Chapitre II. Les ambiguïtés du rôle politique des avocats en temps de crise
L’exemple de la commune de Marseille
p. 447-477
Texte intégral
1La perspective d’effondrement du Second Empire est clairement présente dans l’esprit des Marseillais dès les années 1860, notamment entre 1863 et 1868, années pendant lesquelles se multiplient, dans la cité phocéenne, des réunions publiques résolument animées par l’esprit républicain1910. Lors des élections législatives de 1869, refusant la coalition avec les partis d’opposition de droite, les républicains se radicalisent et cherchent un face-à-face direct avec l’Empire. Dans ce contexte, Marseille apparaît comme le principal foyer de démocrates d’où émerge Léon Gambetta, jeune avocat parisien “ au talent oratoire remarquable et d’une popularité sans cesse grandissante ”1911 qui se présente dans la première circonscription de la ville. Et, la cité rebelle et son département, où “ les voix de l’opposition représentaient une majorité considérable sur les suffrages en faveur du gouvernement ”1912 offrent deux nouveaux députés à l’opposition républicaine : Gambetta et Esquiros. Marseille est la ville dans laquelle l’idée républicaine est la plus vivace, comme le montre encore le désastreux résultat local du plébiscite du 8 mai 1870, qui s’analyse comme un véritable camouflet à la politique de Napoléon III1913. A partir de là, la République à Marseille devient une promesse.
2Lorsque la guerre contre la Prusse éclate le 19 juillet 1870, malgré une situation délicate, c’est à Marseille que naissent les premières émeutes populaires fragilisant de l’intérieur le régime impérial :
“ dès le 8 août, une première émeute éclate à la suite du refus du préfet Levert de recevoir une délégation [de citoyens] qui voulait lui demander l’armement de tous les citoyens ”1914.
3Malgré les arrestations immédiates et les comparutions en Conseil de Guerre1915, le mouvement de rébellion marseillais ne s’essouffle pas, et la défaite impériale du 4 septembre l’accélère1916. Entre le mois d’août 1870 et le mois d’avril 1871 vont se succéder à Marseille, trois Communes insurrectionnelles1917 : celle d’août 1870 tout d’abord, provoquée par les défaites militaires de Wissenburg et de Forbach1918 ; celle de novembre 1870 ensuite, déclenchée par la l’assaut des républicains révolutionnaires contre la Préfecture le 4 septembre1919 ; et enfin, la plus importante de toutes, celle du 23 mars 1871, qui voit la mise en place d’un authentique gouvernement insurrectionnel orchestré par une commission départementale provisoire composée de républicains exaltés dont Gaston Crémieux est à la fois le modèle et l’animateur1920, et qui finira sévèrement réprimée, le 4 avril 1871.
4Dans ce contexte extrêmement troublé, les avocats de Marseille hésitent, se plaçant tantôt au confluent des enjeux politiques, tantôt à l’écart et sous la protection de leur collectif. Deux affaires importantes montrent la position qu’ils s’efforcent d’occuper, tant sur le plan de l’intervention du Barreau dans son ensemble, que sur celui de l’engagement politique individuel, dans la difficile gestation de la République : d’une part, l’affaire Hornbostel décrit la confrontation entre l’indépendance professionnelle de l’avocat et les interventions parfois abusives d’une Préfecture en crise (I) ; d’autre part, le témoignage de l’avocat Emile Bouchet et l’attitude de Conseil de l’Ordre à son égard, montrent la perception ambiguë du mouvement communard par le Barreau marseillais (II).
I - LA DÉFENSE COLLECTIVE DE L’INDÉPENDANCE POLITIQUE. L’AFFAIRE HORNBOSTEL DU 23 SEPTEMBRE 1870
5Il est nécessaire, dans un premier temps, de rappeler les éléments du contexte politique dans lequel s’inscrit l’affaire Hornbostel et de suivre l’enchaînement des faits qui lui donnent naissance (§ 1), avant d’analyser, dans un second temps, la teneur et la portée de la réaction du Barreau de Marseille face à cette atteinte à l’indépendance de la profession (§ 2). C’est une importante confrontation entre le Barreau et les pouvoirs publics, représentés par la Préfecture des Bouches-du-Rhône, qui s’inscrit dans une période troublée.
§ 1 : Le contexte politique et les faits de l’affaire Hornbostel
6L’affaire Hornbostel est en rapport direct avec les événements politiques nationaux et locaux qui précèdent et accompagnent l’éclatement de la Commune à Marseille. Il importe par conséquent de les rappeler brièvement ici.
7L’annonce de la proclamation de la République à Lyon et à Paris à la suite de la défaite militaire de Sedan et à la capitulation de l’Empereur, arrive à Marseille dans l’après-midi du 4 septembre 1870, via une dépêche de Gambetta1921. Immédiatement, et en présence du peuple marseillais1922, le Préfet nomme comme maire provisoire Thomas Bory1923, avocat de Marseille qui est élu en tête de la liste républicaine ayant largement remporté les élections municipales des 27 et 28 août précédents1924. Entièrement républicaine, la nouvelle municipalité1925 s’empresse de proclamer la République1926.
8La soirée qui s’ensuit est ponctuée de manifestations : “ les aigles et les insignes impériaux sont partout arrachés ou mutilés ”1927 rapporte Raoul Busquet, et les émeutiers du 8 août, condamnés par le Conseil de Guerre, sont libérés1928. Marseille accueille le changement politique avec passion et sans réserves, alors que le reste du département l’accepte tacitement1929.
9Dès le lendemain 5 septembre, le conseil municipal sortant du cadre de ses compétences normales1930, puisque la révocation et la nomination des préfets relèvent du seul exécutif national, nomme un commissaire départemental provisoire en la personne d’Alexandre Labadié1931.
10Le Préfet Levert est littéralement chassé de la préfecture, échappant “ à grand-peine à la foule qui envahit son cabinet ” et le fervent Labadié, “ honorable marchand de drap, mêlé depuis 48 ans aux luttes politiques ”1932, prend sa place. Ses fonctions de commissaire départemental sont “ mal définies ”1933, mais sont vouées à reproduire celles d’un Préfet.
11Immédiatement après son installation, “ des désordres et de violences ”1934 se succèdent à Marseille. Pour maintenir l’ordre, la Garde nationale est rapidement réorganisée1935 sur l’instigation du conseil municipal lui-même. Mais, celui-ci consent surtout à la formation d’un corps parallèle de “ gardes civiques ”, presque exclusivement composé “de républicains d’extrême avant-garde” qui, à peine armés et en fonctions, s’empressent de “ donner la chasse aux policiers de l’Empire ”1936, en opérant des visites domiciliaires et des arrestations illégales.
12Ils commettent plusieurs “ actes de sauvagerie ”1937, que Labadié et le conseil municipal réprouvent et auxquels ils tentent de mettre fin, “ par des appels à l’ordre, au bon sens et au patriotisme ”, sans véritablement y parvenir.
13A la suite de l’arrivée, le 7 septembre, dans une cité phocéenne “ en pleine effervescence ”1938, d’Alphonse Esquiros1939, nommé par le gouvernement de la Défense Nationale, “ administrateur supérieur des Bouches-du-Rhône ”1940, la garde civique se voit brusquement investie d’un rôle essentiel et sa marge de manœuvre apparaît d’autant plus ouverte que, s’appuyant sur elle pour gouverner, le nouvel administrateur couvre de son autorité tous les abus qu’elle pourrait commettre1941. C’est précisément l’un des abus de cette garde civique qui va donner naissance à l’affaire Hornbostel, et confronter, pour la première fois depuis la proclamation de la République, le barreau marseillais aux nouvelles autorités politiques phocéennes.
14Face à l’exaction perpétrée à l’égard de l’un de ses membres dans l’exercice de sa profession et à la menace sous-jacente pesant sur son indépendance, l’Ordre des avocats va déployer toute l’énergie et la fermeté dont il est coutumier pour obtenir réparation. Les faits de cette affaire Hornbostel apparaissent fort simples et sont exhaustivement repris dans la séance du Conseil de l’Ordre en date du 23 septembre 1870, délibérée le jour même de leur accomplissement à l’audience du tribunal civil de Marseille1942.
15La délibération commence par résumer simplement les faits, comme si l’atteinte était déjà flagrante :
“ Ce jourd’hui vingt-trois septembre mil huit cent soixante-dix, à trois heures de l’après midi, un grand nombre d’avocats se trouvaient réunis au tribunal de commerce, où la distribution des affaires venait d’être terminée, lorsque quelques-uns uns de leurs confrères y arrivèrent du tribunal civil et annoncèrent avec indignation que Me Hornbostel, qui s’était présenté à la barre de la police correctionnelle pour défendre un prévenu, en avait été arraché par un certain nombre de gardes civiques en armes et conduit par la force ainsi que son client à la préfecture ”1943.
16Ces faits peuvent d’emblée s’analyser comme une double atteinte à la profession d’avocat, une violation de ses droits professionnels et de ses libertés fondamentales. Me Hornbostel est, en effet, interrompu dans sa plaidoirie (atteinte à l’exercice de sa fonction de défenseur) et traîné à la préfecture par des gardes civiques trop excités (atteinte à son indépendance professionnelle et à sa liberté individuelle). Mais, détailler les événements permet de mieux comprendre les enjeux professionnels et politiques qui en découlent. Le jour même, les avocats de Marseille, aussi bien ceux qui plaidaient au tribunal de commerce que ceux qui se trouvaient déjà au tribunal civil, se réunissent “ dans le lieu ordinaire de leurs assemblées où accourent un grand nombre d’autres avocats avertis par la rumeur publique [tous] insistant sur la nécessité de demander justice de ces actes aussi odieux qu’illégaux”. Là, le Bâtonnier de l’Ordre en exercice, Me Aimé Ailhaud, “ déclare la séance ouverte pour délibérer sur les mesures à prendre à cet effet ”. Après avoir demandé “ des renseignements précis et circonstanciés tant à Me Hornbostel [qui a été relâché après avoir subi un interrogatoire] qu’aux autres avocats présents à l’audience de la police correctionnelle ”1944, le Bâtonnier peut, devant le Conseil de l’Ordre, reconstituer l’intégralité des faits et poser clairement l’existence d’une atteinte grave aux droits de l’avocat et aux libertés individuelles, même si ce dernier point n’est ici que secondaire.
17Il apparaît que Me Hornbostel s’est présenté à la barre du tribunal correctionnel présidé par le juge Autran1945, pour assister le sieur Pradel1946, “prévenu de délit de rébellion par suite d’une collision avec un garde civique et cité d’heure à heure en vertu de la loi sur les flagrants délits ”1947.
18Plus précisément, Pradel aurait tenté, la veille, de désarmer un garde civique qui lui semblait faire un usage abusif de sa position1948. Immédiatement appréhendé par les autres gardes, le prévenu a été placé en “ liberté provisoire ”1949 et un défenseur lui a été désigné en la personne de Me Hornbostel. La particularité de l’audience du 23 septembre, tient au fait,
“ qu’un certain nombre de gardes civiques sont répandus dans la salle d’audience, certains ayant laissé leurs armes au faisceau tandis que d’autres en armes se sont postés en sentinelle aux portes de la salle d’audience ”1950.
19A elle seule, cette présence armée est constitutive d’une atteinte à l’exercice de à la justice : les gardes civiques semblent faire pression sur la juridiction pour influencer sa décision1951. Face à une telle situation, Me Hornbostel, probablement par souci d’assurer à son client une justice impartiale, demande au président du tribunal correctionnel le renvoi de l’affaire Pradel à une audience ultérieure,
“ renvoi que la loi rend obligatoire lorsqu’il est réclamé par le prévenu et que le tribunal a accordé le plus court possible ”1952.
20C’est ici le cas, puisque le président Autran accède à la demande de l’avocat et ordonne le renvoi de la cause à l’audience suivante du lundi vingt-six septembre. Mais, les gardes civiques présents à l’audience interviennent et “exigent, au nom de la république, une décision imminente ”1953.
21Ils jugent que la culpabilité de Pradel est évidente et qu’elle doit être reconnue sur-le-champ par le tribunal1954.
22Toutefois, le président Autran et Me Hornbostel s’y opposent, le premier en déclarant que “ le droit de la défense était le plus sacré de tous les droits et que la loi devait être obéie ”1955 et le second en appelant au respect de “ l’ordonnance de mise en liberté sous caution, contre laquelle aucune réclamation ne pouvait prévaloir ”. Une nouvelle fois, plus violemment, les gardes civiques manifestent leur désaccord et Pradel est contraint de se replier “ sur l’estrade du tribunal en déclarant qu’il se plaçait sous la protection du tribunal et de la loi ”. Malgré les protestations de son défenseur, les gardes en armes “l’appréhendent au corps, l’arrachent de l’estrade et l’entraînent pour être conduit à la préfecture ”1956.
23En eux-mêmes ces faits sont déjà constitutifs d’une atteinte grave au fonctionnement de la justice. Mais les gardes civiques vont plus loin, créant les conditions de l’affaire Hornbostel, que l’on peut considérer comme symptomatique d’une crise de la Justice provoquée par une crise politique et institutionnelle aggravée. Effectivement,
“ aussitôt après, les gardes civiques arrachent violemment de la barre le défenseur lui-même, le placent au milieu d’eux et le conduisent ainsi, en robe et nue-tête, jusqu’à la préfecture, en donnant toutefois des ordres pour empêcher toutes injures ou autres voies de fait ”1957.
24Malgré l’absence d’injures ou d’atteintes physiques, l’atteinte à la dignité de l’avocat, tout aussi grave que celle portée à son indépendance, est ici caractérisée1958. Enfin, les gardes civiques s’en prennent également au tribunal lui-même, faisant sortir les juges et le président Autran “ de la chambre du conseil où ils s’étaient retirés [et] conduisent les magistrats en robe à travers la ville jusqu’à la préfecture ”1959.
25La force a interrompu la justice. A la Préfecture, le prévenu, l’avocat et les magistrats subissent un interrogatoire, que, ni le préfet Labadié, ni l’administrateur Esquiros ne se préoccupent d’empêcher1960. Pradel, “ après avoir été interrogé, a été retenu prisonnier ”1961. Les juges, quant à eux, sont également interrogés et retenus, mais c’est plus particulièrement l’interrogatoire de l’avocat, mené par le lieutenant de la garde civique, qu’il faut détailler ici. Lorsque le lieutenant de la garde lui demande “ s’il a volontairement accompagné son client”1962, Me Hornbostel répond par la négative et rappelle qu’il a été entraîné “par la force et malgré lui”. Le lieutenant lui rétorque alors “ qu’il n’a donné aucun ordre contre lui, que son arrestation a dû être le résultat d’une erreur et qu’il réclame lui-même sa mise en liberté immédiate ”1963. Me Hornbostel est relâché et se rend immédiatement à l’Ordre des avocats, pour rendre compte des événements à son Bâtonnier. Ce faisant, l’avocat molesté dans sa dignité et son indépendance, actionne son collectif, et implique l’Ordre tout entier.
§ 2 : La prise de position déterminante de l’Ordre des avocats de Marseille
26A la lumière de ces faits, le Conseil prend, face à l’ordre réuni en assemblée générale, la délibération suivante :
“ Considérant que les faits qui viennent d’être relevés, constituent non seulement une série de violences déplorables commises au mépris de la loi, art. 341 et suivant du code pénal, mais encore et surtout un attentat contre la liberté de la défense en la personne de l’avocat arraché à la barre par la force brutale, et entraîné à travers la ville comme un malfaiteur au milieu d’hommes armés au moment de l’exercice le plus sacré et le plus indispensable de son ministère, au moment où il invoquait la loi pour la liberté d’un citoyen, attentat qui s’aggrave de violences contre la justice en la personne des magistrats troublés par la force dans l’exercice de leurs fonctions, et contre la liberté individuelle en la personne d’un prévenu arrêté et incarcéré au mépris d’une décision de justice qui avait ordonné la mise en liberté sous caution ”1964.
27L’analyse que fait le Conseil de l’espèce est très intéressante, car y sont précisément distinguées, dans les agissements des gardes civiques et dans l’attitude de la préfecture, quatre atteintes graves. Celle à la liberté de la défense, celle à la dignité et à l’indépendance de l’avocat, celle à la liberté individuelle, et enfin, celle à la justice elle-même. Or, la délibération des avocats présente ces atteintes comme simultanées et étroitement liées les unes aux autres, comme cumulées, ce qui lui permet de donner à son éventuelle intervention, une légitimité bien plus générale que celle qui serait la sienne s’il s’agissait uniquement au nom d’une atteinte aux droits de l’avocat.
28Légitimité d’autant plus utile, qu’elle permet au Conseil de placer l’avocat au confluent de toutes les atteintes perpétrées par la garde civique, et par ricochet au cœur même de l’appareil judiciaire qui vient d’être bafoué. Son client est maltraité, lui-même est maltraité et interrompu, les magistrats sont maltraités : c’est toute la justice qui est souillée, à travers l’atteinte aux droits de la défense. Ainsi, la conclusion est logique : lorsque le pouvoir maltraite la justice et le droit, le champion désigné pour réclamer réparation, ne peut être que l’avocat lui-même. Dans la suite de sa délibération, le conseil le formule ainsi :
“ Considérant que si de pareils faits pouvaient se renouveler ou rester impunis, c’en serait fait de toute justice et de toute sécurité pour les personnes et le ministère de l’avocat deviendrait absolument impossible ”1965.
29Le lien est ici univoque, presque mathématique : si l’on accepte que le ministère de l’avocat puisse être interrompu, alors il ne peut exister de Justice digne de ce nom. Toute atteinte à l’avocat est une atteinte directe à la Justice. Par conséquent, et à l’unanimité, le Conseil de l’Ordre finit par décider :
“ qu’il y a lieu de protester auprès de M. l’administrateur supérieur des Bouches du Rhône et de lui demander que justice soit faite des violences commises par les gardes civiques et que des mesures soient prises pour qu’à l’avenir de pareils cas ne puissent se renouveler au mépris de la loi, de la sécurité et de l’ordre public ”1966.
30L’Ordre de Marseille est, une fois de plus, prêt à porter le flambeau des libertés, conjuguant adroitement son intérêt particulier avec celui du plus grand nombre.
31Tout comme l’avocat a été, sous l’Ancien Régime et à la Révolution, l’orateur défendant les libertés phocéennes, il est ici la figure de proue d’un combat pour une justice libre et indépendante.
32Evénement exceptionnel dans l’histoire du barreau marseillais, ce n’est pas une simple commission qui porte les réclamations des avocats à la Préfecture, ni même le seul Bâtonnier Ailhaud, mais l’Ordre tout entier d’abord, puis une délégation extraordinaire exclusivement composée de Bâtonniers. Il est effectivement décidé que, “pour donner à cette manifestation un caractère tout à la fois solennel et pacifique, tous les membres présents à la délibération, ayant à leur tête le Bâtonnier, se rendront immédiatement sur la place de la préfecture ”1967.
33A partir de cette première réunion, il est ensuite décidé qu’une députation officielle, composée du Bâtonnier en exercice et de “ tous les anciens bâtonniers présents à la délibération ”1968, se rendra à l’Hôtel de la Préfecture, auprès de l’administrateur Esquiros, pour lui présenter les réclamations qui viennent d’être délibérées par le Conseil. La présence des anciens bâtonniers1969 aux côtés de Me Ailhaud offre ici l’exemple magnifié d’une solennité dont l’Ordre de Marseille est coutumier, et qu’il emploie dans un double but : symboliser l’action collective en réponse à l’agression d’un seul, et appuyer la force et la légitimité des prétentions du Barreau auprès des autorités préfectorales.
34L’administrateur Esquiros, aux côtés d’un Labadié sans pouvoir décisionnel, reçoit la députation du Barreau et lui témoigne immédiatement “ tous ses regrets [au sujet] de l’atteinte (...) portée à la liberté de la défense en la personne de Me Hornbostel ”1970. Ayant présenté ses excuses au Barreau1971, il s’efforce d’amadouer la délégation, en établissant un rapprochement entre les valeurs des avocats et les valeurs républicaines, en rappelant :
“ qu’il était connu de tous que les avocats avaient toujours été en France les défenseurs de la liberté et avaient puissamment contribué à son établissement, que leur ministère n’avait jamais fait défaut sous aucun régime à la défense des opprimés et à la revendication de toutes les libertés ”1972.
35Sans se laisser influencer par le discours de l’administrateur, le Bâtonnier Ailhaud demande, au nom de la députation et de tout le Barreau, la remise en liberté immédiate des juges du tribunal, et le prononcé d’une punition sévère à l’égard des gardes civiques qui ont osé interrompre l’exercice de la justice1973. Me Ailhaud annonce que le Barreau de Marseille a la ferme intention d’adresser une plainte au Garde des Sceaux, au sujet de “ ce déplorable abus de la force ”1974. L’administrateur rend la liberté aux juges et promet simultanément “ de prendre des mesures efficaces pour que de pareils faits ne puissent plus se renouveler ”1975.
36C’est donc grâce à l’intervention du Barreau de Marseille que les magistrats sont libérés1976 et, il s’agit clairement d’une victoire tant politique qu’interne à la sphère judiciaire, manifestant l’importance que revêtent les opinions et les réclamations des avocats aux yeux des autorités publiques, et leur statut de porte-parole privilégié des intérêts de la magistrature. Toutefois, cette dernière affirmation doit être nuancée. Tout d’abord, la délibération du conseil de l’Ordre relève que, bien qu’ayant réitéré sa promesse, l’administrateur Esquiros ne s’est, à aucun moment, expliqué “ sur la nature des mesures à prendre ”1977 afin de garantir le respect des libertés fondamentales. De plus, il est impossible de relever une quelconque trace de sanction ordonnée par l’administrateur, puis appliquée aux gardes civiques ayant commis les abus en question. Mais l’intervention immédiate et massive du Barreau de Marseille fut insuffisante à arrêter les abus qui, à l’approche de l’année 1871, se multiplièrent au rythme des mouvements insurrectionnels.
37En guise de conclusion sur ces événements, il est intéressant d’évoquer une autre affaire liée à l’affaire Hornbostel. Il s’agit d’une espèce disciplinaire, certes secondaire, mais qui montre que l’atteinte du 23 septembre 1870 a été très mal vécue par le Barreau de Marseille, et perçue comme une menace de remise en cause des droits professionnels de l’avocat. Précisément, il s’agit d’une délibération du Conseil de l’Ordre du 20 mai 1874, qui rejette la demande d’inscription au Tableau d’un avocat stagiaire, prénommé Blanc, pour un motif tout à fait marginal1978.
38La délibération commence par le rappel traditionnel de l’état du demandeur, Blanc, qui est “ inscrit au tableau des stagiaires depuis l’année judiciaire 1871-1872 ”. Toutefois, sa situation est doublement délicate, et ce, pour des motifs à la fois internes et externes à l’Ordre. Le Conseil rappelle tout d’abord que, sur le plan de l’administration interne du Barreau, Blanc “ n’a fait aucune demande d’inscription au tableau lors de l’année 1872-73, et que son nom a cessé de figurer sur la liste des stagiaires, sans réclamation de sa part ”, comme s’il avait voulu abandonner la carrière d’avocat vers laquelle il s’était d’abord orienté. C’est clairement ce que sous-entend le Conseil, qui émet ici une réprobation implicite, mais point dirimante, car, de toute façon, la demande d’inscription au Tableau que forme Blanc, lui impose “ l’examen de sa conduite et de l’appréciation de sa situation morale ”. Or, aucune des deux ne semble être satisfaisante.
39Il apparaît d’abord que, pendant son stage, Blanc “ n’a pas rempli ses obligations professionnelles, n’a assisté que 17 fois en 4 années aux séances hebdomadaires de la conférence et du bureau de consultations gratuites ”1979, ce qui est une manière comme une autre de manifester son absence de respect pour les usages et les devoirs professionnels les plus élémentaires. Mais, l’argument qui nous intéresse le plus, est lié au comportement du stagiaire Blanc à l’extérieur du Barreau, durant les années précédentes, les premières de son stage. En effet, il apparaît que, “ dès les premiers jours du mois de septembre 1870, M. Blanc a fait partie de la garde civique”1980, dont certaines actions violentes sont moralement condamnables. Et, précise le Conseil, la mauvaise réputation de la garde rejaillit inévitablement sur Blanc, quand bien même celui-ci n’aurait pris “ aucune part personnelle ” à ces actions violentes, car “ il est inadmissible qu’un avocat ait pu faire partie du corps qui les commettait ”. En participant activement à la garde civique, le stagiaire a non seulement compromis sa moralité, mais de surcroît, manqué aux devoirs de sa profession, en aliénant son indépendance. Son inscription au Tableau n’est donc pas envisageable.
40Mais, l’argument le plus important, reste à formuler. Rappelant brièvement les faits du “ 23 septembre 1870 [par lesquels] la garde civique a envahi en armes l’audience du tribunal, enlevé à la Barre Me Hornbostel qui plaidait et arraché les magistrats de leurs sièges ”, le Conseil précise :
“ qu’à la suite de ces faits, la garde civique fit afficher une proclamation dans le but de calmer l’émotion publique, que cette proclamation a paru dans le journal L’Egalité du 29 septembre, et qu’elle était signée (...) par plusieurs gardes civiques, au nombre desquels était M. Blanc, et que son nom était suivi sur l’affiche de la qualité d’avocat ”1981.
41L’accusation que porte le Conseil de l’Ordre envers Blanc est bien celle d’avoir compromis sa réputation, son indépendance, et, par ricochet, celles de tout le Barreau, en laissant paraître une telle affiche au bas de laquelle se trouvaient ses nom et qualité d’avocat, et ce, à peine quelques jours après que le Barreau tout entier a subi, par la faute de la même garde civique, une atteinte caractérisée à ses libertés et à sa dignité. Cherchant à se défendre, Blanc “ soutient que cette proclamation affichée le 26 et publiée le 27 avait été signée par lui le 23 au matin avant l’arrestation du tribunal ”. Nullement convaincu, le Conseil lui rétorque :
“ que cette allégation est peu vraisemblable, qu’elle n’est pas justifiée, que la seule offre que M. Blanc fasse à cet égard est celle du témoignage de M Mattrerou, ancien commandant de la garde civique, et que ce témoignage ne paraît pas de nature à être admis ”1982.
42Le Conseil demeure impitoyable, refusant tout justificatif à Blanc. Les sages de l’Ordre vont même jusqu’à affirmer que, quand bien même les justifications du stagiaire et son repentir seraient authentiques, ce dernier n’en resterait pas moins coupable de manquement à la traditionnelle solidarité professionnelle.
43Le Conseil juge Blanc inexcusable “ de n’avoir pas protesté publiquement contre l’usage de son nom et de la qualité d’avocat, dans des conjonctures aussi graves ”1983.
44La décision du Conseil apparaît finalement beaucoup plus dictée par la position choisie par Blanc pendant les événements de septembre 1870, que par les quelques manquements qu’il a commis aux devoirs professionnels ; elle s’analyse comme un refus très ferme, et presque de principe, de l’inscrire sur le Tableau :
“ Attendu que dès lors M. Blanc n’a pas rempli les obligations du stage, que sa conduite dans les circonstances susvisées, malgré les regrets tardifs qu’il en exprime, n’a pas été conforme aux devoirs et aux sentiments de dignité et de délicatesse inséparables de la profession d’avocat, rejette la demande de M. Blanc... ”1984.
45Une autre affaire met en scène un avocat marseillais face aux événements insurrectionnels de la Commune. Elle permet tout à la fois d’évaluer le degré de liberté dans l’action politique que le Conseil de l’Ordre reconnaît aux avocats et l’impact de la discipline sur le parcours de l’avocat-tribun.
II - UN RÉVÉLATEUR DES AMBIGUÏTÉS DE L’INDÉPENDANCE POLITIQUE : L’AVOCAT BOUCHET ET LES DÉBUTS DE LA COMMUNE
46Voici un exemple bien plus complexe que le premier, mettant en jeu à la fois l’admission et la radiation du tableau de l’ordre, des questions politiques directement liées à la Commune, et la déontologie du barreau. Cette espèce disciplinaire est révélatrice de l’attitude ambiguë du Barreau marseillais à l’égard de la participation active de ses membres aux enjeux politiques du temps. L’analyse du parcours politique de l’avocat Bouchet (§1) et le jugement à la fois professionnel et moral qu’en fait le Conseil (§ 2), l’attestent. Dans ce dernier paragraphe, sera également évoqué le parcours déjà bien connu, de Gaston Crémieux, connexe à celui de Bouchet, dans le processus communard marseillais1985.
§ 1 : Le rôle de Me Bouchet dans les événements insurrectionnels
47L’avocat Emile Bouchet prit une part active au mouvement communal marseillais au mois de mars 1871. La lettre qu’il adresse au barreau de Marseille au milieu de l’année 1872, revient sur cette période d’activisme politique et tente de poser les justifications d’un avocat qui, ayant mis entre parenthèses sa carrière judiciaire pendant des temps troublés, réclame désormais sa réintégration à l’Ordre1986.
48Avant même cette longue lettre, source essentielle pour l’étude du comportement des avocats marseillais pendant la Commune, Me Bouchet avait demandé sa réinscription sur le Tableau, pour la première fois, dès la fin du mois de mars 1871. Mais, une délibération du Conseil en date du 31 mars 1871 avait opposé à sa demande “ un refus provisoire ”1987. Comme à son habitude, le Conseil avait alors nommé une commission chargée d’étudier la requête de Me Bouchet.
49C’est durant cette période d’attente de la réponse du Conseil, que, spontanément, l’avocat qui s’est engagé dans la Commune de Marseille, rédige cette lettre explicative adressée à l’Ordre. Le Conseil en prend connaissance dans la séance du 26 avril 1872, et c’est notamment sur son contenu qu’il fonde sa réponse à la demande de Bouchet1988. Il apparaît nécessaire, avant d’examiner en détails l’argumentation du Conseil de discipline à l’appui de cette décision, de présenter et d’expliciter le contenu de cette lettre. Les phrases ouvrant la lettre de Bouchet au Conseil posent très clairement la motivation de l’avocat : se justifier et gagner sa réinscription sur le Tableau. Il écrit en effet :
“ Les rumeurs qu’ont engendrées les événements de ces derniers jours à Marseille, le rôle qui a pu m’être attribué par plusieurs dans ce mouvement mal défini, me font un devoir de vous faire un récit loyal de tout ce qui m’a été personnel. Je sens très bien que je vous dois la plus exacte vérité, alors que je demande à reprendre ma place au Barreau ”1989.
50Ainsi, le 22 mars 1871, quatre jours après l’éclatement de la Commune de Paris1990, et la veille du début de la troisième Commune marseillaise, Bouchet qui avait occupé la fonction judiciaire de substitut du procureur de la République à Marseille depuis le 8 septembre 1870, décida de remettre sa démission au Parquet. Sa lettre de démission, adressée au Garde des Sceaux le 23 mars, et reportée dans le présent document de référence, manifeste clairement sa position de républicain convaincu et ulcéré par la prise de position ambiguë du gouvernement versaillais :
“Aujourd’hui, je ne puis considérer comme républicain le gouvernement qui, par sa protection accordée aux agents impériaux et autres agissements multipliés, appelle la révolution. Je ne puis rester, une fois de plus, solidaire d’actes que je ne saurai accepter. Désireux de rentrer, sans risque de forfaiture, dans le plein exercice de ma liberté de citoyen et de républicain, je vous prie d’agréer ma démission et la cessation de mes fonctions à la date du 23 mars, onze heures du matin ”1991.
51Bouchet se rend alors au Club républicain de la Garde nationale dont il est l’un des membres. Il participe aux débats animés, et, jouant un rôle de conciliateur, y déclare :
“ A mon sens le club devait assurément condamner le gouvernement de Versailles, mais que, réunion sérieuse et honnête, il ne saurait appuyer le mouvement insurrectionnel de Paris qui, n’étant affirmé que par des noms obscurs, pouvait être soudoyé par les Prussiens ou les bonapartistes ”1992.
52Son intervention emporte la résolution du Club qui décide de l’envoi d’une délégation au préfet, pour “ obtenir de lui une communication constante des dépêches tant de Paris que de Versailles ”1993. En insistant sur ces derniers points, il est incontestable qu’il est dans l’intention de Bouchet de montrer au Conseil de l’Ordre que, malgré son activisme politique, il conserve toujours la réserve et la pondération dignes d’un avocat.
53Lorsque les événements du 23 se précipitent et que la préfecture est envahie par les insurgés, une fois encore, Bouchet tente la conciliation entre le préfet et la garde civique entourée du peuple1994. A neuf heures du soir, il apprend qu’il vient d’être désigné par une délibération de son Club pour faire partie en tant que représentant, aux côtés de MM. Barthelet et Cartoux, de la commission départementale qui devra siéger à la Préfecture1995, à laquelle prend également part le Conseil municipal en envoyant ses propres délégués1996. Le président exalté de cette commission départementale n’est autre que Gaston Crémieux1997.
54A peine Emile Bouchet arrive-t-il à la Préfecture, qu’un incident éclate au sujet d’un capitaine de la Garde Nationale, M. Roussier, “ amené prisonnier [devant la commission] sous le reproche d’avoir proféré des paroles insultantes contre la République ”1998. M. Roussier concède qu’une altercation avec l’un de ses caporaux a bien eu lieu, mais “ nie énergiquement ” avoir proféré la moindre insulte anti-républicaine. Crémieux intervient alors, et décidant de la remise en liberté du capitaine, “ invite celui-ci à regagner sa demeure ”. Mais, ayant entendu l’ordre de remise en liberté, finalement prononcé par Bouchet lui-même, après quelques hésitations relatives au danger “ qu’il y avait à laisser sortir M. Roussier ”1999 compte-tenu de l’agitation populaire, certains citoyens présents à la Préfecture menacent Bouchet et le déclarent “ responsable de tous les agissements réactionnaires du capitaine Roussier ”2000. Bouchet leur fournit des explications claires parvenant difficilement à les calmer, “ leur susceptibilité, irritée par une longue oppression, leur faisant voir des traîtres partout ”. Mais, les talents de conciliateur, ou du moins ceux que Bouchet se prête, lui permettent de mettre fin à cet incident.
55En ce qui concerne le jour suivant 24 mars, Bouchet relate au Conseil qu’il se rend à la Préfecture dans l’espoir d’obtenir deux choses : “ la mise en liberté des prisonniers en otage et le remplacement du drapeau rouge ”2001 qui flotte sur le toit du bâtiment public sur ordre de Crémieux. Bouchet considère ces actions “ comme les gages premiers de la conciliation ”2002 qu’il cherche à consolider depuis le début de son action politique au sein de la commission départementale qui incarne, bien malgré lui, la Commune de Marseille. Mais, constatant qu’il ne parvient pas à imposer son point de vue modéré sur aucun de ces deux points, en raison de l’exaltation populaire qui maintient la Commission sous pression et entrave son fonctionnement, et malgré la personnalité et l’autorité de Crémieux2003, il remet sa démission à la Commission, le soir même, à 23h00. Elle est rédigée en ces termes :
“ J’ai accepté avec résolution le mandat qui nous appelait à composer la Commission départementale provisoire. Nous devions, et c’est bien la mission que j’avais acceptée, assurer la République compromise par un gouvernement qui ose abriter sous le titre sacré de République Française la protection qu’il accorde à d’odieux agents impériaux (...) La Commission allait délibérer pour assurer la liberté et l’ordre. Il s’est trouvé que plusieurs de nos prescriptions ont rencontré une résistance invincible de la part de quelques citoyens dont le zèle républicain nous a déclarés suspects. Je suis trop attaché à mes opinions pour m’exposer à me voir soupçonné, alors que je veux, comme toujours, servir la République et rien que la République. Je me retire... ”2004.
56Le lendemain 25 mars, alors que Bouchet se trouve à la permanence du Club républicain de la Garde Nationale, Crémieux vient “ récriminer contre sa démission et prier le Club de ne point l’accepter”2005. Bouchet répond à cette intervention, et ce point est très important au regard de la démonstration de la justesse de son comportement qu’il entend faire aux membres du Conseil de l’Ordre, en se justifiant par le souci de voir respectée sa “ dignité ”2006 et celle du Club tout entier. Il agit là, du moins l’estime-t-il, en avocat pétri des valeurs du Barreau dont l’honneur et la dignité ne sont pas les moindres.
57Toutefois, il finit par céder aux supplications conjuguées de Crémieux, de son Club et de la Commission départementale qui vote “ à l’unanimité ”2007 qu’il doit reprendre ses fonctions en son sein, et il s’en explique par ces mots, également forts révélateurs :
“ J’aimerai mieux sacrifier ma vie que ma dignité. Vous me demandez de fouler aux pieds celle-ci, soit, j’accepte au nom de la République, et pour elle ”2008.
58Et, il précise au Barreau, sachant très bien quelles seront ses récriminations au sujet de cette “ aliénation ” de sa dignité, que le Club de la Garde Nationale prend la peine de faire insérer dans la presse une note affirmant que ce n’est que sous la contrainte que Bouchet accepte de réintégrer la Commission et le met ainsi “ à l’abri de toute interprétation malveillante ”2009.
59Bouchet reste dans la Commission départementale jusqu’au 27 mars 1871, en renonçant implicitement à faire prévaloir ses idées conciliatrices, se contentant de “ mesures administratives qu’il fallait prendre d urgence ”2010
60Lorsque le 27 mars, le conseil municipal marseillais annonce qu’il retire sa délégation de la Commission, en affirmant qu’il ne la renverrait pas “ sans que la situation fût changée autrement que par un retour très sensible vers le calme ”2011 ; Bouchet tente de l’en dissuader, évoquant “ une défection qui ne s’appuie que sur des rumeurs publiques ”2012. Mais en vain. Et, à l’annonce de la décision irrévocable du conseil municipal, le Club républicain de la Garde Nationale prend à son tour, juste après minuit, la décision de retirer ses mandataires, dont Bouchet fait partie2013. C’est la fin de sa participation à la Commune de Marseille2014.
61Toutefois, Bouchet évoque dans la dernière partie de sa lettre, une tentative de la part de la Commission départementale, toujours dirigée par Crémieux, de prolonger, malgré lui, sa participation à la Commune marseillaise. En effet, écrit-il à l’Ordre,
“ les membres siégeant à la commission départementale ont cru pouvoir, depuis mon retrait définitif, me faire figurer à mon insu dans leur administration à laquelle je n’avais participé…”2015
62La formulation est clairement destinée à convaincre les membres du Conseil, “ ...que par obéissance et discipline républicaines ”2016. Bouchet donne l’exemple d’une affiche de la Commission, placardée partout le 28 mars, et comportant au bas du texte sa signature. Avec l’appui du Club de la Garde nationale, il fait paraître dans la presse “ une protestation attribuant l’usage de [son] nom à une erreur ”2017. La Commission persiste toutefois, dans un avis du 29 mars suivant et Bouchet réitère sa protestation dans le Journal L’Egalité du 30 mars suivant, en évoquant, non plus une erreur, mais “ un abus ”2018. Enfin, la conclusion de cette lettre est un appel direct au Conseil de l’Ordre que Bouchet désire réintégrer, et qu’il désire convaincre, de son “ honnêteté politique qui, avec l’honnêteté privée son corollaire obligé, a été et sera toujours le guide de sa conduite”2019. L’examen de la décision du Conseil du 26 avril 1872 montre qu’il n’y parvient pas.
§ 2 : La décision du Conseil de Discipline et sa portée générale
63Dans la séance du 26 avril 1872 déjà évoquée2020, le Conseil délibère sur la réponse à apporter à la demande de réintégration formulée par Bouchet, après avoir pris connaissance de sa lettre explicative au sujet des événements du mois de mars 1871 auxquels il a été mêlé, et du rapport que lui remet la commission qu’il a nommée à l’effet d’examiner sa demande, “ composée de M. le Bâtonnier Armand, de Me Onfroy et de Me Dufaur, le dit rapport fait par Me Onfroy ”.
64Le Conseil commence par faire l’historique de la situation de Bouchet par rapport à l’Ordre, en rappelant que celui-ci “ avait cessé en 1870 d’en faire partie pour remplir les fonctions de substitut de M. le Procureur de la République à Marseille ”, et évoque ensuite sa démission du 23 mars 1871. Toutefois, le Conseil précise que cette démission “ n’a pas été acceptée et que [Bouchet] a été révoqué ”. Il rappelle également que, suite aux faits de mars 1871, Bouchet “à raison de la part qu’il aurait prise aux événements qui ont eu lieu à Marseille à cette date et postérieurement, a été traduit devant un conseil de guerre et qu’il a été renvoyé acquitté ”2021. Effectivement, à la suite de la répression définitive de la Commune marseillaise le 5 avril 1871, par l’action des troupes du général Espivent, appuyées par les Forts Saint-Nicolas et Notre-Dame de la Garde pilonnant le palais préfectoral, les meneurs de celle-ci ont été traduits devant le Conseil de Guerre2022. Siégeant du 12 au 28 juin 1871, le Conseil de Guerre jugea 17 prévenus, dont Bouchet2023. Ce dernier fait partie des six acquittés, alors que Gaston Crémieux lui-même est condamné à mort et exécuté le 30 septembre2024.
65A la lumière de tous les éléments qui ont été réunis et examinés, le Conseil de l’Ordre s’achemine vers une décision concernant la réintégration de Bouchet. D’emblée, il n’est aucunement question pour lui, d’accepter inconditionnellement le retour de l’ancien avocat. La situation de Bouchet lui paraît délicate et de nature à compromettre sa réinscription au Tableau :
“ La participation de M. Bouchet aux événements susrappelés, sa poursuite au criminel, suivie d’acquittement, et sa révocation comme magistrat, présentent un ensemble de circonstances graves dont il y a lieu de faire un examen approfondi ”2025.
66Le Conseil de l’Ordre formule alors une déclaration de principe sur laquelle il faut s’arrêter car, en excédant largement le cadre de l’affaire Bouchet, elle apparaît comme le reflet de sa “ doctrine ” quant à la participation des membres du Barreau marseillais à la vie politique locale ou nationale, et pose tout à la fois la possibilité et les limites de celle-ci :
“ Même si dans ses traditions l’Ordre des avocats a toujours réservé l’indépendance des opinions et des actes politiques de ses membres, il n’en a pas moins gardé et constamment observé le devoir de vérifier si l’avocat, dans sa conduite politique, avait su conserver ou au contraire compromis la loyauté de son caractère par des actes atteignant les principes de droiture, de franchise et d’honnêteté qui sont la condition indispensable de toute admission au sein du Barreau... ”2026.
67Cette formulation est une l’une des plus importantes illustrations du décalage, de plus en plus évident au fur et à mesure du xixème siècle, entre un collectif que l’amour des traditions et la défense acharnée de l’indépendance maintiennent éloigné de toute intervention dans le débat politique, et des avocats qui, pris individuellement, ont une formation et des qualités oratoires et de juristes qui les prédestinent à l’activisme politique. Comme pour mieux valider la déclaration de principe qu’il vient de formuler, le Conseil n’hésite pas à utiliser le témoignage de Bouchet contre ce dernier, en considérant sa lettre justificative comme une reconnaissance implicite de son droit séculaire à évaluer la dignité des avocats dans leur comportement extérieur au Barreau :
“ En soumettant spontanément au conseil la justification qu’il a publiée de sa conduite politique dans les événements du 23 mars 1870 et jours suivants à Marseille, M. Bouchet a reconnu, le premier, l’autorité de la règle morale posée plus haut, et a provoqué l’examen devenu par lui-même nécessaire, du rôle qu’il s’est donné au milieu de ces circonstances ; que par la suite, justement et obligatoirement, le conseil est amené à apprécier la conduite, même politique, de M. Bouchet, non point pour se constituer juge des actes de citoyen (...) mais dans le but exclusif de reconnaître si cette conduite n’a rien présenté qui s’oppose, d’après les principes professionnels de l’Ordre, à la rentrée de M. Bouchet ”2027.
68S’étant auto-légitimé par ce raisonnement, c’est exactement ce qu’entreprend de faire le Conseil dans la suite de sa délibération. Tout d’abord, sur les “ intentions conciliatrices ” que Bouchet affirme avoir eues et sur la “ mission de pacification ” qu’il dit avoir suivie dès le lendemain de sa démission du poste de substitut, le Conseil rappelle que ses vœux “ sont restés malheureusement impuissants ”. Toutefois, le Conseil reconnaît que “ son honnêteté politique, corollaire obligé de son honnêteté privée ” ont effectivement guidé les actes de Bouchet lorsqu’il s’est agi, au sein de l’agitation de son Club, de réprouver “ l’intention annoncée le 23 mars d’une attaque contre la Préfecture ” et de proposer en réponse “ d’aller à la Préfecture en délégation pour se faire communiquer les dépêches du gouvernement ”, suggestion qui a su emporter l’adhésion du Club ; que, par la suite, il est également vrai que Bouchet n’a accepté qu’à regret de faire partie de la délégation du Club républicain de la Garde nationale, chargée de prendre part à la Commission départementale provisoire présidée par Crémieux. Toutefois, le Conseil rappelle que, lorsqu’il s’est agi de revenir dans la Commission alors qu’il avait démissionné, ayant constaté que sa présence était “parfaitement vaine ”, les mesures qu’il proposait ne se concrétisant pas, Bouchet a cependant accepté de le faire et a accepté en même temps de faire “ le sacrifice de sa dignité au nom de la République ”.
69Mais, à côté de ces faits, déjà cités dans la lettre de Bouchet, le Conseil en évoque d’autres, mis en lumière dans le rapport de la commission d’enquête qu’il a nommée. Il apparaît que le 23 mars, Bouchet a rédigé
“ avec Crémieux, une lettre annonçant à la municipalité marseillaise que la Préfecture était envahie, le calme maintenu, en la pressant de venir les aider à constituer une administration provisoire ”2028.
70Ceci constitue un engagement plus que manifeste aux décisions de la Commune, et fait de Bouchet l’un des principaux instigateurs de la Commission départementale provisoire.
71Il est donc, par ricochet, l’un des fondateurs, même modérés, de la Commune. De plus, il apparaît que pendant sa participation en tant que délégué du Club au sein même de la Commission départementale installée à la Préfecture à partir du 23 mars 1871, Bouchet est directement intervenu sur diverses questions de police et d’administration :
Ainsi, “ le 23 mars, il signait pour la subsistance de cinq officiers garibaldiens (...) deux jours après, un proscrit de 1852 offrant par écrit ses services pour coopérer, Bouchet écrivait en marge : à prendre en considération (...) et, après le retrait de sa démission, Bouchet avait donné l’ordre de consigner à la gare et sous bonne garde toutes armes et munitions... etc”2029
72Le Conseil évoque de nombreux autres exemples de la participation très active de l’avocat à l’administration provisoire dirigée par Crémieux.
73Il y a un dernier élément important pour le Conseil de l’Ordre, quant à l’appréciation qu’il entend faire du comportement de Bouchet pendant la Commune : lorsque le Club décide de retirer sa délégation de la Commission départementale, suite au retrait de celle du conseil municipal, Bouchet fait une déclaration, datée du 28 mars, qui présente et “ accuse l’attitude regrettable du conseil municipal comme ayant entraîné le retrait de ses pouvoirs de délégué ”. Et il ajoute, en contradiction flagrante avec ses réserves précédentes, qu’il serait prêt à l’être de nouveau “s’il y était appelé par de nouveaux groupes républicains ”.
74Ayant rappelé tous ces éléments, tant ceux issus de la lettre explicative de Bouchet, que ceux révélés par l’enquête de la commission, le Conseil s’achemine vers la décision définitive. Commençant par évoquer “ de très graves contradictions entre le langage de M. Bouchet et ses actes, et plus précisément, entre sa conduite constante et la mission de paix et d’ordre qu’il affirme s’être donnée ”, le Conseil poursuit en constatant avec regrets que “ l’ambiguïté, sinon l’inconciliabilité, apparaît en quelque sorte partout”2030 dans les faits et les témoignages relatifs à l’action politique de l’avocat Bouchet pendant la Commune. Le terme “ inconciliabilité ” semble choisi à dessein par le Conseil pour rappeler l’opposition entre l’action réelle de Bouchet et le but de “ conciliation ” qu’il s’était fixé. Conciliation qui jamais n’a prévalu, puisque Bouchet, dixit le Conseil, a contribué “ à placer le Préfet en surveillance permanente ”, et que, pendant le gouvernement de la Commission départementale, “ la Préfecture se trouve investie de bataillons menaçants ”.
Loin de s’y opposer, “ comme il le doit en honneur et comme il le promet ; [Bouchet] se déclare aussitôt impuissant, ne tente aucun effort loyal et courageux, s’éloigne pour aller prendre à son Club de nouvelles instructions, et ne reparaît que lorsque la Préfecture a été forcée et que les autorités sont prisonnières”2031
75Cette dernière analyse du Conseil de l’Ordre sonne comme une sentence à l’encontre de Bouchet, presque accusé de mentir : malgré ses affirmations, il n’a pas réussi à suivre la seule ligne de conduite honorable qu’aurait dû lui dicter sa dignité d’avocat, soit se retirer lorsqu’il est devenu manifeste qu’il ne pouvait plus assumer le rôle de conciliateur qu’il s’était proposé de jouer. Le Conseil insiste très longuement sur ce dernier point :
“ Dans ses actes de délégué, on voit que M. Bouchet, au lieu de s’employer à la pacification, n’a travaillé qu’à renforcer, à armer, à organiser et à faire durer le pouvoir de la commission départementale ”2032.
76S’en prenant enfin à sa démission, qui semble pourtant dictée par des considérations de dignité personnelle, le Conseil affirme “apercevoir dans sa détermination, des susceptibilités d’autorité personnelle méconnue, mais nullement une franche improbation du désordre dont il est témoin ”2033.
77Il apparaît clairement que l’Ordre n’a aucunement l’intention de réintégrer Bouchet, le considérant comme entaché d’indignité définitive après sa participation à la Commune. Cette attitude est d’ailleurs fort révélatrice du jugement que les instances dirigeantes du Barreau marseillais portent sur la Commune et le gouvernement insurrectionnel qui a contrôlé la Préfecture et la Cité pendant le mois de mars 1871. C’est un jugement négatif et radical. Le Conseil évoque “ un milieu de circonstances qui mettait en question l’ordre social et une tourbe menaçante qui n’a été qu’un ramassis de quelques centaines de gredins ”, dont implicitement, Bouchet a fait partie. Le pire semble encore être pour le Conseil, signe ultime d’un comportement contraire à la dignité propre à la profession d’avocat, que Bouchet, tout en reconnaissant dans l’introduction de sa Lettre explicative, qu’il devait “ à ses confrères, la plus exacte vérité ”, “ a volontairement dissimulé dans cet écrit les circonstances capitales de sa conduite : réquisitions d’armes ; prestations par requisitions ; immixtion dans la garde des otages ; ordres aux commandants... etc ”. Le Conseil clôt sa délibération par ces mots :
“Jamais, le Barreau, la Magistrature (...) ne tolèreront qu’on puisse, sans blesser profondément tous les sentiments de l’honnêteté publique, étant substitut du Parquet le matin, se placer le même jour dans un milieu insurrectionnel pour y prendre une part quelconque à des actes qui auront commencé par la mise sous surveillance et fini par la détention comme otages des autorités desquelles on relevait encore le matin. Par cette dernière considération, qui domine en importance toutes les autres, il y a, en dehors de toute acception politique, un obstacle absolu à l’admission demandée. Délibère y avoir lieu de ne point accueillir la demande en inscription au Tableau formée par M. Bouchet ”2034.
78Ce qui, en substance, signifie que la décision du Conseil de refuser la réintégration de l’avocat communard était prise dès avant l’examen de sa situation, en application du principe de dignité cher à l’Ordre et que Bouchet, par sa seule participation, même minimale à la Commune de Marseille, avait définitivement et irrévocablement bafoué. C’est l’illustration à la fois de la rigueur disciplinaire du Conseil de l’Ordre, et de la tendance à un dogmatisme fondé sur des traditions figées, qui sera l’une des causes de l’éloignement de plus en plus marqué entre les principes déontologiques prônés par le collectif et le comportement individuel des nouvelles générations d’avocats.
79Cet exemple montre l’existence d’une faille importante dans l’instrumentalisation même de l’indépendance de l’avocat dans la sphère politique, en offrant le double exemple d’un avocat engagé et rejeté par son collectif, et une masse d’avocats confinés dans leurs enjeux professionnels et n’ayant pas d’autres formes d’activité politique que celle de conserver une prudente réserve, dictée par la dignité.
80Il y a là une véritable ligne de fracture entre le collectif et l’individu, entre la participation politique de quelques-uns et le repli professionnel de la plupart. Le mot d’ordre du Conseil de l’Ordre, en cette phase de gestation républicaine, semble être : “ la libre expression des opinions politiques, oui, mais l’activisme politique, non ”. L’action est la limite de l’indépendance de l’avocat, et s’y engager, c’est compromettre son indépendance et sa dignité et donc accepter de s’extraire du collectif jusqu’à ne plus avoir le droit d’exercer sa profession de défenseur. Cette position se présente comme inadéquate dans le nouveau cadre républicain qui fait des avocats la catégorie sociale prédestinée à la carrière politique elle-même.
81La suite de l’affaire Bouchet atteste de cette incompatibilité entre un dogme professionnel et une prédestination politique : ayant reçu une réponse négative à sa demande de réintégration, Bouchet n’hésite pas à faire appel, obligeant le Conseil de l’Ordre à nommer une nouvelle commission pour soutenir sa propre position2035.
82Dans la séance du 18 juillet 1872, le Conseil de l’Ordre désigne Me Onfroy pour soutenir la défense de ses intérêts, assisté par la Commission, devant la Cour d’Aix-en-Provence2036. Alors que la commission du Barreau se rend à l’audience de la Cour d’appel du 23 juillet, Bouchet “fait demander la remise de son procès, et qu’il lui a été accordé, après conclusions, que l’audience serait continuée à l’audience du 17 août prochain ”2037. Pendant la séance du Conseil du lendemain, “ M. le Bâtonnier communique au Conseil le désir manifesté par la Cour que les élections de l’Ordre fussent renvoyées à une époque postérieure au 17 août ”, pour des raisons de maintien de la commission le représentant en appel. Mais, le Conseil de l’Ordre n’entend pas plier son administration interne aux désirs des magistrats et décide :
“ qu’il y a lieu de maintenir les élections au lundi 29 juillet comme déjà fixé par une précédente décision [et de] désigner huit de ses membres avec mission de se rendre auprès de M. le Premier Président de la Cour et de lui faire connaître la présente délibération en lui en expliquant les motifs ”2038.
83Suite aux élections de l’Ordre du 29 juillet 1872, le Bâtonnier ordonne la formation d’une nouvelle commission pour suivre l’affaire Bouchet en appel, en concédant toutefois à la Cour qui “ a manifesté le désir que le conseil de discipline continuât à être représenté devant elle par la même commission ”2039, que tous les membres de la précédente commission “ MM. Dufaur, Onfroy, Aimé Ailhaud et Caillât [feront] partie de la nouvelle commission ”2040.
84L’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence intervient bien le 17 août 18722041. Il est commenté par l’Ordre des avocats de Marseille dans une séance du Conseil en date du 24 août 1872 : le Bâtonnier y annonce que la Cour d’appel “ a confirmé par adoption de motifs la décision du conseil de l’Ordre”2042 concernant l’affaire Bouchet, et remercie Me Onfroy “ pour le zèle et le dévouement dont il a fait preuve dans cette affaire ”2043.
85La décision, tant administrative que disciplinaire, de l’Ordre de Marseille à l’égard d’un avocat qui s’est engagé dans l’action politique dans une période troublée, est confirmée par les juridictions locales, et ce, sans aucune réserve, puisque la Cour reprend trait pour trait les motifs invoqués par l’Ordre. Il est possible d’y voir ici l’expression d’une sorte de solidarité institutionnelle entre les différents organes de l’appareil judiciaire qui, à l’instar des autorités légitimes, a été balayé par la Commune insurrectionnelle de mars 1871.
86Au-delà de toute prise de position idéologique au sujet de la République elle-même, cette " simple " confirmation de motifs, trahit peut-être une volonté de sanction exemplaire de la part des avocats et des magistrats qui, pris dans leur ensemble, se sont tenus à l’écart des convulsions politiques de la Commune, envers ceux de leurs confrères qui ont osé s’engager pleinement sur la voie de l’activisme et s’y sont brûlé les ailes, en y perdant, aux yeux de leurs collectifs, leur honneur et leur dignité.
87Il semble pertinent, au sujet de ces deux exemples d’affirmer qu’ils décrivent deux modalités de confrontation entre les avocats de Marseille et la crise politique née de l’enracinement de la République. A travers l’exemple d’Hornbostel, les avocats subissent la crise politique dans l’exercice de leur profession ; l’exemple de Bouchet avec son revirement trop tardif décrit, quant à lui, l’hésitation des avocats à s’engager dans le combat politique. Enfin, à travers le parcours extrême de Gaston Crémieux, pointe une troisième hypothèse : celle de l’avocat qui devient un acteur majeur de la crise politique, mais y perd la vie.
88Avant de devenir le tribun au tragique destin, Crémieux fut membre de l’Ordre des Avocats de Nîmes, puis de Marseille. Il fut inscrit au Barreau phocéen en 1862, après un stage plus long que la moyenne2044, et en fît partie jusqu’en 18702045. Son cabinet se trouvait rue Saint-Ferréol, au n° 43. Politiquement, son parcours est d’emblée problématique. Gaston Crémieux est impliqué dans des événements insurrectionnels. Lorsqu’Esquiros arrive à Marseille le 8 septembre 1870 pour prendre possession de la préfecture, il est immédiatement pris en otage par le Conseil départemental et le Comité de Salut Public. Les véritables maîtres de la Préfecture sont alors Labadié, Thourel et Crémieux2046.
89Gaston Crémieux comparaît le 12 juin 1871 devant le Conseil de Guerre présidé par le lieutenant-colonel Thomassin. Les chefs d’accusation sont clairs : attentat commis contre le gouvernement. Crémieux est accusé d’avoir pris part, en mars 1871, à une émeute populaire visant la Préfecture, d’avoir séquestré le Préfet des Bouches-du-Rhône et d’avoir constitué une Commission provisoire dont il était le chef auto-proclamé2047.
90Gaston Crémieux demande à Me Aicard, du barreau de Marseille, de le défendre. Mais, Aicard ne parvient pas, malgré son éloquence et sa science, à convaincre le juge : après de longs débats, le Conseil de Guerre condamne Crémieux à la peine de mort2048. Les membres du Barreau feront spontanément des démarches actives pour obtenir la commutation de la peine de leur ancien confrère. Mais en vain. Par une lettre envoyée au Bâtonnier, Crémieux remercie ses anciens confrères des marques de sympathie qu’ils lui ont données2049. A la fin du mois de juillet, les avocats de Marseille enverront même une demande de grâce au Ministre de la Justice. Dans la séance du 29 juillet suivant, le Bâtonnier fait état d’une lettre envoyée par Me Crémieux, avocat au Barreau de Paris et ancien ministre de la Justice, “ remerciant ses confrères du barreau de Marseille pour la demande de grâce adressée à M. le chef du pouvoir exécutif en faveur de Me Gaston Crémieux ”2050. Toutefois, il n’y a aucune autre référence à l’avocat-tribun, dans les archives du barreau de Marseille. Gaston Crémieux est fusillé le 1er décembre 1871. “ Il s’était cru tribun, il n’était qu’un rêveur ”, écrira le bâtonnier Ambard un peu durement2051.
91Tous ces exemples témoignent d’un net décalage entre l’engagement politique personnel de certains avocats, et la réserve et la prudence collectivement incarnées par le Barreau, en somme d’un éloignement croissant entre l’homogénéité des enjeux professionnels et l’hétérogénéité de l’action politique.
92Lorsque l’heure n’est plus à l’enracinement mais au triomphe de la République, ce trait de caractère commun à tous les barreaux, mais particulièrement vivace dans celui de Marseille, tend à se confirmer, voire à s’accentuer, comme le montre notamment l’affaire Bédarrides.
Notes de bas de page
1910 Encyclopédie départementale des Bouches-du-Rhône, op. cit., Tome V, p. 205.
1911 Ibid., p. 206. Il faut noter également que lors des mêmes élections, A. Thiers se présente comme candidat de l’opposition libérale, succédant pour ainsi dire, et par les vœux du peuple marseillais, à l’illustre Berryer.
1912 Ibid, p. 207.
1913 Ibid., p. 208.
1914 Ibid., p. 209.
1915 Ibid.
1916 Ibid. : “ Les Marseillais sentirent que l’Empire venait de sombrer, que la République allait venir et, dès ce matin du 4 septembre, on entendit dans leur ville le cri de Vive la République ! ”
1917 Norbert ROULAND, Le conseil municipal marseillais et sa politique de la IInde à la IIIème République (1848-1875), Edisud, Marseille, 1974, pp. 117-120.
1918 Ibid., p. 118.
1919 Ibid.
1920 Ibid., p. 119. Voir l’étude biographique de Roger VIGNAUD, Gaston Crémieux : une biographie, Marseille, 2002, à paraître.
1921 Raoul BUSQUET, Histoire de Marseille, op. cit., p. 356.
1922 Encyclopédie départementale des Bouches-du-Rhône..., op. cit., Tome V, p. 209.
1923 Norbert ROULAND, Le conseil municipal marseillais et sa politique de la IInde à la IIIème République (1848-1875), op. cit., p. 118.
1924 Encyclopédie départementale des Bouches-du-Rhône..., op. cit., Tome V, p. 209.
1925 Raoul BUSQUET, Histoire de Marseille, op. cit., p. 357 : Thomas Bory s’entoure des neufs adjoints qui ne sont autres que les membres de la liste républicaine ayant obtenu le plus grand nombre de voix après lui.
1926 Encyclopédie départementale des Bouches-du-Rhône..., op. cit., Tome V, p. 210 : “ A la réception de la dépêche de Gambetta annonçant la déchéance du gouvernement impérial et la proclamation de la République à l’Hôtel de Ville de Paris, le conseil municipal de Marseille se rendait solennellement sur la place de la mairie et, au milieu de la foule, proclamait à son tour la République”.
1927 Raoul BUSQUET, Histoire de Marseille, op. cit., p. 357.
1928 Encyclopédie départementale des Bouches-du-Rhône..., op. cit., Tome V, p. 210.
1929 Ibid. : “ Dans toutes les villes et les communes du département, la proclamation de la République se fit normalement. A Aix, à Arles et à Salon, notamment, des manifestations favorables au nouveau régime eurent lieu devant l’hôtel de ville et dans les rues de chacune de ces localités. Même les amis de l’Empire, atterrés par les désastres de la patrie qui lui étaient imputés, ne songeaient nullement à contre-manifester ou protester. En résumé, dans les Bouches-du-Rhône, l’instauration du régime républicain se fit partout sans trouble d’aucune sorte, le plus souvent avec l’adhésion tacite des populations”.
1930 Raoul BUSQUET, Histoire de Marseille, op. cit., p. 357.
1931 Pierre GUIRAL & Félix REYNAUD, Les marseillais dans l’histoire, op. cit., p. 152 : "fondateur d’une prospère maison de commerce de drap qui lui procura la fortune, Labadié a incarné à Marseille cette génération de militants républicains née dans les premières décennies du siècle, mûrie dans l’opposition au Second Empire, dont le rôle ne fut pas négligeable dans l’établissement de la IIIème République ” (1814-1892).
1932 Raoul BUSQUET, Histoire de Marseille, op. cit., p. 357.
1933 Encyclopédie départementale des Bouches-du-Rhône..., op. cit., Tome V, p. 211.
1934 Raoul BUSQUET, Histoire de Marseille, op. cit., p. 357.
1935 Encyclopédie départementale des Bouches-du-Rhône..., op. cit., Tome V, p. 212.
1936 Raoul BUSQUET, Histoire de Marseille, op. cit., p. 357.
1937 Encyclopédie départementale des Bouches-du-Rhône..., op. cit., Tome V, p. 213. L’Encyclopédie cite l’exemple du commissaire central Gaillardon qui fut la première victime des gardes civiques : “ maltraité de toutes manières, exposé dans la cour de la préfecture aux sévices et aux insultes de la foule, il fut ensuite emprisonné à la maison de détention de Saint-Pierre. Peu de jours après, on le trouva pendu dans sa cellule ”.
1938 Ibid.
1939 Pierre GUIRAL & Félix REYNAUD, Les marseillais dans l’histoire, op. cit., p. 106 : “Alphonse Esquiros (1812-1876). Démocrate, élu à l’assemblée en avril 1850, exilé après le coup d’Etat du 2 décembre 1851, il est élu député des Bouches-du-Rhône en 1869, aux côtés de Gambetta, ce qui lui vaut d’être administrateur provisoire du département après le 4 septembre 1870. Souvent désavoué par Gambetta qui lui reproche ses excès de pouvoir, il démissionnera le 3 novembre de la même année ”.
1940 Raoul BUSQUET, Histoire de Marseille, op. cit., p. 357.
1941 Ibid., p. 358.
1942 A.O.A MARSEILLE, D.C.D. vol 7, (fo non numérotés) : Séance en date du 23 septembre 1870.
1943 Ibid.
1944 Ibid.
1945 Louis AMBARD, Les anciens bâtonniers du barreau de Marseille, op. cit., Quatrième série, p. 14.
1946 Ibid. L’a. note que Pradel “ avait été témoin des actes arbitraires auxquels se livraient les gardes civiques et avait protesté. Ceux-ci, indignés s’étaient emparés de lui pour l’amener jusqu’au tribunal ”.
1947 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D. vol 7, (fo non numérotés) : Séance en date du 23 septembre 1870.
1948 Raoul BUSQUET, op. cit., p. 358.
1949 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D. vol 7, (fo non numérotés) : Séance en date du 23 septembre 1870.
1950 Ibid.
1951 Louis AMBARD, Les anciens bâtonniers du barreau de Marseille, op. cit., Première série, p. 31.
1952 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D. vol 7, (fo non numérotés) : Séance en date du 23 septembre 1870.
1953 Ibid.
1954 Louis AMBARD, Les anciens bâtonniers du barreau de Marseille, op. cit., Quatrième série, p. 15.
1955 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D. vol 7, (fo non numérotés) : Séance en date du 23 septembre 1870.
1956 Ibid.
1957 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D. vol 7, (fo non numérotés) : Séance en date du 23 septembre 1870.
1958 Louis AMBARD, Les anciens bâtonniers du barreau de Marseille, op. cit., Quatrième série, p. 15 : l’a. note que l’avocat “ est traité comme un malfaiteur ”.
1959 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D. vol 7, (fo non numérotés) : Séance en date du 23 septembre 1870.
1960 Louis AMBARD, Les anciens bâtonniers du barreau de Marseille, op. cit., Quatrième série, p. 15.
1961 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D. vol 7, (fo non numérotés) : Séance en date du 23 septembre 1870.
1962 Ibid.
1963 Ibid.
1964 Ibid.
1965 Ibid.
1966 Ibid.
1967 Ibid.
1968 Ibid.
1969 Louis AMBARD, Les anciens bâtonniers du barreau de Marseille, op. cit., Première série, p. 32 : l’a. relève la composition exacte de cette députation : “ Me Ailhaud, Me Onfroy, Me Menier, Me Dosithée, Me Teissère, Me Berthou, Me Aicard ”.
1970 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D. vol. 7, (fo non numérotés) : Séance en date du 23 septembre 1870.
1971 Louis AMBARD, Les anciens bâtonniers du barreau de Marseille, op. cit., Quatrième série, p. 16.
1972 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D. vol 7, (fo non numérotés) : Séance en date du 23 septembre 1870.
1973 Louis AMBARD, Les anciens bâtonniers du barreau de Marseille, op. cit., Première série, p. 32.
1974 Ibid.
1975 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D. vol. 7, (fo non numérotés) : Séance en date du 23 septembre 1870.
1976 Raoul BUSQUET, op. cit., p. 358. Il convient toutefois de noter que l’a. se trompe sur un point, en attribuant le rôle de président et de porte-parole de la députation du barreau marseillais à Me Aicard, alors que ce dernier n’en est que l’un des membres au titre de son statut d’ancien bâtonnier.
1977 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D. vol 7, (fo non numérotés) : Séance en date du 23 septembre 1870. Il faut toutefois relever que dès le lendemain 24 septembre, l’administrateur Esquiros publie un décret selon lequel toute personne qui aurait arrêté un individu sans en avoir le droit, serait punie de prison, voir Louis AMBARD, Les anciens bâtonniers du barreau de Marseille, op. cit., Première série, p. 32.
1978 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D. vol. 7 (fo non numérotés) : Séance en date du 20 mai 1874.
1979 Ibid.
1980 Ibid.
1981 Ibid.
1982 Ibid.
1983 Ibid.
1984 Ibid.
1985 Le destin politique de Gaston Crémieux, et plus largement sa vie et son œuvre, fait l’objet d’une étude biographique approfondie, menée depuis plus de deux ans par un avocat de Marseille, Me Roger Vignaud. La publication de ce travail est prévue pour l’année prochaine.
1986 Lettre de Me Emile Bouchet à MM. Les membres du Conseil de discipline des avocats d Marseille à propos de son comportement pendant les événements de mars 1871 à Marseille, Imprimerie Samat, Marseille, 1871, in-4° (côte BM : 1409).
1987 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D. vol. 7, (fo non numérotés) : Séance en date du 31 mars 1871. A noter toutefois que cette délibération est évoquée par le conseil dans la délibération du 26 avril 1872, mais qu’il est impossible d’en retrouver la traces dans le recueils de l’Ordre. Il semble exister un " vide " de plusieurs mois dans les archives du barreau de Marseille entre janvier et mai 1871. Nous reviendrons sur cette question dans la section suivante.
1988 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D. vol. 7, (fo non numérotés) : Séance en date du 26 avril 1872.
1989 Lettre de Me Emile Bouchet à MM. Les membres du Conseil..., op. cit., p. 1.
1990 Sur la Commune de Paris et sa signification, sa portée politique, ses rapports avec les communes de Province, voir notamment J. GAILLARD, Commune de province, Commune de Paris 1870-1871, Paris, Flammarion, 1971 ; A. GUERIN, La Commune, Paris, Hachette, 1966 ; P.-O. LISSAGRAY, Histoire de la Commune de 1871, (rééd. Maspéro, 1970) Paris, La Découverte, 1990 ; Jacques ROUGERIE, La Commune, Paris, PUF, coll. Que Sais-je ?, n° 581, 1988 ; L. M. GREENBERG, Sisters of Liberty. Marseille, Lyon, Paris and the reaction to a centralized state, Cambridge, Mass., 1971 ; W. SERMAN, La Commune de Paris, Paris, Fayard, 1986 ; Sur la question de la séparation de l’Eglise et de l’Etat à travers la Commune, voir Marc PENA, L’importance de la loi dans l’Histoire politique et religieuse : le décret de séparation de l’Eglise et de l’Etat dans la Commune de Paris, Pensée politique et Loi, Actes du 13ème Colloque de l’AFHIP des 25-26 mars 1999 d’Aix-en-Provence, PUAM, 2000, pp. 307-317.
1991 Lettre de Me Emile Bouchet à MM. Les membres du Conseil..., op. cit., p. 1.
1992 Ibid., p. 2.
1993 Ibid.
1994 Ibid., p. 3.
1995 Raoul BUSQUET, op. cit., p. 360.
1996 Lettre de Me Emile Bouchet à MM. Les membres du Conseil..., op. cit., p. 3 : “ Bosq, Desservi, Sidore”.
1997 Pierre GUIRAL & Félix REYNAUD, Les Marseillais dans l’histoire, op. cit., pp. 91-92 : “ Gaston Crémieux (1835-1871). Né à Nîmes dans un milieu modeste, inscrit au Barreau d’Aix-en-Provence, il se fixe à Marseille en 1862 et milite dans toutes les organisations de gauche et surtout dans la franc-maçonnerie, d’abord dans la Loge Vérité, puis dans la Loge La Réforme qu’il contribue d’ailleurs à fonder. Condamné dès 1857 à 4 ans de prison pour délit de presse, il prend sa dimension politique lors des élections législatives de 1869 où il soutient avec passion la candidature de Gambetta contre Ferdinand de Lesseps. Dès le lendemain de la défaite de Forbach, il proclame la République à Marseille, ce qui lui vaut le 27 août d’être condamné à six mois de prison par le conseil de guerre de la 9ème division militaire. Délivré le 4 septembre, il patronne la Ligue du Midi qui se veut à la fois patriote et révolutionnaire et refuse de reconnaître l’assemblée nationale conservatrice et décidée à la Paix (...) Lorsque la Commune, que Marseille avait précédée, éclate, il se rallie à elle et préside la commission départementale qui se substitue au préfet... ”.
1998 Lettre de Me Emile Bouchet à MM. Les membres du Conseil..., op. cit., p. 3.
1999 Ibid.
2000 Ibid., p. 4.
2001 Ibid.
2002 Ibid., p. 5.
2003 Ibid. : Bouchet écrit au sujet de la journée du 24 mars : “ Toute la journée se passa en tiraillements qui entravaient l’œuvre imposée aux délégués du club de la garde nationale dont la présence se trouvait parfaitement vaine. Me Crémieux dut, devant l’attitude plus que ferme de quelques-uns, retirer l’ordre qu’il venait de donner concernant le remplacement du drapeau rouge ”.
2004 Ibid., p. 5.
2005 Ibid.
2006 Ibid..
2007 Ibid., p. 6.
2008 Ibid.
2009 Ibid. : Cette note est reportée dans la lettre de Bouchet, en voici les extraits les plus significatifs : “ plusieurs membres de la commission départementale, mécontents des entraves qu’on opposait à l’exécution de leurs ordres, se sont retirés, ne jugeant pas pouvoir accomplir la mission du dévouement qu’ils avaient acceptée dans l’intérêt de l’ordre public. Voici exactement la manière dont le citoyen Bouchet a été amené à rentrer dans le sein de la commission : hier soir le citoyen Crémieux est venu au club de la garde nationale demander vivement que le club imposât au citoyen Bouchet le retrait de sa démission. Notre ami Bouchet a déclaré que les motifs de sa retraite, franchement donnés, subsistant dans toute la gravité qu’il y attachait, il lui était impossible d’entrer de nouveau dans la commission. Le club l’a acclamé et contraint par un vote unanime à reprendre ses fonctions. Cette preuve d’estime de la part d’une réunion aussi honorable et la pression exercée sur le citoyen Bouchet sont de nature à défier toute interprétation engageant le caractère de notre ami (...) Nous félicitons les citoyens qui se dévouent ainsi ”.
2010 Ibid., p. 6.
2011 Ibid., p. 7.
2012 Ibid.
2013 Ibid. : c’est Bouchet lui-même qui transmet lettre du Club à la Commission et à Crémieux. Celle-ci, reportée dans la lettre, est ainsi formulée et motivée : “ le club républicain de la Garde nationale, s’inspirant, comme le Conseil municipal, d’idées de conciliation, avait en même temps que lui envoyé une délégation à la commission départementale provisoire. Le Conseil municipal retirant la sienne, nous venons de prendre la délibération de retirer la nôtre... ”.
2014 Ibid., p. 7 : “Me voici arrivé au terme de mon rôle dans les événements qui viennent d’agiter Marseille ”.
2015 Ibid.
2016 Ibid.
2017 Ibid., p. 8 : le texte de cette protestation est intégralement reporté dans la lettre de Bouchet. En voici l’extrait le plus significatif pour le Conseil de l’Ordre : “ le club républicain de la garde nationale s’est, avec raison, étonné de retrouver hier, sur les affiches de la commission départementale, les noms de ses délégués Cartoux, Bouchet, Fulgéras. C’est sans doute par erreur que l’on a usé encore de ces noms qui avaient été retirés dès la nuit précédente à une heure du matin. Le Club a décidé que le public devait être informé de cette erreur qui ne peut engager ni le club ni ses délégués ”.
2018 Ibid., p. 8 : Bouchet écrit : “ Je dois protester contre un emploi de mon nom dans lequel le club républicain de la garde nationale a vu une erreur, mais qui, en se perpétuant, devient un abus que je dois signaler à mes concitoyens ”.
2019 Ibid., p. 8.
2020 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D. vol. 7, (fo non numérotés) : Séance en date du 26 avril 1872.
2021 Ibid.
2022 Norbert ROULAND, Le conseil municipal marseillais et sa politique..., op. cit., pp. 142-143.
2023 Raoul BUSQUET, Histoire de Marseille, op. cit., p. 361.
2024 Ibid. : l’a. précise à ce sujet, que “ trois prévenus furent condamnés à la peine de mort : Gaston Crémieux, Etienne père, Alphonse Pelissier. La peine des deux derniers fut commuée. Gaston Crémieux fut exécuté au Pharo, et ce fut la scène finale [de la Commune de Marseille], le 30 septembre 1870 ”.
2025 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D. vol. 71, (fo non numérotes) : Séance en date du 26 avril 1872.
2026 Ibid.
2027 Ibid.
2028 Ibid.
2029 Ibid.
2030 Ibid.
2031 Ibid.
2032 Ibid.
2033 Ibid.
2034 Ibid.
2035 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D. vol. 7, (fo non numérotés) : Séance en date du 25 mai 1872.
2036 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D. vol. 7, (fo non numérotés) : Séance en date du 18 juillet 1872.
2037 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D. vol. 7, (fo non numérotés) : Séance en date du 24 juillet 1872.
2038 Ibid.
2039 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D. vol. 7, (fo non numérotés) : Séance en date du 5 août 1872.
2040 Ibid.
2041 Cour d’AIX-EN-PROVENCE, arrêt du 17 août 1872 (réf. : S, 72, 1, 210).
2042 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D. vol. 7, (fo non numérotés) : Séance en date du 24 août 1872.
2043 Ibid.
2044 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 6 (fo non numérotés) : Tableau de l’Ordre vour l année judıcıaıre 1862-1863.
2045 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 7 (fo non numérotés) : Tableau de l’Ordre pour l’année judiciaire 1869-1870. Son cabinet se trouvait au n 43 de la rue Saint- Ferréol.
2046 Louis AMBARD, Les anciens bâtonniers du Barreau de Marseille, op. cit., vol. ?, p. 30.
2047 Louis AMBARD, Les anciens bâtonniers du Barreau de Marseille, op. cit., vol. ?, p. 32.
2048 Louis AMBARD, Les anciens bâtonniers du Barreau de Marseille, op. cit., vol. ?, p. 32.
2049 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 7 (fo non numérotés) : Séance du 15 juillet 1871.
2050 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 7 (fo non numérotés) : Séance du 29 juillet 1871
2051 Louis AMBARD, Les anciens bâtonniers du Barreau de Marseille, op. cit., vol. ?, p. 33.
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