La médiation civile au Québec,
un concept multiforme1
p. 45-54
Texte intégral
1Le sous-titre de cette présentation pourrait être : « ce que tout législateur devrait éviter de faire » !
2Pour diverses raisons, principalement liées aux finances publiques2, l’État québécois cherche à encourager les justiciables aux prises avec des difficultés à ne pas se rendre jusqu’au procès et à se tourner davantage vers des modes privés de règlement des différends (« modes de PRD »), en particulier vers la médiation.
La médiation
3De quoi parle-t-on quand on parle de « médiation » ? Il y a de quoi s’y perdre puisque dorénavant, notre droit privé, par le biais du Code de procédure civile, connaît expressément trois types de médiations. En réalité, on peut se demander s’il n’en compte pas quatre, en incluant la Conférence de règlement à l’amiable (« CRA ») qui n’en porte pas le nom mais qui présente des points communs avec ce mode non judiciaire de règlement des différends, notamment en permettant d’éviter le procès. On peut même aller jusqu’à cinq modèles différents de médiation puisqu’il y a actuellement un projet pilote dans deux districts judiciaires, visant la médiation obligatoire à la division des petites créances de la Cour du Québec pour les dossiers en matière de consommation.
4Malheureusement, sous un vocable identique, « mode de préventions et de règlements des différends », ou, de façon plus courante, « médiation », ces diverses façons de tenter d’apaiser les conflits présentent des caractéristiques, dont certaines fondamentales, disparates, parfois en totale opposition.
5Il convient tout d’abord de présenter ce que l’on peut désigner comme la médiation conventionnelle et qui comprend d’une part la médiation générale, soit la médiation en matière civile et commerciale, et d’autre part la médiation familiale. Puis, la médiation dans le cadre des réclamations portées à la Division des petites créances de la Cour du Québec, avec ses deux aspects, la médiation générale puis le projet-pilote instauré dans certains districts judiciaires en droit de la consommation. La Conférence de règlement à l’amiable terminera cette présentation.
I. La médiation conventionnelle
6A. La médiation en matière civile et commerciale
7La médiation conventionnelle générale est, à n’en pas douter, la nouveauté principale de notre Code de procédure civile. Elle fait partie, selon le Code de procédure civile, de la même famille que la négociation et de l’arbitrage.
8Bien que cela soit très maladroitement rédigé, tout observateur du nouveau code comprendra que le législateur souhaite que le recours aux tribunaux devienne un remède de seconde ligne. En cas de problème, le premier réflexe tant pour les justiciables que pour les professionnels du droit doit être d’avoir une pensée pour les modes de PRD, la justice étatique étant reléguée en arrière-plan.
9Il convient de souligner trois particularités. En premier lieu, le recours à la médiation conventionnelle n’empêche pas, par lui-même, de saisir en même temps la justice étatique, sauf indication contraire des parties. Par conséquent, si un contrat est rédigé comportant une clause de médiation non accompagnée d’une exclusivité, en cas de litige lié à ce contrat, contrairement à ce qui se passe avec l’arbitrage, l’une des parties peut intenter contre l’autre une poursuite en justice sur la même question. Le recours au tribunal étatique aura lieu en dépit de la clause de mé-
diation, la saisine du tribunal pouvant avoir lieu à la place de la médiation ou même simultanément à elle.
10Sur le plan juridique, d’un point de vue québécois, il n’y a ici rien de choquant ni de surprenant, puisque action judiciaire et médiation ne relèvent pas du même registre et, pour tout dire, ne visent pas totalement pas les mêmes buts. En cas d’arbitrage, en vertu de l’article 7 C.p.c., la clause fait perdre au juge étatique sa compétence en raison de la similitude des recours, de leurs objectifs etc. et notamment du fait que, dans les deux cas, le tiers, magistrat ou arbitre, impose une solution à la fois contraignante aux parties et reposant sur le droit. En revanche, la médiation est fondamentalement une maïeutique et la présence d’un médiateur ne peut faire concurrence à la compétence d’un juge.
11On pourrait certes parler du non-respect d’une clause contractuelle, avec ce que cela entraîne en termes de responsabilité mais cette hypothèse est bien théorique puisque l’exécution en nature est impensable dans les circonstances et les dommages seraient à la fois difficiles à prouver et forceraient probablement l’application de la maxime de minimis non curat lex.
12Il est quand même surprenant que le législateur n’ait pas trouvé un moyen de limiter les possibilités de saisine des tribunaux étatiques en cas de recours à la médiation. Une telle restriction serait fondée non par les questions techniques de compétence mais par le souci constant de la bonne administration de la justice. L’un des motifs de la réforme du code est la volonté clairement exprimée de détourner les justiciables des palais de Justice. Il aurait alors été certainement envisageable de limiter temporairement l’exercice du droit d’accès au juge étatique, sous forme de principe, et non seulement sous forme d’option contractuelle données aux parties.
13Parlant de temps, il faut signaler que si la médiation se déroule alors qu’une action en justice est déjà introduite, en principe celle-ci n’est pas suspendue le temps que se déroule la médiation (art. 19 C.p.c.) sauf si le tribunal autorise la suspension (art. 156 C.p.c.).
14Autre particularité très importante sur le plan juridique et que toute personne prête à s’engager dans une médiation doit savoir : les modes de PRD n’interrompent pas la prescription. Ici encore, la règle de base choisie par le législateur peut être modifiée par les parties, toutefois dans une mesure très limitée, soit pour une durée maximale de 6 mois.
15Dernière constatation, la médiation prend fin par une « entente » dont le code prend soin de préciser qu’il ne s’agit pas, en principe, d’une transaction. Les parties peuvent encore une fois modifier la règle mais telle qu’elle est envisagée en tant que généralité, il y a, là aussi, de quoi s’étonner. L’accord intervenu met fin au « différend » mais permet
toutefois aux parties de continuer ou de reprendre le débat devant la justice étatique !
16On voit mal l’utilité de promouvoir les modes non judiciaires de règlement des différends dans l’optique de détourner les citoyens des tribunaux si cela ne les en détourne pas ou, pire, si cela ne les oblige pas à s’en détourner !
17B. La médiation familiale
18S’il y a bien deux personnes qui doivent maintenir un lien, quoi qu’il arrive et quelle que soit leur disposition d’esprit l’une envers l’autre, ce sont les parents. Même en cas de séparation, il faut que ces deux personnes communiquent, échangent puisqu’elles vont avoir à n’en pas douter des sujets à régler qui les touchent toutes les deux. Qu’il s’agisse de questions matérielles, financières ou non, les personnes qui ont un ou des enfants doivent maintenir une certaine relation afin de prendre des décisions liées à leur enfant. Cependant, comme très souvent une rupture conjugale ou de type amoureux entraîne une dégradation des relations entre les ex-partenaires, ils peuvent avoir de la difficulté à échanger et à prendre des décisions en tant que parents en toute sérénité. C’est pour cela qu’a été instaurée la médiation familiale, l’enfant n’ayant pas à faire les frais des désaccords entre les adultes3. Ce type de médiation, dont les règles sont codifiées depuis une vingtaine d’années, est réservé aux personnes avec enfant.
19Si la médiation est non obligatoire, en revanche les parents sur le point de se séparer doivent « participer à une séance d’information sur la parentalité et la médiation ». Cette participation est théoriquement un prérequis pour avoir accès au juge.
20Lorsque les parents décident, une fois l’information acquise, de recourir à la médiation elle-même, s’ils étaient déjà engagés dans une procédure judiciaire, celle-ci est suspendue mais avec une durée limitée, d’au plus trois mois.
21Une question intéressante sur le plan pratique et sur le plan juridique est évidemment ce qu’il advient à la fin du processus de règlement amiable s’il donne un résultat positif. Le Code est lacunaire sur cette
question. Il y a donc lieu de se tourner vers les règles de la médiation en général et on doit supposer qu’en cas de succès de la médiation, les parties en viennent à une « entente ». En matière familiale, la pratique démontre que, contrairement à ce qui se passe en matière civile et commerciale, où l’entente peut être entérinée directement par un juge si les parties la considèrent comme une transaction, ici les parents risquent de devoir subir une épreuve supplémentaire : l’entente devra être mise en forme « légale » et être vérifiée par un juriste avant d’être éventuellement homologuée. Donc, chemin de croix pour les parents : d’abord la séance d’information, puis la médiation elle-même puis la consultation auprès d’un conseiller juridique puis la procédure d’homologation…
22Est-il utile de préciser qu’en outre, la médiation familiale souffre des mêmes défauts que la médiation générale, dont elle est une émanation, en termes de saisine parallèle des tribunaux étatiques et d’écoulement du temps en vue de la prescription ?
II. La Cour du Québec, Division des petites créances
A. La médiation générale
23La Division des petites créances de la Cour du Québec, dont le seuil de compétence a été haussé à 15 000 dollars en janvier 2015, offre depuis 2002 aux justiciables la possibilité de procéder par voie de médiation.
24Si les parties décident de recourir à la médiation, celle-ci sera « présidée par un avocat ou un notaire, accrédité par l’ordre professionnel dont il est membre ». L’article 556 C.p.c. parle de « la » séance. Il faut donc en déduire qu’il n’y en aura qu’une et le site du ministère de la Justice précise qu’elle sera gratuite. Le même site indique qu’elle durera « environ une heure ». Vu les montants éventuellement en jeu, on peut craindre qu’une durée d’une heure en tout et pour tout soit insuffisante.
25Ce qui retient l’attention ici est que lorsque la médiation aboutit à une entente, celle-ci doit être déposée au greffe et par la suite, elle est « entérinée par le greffier spécial ou le tribunal » et « équivaut à jugement ». Cela la distingue de l’entente en matière familiale dont on ne sait ce qu’elle est exactement et de l’entente en matière civile et commerciale dont on sait qu’elle n’est pas de nature juridictionnelle. L’entente aux petites créances acquiert donc un statut immédiatement plus officiel et plus efficace qu’une transaction, puisque ce contrat de type juridictionnel, lui, a éventuellement besoin d’une étape supplémentaire, l’homologation, pour valoir jugement. Peut-être cette mesure repose-t-elle sur des considérations
d’ordre social, animées par le très à la mode principe de proportionnalité ; toujours est-il que cela crée, en termes de cohérence du droit, des disparités difficilement explicables.
26Aucune mention n’est faite, aux articles consacrés à la médiation aux petites créances, ni de la prescription, ni de l’exclusivité du recours, cette dernière question ne se posant pas en théorie.
B. Les dossiers de consommation
27Il est un domaine où les différends se prêtent particulièrement bien à être portés devant les tribunaux, ce sont les petites créances car les réclamations y sont souvent d’un montant financier relativement peu élevé. Il s’agit des dossiers liés aux actes de consommation. Les différends dans ce domaine ne nécessitent peut-être pas réellement le recours à un juge tel qu’on le connaît actuellement, avec tout ce que cela coûte à l’administration judiciaire. Le gouvernement a décidé de mettre sur pied un projet pilote de médiation obligatoire, implanté en 2015 dans deux districts judiciaires et prévu durer jusqu’à la fin de 2017.
28Une remarque, avant tout, pour dénoncer une double contradiction peu souvent relevée mais pourtant évidente entre le procédé et le champ auquel il est appliqué ici. Unanimement, tous les avis autorisés font valoir que la médiation est le processus idéal « lorsque les parties voient dans le différend qui les oppose un accident de parcours et non l’achèvement d’une relation qui, au contraire, [a] vocation à perdurer sur le temps long ». En d’autres termes, la médiation est recommandée pour restaurer une relation que l’on veut durable ou qui doit l’être par nature, comme celle entre un employeur et un employé, ou un locateur et un locataire, entre voisins ou entre les membres d’une famille, par exemple. Dans cette optique, le mode non judiciaire de règlement des différends s’écarte naturellement de la règle de droit pour plutôt utiliser des techniques de restauration de dialogue et d’exposé des besoins et des attentes. Or, en premier lieu, qu’y a-t-il de plus intrinsèquement éphémère que la relation entre un commerçant et un client ? Peut-être le premier a-t-il intérêt à soigner sa clientèle mais le second n’a pas vocation à faire perdurer la relation et, en second lieu, a généralement tendance à rechercher l’application du droit, de sa loi protectrice, par exemple au Québec, la Loi sur la protection du consommateur4.
29Par ailleurs, la médiation obligatoire du projet-pilote relève du même régime que la médiation volontaire aux petites créances. La seule réelle différence est que l’une est facultative, l’autre non. Il s’ensuit que la médiation obligatoire se réalise elle aussi par le biais d’une et une seule séance, vraisemblablement d’une heure5. Cette rapidité du processus, ajoutée aux remarques faites ci-dessus, amène à se questionner sur sa nature. S’agit-il réellement d’une médiation ? Le plus souvent, la médiation est un processus relativement long ou lent pour permettre aux parties de dire tout ce qu’elles ont à dire, d’évaluer les propositions de l’autre, de discuter, d’envisager conjointement des solutions. Ainsi, un site de médiation familiale indique que les séances ont une durée moyenne entre 1h30 et 2 heures chacune et que les rencontres s’étalent sur une période de 2 à 6 mois6. La documentation du CMAP, centre de médiation et d’arbitrage de Paris, indique que la durée moyenne d’une médiation effectuée par son biais est de 15 heures.
30Comment régler un différend et parvenir à des solutions mutuellement satisfaisantes en une heure ? Il y a tout lieu de penser qu’il s’agit plus de négociation assistée que de médiation stricto sensu.
31Aux petites créances, c’est le greffier qui désigne le médiateur, parmi une liste de médiateurs accrédités dans les districts concernés. Les frais de la médiation sont pris en charge par le ministère de la Justice.
32En ce qui concerne la fin de la médiation, le droit québécois ne manque pas de réserver des surprises. En l’espèce, si les parties ont réussi à s’entendre, l’article 28 du règlement instaurant le projet-pilote prévoit : « Les parties déposent alors au greffe soit un avis que le dossier a fait l’objet d’un règlement à l’amiable, soit l’entente signée par celles-ci. ». Rien de plus. Pourquoi ne sera-t-elle pas équivalente à un jugement, comme celle qui intervient dans le cadre de la médiation volontaire aux petites créances ?
33Pas un mot, là non plus, sur la prescription, ni bien sûr sur l’exclusivité du recours, celle-ci étant difficilement envisageable, étant donné les circonstances.
III. La Conférence de règlement à l’amiable
34Parfois familièrement appelée « médiation judiciaire », la Conférence de règlement à l’amiable a été introduite dans le Code de procédure civile entré en vigueur en 2003. J’ai longtemps pensé qu’elle était l’une des grandes originalités du système judiciaire québécois, mais je n’en suis plus si sûre, car à bien l’observer elle n’est peut-être que la concrétisation du rôle de conciliateur du juge, indiqué à l’article 9 qui prévoit : il entre dans la mission des juges, « tant en première instance qu’en appel, de favoriser la conciliation des parties si la loi leur en fait devoir, si les parties le demandent ou y consentent, si les circonstances s’y prêtent ou s’il est tenu une conférence de règlement à l’amiable ». Elle a lieu à l’occasion d’une instance judiciaire et est présidée par un juge. Il n’est peut-être pas inutile de préciser que le magistrat appelé à titre de tiers ne doit avoir aucun lien avec le dossier de la cour, ni en amont, ni en aval.
35Comme tout mode de PRD, elle est privée, dans le sens de confidentielle. Même si le code est silencieux à cet égard, elle se déroule dans l’enceinte du palais de justice et elle est gratuite. Le Code précise qu’elle doit être tenue à huis clos.
36Si la médiation conventionnelle intervenant alors que les parties sont engagées dans une instance judiciaire peut suspendre cette instance, la CRA, elle, la suspend obligatoirement. Et elle n’a aucune influence non plus sur le délai de rigueur pour la mise en état qui est de 6 mois.
37En cas de succès de la conférence de règlement à l’amiable, il n’y a plus lieu de poursuivre l’action, l’entente met fin à la procédure judiciaire. Et le code dit en toutes lettres, à l’article 165 C.p.c., que cette entente, contrairement à celles dont j’ai parlé jusqu’ici, est une transaction : « Si un règlement à l’amiable intervient, le juge peut, sur demande, homologuer la transaction. ».
38La question de l’écoulement du temps et de la prescription ne se posent pas ici, la saisine préalable du tribunal faisant son œuvre en la matière, comme le prévoit l’article 2892 C.c.Q. Celle du parallélisme des processus, amiable et judiciaire, non plus, puisqu’il est inhérent à cette institution.
Conclusion
39Le législateur a introduit dans la procédure civile québécoise des moyens pour que les citoyens trouvent une voie menant à la paix en dehors de la sphère publique. Mu par sa volonté de bouter les justiciables hors du système public, il a sans doute œuvré bien maladroitement.
40En ce qui concerne la médiation, le Code en propose maintenant différents types. Si cette variété fournit un sujet d’étude fertile, en revanche, elle présente de nombreux défauts, le principal étant l’incohérence notamment sur le plan juridique.
41Peut-on croire que le législateur a attribué le même nom à des institutions juridiques différentes ? Il est difficile de le croire, tous les modes amiables présentés ici ayant les mêmes fondements, les mêmes principes de fonctionnement et les mêmes objectifs. À une exception près, mais qui, faut-il le rappeler, est un projet-pilote dont on n’a pas encore le résultat, dans tous les cas, ils reposent sur la participation volontaire des personnes concernées. Et ce, tant pour le déclenchement du processus que tout au long de son déroulement. Autre similitude importante, les personnes sont assistées d’un tiers, ce qui est d’ailleurs l’essence même de ce type de négociation. Également, la procédure est souple, souvent déterminée par les personnes impliquées, les parties et le médiateur, sans solennité ni formalisme et le discours est théoriquement non juridique. Pendant les rencontres, les parties échangent, soit directement soit par l’intermédiaire du tiers, sans représentation par avocats. Ces modes de résolution des différends sont confidentiels et « privés ». C’est dire qu’ils ne font pas partie de la justice publique, soit la justice administrée par l’État, la Conférence de règlement à l’amiable se distinguant à cet égard. Tous ces modes qui évitent de participer au procès ont comme but de rétablir la paix entre des citoyens, à défaut d’obtenir justice. Les personnes ayant participé avec succès à une médiation en viennent ensemble à élaborer la solution pour résoudre leur problème. Elle émane réellement d’elles et ne leur est pas imposée par une personne étrangère à leur litige.
42Au-delà de ces similitudes qui permettent de faire relever ces « médiations » d’une même famille, on note de nombreuses disparités sur des points importants.
43Les liens que les unes et les autres entretiennent avec l’action en justice sont flous et variables. Dans certains cas, ces modes de règlement des différends peuvent se dérouler en même temps que les actions judiciaires, dans d’autres, ils s’inscrivent obligatoirement dans le cours d’un processus judiciaire, alors que parfois, ils y sont forcément préalables du moins en théorie. Par ailleurs, lorsque les parties recourent à la médiation alors qu’elles sont engagées dans une procédure étatique, cela peut, ou non, affecter le déroulement du temps de celle-ci.
44Les plus grandes divergences et, sans doute, les plus problématiques, concernent la qualification juridique de la fin des échanges, dans la situation où les parties ont réussi à s’entendre : transaction dans un cas, équivalent d’un jugement dans un autre, le plus souvent simple accord ou entente.
45Ces différences, voire ces divergences, s’expliquent mal alors que le souhait du législateur, dans tous les cas de figures, est le même : éviter aux justiciables d’aller au procès. Ces disparités rendent difficile la compréhension générale de ce que le législateur regroupe sous une même dénomination, les modes de prévention et de règlement des différends, sauf la CRA qui ne semble pas expressément entrer dans cette catégorie. Une institution peut sans problème présenter des variations, mais il me semble que pour qu’elle soit efficace – et viable – les régimes ne doivent pas contenir trop de contradictions, en particulier sur des points essentiels.
46Une conclusion s’impose. Le législateur n’a pas choisi des moyens très convaincants pour inciter les justiciables à délaisser les tribunaux ou pour paver la voie de la paix à ceux qui les délaissent déjà. Cette modernisation de la justice, largement annoncée et publicisée, n’est peut-être en réalité qu’une opération esthétique, presque une opération de relation publique, qui, fondamentalement, ne sert malheureusement pas réellement le justiciable. Quel incitatif y a-t-il, en effet, à recourir à un mode privé de règlement des différends si l’entente n’évite pas une action en justice ? On ajoutera que le fait de participer à un processus privé ne l’évite pas non plus. Sans oublier le fait que l’entente finale elle-même peut être ignorée, voire bafouée… sans que cela porte à conséquence.
47Alors que les modes non judiciaires de règlement des différends semblent donner de bons résultats dans certaines situations, il est dommage que leur encadrement juridique ne soit pas à la hauteur.
Notes de bas de page
1 Le texte de cette conférence est repris à peu de choses près d’un article paru à la Revue du Notariat ([2016] 118 R. du N. 359).
2 On dit parfois au Québec que les tribunaux sont débordés. L’affirmation vaut nettement plus pour les matières criminelles que civiles ou commerciales.
3 Étant donné que la médiation implique la coopération de toutes les personnes concernées, on peut penser que quand les tensions entre les parents sont trop grandes ou les blessures trop vives, plusieurs soient rebutés à l’idée de bâtir des solutions en partenariat avec l’autre et tournent donc le dos au processus amiable.
4 Chapitre P-40.1.
5 À ce sujet, un document émanant de la Cour du Québec indique que la durée d’une médiation est de 30 à 60 minutes (http://www.tribunaux.qc.ca/c-quebec/ProtocoleMediationPetitesCreancesMtl_oct2014.pdf, consulté le 6 mai 2017). On comprend un avocat-médiateur selon qui « le médiateur a donc tout intérêt à rentabiliser son temps et à structurer la séance de médiation » ! (http://www.barreau.qc.ca/pdf/journal/vol37/no3/mediation.html, consulté le 6 mai 2017).
6 http://www.mediation-enfance-famille.fr/mediation-familiale/deroulement-de-la-mediation, consulté le 6 mai 2017.
Auteur
Professeur, Université Laval, Québec
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