Chapitre II : une déontologie entre tradition et évolution
p. 327-368
Texte intégral
1Si l’on embrasse toute l’histoire du barreau depuis ses origines, la déontologie1385 semble toujours avoir joué un rôle fondamental, tant dans la formalisation même de l’identité de la profession et du collectif qui la coiffe, que sur le plan individuel des limites apposées à la pratique judiciaire de chaque avocat. La ligne directrice de toute la déontologie1386 des barreaux français au xixème siècle est la suivante :
“ L’avocat doit être un homme de bien, vir bonus ”1387.
2Cette première formulation traduit l’ambiguïté des règles déontologiques, dont la nature apparaît plurielle. Profondément hybride, à la fois empreinte de moralité, tout en se parant d’un système de sanctions disciplinaires éminemment juridique, la déontologie garantit, tout au long du xixème siècle, le respect des valeurs-clefs de l’avocat : honneur, délicatesse, probité, modération, désintéressement, et surtout indépendance de l’avocat, valeur suprême, vitale. Elle n’a donc pas de véritables limites “ professionnelles ” et investit souvent, comme cela sera montré, le champ de la vie privée.
3La déontologie trace les grandes lignes de l’éthique de la profession et elle est un élément incontournable de la vie de tout avocat, aussi bien à Marseille que dans tout autre barreau, comme en témoigne le nombre impressionnant de délibérations des conseils de discipline sanctionnant le respect des “ usages ”.
4En matière d’usages, l’un des Ordres d’avocats les plus “riches ” est celui de Paris. Comme l’a fort justement formulé son archiviste actuel, M. Yves Ozanam lui-même historien de la profession,,
“ les règles et les usages du barreau de Paris sont multiséculaires ; ils ont précédé les lois qui régissent la profession et, aux yeux des chefs de l’Ordre, ces usages ont plus d’autorité que les textes écrits ”1388.
5Effectivement, la plupart des règles déontologiques qui dessinent le juste comportement de l’avocat au xixème siècle n’ont aucun support législatif, ni réglementaire. Ce qui signifie qu’en théorie, rien n’empêche légalement l’avocat de ne pas les respecter. Mais, qu’il s’aventure à le faire et il se place lui-même au ban de la communauté, s’exposant à la juridiction disciplinaire de son collectif. La réprobation morale et la sanction disciplinaire, inextricablement liées, peuvent parfaitement, en cas de récidive ou de violation caractérisée de l’éthique, être fort graves pour l’avocat indélicat. La décision du conseil de discipline se concrétise par différentes peines échelonnées1389, dont la plus dure est la radiation du tableau de l’Ordre, soit l’interdiction permanente d’exercice de la profession. Cette faculté à exclure définitivement de la profession un avocat qui n’en respecte pas les valeurs et la déontologie, manifeste bien sa dimension centrale, viscérale, tant sur le plan du vécu individuel que collectif. Ces règles sont consubstantielles à la profession, elles en sont “ l’âme et la vie ”1390.
6La tradition leur confère, a priori, une intangibilité très marquée. Ne pas les respecter, c’est nier la profession d’avocat dans ce qu’elle a de plus spécifique et honorable, c’est ne plus être digne de l’exercer. Toutefois, cette intangibilité rend extrêmement difficile l’adaptation de la déontologie à l’évolution des mœurs judiciaires. La multiplication des décisions des conseils de discipline consacrées à assurer leur respect par les nouvelles générations d’avocats dans les dernières années du xixème siècle en est le stigmate le plus évident.
7L’étude de la déontologie et de sa mise en oeuvre par le barreau de Marseille au xixème siècle doit être menée en trois parties, chacune consacrée à une série de règles disciplinaires rassemblées, non pas en fonction de leur contenu, mais de leur nature : les incompatibilités, qui protègent l’avocat des intérêts concurrents susceptibles de l’éloigner de la voie de l’honneur qu’impose sa profession (I), les interdictions, qui viennent rappeler à l’avocat la spécificité de sa profession fondée sur la dignité et le désintéressement (II), et enfin, les obligations, qui constituent autant de devoirs auxquels l’avocat ne peut déroger (III).
8En conclusion, il sera possible de proposer un modèle historique et global de déontologie, traçant, au-delà d’une spécificité marseillaise, la figure intemporelle d’un avocat idéal.
I - LES INCOMPATIBILITÉS
9Les incompatibilités sont directement liées à l’accès et au maintien de la profession d’avocat. Elles déterminent les conditions d’admission et d’appartenance au Barreau en constituant une liste “ des fonctions et des activités inconciliables avec le métier d’avocat”1391. Ces incompatibilités jouent un rôle fondamental de “ filtre protecteur” pour chaque avocat. Elles sont régulièrement et systématiquement appliquées par tous les barreaux et pendant tout le xixème siècle. Leur but affiché est de garantir l’indépendance du défenseur, en le coupant littéralement de toute source d’intérêt susceptible d’entrer en conflit avec sa fonction, et lui permettre, en même temps, de toujours “ exprimer librement sa pensée ”1392.
10Il existe un très grand nombre d’incompatibilités concernant tant des fonctions privées que publiques, qui ont d’ailleurs été récemment énumérées par L. Karpik, d’après les décisions du Conseil de l’Ordre des avocats de Paris1393. Traditionnellement, certaines incompatibilités sont réputées absolues1394 et d’autres relatives1395.
11S’attachant à l’examen d’une déontologie particulière, cette étude sera structurée en suivant directement les règles déontologiques les plus sanctionnées par les conseils de discipline du barreau marseillais, pour rendre compte le plus fidèlement possible des spécificités locales.
12Ainsi, il sera exclusivement traité ici des trois incompatibilités majeures pour le barreau marseillais, chacune largement motivée dans les délibérations qui en traitent durant le siècle : l’incompatibilité de la profession d’avocat avec toute forme d’activité commerciale (§ 1), l’incompatibilité avec toute responsabilité au sein des conseils de surveillance et/ou d’administration des sociétés commerciales (§ 2), et enfin, l’incompatibilité de la profession d’avocat avec toute autre profession judiciaire (§ 3).
§ 1 : Avocat et activité commerciale
13L’une des incompatibilités les plus importantes au xixème siècle, se traduit par une séparation profonde entre la profession d’avocat et toute activité commerciale. Selon le Conseil de l’Ordre, statuant en matière disciplinaire, toute activité mercantile est incompatible avec les qualités et la fonction même de l’avocat. La nécessaire probité dont le défenseur doit faire preuve, est exclusive de tout commerce.
14Il faut citer, à titre de premier exemple, cette délibération de 1831 dans laquelle Me Sicard, avocat stagiaire, est convoqué par le Conseil de discipline au sujet d’une “ annonce qu’il a fait insérer dans la feuille du ” Sémaphore “ du 20 octobre dernier, relativement à un cabinet d’affaires dirigé par lui ”1396. Le Bâtonnier, Me Nègre, lui explique que cette annonce
“ a excité l’attention du Conseil qui a cru voir dans la profession que Me Sicard a ainsi publié vouloir exercer, une incompatibilité avec la profession de l’avocat aux termes de l’article 42 de l’ordonnance du 20 novembre 1822 ”1397.
15Me Sicard cherche à s’en expliquer : ayant temporairement renoncé à la plaidoirie “pour raisons de santé ”, “ il a cru pouvoir entreprendre la direction des affaires sans renoncer à la qualité d’avocat ”. Mais, cela ne suffit pas à convaincre le Conseil qui renvoie à statuer sur la question de savoir “ s’il doit être maintenu sur la liste des stagiaires ”1398. Et, lors de la séance suivante, le Conseil arrête “ tout en exprimant ses regrets à Me Sicard (...) que son nom cesse provisoirement d’être porté sur le tableau des stagiaires ”1399. Par la suite, il semble que Me Sicard ait voulu continuer à “ jouer sur deux tableaux à la fois ”, puisqu’il finit par être sévèrement sanctionné par le conseil de discipline en 1834 : ayant manifestement, et en secret, continué une activité commerciale dans un cabinet d’affaires en parallèle à sa profession d’avocat, Me Sicard s’est rendu coupable d’une atteinte grave à l’honneur et à la dignité de la profession. Le Conseil qui estime certainement avoir trop attendu, considérant “ que ces fautes sont d’une telle gravité qu’elles doivent faire prononcer sa radiation du tableau de l’Ordre ”1400, la radiation étant la peine la plus grave qui puisse subir un avocat, puisqu’elle consiste en une interdiction permanente d’exercer sa profession.
16Un autre exemple, frappant tant par sa rigueur que par sa dimension presque caricaturale, montre à quel point l’incompatibilité entre avocat et activité commerciale est totale : un membre de l’Ordre, Me Verd, est radié du barreau, au seul motif que sa femme exerce un commerce dans lequel, parfois, il lui arrive de tenir le magasin. Il faut préciser qu’il s’agit d’un commerce de tissus, auquel la participation d’un avocat est considérée comme socialement dévalorisante par un Conseil de l’Ordre inflexible sur la préservation de l’éthique et de l’image de l’avocat1401.
17Dans la séance du 30 novembre 1852, le secrétaire de l’Ordre écrit sous la dictée du Conseil, que “ il a été remarqué que Me Verd se tient fréquemment dans un magasin ouvert au public comme pour y débiter lui-même les objets exposés en vente ”1402. Le Conseil convoque l’avocat en question, en suggérant déjà sa culpabilité : “ une pareille façon d’agir serait inconciliable avec les principes de la profession [d’avocat] ”1403.
18Après un entretien avec le secrétaire, Me Verd reconnaît qu’il lui arrive de tenir “ un magasin ouvert au public ”1404, mais précise bien que celui-ci est “ exploité par sa femme ” et qu’au surplus, ce n’est jamais que,
“ dans de très rares occasions, en l’absence de [sa femme] et des commis, qu’il se [trouve] amené à répondre aux acheteurs qui se presentent ”1405
19Ce qui ne semble pas véritablement constitutif d’une violation grave et continue de l’incompatibilité. Pourtant, le Conseil de l’Ordre s’avère inflexible : par la délibération du 8 janvier 1853, le Conseil décide que
“ la position de Me Verd intéressé dans le commerce auquel se livre sa femme, s’immisçant dans la direction de ce commerce, est incompatible avec la profession d’avocat ” et charge, en conséquence, le Bâtonnier de “ mander Me Verd et de l’engager à demander lui-même sa radiation du tableau si mieux il n ‘aime faire cesser la position dont s’agit ”1406.
20C’est un ultimatum, un choix radical qu’impose le Conseil à cet avocat : le barreau ou le commerce. Dans la délibération suivante, Me Verd, pour des raisons non précisées, mais qui peuvent être suggérées, choisit la radiation1407 et, “ écrit une lettre [au Conseil] pour demander lui-même à ne plus figurer sur le tableau de l’Ordre”1408. Vraisemblablement, en l’acculant à cette décision, le Conseil de l’Ordre a voulu en faire un exemple, pour prouver aux membres du barreau, sa détermination à assurer l’indépendance de la profession.
21Un autre signe de la rigueur disciplinaire du conseil, peut être trouvée dans le traitement de l’affaire impliquant, la même année, un autre membre du barreau de Marseille, Me Darson1409. Dans les faits tels qu’ils sont rappelés dans la délibération du 29 juin, cet avocat aurait dans l’intérêt de son client “ le sieur Daguevitch, propriétaire d’un établissement public nommé Le Café du Grand Divan (...) fermé par ordre de l’autorité municipale ”, participé à la vente “ à vil prix ” du local en question, afin d’aider son ex-propriétaire à régler “ des dettes d’honneur ”.
22La réprobation morale du conseil, dans la seule présentation des faits, est déjà implicite. Or, de surcroît, Me Darson aurait lui-même “ rédigé ou fait rédiger [l’acte de vente] dans son cabinet [et sous] un en-tête écrit de sa main ”. Me Darson est même soupçonné d’avoir voulu “ opérer un détournement ”. Sans compter que l’acceptation par Me Darson, après la vente, “d’un dépôt d’argent [dans son cabinet] est déjà contraire aux règles professionnelles ”1410.
23En conclusion, le conseil de discipline estime qu’il y a là un manquement à la déontologie de la profession, et aux principaux devoirs de l’avocat. Il affirme de plus que “ la répression de ce genre de manquement répété (...) doit toujours être sévère ”, d’autant plus que ces fautes répétées sont le fait d’un “ confrère inscrit au tableau depuis un certain temps, occupant une position distinguée ”1411, ce qui porte d’autant plus atteinte à l’honneur du collectif.
24Ainsi, compte-tenu du “ haut degré de culpabilité ” de Me Darson, le conseil le condamne à “ la peine de l’interdiction temporaire [d’exercice de la profession] et en fixe la durée à trois mois ”1412, ce qui est la peine disciplinaire la plus élevée, à l’exception de celle de la radiation, seule irrévocable.
25Une dernière illustration de la permanence du Conseil de Discipline à faire respecter cette règle déontologique majeure, nous est offerte dans une série de délibérations, datant de 1873, et nous éclaire en même temps, par sa clarté, sur la procédure de sa mise en œuvre. D’abord, le Bâtonnier, qui a un rôle très actif en matière disciplinaire, éveille l’attention du Conseil sur le cas de Me Morel :
“ M. Le Bâtonnier fait part au Conseil de Discipline de divers faits venus à sa connaissance desquels il résulterait que Me Morel se livre à des opérations commerciales et à divers agissements peu compatibles avec la profession d’avocat. Le Conseil décide que Me Morel sera invité à se présenter à la prochaine réunion du Conseil pour fournir des explications sur les faits qui lui sont reprochés ”1413.
26L’avocat vient, en personne, s’expliquer devant le Conseil, qui examine les faits qui lui sont reprochés, notamment celui de “ s’être livré à divers actes commerciaux tels que signature de traités, fréquentation de la Bourse ”1414.
27Enfin, dans la séance du 18 février 1873, le Conseil statue sur le cas de Me Morel :
“ M. Le Bâtonnier rappelle à Me Morel les faits qui lui sont reprochés (...) Me Morel reconnaît l’exactitude des faits incriminés, il indique qu’il s’est trouvé pendant un laps de temps indécis sur le choix d’une carrière et qu ‘il avait songé à quitter le barreau ; il explique comment, pendant cette période, il a cru pouvoir se livrer à des actes qu ‘il reconnaît être peu compatibles avec la profession d’avocat ”1415.
28M. Le Bâtonnier invite le Conseil à délibérer, et ce dernier
“ à l’unanimité, décide que Me Morel a, dans les faits qui lui sont reprochés, manqué aux devoirs de sa profession ; et, à la majorité, inflige à Me Morel la peine de la réprimande... ”1416.
29Au final, la peine est beaucoup moins sévère, malgré la permanence de la sanction, symbole de l’emprise des traditions sur un barreau s’ouvrant à l’ère républicaine, dont la discipline ne s’assouplit qu’à contrecoeur. S’il est démontré que l’activité commerciale et la profession d’avocat sont exclusives l’une de l’autre, le jeu des incompatibilités, lui, ne s’arrête pas là.
§ 2 : Avocat et conseils de surveillance et d’administration des sociétés commerciales
30Il n’est pas non plus tolérable pour le Conseil de l’Ordre de Marseille, qu’un avocat soit impliqué dans un conseil de surveillance ou d’administration d’une société commerciale. On pourrait objecter que cet avocat n’exerce pas directement une activité de commerce, mais les motifs invoqués par le Conseil sont, malgré tout, très éloquents. En parallèle, il est intéressant d’évoquer le cas du barreau de Paris.
31Il semblerait qu’il existe une charnière dans la jurisprudence des conseils de l’Ordre, correspondant à l’année 1840 : à partir de cette année-là, l’incompatibilité “s’élargit aux activités exercées, même de façon occasionnelle dans les sociétés commerciales ”, ce qui traduit, selon Karpik, “ la confrontation entre les avocats et le mouvement des affaires industrielles et commerciales ”1417.
32Pour Marseille, c’est une circulaire adressée à tous les membres du Barreau, en 1859, qui sert de point de référence. Le Bâtonnier y évoque la question des sociétés directement :
“ Le conseil de l’Ordre a été amené par la proposition de l’un de ses membres à examiner la question de savoir si, en l’état des dispositions édictées dans les articles 9 & 10 de la loi du 17 juillet 1856 relative aux sociétés en commandite par actions, les avocats peuvent accepter les fonctions de membre d’un conseil de surveillance sans manquer aux règles de leur profession et s’écarter des traditions de leur Ordre ”1418.
33Et, la réponse est négative1419. La position du Bâtonnier et du Conseil est confirmée dans une délibération en date du 15 mars 1860, et précisément motivée :
“ le conseil délibère qu’en l’état de la loi du 17 juillet 1856 sur les sociétés en commandite et principalement des dispositions des articles 9 & 10 qui soumettent les membres des conseils de surveillance à la contrainte par corps à raison de simples faits et observations [laissant supposer l’existence d’une fraude] il y aurait de graves inconvénients pour les membres de l’Ordre à accepter les fonctions de membres des conseils de surveillance. En conséquence, M. le Bâtonnier est invité à porter cette décision à la Connaissance de l’Ordre en invitant les avocats qui se trouveraient dans la situation indiquée, as y conformer”1420
34Une lettre du Bâtonnier atteste du respect de cette nouvelle incompatibilité professionnelle :
“ la circulaire du 24 mai dernier à tous les avocats de notre barreau au sujet des membres des conseils de surveillance [est respectée car les avocats de Marseille] depuis lors, se sont abstenus d’accepter des fonctions de cette nature ”1421.
35L’incompatibilité est également, et peut-être à plus forte raison, opposable aux avocats stagiaires1422, et ce, dès l’année 1861.
36Dans les décennies suivantes, cette incompatibilité semble non seulement se maintenir, mais même s’étendre1423.Dans une délibération du 4 novembre 1881 faisant d’ailleurs référence à la jurisprudence antérieure et rappelant le principe de l’incompatibilité,
“ M. Le Bâtonnier indique au Conseil que plusieurs avocats ont accepté de faire partie de diverses sociétés soit comme membres de conseils d’administration, soit à un autre titre...1424
37Différents exemples sont alors présentés par le Bâtonnier1425, qui en dénonce immédiatement les conséquences néfastes :
“ c’est une question fort importante [car] des avocats se trouvent ainsi placés au milieu d’entreprises commerciales et des risques qu’elles ont à courir ”1426.
38Poursuivant, le Bâtonnier rappelle l’orientation de la jurisprudence du Conseil de l’Ordre à ce sujet :
“ Le Conseil de l’Ordre s’était déjà préoccupé de la question le 15 mars 1860. Il avait pris une délibération interdisant formellement aux avocats les fonctions de membres des conseils de surveillance ”1427.
39Mais, le Bâtonnier insiste sur la gravité particulière de la question telle qu’elle se pose à lui, “puisqu’il s’agit de conseils d’administration ”. La délibération se clôt par une résolution tenant à la fois de la sanction et de l’avertissement, par laquelle le Bâtonnier et le Conseil rappellent la jurisprudence et invitent les avocats faisant partie de conseils de surveillance ou d’administration, “ à envoyer sans retard leur démission de membres de conseils en ces sociétés...”1428
40L’incompatibilité est donc, à l’orée du xxème siècle, clairement maintenue et même élargie dans les années suivantes à toutes espèces de fonctions administratives et/ou commerciales dans le cadre des sociétés par action1429.
41Finalement, il est juste de constater que les incompatibilités ont tendance à se maintenir, voire à se renforcer ; elles sont régulièrement réaffirmées par le Conseil de discipline dans le but affiché de “protéger” l’avocat dans l’exercice de sa profession, en assurant, même malgré lui, l’effectivité de son indépendance. Cette position, particulièrement sur la question commerciale, paraît des plus légitimes si l’on se réfère à la conception même de l’avocat au long du xixème siècle.
42En effet, l’existence d’un intérêt financier lié à une activité commerciale, serait susceptible de constituer un “ frein ” à l’indépendance de l’avocat dans sa fonction de défense. C’est littéralement, “ le refus de l’intérêt égoïste exacerbé qui anime le mouvement des affaires ”1430 et qui ne peut que corrompre le défenseur. L’Ordre de Marseille, comme les autres, s’est, par le jeu de cette incompatibilité majeure, “protégé systématiquement de l’influence qu’exerce la recherche de l’enrichissement comme fin en soi”1431. C’est en quelque sorte l’apologie, à peine masquée, du désintéressement de l’avocat, à la fois composante et garantie de son indépendance.
43Le système des incompatibilités ne remplirait pas complètement sa fonction de protection de l’avocat, s’il ne comportait pas un volet consacré au non-cumul de la profession de défenseur avec toute autre profession judiciaire.
§ 3 : Avocat et autres professions judiciaires
44Il pourrait paraître inutile de s’étendre sur l’incompatibilité entre l’exercice de la profession d’avocat et l’exercice de toute autre profession judiciaire, tant elle paraît évidente et légitime, au regard de l’indépendance exigée du défenseur.
45Toutefois, il importe d’en préciser l’étendue et les mécanismes.
46Plusieurs délibérations du Conseil l’affirment sans ambiguïté. Cependant, il est intéressant d’en rappeler le fondement législatif pour le xixème siècle. Dans une délibération en date du 20 mai 1848 le Conseil de l’Ordre y fait directement référence :
“si l’on consulte l’ordonnance du 20 novembre 1822, dans son article 42, on voit que la profession d’avocat est incompatible avec les autres fonctions judiciaires... ”1432.
47Voici deux exemples parmi d’autres : le conseil de l’Ordre considère qu’il existe une incompatibilité totale entre le stage de notariat et le stage d’avocat1433, et une incompatibilité non moins irrévocable entre la profession d’avocat et la fonction de liquidateur judiciaire1434. En 1871, le Conseil de l’Ordre sanctionne l’un de ses membres, Me Legut, “pourfait d’association avec un huissier ”1435.
48Invité à fournir des explications, Me Legut explique :
“ qu’il a connu Bar, huissier dans le cabinet de Me Mengin avec lequel M. Bar avait des relations suivies d’affaires. Préoccupé par la pensée de se créer une clientèle, il reconnaît avoir, sous l’œil de Me Mengin, formé avec M. Bar l’association qui lui est reprochée ”1436.
49Malgré l’affirmation de l’avocat selon laquelle, ayant perçu l’indélicatesse de cette association, il a entreprit de la rompre au plus tôt, le conseil ne prononce aucun acquittement. Toutefois, tenant compte “ des circonstances et de l’honorabilité de Me Legut”, il ne prononce pas la suspension, et ne lui inflige que la réprimande1437.
50En conclusion sur les incompatibilités, on doit avant tout relever et expliquer une exception de taille : si l’incompatibilité avec les fonctions publiques est omniprésente dans la jurisprudence disciplinaire des conseils, créant une séparation très stricte entre la profession d’avocat et toute fonction administrative, judiciaire, militaire ou ministérielle, en revanche, il n’est jamais fait mention d’une incompatibilité de la profession d’avocat avec l’acceptation d’une responsabilité politique proprement dite1438. Cela tient d’une part, à la nécessaire liberté du citoyen1439 et, d’autre part, à l’aspiration séculaire des avocats à prendre part à la vie politique, tant à l’échelle locale, dans les municipalités qu’à l’échelle nationale, dans les assemblées. Leurs talents d’orateurs et leurs connaissances juridiques les y prédestinent et leur interdisent d’y renoncer.
51Mais, en-dehors de cette exception un peu vague, le jeu des incompatibilités reste, pendant tout le xixème siècle, implacable. Elles sont utilisées comme un “ bouclier disciplinaire ” visant à protéger les avocats des deux principales tentations risquant de ronger son indépendance : d’une part, celle du profit, d’autre part celle du pouvoir. Elles tiennent l’avocat éloigné de la logique commerciale qui aliène son indépendance par la recherche de l’accumulation des richesses matérielles, et de la logique étatique qui, par le mécanisme même de la répartition du pouvoir, tisse un lien de subordination qui est la négation même de l’indépendance.
52Au-delà de ces incompatibilités, l’avocat est aussi sujet à certaines interdictions qui sont la continuité logique de la conception qu’au xixème siècle, les autorités morales de l’Ordre, se font de la Profession.
II - LES INTERDICTIONS
53La notion-clef qui sous-tend tout le système des interdictions est le désintéressement. L’avocat doit être toujours désintéressé, c’est-à-dire n’avoir aucun autre but que la Justice. Ainsi, le terme de désintéressement “ inconnu au xviième siècle, employé quelquefois au xviiième, est [tout au long du xixème] associé régulièrement aux avocats ”, et finit par s’intégrer dans une formule partagée par tous les barreaux de France et résumant les valeurs centrales qui sous-tendent toute la déontologie de la profession : “probité, désintéressement, modération ”,1440.
54La mise en avant de la notion de désintéressement, qui s’accompagne presque systématiquement de celles, déjà évoquées, d’honneur et de dignité, entraîne logiquement la formalisation d’une série d’interdictions précises grevant l’exercice de la profession d’avocat. Le respect de ces interdictions, tout comme celui des incompatibilités, est assuré par les conseils de discipline de chaque barreau.
55Le jeu des interdictions est également pétri, au-delà du seul désintéressement, par la conception même de la profession que véhicule la jurisprudence des conseils de discipline : celle-ci interdit d’apparenter la fonction de l’avocat à une quelconque activité commerciale. Par conséquent, tout mécanisme susceptible d’être rattaché à la poursuite du profit, doit être banni de la pratique des avocats. L’avocat ne peut donc ni user de la publicité commerciale, ni imposer la rémunération de son travail1441
56Il faut présenter successivement ici, deux des interdictions les plus sévèrement et régulièrement sanctionnées par le conseil de discipline de l’Ordre des avocats de Marseille : d’une part, l’interdiction de toute publicité de nature commerciale (§ 1), et d’autre part, l’interdiction de tout recouvrement d’honoraires en justice (§ 2), toutes deux largement motivées.
§ 1 : Avocat et publicité de nature commerciale
57Tout au long du xixème siècle, et comme par une volonté affichée de renchérir sur l’incompatibilité de la profession d’avocat avec toute activité mercantile, l’Ordre prohibe toute manifestation de nature commerciale dans l’exercice même de la profession d’avocat. En somme, et pour utiliser un langage plus prosaïque, l’avocat du siècle dernier n’avait pas le droit de “ faire sa publicité ”.
58Le Bâtonnier Cresson, célèbre déontologue, écrit à ce sujet : “ L ‘avocat doit se méfier du goût pour la publicité, cette maladie si commune dans les sociétés modernes ”1442.
59La toute première occurrence de mise en jeu de cette interdiction remonte à l’année 1839. Dans une séance délibérative en date du 31 octobre, le Conseil examine certains faits que le Bâtonnier entreprend de lui exposer. En l’espèce, il s’agit d’“ un avocat de l’Ordre ayant placé à la porte de son domicile une plaque portant son nom et sa profession”1443
60Le Bâtonnier demande au Conseil de déterminer “ si messieurs les membres de l’Ordre pourront à l’avenir placer de pareilles plaques et s’il n ‘y aurait pas de graves inconvénients dans cet usage ”. Le Conseil délibère longuement et finit par arrêter, à l’unanimité, “ qu’à l’avenir aucun avocat ne pourra se permettre de placer à la porte de son domicile des plaques portant son nom et sa profession ”1444. Le Bâtonnier est alors chargé de donner connaissance au membre de l’Ordre en question1445 de sa décision “à l’effet qu’il s’empresse de retirer la plaque par lui placée à sa porte, et ce immédiatement ”1446.
61La décision, première sur la question, est univoque, mais il lui manque une motivation substantielle, bien que le conseil n’y soit pas contraint à l’époque. Cette motivation, à peine implicite ici, est en revanche clairement présentée dans les décisions suivantes.
62Il faut évoquer tout d’abord une délibération du Conseil de Discipline en date du 8 décembre 1849, concernant Me Amat, qui a apposé “ sur la porte extérieure de sa maison, une plaque en cuivre portant ses nom et qualité [d’avocat] ”1447.
63La décision du Conseil est dénuée d’ambiguïté, et précisément motivée :
“Attendu que la profession d’avocat n’est point une profession ordinaire, qu’elle est astreinte à des règles et des usages particuliers. Qu’elle ne saurait être, en aucun cas, assimilée à une profession mercantile, que dès lors, tout signe extérieur de nature à appeler le client doit être sévèrement interdit ”1448.
64Faisant référence à la jurisprudence fixée depuis dix ans sur la question1449, le Conseil décide :
“ qu’une plaque portant le nom et la qualité d’un avocat est une sorte d’enseigne ; que les précédents du barreau ont toujours condamné l’apposition d’une plaque comme chose contraire aux sentimens de réserve, de modestie et de désintéressement qui doivent animer l’avocat ”1450. Par conséquent, “ injonction sera faite à Me Amat d’enlever la plaque...1451
65D’autres délibérations, plus tardives puisqu’elles datent de 1894, montrent qu’à l’orée du xxème siècle, le Conseil de Discipline fait toujours une interprétation très stricte de cette interdiction. Il semble suivre le modèle déontologique adopté par le barreau parisien, qui, comme le montrent clairement les discours de ses bâtonniers, reste inflexible sur la question de la publicité en général et sur l’interdiction des plaques nominatives en particulier1452.
66Evoquons plus précisement le cas de Me Autran, avocat au barreau de Marseille qui, ayant changé l’adresse de son cabinet, ” a placé à l’extérieur de la porte de la maison (...) une plaque en cuivre portant l’inscription : F. G. Autran “1453.
67Le Bâtonnier lui ayant fait remarquer ” qu’il y avait là un acte contraire aux usages constants du barreau de Marseille “1454 ; l’engage à faire retirer cette plaque nominative. Mais, Me Autran s’y refuse, pensant avoir le droit de la conserver.
68Il cherche à se justifier en précisant que :
” s’il a mis sur la porte de la maison où se trouve son cabinet, une plaque portant son nom et les initiales de ses prénoms, ce n’est certes pas par le désir de se faire une réclame quelconque, [mais par] nécessité absolue “,1455.
69L’existence d’une étude de notaire1456 et de divers bureaux dans la même maison, ajoutée à l’absence de concierge pour accueillir les visiteurs et recevoir le courrier, sont les seules considérations qui l’ont conduit à faire installer cette plaque, au-dessus de sa boite aux lettres. Car, effectivement, ” tous les jours de midi à trois heures (...) la porte reste fermée ; personne n’est là pour recevoir les lettres “. La nature même de la clientèle de Me Autran, qui lui confie des affaires ” à caractère surtout commercial ”, rend cet inconvénient très grave, compte-tenu, insiste l’avocat, de la nécessaire “ célérité que comportent d’ordinaire les communications et les mesures intéressant cette clientèle ”. Or, sa boite aux lettres pallie cet inconvénient, car “ il peut l’ouvrir à toute heure ”. Elle doit donc être nominative et clairement “ indiquée aux intéressés ”.
70Me Autran ajoute un argument à sa démonstration, en évoquant la jurisprudence en la matière du conseil de l’Ordre des avocats de Bordeaux, lequel à l’instar de divers barreaux, tolère que “ les avocats les plus considérés [aient] leur nom en caractères très apparents sur la porte de la rue ”1457, et sans mention de la profession, ce que, justement, Autran n’a pas fait. Au surplus, Me Autran met en avant sa bonne foi, en affirmant qu’il “s’est cru tellement dans son droit en agissant comme il l’a fait qu’il a lui-même avisé le Bâtonnier ”.
71Mais, toute cette démonstration, axée autour de la nécessité et de la bonne foi, ne suffit pas à emporter la conviction du Bâtonnier1458 qui défère la question au conseil de discipline, en lui exposant les faits.
72La délibération est ouverte en présence d’Autran. Sans surprise, le Conseil s’oppose au maintien de la plaque en évoquant,
“ la tradition constante du barreau, à Marseille, [qui] est de proscrire formellement à chacun de ses membres l’apposition à l’extérieur des maisons de toutes inscription, plaque ou enseigne de nature à signaler son cabinet au public, que de telles inscriptions, même à l’intérieur des couloirs et escaliers, ne sont tolérées qu’à la condition qu’elles ne puissent être vues de la rue ”1459.
73En faisant référence à la jurisprudence, il écrit :
“ il y a peu d’années quelques avocats qui avaient mis leur nom sur des portes vitrées intérieures, mais visibles du dehors, avaient été invités à les faire disparaître et s’étaient conformés à cette invitation ”1460.
74Par conséquent, le conseil “ invite Me Autran à enlever la plaque... ”1461. Cependant, l’avocat s’obstine et refuse de retirer la plaque, cherchant à “ forcer ” la tradition par des considérations matérielles et pratiques non dénuées de pertinence.
75Dans la séance suivante, le Conseil rend sa décision définitive et rappelle même avec une certaine solennité, que le motif premier de cette interdiction n’est point d’entraver l’exercice de la profession, mais au contraire, d’en garantir la spécificité.
76Cette règle déontologique, explique-t-il,
“ est inspirée par un juste souci de la considération et de la dignité de l’Ordre ; qu’il importe de la maintenir, l’avocat ayant le plus sérieux intérêt à se distinguer de l’agent d’affaires et cela alors même que certains inconvénients devraient en résulter ”1462.
77Le conseil transforme donc son “ invitation ” en injonction et décide “ qu’il y a lieu d’enjoindre à Me Autran d’enlever dans les huit jours, la plaque portant la mention F. C. Autran, qu’il a placée sur la porte de la maison, rue de l’Ormeau n°2, où est son cabinet... ”1463.
78Mais le problème rebondit : Me Autran refuse toujours de se soumettre à la décision du conseil et il est peu à peu rejoint par d’autres avocats de Marseille, tels que Me Fournier1464, qui font l’objet d’injonctions similaires, mais maintiennent leurs plaques et enseignes respectives. Ils bravent ainsi l’autorité du conseil et des traditions qu’ils estiment frappées d’obsolescence. Dans une séance du 16 février 1894, le conseil durcit le ton et, probablement à titre d’exemple de sa fermeté, applique à Me Autran la peine de la réprimande, à l’unanimité, assortie de la sempiternelle obligation d’ôter la plaque litigieuse1465. Ce dernier continue à résister, toujours en invoquant des arguments pratiques1466, et en rappelant qu’il est dans son bon droit car, selon lui,
“ l’apposition d’une plaque portant le nom seul d’un avocat sans l’indication de sa profession n’est pas interdite par la loi, ni même par les traditions ”1467.
79L’avocat cherche à muer sa désobéissance en simple désaccord1468. Mais, le conseil ne se laisse nullement convaincre et, fermement ancré sur ses traditions, sanctionne l’avocat récalcitrant, pour “ manquement caractérisé à la discipline ”1469.
80Dans la séance du 6 avril suivant, face à l’obstination de Me Autran, le conseil passe à un degré de sanction supérieur et lui inflige à l’unanimité, une suspension d’un mois1470, surtout causée par sa persistance intolérable à ignorer la déontologie et la discipline de sa profession et “ à ne tenir aucun compte des décisions prises à son égard,,1471 Le conseil rappelle, une fois encore, les fondements de cette interdiction, qui a été ” inspirée par un juste souci de la considération et de la dignité de l’Ordre qu’il importe de maintenir“1472. Il semble insister sur la nécessité d’éviter toute confusion entre l’avocat et l’agent d’affaires, en ajoutant la mention ” surtout dans notre barreau “1473, ce qui suggère l’existence d’une spécificité du barreau marseillais reconnue par la profession. Celle-ci résulte peut-être du caractère éminemment commercial de la cité phocéenne. Mais, Me Autran maintient sa résistance après le 6 avril, forme une opposition à la décision du conseil, tout en refusant de répondre à une nouvelle citation à comparaître que lui envoie ce dernier dans le courant du mois d’avril1474.
81En son absence, la sanction disciplinaire est réaffirmée1475. Elle lui est notifiée le 26 avril1476. Comme le Bâtonnier en informe l’Ordre, Me Autran décide de faire appel de la décision disciplinaire du conseil à son encontre, devant la Cour d’Aix-en-Provence1477.
82Le conseil réagit en décidant “la nomination d’une commission [qui] sera déléguée à l’effet de suivre l’audience de la Cour”1478.
83L’intervention de la juridiction d’appel est importante, car elle a des conséquences graves pour le conseil de discipline : par un arrêt rendu le 17 mai 1894, la Cour “ a réformé la décision du conseil qui avait prononcé contre Me Autran une suspension d’un mois ”1479. De plus, la délégation que le conseil avait désignée pour suivre les audiences, n’a pas pu remplir sa mission, à cause de l’opposition du Procureur Général qui “ avait prévenu le Bâtonnier qu’il s’opposerait à ce qu’elle fut reçue par la Cour ” au motif que “ le Conseil n’avait pas le droit de se faire représenter devant cette juridiction ”1480.
84Après délibération et malgré ce qui s’apparente à un véritable camouflet judiciaire, une remise en cause directe de la ligne disciplinaire stricte qu’il a fait sienne, le Conseil décide la nomination d’une nouvelle commission “ qui aura pour mission d’examiner si le Conseil peu et doit se pourvoir en cassation ”1481. Et, suprême vexation, Me Fournier, un autre avocat de Marseille qui avait été sanctionné pour la même raison que Me Autran, “ a déjà remis son nom sur la plaque de sa boite aux lettres ”1482.
85L’inexistence, pendant les trois années suivantes, de pourvoi en cassation sur l’affaire Autran, et l’absence vérifiée de la moindre référence à cette question des plaques dans les Archives du Barreau de Marseille, semble suffisantes à fonder l’affirmation selon laquelle l’année 1894 sonne le glas de cette interdiction, tout au moins dans son acception stricte et à l’échelle locale.
86L’ouverture sur le xxème siècle se traduit par une évolution de la discipline des avocats et la victoire forcée des considérations pratiques sur la tradition.
§ 2 : Avocat et recouvrement d’honoraires en justice
87Une autre règle déontologique importante concerne les honoraires de l’avocat. Sur ce point comme sur le précédent, la position du Conseil de Discipline est très claire : le principe est l’interdiction du recouvrement en justice des honoraires non perçus.
88Cette règle tient essentiellement à la conception traditionnelle de l’honoraire :
“ l’honoraire doit être un présent libre, un tribut volontaire de la reconnaissance du client ”1483.
89C’est ce qu’écrit le déontologue Ernest Cresson, ajoutant qu’“ en aucun cas, il ne peut être exigé ”1484. Il s’ensuit que “ la répétition des honoraires par une demande en justice est interdite ”. L’avocat qui n’a rien reçu de son client, n’a pas le droit de le poursuivre. Cette disposition a plusieurs origines, dont la plus importante est la sacro-sainte conception de la profession, véhiculée par plusieurs décennies de collectif : l’avocat se doit d’être un défenseur loyal et un homme d’honneur, pour lequel la délicatesse, l’amour de la Justice, et surtout, le respect de son client passent avant tout. Ainsi, “ toute démarche tendant à imposer le prix du travail de l’avocat est une atteinte à la dignité de la profession ”1485. L’avocat doit être, par essence, désintéressé. Dans une lettre qu’il écrit à Me Espagne, l’un des membres du Barreau de Marseille qui lui demande conseil à ce sujet, le Bâtonnier rappelle à l’avocat
“ qu’il est dans les usages du conseil de discipline de n’approuver que dans des circonstances exceptionnelles, l’autorisation de poursuivre en justice le recouvrement de ses honoraires ”1486.
90On peut citer une formulation encore plus univoque que le conseil emploie en réponse à “ la demande de l’avocat tendant à obtenir l’autorisation de poursuivre en justice le paiement des frais et honoraires dus par son client ”1487. Le conseil pose la question de la manière suivante :
“ Y a t-il lieu, en principe, d’accorder ou de refuser à l’avocat qui la demande, l’autorisation de poursuivre en justice le paiement de ses frais et de ses honoraires ? ”1488.
Après une brève discussion, le conseil de discipline délibère :
“ à la majorité des voix, qu’en vertu de la tradition généralement observée par les barreaux de France, l’autorisation demandée par l’avocat de poursuivre en justice le paiement de ses frais et honoraires, ne doit pas lui être accordée ”1489.
91Ceci s’explique par la conception même que l’Ordre se fait des honoraires. Dans une lettre en date du 4 décembre 1869, adressée à M. Olivier, liquidateur, le Bâtonnier de l’Ordre écrit à propos des honoraires :
“ Les honoraires d’un avocat doivent se déterminer d’après l’importance de l’affaire et le plus ou moins de soins que l’avocat lui a donnés ”1490.
92Exactement à la même époque, L’Ordre de Paris, fait inscrire au fronton de son Barreau, la phrase suivante :
“ L’honoraire est un don spontané de la reconnaissance du client ”1491.
93L’idéal de l’avocat est celui de l’honneur et du dévouement à la cause qu’il défend et non pas la recherche de son profit personnel. Cresson n’écrit-il pas à ce propos : “ la pauvreté n’est point une honte au barreau” 1492 !
94Ce qu’Yves Ozanam traduit ainsi : “ mieux vaut être pauvre, libre et la conscience en paix, que riche mais dépendant d’autrui et moralement compromis ”1493. On peut également évoquer la description du cabinet de Me Fraisier dans Le cousin Pons de Balzac, symbole de l’avocat dénué de cupidité et officiant dans un lieu “ où les cantonnières sont en bois noirci (...et...) où le plancher est gris de poussière et le plafond jaune de fumée ”1494.
95Enfin, et cette extension est logique et évidente, il est d’autant plus exclu par le conseil de discipline qu’un avocat plaidant dans le cadre de l’assistance judiciaire puisse demander en justice un quelconque recouvrement d’honoraires.
96Par une délibération du 24 novembre 1873, le Conseil décide,
“ à la majorité des voix contre deux, qu’il doit être interdit sous la sanction de peines disciplinaires à tout avocat plaidant d’office ou défendant un assisté judiciaire, de réclamer ou de recevoir aucun honoraire, quelle que soit issue du procès... 1495
97Il ordonne l’envoi d’une circulaire à tous les membres du Barreau marseillais, en arguant du fait que cette règle est conforme “ à tous les précédents de l’antique discipline et au dévouement traditionnel du Barreau pour les intérêts des malheureux et des indigents ”1496.
98Le contenu de cette circulaire en date du 27 novembre 1873, manifeste toute la force de cette interdiction :
“ Il est interdit à tout avocat plaidant d’office ou défendant un assisté judiciaire de réclamer ou de recevoir aucun honoraire. C’est là une règle absolue ”1497.
99Il faut noter ici que même le simple fait de recevoir des honoraires de la part d’un assisté judiciaire, sans les avoir réclamés, est, en raison même de la qualité du client, considéré comme totalement “ contraire à la discipline et à la tradition du Barreau ”,1498.
100Une fois de plus, à l’instar de l’interdiction précédente liée à la publicité commerciale, le Conseil de discipline se montre extrêmement strict dans la mise en œuvre des interdictions grevant la profession d’avocat. Probablement trop, car sa rigueur en vient à être assimilée par les nouvelles générations d’avocats à un traditionalisme forcené, à un dogmatisme détaché des réalités de la pratique, et la règle déontologique finit invariablement par être remise en cause. Elle l’est moins en raison de l’illégitimité de ses fondements, souvent reconnus par tous les avocats, qu’au motif de son application par trop sévère et systématique, fruit d’une conception idéalisée, et donc irréaliste, de la profession. Les considérations matérielles auxquelles doivent faire face les avocats, comme tout autre individu, rendent inévitable une telle contestation. Celle-ci vient d’ailleurs, comparativement à d’autres, assez tôt dans le siècle, puisque, dès 1876, la question du recouvrement de honoraires en justice est reposée, et ouvre sur un assouplissement.
101Dans la séance du 4 mai 1876, le Conseil “ à la majorité de neuf voix contre cinq qui ont voté pour l’interdiction absolue des poursuites ”, décide :
“ qu’il y a lieu d’établir comme règle que l’avocat ne doit pas poursuivre en justice le paiement de ses honoraires, mais qu’il ne doit pas être victime de l’injustice et de l’ingratitude des clients ”1499.
102La brèche est ouverte sur une évolution de la déontologie : le Conseil estime qu’à l’avenir, il conviendra “d’apprécier les circonstances exceptionnelles dans lesquelles l’avocat pourra être autorisé à intenter une action ”1500.
103Toutefois, il ne s’agit nullement, à l’inverse, d’un abandon de la règle dans son principe. Un amendement proposé par Me Onfroy, ainsi formulé : “ tout avocat pourra poursuivre à ses risques et périls sans autorisation du conseil ” est rejeté1501. Un autre l’est également : “ dans les cas exceptionnels où le conseil donnera l’autorisation de poursuivre, devra-t-il taxer le chiffre des honoraires réclamés ? ”1502. La réponse négative l’emporte avec une large majorité. En revanche, le conseil de l’Ordre conserve sur certains point une bienvenue lucidité, notamment quant au dénuement qu’une telle règle peut faire craindre aux avocats sur le plan purement matériel ; c’est pourquoi, par plusieurs délibérations, il rappelle que, si l’interdiction de recouvrement des honoraires en justice est stricte, tout avocat a cependant l’obligation de “ refuser de prêter son ministère à un client qui n ‘a pas désintéressé l’un de ses confrères ”1503 ; afin de décourager et de faire obstacle aux clients indélicats et autres “ mauvais payeurs ”.
104Ainsi, un avocat qui n’a point été réglé doit toujours prévenir le confrère qui lui succède en tant que défenseur du client. A l’extrême fin du xixème siècle cette question, dite de “ l’opposition”, est traitée dans une délibération en date du 16 mars 1894.
105Le conseil de discipline commence par y remettre en cause le terme même d’opposition qu’il juge inadéquat, expliquant que :
“l’avocat qui n ‘a pas été honoré par un client qui l’abandonne ne signifie pas au nouveau conseil une opposition à plaidoirie [mais] il se borne à donner à celui-ci avis qu’il n’ a pas été règle”1504.
106Toutefois, il insiste sur la légitimité de l’opposition, en rappelant que :
“ l’abstention [de plaider] que doit s’imposer [le confrère qui succède à celui qui n’a point été honoré] est une question de délicatesse et de bonne confraternité, sanctionnée par les usages constants du barreau ”1505.
107En somme : l’honneur et la dignité, oui ; au prix de la survie de la profession elle-même, non. La déontologie puise sa raison d’être dans l’édification et la conservation d’une profession forte, digne et spécifique. Elle trouve donc ses limites dans la nécessaire considération du renouvellement de ses membres, chose qui serait impossible si les avocats se trouvaient aussi aisément à la merci des indélicats et des contingences matérielles.
108Dans les années suivantes, le Conseil de l’Ordre de Marseille autorisera, à plusieurs reprises, l’un de ses membres à recourir à la Justice pour être récompensé des efforts qu’il a consacrés à la défense d’un de ses clients1506.
109A propos des honoraires, il faut également évoquer, l’interdiction des pactes de quota-litis qui contreviennent à la fois à l’indépendance et à la dignité de l’avocat.
110Dans une séance du 22 avril 1880, le Conseil de discipline examine le cas de Me Salendres qui,
“ chargé par le sieur Lubrano d’un procès en dommage-intérêts à l’occasion de blessures accidentelles, a reçu de son client, une procuration l’autorisant à prélever à titre d’honoraires et en sus de ses avances, le tiers de l’indemnité qui pourrait être allouée ”1507.
111De plus, après la reconnaissance des prétentions de Lubrano par la juridiction, Me Salendres, “pour assurer l’exécution de cet engagement, a fait à l’encontre du sieur Lubrano, une saisie-arrêt en mains de la compagnie L’Assurance française ”. Le conseil de discipline y voit là une double violation, fort grave, des règles régissant la profession d’avocat. Il considère tout d’abord que la convention passée entre Me Salendres et Lubrano s’assimile à
“ un pacte de quota-litis formellement prohibé de tout temps comme contraire à la dignité et à l’indépendance de avocat”1508.
112Il ajoute que l’ignorance de cette tradition n’est pas une excuse :
“ en-dehors même de toutes prescriptions expresses et de toutes traditions,le sentiment des convenances professionnelles et de la délicatesse suffisait à avertir [Me Salendres] qu’il ne peut être permis à un avocat de se faire en justice l’associé de son client”1509. Puis, s’agissant de la saisie-arrêt, le conseil ajoute “ que ce premier manquement aux devoirs de la profession se trouve encore aggravé par la mesure déjà répréhensible en elle-même qu’a prise Me Salendres pour s’assurer le bénéfice d’une convention illicite”1510.
113Mesure indélicate sur pacte interdit : la culpabilité disciplinaire est caractérisée. Le conseil, tenant toutefois compte de “ la situation de famille de Me Salendres [qui] peut constituer une circonstance atténuante ”, condamne l’avocat indigne à la peine grave, mais non irrévocable, de l’interdiction temporaire d’exercice de sa profession pour un mois, “ par 9 voix contre 3 qui réclamaient une peine plus forte ”. Me Salendres finit cependant par subir la peine de la radiation en 1882, pour une affaire similaire dans laquelle,
“ il a manqué de la manière la plus grave à la dignité et à la délicatesse de la profession d’avocat (...) en se chargeant d’une affaire sans en avoir reçu le mandat [et] en voulant la transiger alors qu’il n’avait jamais été question de transaction (...) Me Salendres est rayé du Tableau... ”.1511
114Incompatibilités et interdictions sont la partie “ négative ” de l’éthique de l’avocat ; elles font référence à ce qu’il ne doit pas faire. Il est temps d’évoquer à présent l’autre dimension de cette éthique du siècle dernier ; celle, plus “ positive ”, des obligations professionnelles de l’avocat, qui ne sont pas moins importantes, et qui traduisent essentiellement les devoirs de l’avocat, dictés par l’honneur de sa profession.
III - LES OBLIGATIONS
115Tout récemment, la loi du 15 juin 2000 a, dans l’une de ses dispositions, cherché à donner corps au principe consacré dans l’article 6 de la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme, ainsi que dans l’article 20 de la Charte européenne des Droits fondamentaux, de l’égalité de tous devant la loi, ainsi qu’un accès égal au droit et au juge, en réformant le mécanisme de l’aide juridictionnelle. En cela, elle perpétue l’un des principes cardinaux de la déontologie du barreau, qui, depuis le xixème siècle, met l’avocat dans l’obligation de prêter son ministère aux indigents1512.
116Ce devoir d’assistance judiciaire est affirmé avec une constance remarquable dans les recueils de délibérations des conseils de discipline de l’Ordre des avocats de Marseille, et perçu comme l’un des devoirs les plus nobles de l’avocat (§ 1). D’autres obligations essentielles pèsent sur les épaules de l’avocat : la défense d’office, part incontournable de la profession, qui excède largement la défense des indigents (§ 2) et la domiciliation de l’avocat, tant dans son volet privé que professionnel (§ 3).
§ 1 : Avocat et assistance judiciaire
117L’assistance judiciaire est un élément important de la profession d’avocat au xixème siècle. C’est l’article 24 du décret du 14 décembre 1810 qui l’institutionnalise en créant le système des consultations gratuites1513. Mais les avocats s’honorent de l’avoir de tout temps pratiquée.
118En 1851, au moment même où l’assistance judiciaire fait l’objet de nouvelles dispositions par le jeu de l’importante loi du 22 janvier1514, Gaudry, le Bâtonnier de Paris, assure dans son discours de rentrée que :
“ longtemps avant que le législateur eût la pensée de venir à leur secours (...) les chefs de l’Ordre les plus illustres étaient à la tête de cette sainte croisade de la justice et de la charité (...) En inventant l’assistance judiciaire, on a donc inventé un devoir que nous pratiquions depuis plusieurs siècles ”1515.
119De fait, il semble qu’il existe, dès 1825, un Bureau de consultations gratuites au sein de l’Ordre des avocats de Marseille1516, auprès duquel les avocats doivent, à tour de rôle, remplir leurs fonctions d’assistance et de défense. Les délibérations du Conseil de discipline en traitent régulièrement tant sur les modalités que sur le principe.
120Ainsi, une délibération en date du 15 juillet 1825 affirme l’existence d’une assistance judiciaire1517 :
“ l’ordre des avocats défend gratuitement les personnes indigentes qui demandent son assistance (...) Ceux qui solliciteront la défense gratuite devront s’adresser au bureau de consultation gratuite de l’ordre des avocats ”1518.
121Une délibération du 11 janvier 1827 contribue à hisser cette obligation professionnelle à la hauteur d’un devoir moral :
“ la défense gratuite des pauvres est le premier devoir et la plus belle prérogative de notre ordre ”1519.
122La défense des indigents est considérée comme un devoir sacré de l’avocat, qui traduit son désintéressement et son dévouement.
123Toutefois, il n’en reste pas moins vrai qu’il s’agit avant tout d’une authentique règle professionnelle dont le respect est obligatoire : “ celui de nous qui refuserait pareille tâche parce qu’elle est gratuite, encourrait la radiation du tableau ou du stage ”, écrit le conseil. Et, il ajoute même que “ cette honorable obligation ne pèse pas moins sur les avocats stagiaires que sur ceux qui sont inscrits au tableau de l’Ordre ”. La raison première en est que cette défense est un excellent moyen de formation pour les avocats stagiaires qui s’essaient à leurs premières plaidoiries et qui apprennent en même temps les valeurs essentielles de leur profession. C’est pourquoi, non seulement ils n’en sont pas dispensés, mais, au contraire,
“ il semble même que les stagiaires devraient rechercher avec un empressement particulier les affaires qui, en leur fournissant les occasions de prouver les bons sentiments dont ils sont animés, leur offrent en même temps, l’avantage de déposer peu à peu la timidité qui accompagne toujours les premiers débuts ”1520.
124Il s’agit ici d’une alliance parfaite entre les intérêts du collectif et de ses membres : l’assistance judiciaire pourvoit à la formation des jeunes avocats et concrétise le dévouement à la Justice, dont le Barreau s’est fait un idéal. D’une certaine manière, cette implication des stagiaires dans l’assistance judiciaire, par sa double dimension morale et professionnelle, est caractéristique de la conception de la profession tout au long du xixème siècle.
125Pour tous les indigents qui sollicitent l’assistance judiciaire, l’Ordre des avocats de Marseille met également en place un Bureau de consultations gratuites, composé de plusieurs de ses membres. Formé pour la première fois en 18251521, il se réunit régulièrement “ le samedi de chaque semaine à 9h00 du matin au Palais de Justice ”1522.
126C’est une délibération du conseil qui permet, chaque année, la formation du bureau et qui en nomme les membres. Les avocats qui sont désignés, sauf circonstances exceptionnelles, n’ont pas la possibilité de refuser. Le Conseil est au cœur de la procédure, comme en témoigne cette lettre du bâtonnier aux membres du Bureau : “j’ai l’honneur de vous adresser l’extrait de la délibération du conseil de discipline qui constitue le bureau de consultations gratuites pour la présente année”1523.
127Tout au long du xixème siècle, les modes de formation du bureau de consultations gratuites et la pratique de l’assistance judiciaire, semblent se maintenir, avec cependant un glissement progressif d’une partie des responsabilités et du pouvoir de décision, du Conseil vers le Bâtonnier lui-même. La loi du 22 janvier 1851 qui vient préciser le régime de l’assistance judiciaire, prévoit que les désignations d’office pour l’assistance judiciaire seront désormais réservées au Bâtonnier, le Conseil conservant la composition du bureau de consultations gratuites.
128En 1866, le Bâtonnier “ invite le conseil à procéder à la formation du bureau de consultations gratuites pour les indigents et à désigner un avocat pour faire partie du bureau d’assistance judiciaire pour l’année 1866-1867 ”1524, puis pour l’année judiciaire 1872-1873, le Bâtonnier “ indique au conseil qu’il y a lieu de désigner un avocat délégué au bureau d’assistance judiciaire (...) il est ensuite procédé au renouvellement du Bureau de consultations gratuites”1525
129De plus, des crédits sont régulièrement alloués par le Conseil pour le fonctionnement du bureau de consultations gratuites1526.
130A la fin du xixème siècle, la question de l’assistance judiciaire va reposer, indirectement, celles des honoraires, déjà évoquée.
131En effet, à partir de 1895, “ la loi nouvelle sur les accidents donne lieu à de très nombreuses désignations d’avocats d’office, l’assistance judiciaire étant alors de droit ”1527. Il en résulte que les avocats de Marseille sont contraints de prêter aux assistés judiciaires “ un concours très fréquent, très laborieux, et gratuit ”. Cette constatation entraîne logiquement le réexamen de la conception stricte de l’assistance judiciaire dans laquelle l’avocat n’a droit qu’à un dédommagement. Me Suchet indique :
“ en principe, le bénéfice de l’assistance judiciaire n’étant qu’une avance, l’avocat a droit à des honoraires quand le résultat a été avantageux à son client ; mais qu’en fait, en raison des difficultés que peut faire naître une demande d’honoraires, mieux vaut s’en abstenir ”1528.
132Ce qui est une manière indirecte de remettre en cause le principe de l’interdiction du recouvrement en justice des honoraires. Une commission chargée d’examiner la question aboutit à cette même conclusion1529.
133La question de la défense d’office est connexe à celle de l’assistance judiciaire, mais elle en excède largement le cadre, et reçoit de nombreuses autres applications.
§ 2 : Avocat et défense d’office
134Au-delà de la question de l’assistance judiciaire, il existe plusieurs hypothèses de défense d’office à laquelle les avocats n’ont pas le droit de se soustraire. La désignation des avocats pour la défense d’office, est un pouvoir propre du Bâtonnier.
135Il est possible de citer, à titre de premier exemple, le cas de la défense devant le Conseil de Guerre1530. Ecrivant au Ministre de la Guerre, le Bâtonnier de l’Ordre de Marseille évoque “ la mission [qu’il reçoit] tous les jours (...) de désigner des défenseurs d’office aux accusés traduits devant le tribunal militaire”1531. Cette responsabilité importante, le Bâtonnier entend d’ailleurs l’assumer pleinement.
136Ainsi, le commissaire impérial aux armées ayant osé désigner lui-même un jeune avocat pour cette défense et l’inexpérience de ce dernier l’ayant fait condamner, le Bâtonnier proteste avec véhémence auprès du Ministre, stigmatisant l’erreur et l’abus du commissaire, qui débouchent sur une mauvaise administration de la justice impériale :
“Monsieur le Ministre, j’eusse été appelé à faire une désignation d’office, j’eusse considéré comme un devoir sacré de donner à Magnan un avocat déjà éprouvé au barreau, un défenseur sérieux (...) Il y a une incompatibilité qui s’oppose à ce que le défenseur soit choisi par le ministère public ”1532.
137Le Bâtonnier considère cette intervention du commissaire comme “ une raison nécessaire d’annulation et de cassation, s’agissant d’un vice radicalement inhérent à la constitution de ce défenseur”“1533. Par une lettre en date du 25 novembre 1854, l’interdiction de se soustraire à cette désignation d’office est clairement rappelée par le Bâtonnier à tous les avocats stagiaires au Barreau de Marseille :
“Aucun de vous n’ignore qu’il entre dans ses obligations de prêter son assistance aux inculpés traduits devant le Conseil de Guerre, lorsqu’il en a reçu commission du Bâtonnier de l’Ordre... ”1534.
138Et, s’adressant au commissaire impérial en 1857, il l’informe que :
“ le conseil de discipline de l’Ordre des avocats, appelé à arrêter ce qu’il y avait à faire pour organiser la défense d’office devant le Conseil de Guerre, en l’état du nouveau code de justice militaire, a décidé qu’il serait dressé pour chaque mois, par les soins du Bâtonnier, une liste d’avocats auxquels les défenses d’office [seront adressées] à tour de rôle, dans les affaires d’une importance ordinaire ”1535
139Il sous-entend que, si affaire exceptionnellement complexe se présente, il désignera seul l’avocat chargé de la défense du prévenu.
140De même, il faut évoquer la défense d’office devant la Chambre des Flagrants Délits. C’est en 1875 que le Bâtonnier évoque cette question, après “ la création d’une chambre spéciale appelée à juger les flagrants délits ”1536.
141Effectivement, en raison même de “ la rapidité de la procédure [il apparaît nécessaire de] désigner des avocats d’office aux prévenus appelés devant cette juridiction ”. Mais, un second problème se pose : les audiences de la Chambre des Flagrants Délits “ étant peu suivies par le Barreau, une désignation à l’audience même est le plus souvent impossible ”. Cette situation est “ préjudiciable à la défense ”. Aussi, le Bâtonnier propose-t-il de désigner deux avocats pour suivre chacune des audiences de ladite chambre. Ainsi, “ ces avocats pourraient, lorsque leur intervention serait requise, présenter la défense de certains prévenus ”. Le Conseil de l’Ordre adopte la proposition du Bâtonnier, entérinant par là même, une nouvelle application de la défense d’office1537.
142Les différentes hypothèses dans lesquelles intervient la défense d’office, traduisent une volonté viscéralement ancrée dans le collectif des avocats de toujours servir la Justice, même si ce doit être au mépris des intérêts personnels de l’avocat. Chacun doit donner de son temps, de son talent d’orateur, de son savoir de juriste, pour améliorer le fonctionnement de l’appareil judiciaire, où seule l’omniprésence du défenseur garantit l’impartialité du jugement. D’ailleurs, le principe selon lequel la désignation d’office est toujours obligatoire, n’a jamais été remis en question tout au long du xixème siècle. Par une circulaire en date du 8 décembre 1891, le Bâtonnier Estrangin vient sévèrement le rappeler à tous les membres du Barreau marseillais :
“ Le Conseil a été informé que quelques avocats ont cru pouvoir se substituer à ceux qui avaient été désignés d’office pour présenter la défense des assistés judiciaires, et se sont chargés de ces affaires sans que le Bâtonnier ait été consulté ou même prévenu. (...) Ces faits sont contraires aux dispositions de la loi de 1851 qui exige que l’avocat, dans les affaires d’assistance, soit désigné par le Bâtonnier. Je vous prie donc à l’avenir, de n’accepter de vous charger des affaires que sur une désignation officielle, et je crois devoir indiquer à ceux d’entre vous que j’aurais désignés qu’ils ne peuvent se dessaisir du dossier qui leur a été confié qu’après m’avoir fait connaître les motifs qui peuvent justifier leur remplacement sur lequel le bâtonnier seul a qualité pour se prononcer”1538.
143Seul le Bâtonnier a le pouvoir de désigner d’office et le pouvoir de lever cette désignation en cas de circonstances exceptionnelles ou d’empêchement dirimant. Le principe reste que l’avocat désigné ne peut pas se soustraire à son obligation.
144Dans une autre circulaire en date du 25 novembre 1897, et qui fait directement référence à la précédente, le Bâtonnier Drogoul évoque encore le cas de plusieurs avocats qui “ au lieu de plaider les affaires d’assistance judiciaire [qui leur ont été confiées], se font remplacer par des confrères qui se présentent à la barre sans désignation de [la] part [du Bâtonnier lui-même], abus qui entraîne les conséquences les plus fâcheuses”‘1539. Il rappelle l’interdiction formelle de tels remplacements, qui ne souffre qu’une exception :
“ la défense d’office des prévenus devant le tribunal de police correctionnelle [car] les demandes de désignation formées par ces derniers sont d’ordinaire tellement rapprochées de l’audience qu’il serait souvent impossible [au Bâtonnier] de choisir en temps voulu un nouvel avocat ”1540.
145Mais, précise bien Me Drogoul en s’adressant à ses confrères,
“ cette exception imposée par le manque de temps, ne vous délie pas de votre devoir qui est de ne vous faire suppléer que dans le cas exceptionnel où il vous serait impossible de vous trouver à l’audience ”1541.
146Ce rappel à l’ordre manifeste la force de la tradition en matière disciplinaire au sein d’un Barreau marseillais pourtant ouvert sur le xxème siècle.
147Tradition qui est encore plus manifeste dans l’obligation pour l’avocat d’avoir un domicile et un cabinet dans la cité phocéenne elle-même pour pouvoir être officiellement inscrit sur le Tableau, et plus largement, dans la plupart des autres “ petites ” obligations qui parsèment l’exercice de sa profession.
§ 3 : Avocat et Domicile
148Au rang des obligations de l’avocat inscrit au Barreau de Marseille qui transparaissent dans les délibérations disciplinaires des conseils, celle d’avoir, dès le stage, son domicile dans la cité phocéenne elle-même est régulièrement réaffirmée.
149La règle est d’application générale pour tous les barreaux de France :
“ le candidat au stage doit avoir un domicile certain, connu, établi dans la ville même où siège la juridiction devant laquelle il entend exercer ”1542.
150L’exigence d’avoir son domicile dans la ville même où se trouve le barreau et la juridiction, procède d’un vieil arrêt de règlement du Parlement de Paris, en date du 5 mai 1751, qui n’a jamais été abrogé et qui prévoit que “ on ne pourra (...) être inscrit sur le tableau que l’on exerce actuellement la profession d’avocat et que l’on n’ait à Paris un domicile certain et connu ”1543.
151Le domicile de l’avocat doit, sauf circonstances exceptionnelles, être personnel. Cette exigence traduit la volonté de garantir l’indépendance matérielle de l’avocat, condition nécessaire, même si non suffisante, de son indépendance professionnelle et morale. L’avocat doit également " être le propriétaire de son mobilier ”, pour les mêmes raisons. En outre, écho évident de l’exigence d’honorabilité et de délicatesse qui englobe vie professionnelle et vie privée, le logement de l’avocat ce doit d’être “ convenable ”1544. Le but de cette règle : permettre au Conseil de l’Ordre de surveiller l’avocat.
152A Marseille, pendant tout le siècle, cette règle est d’application stricte : cela peut s’expliquer non pas uniquement par l’amour des traditions, mais surtout par la concurrence du Barreau aixois, encore forte au xixème siècle. Ainsi, les spécificités locales en renforcent la sanction. Tout départ entraîne la cessation de l’inscription au Tableau de l’Ordre, ainsi que le montre l’exemple suivant : lors d’une séance du conseil, le Bâtonnier fait part à ses confrères “ d’une lettre de Me Sagnier, avocat reçu depuis quelques temps, de laquelle il résulte que cet avocat est dans l’intention de quitter Marseille, dont le séjour serait contraire à sa santé ”1545. En conséquence, le Conseil décide que Me Sagnier “cessera d’être inscrit au tableau de l’Ordre, sans qu’il soit besoin de recourir à de nouveaux renseignements ”1546. C’est le même mécanisme qui joue en 1866, pour Me Lyon qui “ ayant l’intention d’aller se fixer à Aix ”1547, préfère demander directement sa suppression du tableau. D’ailleurs, au pied même de chaque tableau de l’Ordre des avocats de Marseille jusqu’à la fin du xixème siècle, on peut lire cette phrase :
“ Nul avocat ne sera inscrit sur le Tableau, s’il n ‘a en Ville un domicile et un établissement tels que l’exige la profession d’Avocat ”1548.
153Toutefois, il faut noter que cette exigence sera atténuée en 1878 par la Cour d’Appel d’Aix. Dans un arrêt du 18 juillet 1878, elle estime
“ qu’aucune disposition législative n’impose aux avocats l’obligation de résider dans la ville où siège le tribunal près duquel ils veulent exercer (...) si le défaut de résidence au chef-lieu rend la surveillance plus difficile et se concilie moins bien avec toutes les exigences du service de la justice, il n’implique pas nécessairement le défaut d’exercice et ne peut dès lors à lui seul et en principe devenir une cause d’exclusion ”1549.
154Malgré cette “ ouverture ”, la pratique déontologique demeure inchangée et les conseils de discipline continuent, jusque dans les premières années du xxème siècle, de sanctionner les avocats inscrits au tableau qui s’aventurent à se domicilier trop loin de leur Ordre. La plupart des avocats acceptent de se plier à cette exigence, car elle manifeste aussi, d’une certaine manière, leur appartenance au collectif.
155Pour terminer sur les obligations morales et professionnelles que se fixent les avocats de l’Ordre de Marseille, on doit évoquer l’insistance avec laquelle l’Ordre s’investit au xixème siècle dans la vie sociale de la cité, vers les plus défavorisés, en offrant à plusieurs reprises son concours financier aux œuvres caritatives qui s’occupent des indigents.
156Plusieurs délibérations comportent le vote de sommes destinées, par exemple, à la cavalcade en faveur des pauvres1550, aux familles des soldats et des marins victimes de la guerre1551, aux victimes du choléra1552, aux victimes des inondations1553, etc.
157A titre de remarque générale sur la déontologie, il est indispensable d’évoquer la rigueur proverbiale des conseils en matière de respect de la discipline. Un comportement délicat et pondéré est exigé de la part de chaque membre du barreau. Cette règle générale est susceptible de jouer même à l’encontre du Bâtonnier1554. Ainsi, dans une séance du 24 décembre 1874, le Conseil examine une affaire opposant Me Jourdan, avocat, à Me Suchet, Bâtonnier1555.
158Dans les faits, il s’agit tout simplement d’une inimitié croissante entre les deux hommes, qui finit par éclater en querelle. Me Jourdan en témoigne ainsi :
“ pendant que nous ôtions notre robe au vestiaire, je m’adressai à Me Suchet et lui dis que s’il consentait à plaider dans le courant de la semaine suivante devant les mêmes juges (...) je renoncerais à demander la sanction de défaut. Il me répondit d’un ton courroucé : ” Taisez-vous, vous allez me faire perdre le peu de patience qu ‘il me reste ”. “ Je ne me tais pas, répondis-je, quand on me le demande sur ce ton ” ; alors, Me Suchet répéta d’un ton plus haut : “ Taisez-vous ! ” et leva la main. Je lui dis : “ vous êtes inconvenant. Si vous m’en voulez, envoyez-moi des témoins ”. “ Taisez-vous ” me répondit-il “ ou vous allez recevoir ce que vous méritez ”. Notre confrère, Me Talon a été présent à cette scène regrettable “1556.
159Par la suite, la dispute s’aggrave, les deux hommes manquent d’en venir aux mains, et l’idée d’un duel au pistolet est même un moment envisagée. Le conseil tranche sévèrement la question le 5 janvier 1875, après avoir mené une enquête précise et recueilli le témoignage de Me Talon :
“ Attendu que (...) Me Suchet s’est laissé aller à l’encontre de son confrère à un mouvement d’impatience dont il a lui-même indiqué la nature et que sa qualité de Bâtonnier rendait d’autant plus regrettable (...) Le conseil décide qu’il y a lieu de prononcer à l’encontre de Me Suchet un avertissement confraternel ”1557.
160Après cette décision, ferme sans être sévère, le Bâtonnier remet au conseil sa démission. C’est la preuve la plus flagrante de l’importance morale de l’autorité disciplinaire du Barreau pour chaque avocat, y compris le Bâtonnier. Elle trouve sa justification dans la très haute conception que les avocats se font de leur profession.
161A titre plus anecdotique, il est également possible de citer cette délibération du conseil datant de 1859, qui semble d’une troublante modernité : Me Géraud, un avocat du barreau de Marseille, est accusé par le conseil de s’être “ laissé séduire par les dehors de la femme Armand ”1558 l’une de ses clientes. La croyant “ riche et de bonne famille ”, Me Géraud n’a pas hésité “ à la recevoir chez lui avec des personnes honorables ” et à accepter de celle-ci “ des rémunérations en nature, telles que liqueurs, cigares, etc.. ”. Le conseil juge alors que Me Géraud “ a, dans les faits, oublié sa dignité personnelle et sa dignité professionnelle “. Toutefois, Me Géraud bénéficie aux yeux de ses “ sages ” confrères de circonstances atténuantes :
“ il est jeune (...) il est inscrit au stage seulement depuis le 6 mars 1858 ; il est donc permis de n’attribuer sa conduite qu’à la légèreté de son caractère et à son inexpérience qui l’a empêché d’apprécié tout ce qu’il pouvait y avoir de compromettant dans l’affaire à laquelle il prenait part ”1559.
162Aussi, plus qu’une véritable sanction, le conseil, gardien paternaliste des traditions de l’Ordre et censeur avisé de la dignité et de l’honneur de chacun de ses membres, lui applique une simple mise en garde. Me Géraud s’en tire avec une réprimande, tout de même assortie de la formule suivante :
“ il est permis d’espérer que la leçon qu’il reçoit à l’entrée de sa carrière suffira pour le tenir en garde contre les entraînements irréfléchis qui trop souvent conduisent à l’oubli de la dignité personnelle, et des devoirs de la profession ”1560.
163Cette dernière formulation, montre de façon évidente, la conception très extensive que le conseil se fait de la déontologie de la profession. Tout au long du xixème siècle, les décisions du conseil débordent à plusieurs reprises la simple discipline professionnelle, pour se muer en censure morale, et envahir allègrement le champ des moeurs et de la vie privée, au nom de la dignité et de l’honneur dont l’avocat doit toujours se parer, aussi bien au Palais qu’en société1561.
164De l’ensemble de ces incompatibilités, interdictions et obligations grevant la profession, constituant un cadre à la fois moral et disciplinaire à son exercice, on peut mettre à jour une dimension supérieure de l’éthique de l’avocat : ses valeurs essentielles, dont la fusion est le fruit d’une alchimie subtile.
165Nombreux dans l’histoire du Barreau, sont les ouvrages énumérant et explicitant ces valeurs. A l’aube du xviiième siècle, Biarnoy de Merville, dans son ouvrage classique “ Règles pour former un avocat”1562, les énonçait ainsi : la probité, l’indépendance, le courage, le désintéressement, la modération et la confiance mutuelle. Ainsi, si la définition proprement dite de toutes ces valeurs a pu parfois être modifiée, elles ont toujours formé un code d’honneur pour tout avocat qui se respecte. Au xixème siècle, il apparaît clairement que la plus importante des valeurs que l’avocat doit mettre en œuvre, celle qu’il doit respecter tout au long de sa carrière de juriste et de défenseur, mais également dans sa vie d’homme et de citoyen, est l’Indépendance. Elle vient à elle seule justifier de manière continue tous les éléments de la déontologie qui viennent d’être évoqués. L’indépendance est la condition et la garantie de la liberté de l’avocat,
“ cet homme trop fier pour avoir des protecteurs, trop peu puissant pour avoir des protégés ”1563.
166L’avocat indépendant au xixème siècle est celui qui est “ sans serviteurs comme sans maîtres ”1564. Dans la conception même de la profession, l’indépendance puise sa force dans la tradition, d’où l’absolue réticence des conseils de discipline à envisager l’hypothèse d’une évolution des règles déontologiques, parfois au prix de la cohérence et du réalisme. Référence plus que symbolique, voici ce qu’écrit en 1899 le Bâtonnier de l’Ordre de Paris, en évoquant le refus de tout mandat1565 :
“ Gardons-nous, sous prétexte d’élargir et d’assouplir notre profession, de la désorganiser (...) L’indépendance, cette forme pacifique et fière de la liberté, est inaliénable ”1566.
167A ce propos, il faut noter que, précisément sur la question du refus des mandats, il existe une exception marseillaise : le conseil de l’Ordre des avocats de Marseille est en effet l’un des rares, ainsi que celui de Nantes, à tolérer, avant la fin du xixème siècle, certaines formes de mandats, principalement ceux verbaux et gratuits. Par le jeu d’une compatibilité occasionnelle et mesurée, est rendue possible, une conciliation entre la nécessité de protéger l’indépendance de l’avocat, et la volonté de répondre aux besoins juridiques d’une cité dont la richesse et la population se concentrent autour de l’activité commerciale1567.
168L’indépendance n’a de portée et ne prend sa signification véritable que si elle trouve sa place au cœur d’un pentacle sacré du comportement de l’avocat, dont les cinq branches se nomment : Désintéressement - Délicatesse - Honneur - Modération - Probité.
169Lorsque s’ouvre le xxème siècle, l’ensemble des règles déontologiques qui enserrent la profession d’avocat dans une vigilante réserve, est de moins en moins appréhendé “ au pied de la lettre ”, et c’est plutôt leur esprit, leur finalité qui sert de point de repère aux avocats. Comme l’écrit Pierre Le Cointe dans son éloge d’Ernest Cresson, en 1905 :
“ On serait tenté d’imaginer, en lisant [les règles du barreau] qu’elles exigent de nous un renoncement monastique aux biens de ce monde, alors qu’elles nous demandent simplement un grand souci de délicatesse et un amour jaloux de notre indépendance. Elles sont l’idéal, et c’est le propre de tout idéal que la faiblesse humaine ne puisse qu’y aspirer sans monter jusqu’à lui : c’est déjà beaucoup d’y tendre ”1568.
Notes de bas de page
1385 Sur la déontologie et son évolution, on consultera notamment les ouvrages suivants, par ordre de parution : DUPIN Aîné, Profession d’avocat (2 vol.), Paris, Alex-Gobelet, 1832 ; MOLLOT, Règles de la profession d’avocat, Paris, 1iere éd. Joubert, 1842, 2ème éd. Durand, 1866 ; Joachim GAUDRY, Histoire du Barreau de Paris, Paris, Durand, 1864 ; Jules LE BERQUIER, Le Barreau moderne, Paris, Germer-Baillière, 1872 ; LIOUVILLE & MOLLOT, Abrégé des règles de la profession d’avocat, Paris, Marchai, 1883 ; Ernest CRESSON (Bâtonnier), Usages et règles de la Profession d’avocat, Paris, Larose et Forcel, 1888 ; Jules FABRE, Le Barreau de Paris, Paris, Delamotte, 1895 ; Jean APPLETON, Traité de la Profession d’avocat, Paris, Dalloz, 1928 ; Louis CREMIEU, Traité de la Profession d’avocat, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1939 ; André DAMIEN (Bâtonnier), Essai sur la vie quotidienne des avocats du temps passé, Versailles, Henri Lefebvre, 1973. Pour une illustration de la permanence des interrogations qui traversent la profession d’avocat aujourd’hui, consulter les communications de la table ronde Une déontologie moderne, actes publiés par la Revue Juridique des Barreaux, n°59/60, janvier-juin 2000.
1386 Dictionnaire historique de la langue française (sous la dir. d’Alain REY), Paris, Dictionnaires Le Robert, 1998, v° “DEONTOLOGIE”, p. 1039 : L’a note qu’il s’agit d’un mot didactique dont l’utilisation commune est attestée pour la première fois en 1825 dans l’Essai sur la nomenclature et la classification des principales branches d’art et science, ouvrage traduit du philosophe utilitariste anglais Jeremy Bentham. Il est emprunté à l’anglais deontology, formé du grec to deon, “ ce qu’il convient de faire ”, de deîn, “ lier attacher ” au propre et au figuré et de logos, “ le discours, la doctrine”. (...) “ Le mot se rapporte à la théorie des devoirs ; par métonymie, il désigne plus couramment l’ensemble des règles morales qui régissent l’exercice d’une profession, par exemple la médecine ”.
1387 Yves OZANAM, L’Ordre des avocats à la Cour d’Appel de Paris vu par ses Bâtonniers : analyse d’un siècle de discours de rentrée (1810 - 1910), R.S.I.H.P.A., n° 5, 1993, p. 141. L’a. cite le Bâtonnier de l’Ordre de Paris, Delahaye, ancien avocat au Parlement, qui s’exprime en 1820 (réf : Delahaye, discours de rentrée du 14 novembre 1820).
1388 Ibid., p. 140. Citant un discours du Bâtonnier Thévenin datant de 1826, l’a écrit : “...point de statuts, de règlements, qui fussent consignés dans des registres et revêtus d’une forme tant soit peu authentique ; on rencontrait seulement par hasard quelques notes éparses, conservées par les chefs de l’Ordre pour aider leur mémoire ” (réf : Thévenin, discours de rentrée du 5 décembre 1826, copie manuscrite non paginée).
1389 Selon, l’article 18 du Titre II de l’Ordonnance du 20 novembre 1822, les peines disciplinaires qui peuvent être prononcées par le Conseil de l’Ordre statuant en matière disciplinaire, sont les suivantes (elles sont présentées de la moindre à la plus grave : l’avertissement, la réprimande, l’interdiction (ou suspension) temporaire (nécessairement inférieure à une année), et la radiation du Tableau. Voir Gaston DUVEAU.op. cit., p. 346.
1390 Yves OZANAM, L’Ordre des avocats à la Cour d’Appel de Paris vu par ses Bâtonniers : analyse d’un siècle de discours de rentrée (1810 - 1910), op. cit., p. 141 : l’a cite ici un discours du Bâtonnier Dufaure : “ Rien n’est arbitraire dans les règles que nous nous imposons ; elles sont si anciennes, parce qu’elles sont nécessaires. Elles sont l’âme et la vie de notre profession. En les abandonnant, notre ordre ne saurait plus justifier son existence ; il doit rester ce qu’il est, ou disparaître sans retour ” (réf : Dufaure, discours de rentrée du 6 décembre 1862).
1391 Lucien KARPIK, Les avocats entre l’Etat, le public et le marché, op. cit., p. 153.
1392 Fernand LABORI, Dictionnaire encyclopédique du droit français, op. cit., tome 2, v° AVOCAT, p. 72. L’a précise que les incompatibilités permettent à l’avocat appelé à “ devenir le collaborateur du juge, à interpréter la loi, à commenter les décisions judiciaires, à rendre la justice ” de jouir “ d’une indépendance entière ”.
1393 Lucien KARPIK, Les avocats entre l’Etat, le public et le marché, op. cit., p. 154 : L’a. donne une liste nominative et chronologique exhaustive des incompatibilités engagées par les conseils de discipline parisiens. Dans les fonctions privées, s’enchaînent entre 1810 et 1925, “ toute espèce de négoce (1810), agent comptable (1810), directeur ou gérant de journal (1818), agent d’affaires (1822), professeur collège royal (1825), syndic de faillite (1825), ancien agent d’affaires (1830), employé chez agent d’affaires (1830), ancien agréé tribunal commerce (1832), ancien associé agréé tribunal commerce (1832), une femme commerçante (1832), rédacteur en chef d’un journal (1832), mandataire conseil adm. Chemin fer (1833), directeur caisse d’épargne (1837), administrateur d’une S.A. (1838), directeur Crédit foncier (1851), directeur d’une S.A. (1853), membre conseil administration S.A.R.L. (1859), commissaire S.A.R.L. (1865), conseil de surveillance d’une société en commandite (1865), membre d’un comité d’obligataires (1874), chef de contentieux (1925) ”. Pour les fonctions publiques, l’A. fournit la liste suivante : “ les fonctions judiciaires (1810), préfet et sous-préfet (1810), greffier, notaire, avoué (1810), clerc d’avoué (1811), ancien huissier (1827), employé ministère finances (1828), huissier de chambre du roi (1829), ancien commissaire de police (1831), état militaire (1831), maître des requêtes au conseil d’Etat (1833), chef de bureau à la préfecture (1838), attaché ministère intérieur (1841), secrétaire général préfecture (1845), professeur faculté de lettres (1845), arbitre rapporteur tribunaux (1848), rédacteur ministère justice (1862), chef cabinet du préfet, du ministre (1877), fonctionnaire S.D.N. (1925) ”.
1394 Fernand LABORI, Dictionnaire encyclopédique du droit français, op. cit., tome 2, v° AVOCAT, p. 72 : L’a relève qu’il s’agit principalement des professions d’agent d’affaires, d’huissier, commissaire de police, de la situation de failli, de condamné et de prêtre.
1395 Ibid., p. 73. L’a cite dans cette deuxième catégorie, les fonctions de l’ordre judiciaire, à l’exception de celle de juge suppléant, les fonctions publiques telles que préfet, sous-préfet...etc. L’a. rappelle également que l’article 42 de l’ordonnance du 20 novembre 1822 “ établit ensuite l’incompatibilité de la profession d’avocat avec celle de notaire et d’avoué, avec les emplois à gage, ceux d’agent comptable... ”.
1396 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 3 (fo non numérotés) : Délibération du Conseil de Discipline en date du 9 novembre 1831.
1397 Ibid.
1398 Ibid.
1399 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 3 (fo non numérotés) : Délibération du Conseil de Discipline en date du 17 novembre 1831.
1400 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 3 (fo non numérotés) : Délibération du Conseil de Discipline en date du 25 février 1834.
1401 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 5 (fo non numérotés) : Délibération du Conseil de Discipline en date du 30 novembre 1852.
1402 Ibid.
1403 Ibid.
1404 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 5 (fo non numérotés) : Délibération du Conseil de Discipline en date du 31 décembre 1852.
1405 Ibid.
1406 Ibid.
1407 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 5 (fo non numérotes) : Délibération du Conseil de Discipline en date du 18 janvier 1853.
1408 Ibid.
1409 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 5 (fo non numérotés) : Séance du 29 juin 1853.
1410 Ibid.
1411 Ibid.
1412 Ibid.
1413 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 7 (fo non numérotés) : Délibération du Conseil de Discipline en date du 17 janvier 1873.
1414 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 7 (fo non numérotés) : Délibération du Conseil de Discipline en date du 25 janvier 1873 : “ Me Morel est introduit et M. le Bâtonnier lui communique les faits qui lui sont reprochés (...) de s’être livré à divers actes commerciaux tels que signature de traités, fréquentation de la Bourse (...) Me Morel fournit des explications au sujet de ces divers faits et il est ensuite invité à se retirer. Le Conseil décide après en avoir délibéré, que Me Morel sera cité à comparaître à la séance du Conseil qui se tiendra le 4 février prochain à l’effet de fournir les moyens de défense sur les faits qui lui sont reprochés ”.
1415 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 7 (fo non numérotés) : Délibération du Conseil de Discipline en date du 18 février 1873.
1416 Ibid.
1417 Lucien KARPIK., Les avocats entre l’Etat, le public et le marché, op. cit., p. 154.
1418 A.O.A. MARSEILLE, C.B., vol. 3 (fo non numérotés) : Circulaire en date du 24 mai 1859.
1419 Ibid.
1420 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 6 (fo non numérotés) : Séance du 15 mars 1860.
1421 A.O.A. MARSEILLE, C.B., vol. 3 (fo non numérotés) : Lettre en date du 18 décembre 1860.
1422 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 6 (fo non numérotés) : Séance en date du 22 mars 1861.
1423 Lucien KARPIK, Les avocats entre l’Etat, le public et le marché, op. cit., p. 154 : L’a. note, à l’échelle nationale, que “ un arrêté de 1865 prend ici une valeur essentielle. Reprenant partiellement la teneur de décisions antérieures, il transgresse la forme habituelle du jugement et pose, par une véritable loi générale, l’incompatibilité de la profession d’avocat avec les fonctions au sein des sociétés ”. L’a. note que la justification de l’élargissement et de la généralisation de cette incompatibilité réside dans la volonté des barreaux d’écarter définitivement “ les anciens agents d’affaires et les fonctions assimilées, la raison donnée (...) tient aux habitudes qui auraient été prises et qui ne pouvaient plus céder que difficilement aux exigences des règles du barreau (...) présomption absolue à l’égard de ceux qui se sont consacrés aux activités commerciales et y auraient acquis une disposition durable contradictoire avec l’esprit de la profession ”.
1424 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 9 (fo non numérotés) : Séance du 4 novembre 1881.
1425 Ibid. : “Me Guigou est président du conseil d’administration de la société de l’imprimerie marseillaise et membre du comité consultatif du Crédit de France. Me Meynier est membre du conseil d’administration des eaux de Valz. Me Bournet, président du conseil d’administration du Journal de Marseille et de son imprimerie. Mes Sylvestre et Rostand, membres de ce même conseil. Me Estier appartenait, il y a peu de temps encore au conseil de surveillance du Crédit Marseillais...[etc.] ”.
1426 Ibid.
1427 Ibid.
1428 Ibid.
1429 Moins de dix ans plus tard, l’incompatibilité est encore rappelée expressément par une délibération du conseil, qui à la question “ Y a-t-il lieu dorénavant d’interdire aux membres de l’Ordre d’accepter dans les sociétés anonymes ou en commandite par actions, en outre des fonctions d’administrateur, ou de membre du conseil de surveillance, toutes celles de commissaires ? ”, répond par l’affirmative “ à l’unanimité ”, Voir A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 9 (fo non numérotés) : Séance du 15 novembre 1889.
1430 Lucien KARPIK, Les avocats entre l’Etat, le public et le marché, op. cit., p. 155.
1431 Ibid.
1432 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 4 (fo non numérotés) : Séance en date du 20 mai 1848. Voir à ce sujet, l’article 42 du Titre IV de l’Ordonnance du 20 novembre 1822 qui dispose que “La profession d’avocat est incompatible avec toutes les fonctions de l’ordre judiciaire à l’exception de celle de suppléant... ”.
1433 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 7 (fo non numérotés) : Séance du 14 janvier 1874.
1434 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 9 (fo non numérotés) : Séance du 31 janvier 1902.
1435 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 7 (fo non numérotés) : Séance du 19 décembre 1871.
1436 Ibid.
1437 Ibid.
1438 Lucien KARPIK, Les avocat entre l’Etat, le public et le marché, op. cit., p. 156 : “l’Ordre à partir d’une série initiale d’incompatibilités (avec les fonctions de magistrats, de préfets, de sous-préfets, celles de greffiers, de notaires et avoués) instaure, à la seule exception des fonctions politiques, une séparation rigide entre les avocats et l’ensemble des fonctions publiques et parapubliques (administration, justice, armée, officiers ministériels) ”.
1439 Ernest CRESSON, Usages et règles de la profession d’avocat, éd. Larose & Forcel, Paris, 2 tomes, 1888. Voir Tome 1, p. 54, l’a. écrit sur les deux seules libertés compatibles avec la profession d’avocat : “par respect pour la liberté de penser, il lui sera permis de conserver le commerce des lettres ; aucune règle ne limite la liberté du citoyen, il pourra donc, sans contestation, choisir un rôle indépendant dans la vie politique ”.
1440 Lucien KARPIK, op. cit., p. 156.
1441 Il existe d’autres interdictions, moins fondamentales et différemment sanctionnées selon les époques et les barreaux, mais nous nous concentrons ici sur la pratique déontologique marseillaise.
1442 Yves OZANAM, L’Ordre des avocats à la Cour d’Appel de Paris vu par ses Bâtonniers : analyse d’un siècle de discours de rentrée (1810 - 1910), op. cit., p. 143. L’a. cite un discours de Cresson (réf : Cresson, discours de rentrée en date du 25 novembre 1889).
1443 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 4 (fo non numérotés) : Séance du 31 octobre 1839.
1444 Ibid.
1445 Fait exceptionnel dans les recueils de délibération du conseil de discipline, son nom n’est jamais mentionné.
1446 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 4 (fo non numérotés) : Séance du 31 octobre 1839.
1447 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 5 (fo non numérotés) : Séance du 8 décembre 1849.
1448 Ibid.
1449 Ibid. : “ Vu la délibération du 31 octobre 1839 rendue à l’unanimité et statuant qu ‘aucun avocat ne pourra se permettre de placer à la porte de son domicile des plaques portant son nom et sa profession (...) Que déjà, le conseil de l’Ordre s’est prononcé en ce sens par délibération précitée en date du 31 octobre 1839 ”.
1450 Ibid.
1451 Ibid.
1452 Yves OZANAM, L’Ordre des avocats à la Cour d’Appel de Paris vu par ses Bâtonniers : analyse d’un siècle de discours de rentrée (1810 - 1910), op. cit., p. 140. L’a. cite un discours du Bâtonnier Pouillet qui condamne sans appel la recherche de clientèle et la réclame, en écrivant : “ tout le monde est d’accord pour flétrir l’avocat famélique qui s’avilirait jusqu ‘à mendier des affaires auprès des gardes du Palais, aux abords de la police correctionnelle, ou auprès des greffiers dans les prisons (...) vous avez pu lire, cette année même, dans un journal très répandu, un article qui, sous prétexte de rajeunir nos statuts démodés, demandait que l’avocat puisse au moins mettre un écriteau sur sa porte ou une enseigne à sa fenêtre pour tirer l’œil du client qui passe, ou encore qu’il ait le droit d’insérer des annonces dans les journaux, de distribuer des prospectus pour faire ses offres de service au public, sans doute avec le tarif des prix pour consultations ou pour plaidoiries (...) Quel fond pourrait-on faire sur le désintéressement et l’impartialité d’un homme animé d’un aussi âpre désir de produire ? (...) la dignité du caractère chez l’avocat est la garantie de la conscience qu ‘il apporte dans l’étude des affaires, et la raison même de la confiance qu ‘il inspire au client comme au juge (...) chassons impitoyablement les coureurs d’affaires qui voudraient faire de notre profession un négoce et de la clientèle un gibier, bon à capturer par tous les moyens. En tous cas, soyez sûrs que la grande affaire ne vous viendra jamais par cette voie-là ”. (réf : Pouillet, discours de rentrée du 21 novembre 1896).
1453 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 10 (fo non numérotés) : Séance en date du 12 janvier 1894.
1454 Ibid.
1455 Ibid.
1456 Ibid. : il s’agit de celle de Me Pélissier.
1457 Ibid.
1458 Ibid. : le Bâtonnier souligne d’ailleurs qu’il n’a été avisé qu’une fois le fait accompli et que “prévenu à l’avance, il eût dissuadé très catégoriquement Me Autran de son projet ”.
1459 Ibid.
1460 Ibid.
1461 Ibid.
1462 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 10 (fo non numérotés) : Séance en date du 23 janvier 1894.
1463 Ibid.
1464 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 10 (fo non numérotés) : Séance en date du 16 février 1894 : Me Fournier reçoit injonction de la part du conseil d’enlever la plaque qu’il avait apposée à la porte de son cabinet, et refuse de s’y conformer. Il faut toutefois noter qu’il finira par accepter de retirer ladite plaque le mois suivant, voir A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 10 (fo non numérotés) : Séance en date du 9 mars 1894.
1465 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 10 (fo non numérotés) : Séance en date du 16 février 1894.
1466 Ibid. : Me Autran expose qu’il "s’était décidé à se rendre à l’injonction qui lui était adressée lorsque une circonstance fortuite - la rencontre d’un clerc lui portant une lettre, ne sachant où la remettre et renseigné enfin par la plaque mise sur la porte - lui a démontré combien le maintien de cette plaque était pour lui chose nécessaire ".
1467 Ibid.
1468 Ibid. : Me Autran, bravache, ajoute que, " malgré la déférence qu ‘il doit au conseil, il conservera donc sa plaque ".
1469 Ibid.
1470 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 10 (fo non numérotés) : Séance en date du 6 avril 1894.
1471 Ibid.
1472 ibid.
1473 Ibid.
1474 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 10 (fo non numérotés) : Citation en date du 13 avril 1894 : "...je vous cite à comparaître à la séance que le conseil tiendra le mardi vingt-quatre avril courant à neuf heures et demie du matin, au Palais de justice aux fins d’y statuer sur votre opposition... ", écrit le Bâtonnier à Me Autran.
1475 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 10 (fo non numérotés) : Séance en date du 24 avril 1894 : " Me Autran ne se présente pas. Sur quoi, le conseil après en avoir délibéré, Donne défaut contre Me Autran. Le reçoit en la forme en son opposition contre la décision rendue le 6 avril courant [et] Au fond et par les mêmes motifs l’en déboute et confirme ladite décision dans ses forme et teneur... ".
1476 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 10 (fo non numérotés) : Séance en date du 26 avril 1894.
1477 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 10 (fo non numérotés) : Séance en date du 8 mai 1894 : " M. le Bâtonnier informe le conseil que Me Autran par une lettre à lui adressée le 1ier mai, a émis appel de la décision rendue à son encontre le 24 avril... ".
1478 Ibid. : " Sont désignés pour faire partie de cette commission, avec M. le Bâtonnier, Me Suchet et Me Drogoul... ".
1479 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 10 (fo non numérotés) : Séance en date du 22 mai 1894 : “ Me Autran indique à ce sujet au conseil sur l’interpellation de M. le Bâtonnier que M. l’Avocat général Furby a conclu à la réformation de la décision rendue contre lui et que la Cour a jugé dans un sens, par un arrêt d’ailleurs très brièvement motivé ”, soulignant par là l’évidence de son bon droit.
1480 Ibid.
1481 Ibid. : “ Mes Suchet et Drogoul sont nommés membres de cette commission ”.
1482 Ibid.
1483 Ernest CRESSON, Usages et règles de la profession d’avocat, jurisprudence, ordonnances, décrets et lois, op. cit., Tome I, p. 305 et suivantes.
1484 Ibid., p. 305.
1485 ibid.
1486 A.O.A. MARSEILLE, C.B., vol. 3 (fo non numérotés) : Lettre en date du 1er mars 1861 à Me Espagne.
1487 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 6 (fo non numérotés) : Séance en date du 17 septembre 1867.
1488 Ibid.
1489 Ibid.
1490 A.O.A. MARSEILLE, C.B., vol. 3 (fo non numérotés) : Lettre en date du 4 décembre 1869 à M. Olivier.
1491 Lucien KARPIK, op. cit., p. 159, in “ L’économie de la modération et le désintéressement ”.
1492 Ernest CRESSON, op. cit., tome 1, p. 394.
1493 Yves OZANAM, Avocat, préfet de police et déontologue : le Bâtonnier Ernest Cresson, R.S.I.H.P.A., n°10, 1998, p. 242.
1494 Philippe MORANT, La littérature française du xixème siècle comme source de l’histoire de la profession d’avocat, R.S.I.H.P.A., n°3, 1991, p. 112. Il s’agit du cabinet de Me Fraisier dans “ Le cousin Pons ”.
1495 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 7 (fo non numérotés) : Séance en date du 24 novembre 1873.
1496 Ibid.
1497 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 7 (fo non numérotés) : Circulaire du 27 novembre 1873.
1498 Ibid.
1499 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 8 (fo non numérotés) : Séance en date du 4 mai 1876.
1500 Ibid.
1501 Ibid. : “ l’amendement est mis aux voix [et] rejeté à la majorité de 8 voix contre 4 et 2 abstentions ”.
1502 Ibid.
1503 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 7 (fo non numéorotés) : Séance en date du 15 juillet 1871 ; A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 8 (fo non numérotés) : Séance en date du 4 mai 1876 : à la question “faut-il maintenir la règle établie par la délibération du 15 juillet 1871 qui interdit à l’avocat de prêter son ministère à un client qui n’a pas désintéressé un de ses confrères ? ”, le Conseil répond oui et “ vote à la majorité le maintien de cette règle ”.
1504 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 10 (fo non numérotés) : Séance du 16 mars 1894.
1505 Ibid.
1506 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 9 (fo non numérotés) : Séance du 30 juin 1882.
1507 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 9 (fo non numérotés) : Séance du 22 avril 1880.
1508 Ibid.
1509 Ibid.
1510 Ibid.
1511 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 9 (fo non numérotés) : Séance du 21 avril 1882.
1512 Toutefois, cette exigence légale de l’aide juridictionnelle, si elle n’est pas contestée dans son principe, car relevant des traditions professionnelles les plus fortes, fait l’objet d’une critique vive des jeunes avocats qui, au nom des circonstances, invoquent les problèmes matériels qu’engendre pour eux son application. Voir à ce sujet, la Motion du Barreau de Marseille relative à l’aide juridictionnelle, s.l.n.d. [2001] : " La mission de notre profession est d’assurer le conseil et la défense pour tout citoyen dans des conditions identiques, assurant ainsi l’égalité de tous devant la loi ainsi qu’un égal accès au droit et au juge (...) Le barreau de Marseille n ‘a jamais failli à cette mission fondamentale, quelles que soient les difficultés auxquelles il a été confronté. La situation économique est cependant devenue une réalité incontournable et, à cet égard, les pouvoirs publics n’ont jamais apporté une réponse satisfaisante. Elle n’est actuellement plus supportable, tant pour le citoyen que pour l’avocat (...) La loi du 15 juin 2000 prévoit la présence de l’avocat dès la première heure de garde à vue sans même prévoir une quelconque indemnisation. Les difficultés économiques actuelles font en sorte également qu’une part sans cesse grandissante de la population est fondée à requérir l’aide ainsi proposée. Les avocats ne peuvent plus intervenir dans les conditions qui sont les leurs... ", p. 1.
1513 DUVERGIER, op. cit., tome 17, p. 236 : Décret du 14 décembre 1810.
1514 DUVERGIER, op. cit., tome 51, pp. 16-27. L’article 2 de la loi évoque les modalités de formation du bureau d’assistance judiciaire.
1515 Yves OZANAM, L’Ordre des avocats à la Cour d’Appel de Paris vu par ses Bâtonniers : analyse d’un siècle de discours de rentrée (1810 - 1910), op. cit., p. 148. L’a. cite Gaudry. (réf : Gaudry, discours de rentrée du 29 novembre 1851).
1516 A.O.A. MARSEILLE, B.C.G., vol. 1 (1825 - 1840).
1517 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 3 (fo non numérotés) : Séance du 15 juillet 1825 et du 11 janvier 1827.
1518 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 3 (fo non numérotés) : Séance du 15 juillet 1825.
1519 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 3 (fo non numérotés) : Séance du 11 janvier 1827.
1520 Ibid.
1521 A.O.A. MARSEILLE, B.C.G., vol. 1 (1825 - 1840).
1522 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 3 (fo non numérotés) : Séance du 15 juillet 1825 : la délibération précise également que les indigents “ pourront s’adresser aux membres de ce bureau qui visitent une fois par semaine la maison d’arrêt. Ils pourront également faire parvenir leur demande au Bâtonnier ou au président du bureau de consultation gratuite ”.
1523 A.O.A. MARSEILLE, C.B., vol. 1, fo 106 : Lettre en date du 13 novembre 1828 à Messieurs les membres du bureau de consultations gratuites.
1524 . A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 6 (fo non numérotés) : Séance du 31 octobre 1866.
1525 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 7 (fo non numérotés) : Séance du 11 novembre 1872 : “ le Conseil nomme Me Onfroy président et Mes (...) secrétaires et membres du bureau ”.
1526 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 7 (fo non numérotés) : Séance du 24 décembre 1872 : “ M. le Bâtonnier expose que M. le Président du Bureau de consultations gratuites demande au Conseil qu’un crédit lui soit ouvert pour faire face à quelques menus frais indispensables pour le fonctionnement de ce bureau. Le conseil décide qu’une somme de cent francs sera mise à cet effet à la disposition de M. le président du Bureau de consultations gratuites ”.
1527 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 11 (fo non numérotés) : Séance du 27 octobre 1899.
1528 Ibid.
1529 Ibid. : “ Mes Suchet et Bergasse ” en sont les deux membres.
1530 Jean-Pierre ROYER, Histoire de la Justice en France, op. cit., pp. 515-535.
1531 A.O.A. MARSEILLE, C.B., vol. 2 (fo non numérotés) : Lettre du 26 juin 1853 à Monsieur le Ministre de la Guerre.
1532 Ibid.
1533 Ibid.
1534 A.O.A. MARSEILLE, C.B., vol. 2 (fo non numérotés) : Lettre du 25 novembre 1854 à Messieurs les avocats stagiaires.
1535 A.O.A. MARSEILLE, C.B., vol. 2 (fo non numérotés) : Lettre du 28 août 1857 à Monsieur le commissaire impérial près le Conseil de Guerre à Marseille.
1536 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 8 (fo non numérotés) : Séance du 9 juillet 1875.
1537 Ibid. : “Le Conseil adopte la proposition de M. le Bâtonnier en le priant de s’entendre avec M. le président de la Chambre des Flagrants Délits, pour prendre de concert avec lui, toutes les mesures nécessaires... ”.
1538 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 10 (fo non numérotés) : Circulaire du 8 décembre 1891.
1539 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 11 (fo non numérotés) : Circulaire du 25 novembre 1897.
1540 Ibid.
1541 Ibid.
1542 Fernand LABORI, Dictionnaire encyclopédique du droit français, op. cit., tome 2, v° AVOCAT, p. 72.
1543 Ibid. L’a. note que cette disposition est reprise dans les articles 11 et 12 du décret du 14 décembre 1810, les articles 5 et 45 de l’ordonnance du 20 novembre 1822.
1544 Ibid. L’a. précise que l’avocat ne doit habiter “ ni un hôtel garni, ni une chambre garnie, ni une (...) chambre meublée ”.
1545 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 6 (fo non numérotés) : Séance du 15 décembre 1859.
1546 Ibid.
1547 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 6 (fo non numérotés) : Séance du 5 mai 1866.
1548 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 6 à 11 : Tableaux de l’Ordre des avocats de Marseille.
1549 Fernand LABORI, Dictionnaire encyclopédique du droit français, op. cit., tome 2, v° AVOCAT, p. 72.
1550 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 6 (fo non numérotés) : Séance du 7 avril 1868.
1551 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 7 (fo non numérotés) : Séance du 26 juillet 1870.
1552 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 9 (fo non numérotés) : Séance du 19 juillet 1884.
1553 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 10 (fo non numérotés) : Séance du 7 novembre 1892.
1554 Une rigueur qui s’applique alors même que le Bâtonnier assiste aux séances du conseil de discipline et les préside ordinairement. Cette faculté du chef de l’Ordre lui a été récemment retirée en application du critère de “ jugement équitable ” prôné par le Règlement Intérieur Harmonisé (R.I.H.) adopté par le Conseil National des Barreaux (C.N.B) les 26 et 27 mars 1999. Les avocats ont mal lu leur histoire, ou n’ont pas su la faire valoir. Voir l’article de Jean-Michel BRAUNSCHWEIG, La discipline des avocats. L’exigence : un procès équitable, Revue nationale des barreaux, n° 61/62, juillet-décembre 2000, pp. 191-199.
1555 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 8 (fo non numérotés) : Séance du 24 décembre 1874.
1556 Ibid.
1557 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 8 (fo non numérotés) : Séance du 5 janvier 1875.
1558 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 6 (fo non numérotés) : Séance du 6 octobre 1859.
1559 ibid.
1560 ibid.
1561 Yves OZANAM, Avocat, préfet de police et déontologue : le Bâtonnier Ernest Cresson, op. cit., p. 238 : citant Cresson, l’a. écrit : “L’avocat ne peut rien faire qui puisse déshonorer sa profession ; toute action qui le rend indigne de communiquer avec ses confrères leur donne le droit de l’expulser du tableau. Aucune distinction n’est à faire entre les actes honteux commis dans l’exercice, ou hors de l’exercice de la profession. L’avocat et l’homme privé doivent être honorables ”.
1562 BIARNOY De MERVILLE Pierre, Règles pour former un avocat, tirées des plus célèbres auteurs anciens et modernes. Auxquelles on a adjoint une histoire abrégée de l’ordre des avocats par Antoine Gaspard Boucher d’Argis, Paris, Durand, 1778 (nouvelle édition, la première date de 1711).
1563 Yves OZANAM, L’Ordre des avocats à la Cour d’Appel de Paris vu par ses Bâtonniers : analyse d’un siècle de discours de rentrée (1810 - 1910), op. cit., p. 144. L’a. cite un discours de Berryer (réf : Berryer, discours de rentrée du 9 décembre 1852).
1564 Ibid., p. 144. L’a. cite encore Berryer (réf : Berryer, discours de rentrée du 9 décembre 1852).
1565 C’est une constante de la déontologie du barreau parisien au xixème siècle, voir Yves OZANAM, Avocat, préfet de police et déontologue : le Bâtonnier Ernest Cresson, op. cit., p. 239 : citant Cresson, l’a. écrit “ Au Barreau de Paris, tout mandat, même verbal, même gratuit, accepté par l’avocat constitue une faute ”.
1566 Yves OZANAM, L’Ordre des avocats à la Cour d’Appel de Paris vu par ses Bâtonniers : analyse d’un siècle de discours de rentrée (1810 - 1910), op. cit., p. 145. L’a. cite un discours du bâtonnier Devin (réf : Devin, discours de rentrée du 18 novembre 1899).
1567 A. DAMIEN, Essai sur la vie quotidienne des avocats du temps passé, op. cit., p. 320.
1568 Pierre Le COINTE, Eloge de Ernest Cresson, Discours prononcé à l’ouverture de la Conférence des avocats, le 2 décembre 1905, Paris, éd. Alcan-Lévy, 1905, p. 5.
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