justice, dès lors que le texte ne vise nulle part ce chef de compétence. Articulé autour du principe actor sequitur forum rei assorti d'exceptions limitativement énumérées, le texte de la Convention ne pouvait contenir "aucune lacune", aux dires d'un délégué allemand qui, lors des travaux préparatoires, excluait expressément le déni de justice de la Convention51. Pourtant, dès 1972, dans son ouvrage de référence consacré à l'étude de la Convention de Bruxelles, M. Droz estimait que le déni de justice pouvait être amené à jouer même dans un système clos tel que celui établi par la Convention de Bruxelles52. Cette opinion reçut l'aval de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 3 février 1987, qui admit a contrario un tel chef de compétence en cas de double incompétence internationale des juges français et étranger résultant du jeu des règles de la Convention de Bruxelles. Le motif en était le suivant : "... la Cour d'appel a retenu que la simple attestation de deux avocats allemands, qui ne contient aucune référence précise à un texte ou une décision, ne suffit pas à établir l'impossibilité pour la S.F.I.B.B., de faire valoir ses droits devant la juridiction allemande [...] répondant ainsi au moyen, elle a légalement justifié sa décision"53. A contrario, si la S.F.I.B.B. était parvenue à prouver cette impossibilité, le déni de justice aurait pu être reconnu54.
16La solution trouve désormais un appui supplémentaire dans l'arrêt rendu par la Cour de justice des communautés européennes le 28 mars 2000, qui a fait primer les exigences du droit à un procès équitable, inscrit à l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, sur la lettre contraire de la Convention de Bruxelles55. En effet l'article 27.2 de la Convention (devenu l'article 34.1 du règlement de Bruxelles I du 22 décembre 2001), en raison de la confiance mutuelle régnant entre les États contractants, réduit volontairement les exigences de l'ordre public procédural à la protection des droits de la défense ; la cour a néanmoins conclu à l'opposabilité des droits fondamentaux de la procédure lors de la reconnaissance et de l'exécution des décisions dans l'espace judiciaire européen, au titre de l'article 27.1 de la Convention56. Le raisonnement adopté doit être a fortiori transposé sur le terrain de la compétence directe (où l'argument relatif à la libre circulation des jugements ne joue plus), pour admettre une compétence résiduelle fondée sur le déni de justice, en dépit du caractère limitatif des chefs de compétence énoncés aux articles 1 et suivants de la Convention.
17Mais il est vraisemblable qu'en droit communautaire le déni de justice, en tant que remède à une carence judiciaire stricto sensu, aura rarement l'occasion de jouer. En revanche, l'arrêt rendu par la Cour de justice suggère et légitime un appel plus fréquent à la notion de déni de justice pour sanctionner le droit du justiciable à une décision effective.
§ 2. Le déni de justice, remède à l'ineffectivité de la décision étrangère
18220. Y a-t-il déni de justice, et corrélativement les tribunaux français sont-ils compétents de ce chef, s'il apparaît qu'un tribunal étranger se reconnaissant compétence rejetterait la demande comme irrecevable ou mal fondée au regard de la loi applicable (A) ? Y a-t-il encore déni de justice dans les cas où les parties ne peuvent obtenir du tribunal étranger normalement compétent une décision susceptible de reconnaissance ou d'exécution (B) ? La réponse à ces questions passe par un approfondissement des notions de droit effectif à un jugement et de droit à un jugement effectif.
A. Le déni de justice et l'irrecevabilité de la demande à l'étranger
19221. A la première question : y a-t-il déni de justice quand la demande est vouée à un échec certain devant le tribunal étranger normalement compétent, la majorité de la doctrine répond par la négative. Elle fait valoir que : "dès qu'un juge accepte d'être saisi d'une affaire... il n'y a plus place pour le déni de justice, quelle que soit la décision qui sera rendue sur le fond ; car l'idéal de justice exige simplement que les parties trouvent un juge et non pas quelqu'un qui leur donne nécessairement raison"57.
20222. La jurisprudence, non sans nuance, peut être invoquée en ce sens, comme l'illustre la fameuse affaire Dawn Addams, épouse Massimo contre Massimo58. Le litige opposait Dawn Addams, de double nationalité britannique et italienne, à son mari italien demeuré en Italie. Venue résider temporairement en France, Mme Addams avait saisi les tribunaux français d'une action en divorce : ayant échoué devant le tribunal de grande instance de la Seine59, elle se prétendait, devant la cour d'appel de Paris, victime d'un déni de justice, au motif que cette notion devait s'entendre non seulement des cas où le tribunal étranger est incompétent mais également des cas où malgré la possibilité de saisir un tribunal étranger, la demande est vouée à un échec certain. La cour d'appel de Paris rejeta cette prétention dans les termes suivants : "... dame Addams Massimo, qui revendique une faculté qui n'est pas d'ordre public et que lui dénie la loi italienne applicable dans le système français de règlement de conflit de lois, ne saurait être considérée, si comme il se doit, elle s'adresse à la juridiction italienne compétente, comme la victime d'un déni de justice et privée de l'exercice d'un droit prétendu certain, à moins de qualifier déni de justice une décision d'irrecevabilité en droit de la demande". La cour d'appel de Paris manifestait ainsi clairement sa volonté de ne point assimiler une décision étrangère d'irrecevabilité en droit de la demande à une décision étrangère d'incompétence, pour apprécier l'existence d'un risque de déni de justice. Mais en relevant que Mme Addams revendiquait une faculté qui n'était pas d'ordre public, elle faisait ainsi entendre a contrario qu'il y aurait déni de justice, au cas où la solution que donnerait sur le fond du litige le tribunal étranger compétent serait contraire à l'ordre public60.
21223. Cette réserve faite de l'ordre public est vivement critiquée par Mme Sinay-Cytermann : "Que les solutions adoptées par le jugement étranger soient intolérables ou non, que ce jugement ait été rendu ou non, c'est-à-dire que la méconnaissance de notre ordre public soit établie ou simplement présupposée, peu importe, toute subordination d'un chef de compétence juridictionnelle aux solutions relatives à la compétence législative nous paraît devoir être repoussée"61. La critique semble par trop catégorique. La décision étrangère d'irrecevabilité en droit de la demande ne doit-elle pas être assimilée à un déni de justice dans des cas extrêmes où elle consacrerait une injustice criante62 ? N'y a-t-il pas alors en réalité absence de justice autorisant le juge français à retenir sa compétence du chef de déni de justice ? Poser la question revient ici à suggérer une interférence entre le déni de justice formel et le déni de justice matériel.
22224. Quand la certitude est acquise que la décision étrangère d'irrecevabilité en droit de la demande réalise la violation d'un principe de justice universelle63, on peut en conclure que c'est l'acte de juger lui-même qui fait défaut. Alors la solution étrangère contraire au droit naturel, ou encore à l'ordre public, tel que défini par l'arrêt Lautour ("les principes de justice universelle considérés dans l'opinion française comme doués de valeur internationale absolue"), doit conduire le juge à retenir sa compétence du chef de déni de justice. A défaut, au déni de justice matériel imputable au juge étranger s'ajouterait un déni de justice formel imputable au juge français. L'hypothèse pourra certes sembler bien théorique, tant sont rares les principes de justice universelle substantiels et les cas de violation de ces principes64. En outre, la méconnaissance de ces principes devrait être établie pour que le juge retienne sa compétence sur le fondement du déni de justice.
23225. "Mais bien loin de l'influence légitime du droit naturel, l'exception d'ordre public international est par ailleurs en communication ouverte avec l'ordre public interne"65 ; elle vise à réaliser les objectifs législatifs essentiels du for. Une décision étrangère d'irrecevabilité en droit de la demande contraire à l'ordre public ainsi entendu doit-elle être encore qualifiée de déni de justice ? Il est des auteurs qui n'adhèrent pas à l'accueil général d'une compétence fondée sur le déni de justice en cas d'irrecevabilité de la demande à l'étranger ; ils revendiquent néanmoins son admission exceptionnelle, dans les hypothèses où le tribunal étranger compétent refuse ou refuserait d'appliquer la loi française d'ordre public désignée par notre droit international privé. Mais la question n'a plus rien à voir alors avec le déni de justice ; elle soulève le problème distinct de la réception en droit français d'un for de nécessité politique, autrement dit d'un "for de police". C'est pourtant sous l'angle du déni de justice que cette question est envisagée en doctrine. Le problème a ainsi été dégagé par M. Hubert Bauer au sujet de la loi du 14 juillet 1819 sur le droit de prélèvement successoral. Pour cet auteur, le contentieux relatif au droit de prélèvement ressortit nécessairement à la compétence des tribunaux français, parce que la reconnaissance de la compétence juridictionnelle étrangère aboutirait à un déni de justice, la partie française ne pouvant faire valoir ses droits à l'étranger66. Cette proposition a été reprise par A. Ponsard, à l'occasion de l'affaire Fontaine jugée par la cour d'appel de Paris le 29 juin 196867. Deux Français domiciliés au Québec demandaient au juge français l'homologation du changement de leur régime matrimonial. Quoiqu'ayant reconnu l'applicabilité de l'article 1397 du Code civil au nom de l'ordre public, la Cour de Paris refusa de se reconnaître compétente et l'homologation ne fut pas accordée. La solution fut vivement contestée en doctrine. Refusée en France, l'homologation ne pouvait pas plus être accordée au Québec, où le régime était considéré comme soumis à la loi québécoise, qui prohibe le changement de régime. André Ponsard, commentant cet arrêt, estimait que dans un tel cas la compétence juridictionnelle devait être admise sur le fondement du déni de justice68. Pourtant, il est clair que si, en l'espèce, la compétence des tribunaux français avait été retenue, elle n'aurait pas porté remède à une carence juridictionnelle (défaut de juge ou de jugement digne de ce nom), mais au défaut de réalisation d'un droit qualifié d'ordre public français. Ce que défendent les auteurs, dans des hypothèses similaires où un principe ou bien une règle d'ordre public veulent s'appliquer à la résolution du litige, c'est la compétence des tribunaux français au titre non pas du déni de justice mais de l'applicabilité de la loi française d'ordre public69. L'objectif alors poursuivi est un objectif de police, et non de justice70.
24En présence d'une décision étrangère déjà rendue, les éléments essentiels de l'action de juger doivent également aider à cerner les hypothèses où le juge français peut néanmoins se reconnaître compétent du chef de déni de justice.
B. Le déni de justice et le refus de reconnaissance ou d'exécution de la décision étrangère
1) Ineffectivité de la décision étrangère en France
25226. Dans les cas où la décision étrangère obtenue du juge normalement compétent ne pourrait être reconnue ou exécutée en France, quelques auteurs soutiennent alors l'existence d'une carence judiciaire, ouvrant la voie à la compétence des tribunaux français, du chef de déni de justice71. Pourtant une réponse affirmative générale à cette question doit être vigoureusement repoussée, quand bien même la France apparaîtrait comme le lieu d'exécution nécessaire de la décision. On peut citer ici longuement M. Pascal de Vareilles-Sommières : "Si, tout en se déclarant lui-même incompétent, l'État saisi refuse, au surplus, et comme il en a le droit, de laisser produire des effets sur son territoire au jugement étranger, la seule conséquence sera que son bénéficiaire ne disposera d'aucun titre juridictionnel pour le déclenchement des opérations de contrainte sur ce territoire, ce qui devrait entraîner l'échec de sa tentative en ce sens. Cette situation serait peut-être regrettable pour la personne qui invoque la décision, mais après tout, si le jugement étranger a été écarté par l'État du for, c'est probablement qu'il présentait un vice dont il est aussi injuste de faire pâtir celle des parties au litige qui refuse d'exécuter la décision ; si même cette décision ne présentait aucun vice, et avait donc été écartée arbitrairement par l'État requis de le reconnaître, ce ne serait pas tant l'incompétence d'un tribunal pour rejuger une affaire déjà correctement tranchée, qui serait regrettable, que la possibilité pour l'État au nom duquel ce tribunal rend la justice, d'écarter un tel jugement"72. Ces observations doivent à leur tour être nuancées et corrigées, conformément aux directives précédemment suggérées : une compétence subsidiaire au titre de déni de justice de l'État requis doit être retenue toutes les fois que la décision étrangère n'est pas en mesure d'être reconnue ou exécutée, parce qu'elle ne répond pas aux caractéristiques essentielles d'une décision de justice. Plus précisément, ne peut prétendre à une telle qualification la décision étrangère prononcée par un juge qui n'est pas un tiers impartial73, ou encore la décision qui viole des principes substantiels de justice universelle. Ne pouvant être reconnues et exécutées, de telles décisions, contraires aux principes de justice universelle substantiels ou procéduraux (droit à un juge indépendant et impartial et droit à la contradiction), lesquels ne supportent aucune atténuation74, appellent une compétence subsidiaire fondée sur le risque de déni de justice75. Ici encore le juge français ne devrait pas préjuger, et la violation de ces principes de droit naturel devrait résulter d'une décision étrangère déjà rendue. Dans un tel cas, tout se passe donc comme si la justice n'avait jamais été rendue. C'est ici que les décisions récentes de la Cour de cassation française et de la Cour de justice des communautés européennes revêtent toute leur importance. La violation du principe général, tant interne que communautaire, du droit de toute personne à un procès équitable76, garanti par la Convention européenne des droits de l'homme, devrait non seulement permettre au juge français d'écarter la décision étrangère contraire aux principes de justice universelle, mais également de se reconnaître directement compétent du chef de déni de justice77. En revanche, ici encore, la violation d'un principe ou d'une règle d'ordre public de nature politique ne devrait pas ouvrir la voie à une compétence subsidiaire fondée sur le déni de justice mais à un for de police répondant à des nécessités politiques, entendues dans un sens atténué78.
2) Ineffectivité de la décision étrangère à l'étranger
26227. L'autorité attachée à la décision, dernier élément essentiel, renvoie à ce qui est pouvoir, imperium, dans la fonction de juger. Elle recouvre d'une part l'autorité de chose jugée au sens strict, qui empêche le renouvellement de la contestation sur ce qui a été déjà jugé79, et d'autre part la force exécutoire, qui donne l'ordre aux agents de la force publique de procéder aux opérations nécessaires à la réalisation du contenu de la décision. L'existence de tels attributs est appréciée selon la loi de procédure de l'État dont émane la décision, et leur défaut empêche que cette décision reçoive plus d'effet à l'étranger que dans son pays d'origine. Il est ainsi unanimement admis qu'un jugement étranger n'est susceptible d'être exequaturé que s'il a déjà force exécutoire dans son pays d'origine80.
27Mais l'absence de force exécutoire doit être soigneusement distinguée de l'impossibilité de fait ou de droit d'exécuter effectivement la décision étrangère. L'obstacle extérieur à l'exécution du jugement, de fait tel l'insolvabilité du débiteur, ou de droit tel l'existence d'une réglementation, ne remet pas en cause la force exécutoire du jugement. Dès lors, l'ineffectivité de la décision étrangère à l'étranger en raison de tels obstacles n'interdit pas son exequatur en France, lequel apparaît préférable à l'extension de la compétence directe du juge français sur le fondement du déni de justice. Ainsi la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 20 novembre 1974, alors que le demandeur invoquait l'impossibilité d'obtenir l'exécution en Algérie de la décision (qu'il pourrait obtenir devant les juridictions de cet État désigné par une clause attributive de juridiction), a rejeté cet argument au motif suivant : "cet obstacle de fait, à le supposer établi, n'empêcherait pas une éventuelle décision judiciaire algérienne (...) de pouvoir être reconnue et déclarée exécutoire en France"81.
28228. Que les justiciables, parties à un litige de droit international privé, soient exposés à une carence judiciaire ou pire à une parodie de justice, il est bon que les juges français s'en émeuvent et se proposent d'y remédier, en retenant leur compétence au titre du déni de justice. Mais l'indépendance des ordres juridictionnels est également de nature à conduire les juridictions françaises et étrangères à prononcer des décisions inconciliables. Cette situation, tout aussi préjudiciable aux parties et au bon ordre international, constitue une hypothèse de déni de justice, que les juges français doivent prévenir en écartant leur compétence.
SECTION 2. LE DÉNI DE JUSTICE ET LES CONFLITS POSITIFS DE JURIDICTIONS
29229. Le caractère nécessairement unilatéral des règles de compétence juridictionnelle, et le choix assez large de tribunaux offert pour la commodité des parties par ces règles, conduisent fréquemment les juridictions relevant d'ordres juridictionnels distincts à se reconnaître également compétentes à l'occasion d'un même litige. En résulte un risque de contrariété de décisions.
30230. En droit interne, la contrariété de décisions est rapprochée de longue date du déni de justice. Ainsi la compétence du Tribunal des conflits prend expressément appui, dans l'article 1 de la loi du 20 avril 1932, sur le refus qu'une contrariété de décisions conduise à un déni de justice82. Mais longtemps l'autorité de chose jugée dont sont revêtues les décisions de justice, élevée au rang de présomption légale par l'article 1351 du Code civil, a constitué un obstacle à la contrariété des décisions. "L'infaillibilité des décisions judiciaires ne connaissait de limite que lorsqu'elle se heurtait à une autre infaillibilité de même valeur, à savoir une autre décision judiciaire"83. En cas de contrariété entre deux décisions rendues par des juridictions différentes, l'article 6, Titre I, 1ère partie, du règlement de 1738 frappait de nullité la seconde décision rendue pour avoir enfreint l'autorité de chose jugée de la première. Quand deux décisions contradictoires émanaient d'une même juridiction, cette contradiction était sanctionnée par la requête civile. Les nouveaux textes du Code de procédure civile ont largement remis en cause cette infaillibilité des décisions judiciaires, en instaurant des sanctions nouvelles. Les articles 617 et 618 du Nouveau Code de procédure civile réglementent deux sortes de contrariété de jugements. Aux termes du premier, quand la contrariété de jugements résulte d'une violation de l'autorité de la chose jugée, le second jugement peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation ; et si la contrariété est constatée, elle se résout au profit du premier. Aux termes du second, quand la contrariété de jugements ne résulte pas d'une violation de la chose jugée, les deux décisions sont susceptibles d'un recours en cassation ; et si leur inconciliabilité est constatée, la Cour de cassation annule l'une des deux décisions ou, s'il y a lieu, les deux84. Or, en visant expressément l'article 4 du Code civil, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, saisie d'un pourvoi sur le fondement de l'article 618 du Nouveau Code de procédure civile, a confirmé l'analyse de l'inconciliabilité des décisions comme un déni de justice85. Certes, ainsi que le souligne M. le Bars, en présence de deux décisions inconciliables, "le déni de justice ne serait pas imputable aux juges du fond, l'un et l'autre ayant statué sur les demandes des parties [...] Mais il y aurait bien déni de justice de la part de l'ordre juridique dans son ensemble [...] à défaut d'un recours tel que celui de l'article 618 du Nouveau Code de procédure civile, l'ordre juridique laisserait subsister simultanément deux décisions qui, par leur caractère inconciliable, se neutralisent mutuellement, plongeant ainsi les parties dans une situation de non-droit"86.
31231. Une solution de ce type ne peut assurément être transposée telle quelle aux conflits internationaux, car "les justices qui s'y affrontent sont rendues au nom de souverains différents ; chaque souverain veut réaliser la sienne, et, lorsqu'il l'a fait, n'est guère prêt à renoncer à la solution qu'il a donnée"87. Par ailleurs, on pourrait objecter que la primauté reconnue à l'ordre juridictionnel du for prévient tout risque de heurt entre une décision du for et une décision étrangère inconciliable, celle-ci étant de ce seul fait écartée au stade de sa reconnaissance ou de son exécution88. La situation est la même en droit communautaire, car l'article 27 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 (devenu l'article 34 du réglement de Bruxelles I) exclut la reconnaissance des décisions étrangères si la décision est inconciliable avec une décision rendue entre les mêmes parties dans l'État requis89. Ainsi la cohérence de chaque ordre juridique est assurément préservée ; il n'en demeure pas moins que la coexistence d'une décision du for inconciliable avec une décision étrangère, tenues chacune pour efficace dans leurs ordres respectifs, génère un déni de justice à l'échelle des justiciables et de l'ordre international privé. Aussi, "mieux vaut empêcher le conflit de décisions de naître que de chercher à le résoudre. En présence d'un conflit entre deux décisions déjà prononcées, on peut déterminer un critère pour choisir entre elles, mais on ne peut les faire disparaître ; il en résulte un manque regrettable, voire désastreux, d'harmonie internationale des décisions"90.
32232. Pour y parer, la jurisprudence, après quelques hésitations, a emprunté au droit interne deux instruments traditionnels : les exceptions de litispendance et de connexité. Pour l'une et l'autre, la principale difficulté soulevée par leur transposition dans l'ordre international était la même ; dans l'ordre interne, ces exceptions conduisent au dessaisissement d'une juridiction française, au profit d'une autre juridiction française qui rendra la même justice au nom du même souverain ; dans l'ordre international, ces exceptions conduisent au dessaisissement d'une juridiction française au profit d'une juridiction étrangère, qui rendra la justice au nom d'un souverain étranger. La Cour de cassation s'est longtemps opposée à la recevabilité de ces exceptions, en se retranchant notamment derrière l'impossibilité de régler les juges entre juridictions françaises et étrangères91. Puis elle adopta finalement une position plus libérale et combla les voeux d'une partie de la doctrine92, en affirmant la recevabilité de principe des exceptions de litispendance93 et de connexité94, qui sont par ailleurs expressément inscrites dans les textes de droit communautaire95.
33Mais examinées sous l'angle de leur aptitude à déjouer les risques de contrariété de décisions, l'exception de litispendance se révèle d'un intérêt limité (§1), alors que l'exception de connexité ouvre des perspectives plus riches d'utilisation (§2).
§ 1. L'exception de litispendance internationale
34233. Le rappel des conditions de mise en oeuvre de cette exception en droit international privé (A) permettra d'en souligner les limites (B).
A. Des conditions de mise en oeuvre stricte
35234. En droit judiciaire privé interne, Jacques Héron soulignait les liens étroits unissant l'autorité de chose jugée et la litispendance : "Pour l'essentiel, l'exception de litispendance repose sur la même notion que celle qui fonde l'autorité de chose jugée, à savoir qu'il n'est pas sain que les parties puissent recommencer le même procès. S'il faut que la même demande ne puisse plus être soumise à nouveau à un tribunal, alors qu'un jugement a été rendu, il faut de même qu'un plaideur ne puisse pas créer une sorte de course de vitesse entre deux juges, en espérant que celui qui a été saisi en second statuera avant le premier. La litispendance se définit donc dans les mêmes termes. Il y a litispendance lorsque la demande formée en second aurait été déclarée irrecevable, en raison de l'autorité de la chose jugée, si la demande formée en premier avait déjà fait l'objet d'un jugement"96.
36235. Transposée en droit international privé, l'exception de litispendance doit être adaptée mais ne saurait changer de nature97. Aussi, il faut que les juridictions étrangère et française aient été saisies du même litige entre les mêmes parties, et qu'elles soient également compétentes d'après leurs règles respectives de compétence internationale directe ; la juridiction française doit avoir été saisie en second et l'exception doit être présentée in limine litis avant toute fin de non-recevoir ; mais, en application de l'article 100 du Nouveau Code de procédure civile, le tribunal français saisi en second peut se dessaisir. En outre, parce que l'existence d'un choc réel entre la décision étrangère et la décision française est subordonnée à l'efficacité en France de la décision étrangère, il faut que cette dernière soit en mesure d'être reconnue en France. Destinée à prévenir un risque de déni de justice résultant d'une contrariété de décisions, l'exception de litispendance ne doit pas se retourner contre les parties, en les exposant à une autre forme de déni de justice qui naîtrait d'une carence judiciaire. Le juge français est ainsi conduit à réaliser un pronostic sur la conformité de la décision étrangère à venir aux conditions de régularité des jugements étrangers. En raison des difficultés générées par un tel pronostic, la doctrine suggère d'adopter une "voie moyenne : le sursis à statuer"98. Quoi qu'il en soit, quand toutes les conditions d'accueil de l'exception de litispendance sont réunies, le juge français, contrairement aux solutions retenues en droit interne, conserve le pouvoir d'apprécier l'opportunité du dessaisissement ou du sursis à statuer.
37236. L'article 21 de la Convention de Bruxelles (devenu l'article 27 du règlement de Bruxelles I) prévoit que la juridiction saisie en second lieu sursoit d'office à statuer jusqu'à ce que la compétence du tribunal premier saisi soit établie, "lorsque des demandes ayant le même objet et la même cause sont formées entre les mêmes parties devant les juridictions d'États contractants différents"99. Dans son arrêt Gubisch100, la Cour de justice des communautés européennes a précisé que les notions utilisées à l'article 21 ont un contenu autonome, à définir en fonction et à la lumière de l'objectif de cet article, qui est d'éviter des procédures parallèles pendantes devant les juridictions de différents États contractants et les contrariétés de décisions pouvant en résulter. C'est ce même objectif qui a amené la cour à juger dans son arrêt Overseas que l'article 21 devait faire l'objet d'une interprétation large101. Néanmoins, même interprétée de façon libérale, la triple exigence d'identité de parties, de cause et d'objet subordonne le jeu de l'exception de litispendance à l'existence d'une opposition de chose jugée entre deux décisions.
B. Un jeu limité au risque d'opposition de chose jugée
38237. Il a été relevé de manière générale que l'exception de litispendance "ne peut jouer qu'à l'intérieur d'un carcan très rigide... le dessaisissement ne peut intervenir qu'au profit du tribunal premier saisi qui, lui, ne peut en aucun cas se dessaisir s'il est compétent d'après sa propre loi. La décision dépend donc presque toujours de la détermination quasi mécanique, de la priorité de saisine, ce qui peut donner lieu à des difficultés inattendues et sans rapport véritable avec l'intérêt bien compris des parties". En outre, en droit international privé commun, "lorsque le tribunal second saisi refuse de se dessaisir, il statue sans tenir en principe aucun compte de ce que décidera le tribunal premier saisi (et réciproquement)"102.
39238. Mais de manière plus spécifique, les limites de l'exception de litispendance internationale sont inhérentes aux liens, précédemment relevés, entretenus par cette notion avec l'autorité de chose jugée. Si l'exception de litispendance doit jouer pour prévenir tout risque d'opposition de chose jugée, elle peut jouer seulement pour prévenir un tel risque. De ce point de vue, la volonté affichée par la Cour de justice des communautés européennes de libéraliser les conditions d'accueil de l'exception de litispendance devrait être contestée, si elle conduisait à dénaturer cette institution. Mais en dépit des critiques adressées à cette jurisprudence, telle ne semble pas être aujourd'hui la voie empruntée.
40239. Ainsi, relativement à l'identité de cause, dans l'arrêt Gubisch103 la cour a admis que celle-ci est établie dès lors que les deux litiges sont fondés "sur le même rapport contractuel". Ce raisonnement a été repris et développé dans une décision rendue le 6 décembre 1994, qui indique que la cause comprend "les faits et la règle juridique invoqués comme fondement de la demande"104. Relativement à l'identité d'objet, l'arrêt Gubisch, encore, a retenu son existence en présence d'une demande visant à l'exécution du contrat et d'une demande visant à son annulation ou à sa résolution, puisque "la force obligatoire du contrat se trouve ainsi au centre des deux litiges". Cette analyse a été confirmée par l'arrêt Overseas, qui précise que l'objet consiste dans "le but de la demande"105. Il a été reproché à cette interprétation de réaliser une confusion entre la litispendance et la connexité106. En réalité, l'examen de la pertinence de cette critique doit être conduit en écartant les notions de cause et d'objet (dont on a pu dire qu'elles soulèvent "des discussions inépuisables en raison de l'impossibilité de leur donner une définition précise, au moins pour ce qui est de l'autorité de chose jugée"107), au profit de la notion de matière litigieuse. Cette dernière, analysée par Jacques Héron pour cerner l'autorité de chose jugée, "peut être définie de façon très précise à partir de la structure de la règle. L'autorité de chose jugée s'attache aux faits retenus par le juge, et à la correspondance de ces faits avec les éléments du présupposé de la règle de droit, telle que la retient le juge... Trois points sont couverts par l'autorité de chose jugée : d'abord la matérialité du fait que le juge retient dans sa décision ; ensuite la correspondance entre ce fait et tel élément du présupposé de la règle de droit ; enfin l'applicabilité de la règle, dans l'interprétation que le juge lui donne"108. Dès lors l'identité de matière litigieuse pourra être tantôt totale (une demande fondée sur les mêmes faits comportant la même prétention est présentée à deux juges différents), tantôt partielle (un fait jugé dans une instance est invoqué dans un second procès portant sur une demande différente). Que l'identité de matière litigieuse soit totale ou partielle, "il n'est pas bon que deux juges puissent, entre les mêmes parties, statuer, chacun de son côté, sur la réalité des mêmes faits ainsi que sur la correspondance de ces faits à l'égard de la même règle de droit"109. À la lumière de cette définition de la matière litigieuse, il apparaît que les arrêts précités de la Cour de justice des communautés européennes sont loin de réaliser une confusion entre la litispendance et la connexité. On ne peut en effet leur reprocher de sortir du cadre strict de la litispendance. Simplement ils repoussent une conception stricte de la litispendance exigeant une identité totale de la matière litigieuse, en faveur d'une conception large de la litispendance couvrant également les hypothèses d'identité partielle de la matière litigieuse.
41240. Mais relativement à l'identité de parties, l'arrêt récemment rendu par la cour dans l'affaire Drouot Assurances SA c. Consolitated Metallurgical Industries et autres110 relance le débat relatif aux limites d'une interprétation libérale de la litispendance internationale. Les faits étaient les suivants : le 4 aôut 1989 un bateau de rivière, le Sequana, coule dans les eaux intérieures des Pays-Bas, alors qu'il transportait une cargaison de ferrochrome appartenant à la société sud-africaine CMI à destination d'un port fluvial français. Le corps du bateau était assuré par Drouot Assurance, société française, alors que la cargaison l'était par Protea Assurance, société sud-africaine. Drouot fit renflouer le bateau à ses frais, permettant ainsi le sauvetage de la cargaison de CMI, puis assigna devant le tribunal de commerce de Paris CMI et Protea en paiement de leur contribution aux avaries communes. CMI et Protea opposèrent devant cette juridiction une exception de litispendance fondée sur l'article 21 de la Convention, au motif qu'ils avaient auparavant intenté une action aux Pays-Bas contre le capitaine et le propriétaire du navire, en vue de les faire déclarer responsables du naufrage. Le tribunal de commerce de Paris rejeta l'exception pour défaut d'identité de parties, après avoir relevé qu'aux Pays-Bas le litige opposait CMI et le capitaine du navire alors qu'à Paris CMI était opposé à Drouot. Sur appel, la Cour de Paris retint en revanche l'exception, estimant que Drouot était présent dans ce procès aux Pays-Bas "par assuré interposé". Saisie à son tour, la Cour de cassation décida d'interroger la Cour européenne de justice sur la notion d'assuré interposé et d'identité de parties111. Devant la Cour européenne, deux interprétations de la notion d'identité des parties furent proposées. A l'interprétation stricte et libérale préconisée par la Commission, la France et l'avocat général, était opposée l'interprétation extensive suggérée par le gouvernement allemand favorable à "une acception large de la notion de même partie, de sorte à éviter la survenance de décisions inconciliables au sens de l'article 27 point 3 de la Convention"112. La Cour de justice refusa de s'en tenir à une interprétation littérale du texte. Elle admit qu'en l'espèce, il n'y avait pas litispendance car l'assureur avait agi, non pas en qualité de représentant, mais en qualité de participant direct au renflouement du bateau. Pour M. Droz, "si la cour en était restée là son arrêt n'aurait mérité que des éloges"113. Mais la Cour ajouta que l'assureur et son assuré auraient pu être considérés comme étant une seule et même partie, si les intérêts de l'un et de l'autre avaient été à ce point identiques qu'un jugement prononcé contre l'un aurait eu force de chose jugée à l'égard de l'autre114. Or, selon M. Droz, "c'était là céder aux suggestions du gouvernement allemand, pour qui les parties à une seconde instance qui ne sont pas formellement identiques à celles comparaissant à une première instance ne doivent être considérées comme étant les mêmes que si elles sont susceptibles de se voir opposer les effets de la décision rendue par la juridiction saisie en premier lieu, ce qui créerait un risque de décisions inconciliables"115. Si telle était la volonté de la Cour de justice, la critique de M. Droz serait justifiée. En effet la proposition allemande, favorable à une interprétation large de la notion d'identité de parties, de nature à éviter la survenance de décisions inconciliables, participe d'une confusion dénoncée vigoureusement en droit interne par Jacques Héron, entre l'efficacité substantielle du jugement et l'autorité de chose jugée116. De l'autorité de chose jugée, qui n'est que relative, doit être rapprochée, on l'a vu, la litispendance, laquelle suppose en conséquence l'identité totale ou partielle de la matière litigieuse et l'identité des parties117. L'exception de litispendance prévient ainsi un risque d'opposition de chose jugée. De l'efficacité substantielle118, opposable à tous, doit être rapprochée la connexité renforcée, encore appelée indivisibilité. L'indivisibilité rend les décisions prononcées, à les supposer divergentes, inaptes à être exécutées simultanément. Elle ne requiert que l'identité totale ou partielle de l'objet de la demande, et par conséquent de l'effet substantiel, à l'origine de l'inconciliabilité des décisions. L'exception de connexité renforcée prévient ainsi un risque de décisions inconciliables, autrement dit un risque de déni de justice.
42Aussi bien si le critère tiré du risque de survenance de décisions inconciliables devait être invoqué, ne devrait-il l'être (s'il était praticable) que dans le cadre du jeu d'une exception de connexité strictement entendue.
§ 2. L'exception de connexité internationale
43241. La transposition en droit international privé de l'exception de connexité du droit interne, fondée sur l'intérêt d'une bonne justice, laissait augurer une souplesse d'utilisation plus grande que pour l'exception de litispendance. En réalité, en raison même de cette souplesse, les tribunaux ont hésité à y recourir en droit international privé. L'indépendance des ordres juridictionnels n'est toujours pas prête à céder devant de simples considérations de bonne administration de la justice internationale (A). Sans adopter l'attitude opposée, qui consisterait à soumettre le jeu de l'exception de connexité au risque de survenance de décisions inconciliables (connexité renforcée), critère peu praticable tant que les décisions ne sont pas rendues, la jurisprudence aussi bien nationale que communautaire accepte son jeu en cas de simple risque de contrariété de décisions (B).
A. Les réticences à l'admission d'une exception de connexité fondée sur le seul intérêt d'une bonne justice
44242. Aux termes de l'article 101 du Nouveau Code de procédure civile, deux affaires sont connexes, lorsqu'il est "de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble". Cette définition démontre qu'en droit interne, soumettre des demandes connexes à une seule et même juridiction revêt un caractère opportun mais non nécessaire. C'est seulement lorsque la connexité simple fait place à une connexité renforcée (ou indivisibilité), que l'opportunité se transforme en nécessité119.
45243. La recevabilité de principe de l'exception de connexité en droit international privé avait été admise relativement tôt en jurisprudence120 ; mais aucune décision significative de la Cour de cassation, jusqu'à l'arrêt récent du 22 juin 1999121, ne l'avait véritablement accueillie. Aussi les conditions de son accueil avaient été suggérées par la doctrine. L'hypothèse visée, transposée du droit interne, est celle où les juridictions étrangère et française ont été saisies d'affaires unies par des liens si étroits qu'il y a intérêt à les examiner ensemble. Les autres conditions sont largement calquées sur celles de l'exception de litispendance : les deux juridictions doivent être compétentes selon leurs règles respectives de compétence internationale directe, la future décision étrangère doit pouvoir être reconnue et exécutée en France. L'exception peut être formulée en tout état de cause, et il n'est pas exigé que le tribunal français ait été saisi en second. Enfin le juge fançais conserve un pouvoir d'apprécier l'opportunité du dessaisissement. Cette dernière solution fut consacrée par la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 20 octobre 1987122. La notion de connexité apparaissait ainsi d'une souplesse plus grande que l'exception de litispendance, puisqu'elle était appelée théoriquement à jouer dans tous les cas où le seul intérêt d'une bonne justice suggérait d'instruire et de juger deux affaires ensemble, et ce même devant la juridiction saisie en premier. Mais, en pratique, le défaut de positivité de l'exception de connexité conduisit à se demander si finalement les tribunaux n'étaient pas plus réticents à admettre cette exception que celle de litispendance, et ce précisément parce que les instances ne sont pas identiques, et parce qu'une juridiction française saisie en premier d'un litige accepte rarement de le déférer à une juridiction étrangère saisie en second123.
46244. A l'opposé, le texte même de la Convention de Bruxelles dans son article 22 (devenu l'article 28 du réglement de Bruxelles I) semblait encadrer strictement la connexité. Ainsi la faculté de se dessaisir ou de surseoir à statuer, en cas de demandes connexes portées devant les juridictions de deux États membres, n'est offerte qu'à la juridiction saisie en second124. Surtout, à suivre la lettre de l'article 22 alinéa 3 de la Convention (reprise par le règlement de Bruxelles I), la définition de la connexité retenue pouvait paraître particulièrement étroite : "sont connexes, au sens du présent article, les demandes liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément". Au regard du risque que l'exception de connexité communautaire se propose de prévenir – l'inconciliabilité de décisions – l'exception adoptée peut être qualifiée d'exception de connexité renforcée.
47245. Mais la jurisprudence française, en s'affranchissant de la connexité fondée sur l'intérêt d'une bonne justice de l'article 101 du Nouveau Code de procédure civile, et la jurisprudence européenne, s'affranchissant quant à elle de la connexité renforcée prévue littéralement par l'article 22 de la Convention, adoptent aujourd'hui une voie moyenne, et s'accordent à faire jouer la connexité internationale en cas de risque de contrariété de décisions non nécessairement inconciliables.
B. L'exception de connexité, remède au risque de contrariété de décisions
48246. Dès les années 1980, un litige international soumis aux juridictions françaises fournit à la Haute juridiction l'occasion d'exprimer sa faveur envers la réception d'une exception de compétence internationale, fondée sur le risque de contrariété de décisions, en dehors même de toute exception de connexité soulevée par les parties.
49247. Une société de droit suisse, Progress Aviation, prétendait être victime d'un acte dommageable commis par les compagnies américaines Republic et Garett, du fait de la vente d'un Boing 707 à la République populaire du Congo en violation de la clause d'exclusivité du contrat les liant. Elle assigna ces compagnies devant une juridiction de l'État du Minesota, où la compagnie Republic avait son siège. Deux ans plus tard, en juillet 1984, sentant probablement que l'instance pendante devant les juridictions américaines tournait à son désavantage, Progress Aviation cédait ses droits litigieux à une société française – Europe Aéro Service, siégeant à Perpignan. Dès août 1984, cette dernière signifiait aux sociétés américaines une ordonnance du président du tribunal de commerce de Perpignan l'autorisant à les assigner à l'audience du 11 septembre 1984. Par jugement du 4 décembre 1984, le tribunal de commerce de Perpignan se reconnaissait compétent, et condamnait les sociétés américaines au paiement des dommages-intérêts. Mais sur appel, la Cour de Montpellier relevait une fraude à la loi américaine de compétence, et se déclarait incompétente sur la base de l'article 14 du Code civil. Saisie à son tour, la Cour de cassation rejetait le pourvoi formé contre cette décision, par arrêt du 20 novembre 1987125. A cette fin, la Cour suprême relevait que "le cessionnaire français d'une créance n'est pas en droit de se prévaloir des dispositions de l'article 14 du Code civil lorsque cette créance fait l'objet d'un litige devant un tribunal étranger saisi par le cédant, ou dont le cédant a accepté la compétence" ; elle notait d'autre part "que par ce seul motif l'arrêt attaqué est légalement justifié indépendamment de celui justement énoncé par la Cour d'appel, selon lequel la cession de créance consentie par la société Progress à la société Aero Service tendait à créer frauduleusement les conditions d'application de l'article 14 précité". Ainsi la Haute juridiction prenait soin de souligner l'exactitude du motif de fraude à la juridiction compétente retenu par la Cour d'appel ; néanmoins elle procédait à une substitution de motifs en se référant principalement à l'existence d'un lien d'instance à l'étranger. M. Loquin, annotateur de l'arrêt, remarquait que le fondement de la solution donnée par l'arrêt résidait dans le régime de l'action en justice et du lien d'instance126, plutôt que dans un accord d'élection de for implicite127 et artificiel. Dans sa thèse consacrée à la saisie-arrêt en droit international privé, M. Ameli reprenait ces observations et précisait ceci : pour admettre que l'intance étrangère "constitutive d'un véritable lien juridique entre les litisconsorts"128 "puisse fonder une restriction à la compétence du juge français, il faut avant toute chose que le juge français reconnaisse la situation de fait que constitue l'existence de l'instance étrangère"129. Aussi, selon cet auteur, fallait-il voir dans cette décision de la Cour de cassation la volonté du juge suprême de s'acheminer vers une solution qui prend en considération l'instance étrangère en cours, en tant que clause d'exception à la compétence internationale française130. Toutefois, l'arrêt visant à écarter le jeu particulièrement choquant en l'espèce du privilège de l'article 14 du Code civil, on pouvait hésiter à lui reconnaître une telle portée générale131.
50248. Aussi l'arrêt du 22 juin 1999, par lequel la Cour de cassation a accueilli, dans des attendus dépourvus d'ambiguïté, l'exception de connexité internationale, a-t-il le mérite de dissiper les doutes préalablement formulés132. La cour affirme en effet que "l'exception de connexité internationale peut être admise aux seules conditions que deux juridictions relevant de deux États différents soient également et compétemment saisies de deux instances en cours, faisant ressortir entre elles un lien de nature à créer une contrariété". La cour pose ainsi trois conditions à l'accueil de l'exception de connexité internationale. Tout d'abord, les deux instances doivent être pendantes devant les tribunaux français et étranger. On a donc pu remarquer qu'il n'était pas "question de faire de la connexité un cheval de Troie du forum non conveniens dans son intégralité"133 : le juge français ne peut se dessaisir au profit d'un juge étranger non encore saisi, même lorsque ce juge étranger paraîtrait mieux placé pour connaître du litige. Ensuite, les juridictions française et étrangère doivent avoir été compétemment saisies. Cette compétence doit être appréciée au regard des règles respectives de compétence internationale directe des juridictions en question. Quoique l'arrêt n'en dise mot, le juge francais doit encore s'assurer que la décision étrangère sera apte à recevoir effet en France. Ici, comme en matière de litispendance, les difficultés relatives à ce pronostic doivent conduire le juge français à surseoir à statuer et non pas à se dessaisir, aussi longtemps que la décision étrangère n'a pas été rendue134. Enfin, la Cour de cassation exige entre les deux instances un lien de nature à créer un risque de contrariété de décisions ; autrement dit elle semble exiger plus qu'un lien répondant aux intérêts d'une bonne justice, mais moins qu'un lien de nature à créer un risque de décisions inconciliables.
51249. Paradoxalement, l'exception de connexité internationale reçue en droit commun serait apparue plus libérale que celle reçue en droit conventionnel, si la Cour de justice des communautés européennes n'avait été amenée à en préciser le sens.
52Interrogée par la Court of Appeal, la Cour de justice dans un arrêt rendu le 6 novembre 1994135, commence par rappeler que la notion de connexité définie à l'article 22 doit être interprétée de manière autonome. Elle indique ensuite que l'objectif de cette disposition est d'éviter des contrariétés de décisions et d'assurer une bonne administration de la justice de la Communauté. Elle en déduit qu'afin de satisfaire cet objectif, cette interprétation doit être large et comprendre tous les cas où il existe un risque de contrariété de solutions, même si les décisions peuvent être exécutées séparément136. Enfin la cour prend soin de réfuter l'argument tiré de l'adjectif "inconciliables", qui figure tant à l'article 22 alinéa 3 qu'à l'article 27 point 3 de la Convention137. En effet, dans sa décision Hoffmann du 4 février 1988138, la Cour avait précisé le sens de ce terme employé à l'article 27, et indiqué qu'il qualifiait des décisions dont les conséquences juridiques s'excluent mutuellement. Pour s'opposer à l'extension de cette interprétation à l'article 22 alinéa 3, la cour rappelle que les objectifs des deux dispositions sont différents. L'article 27 point 3 de la Convention ouvre la possibilité au juge, par exception aux principes et aux objectifs de la Convention, de refuser la reconnaissance d'une décision étrangère. Aussi bien n'est-il autorisé à le faire qu'en présence de décisions dont les conséquences juridiques s'excluent mutuellement. En revanche, l'article 22 alinéa 3 vise à réaliser une meilleure coordination de l'exercice de la fonction judiciaire, et à éviter l'incohérence et la contradiction des décisions, même si ces dernières peuvent recevoir une exécution séparée139.
53250. Il convient pour finir de s'interroger sur la réalité de la portée pratique d'un choix en faveur d'une interprétation ou d'une autre dans la question débattue devant la cour. A l'examen, l'apport de l'arrêt du 6 novembre 1994 réside moins dans l'opposition affirmée entre l'inconciliabilité de l'article 27 3 et la contrariété simple de l'article 22 alinéa 3, que dans l'opposition explicitée entre l'article 27 3 – instrument de sanction d'une inconciliabilité réalisée, et l'article 22 alinéa 3 – élément de prévention d'un risque de contrariété. L'appréciation de la connexité, il faut en effet y insister, est un acte de prévision. Or, le critère tiré de l'inconciliabilité des décisions à raison du contenu de leurs dispositifs140 apparaît, du fait de son degré de précision, mal adapté à un tel acte. Après avoir rappelé que selon le Robert, deux principes sont inconciliables lorsqu'ils s'excluent l'un l'autre, tandis que deux propositions contradictoires sont deux propositions opposées, Mme Contamine-Raynaud indique : "si l'on compare ces deux définitions, on peut constater que la contrariété s'attache à la cause et l'inconciliable à la conséquence"141. Retenir pour critère le risque de contrariété de décisions, c'est donc s'en tenir à ce seul aléa. Retenir pour critère le risque de décisions inconciliables, c'est ajouter à l'aléa précédent celui de l'inconciliabilité. Le choix de la seconde solution s'impose alors d'autant moins que les causes susceptibles d'engendrer ces risques et de déclencher le jeu de l'exception sont les mêmes ; à savoir l'identité totale ou partielle de la matière litigieuse soumise à deux juridictions différentes. Qui peut le plus peut le moins. L'exception de connexité internationale, appelée à jouer en cas de risque de contrariété de décisions, prévient nécessairement les dénis de justice engendrés par des décisions contraires inconciliables. Le risque de contrariété de décisions peut ne pas se réaliser, ou bien encore il peut se réaliser sans que les décisions soient inconciliables. Peu importe, le déni de justice est en tout cas prévenu142.
54251. En droit international privé, le juge peut être conduit, pour éviter une carence judiciaire, à étendre sa compétence à la connaissance d'un litige qui lui échappait, ou à l'inverse, pour éviter une contrariété de décisions, à se dessaisir au profit d'un juge étranger. Ce faisant, il prend en compte les circonstances liées à l'internationalité du litige, qui pourraient priver les justiciables de l'effectivité de leur droit à un jugement.
55La faveur donnée par la jurisprudence française à ces orientations offre un contraste saisissant avec la tendance du juge à négliger, dans l'exercice de son office, la dimension internationale du litige et par là même à méconnaître l'obligation, qui lui est faite, de trancher le litige en application de la règle de droit adéquate, sous peine de déni de justice.
Notes de bas de page
1 V. supra, n° 2.
2 M.-A. FRISON-ROCHE, op. cit., n° 23.
3 Ibid.
4 CEDH, 21 fév. 1975, Golder, précit.
5 Sur le droit à un procès équitable, v. not. Rép. pr. civ., "Convention européenne", par G. COHEN JONATHAN ; L. SINOPOLI, Le droit au procès équitable..., thèse précit. ; BERGER, Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, Sirey, 1995 ; G. COHEN JONATHAN, La Convention européenne des droits de l'homme, Economica, 1988 ; du même auteur, "Conclusions générales des nouveaux développements du procès équitable...", précit. ; DELMAS-MARTY, "Vers une autre logique", D. 1988, chr. 221 ; J. NORMAND, Rev. trim. dr. civ., 1993. 874 ; P. MAYER, "La Convention européenne des droits de l'homme...", et "Droit au procès équitable...", art. précit. Sur le droit d'accès à un tribunal v. M.-A. FRISON-ROCHE, "Principes et intendance dans l'accès au droit et l'accès à la justice", J.C.P. 1997. I. 4051.
6 Décision n° 96-373 du 9 avr. 1996, Statut de la Polynésie française, A.J.D.A., p. 371 et s.
7 En ce sens, v. B. ANCEL et Y. LEQUETTE, G.A., op. cit., commentaire sous l'arrêt Bachir, n° 45 &9. Ces auteurs relèvent : "Tout au plus ces exigences (celles promues par les conventions) présentent un intérêt propre lorsque la question surgit dans le cadre de l'application d'instruments internationaux ou communautaires. Certains d'entre ceux-ci n'ont pas pris la précaution d'appeler au nombre de leurs conditions de régularité le principe du respect des droits de la défense (ou de la demande...) [...] La prise en compte des droits fondamentaux assurerait alors la réintroduction des exigences de l'ordre public procédural au sein de ces instruments." V. infra n° 219.
8 V. le décret du 26 oct. 1849, qui fonde la compétence du Tribunal des conflits en cas de conflit négatif entre les deux ordres de juridiction administratif et judiciaire, afin de forcer la compétence de l'un d'entre eux.
9 V. Tribunal des conflits, 27 fév. 1995, Tourangelle d'exploitation de marques Stem Turone, D. 1995. I. R. III ; Cass. civ. 1ère, 11 fév. 1986, Bull. civ. I, n° 19, p. 16 : "ces deux décisions sont inconciliables en ce que, par leur rapprochement, elles aboutissent à un déni de justice…" ; C.E., 12 fév 1990, Commune de Bain-de-Bretagne, Rec. CE., p. 33 ; G.P. 1990, I, p. 263.
10 V. supra, n° 88 et s.
11 V. en ce sens H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op. cit., t. II, n° 674-I ; Y. LOUSSOUARN et P. BOUREL, op. cit., n° 452 in fine ; P. LAGARDE, "Le principe de proximité...", cours précit., p. 137.
12 V. en ce sens FRANCESCAKIS note R. 1963, 394 ; H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op. cit., p. 173 ; P. MAYER et V. HEUZÉ, Droit international privé, n° 288 ; D. HOLLEAUX, J. FOYER et G. de GEOUFFRE de LA PRADELLE, op. cit., n° 726 ; D. HOLLEAUX, thèse précit., n° 9 et 145 ; A. SINAY-CYTERMANN, L'ordre public en matière de compétence judiciaire internationale, Thèse dactyl., Strasbourg, 1980, n° 312 et s.
13 A. HUET, op. et loc. cit.
14 V. par ex. Paris, 27 juin 1948, R. 1949. 339 ; Cass. civ., 17 janv. 1950, D. 1950, p. 263, R. 1952. 108, note LOUSSOUARN ; Paris, 10 nov. 1960, J. 1961, 426, note PONSARD ; Paris, 23 déc. 1960, G.P. 1961, 396, R. 1962. 339, note BELLET ; T.G.I. Paris, 1er oct. 1976, R. 1977. 535, note HUET, J. 1977. 879, obs Ph. KAHN ; Cass. civ. 1ère, 13 avr. 1985, Intercontinental, R. 1986. 694, note H. BATIFFOL.
15 Dijon, 7 avr. 1887, J. 1888. 87.
16 Il ne doit s'agir, rappelons-le, que d'incompétence et non pas de défaut de pouvoir (V. 1ère partie, Titre 2, Ch. 2). Tel est le cas si le défendeur étranger assigné en France bénéficie d'une immunité de juridiction ; v. en ce sens P. LAGARDE : "Si le risque de déni de justice à l'étranger peut, dans certaines hypothèses exceptionnelles, constituer un chef complémentaire de compétence internationale des tribunaux français, il ne peut en aucun cas faire fléchir une règle par laquelle le droit français interdit aux tribunaux français de connaître d'un litige", note R. 1984. 347. Dans l'hypothèse contraire d'action dirigée contre l'État français, la compétence française, qui évite que l'action ne se heurte à l'immunité de juridiction dont bénéficierait l'État français devant un tribunal étranger, ne doit pas être plus rattachée au déni de justice. Non seulement les juridictions françaises sont compétentes, mais elles sont exclusivement compétentes ; contra v. A. HUET, J. -Cl. dr. int., Fasc. 581-21 n° 89 visant TGI Seine, référé, 1er fév. 1966, J. 1967. 100, obs. KAHN (la décision citée ne vise à aucun moment le déni de justice et exprime au contraire très clairement la compétence exclusive des tribunaux français : "en vertu du principe de l'immunité de juridiction il est impossible d'assigner l'État français, défendeur au présent procès, devant une autre juridiction qu'une juridiction française").
17 Il est unanimement admis que la question de savoir s'il existe ou non un juge étranger compétent est gouvernée par les règles de compétence directe des pays étrangers concernés (v. Ph. FRANCESCAKIS, note R. 1949. 569 ; D. HOLLEAUX, thèse précit., n° 9 et133 ; A. SINAY-CYTERMANN, thèse précit., n° 322 ; Ph. THÉRY, thèse précit., n° 454). En outre, comme le souligne M. HUET : "il n'est pas nécessaire que les règles étrangères désignent les tribunaux français, car la compétence de ceux-ci est un remède au déni de justice, et non la suite d'un renvoi de compétence", J.-Cl. dr. int., art. précit., n° 96. Sur ce point v. A. SINAY-CYTERMANN, thèse précit., n° 324 ; J. -Cl dr. int., Fasc. 581. 10 ou civ. Art. 14 et 15, Fasc. 10.
18 Sur tous ces points, v. notamment A. SINAY-CYTERMANN, thèse précit., n° 312 et s.
19 En ce sens v. P. MAYER, Droit international privé ; adde B. ANCEL et Y. LEQUETTE, op. cit., commentaire sous Cass. civ. 1ère, 17 déc. 1985, Cie des Signaux : "chaque État étant seul maître de sa compétence, aucun État ne peut prétendre régler la compétence des organes d'un autre État. Partant, la seule loi qui ait vocation à admettre ou à refuser, dans son principe, l'extension ou la restriction conventionnelle de la compétence des tribunaux d'un État est celle de cet État".
20 En ce sens, déduisant cette consultation d'office de la règle étrangère de compétence de l'article 92 NCPC, v. A. SINAY-CYTERMANN, thèse précit., n° 321 et s. Cet auteur souligne que, en accordant au juge le pouvoir de soulever d'office son incompétence, non seulement quand le défendeur fait défaut mais même quand il comparaît, en cas de violation d'une règle de compétence d'ordre public, l'article 92 NCPC augmente le nombre des cas d'incompétence des tribunaux français, c'est-à-dire le nombre d'hypothèses où la première condition du déni de justice se vérifie. Mais alors, "l'article 92 engage en conséquence les tribunaux français à la vérification de la deuxième condition relative à l'incompétence étrangère".
21 En ce sens v. KAUFMANN-KOHLER, La clause d'élection de for dans les contrats internationaux, Bâle 1980, p. 44-45, 61 ; B. ANCEL et Y. LEQUETTE, op. cit., p. 567 ; contra v. A. SINAY-CYTERMANN, thèse précit., n° 323 : pour cet auteur le juge français doit retenir sa compétence sur le fondement du déni de justice en raison du refus de la jurisprudence de consacrer la théorie du cumul des lois pour l'appréciation de la validité de la clause préconisée notamment par H. GAUDEMETTALLON, La prorogation volontaire de juridiction en droit international privé, Paris 1969, n° 57. L'argument tombe en partie si l'on observe qu'en cas d'élection, le juge français n'apprécie la validité de la clause qu'au regard de la loi française (v. KAUFMANN-KOHLER, op. et loc. cit.). En outre, en cas d'exclusion, il s'agit moins pour le juge français d'appliquer la loi étrangère pour apprécier la validité de la clause que de prendre en considération cette loi pour constater l'inefficacité de la clause. Subordonner la validité de la dérogation à la compétence initiale acquise des tribunaux français à l'efficacité de la clause, c'est simplement instituer comme limite au principe de l'admissibilité des clauses d'élection de for, l'absence de déni de justice.
22 Sur l'intérêt de la distinction de ces deux types d'impossibilité, du point de vue de la responsabilité internationale d'un État signataire de la CEDH, v. L. SINOPOLI, thèse précit.(v. spéc. n° 394). Pour cet auteur, le refus de prendre en compte l'impossibilité de droit pour le demandeur de saisir un juge étranger est susceptible de réaliser une violation indirecte de l'article 6, alors que le refus de considérer une impossibilité de fait réalise une violation directe de la convention.
23 Note sous Cass. ch. mixte, 28 juin 1974, J. 1975-80, spéc. p. 93. La proposition de D. Holleaux était énoncée relativement au contrat de travail. Mme SINAY-CYTERMANN a suggéré qu'en toutes matières, le risque de déni de justice découlant de l'acceptation d'un for éloigné par une partie soit analysé comme une remise en cause de la validité de cette acceptation.
24 Parce qu'il retient du déni de justice une conception particulièrement étroite, M. GUEZ dans sa thèse, L'élection de for en droit international privé (Paris X-Nanterre, 2000), a proposé récemment d'assurer la protection de la partie faible en matière d'élection de for à partir de la notion de droit d'accès à la justice. Si cet auteur s'était contenté de suggérer la substitution de la violation du droit d'accès à la justice au risque de déni de justice, en tant que tempérament à l'admissibilité des clauses d'élection, cette proposition nous aurait simplement conduit à rappeler qu'à notre sens, la violation du droit d'accès à la justice constitue une simple facette du déni de justice. Mais, voulant tirer les conséquences de la consécration de l'accès à la justice comme droit fondamental protégé par la Conseil constitutionnel, et garanti par la Convention européenne des droits de l'homme, l'auteur avance : "La démonstration, que nous proposons de conduire, est pourtant différente. Notre démarche consiste, en effet, à inverser l'ordre des facteurs. Il ne s'agit pas d'affirmer un principe de licéité des accords d'élection de for qui serait ensuite limité en cas d'atteinte avérée à l'accès à la justice de la partie faible mais, au contraire, de partir de la notion même d'accès à la justice pour élaborer le champ d'intervention de la volonté individuelle" (n° 214). M. GUEZ propose ainsi d'élaborer à partir de la notion de droit d'accès effectif à un tribunal, "une typologie des situations dans lesquelles un accord d'élection de for serait admissible ou non". Il est ainsi conduit à suspecter systématiquement les accords d'élection de for conclus par une partie faible, sauf ceux conclus après la naissance de la contestation et ceux passés en faveur de la partie faible (sur tous ces points v. n° 214 et s.). Cette démarche nous semble contestable, tant en raison de sa sévérité affichée à l'encontre des accords d'élection conclus par une partie faible précisément identifiée (consommateur-salarié), qu'en raison de son libéralisme à l'égard de l'ensemble des autres clauses d'élection. Pour les premiers, la solution préconisée est trop attentatoire au principe de la liberté des conventions posé par l'article 1134 du Code civil, dont la valeur et la portée sont aussi fortes, sinon plus fortes, dans l'ordre international que dans l'ordre interne. Il n'y a donc lieu de repousser, après examen, que les accords d'élection de for qui exposent concrètement, effectivement la partie faible à un risque de déni de justice (la violation du droit d'accès à la justice doit être avérée). Mais alors, pour les secondes, on ne comprend pas pourquoi la solution précédemment énoncée (admissibilité des clauses d'élection de for sauf violation du droit d'accès à la justice) ne devrait pas leur être également appliquée, puisque le droit d'accès à la justice est reconnu à tout plaideur, qu'il soit dans une situation de faiblesse ou non.
25 Sur l'urgence, v. notamment A. HUET, J.-Cl. dr. int., Fasc 581-21, n° 64 ets. ; A SINAY-CYTERMANN, thèse précit., n° 290 et s.
26 En ce sens, v. A. SINAY-CYTERMANN, n° 311.
27 Cass. civ., 21 juin 1948, Patino, précit.
28 Mme MUIR WATT souligne qu'il existe aujourd'hui au regard de la Convention européenne des droits de l'homme, et plus particulièrement de l'article 6 & 1, une obligation à la charge des États contractants de faire du déni de justice un chef de compétence résiduel (v° "Droit international et procédure civile", Répertoire de procédure civile Dalloz, 1995, n° 19). En ce sens, le droit français est donc conforme à la Convention.
29 V. supra les arrêts précit., n° 211 note 3.
30 V. A. HUET, J.-Cl. dr. int., Fasc. 581.21 n° 91 ; A. SINAY-CYTERMANN, thèse précit., n° 317 et s.
31 Précit.
32 Précit.
33 Précit.
34 Sur l'exigence d'une certaine attache de la demande avec la France v. infra, n° 218.
35 Précit.
36 A. SINAY-CYTERMANN, thèse précit., n° 311 ; on a vu que seule séparait ces deux chefs de compétence l'étendue de la compétence reconnue résiduellement au juge, v. supra, n° 224.
37 Précit.
38 A. SINAY-CYTERMANN, thèse précit., n° 34.
39 V. B. ANCEL et Y. LEQUETTE, op. cit., commentaire sous Cass. civ. 1ère, 19 nov. 1985, Soc. Cognacs ans Brandies from France c. Soc. Orliac.
40 En ce sens, v. B. ANCEL et Y. LEQUETTE, op. et loc. cit. ; comp. P. BOUREL, qui propose de limiter le jeu de cet article au cas où l'une des parties serait de nationalité française (J.-CL. dr. int., Fasc. 548-4, n° 7). Contra v. D. HOLLEAUX, J. FOYER et G. de GEOUFFRE de La PRADELLE, op. cit, n° 1268 ; adde P. LAGARDE, pour qui "ce serait assurément raisonnable, mais le texte ne le dit pas et la construction est contraire à la séparation de principe de la compétence internationale ordinaire et de celle fondée sur la nationalité française des parties" ("La loi du 6 février 2001 relative à l'adoption internationale : une opportune clarification", R. 2001, 275, spéc. note 22).
41 V. pour faits de guerre Paris, 20 déc. 1941, G.P. 1942. I. 230 ; Cass. civ., 17 janv. 1950, R. 1952. 108, note Y. LOUSSOUARN; Nancy, 26 oct. 1943, R. 1947. 97, note NIBOYET; Montpellier, 26 oct. 1955, R. 1956. 487, note FRANCESCAKIS. V. également pour un émigré menacé de mort dans son pays d'origine : Aix, 31 mai 1923, J. 1924. 104. V. enfin pour éloignement du for compétent : T. com. Rouen, 10 janv. 1955, DMF 1955. 544. En faveur de l'admission du déni de justice comme tempérament à la validité des clauses attributives de juridiction, quand le for élu en raison de son éloignement prive en fait une des parties de son droit d'accès à la justice, v. en matière de contrat de travail D. HOLLEAUX, note J. 1975. 93 et en toutes matières A. SINAY-CYTERMANN, thèse précit., n° 358 et s. On notera que l'arrêt Pordea, rendu par la Cour de cassation le 16 mars 1999 (Rev. gén. proc. 1999-747, obs. H. MUIR WATT, R. 2000. 224, chr. G. DROZ, p. 181 et s., J. 1999-774, obs. A. HUET, au visa des articles 27.1 de la Convention de Bruxelles de 1968 et de l'article 6.1 de la CEDH), suggère la possibilité d'assimiler à l'avenir l'exigence d'une caution judicatum solvi excessive à une impossibilité de fait de saisir le juge étranger.
42 V. supra, n° 214.
43 A. PONSARD, notes J. 1961. 426 et R. 1970. 309.
44 A. SINAY-CYTERMANN, thèse précit., n° 326 et s.
45 J. 1977, p. 879 obs. Ph. KAHN.
46 Thèse précit., n° 327.
47 En ce sens v. A. PONSARD, note précit., R. 1970, p. 309 ; NIBOYET, note sous Nancy, 26 oct. 1943, R. 1947, p. 97.
48 NIBOYET, Traité, n° 818. À défaut des articles 14 et 15 du Code civil, il conviendrait d'ajouter à la liste la nationalité française d'une des parties.
49 Comp. A. HUET, note précit., R. 1977. 540.
50 Devenue le réglement de Bruxelles I du 22 décembre 2001. V. G.A.L. DROZ et H. GAUDEMET-TALLON, "La transformation de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 en réglement du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale", R. 2001.596.
51 V G. DROZ, op. et loc. cit. ; adde P. LAGARDE note sous TGI Paris, réf., 7 juin 1974, R. 1974. 696, et J.-M. BISCHOFF note sous Cass. civ. 1ère, 20 nov. 1974, R. 1975. 688, spéc. p. 675.
52 G. DROZ, op. et loc. cit. ; adde P. LAGARDE note sous TGI Paris, réf., 7 juin 1974, R. 1974. 696, et J.-M. BISCHOFF note sous Cass. civ. 1ère, 20 nov. 1974, R. 1975. 688, spéc. p. 675.
53 Cass. civ. 1ère, 3 fév. 1987, R. 1987. 617, note P.-Y. GAUTIER ; J. 1988. 135, obs. A. HUET.
54 En ce sens v. P.-Y. GAUTIER note sous l'arrêt précit.
55 CJCE, 28 mars 2000, R. 2000. 493 note H. MUIR WATT. Contre une telle absorption des droits de l'homme, dont le droit à un procès équitable, par l'exception d'ordre public international, v. L. GANNAGE, thèse précit., spéc. n° 329 et s. ; L. SINOPOLI, thèse précit., spéc. n° 323 et s.
56 devenu l'article 34.2 du réglement de Bruxelles I du 22 décembre 2001. V. pour une solution analogue consacrée par la Cour de cassation française : Civ. 1ère, 16 mars 1999, Pordea, précit.
57 J.-M. BISCHOFF, note R. 1975. 678. Dans le même sens, v. Ph. FRANCESCAKIS, note sous Paris, 10 nov. 1959, R. 1960. 218 ; A. PONSARD, note sous le même arrêt, J. 1960. 792 ; D. HOLLEAUX, note J. 1976. 149, P. BELLET, note JCP 1960. II. 11716, A. HUET, note sous Cass. civ. 1ère, 3 fév. 1987, précit. ; H. GAUDEMETTALLON, note R. 1977. 339, ; A. SINAY-CYTERMANN, thèse précit., n° 334 et 342 ; P.-Y. GAUTIER, note précit.
58 Paris, 10 nov. 1959, précit.
59 Ord. sur req., 28 sept. 1959, R. 1959. 505, note FRANCESCAKIS.
60 En ce sens v. P. MAYER et V. HEUZÉ, Droit international privé, n° 288 note 18 ; A. PONSARD, J. 1975. 99, note précit.
61 A. SINAY-CYTERMANN, thèse précit., n° 331.
62 En ce sens v. D. HOLLEAUX, note sous Paris 16 déc. 1974, J 1976, p. 146, spéc. p. 149.
63 Sur la distinction entre principes de justice universelle et principes ou règles d'ordre public de type politique, v. infra, n° 284 et s.
64 Sur ces principes qui évoquent le noyau dur des droits de l'homme (droit à la vie, droit de ne pas être torturé, droit de ne pas être réduit en esclavage et droit à la non-rétroactivité de la loi pénale), v. F. SUDRE, Droit international et européen des droits de l'homme, 4è éd., P.U.F., Collection droit fondamental, 1999, n° 119 et s.
65 R. LIBCHABER, "L'exception d'ordre public en droit international privé" in L'ordre public à la fin du XXème siècle, Dalloz 1996, p. 65.
66 H. BAUER, thèse précit., n° 133.
67 Paris, 29 juin 1968, R. 1970. 298, note A. PONSARD ; J.C.P. 1969. II. 15845, concl. SOULEAU.
68 A. PONSARD, note précit., spéc. p. 309 ; v. dans le même sens P. MAYER, Droit international privé, n° 793. Cpr. en matière de divorce Ph. FRANCESCAKIS et H. GAUDEMET-TALLON, J. -Cl. dr. int. fasc. 547 B n° 50 et J. -Cl. dr. int. Fasc. 547 A n° 63 : "l'impossibilité d'obtenir un divorce à l'étranger pourrait être assimilée à un déni de justice et les tribunaux français pourraient être compétents dès lors que l'époux qui a pris l'initiative de la demande résiderait en France".
69 Contra H. BAUER, op. et loc. cit.
70 Conformément à la distinction qui sera ultérieurement admise et approfondie, entre le jeu des principes généraux d'ordre public et celui des règles particulières d'ordre public (v. infra n° 288), pour que les tribunaux français se reconnaissent compétents sur la base d'un for de police la méconnaissance d'un principe général d'ordre public par le juge étranger devrait être établie. Pour une illustration en droit judiciaire communautaire, v. l'arrêt rendu le 16 déc. 1974 par la cour d'appel de Paris dans l'affaire Halphen (J. 1975. 99 note A. PONSARD), lequel a refusé d'admettre, à l'encontre de la Convention de Bruxelles, l'existence d'une compétence française directe pour l'application des lois de police et de sûreté, et plus particulièrement des textes relatifs aux spoliations. Cet arrêt, qui vise à tort, selon nous, le déni de justice, relie correctement la compétence des tribunaux français au principe d'ordre public de protection des spoliés ; il laisse place à une loi étrangère organisant cette protection différemment de la loi française selon le motif suivant : "que malgré cette différence de législation, une protection sérieuse en faveur des spoliés existant en Hollande, les consorts HALPHEN ne peuvent se dire exposés à un déni de justice au cas où la compétence du juge hollandais serait admise". En revanche, en présence d'une règle particulière d'ordre public, la vérification préalable de sa violation par le juge étranger ne serait plus indispensable (contra v. l'arrêt précit. de la 1ère Ch. civ. de la Cour de cassation du 3 fév. 1987 : "attendu [...] que la conformité à l'ordre public international est étrangère à la détermination de la compétence internationale régie par la Convention de Bruxelles").
71 V H. BAUER, thèse précit., n° 134 ; D. HOLLEAUX, notes J. 1975. 98 et J. 1976. 149 ; T. civ. Seine, 1er déc. 1932, J. 1933. 84 concl. PICARD, note TAGER ; A. PONSARD, note J. 1975. 101. Contra v. J.-M. BISCHOFF, note précit. ; A. HUET, note J. 1988. 138 ; A. SINAY-CYTERMANN, thèse précit. n° 340 et 343 et s. ; P.Y. GAUTIER, note précit. ; G. DROZ, op. cit., n° 52 et 450. L'abandon du forum arresti suggère une nouvelle forme hybride de déni de justice combinant impossibilité de fait, de droit et refus de reconnaissance. "Obliger le demandeur à porter son action à l'étranger en lui impartissant qui plus est un délai très bref d'un mois, à peine de caducité, c'est en effet lui dénier parfois la possibilité d'obtenir justice. Rien ne garantit qu'il trouvera un juge étranger qui acceptera de connaître du litige au fond et de la trancher dans un délai raisonnable, et dont la décision satisfera aux conditions de régularité internationale, auxquelles la jurisprudence française subordonne l'octroi de l'exequatur" (B. ANCEL et Y. LEQUETTE, op. cit., commentaire sous les arrêts Nassibian et Strojexport, n° 59.60, & 11). Refuser d'abord la compétence des tribunaux français sur le fondement du forum arresti pour la retenir éventuellement ensuite du chef de déni de justice, n'apparaît pas nécessairement la voie la plus simple et la plus efficace (v. infra n° 336 et s.).
72 P. de VAREILLES-SOMMIÈRES, thèse précit., n° 368.
73 G. WIEDERKEHR écrit : "Ce qu'il y a d'essentiel dans la fonction de juger, c'est que le juge est complètement extérieur au litige [...] Ainsi l'indépendance et l'impartialité du juge ne sont pas de simples garanties de bonne justice, elles sont de l'essence même de la fonction du juge [...] La position du tiers qui est fondamentalement celle du juge explique aussi que la contradiction loin d'être un simple droit de la défense est l'âme même du procès. Celui-ci est la mise en oeuvre organisée d'une dialectique aristotélicienne avec répartition des rôles destinées à en assurer la pleine efficacité : une partie est chargée de collecter et de présenter tous les arguments pour, et l'autre contre, au juge revenant d'en faire la pesée et pour qu'il puisse le faire équitablement, il faut bien qu'il n'appuie pas sur l'un des plateaux et donc qu'il ne soit en rien, fut-ce de loin, impliqué lui-même dans l'affaire", "Qu'est-ce qu'un juge ?", Mélanges Perrot, 1996, p. 575, spéc. pp. 582 et 583.
74 Comp. l'explication donnée par Mme MUIR WATT de l'absence d'effet atténué en matière d'ordre public procédural : "Comme l'atteste l'absence d'atténuation de l'ordre public de procédure, les exigences de celui-ci constituent en quelque sorte la matrice des autres conditions de reconnaissance des jugements étrangers ; en l'absence de procédure loyale devant une instance indépendante et impartiale, il n'y a pas de décision juridictionnelle digne de ce nom" (note sous Cass. civ. 1ère, 3 déc. 1996, R. 1997, p. 328, spéc. p. 330). L'auteur affirme ailleurs : "la clef de la différence réside peut-être dans les fondements mêmes du régime de régularité internationale. Si le for renonce à statuer au fond, ou à réviser le jugement étranger, c'est à raison d'une présomption d'équivalence rendant la justice en matière de droit privé" ("Contre une géométrie variable des droits fondamentaux de la procédure", Rev. gén. proc. 1996, n° 4, p. 329, spéc. p. 338). L'ordre juridique français accepterait ainsi une différence des "solutions concrètes" (ibid) uniquement si la compétence du tibunal d'origine n'est pas excessive et si des garanties analogues à celles de la procédure française ont régi le débat judiciaire à l'étranger, "de sorte que l'équivalence des garanties procédurales représente en quelque sorte la matrice des autres conditions de régularité. Elle est la seule qui ne sache se passer de vérification par le juge de la reconnaissance (...) et ne puisse par ailleurs tolérer aucune relativité dans sa mise en oeuvre" (ibid). Encore faudrait-il que l'équivalence des garanties procédurales soit appréhendée à l'aune des seules exigences des principes de justice universelle procéduraux.
75 Comp. A. SINAY-CYTERMANN qui admet un domaine résiduel au déni de justice, mais le restreint aux hypothèses où la reconnaissance de la décision étangère est refusée en France pour violation à l'étranger des droits de la défense, thèse précit., n° 351 et s.
76 V. Cass. civ. 1ère, 16 mars 1999, Pordéa, précit. ; CJCE, 26 mars 2000, précit.
77 Il convient de souligner que la violation du droit à un procès équitable ne saurait être retenue dès que le jugement étranger ne répond pas aux règles précises déduites de ce principe (et imposées aux États contractants) par la Cour européenne des droits de l'homme. À force de précision, le droit perd nécessairement sa vocation à l'universalité. Aussi bien la Cour européenne des droits de l'homme n'impose aux États-parties de refuser l'exequatur à une décision qu'en cas de "déni de justice flagrant" (v. aff. Soering c. Royaume -Uni, CEDH, 7 juil. 1989, Série A, n° 161 ; aff. Drozd et Janousek c. Espagne et France, Série A, n° 240). Sur le droit à un tribunal impartial, v. V. MAGNIER, "La notion de justice impartiale", J.C.P. 2001.I.252. Cet auteur dénonce les dangers inhérents à l'adoption (sous l'influence de la Cour de Strasbourg) de la conception anglo-américaine de l'impartialité objective, dans l'arrêt Oury, rendu par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation le 5 février 1999. Elle suggère : "l'action de juger est universellement reconnue au juge. Elle lui impose de soumettre le préjugé à l'épreuve dialectique de la contradiction. Dialectique qui constitue le fondement de ce que Henri Motulsky appelait l'office du juge". C'est donc sur la base du débat contradictoire que l'on pourrait tenter de forger, à l'échelon européen, l'un des "principes communs d'organisation et de fonctionnement : ceux que la common law qualifie de principes de justice naturelle, c'est-à-dire ceux qui transcendent tous les particularismes techniques et nationaux et en l'absence desquels on ne saurait parler de justice" (B. OPPETIT, "Justice étatique et justice arbitrale" in Etudes P. Bellet, p. 422). Il convient de noter que l'arrêt rendu par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation le 24 novembre 2000 (Bull. civ., Ass. plén. n° 10) a mis un frein aux avancées de la conception anglo-américaine de l'impartialité objective ; elle y énonça le caractère subsidiaire des dispositions de l'article 6&1 de la Convention européenne au regard de celles de la procédure civile interne (v. B. BEIGNIER et C. BLERY, "L'impartialité du juge, entre apparence et réalité", D. 2001, p. 2427).
78 V. supra n° 194.
79 MM. CORNU et FOYER indiquent : "de cette règle, la meilleure justification a été proposée par le jurisconsulte Paul" (D., XLIV, 2,6). Montesquieu l'a énoncée en français : "le repos des familles et de la société toute entière se fonde non seulement sur ce qui est juste mais sur ce qui est fini", Procédure civile, op. cit., n° 139.
80 M. MAYER ajoute : "lorsque l'on ne cherche pas à exécuter le jugement étranger mais simplement à se prévaloir de la situation juridique qu'il consacre, on devrait seulement exiger qu'il soit revêtu de l'autorité de chose jugée : même provisoire, elle fonderait légitimement une exception de chose jugée à l'encontre d'une demande nouvelle formée en France sur le même litige, pour éviter le risque d'une contrariété de décisions" (Droit international privé, op. cit., n° 380).
81 Cass. civ. 1ère, 20 nov. 1974, R. 1975.668, note J.-M. BISCHOFF.
82 V. par exemple, Tribunal des conflits, 27 fév. 1995, Tourangelle d'exploitation de marques Stem Turone, D. 1995, I.R., III.
83 M. CONTAMINE-RAYNAUD, "L'inconciliabilité de jugements : de l'autorité judiciaire à la raison judiciaire", Mélanges P. Raynaud, p. 113.
84 Sur le recours spécifique organisé par l'art. 618 NCPC v. M. CONTAMINE-RAYNAUD, art. précit., P. JULIEN, "Remarques sur la contrariété des décisions de justice", Mélanges Hébraud, p. 493 ; J. BORE, La cassation en matière civile, éd. Sirey, 1980, n° 2015 et s. ; J. HERON, Droit judiciaire privé, éd. Monchrestien, 1991, n° 739 et s. ; C. PUIGELIER, note sous Cass. 2ème civ., 12 janv. 1994, JCP 1995. II. 22435 ; Th. LE BARS, note sous Cass. ass. plén., 29 nov. 1996, Sté. Chaumet et a.c /S.A. Béhar, JCP 1997. II. 22807 et s. Sur la distinction entre l'inconciliabilité et la contrariété de jugements, Mme Contamine-Raynaud précise : "Selon le Robert, deux principes sont inconciliables lorsqu'ils s'excluent l'un l'autre, tandis que deux propositions contradictoires sont deux propositions opposées. Si l'on compare ces deux définitions, on peut constater que la contrariété s'attache à la cause et l'inconciliable à la conséquence. Deux principes peuvent être inconciliables parce qu'ils sont contradictoires, mais ils peuvent être contradictoires sans être inconciliables", M. CONTAMINE-RAYNAUD, art. précit., n° 4.
85 Décision précit. La Cour de cassation se trouvait confrontée à une situation particulière, du fait qu'une des deux décisions attaquées émanait d'une juridiction pénale. Or comme l'indique Th. le Bars, l'applicabilité de l'article 618 du Nouveau Code de procédure civile, texte de droit judiciaire privé, apparaissait douteuse, "d'autant que ce texte est de nature réglementaire, alors que la procédure pénale relève du domaine de la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution de 1958", note précit., spéc. n° 12.
86 Th. le BARS, note précit., spéc. n° 14.
87 P. MAYER et V. HEUZÉ, Droit international privé, n° 434.
88 Sur l'origine historique de cette solution reçue par l'arrêt Patino, qui consiste à ériger l'exigence de compatibilité en condition de régularité internationale de la décision étrangère, v. B. ANCEL et Y. LEQUETTE, op. cit., commentaire sous les arrêts Patino, Civ. 1ère, 15 mai 1963.
89 V. MAURO, "Contrariété de jugements et inconciliabilité de jugements, Code de procédure et Convention de Bruxelles", G.P. 1980, I, Doctrine, p. 144. V. toutefois GOTHOT et HOLLEAUX, La Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, op. cit., n° 276 et s. : ces auteurs estiment qu'au cas où la décision de l'État requis est postérieure à celle dont la reconnaissance est en cause, il convient de trancher le litige en recourant à l'article 618 du Nouveau Code de procédure civile. On notera par ailleurs qu'en droit conventionnel, la condition d'identité de parties sanctionne une contrariété envisagée stricto sensu comme une opposition de chose jugée et non lato sensu comme une inconciliabilité ou contrariété simple. Sur ces distinctions v. infra, n° 245 et s.
90 P. MAYER et V. HEUZÉ, Droit international privé, n° 427.
91 V. pour l'exception de litispendance par ex. Req., 7 sept. 1808, S. 1808. I. 452 ; Civ., 1er déc. 1969, J. 1970. 707, note A. HUET ; Rec. gén. lois 1971. 205, obs. G. DROZ ; R. 1972. 84, note LUCAS ; Colmar, 9 déc. 1974, Sté Locautra, J. 1974. 534, note PONSARD, R. 1975. 504, note MEZGER et pour l'exception de connexité par ex. Alger, 15 oct. 1902, J. 1904. 895 ; Besançon, 13 aout 1986, J. 1907. 710, R. 1910. 404 ; adde les décisions citées par A. HUET, J. -CL. dr. int., Fasc. 581. 43, spéc. n° 20 et s., 42 et s. Pour la réfutation de cet argument v. not. B. ANCEL et Y. LEQUETTE, op. cit., commentaire sous l'arrêt Soc. Miniera di Fragne, Civ. 1ère, 26 nov. 1974 : "D'une part, le réglement des juges intervient au second degré et n'est pas toujours nécessaire car la décision du tribunal sur la litispendance n'est pas automatiquement contestée. D'autre part, la Cour d'appel dispose d'une autorité suffisante sur le juge français pour lui imposer le dessaisissement ou lui confirmer sa saisine".
92 V. not. D. HOLLEAUX, thèse précit., n° 153 et s. ; du même auteur, "La litispendance internationale", T.C.F.D.I.P. 1971-1973, p. 203 ; H. GAUDEMET-TALLON, "La litispendance internationale dans la jurisprudence française après la communication de D. Holleaux au comité français de droit international privé", Mélanges D. Holleaux, p. 128.
93 Cass. civ. 1ère, 26 nov. 1974, Sté Miniera di Fragne, J. 1975. 108, note PONSARD, R. 1975. 491, note D. HOLLEAUX ; B. ANCEL et Y. LEQUETTE, op. et loc. cit. ; pour une admission récente v. Cass. civ. 1ère, 8 juin 1999, R. 2000.35, note P. REMY-CORLAY, Répertoire Defrénois 2000, art. 37096, p. 105, obs. MASSIP.
94 Cass. civ. 1ère, 10 mars 1969, J. 1969. 659 note BREDIN; Cass. civ. 1ère, 20 oct. 1987, J. 1988. 446, note HUET ; pour une admission récente v. Cass. civ. 1ère, 22 juin 1999, R. 2000. 42, note G. CUNIBERTI.
95 V. H. GAUDEMET-TALLON, Les Conventions de Bruxelles et de Lugano, LGDJ, 2ème éd., 1996, n° 281 et s. ; GOTHOT et HOLLEAUX, La Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, Jupiter 1985, n° 217 et s. ; J. -Cl dr. int., Fasc 632 [3ème cahier].
96 J. HERON, Droit judiciaire privé, n° 887.
97 Comp. B. ANCEL et Y. LEQUETTE : "il faut relever que l'indifférence à la litispendance internationale, en raison de la diversité des organisations judiciaires et de la dimension du facteur géographique, favorise, au détriment du plaideur le moins fortuné, le plaideur le plus puissant et le plus chicanier", op. et loc. cit.
98 P. MAYER et V. HEUZÉ, Droit international privé, n° 445. Adde B. ANCEL et Y. LEQUETTE, op. et loc. cit.
99 À l'origine, la Convention prévoyait que la juridiction saisie en second lieu devait se dessaisir, ce qui aboutissait à une carence si le juge premier saisi se déclarait aussi incompétent.
100 CJCE, 8 déc. 1987, R. 1988. 370, note H. GAUDEMET-TALLON, J. 1988. 537, obs. A. HUET.
101 CJCE, 27 juin 1991, R. 1991. 764, note H. GAUDEMET-TALLON, J. 1992. 493, obs. A. HUET.
102 P. LAGARDE, "Le principe de proximité", cours précité. n° 157.
103 Décision précit.
104 CJCE, 6 déc. 1994, R. 1995. 588, note E. TICHADOU.
105 Décision précit., att. 41.
106 H. GAUDEMET-TALLON, R. 1988. 374, spéc. p. 376 et R. 1991. 769, spéc. p. 712 et s. ; A. HUET, J. 1988. 538, spéc. 542 et s. et J. 1991. 493, spéc. p. 494 ; M. EKELMANS, Revue de droit commercial belge 1989. 358, spéc. p. 361 et s. ; H. LINKE, Recht der internationalen Wirtschaft, 1988. 818, spéc. p. 824.
107 J. HERON, op. cit., n° 285.
108 Op. cit., n° 286.
109 Op. cit., n° 888.
110 CJCE, 19 mai 1998, J. 1999. 612, note A. HUET, R. 2000. 58, note G. DROZ.
111 V. Cass. com. 8 oct. 1996, R. 1996. 742 et le rapport REMERY.
112 Conclusion n° 15.
113 G. DROZ, note précit., spéc. p. 65.
114 Décision précit., attendu n° 19.
115 Op. et loc. cit.
116 J. HERON proposait de l'éviter encore à partir d'une approche structurale de la règle de droit : "De l'autorité de chose jugée relève la constatation des éléments du présupposé et leur correspondance à une règle de droit déterminée ; de l'efficacité substantielle relève l'affirmation du droit de l'auteur de la prétention à l'effet juridique de la règle", Droit judiciaire privé, n° 278.
117 L'identité des parties ne doit pas être entendue de façon trop stricte. En droit interne, la jurisprudence décide qu'en dehors des parties elles-mêmes, l'autorité de chose jugée lie encore les ayants cause universels ou à titre universel des parties, les créanciers chirographaires du débiteur partie au procès et les personnes considérées comme "représentées au procès" (sur tous ces points v. J. HERON, op. cit., n° 291 et s.). Il convient de se demander si l'arrêt de la CJCE ici critiqué n'entendait pas simplement renvoyer à une telle conception large de la notion de partie, à l'encontre de laquelle joue l'autorité de chose jugée pour circonscrire les hypothèses de litispendance, auquel cas la critique précédemment élevée tomberait.
118 Et du pourvoi pour inconciliabilité de décisions en droit interne ; la contrariété inconciliabilité est alors réalisée et constatée, alors que l'exception de connexité renforcée se fonde sur un risque d'inconciliabilité, qui peut ne pas se réaliser.
119 Sur tous ces points v. J. HERON, op. cit., n° 878 et 879.
120 Cass. civ. 1ère, 10 mars 1969, précit.
121 Décision précit.
122 Cass. civ. 1ère, 20 oct. 1987, précit.
123 En ce sens, v. P. MAYER et V. HEUZÉ, Droit international privé, n° 442 note 141.
124 Comme la connexité n'est pas un critère attributif de compétence, l'art. 22 al. 2 prévoit que le dessaisissement ne peut intervenir qu'à la demande de l'une des parties, à la condition que la loi du tribunal se dessaisissant permette la jonction d'affaires connexes, et que le tribunal premier saisi soit compétent pour connaître des deux demandes. L'art. 22 al. 2 pare ainsi au risque de voir la demande, objet du dessasissement, ne pas trouver de juge.
125 Cass. civ. 1ère, 24 nov. 1987, Société Aero Service c. Société Garett Corporation et autres, JCP 1989. II. 21201, note Ph. BLONDEL et L. CADIET ; R. 1988. 364, obs. G. DROZ ; J. 1988. 793, note E. LOQUIN.
126 V. E. LOQUIN, note précit. p. 799.
127 En ce sens v. G. DROZ, op. et loc. cit.
128 E. LOQUIN, op. et loc. cit.
129 F. AMELI, La saisie-arrêt en droit international privé, thèse dactyl., Paris I, 1990 ; n° 481.
130 Ibid. Estimant qu'il n'y avait pas d'obstacle à l'extension de la solution rendue par la Cour de cassation à tout chef de compétence autre que l'article 14 du Code civil, M. Ameli en préconisait notamment l'application en cas de saisie-arrêt pratiquée à l'étranger ou de procédure collective s'y déroulant, afin d'éviter le risque de double paiement du tiers saisi. L'auteur proposait ainsi d'assortir le prononcé de la validité d'une mesure de saisie-arrêt, d'une faculté pour le juge d'accorder la mainlevée dans la procédure de validation, quand, la saisie-arrêt comportant des incidences internationales, existe un risque sérieux de double paiement (thèse précit., n° 482). L'auteur suggérait en outre d'ériger la notion de déni de justice, chef de compétence subsidiaire en droit français, comme limite à l'incompétence du juge fondée sur le risque de contrariété de décisions. Reprenant l'hypothèse de la saisie-arrêt, M. Ameli relevait en effet qu'une déclaration d'incompétence du juge français dans la procédure de validation d'une saisie-arrêt, destinée à éviter un risque de double paiement du tiers saisi, pouvait en contrepartie "barrer la voie au créancier saisissant contre la mise à exécution de son titre" (thèse précit., n° 489) et réaliser à son endroit un déni de justice. L'auteur proposait alors de restreindre "le domaine du pouvoir discrétionnaire du juge de connaître si le for est propice pour prononcer la mesure de saisie-arrêt (...), au cas où l'absence de prononcé de la mesure de saisie-arrêt ne déboucherait pas sur un déni de justice" (thèse précit., n° 492) ; et il ajoutait que l'exigence requise par la jurisprudence française d'un lien entre le litige et le territoire français, pour retenir la compétence juridictionnelle sur ce chef, serait satisfaite. Le mécanisme décrit semble par trop compliqué. La clause d'exception destinée à prévenir un risque de déni de justice résultant d'une contrariété de décisions ne doit pas exposer les parties à une forme de déni de justice issue d'une carence judiciaire. Si ce dernier risque est démontré, le jeu même de la clause est entravé et point n'est besoin de recourir à une compétence subsidiaire fondée sur le déni de justice : la clause ne jouant pas, le juge français conserve sa compétence originelle. Si le risque n'est pas démontré (ou ne peut l'être parce qu'on ignore le contenu de la décision étrangère à venir), la prudence commande néanmoins au juge, qui accepte de faire jouer la clause, de surseoir à statuer.
131 Au moins conduisait-il à admettre que "l'existence d'un lien d'instance au jour de la cession de créance... confère à la situation qui en résulte une physionomie particulière ; en sorte que celui qui a pris l'initiative de créer un tel lien, ou qui l'a accepté, ne peut plus ensuite céder son droit d'action qui a été rendu indisponible par l'instance pendante et la liaison du contentieux devant le tribunal étranger" (Ph. BLONDEL et L. CADIET, note précit., n° 15). Depuis la réception en droit français d'une exception de connexité, l'arrêt conserve son intérêt, puisqu'en l'état actuel du droit positif, l'exception de connexité ne permettrait pas au juge français compétent sur la base de l'article 14 du Code civil de se dessaisir au profit du juge étranger.
132 La solution est d'autant plus remarquable qu'elle intervient dans un litige où la cour aurait pu frileusement et classiquement se retrancher derrière l'affirmation de l'incompétence des tribunaux français. Pour reconnaître l'existence d'une connexité, la Haute juridiction a en effet nécessairement admis en l'espèce que la juridiction française était compétente pour connaître de la validité d'une saisie pratiquée à l'étranger. Cette solution va à l'encontre d'une jurisprudence constante, aux termes de laquelle seul le juge du lieu de situation du bien, objet de la saisie, est compétent pour connaître de sa validité (Civ., 12 mai 1931, Cie française de navigation Cyprien Fabre, S. 1932. I. 137, note NIBOYET, D.P. 1933. I. 60 note SILZ, J. 1932. 387, note PERROUD ; Civ. 1ère, 6 nov. 1979, Nassibian, R. 1980. 588, note G. COUCHEZ, J. 1980. 95, rapport A. PONSARD ; B. ANCEL et Y. LEQUETTE, op. cit., n° 59 ; Civ. 1ère, 18 nov. 1986, Banque Camerounaise de développement, R. 1987. 772, note H. MUIR WATT). Sur ce revirement, v. note G. CUNIBERTI, précit. et supra, n° 202.
133 G. CUNIBERTI note précit., n° 4.
134 En ce sens, v. G. CUNIBERTI, note précit., n° 6.
135 Décision précit.
136 Att. 53.
137 Aujourd'hui aux articles 28. 3 et 34. 3 du réglement de Bruxelles I. L'article 34. 4 prévoit en outre le refus de reconnaissance de la décision rendue par un État membre si "elle est inconciliable avec une décision rendue antérieurement dans un autre État membre ou dans un État tiers entre les mêmes parties dans un litige ayant le même objet et la même cause, lorsque la décision rendue ultérieurement réunit les conditions nécessaires à sa reconnaissance dans l'État membre requis".
138 CJCE, 4 fév. 1988, Hoffmann, R. 1988. 598 note H. GAUDEMET-TALLON, J. 1989. 449, obs. A. HUET.
139 Att. 55. Il faut relever que le droit conventionnel apparaît toujours en retrait par rapport au droit commun sur un point : la Convention n'autorise que le juge saisi en second à se dessaisir au profit du juge saisi en premier.
140 Ou de leurs motifs décisifs. En ce sens, v. Th. le BARS, note précit., spéc. n° 22 et s.
141 Art. précit., spéc. p. 115.
142 Encore doit-on préciser que cette prévention ne serait parfaite que par la reconnaissance du pouvoir accordé au juge de soulever d'office l'exception de connexité.
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