Introduction à la troisième partie
p. 345-346
Texte intégral
1Lorsqu’en 1722 Henri de Boulainvilliers décède, la majorité de ses ouvrages n’a circulé que sous le manteau et dans une version manuscrite. Il ne laisse ni école, ni disciple. Il ne saurait donc être question de parler d’une véritable influence de sa part. Ses idées ne vont pourtant pas sombrer dans l’oubli.
2Dès la fin des années 1720, l’impression de ses œuvres politiques les plus importantes débute en Angleterre et en Hollande. Ces éditions en français et en anglais traduisent tant la censure des œuvres de Boulainvilliers en France, que l’antipathie du gouvernement anglais pour la politique de la France1420. Elles reflètent également le goût de l’élite pour la littérature politique sulfureuse. C’est ainsi que l’on peut trouver parmi les souscripteurs de l’édition anglaise de 1727 des Lettres sur les parlements à la fois des grands personnages anglais1421 que des hauts dignitaires français en activité, comme le Chancelier D’Aguessau ou le Duc de Gesvres, alors gouverneur de Paris1422.
3Les dates de réédition des œuvres montrent aussi que ces dernières font partie de l’arsenal idéologique de contestation du pouvoir royal au xviiième siècle. De fait, les Quatorze lettres sur les anciens parlements sont réimprimées à Londres en 17531423, alors que se joue entre la monarchie et les philosophes, ce que D. Mornet a qualifié de «lutte décisive»1424. En 1788, le même ouvrage est publié à La Haye1425, alors qu’en France, Louis XVI a lancé une grande enquête sur le mode de tenue des états généraux, qui va donner lieu à l’éclosion d’une pléthore de pamphlets anti-absolutistes. Pourtant, Boulainvilliers ne sera pas un auteur consacré par les révolutionnaires puisque son audience s’estompe à partir de 1789.
4Il n’est pas question d’étudier ici de manière exhaustive la réception de ses idées. À elle seule, une telle tâche nécessiterait une étude spécifique1426 . On se bornera simplement à indiquer comment quelques auteurs, qui ont pu avoir une certaine influence dans le débat politique, ont combattu ou adopté les thèses de Boulainvilliers.
Notes de bas de page
1420 D. Venturino, op. cit., pp. 321-322.
1421 Le gotha anglais est représenté dans la liste des souscripteurs parmi lesquels se remarquent le prince et la princesse de Galles, le Duc d'Argyll, Sir Thomas Cook, Liste des souscripteurs en tête de l'État de la France..., éd. 1727, T. I. A cette époque, une véritable « mode Boulainvilliers » s'est répandue au Royaume-uni, D. Venturino, op. cit., p. 322. On retrouve les effets de cette mode chez Hume qui révère Boulainvilliers historien dans ses essais, Essays, Moral, Political, and Literary, London, New-York, Bombay Longmans, Green, and co., 1898, volume I, p. 459, note 2 et volume II, p. 331.
1422 Liste des souscripteurs..., eod. loc. Pourquoi un notable comme D'Aguessau a-t-il pu lire Boulainvilliers ? L'historien reste soumis aux conjectures. Il est vrai que le chancelier dans sa jeunesse avait fréquenté les milieux nobles hostiles au pouvoir royal absolu. Il faut aussi rappeler que, bien qu'il reste absolutiste de cœur, D'Aguessau n'en demeure pas moins torturé par des doutes sur le bien fondé du régime en place, cf. C. Bruschi, « Henri-François d'Aguessau, un juriste face au pouvoir », in Pensée politique et droit, Actes du xiième colloque de l'Association Française des Historiens des Idées Politiques (Strasbourg, 11-12 septembre 1997), Aix-en-Provence, P.U.A.M., 1998, pp. 343-364.
1423 Éditions S. Harding, Londres, 1753.
1424 Les origines intellectuelles de la Révolution française (1715-1787), Paris, A. Colin, 1947, p. 69.
1425 Boulainvilliers, Lettres sur les anciens Parlements de France que l'on nomme états généraux, in éd. J. Mayer, Des états généraux et autres assemblées nationales, La Haye, 1788, T. IV.
1426 Voir en ce sens les efforts de D. Venturino, op. cit., pp. 199 sq.
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