Introduction au titre II
p. 421-422
Texte intégral
1Dans un cadre marseillais profondément anti-impérial, les avocats accueillent l’annonce de la proclamation de Louis XVIII avec espoir1786. L’Empire leur avait redonné un collectif, tout en les maintenant sous un contrôle strict, rendant illusoire cette restitution. La Restauration, mais surtout la Monarchie de Juillet, ouvrent une nouvelle ère pour le barreau marseillais : non seulement, comme cela a été présenté, le collectif retrouve tout son sens et toute son autonomie administrative et disciplinaire, mais surtout, les avocats accèdent enfin à la libre participation à la vie politique, participation qui s’épanouit de façon spécifique1787.
2En tant que structure collective, l’Ordre se caractérise pendant tout le siècle, par un apolitisme de principe. A l’exception de 1848, il a toujours jalousement rejeté toute hypothèse d’adhésion au pouvoir en place. Ce qui l’a conduit à exclure, par la voie de la radiation, ceux de ses membres se risquant à émettre de façon par trop ostentatoire, des opinions politiques extrêmes ou radicales. Aussi, cet apolitisme ouvertement revendiqué, exprimé par un psittacisme un peu stérile, s’apparente bien plus à un souci de neutralité, à une volonté de se prémunir des foudres du régime en place ou en cours d’installation, qu’à un véritable refus d’adhésion à des principes politiques.
3A l’inverse, à partir des années trente, et surtout après 1848, l’engagement politique personnel des avocats marseillais apparaît comme une réalité incontestable. Tout en demeurant hétérogène, cet engagement est polymorphe, s’inscrivant tantôt dans la vie municipale, tantôt dans les assemblées représentatives de la nation. Par sa formation et son savoir, par ses richesses et ses activités civiques et culturelles, l’avocat participe d’une notabilité qui se constitue dans le courant du siècle1788.
4Est-il pour autant légitime, dans le cas du barreau de Marseille, de reprendre l’expression de Max Buteau1789, selon laquelle, le xixème siècle, plus particulièrement à compter de l’enracinement républicain, marquerait un “ âge d’or ” des avocats ? Tenter de répondre à cette question, impose de présenter successivement, les tenants et les aboutissants de l’activité politique des avocats de Marseille de 1830 à 1870, tant dans sa dimension collective qu’individuelle (Chapitre I), puis l’attitude des avocats et du barreau face à la Commune qui secoue Marseille en 1870 (Chapitre II), et enfin, les limites et l’étendue de leur présence sur la scène politique républicaine, jusqu’aux premières années du xxème siècle (Chapitre III).
Notes de bas de page
1786 L’une des grandes figures du barreau, Pierre-Antoine BERRYER pouvait affirmer, en 1815 : “ J’ai senti le despotisme et pour moi il a gâté la gloire (...) J’ai vu tout un grand gouvernement, une immense puissance qui reposait sur un seul homme, disparaître en un jour (...) Plus de gouvernement, plus de lois ; tout s’anéantissait, tout partait avec un seul homme ! Oh ! Alors j’ai compris que malheur aux nations dont l’existence, dont le gouvernement, dont la constitution, a pour bases ou la mobilité des passions populaires qui conduit aux hontes du Directoire, ou l’autorité immense du génie d’un grand homme qui conduit à d’éclatantes victoires, à d’immenses succès, mais aussi, à d’affreux revers, à un anéantissement complet, à un effacement de tout ce qui constitue la société ”. Œuvres parlementaires, t. V, p. 164, in Michel PIERCHON, Pierre-Antoine Berryer (1790-1868) ou l’éloquence au service de la nation et des hommes, Discours prononcé à la rentrée solennelle du centre de formation professionnelle des avocats, le 15 janvier 1977, Montpellier, 1979, p. 9.
1787 Jean STAROBINSKI, La Chaire, la Tribune, le Barreau, in Les lieux de mémoire, sous la direction de Pierre Nora, II, La Nation, Paris, Gallimard, 1986, pp. 425-485.
1788 L’incontestable prestige dont est revêtu la fonction d’avocat dans le siècle, l’intègre définitivement dans le rang des notables. Certains parmi les plus éminents avocats à l’échelle nationale, entrent à l’Académie française. C’est le cas, notamment de Dupin (1832), Berryer (1852), Dufaure (1864), Favre (1868). Voir Lucien KARPIK, op. cit., p. 198, note n° 2.
1789 Max BUTEAU, L’Avocat-Roi. Comment et pourquoi dans la République l’Avocat est tout puissant et son règne un moment compromis par la guerre a reconquis toute son extraordinaire autorité, Paris, Renaissance du Livre, 1922. Dans le même sens, voir Lucien KARPIK, op. cit., p. 172 : “Partis de rien, les avocats, au milieu du xixème siècle, par leur engagement libéral, ont retrouvé l’indépendance et la considération sociale, et, sous la Troisième République, ils détiennent les plus hautes fonctions de l’Etat ainsi qu’une position prestigieuse au sein de la société ”.
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