Chapitre II. Une mémoire reconstruite : entre adoption et adaptation
p. 373-416
Texte intégral
SOUS-CHAPITRE I - UN RÉFÉRENT AMBIGU POUR LES PARLEMENTAIRES
1À partir du rétablissement officiel de leur droit de remontrances préalable à l’enregistrement, sous la Régence, les parlementaires vont accentuer leur lutte contre l’absolutisme monarchique1565en puisant notamment dans les ouvrages de Boulainvilliers pour justifier leurs revendications politiques. Cette récupération de la pensée de notre auteur n’est toutefois pas totalement uniforme. En effet, si le président Montesquieu partage avec lui une communauté d’esprit, le milieu parlementaire préfère n’utiliser que les arguments de Boulainvilliers qui se marient harmonieusement avec son idéologie ; les membres des cours souveraines sont ainsi conduits à instrumentaliser les thèses l’auteur.
SECTION I - BOULAINVILLIERS ET MONTESQUIEU : UNE COMMUNAUTÉ D’ESPRIT
§ 1 - Le jugement de Montesquieu
2Montesquieu, qui a lu Boulainvilliers1566, adopte à son égard une attitude marquée à la fois par une certaine attraction et par une non moins forte répulsion1567.
3C’est ainsi qu’à travers un jugement sans appel, porté dans ses Pensées, il le ridiculise complètement par une formule lapidaire : « on disait du comte de Boulainvilliers qu’il ne savait le passé, le présent, ni l’avenir : il était historien ; il avait une jeune femme ; il était astrologue »1568.
4Or, en même temps, Montesquieu semble éprouver une certaine admiration pour l’historien normand, comme en témoigne un passage très ambigu de son maître ouvrage, De l’esprit des lois dans lequel il affirme :
« comme son ouvrage est écrit sans aucun art, et qu’il y parle avec simplicité, cette franchise et cette ingénuité de l’ancienne noblesse dont il était sorti, tout le monde est capable de juger des belles choses qu’il dit, et des erreurs dans lesquelles il tombe. Ainsi, je ne l’examinerai point. Je dirais seulement qu’il avait plus d’esprit que de lumières, plus de lumières que de savoir ; mais ce savoir n’était point méprisable, parce que de notre histoire et de nos lois, il savait les grandes choses »1569.
5Ce jugement, fortement empreint de condescendance, tranche avec l’hostilité plus manifeste que le baron de la Brède témoigne envers Dubos, dont les thèses sont réfutées point par point. Cette ambivalence du sentiment de Montesquieu à l’égard de Boulainvilliers ne peut que laisser perplexe. Une explication peut être ici avancée en considérant ce que l’historien normand pouvait représenter au yeux de Président bordelais.
6Il est tout d’abord possible de le déduire en relevant ce qui les oppose de la façon la plus évidente. Ce que Montesquieu reproche à Boulainvilliers, c’est « de n’avoir point prouvé que les Francs avaient fait un règlement général qui mit les romains dans une espèce de servitude »1570. Il dénonce alors sa pensée, taxée d’être « une conjuration contre le tiers état »1571. Ainsi, Montesquieu ne voit en Boulainvilliers qu’un idéologue de la noblesse d’épée soucieux de castifier son ordre, et de n’en réserver l’accès qu’à l’ancienne noblesse. La seconde cause de rejet relève des revendications politiques antagonistes développées par ces deux auteurs. En effet, Boulainvilliers a mis en pièces les prétentions politiques parlementaires que Montesquieu, Président au Parlement de Bordeaux, défend1572.
7Mais, étant lui même d’ancienne noblesse, le parlementaire n’est pas imperméable à l’imaginaire commun de l’aristocratie française, composé du germanisme et du féodalisme1573. On le voit adhérer ainsi à la conception de la noblesse héréditaire1574et défendre la notion d’honneur entendue comme vertu militaire1575 : autant de points d’accord qui constituent un terrain d’entente entre Montesquieu et Boulainvilliers.
8Bien entendu, le déterminisme social ne suffit pas à expliquer les relations idéologiques entre les deux hommes. Il permet toutefois de dégager divers outils intellectuels dans lesquels Montesquieu puise librement afin de construire sa vision du meilleur gouvernement.
9L’analyse de ces idées montre que la lecture de Boulainvilliers ne l’a pas laissé indifférent. Certaines convergences entre ces auteurs apparaissent dès que Montesquieu envisage les origines de la monarchie en Europe.
§ 2 - Une vision comparable de la monarchie en Europe : l’apologie du gouvernement barbare
10La conception de Montesquieu sur l’origine des monarchies européennes est en partie comparable à celle de Boulainvilliers. Le parlementaire soutient, en effet, que « les peuples qui conquirent l’Empire romain étaient sortis de la Germanie »1576. Cette conquête constitue à ses yeux le moment à partir duquel « se forma le premier plan des monarchies »1577en Europe. L’origine du régime politique qui en découla provient de la nécessité pour les Germains, dispersés sur un large territoire, de tenir des assemblées de la nation pour délibérer sur les affaires publiques. Il fallut mettre alors en place le système de la représentation1578. Voilà constitué, pour Montesquieu, « l’origine du gouvernement gothique »1579qui prit sa forme stable après la suppression de la servitude. Il estime donc, non sans une certaine naïveté que :
« la liberté civile du peuple, les prérogatives de la noblesse et du clergé, la puissance des rois se trouvèrent dans un tel concert, que je ne crois pas qu’il y ait eu sur la terre de gouvernement si bien tempéré que le fut celui de chaque partie de l’Europe dans le temps qu’il y subsista »1580.
11Ce gouvernement gothique fascine tellement l’auteur qu’il lui sert de référence pour théoriser le meilleur des régimes : la monarchie1581. L’homologie structurelle entre ces deux modèles politiques apparaît lorsque il soutient que dans le régime monarchique, le pouvoir du roi doit être contrebalancé par des corps intermédiaires constitués au premier chef par la noblesse et ses prérogatives judiciaires, ainsi que de manière subsidiaire, par les villes détentrices de privilèges ou par le clergé1582.
12Toutefois, il existe des différences dans l’utilisation du gouvernement gothique opérée par Boulainvilliers et Montesquieu.
13La première divergence entre ces auteurs porte sur le rôle accordé au juge au sein de ce gouvernement. Renouant avec l’idéologie parlementaire, ce dernier soutient que la monarchie doit être limitée par un « dépôt des lois » constituant un véritable contrôle politique des juges sur les lois fondamentales1583.
14Le baron de la Brède se différencie également de Boulainvilliers en caractérisant la déviation du régime anglais par rapport au gouvernement gothique1584. Cette spécificité anglaise provient, selon lui, du fait que le parlement anglais a supprimé les justices seigneuriales1585pour favoriser la liberté politique, affaiblissant en même temps les garanties accordées aux sujets1586. Il n’en va pas de même dans les pays où le gouvernement gothique a été conservé dans la mesure où ceux-ci sont mus par le ressort qui fait fonctionner la monarchie : l’honneur qui consiste à « demander des préférences et des distinctions »1587. Cette recherche des honneurs constitue, à son sens, une voie d’accès vers une autre forme de liberté, bien mieux assurée qu’en Angleterre. En effet, la culture aristocratique de Montesquieu le conduit à rapprocher l’honneur de la gloire1588. Or, pour lui, c’est de cette dernière notion que dépend, dans le gouvernement gothique, l’existence d’une forme de liberté. En effet, il soutient que les monarchies européennes, à l’exception de l’Angleterre,
« ne tendent qu’à la gloire des citoyens, de l’État du prince. Mais de cette gloire, il résulte un esprit des libertés qui, dans ces États, peut faire d’aussi grandes choses, et peut-être contribuer autant au bonheur que la liberté elle-même. Les trois pouvoirs n’y sont point distribués et fondus sur le modèle de la constitution dont nous avons parlé (Angleterre). Ils ont chacun une distribution particulière, selon laquelle, ils approchent plus ou moins de la liberté politique »1589.
15Ainsi, tout en reconnaissant la spécificité anglaise, Montesquieu reste, à l’image de Boulainvilliers, un apologiste du gouvernement germain. C’est pour cela que le parlementaire consacre une bonne partie de son œuvre à la monarchie française, modèle par excellence du gouvernement gothique. Il appréhende cette dernière en étudiant l’histoire de son droit, car pour lui « c’est bien dans les anciennes lois françaises que l’on trouve l’esprit de la monarchie »1590.
§ 3 - Une invocation commune du germanisme anti-absolutiste
16Il faut dire d’emblée qu’il n’existe pas, dans l’œuvre de Montesquieu, d’écrit entièrement consacré à la France et à son histoire. Cet auteur n’en parle que de manière sporadique au fil de ses écrits. La documentation sur laquelle il s’appuie est assez riche pour un homme du xviiième siècle1591 . Pour autant, ses compétences d’historien du droit français ne peuvent que susciter la réserve, tant son discours sur l’histoire de France est marqué par sa philosophie politique1592. C’est justement le parti-pris de Montesquieu qui l’amène, en traitant de l’histoire de la monarchie française, à émettre des idées en partie déterminées par le sentiment d’attraction/répulsion qu’il éprouve vis à vis de Boulainvilliers.
17On peut tout d’abord rapprocher ces deux auteurs en considérant la conception qu’ils se font de l’origine de la royauté française. Tous deux admettent que c’est la conquête des Francs, peuple germanique1593, qui constitue l’acte de naissance de la monarchie française.
18Le cadre politique établi sous les mérovingiens, décrit par Montesquieu, se rapproche également des conceptions historiques anti-absolutistes de Boulainvilliers. En premier lieu, le parlementaire reprend la distinction entre les chefs militaires élus1594et les rois, magistrats choisis dans la même famille1595. Il affirme que c’est Clovis, puis Pépin le Bref, qui associèrent les deux fonctions1596. Il évoque en second lieu l’idée d’une assemblée franque originaire détentrice de la puissance législative, affirmant que « sous les deux premières races, on assembla la nation (...) les lois faites dans ces assemblées sont ce que nous appelons les capitulaires »1597 Il reprend alors le partage des pouvoirs entre cette assemblée, véritable dépositaire de l’esprit d’un droit national1598et les princes magistrats, expliquant que :
« les Francs, dans la Germanie, n’avaient (...) point de roi, comme Grégoire de Tours le prouve très bien. « Les princes, dit Tacite délibèrent sur les petites choses, toute la nation sur les grandes ; de sorte pourtant que les affaires dont le peuple prend connaissance sont portées de même devant les princes ». Cet usage se conserva après la conquête comme on le voit dans tous les monuments »1599.
19Montesquieu veut alors identifier ceux qui délibéraient dans les assemblées. Il est ainsi porté à traiter de l’état social lors de la conquête des Gaules. Il rejette, il est vrai, l’argument de Boulainvilliers selon lequel il n’y aurait eu qu’un règlement général faisant des Francs des hommes libres et des Gallo-romains des serfs1600. Pourtant, il défend une théorie qui aboutit aux mêmes conséquences.
20En effet, Montesquieu ne renonce pas à la distinction liberté/servitude, écrivant :
« ce que la conquête ne fit pas, le même droit des gens, qui subsista après la conquête, le fit. La résistance, la révolte, la prise des villes emportaient avec elles la servitude des habitants. Et comme, outre les guerres que les différentes nations conquérantes firent entre elles, il y eut cela de particulier chez les Francs, que les divers partages de la monarchie firent naître sans cesse des guerres civiles entre les frères ou neveux, dans lesquelles ce droit des gens fut toujours pratiqué ; les servitudes devinrent plus générales en France que dans les autres pays »1601.
21La liberté repose donc sur l’affrontement car le droit des gens est « la force offensive (...) qui est la loi politique des nations considérées dans le rapport qu’elles ont les unes avec les autres »1602. Au fond, Montesquieu n’évite pas la contradiction, car il aboutit à adopter un fondement violent qu’il voulait pourtant exclure au début de sa démarche. De fait, il admet que :
« l’objet de la guerre, c’est la victoire ; celui de la victoire, la conquête ; celui de la conquête la conservation. De ce principe et du précédent doivent dériver toutes les lois qui forment le droit des gens »1603.
22Il finit donc par adhérer à ce qu’il dénonçait pourtant chez Boulainvilliers. Ceci n’est d’ailleurs pas la seule volte-face du parlementaire. En effet, à force d’exalter la force des conquérants du Vème siècle, il en vient à considérer que seuls les Francs ont pu bénéficier d’une complète liberté. Ainsi, rejetant l’analyse de Dubos qui contestait les origines mérovingiennes de la noblesse, Montesquieu refuse que :
« que les nobles romains, qui vivaient sous la domination des Francs (...) y eussent été des personnages plus importants que les plus illustres des Francs, et leurs plus grands capitaines. Quelle apparence que le peuple vainqueur eût eu si peu de respect pour lui même, et qu ’il en eût tant pour le peuple vaincu »1604.
23Il ne peut donc s’empêcher d’ancrer l’origine de la noblesse dans la nation franque. Le préjugé nobiliaire l’entraîne ainsi à ne pas résister à la force d’attraction exercée par le mythe germaniste. Cette tension, dans son explication historique, est occasionnée par un conflit intérieur entre l’aristocrate et le philosophe.
24Pourtant, le germanisme de l’auteur, comme celui de Boulainvilliers, n’a pas pour unique fonction de légitimer historiquement la noblesse. Le véritable objet de l’histoire de France écrite par le parlementaire est bien plus large. Il relate en fait l’histoire des corps intermédiaires de sa monarchie.
§ 4 - Convergences et divergences dans la conception de l’histoire des corps intermédiaires
25L’histoire de France de Montesquieu, comme celle de Boulainvilliers, est d’abord une histoire de la puissance politique de prétendus seigneurs censés être issus de l’armée franque conquérante. Ces derniers devaient manifester leur « indépendance »1605en disposant et en transférant la couronne d’une dynastie à l’autre1606. Montesquieu -qui veut nier l’existence d’un monopole royal de la fiscalité- affirme également que ces seigneurs :
« levaient des tributs réglés, chacun sur les serfs de ses domaines (...) ces tributs étaient appelés censu : c’étaient des droits économiques, et non pas fiscaux ; des redevances uniquement privées, et non pas des charges publiques »1607.
26Toutefois, la prérogative des seigneurs qui intéresse le plus le parlementaire bordelais est celle de rendre la justice. En effet, l’auteur trouve dans l’évolution de ce pouvoir un ancrage historique pour légitimer les prérogatives de puissance publique de la noblesse moderne. Il va donc chercher les preuves de cette identité entre noble et seigneur justicier dans une féodalité idéalisée. C’est que, se faisant plus philosophe politique qu’historien du droit, Montesquieu fait découler du fief tant les origines du second ordre que celles de la justice.
27Comme Boulainvilliers, le parlementaire soutient que la dignité nobiliaire provient de la détention des fiefs1608. Les nobles sont donc de ce fait possesseurs de justices seigneuriales car la propriété féodale constitue également, à ses yeux, l’origine et fonde même l’établissement1609du pouvoir de justice. N’hésitant pas à déformer la vérité historique, il en vient à considérer que :
« la justice fut donc dans les fiefs (...) un droit inhérent au fief même, un droit lucratif qui en faisait partie. C’est pour cela que, dans tous les temps, elle a été regardée ainsi ; d’où est né ce principe, que les justices sont patrimoniales en France »1610
28Plus piètre feudiste encore que Boulainvilliers, il situe alors l’origine du fief dès la conquête franque, afin de mieux montrer que le fondement du pouvoir nobiliaire est aussi vieux, sinon plus, que l’institution royale. Dès lors, les erreurs et les déformations historiques se multiplient afin de légitimer plus facilement, au sein de la monarchie française, le premier des corps intermédiaires. Pour mieux asseoir l’ancienneté du fief, il en fait remonter l’origine jusqu’à l’époque franque, sans le distinguer du bénéfice mérovingien, assimilant au passage leudes et vassaux1611. La règle de l’hérédité du fief est acquise, selon lui, dès le pacte d’Andelot1612sous les mérovingiens, alors que ce traité ne prévoit qu’une confirmation des bienfaits accordés aux fidèles des deux rois signataires. Il contredit même à tort Loyseau en niant l’usurpation de la justice royale par les seigneurs1613. Montesquieu estime alors que l’adage "Autre chose est le fief, autre chose est la justice" ne s’est formé que tardivement lorsque les seigneurs « perdirent le droit de justice parce qu’ils n’eurent ni le pouvoir ni la volonté de le réclamer »1614 Est-ce à dire qu’avec la disparition de ce droit de justice les prérogatives des seigneurs sont définitivement tombées en désuétude ? Certainement pas car de l’avis de Montesquieu : « abolissez dans une monarchie les prérogatives des seigneurs (...) de la noblesse (...) ; vous aurez bientôt un État populaire ou un État despotique »1615.
29Le parlementaire est d’ailleurs convaincu que cette monarchie tempérée par la féodalité, modèle politique idéalisé, a existé. Comme Boulainvilliers, il en situe l’apogée sous le règne de Charlemagne. En effet, à cette époque, le monarque s’efforçait « de tenir le pouvoir de la noblesse dans ses limites, et à empêcher l’oppression du clergé et des hommes libres »1616. Montesquieu considère ainsi, que « dans la constitution française, le roi, la noblesse et le clergé avaient dans leurs mains toute la puissance de l’État »1617. À l’instar de Boulainvilliers, il voit dans la monarchie féodale un système politique stable où le lien politique, qui permet au gouvernant de diriger le royaume, est constitué par le service militaire imposé à ceux qui détiennent une terre du roi1618, octroyée par l’assemblée de la nation1619. Pourtant, le parlementaire n’est pas aussi inconditionnel du gouvernement féodal que l’historien normand.
30Ainsi, lors de la décadence des Carolingiens, Montesquieu dénonce la destruction de l’autorité centrale. Dès lors, le beau chêne antique que constituait la féodalité, « étendit trop loin ses branches, et la tête se sécha »1620. Et même, si pour le président bordelais « quand Hugues Capet fut couronné (...) un grand fief, uni à la couronne, fit cesser l’anarchie »1621, le gouvernement féodal n’était plus à même de garantir l’unité du royaume. L’auteur opérant une description terrible de l’époque avoue :
« la constitution (...) était un ouvrage digne du hasard, qui l’avait formée. C’était un corps monstrueux, qui, dans un grand fief où personne n’obéissait, renfermait un nombre innombrable de petits États, dans lesquels l’obéissance était quelquefois sans borne, et quelquefois à peine connue. Le bien public ne consistait que dans l’exercice de certains droits particuliers, que les uns prétendaient avoir sur les autres, et n’était fondé sur aucune vue générale les assemblées de la nation n’étaient que des conjurations et des prétextes continuels de vexations »1622
31Montesquieu dépasse donc Boulainvilliers puisqu’il a compris que pendant la période féodale, l’espace public était trop segmenté. En effet, les Seigneurs trop préoccupés par leurs intérêts n’ont pas joué le jeu de la monarchie nobiliaire tempérée qui nécessite le concours de l’aristocratie et du roi dans une action commune. L’existence même d’une sphère publique ne pouvait que s’en trouver hypotéquée1623. La lucidité de Montesquieu ne l’entraîne, toutefois, pas à abandonner l’idéologie aristocratique.
32Dès lors, les revendications politiques parlementaires vont s’immiscer dans son discours historique. En effet, pour ce dernier, qui s’éloigne un instant de Boulainvilliers, c’est le parlement qui va favoriser l’unification de la France. Il affirme à cet égard que :
« le parlement jugea en dernier ressort de presque toutes les affaires du royaume. Auparavant, il ne jugeait que de celles qui étaient entre les ducs, comtes, barons, ou entre le roi et les vassaux, plutôt dans le rapport qu’elles avaient avec l’ordre politique, qu’avec l’ordre civil »1624.
33Cette victoire de la justice royale n’est cependant pas la victoire de l’absolutisme monarchique car, pour Montesquieu, le parlement en France est un instrument de modération du pouvoir princier1625, tout en restant un organe bien plus apte à juger que les seigneurs1626.
34Pour autant, cette histoire des contre-pouvoirs en France ne saurait se cantonner à la défense des intérêts d’un corps comme la noblesse d’épée ou de robe. Elle n’est que le discours d’un penseur qui tente de sauver son monde en limitant l’absolutisme par l’ensemble des libertés de l’ancienne France. Là encore, Montesquieu rejoint Boulainvilliers en le citant explicitement. Il nie la légitimité du renforcement du pouvoir royal en rappelant deux prétendues libertés héritées de l’indépendance de l’ancienne nation franque.
35Il affirme d’abord :
« il paraît que l’usage d’Angleterre, que chacun doit être jugé par ses pairs, qu’on nomme jurés, et tout l’ordre judiciaire était le même en France »1627.
36Il recourt ensuite à l’autorité de l’historien normand pour opérer ce rapprochement entre une règle du droit féodal français et le jury aristocratique prévu par la Grande Charte de 1215. Montesquieu vise un passage de la septième Lettre sur les anciens parlements, dans laquelle sont évoquées des chartes accordées par Louis X le Hutin à des seigneurs représentant les provinces1628.
37Il cite enfin Boulainvilliers pour d’évoquer une déclaration du même roi dans laquelle ce dernier admettait « qu ’il ne pourrait lever aucun denier sans le consentement des trois États qui en feraient eux-mêmes l’emploi et le recouvrement »1629
38C’est que, pour Montesquieu, une assemblée représentative de la nation constitue également l’un des remparts de protection de la liberté politique. D’ailleurs, il affirme que, si lors de l’accession au trône d’Hugues Capet, « on eût joint à l’assemblée des pairs, une assemblée des seigneurs, et une assemblée des députés des villes, le gouvernement gothique aurait subsisté »1630. C’est dire à quel point les pensées de Montesquieu et de Boulainvilliers sont proches, le premier voyant dans le second celui qui rappelle la « liberté » qui aurait été « conservée sans la continuelle inattention de notre nation »1631contre l’usurpation absolutiste. La lecture de Boulainvilliers n’a pu donc que conforter l’élaboration du modèle de monarchie idéale de Montesquieu, qui puise plus largement tant dans une lecture libérale de l’histoire politique anglaise, que dans une version idéalisée de sa propre histoire nationale.
SECTION II - L’INSTRUMENTALISATION DES IDÉES DE BOULAINVILLIERS DANS LA LITTÉRATURE POLITIQUE PARLEMENTAIRE
§ 1 - Boulainvilliers : une référence dans la lutte parlementaire contre l’absolutisme
39Si Montesquieu avait pu partager une communauté d’esprit avec Boulainvilliers, les auteurs politiques parlementaires postérieurs vont eux subordonner quelques unes de ses idées aux impératifs de leur démonstration. Pour rendre compte de cette instrumentalisation, il faut d’abord en rappeler les conditions historiques.
40À partir de 1750, la querelle entre le Greffe et la Couronne reprend de la vigueur. La question religieuse, la résistance des cours souveraines au développement de la fiscalité royale, les réactions royales brutales à l’encontre des parlementaires, constituent autant d’occasions de durcissement de la lutte entre le milieu judiciaire et le roi de France1632.Cette opposition à la monarchie est l’objet de la constitution d’un véritable "arsenal idéologique". C’est ainsi qu’au milieu du siècle, les présidents Cotte et Durey de Minières compilent un ensemble de matériaux historiques pour permettre la constitution d’une histoire anti-absolutiste des parlements1633. Dans cet "arsenal", les ouvrages de Boulainvilliers ont une bonne place et constituent même une source de référence dans laquelle certaines remontrances officielles puisent.
41Le parlement de Rouen invoque ainsi l’auteur dans ses remontrances du 15 décembre 1759 contre l’Édit royal de subvention. Les parlementaires normands reprennent à leur compte un jugement hostile de l’aristocrate sur l’établissement de l’impôt ainsi que sur sa perception par le système de la ferme. Au soutient de leurs remontrances, ils sont ainsi conduits à dire, citant Boulainvilliers, que :
« le temps des contributions est devenu arbitraire, celui de leur progression indéfinie : sans principe d’unité, sans action et sans voies ; le peuple a été par degré livré à une espèce singulière d’hommes, dont tout l’emploi est de frauder le public, de s’enrichir et de dépenser »1634.
42À la veille de la Révolution, les parlementaires toulousains invoquent également l’histoire fiscale anti-absolutiste de notre auteur dans leurs remontrances contre la prorogation du second vingtième. Il utilisent ce dernier pour exalter le consentement à l’impôt des sujets en invoquant une déclaration de Louis X le Hutin et une assemblée d’États de 1338 dont Boulainvilliers s’était fait l’écho1635.
43Ce dernier est surtout l’une des références des avocats parisiens, cette basoche, véritable alliée des parlementaires1636. Ainsi, retrouve-t-on dans la bibliothèque de l’Ordre des avocats de Paris au xviiième siècle la présence de deux manuscrits hautement subversifs de Boulainvilliers : La préface au journal de Saint-Louis, dans lequel l’auteur défend la contractualisation du lien politique ainsi que les Quatorze lettres sur les anciens parlements1637. L’avocat Camus, quant à lui, conseille dans les années 1770 aux jeunes praticiens de se familiariser avec la lecture de Boulainvilliers, de Le Laboureur, de Le Paige ou encore de Mably1638.
44Le fait est d’importance puisque ce sont souvent les avocats qui sont les auteurs d’une littérature parlementaire visant à légitimer la participation politique des juges1639 . Il n’est donc pas étonnant de retrouver une instrumentalisation des idées de Boulainvilliers dans les ouvrages imprégnés d’idéologie parlementaire.
§ 2 - Boulainvilliers dans la littérature politique parlementaire
- Le Paige
45Le plaidoyer en faveur des revendications politiques parlementaires apparaît clairement constitué en 1753 dans les Lettres historiques sur les fonctions essentielles du parlement, sur le droit des pairs et sur les lois fondamentales du royaume de l’avocat au service des parlementaires, Louis-Adrien Le Paige1640. Cet ouvrage développe une curieuse théorie, fondée sur une déformation de l’histoire, visant à légitimer le rôle politique du Parlement. Recourant au germanisme, Le Paige affirme qu’il existait deux assemblées lors de la conquête franque des Gaules. Selon l’auteur, qui affabule, la première était :
« composée de magistrats élus par la nation, et portant le nom de princes, devait rendre la justice conjointement avec le monarque (...) ils se réunissaient auprès de la personne du roi pour y former le tribunal auguste, connu depuis sous le nom de Cour de France, Cour des pairs, lit de justice des rois et parlement »1641
46Quant à la seconde assemblée, elle constituait :
« le parlement général ou l’assemblée des Francs présidés par le roi et par les magistrats ou princes, (...) c’était dans ce tribunal que le monarque formait ses lois, et que les affaires générales se décidaient par le conseil et la délibération libre de ceux qui le formaient »1642.
47Le Paige pense ainsi que lors de la décadence des carolingiens, les deux assemblées se confondirent en un organe composé des seuls grands, organe qui constitue la première forme des cours souveraines1643. Cette théorie fonde, pour l’auteur, la légitimité des parlementaires à représenter la nation1644et à réfréner le pouvoir du monarque1645.
48Mais, si Montesquieu puisait tant dans l’idéologie de la noblesse d’épée que dans celle de la noblesse de robe, Le Paige éprouve de la méfiance à l’égard de la première. Il s’en explique en faisant remarquer « combien est idéal le préjugé national de notre noblesse militaire contre ce qu’elle appelle légiste ou gens de robe ». Il note alors malicieusement : « serait-ce la fonction même de juger qui leur paraît vil ? Mais vous voyez que la noblesse française a toujours exercé cette fonction depuis que l’État existe »1646. Il est alors logique que Boulainvilliers, qui critique la légitimité originaire des parlementaires, ait pu apparaître aux yeux de Le Paige comme l’idéologue type de la noblesse d’épée dont il faut se méfier1647. Mais en même temps, les ouvrages de l’historien normand offraient des virtualités intéressantes pour conforter tout discours anti-absolutiste. Aussi, Le Paige emprunte-t-il quelques idées à Boulainvilliers pour renforcer sa démonstration.
49Tout d’abord, Le Paige, qui considère que la légitimité du régime monarchique découle de l’équilibre des premières institutions franques, veut montrer que la conquête de la Gaule, bien que résultant d’un acte de force, a abouti à une période de stabilité. Ainsi, peut-il se prévaloir d’une époque où l’ordre social n’a point été le fruit d’une usurpation, mais du libre consentement des composantes de la société. Relatant l’organisation des rapports sociaux entre vainqueurs Francs et vaincus Gaulois, l’avocat écrit :
« quoique la plus grande partie des terres demeurât auxGaulois, le plan qu’on se proposait de les rendre heureux etde s’en faire aimer ne souffrait pas qu’on les accablât d’impôt comme avait fait les romains »1648.
50L’avocat reprend ensuite l’idée de Boulainvilliers d’une répartition de la charge publique fondée sur le paiement d’un tribut par les Gaulois et sur le service militaire des guerriers francs défenseurs la nation. L’historien normand est alors cité in extenso, comme autorité scientifique, afin de conforter la validité du raisonnement1649.
51Le Paige va enfin recourir au témoignage de Boulainvilliers pour exalter le règne de Charlemagne, ce restaurateur des assemblées de la nation1650et vilipender le despotisme de Jean sans Terre1651ou les manœuvres monétaires frauduleuses de Philippe le Bel1652.
52De tels emprunts témoignent donc bien que les Lettres historiques de Le Paige marque l’un des temps forts de l’utilisation de Boulainvilliers par le "parti des robins"1653.
- Les “Maximes du droit public français”
53Le second ouvrage qui atteste d’une instrumentalisation aussi manifeste de l’oeuvre de Boulainvilliers est sans conteste Les maximes du droit public français..., rédigé par les juristes jansénistes C. Mey, G.C. Aubry, A. Blonde, A.G. Camus ainsi que G.N. Maultrot, et publié en 1772 et en 17751654. Ces auteurs veulent démontrer, ici encore, que les parlementaires de l’ancienne France sont les représentants de la nation. Ces derniers doivent former à leurs yeux : « dans le corps de la monarchie un corps qui veille à la conservation des droits des sujets, et qui représente au prince la constitution de l’État, et les justes bornes de son autorité »1655. Les auteurs parlementaires fondent leurs prétentions en se référant directement aux travaux sur le droit naturel de deux juristes allemands, J.-L. Fleischer et M.H. Griebner1656. Néanmoins, ce passage des Maximes du droit public français... est également conforté par des arguments tirés de l’histoire nationale, dans laquelle baigne l’ensemble de l’ouvrage. Les rédacteurs des Maximes... font alors appel à des "morceaux choisis" des ouvrages de Boulainvilliers.
54Ainsi, parmi les bornes à l’autorité royale qu’ils envisagent pour mieux fonder le contrôle des parlementaires, on retrouve le « droit de domaine ou de propriété »1657, qui est le « premier attribut de la liberté des français »1658. À l’instar de Boulainvilliers, les auteurs soutiennent que ce droit implique le consentement des gouvernés à l’impôt. Ils s’efforcent alors de démontrer que dans l’histoire de France, le principe a toujours été revendiqué et que seuls les rois, tentés par un pouvoir arbitraire, s’y sont opposés.
55Les auteurs des Maximes... se réfèrent alors aux passages des ouvrages de Boulainvilliers relatifs aux expédients financiers utilisés par Philippe le Bel. Ils évoquent ainsi la réunion des premières assemblées d’États dévoyées par le roi afin d’obtenir des subsides1659et citent même les passages de l’historien normand sur les révoltes subséquentes ainsi que sur l’engagement de Louis X le Hutin de ne plus imposer ses sujets sans leur consentement1660. Les auteurs recourent au témoignage de Boulainvilliers1661pour dénoncer les rois qui se sont arrogés, dans l’illégitimité la plus complète, « l’établissement des impôts sans le consentement des peuples »1662. Ils peuvent ainsi achever le chapitre sur les atteintes à la propriété, en dénonçant les usurpations fiscales royales. Et là encore, les idées de Boulainvilliers fortifient leur argumentation puisqu’ils le cite afin de démontrer que « les biens des peuples leur appartiennent de droit naturel » et que le roi doit considérer la propriété des sujets comme l’une des « justes bornes de sa puissance »1663.
56Certes, les auteurs des Maximes... ne se contentent pas d’utiliser l’historien normand pour légitimer uniquement les droits que doivent protéger les parlementaires. Ils font à nouveau appel à cet historien afin de justifier historiquement la prétention de ces derniers à représenter la nation.
57L’emprunt consiste en trois arguments utilisés dans une démonstration plus générale dont le but est de justifier que « les cours souveraines ont le dépôt des lois. Toutes les lois nouvelles doivent y être vérifiées librement »1664.
58Les auteurs parlementaires se réfèrent d’abord, comme Le Paige, au portrait imaginé par Boulainvilliers d’un Charlemagne favorable aux assemblées de la nation1665. Ils citent également le début de la troisième Lettre sur les anciens parlements qui parle d’assemblées représentatives de la nation dans tous les gouvernements européens, issus de l’ancien gouvernement barbare1666. Enfin, les auteurs évoquent la relation, établie par Boulainvilliers, d’une assemblée de notables de 1380 sur la majorité des rois1667. Cet emprunt précis s’explique par deux raisons. Boulainvilliers admet d’abord, que les notables furent pris « d’entre les présidents des chambres du parlement »1668. L’auteur reconnaît ensuite que l’assemblée en émancipant le roi atteste que le monarque « est soumis aux lois comme les autres »1669.
59En définitive, les auteurs des Maximes du droit public français... utilisent Boulainvilliers de la même manière que Louis- Adrien Le Paige : ils y recourent peu, mais dans les moments importants de leur démonstration. On peut donc estimer que si l’historien n’est guère invoqué, son autorité est reconnue par les parlementaires. Pour autant, les adeptes de l’idéologie parlementaire ne sont pas les seuls à s’être intéressés à Boulainvilliers. Les défenseurs de la société d’ancien régime lui ont manifesté une sollicitude bien plus marquée.
SOUS-CHAPITRE II LES DÉFENSEURS DE LA SOCIÉTÉ D’ANCIEN RÉGIME
60Cette adaptation des thèses de Boulainvilliers provient essentiellement du souci d’alimenter la contestation anti-absolutiste par la voie de l’histoire nationale. Elle constitue une réaction contre la monarchie qui mène une offensive idéologique, en favorisant les travaux de son historiographe le plus célèbre J.- N. Moreau, chargé dès la seconde moitié du xviiième siècle, de réunir les matériaux historiques favorables à l’absolutisme1670.
61Boulainvilliers va alors apparaître comme l’une des références les plus solides des historiens anti-absolutistes. Cependant, la critique, qui s’était développée après sa mort, incitait ceux qui voulaient l’utiliser, à infléchir certaines de ses formulations un peu abruptes dans un siècle de contestations de l’institution nobiliaire et de la propriété féodale. Pour autant, ces auteurs recourent au cadre du germanisme tel que Boulainvilliers l’avait esquissé. Comme ce dernier, ils souhaitent tous une monarchie dans laquelle une assemblée représentative de la nation, composée des trois ordres, détient la puissance législative.
62Pourtant, au gré des intérêts des auteurs, les inflexions des thèses de Boulainvilliers ont tantôt pour fonction de légitimer la place du tiers état dans la société, tantôt d’associer les intérêts de ce dernier avec celui de la noblesse. C’est ainsi qu’il est possible d’assister à une plébéianisation des idées de Boulainvilliers chez Mably. Parallèlement, la pensée aristocratique de la seconde moitié du xviiième siècle tente d’édulcorer certaines formulations excessives de l’historien normand, qui avaient pu apparaître, selon le mot de Montesquieu, constituer une conjuration contre le tiers état.
SECTION I - LE SECOND MABLY OU LAPLÉBÉIANISATION DU GERMANISME DE BOULAINVILLIERS
63Dans un article rédigé il y a une vingtaine d’années, F. Furet et M. Ozouf faisaient remarquer que Mably, après avoir été renvoyé par le Cardinal de Tencin et adhéré à l’idéologie anti-absolutiste, pensait la société française en se conformant au même modèle historique que Boulainvilliers, et ce, malgré leur évidente différence de sensibilité1671. Cette attitude, qui contraste avec l’image habituelle d’un Mably pré-démocrate1672, conduit légitimement à se demander si au fond, ce dernier n’a pas construit son histoire de France en s’inspirant des idées de l’aristocrate normand.
64À s’en tenir au strict relevé des citations directes, on s’aperçoit que Mably adopte une attitude ambivalente à l’égard de Boulainvilliers. Il est vrai que même lorsqu’il critiquait Boulainvilliers pour défendre l’absolutisme1673, il ne remettait jamais totalement en cause l’autorité scientifique de cet auteur1674. Cependant, dans ses Observations sur l’Histoire de France de 17651675, ouvrage rédigé pendant sa période anti-absolutiste, il éprouve à l’égard de l’historien normand un sentiment encore plus équivoque. En effet, si Mably critique les déclarations de Boulainvilliers sur la servitude des vaincus après la conquête des Gaules1676, il cite l’historien normand à l’appui de son interprétation anti-absolutiste de l’épisode du vase de Soissons1677. Ces données incitent donc à rechercher plus largement encore les points de convergence et de divergence dans le discours historique de ces deux auteurs.
§ 1 - Deux conceptions similaires de l’histoire
65Certains commentateurs de Mably se sont demandés si son rejet de la continuité historique ne l’amenait pas à nier la fonction légitimatrice de l’histoire1678. En fait, Mably répond à la question vers la fin de sa vie dans son ouvrage De l’étude de l’histoire (1775). Dans le premier chapitre intitulé "Que l’histoire doit être une école de morale et de politique"1679, il écrit :
« la connaissance du passé lèvera le voile qui vous cache l’avenir. Vous verrez par quelles institutions les peuples inquiets qui déchirent aujourd’hui l’Europe peuvent encore se rendre heureux. Vous connaîtrez le sort que chaque nation doit attendre de ses mœurs, de ses lois et de son gouvernement. Il n’y a point d’histoire ainsi méditée, qui ne vous instruise de quelque vérité fondamentale, et ne vous préserve des préjugés de notre politique moderne, qui cherche le bonheur où il n’est pas (...) les mêmes lois, les mêmes passions, les mêmes vices ont constamment produit les mêmes effets ; le sort des états tient donc à des principes fixes immuables et certains. Découvrez ces principes (...) et je prends la liberté de vous le répéter, la politique n’aura plus de secret pour vous »1680.
66Il estime donc que les principes tirés de l’histoire doivent permettre aux gouvernants de remplir leur office. C’est dire à quel point ce dernier, comme Boulainvilliers, lie intimement légitimité de l’action politique et histoire. En conséquence le passé commande le jugement moral dans le présent.
67Pour comprendre le sens de l’histoire de France chez Mably, il faut chercher ce qu’il souhaite légitimer dans le présent. Dans ses Observations..., il s’explique. Il veut d’abord le rétablissement d’une véritable assemblée de la nation. S’il réclame la restauration des états généraux, ce n’est pas « tels qu’ils auraient dû être », selon leur conception classique d’organe consultatif1681. Il récrimine d’ailleurs contre les français, qui, depuis Philippe le Bel, n’ont « aucune idée de la forme que doivent avoir des assemblées nationales, ni de la police régulière qui doit en être l’âme pour les rendre utile ». À l’instar de Boulainvilliers, il considère que les règles de fonctionnement de ces institutions représentatives doivent être recherchées sous le règne de « Charlemagne » et dans « l’histoire de nos anciens champs de mars ou de mai »1682.
68Qui doit siéger au sein de cette assemblée ? Mably reprend l’idée de l’historien normand concernant l’équilibre des trois ordres et affirme que « tant qu’il y a dans un État différents ordres qui se craignent, qui se balancent, on peut calculer leurs forces et prévoir leurs rivalités »1683. Il rejette donc les tentatives du monarque absolu qui a voulu supprimer les privilèges et se demande d’ailleurs, non sans quelques craintes :
« quand tout équilibre est rompu, et qu’une puissance supérieure a détruit les autres ; où la politique la plus pénétrante pourrait-elle découvrir le germe d’une nouvelle constitution ? »1684
69Contre un tel péril, Mably va justement lancer un avertissement aux ordres qui lui paraissent menacés. S’adressant à la noblesse, il s’écrie : « les grands sont persuadés qu’il leur importe d’avoir un maître absolu. (...) Erreur grossière ! »1685. Reprenant une conception de la monarchie, proche de celle de Montesquieu, il affirme que la noblesse découle de la nature du régime politique et non de la volonté du prince1686. Il invite cette dernière à se souvenir de son glorieux passé en disant non sans quelques accents de Boulainvilliers : « notre noblesse n’aurait qu’à comparer son état actuel à celui de ses ancêtres ; elle verrait qu’à mesure que la monarchie est devenue absolue, ses grandeurs se sont (...) anéanties »1687. De la même manière, il vilipende le troisième ordre qui semble avoir honte de ce qu’il est, écrivant :
« le tiers état n’est rien en France, parce que personne n’y veut être compris. Tout bourgeois ne songe parmi nous qu’à se tirer de sa situation et à acheter des offices qui donnent la noblesse ; et dès qu’il en est revêtu, il ne se regarde plus comme faisant partie de la commune. Le peuple n’est en effet que cette populace sans crédit, sans considérations, sans fortune, qui ne peut rien par elle même »1688
70Cette déclaration permet de mieux comprendre les intentions de Mably. Il n’est pas hostile à l’ancienne société des trois ordres. Il en souhaite simplement une reconstitution, afin que la nation recomposée de ses parties puisse s’opposer à l’absolutisme du prince. Cet auteur, se rapproche ainsi de Boulainvilliers. Mais son analyse historique insiste davantage sur la légitimation historique du tiers état, non pas au détriment de la noblesse, mais pour en constituer le contrepoids social.
71Ainsi, dans leur histoire de France, Boulainvilliers et Mably se représentent le corps social comme un champ de forces mécaniques. Pour autant, leur conception n’est pas totalement identique. L’historien normand fait reposer le système sur une tension susceptible à tout moment d’évoluer. Mably ne recherche qu’un point d’équilibre stable1689. Ainsi, si le premier admet le changement social le second ne cherche qu’à le contrôler. Ces deux visions s’opposent donc quant au rôle de la force dans l’évolution sociale. De fait, la différence essentielle entre les deux conceptions historiques ne tient qu’à la place de la violence comme instance légitimante de l’ordre social. Si elle a une valeur dans le récit de l’histoire nationale de Boulainvilliers, elle n’est que le signe de l’usurpation chez l’abbé de Mably.
72Ces prémisses posées, il devient alors plus facile de comprendre ce que Mably a pu récupérer dans l’histoire de Boulainvilliers et ce qu’il a pu en rejeter, d’autant que le premier adopte la périodisation du second : le gouvernement franc de la conquête, le gouvernement féodal, puis la période de reconstruction de la souveraineté monarchique.
§ 2 - Une approche analogue des origines de la France
- Une vision idéalisée du gouvernement franc
73Mably admet comme Boulainvilliers que les débuts de la monarchie française date de l’invasion des Francs, qualifiés d’ailleurs, aussi, de français. Il reconnaît également, comme ce dernier, que leur forme de gouvernement constitue l’un des lieux d’épanouissement de la liberté politique. Opérant une transposition contestable, il croit pouvoir décrire ce régime politique en se servant du modèle germain décrit par Tacite. Il le qualifie de « démocratie tempérée par le pouvoir du prince et des grands »1690.Ainsi, à la différence de Boulainvilliers, il reprend la catégorie du régime mixte (démocratie, monarchie, aristocratie), revenant sur ses premiers écrits absolutistes1691. Il superpose toutefois sur ce premier modèle, hérité de l’antiquité, une répartition des pouvoirs proche de celle que l’aristocrate normand avait imaginée. De fait, il parle d’« une assemblée générale, appelée champ de mars, en qui résidait la puissance législative »1692. À côté, il place « un conseil composé du roi et des grands, qui n’était chargé que du pouvoir exécutif »1693. Ce gouvernement d’un peuple « souverainement libre »1694 devait être conservé par les Francs de la conquête des Gaules. Ainsi, fut instituée, aux origines de la France, « une vraie république dont le prince n’était que le premier magistrat »1695.
74L’auteur peut ainsi réduire en cendres les prétentions historiques des monarques absolus en reprenant les idées de Boulainvilliers sur Clovis, le premier roi de la France. Il rejette alors la théorie de Dubos qui en faisait un des officiers de l’Empire, héritier du pouvoir de ses anciens chefs1696. Il retrouve la théorie de Boulainvilliers sur la double origine de la fonction royale. Le roi est d’abord un magistrat civil soumis à la nation. Il est ensuite un général d’armée dont les actes dépendaient du « consentement de ses soldats »1697. Au soutien de son argumentation, il invoque l’épisode du vase de Soissons, qu’il interprète comme Boulainvilliers. Il fait ironiquement remarquer que « si Clovis eut été le souverain, et non pas simplement le général de son armée, pourquoi n’aurait-il pas usé du droit de souveraineté ? »1698contre le guerrier récalcitrant.
75Pourtant, cet idéal libertaire, que Mably croit trouver dans ce gouvernement gothique, ne l’empêche pas en tant qu’homme des lumières, de noter la barbarie des mœurs. Celle-ci ne l’incite cependant pas à une réprobation sans réserve mais plutôt à une indulgence, semblable à celle de Boulainvilliers. Ainsi, Clovis est bien décrit comme un guerrier sanguinaire. Toutefois, Mably soutient que :
« la cruauté et la fourberie (...) chez un peuple encore sauvage (...) s’associent souvent avec une âme grande noble et fière. A qui ne connaît pas les borne étroites qui séparent la vertu du vice, la violence peut paraître du courage et la perfidie de la prudence »1699.
76L’auteur fonde cette conception naïve, comme Boulainvilliers, sur la faiblesse du savoir d’une peuplade barbare. Cet argument va lui permettre de légitimer une articulation de l’état social originaire de la France fondée autour de la conquête.
- Une société articulée autour de la distinction vainqueurs/vaincus
77La simplicité des mœurs des Francs conquérants permet à Mably de justifier une organisation sociale issue du rapport complémentaire entre vainqueurs Francs et vaincus Gaulois. Il se demande, non sans quelque angélisme :
« comment les français auraient-ils soupçonnés qu’il put y avoir un droit des gens, que deux nations eussent des devoirs réciproques à remplir, et qu’il leur importait de respecter la foi des traités ? A peine savaient-ils qu’ils étaient citoyens, et qu’ils formaient une société »1700.
78Sa conscience d’homme des Lumières soulagée, Mably peut ainsi décrire en toute liberté cette nouvelle société originaire de la France, véritable association entre vainqueurs et vaincus. Selon lui, ces derniers ne furent pas réduits en servitude1701. Pourtant, il ne s’éloigne guère de la conception de Boulainvilliers, puisqu’il soutient, en contrepartie, que les Francs « établirent une différence humiliante entre eux et les vaincus. Le Gaulois fut jugé un homme vil, son sang fut estimé une fois moins que celui d’un français »1702. Il cite à l’appui de sa thèse les différentes compositions pécuniaires pénales de la loi salique, confondant personnalité des lois et différence de statut social.
79Cette explication permet à Mably de cantonner les Francs à la fonction de guerrier et les Gaulois à celle de subvenir à leurs besoins matériels1703. Il admet, il est vrai, que les Gaulois conservèrent le privilège d’être leurs propres juges17041704. Il affirme même que le gaulois a pu devenir prêtre, fonction dont il dit, non sans quelques irrévérences religieuses, que les titulaires « qui convertissent une nation en sont les maîtres, s’ils veulent l’être »1705.
80Mais, Mably hésite lorsque il doit associer les Gaulois à l’assemblée des Francs dans sa description historiographique. Il estime que c’est par « les prières des prêtres que les Gaulois (...) obtinrent le privilège qu’avait tout barbare établi (...) de s’incorporer à la nation victorieuse, et de se naturaliser français ». Ainsi, de « sujets », ils seraient devenus, « citoyens » et auraient eu une « place dans les assemblées du champ de mars » entrant ainsi « en part de la souveraineté »1706. Cependant, selon Mably, « malgré tant d’avantages attachés à la qualité de françois, il est vrai que la plupart des pères de famille (...) gaulois (...) ne s’incorporèrent pas à la nation française et continuèrent à être sujets »1707. En définitive, l’explication historiographique ne franchit pas le cap d’une légitimation de la démocratie. Tout comme Boulainvilliers, Mably cherche dans l’histoire de France, à justifier l’existence de la société des trois ordres. Mais à la différence de ce dernier, il souhaite renforcer le statut du tiers état.
§ 3 - Une explication divergente : la marche vers l’absolutisme
81Pour Mably, ce beau gouvernement des origines « aurait fait naître parmi les français les qualités et les institutions nécessaires à un peuple qui a une fortune et des établissements fixes »1708. Mais il va disparaître. Mably en impute la faute aux français eux-mêmes qui « négligèrent de se rendre aux assemblées du champ de mars », facilitant ainsi la récupération de l’intégralité du pouvoir politique par l’exécutif1709. Aussi, à l’instar de Boulainvilliers, l’auteur ne peut que louer un Charlemagne idéalisé qui rétablit les assemblées et « apprit aux français à obéir aux lois, en les rendant eux-mêmes législateurs »1710. Toutefois, la faiblesse des derniers carolingiens va rendre cette tentative vaine.
82Dès lors, renouant avec la théorie antique de l’évolution cyclique des régimes politiques, Mably voit le gouvernement mixte franc se dégrader en un régime aristocratique, constitué par le développement de la féodalité. Cette dernière est issue de l’instauration des fiefs héréditaires, apparus dès Charles le chauve1711, que l’auteur distingue bien du bénéfice1712.
83Mably se sépare de ce fait définitivement de Boulainvilliers en voyant dans le développement de la féodalité « une confusion anar-chique »1713ou « la monstrueuse anarchie du gouvernement féodal »1714. Mably caractérise cette forme politique par l’accaparement des anciennes prérogatives du roi par les seigneurs1715. En fait, l’auteur remarque fort justement
84que ce gouvernement est le fruit d’une substitution de la suzeraineté à la souveraineté1716. Voilà ce qui forme selon lui :
« une constitution monstrueuse, destructive de tout ordre et de toute police, et contraire aux notions les plus communes de la société »1717dans laquelle il n’y avait « aucune puissance publique et générale »1718.
85En même temps, Mably insiste sur la perversion sociale et p o l i t i q u e de la féodalité. Il affirme qu’apparut, alors, l’hérédité de la noblesse. Or, à ses yeux,
« dès qu’il y eut dans l’État des citoyens qui possédaient des privilèges particuliers, et ne les tenaient que de leur seule naissance, ils durent mépriser ceux qui ne furent plus leurs égaux »1719.
86Ce faisant, il ne critique pas l’institution nobiliaire en elle-même. Il reconnaît que celle-ci existait déjà sous le gouvernement franc des origines1720. Néanmoins, il reproche à la noblesse de l’époque féodale de tenir « entre ses mains toutes les forces de l’État »1721. Cette récrimination provient du fait que, pour Mably, le principe de l’équilibre des forces sociales n ’ e s t pas assuré. D’ailleurs l’auteur soutient que les seigneurs nobles ignoraient les « devoirs que la nature nous prescrit. Ils ne comprenaient pas que leurs droits pussent être limités (...) chaque terre fut une véritable prison pour ses habitants »1722.
87Aussi , Mably voit-il d’ un bon œil l’affranchissement des communes car il lui apparaît comme le levier qui favorise la décadence du gouvernement f é o d a l1723. Pour autant, l’auteur ne considère p a s que le gouvernement mixte des origines fût rétabli. Bien au contraire, il considère que le gouvernement aristocratique va se dégrader en une monarchie pure, proche de la tyrannie. Et même si, au cours du Moyen-âge les états généraux sont restaurés par Philippe le Bel, ils ne sont à ses yeux qu’« un instrument de son autorité » et non un « ressort originaire du gouvernement »1724.
88Mably regrette cette décadence du gouvernement français. Il est pourtant loin de se résigner à l’état de fait qui caractérise son époque. Son histoire n’est d’ailleurs pas seulement l’expression d’un simple regret à l’égard d’un paradis perdu. Elle est aussi un discours militant. Aussi, son anti-absolutisme le conduit-il à utiliser l’histoire de France afin de détruire la légitimation historique des bourbons.
89Ainsi, Mably s’efforce-t-il de briser l’un des plus importants mythes historique que les tenants de l’absolutisme utilisaient pour renforcer la monarchie. A l’instar de Boulainvilliers, il rejette la théorie, défendue par les historiens de la monarchie, selon laquelle l’accession au trône d’Hugues Capet serait le fruit d’une élection par la « nation ». En effet, cette interprétation impliquait que la monarchie moderne repose sur un consentement originaire des gouvernés. L’auteur, qui cherche plutôt a fragiliser les fondements du régime en place, retrouve les idées de l’historien normand1725en écrivant que « ce ne furent ni les lois qui ne subsistaient plus, ni la nation divisée, qui décidèrent entre Charles et Hugues Capet ; la force seule fit le droit de celui-ci »1726. Il fait également reposer, comme Boulainvilliers, l’autorité du fondateur de la dynastie capétienne sur « un vrai contrat entre le prince et ses vassaux »1727. Fort de ce fondement de pur droit féodal, il réduit en cendres les prétentions absolutistes. Toutefois, à l’inverse de Boulainvilliers, Mably est loin d’être un apologiste de la féodalité. Aussi, après avoir tiré profit de cette notion, il n’hésite pas à admettre, non sans paradoxe, que le premier capétien pouvait détruire la féodalité, compte tenu de son « devoir (de) faire tous ses efforts pour délivrer sa patrie de ses vices, et y faire régner l’ordre, la paix et la sûreté »1728.
90Ce raisonnement de Mably vise, en fait, à pousser les français à restaurer le régime mixte des origines. Une position aussi claire ne caractérise certainement pas les idéologues de la noblesse qui lutte contre l’absolutisme.
SECTION II - L’INFLÉCHISSEMENT DES THÈSES DE BOULAINVILLIERS PAR LES IDÉOLOGUES DE LA NOBLESSE
91Au milieu du xviiième siècle, les défenseurs de la noblesse ont du faire face à deux problèmes. En premier lieu, les historiens de la monarchie absolue n’ont pas hésité à remettre en cause l’ancienneté du second ordre, afin de mieux démontrer que les privilèges nobiliaires ne découlent que de la volonté du prince. En second lieu, la critique de la féodalité, qui s’est développée au cours du xviiième siècle, mine le modèle historique servant à justifier l’institution nobiliaire.
92Aussi, les tenants de l’idéologie nobiliaires vont-ils être de plus en plus contraints de multiplier les manifestes de légitimation. Ils vont alors se référer à Boulainvilliers, soit pour infléchir certaines de ses formulations trop radicales à l’égard de tout ce qui n’est pas noblesse d’épée, soit pour soutenir une démonstration subversive, dans laquelle noblesse et roture sont associées dans une lutte contre l’absolutisme monarchique.
§ 1 - Alès de Corbet ou la tentative impossible d’unification de la noblesse
93Pierre Alexandre d’Alès, vicomte de Corbet1729, devait en 1766 s’élever contre les études historiques, fondées sur les thèses de Dubos, selon lesquelles il n’ y avait aucune distinction sociale lors de l’établissement de la monarchie1730.
94Alès de Corbet tente alors de légitimer la noblesse, sans toutefois recourir à une représentation historique, fondée sur la distinction vainqueurs/vaincus. En effet, cette dernière aboutissait à en remettre en cause le caractère représentatif. Il s’efforce alors de montrer que « la conquête de Clovis n’apporta aucun changement essentiel dans les moeurs, les usages, ni même les lois qu’il trouva dans les Gaules »1731. Ainsi, sans sortir du cadre historique formé par Boulainvilliers, il module certaines de ses thèses. Il refuse d’abord de reconnaître le caractère violent de la conquête, soutenant que :
« Boulainvilliers est parti d’un faux principe, en se représentant Clovis et les Francs, comme un torrent de barbares, qui se jetant avec fureur sur les gaules envahirent toutes ses provinces (...) s’approprièrent les fonds et s’en assurèrent les habitants »1732.
95Ce rejet a pour but d’établir un récit de l’histoire nationale qui rende crédible l’avènement d’un ordre stable et pacifique. L’auteur peut ainsi fonder l’origine de la noblesse sur « l’incorporation des romains, des gaulois, des bourguignons (...) et par la confusion des différentes nations lors de l’arrivée de Clovis en Gaule » et non sur les seuls Francs comme il le reproche à l’historien normand1733.
96Pour prouver cette affirmation, Alès de Corbet rejette la thèse de Boulainvilliers sur l’incompatibilité de la noblesse gallo-romaine fondée sur la magistrature et la noblesse franque issue de la fonction militaire. Il peut ainsi récuser l’historien normand qui soutenait que les conquérants francs avaient supprimé la noblesse romaine1734. En effet, pour Alès de Corbet, la différence de nature entre noblesse gallo-romaine et noblesse franque ne saurait empêcher une fusion des deux groupes sociaux. Il justifie ainsi la thèse d’une « assimilation » nobiliaire lors de la conquête1735. Le recours à cette théorie a pour finalité de dépasser la lutte entre la robe et l’épée qui déchire la noblesse. L’auteur cherche à réunifier le second ordre, avouant que :
« la noblesse en France ne forme point plusieurs ordres, plusieurs classes : elle n’attache point de privilèges, ni de droit essentiel à un certain ordre de naissance, à son éclat, à son illustration, auxquels elle n’admettent le plus simple gentilhomme »1736.
97Cette volonté d’écarter ainsi tous les antagonismes qui minaient la noblesse n’est pas exclusive de toute intention subversive. L’auteur évoque d’ailleurs le mythe de l’assemblée franque composée des premiers nobles, lors de l’établissement de la monarchie1737. Cependant, il n’insiste pas autant que Boulainvilliers sur le thème de la monarchie limitée. Son attitude ressemble plutôt à une stratégie de repli face à la critique antinobiliaire de son siècle.
98D’ailleurs, un préjugé propre à la noblesse d’épée hypothèque sa tentative de reconstitution de l’homogénéité du groupe nobiliaire. Celui-ci apparaît dans son interprétation historique des origines de la noblesse. À l’instar de Montesquieu, il ne peut s’empêcher de soutenir que lors de leur arrivée en Gaule, les nobles francs ont conservé un « ascendant que leur donnait le droit de conquête »1738. Il ajoute qu’« il dut résulter de cela sinon un ordre différent parmi la noblesse, au moins une distinction d’abord très marquée en leur faveur et qui put se soutenir du temps »1739. En définitive, Alès de Corbet évoque à nouveau le vieux thème de l’aristocratie franque guerrière, systématisé par Boulainvilliers, propre à l’idéologie de la noblesse d’épée.
99Son parti pris se répercute alors sur l’idée qu’il se fait de la noblesse de son époque. En effet, si l’auteur admet que cette dernière ne forme qu’un seul ordre, il soutient aussi qu’en son sein existent des prééminences dont il dégage des caractères constitutifs avantageux pour la veille noblesse1740 .
100Au fond, le témoignage d’Alès de Corbet est l’indice de l’une des impasses de l’idéologie nobiliaire à la veille de la Révolution. L’attitude de l’auteur atteste de l’incapacité de la noblesse française de se constituer en un groupe ouvert, apte à assurer la promotion sociale des élites comme en Angleterre. L’anoblissement reste une notion inconciliable avec les théories des défenseurs du second ordre, malgré leurs efforts pour reconstituer l’unité de leur groupe social. La conséquence de ce blocage de la mentalité nobiliaire se fera sentir dans les premières années de la Révolution avec la suppression de l’ordre.
101Pour autant, il serait abusif de réduire l’effort des idéologues de la noblesse à ce seul point de vue. Ces derniers vont s’appliquer à tenter d’associer la noblesse avec le tiers état, pour lutter contre l’absolutisme monarchique.
§ 2 - Boulainvilliers dans l’idéologie nobiliaire à la veille de la Révolution : la recherche de l’association des intérêts de la noblesse et du tiers état
102En 1788, à la veille de la révolution, les idéologues de la noblesse s’accordent tous pour affirmer que la nation d’ancien régime est composée des trois ordres. Vraisemblablement stimulés par l’arrêt du conseil du roi, en date du 5 juillet, sur l’enquête relative aux formes à respecter pour la tenue d’états généraux, les tenants d’une idéologie nobiliaire veulent réconcilier noblesse et tiers état au sein d’une assemblée « nationale ».
103Chérin, qui devait donner le dernier état du droit nobiliaire avant la chute de l’ancienne monarchie, était au courant du débat historiographique sur l’origine de la noblesse. Il caricature d’ailleurs Boulainvilliers en le présentant comme l’auteur qui ne voit que des « gentilshommes » et des « serfs » dans l’état social hérité de la conquête franque de la Gaule1741 . Cette distinction l’horripile. Aussi, il critique la féodalité en affirmant être :
« loin de regretter, à l’exemple de M. de Boulainvilliers, ces temps déplorables de barbarie, où les nobles érigés dans les provinces en autant de tyrans, opprimaient au gré de leur caprices, un peuple au désespoir, et gémissant sous le poids des vexations les plus atroces »1742.
104Pourtant, il ne peut s’empêcher d’invoquer à nouveau l’organisation féodale pour justifier le rôle de la noblesse dans la société. Il exhorte le « peuple français » à respecter dans la noblesse « un ordre supérieur, heureusement institué pour être le lien du souverain et de ses sujet »1743 ainsi qu’à reconnaître dans cet ordre « ses anciens seigneurs, les défenseurs de ses foyers »1744 Cette apparente volte-face s’explique par le fait que Chérin veut acclimater l’idéologie nobiliaire aux intérêts du tiers état, pour mieux faire face à l’absolutisme monarchique. Aussi, il utilise le germanisme en le formulant à la fois à la manière de Boulainvilliers et de Mably, tout en y ajoutant sa propre touche.
105Chérin évoque les origines de la monarchie, époque où les anciens Francs étaient souverainement libres, siégeant dans des « assemblées générales de la nation » où résidait la « puissance législative »1745. Les rois étaient alors, selon l’auteur, « de simples magistrats » durant la paix et des « capitaines » pendant la guerre1746. Il invoque également le mythique Charlemagne qui rétablit les assemblées, un temps oubliées, des Francs « amollis par leurs nouvelles richesse »1747, afin de rendre « à sa nation sa liberté »1748.
106Chérin va ajouter son apport personnel dans la relation de cet âge d’or en affirmant que le « peuple dégradé depuis longtemps par la tyrannie des seigneurs (...) fut rétabli dans ses anciens droits et entra dans le champ de mai »17491749. Soucieux des droits du tiers état, l’auteur soutient que « ce fut dans ces assemblées, vraiment nationales, que furent portées du consentement des trois ordres, ces lois fameuses connues sous le nom de capitulaires »1750. Son désir d’exalter la nation d’ancien régime contre l’absolutisme monarchique le pousse à transposer, ces assemblées sous le règne des capétiens1751, quitte à réinventer le passé. Cette déformation historique lui permet d’assimiler les états généraux aux assemblées nationales de l’origine de la France, détentrices du pouvoir législatif1752.
107Cette inflexion de la pensée nobiliaire en faveur du tiers état, dont Chérin se fait l’écho, est nettement partagée par d’autres idéologues de la noblesse qui utilisent Boulainvilliers exclusivement pour défendre l’idée d’une assemblée nationale composée des trois ordres unis.
108Ainsi, d’Antraigues cherche une alliance entre la noblesse et la bourgeoisie contre le despotisme du prince absolu. Il souhaite à cette fin un compromis qui contenterait le second et le troisième ordre. Sa proposition reste toutefois un marché de dupes. De fait, les concessions, qu’il accepte à l’égard du tiers état, restent limitées à l’abandon des seuls privilèges fiscaux. Son hostilité à l’égard de la noblesse de son époque1753 ne l’empêche pas de souhaiter le maintien de la structure trifonctionnelle et la persistance des droits féodaux1754. Pourtant son désir d’unifier la nation amène d’Antraigues à éviter d’utiliser Boulainvilliers pour accabler le tiers état, ou pour contester sa présence au sein des assemblées d’États, détentrices selon lui d’une part du pouvoir législatif.
109Il recourt donc uniquement au témoignage de l’historien normand afin de vilipender le despotisme des rois. Il invoque d’abord les ouvrages de Boulainvilliers pour dénoncer les usurpations de Philippe le Bel ou de Louis X Le Hutin1755. Surtout, d’Antraigues use de l’autorité de notre auteur pour dénoncer le dévoiement, par les rois, du principe du consentement des sujets à l’impôt. Il cite l’exemple de la mise en place de la taille permanente par Charles VII pour entretenir l’armée1756.
110Cette manière d’exploiter les thèses de Boulainvilliers se retrouve dans un ouvrage anonyme, imprégné d’idéologie nobiliaire, intitulé Eclaircissements historiques sur les états généraux de France1757. L’auteur souhaite rappeler qu’au cours de l’histoire de France « les assemblées de la nation partagèrent avec le souverain la puissance législative »1758. Pour justifier cette assertion, qui pourtant « ne peut pas même faire la matière d’un doute »1759, il recourt à Boulainvilliers.
111Mais l’auteur des Éclaircissements... éprouve une certaine méfiance envers l’historien normand. Il rappelle les réserves de Montesquieu à l’égard de Boulainvilliers auteur d’une conjuration contre le tiers état1760. Il dit d’ailleurs de l’historien normand « qu’on ne saurait soupçonner assurément d’avoir voulu anticiper les privilèges des communes »1761. De ce fait, si pour l’auteur, Boulainvilliers pouvait se récrier amèrement « contre l’admission » du tiers état, en 1302, dans les « premiers états généraux tenus en France (...) il ne serait pas difficile de lui répondre »1762.
112Toutefois, s’il se méfie de ce qu’il croit être une hostilité de Boulainvilliers à l’égard du troisième ordre, il recourt à cet auteur pour démontrer que le peuple avait bien des représentants aux états généraux1763. Cette même source permet à l’auteur des Eclaircissements... d’insister sur la résistance de ces assemblées d’États, assimilées à de véritables assemblées nationales, au despotisme monarchique1764.
113Pourtant, il critique la tendance de l’historien normand à assimiler assemblées d’États et assemblées de notables1765 ; il n’est pas question en effet d’abandonner la représentation nationale à un simple groupe de bourgeois et d’exclure, ainsi, la noblesse des assemblées représentatives. Cette attitude est significative de l’une des limites de l’idéologie nobiliaire : l’alliance avec le tiers état ne doit pas aboutir à une disparition de la société d’ordres. C’est pourtant cette résistance mentale du groupe nobiliaire que les révolutionnaires vont balayer.
Notes de bas de page
1565 Sur la persistance des remontrances des parlements de provinces après l'ordonnance de 1673, voir M. Antoine «Les remontrances des cours supérieures sous le règne de Louis XIV», Bibliothèque de l'École des chartes, janvier-juin 1993, T. 151, pp. 87-122.
1566 En 1723, Dodart lui offre des copies manuscrites d'ouvrages de Le Laboureur et de Boulainvilliers, P. Barrière, Un grand provincial Charles Louis Segondat, Baron de la Brède et Montesquieu, Bordeaux, éd. Delmas, 1946, p. 196.
1567 Pour une ébauche de ce rapprochement de Boulainvilliers avec Montesquieu, qui ne tient cependant pas assez compte de l'ambivalence du second à l'égard du premier, lire D. Venturino, « Boulainvilliers et Montesquieu ou de la modération nobiliaire », L'Europe de Montesquieu, Actes du colloque de Gênes (26-29 mai 1993) organisé par la Société Montesquieu, Liguori editore, 1995, pp. 103-112
1568 Pensées, in Oeuvres complètes, op. cit., T. I, 1346 (2156, III, f 352 v°), p. 1323.
1569 De l'esprit des lois..., op. cit., T. II, L. X, chap. XXX, p. 891.
1570 Eod. loc.
1571 Eod. loc.
1572 Sur le dépôt des lois confié aux parlementaires, De l'esprit des lois..., op. cit., T. II, L. II, chap. IV, p. 249. Montesquieu semble évoquer la possibilité de réfréner la volonté royale par le parlement. Il écrit à ce sujet, «les corps qui ont le dépôt des lois n'obéissent jamais mieux que quand ils vont à pas tardifs. (...) Que serait devenue la plus belle des monarchies du monde si les magistrats, par leurs lenteurs, par leurs plaintes par leurs prières, n'avaient arrêté le cours des vertus même des rois ?», De l'esprit des lois..., op. cit., T. II, L. V, chap. X, pp. 289-290.
1573 Sur la persistance de la théorie germaniste dans l'opposition parlementaire au siècle des Lumières, voir Fr. Olivier-Martin, Les parlements contre l'absolutisme traditionnel au XVIIIème siècle, op. cit., p. 50. La sympathie qu'éprouve Montesquieu pour l'action du groupe des nobles d'épée contre l'absolutisme est attesté par son approbation de la conjuration de Cinq-Mars, De l'esprit des lois..., op. cit., L. XII, chap. VIII, p. 439.
1574 «L'honneur étant le principe de ce gouvernement (la monarchie), les lois doivent s'y rapporter. Il faut qu 'elles y travaillent à soutenir cette noblesse, dont l'honneur est pour ainsi dire l'enfant et le père. Il faut qu'elles la rendent héréditaire», De l'esprit des lois..., op. cit., T. II, L. V., chap. IX, p. 288.
1575 «Il n'y a rien que l'honneur prescrive plus à la noblesse que de servir le prince à la guerre. En effet, c'est la profession distinguée, parce que ses hasards, ses succès et ses malheurs même conduisent à la grandeur», De l'esprit des lois..., op. cit., T. II, L. IV, chap. II, p. 264.
1576 Ibid., T. II, L. XXX, chap. II, p. 884.
1577 Ibid., T. II, L. XI, chap. VIII, p. 409.
1578 «Les conquérants se répandirent dans le pays ; ils habitaient les campagnes et peu les villes. Quand ils étaient en Germanie, toute la nation pouvait s'assembler. Lorsqu'ils furent dispersés dans la conquête, il ne le purent plus. Il fallait pourtant que la nation délibérât sur ses affaires, comme elle l'avait fait avant la conquête : elle le fit par des représentants», De l'esprit des lois..., op. cit., T. II, eod. loc.
1579 Eod. loc.
1580 Eod. loc.
1581 Montesquieu traite de «l'excellence» du gouvernement monarchique, De l'esprit des lois..., op. cit., T. II, L. V., chap. XI, p. 291.
1582 Ibid., T. II, L. II, chap. IV, pp. 247-248
1583 Montesquieu en parle, de manière à peine voilée, en soutenant que le dépôt des lois «ne peut être que dans les corps politiques, qui annoncent les lois lorsqu'elles sont faites et les rappellent lorsqu'on les oublie». Il exclut la noblesse d'une telle fonction et dit que «le conseil du prince n'est pas un dépôt convenable. Il est, par nature, le dépôt de la volonté momentanée du prince qui exécute, et non pas le dépôt des lois fondamentales», De l'esprit des lois..., op. cit., T. II, L. II, chap. IV, p. 249.
1584 Montesquieu reconnaît bien que le régime anglais dérive du gouvernement germain. Il affirme que «si l'on veut lire l'admirable ouvrage de Tacite sur les mœurs des germains, on verra que c'est d'eux que les anglais ont tiré de leur gouvernement politique. Ce beau système a été trouvé dans les bois», De l'esprit des lois..., op. cit., T. II, L. XI, chap. VI, p. 407.
1585 «Il y a des gens qui avaient imaginé, dans quelques États en Europe, d'abolir toutes les justices des seigneurs. Ils ne voyaient pas qu'ils voulaient faire ce que le Parlement d'Angleterre à fait», De l'esprit des lois..., op. cit., T. II, L. II, chap. IV, p. 247.
1586 «Les anglais, pour favoriser la liberté, ont ôté toutes les puissances intermédiaires qui formaient leur monarchie. Ils ont bien raison de conserver cette liberté ; s'ils venaient à la perdre, ils seraient un des peuples les plus esclaves de la terre», De l'esprit des lois..., op. cit., T. II, L. II, chap. IV, p. 248. Sur les deux formes du gouvernement modéré chez l'auteur, voir A. Postigliola, «En relisant le chapitre sur la Constitution d'Angleterre», in La pensée politique de Montesquieu, Caen, Cahiers de Philosophie Politique et Juridique de l'Université de Caen, 1985, N° 7, pp. 7-28.
1587 De l'esprit des lois..., op. cit., T. II, L. III, chap. VII, p. 257.
1588 Ibid., T. II, L. XIII, chap. XX, p. 473
1589 Ibid., T. II, L. XI, chap. VII, p. 408.
1590 Ibid., T. II, L. VI, chap. X, p. 319.
1591 I. Cox, Montesquieu and the History of the French Laws, Oxford, Voltaire foundation, 1983, pp. 88-150.
1592 Voir le débat sur la validité des thèses historiographiques de Montesquieu. E. Magnou-Nortier, sans contester le préjugé de Montesquieu, soutient que son interprétation de la féodalité comme modèle de monarchie tempérée correspond à la réalité de l'époque médiévale, E. Magnou-Nortier, «Les "lois féodales" et la société d'après Montesquieu et M. Bloch ou la seigneurie banale reconsidérée», Revue Historique, avril-juin 1993, N° 586, pp. 321-360. Inversement, P. Ourliac ne voyait dans les raisonnements de Montesquieu que des «paralogismes», confondant fief et justice. Pour cet auteur, le parlementaire n'a que «le masque de l'historien», «Montesquieu historien de la féodalité», in Mélanges P. Vellas. Recherches et réalisations, Paris, A. Pédone, 1995, pp. 437-449.
1593 Montesquieu affirme que «les ga²ules furent envahies par les nations germaines». Il cite alors les Wisigoths, les «Bourguignons» (sic) et les Francs, De l'esprit des lois..., op. cit., T. II, L. XXX, chap. VI, pp. 887 sq. Mais il fait commencer l'histoire de la monarchie en disant que «ce ne fut pas un peuple, mais une armée, qui, sous Clovis, conquit les Gaules», Mes pensées, op. cit., T. I, N° 595 (1302, f° 141), p. 1094.
1594 Pour Montesquieu, l'armée franque «était composée de volontaires, qui s'étaient choisi des chefs (...) les magistrats militaires», Mes pensées, op. cit., T. I, eod. loc.
1595 «Les rois étaient des magistrats civils (...) je ne crois pourtant pas que le titre de rois fût électif de sa nature avant Pépin (...) c'est qu'il était si héréditaire que chaque enfant avait droit au partage», Mes pensées, op. cit., T. I, N° 595 (1302, f° 141), p. 1094-1095.
1596 Ibid., T. I, N° 595 (1302, f° 141), p. 1095
1597 De l'esprit des lois..., op. cit., T. II, L. XXVIII, chap. IX, p. 803.
1598 «Qui peut penser qu'un royaume, le plus ancien et le plus puissant de l'Europe, soit gouverné, depuis plus de dix siècle, par des lois qui ne sont pas faites par lui ? Si les françois avaient été conquis, ceci ne serait pas difficile à comprendre. Ils ont abandonné les lois anciennes, faites par leurs premiers rois dans les assemblées générales de la Nation ; et ce qu'il y a de singulier, c'est que les lois romaines, qu'ils ont prises à la place, étaient en partie faites et en partie rédigées par des empereurs contemporains de leurs législateurs. Et afin que l'acquisition fût entière, et que tout le bon sens leur vînt d'ailleurs, ils ont adopté toutes les constitutions des Papes et en ont fait une nouvelle partie de leur droit : nouveau genre de servitude», Lettres persanes, op. cit., T. I, Lettre C, p. 279.
1599 De L'esprit des lois..., op. cit., T. II, L. XVIII, chap. XXX, p. 555.
1600 «M. de Boulainvilliers a manqué le point capital de son système : il n'a point prouvé que les francs aient fait un règlement général qui mit les romains en servitude», De L'esprit des lois..., op. cit., T. II, L. XXX, chap. X, p. 891.
1601 De L'esprit des lois..., op. cit., T. II, L. XXX, chap. XI, p. 893.
1602 Ibid., T. II, L. X, chap. I, p. 377.
1603 Ibid., T. II, L. I, chap. III, p. 237.
1604 Ibid., T. II, L. XXX, chap. XXV, p. 931.
1605 Mes pensées, op. cit., T. I, N° 595 (1302, f° 141), p. 1094.
1606 Ibid., passim, pp. 1094-1097.
1607 De l'esprit des lois..., op. cit., T. II, L. XXX, chap. XV, p. 902.
1608 Il assure que l'«on ne peut guère séparer (...) la dignité du noble de celle de son fief», De l'esprit des lois..., op. cit., T. II, L. V, chap. IX, p. 288.
1609 B. Binoche soutient que Montesquieu serait «épistémologiquement» éloigné de Boulainvilliers, car dans son discours historique, «l'établissement n'est pas une origine» à partir de laquelle il est possible de déterminer une légitimité politique. Cet auteur affirme que, même si Montesquieu utilise le mot d'origine, ce n'est pas dans le sens de «commencement qui ne fait pas droit», Introduction à "De l'esprit des lois" de Montesquieu, Paris, P.U.F., 1998, p. 300. Il semble possible de soutenir l'opinion contraire sur une citation très claire de Montesquieu sur la justice seigneuriale. Ce dernier dit, «les justices ne doivent point leur origine aux usurpations ; elle dérivent du premier établissement et non pas de sa corruption», De l'esprit des lois..., op. cit., T. II, L. XXX, chap. XXII, p. 923.
1610 Ibid., T. II, L. XXX, chap. XX, p. 920. Sur cette erreur historiographique, voir l'étude de synthèse établie par P. Ourliac, où justement, Montesquieu est critiqué sur ce point, «La féodalité et son histoire», op. cit.
1611 Ibid., T. II, L. XXX, chap. XVI, pp. 905 sq.
1612 Ibid., T. II, L. XXXI, chap. VII, p. 950.
1613 Eod. loc.
1614 Ibid., T. II, L. XXVIII, chap. XXVII, p. 832.
1615 Ibid., T. II, L. II, chap. IV, p. 247.
1616 Ibid., T. II, L. XXXI, chap. XVIII, p. 968.
1617 Ibid., T. II, L. XXXI, chap. XXI, p. 972.
1618 Ibid., L. XXX, chap. XVII et XVIII, p. 907 sq.
1619 Ibid., T. II, L. XXXI, chap. I, p. 937.
1620 Ibid., T. II, L. XXXI, chap. XXXII, p. 988.
1621 Ibid., T. II, L. XXXI, chap. XVI, p. 966.
1622 Mes pensées, op. cit., T. I, N° 595 (1302, f° 141), p. 1097.
1623 Sur les obstacles à l'émergence d'une sphère publique dans le monde féodal, voir J. Habermas, L'espace public. Archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, Payot, 1993, pp. 17-19.
1624 De l'esprit des lois..., op. cit., T. II, L. XXVIII, chap. XXXIX, p. 855.
1625 «Quoique les Parlements de France n'aient pas grande autorité, ils ne laissent pas de faire du bien. Le ministère ni le prince ne veulent pas en être désapprouvés, parce qu'ils sont respectés. Les rois sont comme l'Océan, dont l'impétuosité est souvent arrêtée, quelquefois par des herbes, quelquefois par des cailloux», Mes pensées, op., cit., T. I, N° 1962 (589. I, f° 445 v°), p. 1477.
1626 Montesquieu soutient que dans une monarchie, «l'ignorance naturelle à la noblesse, son inattention, son mépris pour le gouvernement civil, exigent qu'il y ait un corps qui fasse sans cesse sortir les lois de la poussière où elles sont ensevelies», De l'esprit des lois..., op. cit., T. II, L. II, chap. IV, p. 249. Il illustre cette idée en traitant de l'histoire de France et en expliquant les raisons qui ont fait perdre son pouvoir de justice à la noblesse, «la connaissance du droit romain, des arrêts des cours, des corps de coutumes nouvellement écrites, demandait une étude dont les nobles et le peuples sans lettres n'étaient point capables», De l'esprit des lois..., op. cit., T. II, L. XXVIII, chap. XLIII, p. 861. Il reprend par là un argument invoqué par Boulainvilliers.
1627 Mes pensées, op. cit., T. I, N° 593 (1184. II, f° 84), p. 1086.
1628 Eod. loc. L'auteur se réfère à l'édition 1727 de l'État de la France. Se référer à Boulainvilliers, Lettres sur les anciens parlement de France..., op. cit., T. II, p. 32.
1629 Mes pensées, op. cit., T. I, N° 593 (1184. II, f 84), p. 1087. Cf. Boulainvilliers, Lettres sur les anciens parlement de France..., op. cit., T. II, p. 58.
1630 Mes pensées, op. cit., T. I, N° 595 (1302, f° 141), op. cit., p. 1098.
1631 Ibid., op. cit., N° 593 (1184. II, f° 84), p. 1086.
1632 J. Egret, Louis XV et l'opposition parlementaire 1715-1774, Paris, A. Colin, 1970, pp. 50 sq.
1633 K M Baker, «Mémoire et pratique : la politique et la représentation du passé», in du même auteur, Au tribunal de l'opinion..., op. cit., pp. 49-52.
1634 Objets des remontrances du parlement de Normandie du 15 décembre 1759 (relatives à l'Édit de subvention), imprimé, pp. 4-5, in Recueil d'imprimés, B.M. Marseille 36 697.
1635 Ils affirment que les «rois reconnaissent eux-mêmes dans une infinité d'ordonnances que les subventions dont ils prescrivent la levée, ils les tiennent de la grâce et de la libéralité de leurs sujets : et Louis Hutin (sic) déclare expressément que, ni lui, ni ses successeurs ne pourraient lever aucun subside sans le consentement des prélats, des Nobles et des communes qui en feraient la levée». Une note fonde ce passage sur Nicolas Gilles, Mézeray et Boulainvilliers, Remontrances du Parlement de Toulouse sur l'Édit du mois d'octobre dernier portant prorogation du second vingtième, B.M. Toulouse, Fa. C. 1090, pièce 7(12 janvier 1788), p. 10. Un peu plus loin les parlementaires affirment «selon les États de 1338, il ne devrait être fait à l'avenir aucune imposition que de leur consentement». Il se référent à nouveau, dans une note, aux mêmes auteurs, ibid., p. 12. Ce passage se trouve, chez Boulainvilliers, dans la huitième Lettre sur les anciens parlements, op. cit., T. II, p. 108.
1636 L. Karpik, Les avocats entre l'État, le public et le marché. XIIIème-XXème siècle, Paris, Gallimard, 1995, p. 93.
1637 Le fonds des manuscrits de la bibliothèque de l'Ordre des avocats de Paris a été dispersé, sous la Révolution. Après la dissolution de ce corps, notamment dans les bibliothèques du Comité de législation de l'Assemblée nationale, du Tribunal de cassation, puis sous l'Empire du Conseil d'État. Toutefois, dès le premier Empire, se sont développées, semble-t-il des tentatives de reconstitution de l'inventaire de l'ancien fonds. Ainsi la Préface au journal de Saint-Louis... est mentionnée dans le Catalogue reconstituant le fonds de la bibliothèque des avocats, 1812, fol. 1494, dans le Catalogue des entrées, 1841, N° 1326, ainsi que dans un Catalogue inventaire des manuscrits de l'ordre des avocats, Arsenal, Ms. 6492, fol. 6, qui mentionne également les Quatorze lettres sur les anciens parlements, eod. loc. Ces informations sont corroborées pour la Préface, Biographie universelle ancienne et moderne rédigée par une société de gens de lettres et de savants, Paris, Michaud, 1812, T. V, p. 321, et pour ce même ouvrage et les Quatorze lettres, Catalogue des livres composant la bibliothèque de la Cour de cassation, Paris, 1829, T. V, pp. 207 et 211 ainsi que dans le Catalogue de la bibliothèque des avocats, s.d., T. II, B, 201/11 fol. 446, Po 1493, Po 180 et Po 1494.
1638 A.G. Camus, Lettres sur la profession d'avocat, sur les études relatives à cette profession, et sur la manière de l'exercer (lè r e éd., 1772), Méquignon, Paris, 1777, pp. 31 sq., cité par H. Leuwers, Un juriste en politique, Merlin de Douai (1754-1838), Arras, Artois Presses Université, 1996, p. 36.
1639 F. Di Donato, op. cit.
1640 Lettres historiques sur les fonctions essentielles du parlement, sur le droit des pairs et sur les lois fondamentales du royaume, Amsterdam, 1753, 2 vol. en 1, in 4°
1641 Ibid., vol. 2, p. 5.
1642 Eod. loc.
1643 C 'est ainsi que les voies se préparèrent à la réunion de ces deux sortes d'assemblée, qui (...) se confondirent en une sous les derniers rois de la seconde race. En restreignant les parlements généraux aux seuls grands du royaume, avec les prélats et les sénateurs, la cour du roi se trouva bientôt n'être plus que cette cour plénière (forme élargie du tribunal de magistrats dont parle Le Paige) puisqu'ils étaient composés des mêmes personnes», Lettres historiques sur les fonctions essentielles du parlement..., op. cit., vol. 2, p. 10. Le Paige en utilisant la figure du sénateur, renoue avec les revendications politiques des parlementaires du xvième siècle, cf. chap. II de la seconde partie.
1644 «Il est encore de l'essence de notre monarchie qu'il y ait toujours un tribunal, qui, successeur des anciens parlements généraux, et les représentants, en réunisse, et en conserve invariablement toutes les fonctions», Lettres historiques sur les fonctions essentielles du parlement..., op. cit., vol. 1, p. 151.
1645 L.-A. Le Paige cite à son appui Seyssel, Lettres historiques sur les fonctions essentielles du parlement..., op. cit., vol. 1, p. 152.
1646 Ibid., vol. 2, pp. 16-17.
1647 Dans une lettre au président Murard, postérieure à l'ouvrage étudié ici, Le Paige critique ouvertement Boulainvilliers qui a nié le rôle des parlementaires dans l'Ancien gouvernement de la France, F. di Donato, op. cit., p. 838.
1648 Ibid., vol. 1, p. 41.
1649 Ibid., vol. 1, pp. 41-45. Le Paige cite Boulainvilliers, Mémoires historiques sur l'ancien gouvernement..., op. cit., T. I, pp. 19-20
1650 Le Paige compare Charlemagne, prince qu'il idéalise, avec Louis le Débonnaire ou Charles le Chauve, Lettres historiques sur les fonctions essentielles du parlement..., op. cit., vol. 1, pp. 170-171. Il cite et semble résumer des passages de la seconde lettre sur les anciens parlements, Boulainvilliers, Lettres sur les anciens Parlements de France..., op. cit., T. I, pp. 33 sq. Sur l'exploitation du mythe de Charlemagne par Le Paige, R. Morrissey, op. cit., pp. 295-297.
1651 A.-L. Le Paige, Lettres historiques sur les fonctions essentielles du parlement..., op. cit., vol. 2, pp. 87-89.
1652 Ibid., vol. 2, pp. 254-255. L'auteur se réfère au développement consacré par Boulainvilliers dans sa septième Lettre sur les anciens parlement de France..., op. cit., T. II, pp. 1 sq.
1653 Sur l'invocation et la critique de Boulainvilliers dans la correspondance de plusieurs robins français, Voir F. di Donato, Esperienza ideologia ministeriale dell' Ancien regime. Niccolo Fraggiani tra diritto, istituzioni e politica (1725-1763), Naples, Jovene, 1996, pp. 403-457.
1654 Maximes du droit public français tirées des capitulaires, des ordonnances du royaume et des autres monuments de l'Histoire de France, M.M. Rey, Amsterdam, 1775, 2eme éd. Sur cet ouvrage voir J.-P. Brancourt, «Une œuvre de subversion au xviiième siècle», op. cit. ; Y. Fauchois, op. cit. ; D. Van Kley, op. cit.
1655 Maximes du droit public français..., op. cit., T. I, pp. 243-244. Sur la signification de ce passage voir le commentaire de J.-L. Mestre, «L'évocation d'un contrôle de constitutionnalité dans les "Maximes du droit public français" (1775)», op. cit.
1656 Voir les développements de J.-L. Mestre, ibid.
1657 Maximes du droit public français..., op. cit., T. I, p. 244.
1658 Ibid., p. 84.
1659 Ibid., pp. 98-100 et 102 qui sont des reprises dans l'édition de 1727 de la septième Lettre sur les anciens parlements de France, op. cit., T. II, pp. 1 sq.
1660 Maximes du droit public français..., op. cit., p. 103, reprenant la même lettre de Boulainvilliers.
1661 Les auteurs des Maximes du droit public français... reprennent Boulainvilliers pour évoquer l'établissement de la taille permanente sous Charles VII (ibid., T. I, pp. 110-112 et 150), l'avidité de Louis XI (ibid., T. I, p. 112), de François Ier(ibid., T. I, p. 112), et de l'indifférence de Louis XIII aux droits établis, ibid., T. I, p. 133.
1662 Ibid., p. 150.
1663 Ibid., pp. 158-160. citation reprise de Boulainvilliers, Mémoires historiques sur l'ancien gouvernement..., op. cit., T. I, pp. 181-182.
1664 Intitulé du chapitre V, Maximes du droit public français..., op. cit., T. II, p. 1.
1665 Ibid., T. II, p. 11.
1666 Ibid., T. II, p. 12 qui reprend Boulainvilliers, Lettres sur les anciens Parlements de France..., op. cit., T. I, pp. 68 sq.
1667 Maximes du droit public français..., op. cit., p. 84.
1668 Boulainvilliers, Lettres sur les anciens Parlements de France..., op. cit., T. III, p. 7.
1669 Ibid., T. III, p. 8.
1670 Voir B. Barret-Kriegel, «L'État au xviième-xviiième siècles. L'impossible réformation des codes», in Réflexions idéologiques sur l'État. Aspects de la pensée politique méditerranéenne, Vème colloque de l'Association française des Historiens des Idées Politiques (Aix-en-Provence, 25-27 septembre 1986), Aix-en-Provence, P.U.A.M., 1987, spécialement pp. 31-36.
1671 F. Furet et M. Ozouf, «Deux légitimations historiques de la société française au xviiième siècle : Mably et Boulainvilliers», op. cit., pp. 438- 450.
1672 Voir en particulier, F. Mazzanti Pepe, «Mably : une démocratie à la mesure de l'homme», in P. Friedmann, F. Gauthier, J.-L. Malvache, F. Mazzanti Pepe (textes réunis par), Colloque Mably. La politique comme science morale, Actes du colloque (Musée de la Révolution française. Château de Vizille, 6-8 juin 1991), Bari, Palomar Casa editrice S.R.L., 1995, vol. 1, pp. 65-83 ; G. Ferrière, «Les deux démocraties selon Mably», in La pensée démocratique, Actes du XIème colloque de l'Association Française des Historiens des Idées Politiques, (Aix-en-Provence, 21-22 septembre 1995), Aix-en-Provence, P.U.A.M., 1996, pp. 115-139.
1673 Cf. supra chapitre I, section II, § 2.
1674 Il devait admettre la théorie de Boulainvilliers selon laquelle la féodalité avait été importée de Lombardie par Charlemagne, Parallèle des romains et des français..., op. cit., Ière partie, L. I, pp. 101-102.
1675 Observations sur l'histoire de France, op. cit.
1676 Ibid., T. I, pp. 183 et 186.
1677 Ibid., T. II, p. 12.
1678 Certains auteurs soutiennent que le pessimisme de Mably, qui l'amène à ne voir dans l'histoire que désastres et calamités, ne l'empêcherait pas de chercher dans un âge d'or perdu un gouvernement idéal, F. Furet et M. Ozouf, «Deux légitimations historiques de la société française au xviè me siècle : Mably et Boulainvilliers», op. cit., pp. 440-441. Inversement, K.M. Baker affirme que la conception historique de Mably, qui rompt avec la notion de continuité du temps, vise à aboutir à une forme d'anarchisme propre à une recomposition révolutionnaire, K.M. Baker, Au tribunal de l'opinion..., op. cit., pp. 67-72.
1679 De l'étude de l'histoire, Paris, Fayard, 1988, p. 7.
1680 Ibid., pp. 18-19.
1681 Observations sur l'histoire de France, op. cit., T. IV, L. VIII, p. 300.
1682 Ibid., T. II, L. IV, p. 227.
1683 Ibid., T. IV, L. VIII, p. 304.
1684 Eod. loc.
1685 Ibid., T. IV, L. VIII, p. 308.
1686 «Dans tout gouvernement libre où il y a, comme en Suède ou en Angleterre, un prince héréditaire (...) la noblesse aura toujours de grands avantages, et son sort sera assuré (...) cette fortune établie sur la constitution et non sur la volonté inconstante du prince», Observations sur l'histoire de France, op. cit., T. IV, L. VIII, pp. 308-309.
1687 Ibid., T. IV, L. VIII, p. 309.
1688 Ibid., T. IV, L. VIII, p. 310.
1689 F. Furet et M. Ozouf parlent plutôt d'une recherche de l'harmonie, «Deux légitimations historiques de la société française au xviiième siècle : Mably et Boulainvilliers», op. cit., p. 447. Il faut d'abord remarquer que ce concept est impropre à restituer un champs de force, image que Mably utilise pour représenter l'ordre social. Surtout, la démarche de F. Furet et M. Ozouf aboutit à faire de Mably, un adepte de la société fonctionnaliste de type aristotélicien, alors que l'auteur, sans contester la nécessité des fonctions sociales dans la société d'ordre, a compris que l'histoire est un jeu de forces sociales, qui, tout en réaboutissant à un équilibre temporaire, reste en mouvement.
1690 Observations sur l'histoire de France, op. cit., T. I, L. I, p. 131.
1691 Mably avait soutenu que «les français ne connurent point les ressorts du mélange des gouvernements», Parallèle des romains et des français..., op. cit., Ière partie, L. I, p. 92.
1692 Observations sur l'histoire de France, op. cit., eod. loc.
1693 Eod. loc.
1694 Eod. loc.
1695 Ibid., T. I, L. I, p. 143.
1696 Parlant de Dubos, il écrit : «il suppose que les français, aussi patients, et aussi dociles que des soldats mercenaires, n' ont vaincu que pour l'avantage de leur capitaine et n'auraient pas regardé leur conquête comme leur bien», Observations sur l'histoire de France, op. cit., T. I, L. I, p. 139.
1697 Observations sur l'histoire de France, op. cit., T. I, L. I, p. 132.
1698 Ibid., T. I, L. I, p. 133.
1699 Ibid., T. I, L. I, pp. 137-138.
1700 Ibid., T. I, L. I, p. 129.
1701 Mably explique cela en invoquant à nouveau la simplicité des mœurs associée à une humanité des Francs. Ils ne pouvaient donc pas accepter la notion de servitude. Il dit que «si les gaules ne furent pas réduites en servitude, c'est que les français n'avaient d'idée que la liberté, qu'ils traitaient aussi que les autres germains, leurs esclaves comme les hommes, et que la tyrannie, bien différente du brigandage et de la violence demande des vues et un art dont ils étaient bien éloignés», Observations sur l'histoire de France, op. cit., T. I, L. I, p. 142.
1702 Eod. loc.
1703 Ibid., T. I, L. I, p. 143
1704 Ibid., T. I, L. I, p. 146.
1705 Ibid., T. I, L. I, p. 147.
1706 Ibid., T. I, L. I, pp. 148-149.
1707 Ibid., T. I, L. I, p. 149.
1708 Ibid., T. I, L. I, p. 153.
1709 Ibid., T. I, L. I, p. 155.
1710 Ibid., T. I, L. II, p. 293.
1711 Ibid., T. I, L. II, p. 349.
1712 Mably assimile les bienfaits de Clovis aux bénéfices. Il va alors distinguer les fiefs en disant que : «Les dons que Clovis avait faits (...) n'étaient que de purs dons, qui n'imposaient aucun devoir particulier (...) les bénéfices de Charles Martel furent au contraire ce qu'on appela depuis des fiefs, c'est-à-dire des dons faits à la charge de rendre au bienfaiteur conjointement ou séparément des services militaires et domestiques», Observations sur l'histoire de France, op. cit., T. I, L. II, p. 273.
1713 Observations sur l'histoire de France, op. cit., T. I, L. II, p. 350.
1714 Ibid., T. I, L. II, p. 358.
1715 « À la qualité de juges, les seigneurs joignirent celle de capitaines de leurs terres ; ou plutôt ils ne séparèrent point des fonctions qui jusque là avaient toujours été unies dans le prince (...) et autres magistrats publics de la nation», Observations sur l'histoire de France, op. cit., T. I, L. I, p. 254.
1716 Observations sur l'histoire de France, op. cit., T. I, L. II, p p . 355 sq.
1717 Ibid., T. I, L. II, p . 3 5 6.
1718 Ibid , T. I, L. II, p . 3 5 7.
1719 Ibid., T. I, L. I, p . 254.
1720 Ibid., T. I, L. I, p . 257.
1721 Eod. loc.
1722 Ibid., T. I, L. I I I , p . 3 7 2.
1723 Ibid., T. II, L. III . , p p . 168 - 169.
1724 Ibid,, T. II, L. IV, pp. 226.
1725 Cf. Ière partie, chapitre II, section I
1726 Observations sur l'histoire de France, op. cit., T. I, L. II, p. 366.
1727 Ibid., T. I, L. II, p. 369.
1728 Eod. loc.
1729 (1715-?), ancien soldat, féru de philosophie, qui devait écrire plusieurs ouvrages sur la légitimation de la noblesse.
1730 Voir l'introduction dans laquelle Alès de Corbet explique qu'il a écrit son ouvrage contre le système des lettres imprimées à Lyon en 1763, visant l'ouvrage de l'abbé Mignot de Bussy, Lettres sur l'origine de la noblesse française et sur les manières dont elle s'est conservée jusqu'à nos jours, op. cit. Sur la dénonciation des thèses de Bussy comme la reprise des thèses de Dubos, Alès de Corbet, Origine de la noblesse française depuis l'établissement de la monarchie, Paris, Desprez, 1766, pp. 2 et 23.
1731 Origine de la noblesse française..., op. cit., p. 84.
1732 Ibid., pp. 79-80. Voir le même reproche adressé à l'auteur, ibid., pp. 47- 48.
1733 Ibid., p. 60.
1734 Sur le rejet de ces deux idées de Boulainvilliers, auteur que Alès de Corbet cite nommément, Origine de la noblesse française..., op. cit., pp. 66-67 et 77. Ces thèses de Boulainvilliers se trouvent dans son Essai sur la noblesse de France, op. cit., pp. 13-17.
1735 Origine de la noblesse française..., op. cit., pp. 66-67.
1736 Ibid., p. 420.
1737 Ibid., p. 421.
1738 Ibid., p. 148.
1739 Ibid., p. 149.
1740 Il évoque ainsi quatre critères constitutifs. Le premier est l'ancienneté de la famille, Origine de la noblesse française..., op. cit., p. 427. Le second est l'autorité, ibid., p. 431. Mais ce dernier critère se mesure au degré du fief. Autrement dit, c'est l'ancienne puissance politique détenue par les fiefs au cours du Moyen-âge qui doit déterminer l'autorité, eod. loc. De l'aveu même de l'auteur, il s'agit de promouvoir la «noblesse militaire», ibid., p. 432. En affirmant que le troisième critère est l'illustration d'une famille dans les fonctions de guerre (ibid., p. 449), il ne fait que conforter cette idée. Alès de Corbet veut enfin renforcer les familles qui sont depuis longtemps nobles en accordant une prééminence aux lignées issues de «bonnes» alliances, ibid., p. 461. Il retrouve ainsi le critère du sang pour définir la noblesse, soutenant d'ailleurs que «les alliances peuvent être bonnes, et qu'elles peuvent être grandes ; contractées dans le seul ordre de la noblesse, elles conservent la pureté des familles, on y trouve aucun mélange de roture, nul rameau n'y a porté un sang étranger», ibid., p. 462. La position de l'auteur traduit bien la tentative de castification de la noblesse à la fin de l'ancien régime.
1741 Discours préliminaire de son Abrégé chronologique d'Edits, Déclarations, Règlements, Arrêts et Lettres patentes des rois de France de la troisième race, concernant le fait de noblesse, op. cit., pp. I-II.
1742 La noblesse considérée sous ses divers rapports dans les assemblées générales et particulières de la nation ou représentations des états généraux et Assemblées de notables pour et contre les nobles, Paris, 1788, p. 34.
1743 La noblesse considérée sous ses divers rapports..., op. cit., p. 35.
1744 Ibid., p. 36.
1745 Ibid., p. 1.
1746 Eod. loc.
1747 Ibid., p. 2.
1748 Ibid., p. 3.
1749 Eod. loc.
1750 Ibid., p. 4.
1751 Toutes les fois que l'Etat s'est trouvé dans des nécessités pressantes, ou qu'il s'est élevé quelques questions importantes, nos rois se sont déterminés à convoquer les différents ordres du royaume. Philippe le Bel paraît être le premier des rois de la troisième race qui ait conçu le dessein de faire revivre les assemblées générales de la nation, à l'instar de celles si fréquemment tenues sous le règne de l'Empereur Charlemagne», La noblesse considérée sous ses divers rapports..., op. cit., p. 8.
1752 «Le peuple, sorti de l'esclavage par l'établissement des communes, commençait alors à former dans le royaume un corps séparé de la noblesse et du clergé. Réunis ensemble, ces différents ordres représentèrent les trois états du royaume. C'est de là qu'on a appelé depuis les assemblées de la nation convoquées dans cette forme : états généraux», La noblesse considérée sous ses divers rapports..., op. cit., p. 9.
1753 G. Chaussinand-Nogaret, «Un aspect de la pensée nobiliaire au xviiième siècle : l’"antinobilisme"», op. cit., pp. 442-452.
1754 R. Barny, Le comte d'Antraigues : un disciple aristocrate de J.-J. Rousseau. De la fascination au reniement, Oxford, Voltaire foundation, 1991, p. 128.
1755 Mémoires sur les états généraux, leurs droits et la manière de les convoquer, s.l., 1788, pp. 103-105. D'Antraigues insiste sur les manœuvres de Louis X Le Hutin, en reprenant des instructions du roi données à ses commissaires pour effectuer une imposition occulte. Sur l'utilisation de ces instructions par Boulainvilliers, cf. Ière partie, chapitre II, section II de cette étude.
1756 Mémoires sur les états généraux..., op. cit., p. 132. Sur la dénonciation de la taille de Charles VII par Boulainvilliers voir cette étude, eod. loc.
1757 M. le Marquis de S..., Éclaircissements historiques sur les états généraux de France, considérés dans leur rapport avec la Province du Languedoc, s.l., 1788.
1758 Éclaircissements historiques sur les états généraux..., op. cit., p. 9.
1759 Eod. loc.
1760 Ibid., p. 61.
1761 Ibid., p. 13.
1762 Eod. loc.
1763 «On trouve au trésor des chartes, dit Boulainvilliers, vingt-deux procurations données à des députés du tiers état pour comparaître à cette assemblée. Ces procurations prouvent évidemment que ceux en faveur de qui elles furent faites étaient les véritables délégués d'un peuple», Éclaircissements historiques sur les états généraux..., op. cit., p. 26.
1764 Boulainvilliers est réutilisé par l'auteur pour montrer les oppositions des trois états à la volonté de Philippe le Bel (Éclaircissements historiques sur les états généraux..., op. cit., pp. 32-33), de Louis X le Hutin (ibid., p. 34) ou à l'encontre des manipulations monétaires de Philippe V, ibid., p. 38.
1765 Ibid., pp. 80 et 85.
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