Chapitre I. Une lente renaissance de la profession
p. 259-326
Texte intégral
1Entre 1790 et 1810, l’Ordre des Avocats n’existe plus : s’enracinant dans le passé, et malgré le “ progressisme ” de la plupart de ses membres, il gênait l’œuvre révolutionnaire. Pendant vingt ans, les auxiliaires de justice se voient attribuer divers statuts et dénominations, et sont tout sauf des avocats. L’Ordre, au sens strict du terme, ne réapparaît, très logiquement, que lorsque la Révolution est déclarée officiellement accomplie, ce qu’annoncent trois consuls dans leur première déclaration du 15 décembre 17991054. L’instauration d’un nouveau régime qui se veut à la fois l’héritier des acquis révolutionnaires et le contempteur des excès de la Terreur, une sorte d’ancrage de l’idéal dans la réalité, permet le retour officiel des avocats sur la scène judiciaire.
2Mais, cette présentation générale doit être immédiatement nuancée, tant en amont qu’en aval, car, au regard de la particularité des avocats de Marseille, elle n’est qu’une énonciation de principe qui ne reflète pas toute la réalité historique. Elle n’est qu’un raccourci qui, pour demeurer pertinent sur le plan local, doit s’accompagner de deux importants correctifs. D’une part, malgré l’absence supposée de structures collectives pendant la période concernée, les avocats de Marseille, en tant que professionnels de la défense et en tant qu’acteurs politiques, conservent un rôle plus que relatif, comme en témoigne en 1806, une certaine Affaire des Avocats, dont les rebondissements multiples parviennent jusqu’à l’Empereur lui-même (I). D’autre part, parce que, malgré son caractère officiel, la résurrection des ordres d’avocats en 1810, reste illusoire sur le plan local comme sur celui national, et n’apparaît en définitive, que comme l’un des prémices d’une véritable rennaissance qui doit encore s’accomplir (II). Ces deux aspects, chacun à leur manière, apportent une nuance éclairante sur la situation des avocats durant cette période transitoire.
3Le caractère éminemment local de l’Affaire et la dimension inévitablement nationale du rétablissement des barreaux en 1810, nous permettront d’appréhender la spécificité des avocats marseillais et de révéler l’inanité de toute présentation tranchée qui se voudrait commune à tous les barreaux. La période est obscure, et son étude se doit d’être ouverte, prospectrice. Ensuite, à la faveur de la restauration monarchique, puis de la Monarchie de Juillet, les ordonnances fondamentales de 1822 et de 1830, viendront, par le jeu d’une libéralisation, ensemencer les structures rétablies par l’Empire, leur permettant de développer toute leur force, redonnant aux avocats tout à la fois leur indépendance sacrée et leur liberté chérie (III).
I - L’AFFAIRE DES AVOCATS DE 1806 : LES PRÉMICES D’UNE RENAISSANCE ?
4L’Affaire des Avocats : une dénomination à la fois confuse et mystérieuse, qui pourtant apparaît telle quelle dans la liasse des Archives Nationales où ses différentes pièces ont été rassemblées1055. Les éléments principaux de cette affaire sont cependant des plus classiques, tant sur le plan factuel que conceptuel. En effet, l’Affaire ne naît pas d’une quelconque difficulté de technique juridique, mais bien plutôt de l’impact politique donné à son déroulement judiciaire.
5La personnalité et la qualité de ses principaux acteurs, au premier rang desquels se trouvent l’un des maires de Marseille et deux anciens avocats de l’ancien barreau de la même ville, expliquent, pratiquement à elles seules, son caractère exceptionnel.
6Pour en saisir les ressorts et les conséquences, on doit exposer successivement les événements qui ont présidé à la naissance de cette Affaire (§ 1), le déroulement de la procédure judiciaire et les différentes interventions qui en ont fait ce qu’elle est (§ 2) et sa portée, tant sur le plan politique que professionnel, qui démontre la vivacité d’un barreau fantôme, mais toujours agissant (§ 3).
§ 1 : L’Affaire des Avocats de 1806 dans les faits
7Plusieurs documents de la Liasse des Archives Nationales évoquent les faits, mais fort peu nombreux sont ceux à les rapporter in extenso. Plus précisément, seuls deux d’entre eux contiennent une exposition claire des événements advenus lors de l’audience du tribunal civil de Marseille : il s’agit de deux lettres adressées au Ministre de la Justice, l’une par le Procureur impérial de Marseille1056, en date du 12 nivôse an XIII, et l’autre par le Président du Tribunal Civil1057, en date du 10 thermidor an XIII. D’autres pièces, bien que plus lacunaires, sont également intéressantes au regard des faits, dont elles proposent de légères variantes : ainsi, une autre lettre du Procureur impérial au Ministre de la Justice1058, datant du 10 thermidor an XIII, à laquelle il faudrait adjoindre une lettre du Préfet des Bouches-du-Rhône1059 et une lettre du sieur Granet, maire de Marseille et lui-même partie au procès, toutes deux adressées au Ministre de la Justice1060. La meilleure façon d’opérer est d’extraire les éléments factuels de ces pièces, pour les présenter de façon purement chronologique.
8L’Affaire des Avocats n’est, au départ, qu’une banale affaire de divorce, pendante devant le Tribunal Civil de Marseille, et qui n’a de particulier que le nom et la qualité de ses parties : la Dame Eymar épouse Granet contre le Sieur Omer Granet1061, l’un des anciens maires de Marseille et adjoint au maire en fonction au moment du procès.
9Exactement, la Dame Eymar épouse Granet, si l’on en croit la relation qui en est faite au Ministre de la Justice par le procureur impérial présent à l’audience1062, conteste le motif de divorce avancé par son mari. Ce dernier cherche, en effet, à le faire prononcer “pour cause d’incompatibilité d’humeur et de caractère ”1063. La dame Eymar, par une demande incidente, formule trois autres requêtes : premièrement, la cassation des “procès-verbaux d’assemblée de parents ou amis, comme illégaux et contraires aux dispositions de la loi du 20 septembre 1792 ”1064 ; deuxièmement, que son mari soit privé “ de l’éducation de deux enfants issus de leur union ”, en affirmant qu’il en est, et c’est important de le relever dès maintenant, “ indigne ”, vivant “ publiquement ” avec une autre femme1065 ; troisièmement, qu’il lui soit accordé par le tribunal, “ une provision pour elle et ses enfants si elle était chargée de leur éducation, nourriture et entretien ”. Le sieur Granet, quant à lui, demande le déboutement de la contestation et des prétentions de son épouse. En l’état, l’affaire est portée à l’audience et “ longuement plaidée ”, ce qui s’explique sans nul doute par sa nature et par le contexte, le Procureur lui-même évoquant “ l’aigreur qui devait régner entre les parties ”1066. Chaque partie est représentée par un avoué : Seytres, lui-même ancien membre du barreau de Marseille, est l’avoué de la dame Eymar, tout comme Dessoliers, promis à un brillant avenir1067, est l’avoué postulant et plaidant pour le sieur Granet. C’est la plaidoirie de Seytres en faveur de la dame Eymar qui provoque l’incident à l’origine de l’Affaire.
10Dans cette première audience, Seytres s’attache à démontrer l’indignité de Granet, dans le but de faire confier la garde et l’éducation des enfants nés du mariage, exclusivement à leur mère. A cet effet, à l’appui des prétentions de la dame Eymar et “ en présence de celle-ci ”1068, l’avoué affirme que Granet vit publiquement “ en concubinage avec la nommée Miette Pourcel ”, et ajoute qu’un enfant serait né de cette relation, et que Granet l’aurait fait “ inscrire à l’état-civil sous le nom d’Adorat ”. L’avoué de Granet dément immédiatement cette affirmation : il n’existe rien de tel dans les registres de l’état-civil.
11Dans sa réplique, Seytres affirme alors que
“ s’il était vrai, comme le lui faisait soutenir sa cliente (...) que dans le mois de fructidor ou de vendémiaire derniers, il eut été présenté à l’état-civil un enfant qui fut inscrit sous le nom d’Adorat, comme issu des œuvres du sieur Granet et qu’il fut vrai aujourd’hui qu’il n’existe rien de pareil dans les registres de l’état-civil, il fallait écrire que ce qui avait existé avait disparu en touchant les registres de la baguette magique”1069.
12Par un réquisitoire, le procureur impérial lui-même intervient et demande que le tribunal ordonne la vérification des registres1070. Il en résulte que non seulement “ il n’existe aucun enfant sous le nom de Granet ”1071 dans les registres, mais que de surcroît, ceux-ci n’ont subi ” aucune altération ”1072. La dame Eymar est, par ailleurs, déboutée de sa demande de cassation des procès-verbaux1073.
13Mais, la Dame Eymar avait aussi demandé que son mari soit condamné “ à lui remettre des meubles et effets pour l’ameublement d’un appartement et une provision de mille francs “. Celui-ci exige en retour, et auparavant, la remise par son épouse de ” trois médailles que le premier consul“1074 lui aurait données en gage de souvenir. L’avoué Seytres, plaidant toujours pour la dame Eymar, s’exclame à l’audience :
“ qu’il était bien étonnant que le sieur Granet eût oublié pendant plus de huit mois les trois médailles (...) et que ce ne soit que lorsque son épouse lui demandait quelques meubles, quelques hardes, pour couvrir sa nudité et une provision pour ne pas mourir de faim, qu’il se rappelait les trois médailles... ”1075.
14Et, Seytres ajoute, au sujet d’une attestation de parenté qui fut réclamée par Dame Eymar à “ un cousin du sieur Granet ”, que :
“ ce parent avait fait une réponse vague qui se ressentait de l’effroi et du trouble que lui avait causé cette signification qui lui rappelait le nom d’Omer Granet avec lequel il ne frayait pas depuis longtemps, de cet homme à large tête et à barbe à trois couleurs ”1076 .
15A ce stade de la procédure, le président du tribunal interrompt Seytres et lui demande s’il fait allusion “ aux trois couleurs nationales ”. L’avoué répond alors qu’il n’était pas dans son intention de “ tourner en dérision les couleurs nationales, que personne n’avait plus de respect que lui pour ce signe de la liberté française... ”1077.
16Malgré cette justification hâtive, le débat vient clairement de glisser du judiciaire au politique, en raison même des antécédents politiques de Granet, et de la personnalité de l’avoué Seytres. L’audience suivante ne fait que confirmer cette dérive qu’aucune des deux parties n’entend mettre entre parenthèses, tout au contraire.
17Une lettre que le président du Tribunal Civil écrit lui-même au Ministre de la Justice1078, le 10 Thermidor an XIII, relate les événements survenus à l’audience du Tribunal Civil du 14 messidor an XIII, qui suit la précédente, et qui voit s’opposer “M Granet assisté de Mes Cirlot avoué et Jaume avocat ” et “ Me Capus le jeune, défenseur de la Dame Eymar épouse Granet, et l’avoué Seytres qui se défendoit en personne ”1079.
18Me Capus le jeune prenant la parole pour la Dame Eymar, s’exprime ainsi : “Le sieur Granet a osé citer Louis XVI, il a osé troubler la cendre de ce prince malheureux ”1080. Effectivement, le sieur Granet aurait dit à l’audience :
“ qu’un magistrat injustement calomnié obtiendrait sous le règne de Napoléon le Grand la même justice que sous le règne de Louis XVI ”1081,
19Et Me Capus aurait exactement répondu :
“ Vous avez parlé de Louis XVI, je suis surpris de trouver son nom dans votre bouche. Pourquoi troubler les mânes de ce prince malheureux ? ”1082.
20A ces mots, le président du tribunal regarde fixement Me Capus, qui changeant de sujet, conserve néanmoins ” la véhémence de son ton “1083. La Cour le prévient alors, par son président, qu’elle ne veut plus ” d’écarts [sur] des événements sur lesquels il falloit laisser tomber le voile du temps ”1084. Mais, renvoyant non seulement la faute de ces écarts sur le sieur Granet1085, le défenseur de Dame Eymar poursuit encore en donnant la définition du mot “factieux ” qui, dit-il, “ avait été le prénom révolutionnaire du sieur Granet ”1086 et termine ainsi sa plaidoirie.
21L’avoué Seytres se lève à son tour et prenant la parole, demande au tribunal “ la permission de raconter un rêve ” qu’il aurait fait la nuit précédente. Et, immédiatement, il poursuit : “j’ai rêvé que j’étais sur une MONTAGNE... ”1087.
22Le président du Tribunal interrompt aussitôt Seytres, et le rappelle à l’ordre1088, mais celui-ci s’obstine en affirmant que, sur cette montagne allégorique, “ ...il y avoit des loups dévorants et de faibles brebis, mais il y avoit des chiens courageux (...) et lui, Seytres étaient de ceux-là... ”1089, formulation qui désigne implicitement Granet comme un prédateur.
23A ce stade, l’audience est interrompue, et les deux défenseurs de la Dame Eymar sont arrêtés, par décision du préfet de police, en raison de “ l’impression fâcheuse que ces scènes [ont] produite dans Marseille ”1090, et vraisemblablement en application de la législation impériale qui prévoit que le défenseur ne doit jamais, dans sa plaidoirie, “ s’écarter du respect dû aux tribunaux et aux autorités publiques ”1091.
24Les interprétations des événements, les interventions politiques, n’appartiennent plus au strict domaine des faits. Ces derniers doivent être dépassés pour entrer de plain-pied dans l’analyse raisonnée de l’Affaire des Avocats elle-même. Bien au-delà d’une simple procédure de divorce, elle pose la question, politique et professionnelle, de la place du défenseur et de sa liberté de parole.
§ 2 : L’Affaire des Avocats : une question artificiellement politique ?
25D’une certaine manière, c’est une lettre, peut-être trop hâtive, du Ministre de la Justice Régnier, à l’Empereur1092, en date du 28 messidor an XIII (17 juillet 1805), qui saisit Napoléon des faits, et donne ainsi à une affaire locale, la dimension politique qui la transforme en Affaire d’échelle nationale. Cette lettre précède de quelques jours la demande d’éclaircissements écrits, que le Ministre fait parvenir au Procureur impérial et au Président du Tribunal Civil de Marseille, ayant tout deux suivi les audiences, à laquelle ils répondent en thermidor.
26Le Ministre expose rapidement les faits :
“ deux avocats, l’un nommé Seytres et l’autre Capus, après de violentes excursions contre ce maire [Granet], ont osé se permettre sur les divers événements de la révolution, les réflexions les plus déplacées ”1093.
27Il en est résulté, selon le Ministre, un trouble important à l’ordre public impérial, qu’il faut punir1094. Ne maîtrisant qu’imparfaitement les faits, puisqu’il ne s’exprime encore que sur la foi de deux lettres, à lui adressées par le Préfet et le sieur Granet1095, le Ministre affirme à l’Empereur,
“ qu’entr’autres traits de leurs plaidoiries incendiaires, ces deux avocats ont représenté ceux qui ont voté la mort de Louis XVI comme des hommes flétris du sceau d’une éternelle réprobation, et lui comme une victime intéressante immolée par des factieux ”1096.
28Le Ministre de la Justice insiste sur le caractère irrespectueux de leur “ virulence “1097, contraire à leur serment1098, et offre à l’Empereur, son interprétation personnelle de la gravité des faits :
“ J’ai compris, Sire, combien une telle audace, n’eut-elle pris sa source que dans l’effervescence et le délire de têtes mal organisées, méritait une répression sévère... ”1099.
29En écrivant cela, il oriente délibérément l’Affaire vers une prise en compte résolument politique et transforme les prétendus “ écarts de plaidoirie ” des deux défenseurs, en véritable acte de trahison à l’égard de l’Empire1100.
30Et, lorsque le Procureur impérial l’informe, le mois suivant, que Granet et le Préfet lui-même, ont certainement dans leurs lettres, “ grossi (...) les propos imprudents qui peuvent avoir été proférés dans les plaidoiries ”1101, et que les défenseurs de Dame Eymar n’ont pas eu l’intention de faire l’éloge ou “ l’oraison funèbre de Louis XVI, comme il semble qu’on a voulu le faire entendre ”1102, il est trop tard pour modifier la compréhension de l’Affaire par l’Empereur.
31Même le “Mémoire instructif”1103 qu’envoie Seytres, le 15 thermidor an XIII, au Ministre de la Justice, afin de clarifier “ ce qui s’est passé et ce qui a été dit (...) dans l’affaire entre Granet, son épouse, et moi... ”1104, ne saurait emporter son absolution devant Napoléon dont l’unique source d’information est le ministre lui-même. D’autant plus, qu’ayant reçu le procès-verbal du président du tribunal de première instance séant à Marseille, ainsi que celui du procureur de S. M. près le même siège1105 qu’il aurait dû attendre afin de pouvoir pleinement évaluer la gravité d’une scène judiciaire, qu’il a qualifiée trop hâtivement de “ scandaleuse ”, le Ministre de la Justice, dans une seconde lettre à l’Empereur, le 25 thermidor suivant, insiste toujours, par des voies indirectes, sur la gravité de l’Affaire. Même s’il reconnaît que les procès-verbaux en question “ relatent des faits moins graves ” que ceux qui lui avaient été dénoncés dans un premier temps par Granet lui-même, le Ministre vide cette nuance de son effectivité, puisqu’il considère que leurs auteurs ont été soumis à des “ impressions étrangères ”, particulièrement le président du tribunal, qui aurait alors “ cédé (...) pour adoucir les faits et en atténuer la gravité”.1106.
32En revanche, il ne fait pas part à l’Empereur de la lettre qu’il a reçu le 22 thermidor du Préfet de police de Marseille, dans laquelle celui-ci manifeste son intention de ne pas “prolonger davantage l’arrestation de deux individus (...) les sieurs S. & C. [car] cette mesure de police a produit tout l’effet qu’on pouvait en attendre ”1107. En somme, il s’agit bel et bien ici de la chronique d’une sanction annoncée, politique dans sa justification.
33Le 30 thermidor an XIII, depuis Boulogne, l’Empereur rend le décret suivant :
“Art. 1. La nomination du sieur Seytres aux fonctions d’avoué au tribunal de première instance séant à Marseille, département des Bouches-du-Rhône, est révoquée ”1108.
34Capus, quant à lui, s’en sort mieux, grâce notamment à l’intercession du Président du tribunal, qui implore la mansuétude du Ministre de la Justice en faveur de “ ce jeune homme lancé par le sieur Seytres dans cette affaire et qui, par son arrestation, a reçu une leçon qui ne sera pas perdue pour lui ”’1109.
35Me Capus écrit d’ailleurs par la suite au Ministre pour le remercier de sa lettre du 5 fructidor lui faisant part de “l’indulgence dont l’Empereur a bien voulu user”1110 envers lui. Il évoque sa reconnaissance et ses regrets, et assure, non sans flagornerie, qu’il évitera désormais “ avec la plus grande attention, tout ce qui pourrait rappeler, même d’une manière indirecte, des souvenirs que les bienfaits et la sagesse de S. M. effacent chaque jour de l’esprit des français...”1111.
36Ainsi les allusions politiques des propos de l’avoué Seytres ont-elles été sanctionnées. L’Empereur a manifesté son autorité, et sur les conseils de son ministre de la Justice, est intervenu pour poser les limites de la liberté de parole du défenseur. Celle-ci prend fin là où la critique, même indirecte du gouvernement commence. Si l’examen de l’Affaire s’arrêtait là, elle serait alors simplement l’une des multiples manifestations de l’autoritarisme impérial, applicable à la Justice elle-même. Mais, il semblerait que l’essentiel ne soit pas, en réalité, cette intervention impériale. L’analyse est incomplète, puisqu’il y manque la dimension professionnelle, la question du statut judiciaire de l’avocat en lui-même.
37Juste avant, il faut noter que la Chambre des Avoués de Marseille, s’était également exprimée sur le comportement de Me Seytres. Dans une délibération en date du 26 ventôse an XIII, son cas est exposé, soupesé et tranché1112 : dans cet extrait rapporté des registres de la chambre, le syndic des avoués écrit :
“j’ai été informé qu’en plaidant pendant diverses audiences la cause de la Dame Granet contre son mari (...) le citoyen Seytres, avoué, s’est livré à des écarts capables d’offenser la partie contre laquelle il plaidait, & même le tribunal ”“ .1113
38Ce comportement de Seytres est présenté comme étant de nature à compromettre la fonction des avoués au sein de l’organisation judiciaire : “ Il est essentiel de donner des bornes à la chaleur que nous devons mettre dans la Défense de nos clients ”. L’attitude de Seytres est contraire à “ la modération que la décence commande ” et, de ce point de vue, Seytres est coupable de manquements divers1114, que le syndic “ dénonce officiellement ”1115.
39Cependant, la Chambre des Avoués de Marseille, décide finalement de décharger Seytres de l’inculpation qui pèse contre lui1116. Les raisons de cette décision finalement favorable, tiennent à la conception de la plaidoirie en vigueur au sein des avoués, et aux conditions dans lesquelles l’avoué Seytres s’est exprimé. En effet, puisque l’avoué était sensé obtenir “ l’éducation des enfants ”1117 en faveur de la dame Eymar, et que son objectif premier était d’en faire reconnaître le Sieur Granet “ indigne ”1118, il devait nécessairement se concentrer, dans sa plaidoirie, sur “ les motifs et les preuves de l’indignité (...) fondement du droit de Dame Granet dans le procès ”. Par conséquent, Seytres n’a fait qu’agir dans l’intérêt de sa cliente et ” tout ce que le défenseur a dit de personnel du sieur Granet (...) pouvait s’appliquer à sa cause & être regardé comme nécessaire au besoin de sa défense ”, d’autant plus que Seytres s’est exprimé en présence de sa cliente qui “ ne l’a point désavoué ni interrompu ”. Et si la chambre des avoués reconnaît que Seytres s’est ” laissé entraîner quelquefois au-delà des véritables limites de la défense “, en revanche, ” il ne paraît pas que cela soit arrivé de manière qui ne puisse pas trouver son excuse dans la chaleur d’une plaidoirie de cette nature... “1119 . En d’autres termes, la nature du litige, une procédure de divorce avec contestation, prédisposait, voire condamnait le défenseur, à des manifestations de ce type, pour emporter la conviction des juges du tribunal civil, la fin justifiant probablement les moyens.
40Ainsi, la portée politique et l’appréhension judiciaire de l’affaire, par leurs divergences, l’une indulgente, l’autre intransigeante, semblent incompatibles. D’un côté, il s’agit d’une atteinte à peine voilée à la légitimité impériale, de l’autre, d’une dérive à peine marquée de la plaidoirie, qui s’explique par la nature même de l’affaire.
41La qualité du sieur Granet, partie au procès, ne suffit pas à justifier l’intervention impériale, et la protection déployée par la Chambre en faveur de l’avoué Seytres ne peut être expliquée par la seule solidarité professionnelle. La conciliation de ces deux réalités passe nécessairement par un élément qui jusqu’ici n’a pas été évoqué directement : la question de la “ survivance ” de l’avocat à Marseille, comme professionnel du droit et comme acteur politique.
§3 : L’Affaire des Avocats : la preuve d’une “survie” professionnelle ?
42”L’esprit au-delà du corps “, telle est l’allégorie qui exprime le mieux le sens de cette Affaire des Avocats, sur le plan purement professionnel : il s’agit clairement ici, au détour des faits et du débat politique, de reconnaître une ” survivance “ professionnelle des avocats. Légalement, le Barreau de Marseille n’est plus depuis 1790 : l’Ordre a été emporté par la Révolution. Mais, l’Esprit et l’essence de la fonction d’avocat demeurent, obstinément, tels des fantômes surgis du passé, bien plus tangibles que des institutions plus récentes, comme celle des avoués, qui ne font que se superposer aux anciennes structures et fonctions de la défense, sans parvenir à en effacer ou en reproduire, la substantifique moelle et l’histoire elle-même. Plus précisément, à la lecture des pièces de cette Affaire, il apparaît que certaines contiennent de façon récurrente, un vocabulaire qui, du moins en théorie, est banni du langage judiciaire : “ avocat ”, “ barreau ”, “ discipline ”, “ ordre ”.
43Pour le terme ” avocat “, tout au moins, on ne pourrait voir dans son utilisation que le résultat de l’application de la loi du 22 ventôse an XII qui, relative à la réorganisation des écoles de droit, remet à l’honneur le titre d’avocat supprimé en 1790, avant même que les structures collectives de la profession ne soient rétablies par l’Empire1120. Mais, comme l’analyse de la législation consulaire et impériale nous le montre largement1121, cette disposition législative est fort éloignée de rétablir les structures du barreau, et de surcroît, son application est, pour l’ensemble du territoire judiciaire français, tardive voire inachevée1122.
44Le titre d’avocat ne réapparaît que de manière très ponctuelle et indirecte, “ à travers l’emploi du mot maître ”1123, et ne parvient pas à s’imposer avant l’année 1810. Cette dernière considération fait de Marseille une cité avant-gardiste quant à l’utilisation directe du terme “ avocat ” devant les juridictions ; une cité qui, une fois de plus, apparaît en marge des usages nationaux, en cherchant ici à anticiper et à provoquer la renaissance de son barreau.
45L’exemple le plus frappant de cette utilisation courante à Marseille, d’un terme à peine rétabli par la législation, est une lettre en date du 22 thermidor an XIII, écrite par le Président du Tribunal au Ministre de la Justice1124, qui, évoquant ”ce qui s’est passé à l’audience dans l’affaire Granet“, affirme que cela ”donnera sans doute lieu d’examiner jusqu’à quel point les avocats et les avoués peuvent être réprimés lorsqu’ils abusent de la parole... “1125. L’utilisation du terme ” avocat “ est révélatrice à plus d’un titre : non seulement l’ancienne dénomination du défenseur est utilisée de façon directe, mais de surcroît, elle n’est plus confondue avec celle d’“ avoué ”. Le Président, appliquant la loi du 22 ventôse an XII avec une marginale immédiateté, opère ici une distinction significative.
46Telle qu’elle se présente, cette formulation, qui plus est adressée au ministre de la justice lui-même, traduit l’existence à l’échelle locale, d’avocats, distincts des officiers ministériels que sont les avoués, et différents des défenseurs officieux issus des décrets de 1790. Le Président n’emploie pas le terme “avocat” dans un sens générique, mais désigne expressément une catégorie d’auxiliaires de justice, dont la fonction de défense implique le droit de plaider, et pose la question des limites de la plaidoirie en elle-même. La “ survivance ” du titre est ici flagrante : les “ avocats ” sont présents à Marseille dans une période où, partout ailleurs et malgré la législation de l’an XII, ils sont toujours remplacés par les “ défenseurs officieux ”.
47D’autres documents conservés dans les archives confirment cette hypothèse. Lorsqu’à la suite de la réception des procès-verbaux concernant l’affaire Granet, le Ministre de la Justice écrit à l’Empereur lui-même, le 25 thermidor suivant, pour lui présenter l’évolution de la question, et apporter un rectificatif quant à la gravité des faits qui lui ont été rapportés1126, il propose une explication des plus étonnantes quant à la teneur modératrice et indulgente de ces procès-verbaux :
“ il y a lieu de présumer, écrit-il, que la crainte d’offenser le barreau de Marseille qui s’était prononcé en faveur des deux avocats, n’a pas médiocrement influé sur la rédaction de ces procès-verbaux ”1127.
48A la lecture de cette dernière phrase, on remarque, tout d’abord, qu’il est fait mention de l’existence d’un “ barreau de Marseille ”, en contravention flagrante avec l’abolition légale de tous les barreaux en septembre 1790. Ce “barreau” semble, de plus, intervenir pour défendre deux “ avocats ”, c’est-à-dire qu’il joue son rôle, à la fois protecteur et disciplinaire, de structure collective encadrant l’exercice de la profession, sanctionnant ses excès et protégeant ses prérogatives, au premier rang desquelles figure la plaidoirie.
49Sur ce point-là, Marseille n’est pas une exception. Dans d’autres villes françaises, se produit le même phénomène : celui d’un barreau en gestation qui, à partir de la renaissance du titre d’avocat en l’an XII, cherche à reconstruire un semblant de discipline collective. Il est ainsi possible de le cas des avocats du Marais à Paris”1128. Pour la province, le Bâtonnier Damien évoque dans son Essai sur la vie quotidienne des avocats du temps passé, une expérience bordelaise, similaire et simultanée à celle de Marseille1129. A Bordeaux, il s’agit d’une “ survie ” du barreau autorisée par les nécessités de la pratique : en 1806, les avocats ayant constitué un “ bureau particulier ”1130 pour s’occuper des affaires les concernant, procèdent à une “ radiation ”1131 à l’encontre d’un défenseur officieux qu’ils considèrent comme indigne de remplir ses fonctions. Bien qu’il s’agisse d’un acte purement et nécessairement privé, en l’absence d’une législation sur les ordres d’avocats, ils envoient leur décision collective au Garde des Sceaux1132.
50Comme le note justement Damien, et sa proposition paraît applicable à l’expérience marseillaise, “ avant même le rétablissement officiel de l’ordre, celui-ci existait déjà de manière privée ”1133.
51Quant à l’espèce marseillaise, il est remarquable que, dans la lettre du Ministre à l’Empereur, Seytres implicitement désigné, change de statut et devient l’un des “deux avocats”1134, probablement en vertu de son ancienne inscription au barreau. Il en ressort la constatation suivante : non seulement le titre d’avocat existe concrètement, mais il l’emporte dans la pratique sur celui d’avoué.
52Deux autres occurrences viennent corroborer cette affirmation. Dans une lettre du 22 mars 1806, adressée au Ministre de la Justice1135, le Préfet des Bouches-du-Rhône, évoque la situation de Seytres : “ il se présenta devant moi pour savoir si j’avais des ordres de l’empêcher de plaider comme avocat ”. La réponse que donne le Préfet, en ayant pris en considération la révocation de sa charge d’avoué, est des plus significatives : “je lui répondis que je ne pensais pas qu’il fut interdit en cette qualité... ”.
53Ainsi, par la voix même d’un représentant officiel de l’Empire, on voit qu’à Marseille, la distinction entre “ avoué ” et “ avocat ” demeure opérante, et que le titre même d’avocat reflète une sorte de statut rémanent, qui permet à celui qui s’en prévaut, de continuer à jouer un rôle sur la scène judiciaire, malgré une interdiction impériale. Ayant perdu sa situation d’avoué, Seytres peut néanmoins continuer à plaider et, du moins en théorie, “ reparaître au barreau ”l1136.
54Une lettre de Me Siméon, lui-même avocat et avoué, adressée au Ministre de la Justice”1137, le 26 avril 1806, vient encore rappeler la validité de cette distinction. En évoquant la situation de Seytres et la révocation de sa charge d’avoué, Siméon plaide en sa faveur en affirmant que “ ce serait infliger au sieur Seytres une double peine que de l’empêcher de plaider comme avocat ”1138. Et il ajoute, pour bien marquer son désaccord, et réaffirmer, par ricochet, la validité de la distinction entre avocat et avoué :
“ celle qu’il a déjà subie est une sorte de garantie qu’il n’en méritera pas une seconde, et en tout cas, on pourrait toujours la lui appliquer et il ne faudrait pas la lui infliger d avance”1139
55Ceci signifie bien que, juridiquement, la peine subie par Seytres au titre d’avoué, quand bien même la faute professionnelle qui lui est reprochée s’inscrive dans le cadre d’une plaidoirie, ne doit pas et ne peut pas, s’étendre à son autre statut, parallèle mais distinct, d’avocat. Plaider dans une affaire comme avoué est une chose, plaider en tant qu’avocat en est une autre. La sanction reçue dans l’exercice d’une fonction est spécifique à celle-ci, et ne peut pas s’appliquer d’office à une autre fonction, au seul titre de leur similarité. Il s’agit ici de deux statuts très différents, et parfaitement autonomes l’un par rapport à l’autre. Empêcher Seytres de plaider comme avocat, reviendrait à le sanctionner deux fois pour la même faute, ce qui est, et c’est bien le sens de l’intervention de Siméon, non seulement excessif, mais arbitraire. D’autant plus, ajoute Siméon qui continue à utiliser la distinction entre avocat et avoué comme argument principal, que ” le sieur Capus (...) n’est pas interdit [quant à lui] de son état d’avocat : pourquoi Seytres le serait-il ? ”1140.
56Il y a ici une irréductible distinction entre “ avocat ” et “ avoué ”, sur le plan de la pratique judiciaire en elle-même, et sur celui du statut strictement individuel du défenseur. Elle signifie que le titre d’avocat s’est effectivement maintenu à Marseille. C’est la survivance du mot sans la chose, de l’identité sans la structure, de l’esprit au-delà du corps. Sans doute faut-il y voir, bien plus que l’application zélée de la législation, le poids des traditions du barreau, d’une mémoire collective qui a empêché le titre de se perdre complètement.
57Et bien que le “ barreau de Marseille ” évoqué par le Ministre de la Justice soit nécessairement de nature privée, puisque aucun rétablissement n’est intervenu, il semble que ce barreau soit suffisamment fort pour qu’on éprouve une légitime “ crainte ”1141 à l’offenser ; crainte d’autant plus inattendue, qu’elle émane de deux des rouages fondamentaux de la justice impériale à l’échelle locale : le président du tribunal et le procureur, de qui émanent les procès-verbaux critiqués par le Ministre.
58La consultation des derniers documents relatifs à cette Affaire des avocats, et surtout l’absence totale d’archives de l’Ordre des Avocats pour la période 1790 - 1810, imposent de nuancer cette présentation, et de rejeter le modèle d’un barreau véritablement opérant. Si un semblant d’Ordre, ou même un collectif de nature privé jouant le rôle d’un Ordre, avait effectivement existé à Marseille, des archives internes, même lacunaires, même éparses, auraient dû être retrouvées : ne serait-ce qu’un procès-verbal d’élection ou de radiation, comme c’est le cas pour Bordeaux. L’examen des autres documents rassemblés sous le titre d’“ Affaire des Avocats ”, apporte de nouveaux éléments qui permettent de réévaluer l’étendue de cette “ survivance ” du barreau de Marseille, dans le sens d’une acception beaucoup plus modérée.
59C’est essentiellement ici, une lettre du président du Tribunal Civil de Marseille, en date du 23 fructidor an XIII et adressée une nouvelle fois au Ministre de la Justice1142, qui tout en reconnaissant une fois encore l’existence des “ avocats ”, apporte un rectificatif important quant à l’effectivité supposée de leur collectif : à propos de la révocation de la charge d’avoué de Seytres par décret impérial du 30 thermidor, le Président du Tribunal se plie à la décision de l’Empereur, et ayant visiblement renoncé à toute indulgence, affirme qu’elle a produit “ le meilleur effet au Barreau et dans le public ”. Il ajoute que, grâce à ce précédent, “ les avoués sauront que leur commission n’est pas un brevet de licence ”.
60Il s’agit ici d’une confusion, apparemment non fortuite mais consciente, entre le “ barreau ” et la profession d’“ avoué ”. Le Président s’exprime comme si, pour lui, les deux termes étaient finalement synonymes, recouvraient une même réalité : celle de l’auxiliaire de justice plaidant et postulant. Le ” barreau “ perd ici une partie de son identité supposée.
61De plus, comme pour marquer le rapprochement qu’il opère entre “ avocat ” et “ avoué ”, le Président du tribunal affirme que le but de cette révocation serait nul, si “ le sieur Seytres pouvoit [encore] plaider en qualité d’avocat ”, sous-entendant qu’il s’agit de la même fonction, de la même charge, presque du même titre ; comme si continuer à plaider comme avocat était un moyen de “ contournement ” de la sanction impériale. Et, il ajoute, de façon encore plus probante :
” Si l’Ordre des avocats existoit, et qu’ils eussent un tableau, sans doute le sieur Seytres n’y seroit pas inscrit “1143.
62Cette dernière formulation, par sa clarté elle-même, ôte toute valeur au modèle d’un barreau “ survivant ”, même privé, au sens institutionnel du terme : si “ l’esprit ” du barreau plane encore sur les “ avocats ” qui plaident à Marseille, l’Ordre, lui, est bel et bien mort en 1790. La principale des preuves est l’affirmation selon laquelle, a contrario, le Tableau des Avocats de Marseille n’existe pas, ou pas encore, et ce malgré la loi du 22 ventôse an XII qui, l’année précédant l’Affaire, en a autorisé à nouveau la tenue, pour une considération pratique de bonne administration de la justice1144. En effet, le Tableau, plus encore que tout autre élément institutionnel, est le symbole même de l’Ordre des Avocats1145 : c’est son ossature, son modus operandi. C’est précisément l’inscription au Tableau, traditionnellement visée par le Conseil de l’Ordre, qui concrétise l’appartenance du défenseur à une structure collective et qui identifie l’avocat au sein de l’organisation judiciaire, en le différenciant de tous les autres auxiliaires de justice.
63Or, rien de tel à Marseille en 1806.
64De plus, le Président du Tribunal, poursuit en évoquant l’absence, non moins flagrante, d’une structure disciplinaire : “ la discipline de cet ordre n’existe nulle part ; ce n’est qu’à la barre qu’on peut atteindre ces Messieurs quand ils y donnent lieu ”1146. Ce qui place Marseille en retrait par rapport à l’exemple sus évoqué de Bordeaux.
65Le bilan de cette contre argumentation est lourd : pas de tableau, pas de discipline. Tout ce qui distingue l’Ordre en tant que structure collective, tout ce qui manifeste l’existence d’un lien communautaire entre les avocats est absent. Le rêve marseillais d’un barreau préservé s’en est allé, victime de l’univocité des sources.
66En conclusion de cette Affaire des Avocats qui secoue les juridictions marseillaises en 1806, que peut-on dire sans apparaître ni approximatif, ni excessif ? Une chose est certaine : il serait tout aussi erroné de refuser toute spécificité à la figure de l’avocat à Marseille que d’y voir la preuve irréfragable du maintien du barreau dans son intégrité.
67Deux éléments importants ont été démontrés sans ambiguïté. En premier lieu, la spécificité de l’environnement public et judiciaire marseillais rejaillit sur le barreau qui conserve ainsi une dimension honorifique, dont la concrétisation institutionnelle demeure affleurante pendant la période étudiée. En second lieu, le titre d’avocat, même vidé des prérogatives majeures qui y étaient attachées, survit à l’abolition révolutionnaire des barreaux, et conserve, à Marseille et sur le plan individuel, une dimension statutaire. Ces rémanences constituent, au sein de l’organisation judiciaire phocéenne, un terreau mental favorable qui prépare le retour prochain d’un véritable Ordre des Avocats. Bien que des sources connexes manquent, a été mise en évidence une forme locale d’association d’avocats qui parviennent à se maintenir et à s’imposer, à défaut de se légitimer juridiquement, par “ la seule force de leur utilité”1147. C’est une illustration de la victoire de la pratique judiciaire sur la législation politique.
68L’impact politique de l’Affaire des avocats phocéens et de l’intervention de l’Empereur, demeure secondaire. Encore qu’en acceptant l’hypothèse d’une irritation, aisément compréhensible, de l’Empereur à qui le Ministre de la Justice annonce que des avocats marseillais, brassant l’histoire récente pour les besoins de leur plaidoirie, osent évoquer une monarchie dont le souvenir perturbe encore les esprits, au détriment des récents lustres impériaux, il serait possible de voir dans cette espèce une illustration, ou même l’une des causes, de cette défiance de Napoléon envers les auxiliaires de justice que sont les avocats, et qui lui fait s’exclamer, juste avant de consentir à leur rendre leur collectif, “je veux qu’on puisse couper la langue à un avocat qui s’en sert contre le gouvernement ”1148.
69C’est justement un rétablissement des barreaux tout en demi-teinte, qu’offre l’Empire aux avocats. Le décret de 1810 donne peu et retient beaucoup, comme le montrent son élaboration et son contenu.
II - LA RECONSTRUCTION DE L’ORDRE EN 1810
70Au terme d’une longue éclipse, les avocats retrouvent, officiellement et théoriquement, grâce à l’Empire, les structures collectives et les prérogatives individuelles qui avaient été les leurs avant la Révolution. Partout en France, les barreaux reviennent à la vie, la défense redevient l’affaire des avocats, et la plaidoirie est patiemment et inexorablement arrachée des mains des défenseurs officieux et, plus difficilement, au début du moins, de celles des avoués.
71De nombreux rectificatifs apparaissent cependant nécessaires : la ” reconquête “ judiciaire des structures collectives par les avocats, souffre, tant sur le plan normatif que sur celui de la pratique, d’importantes limitations, qui sont autant de barrières à l’épanouissement des avocats dans leur fonction de défense, et de freins considérables apportés à leur indépendance. Plus qu’une reconquête authentique, il s’agit uniquement d’un ” succédané “ de Barreau que l’Empire offre aux avocats. Une structure certes légale, mais creuse, dont le fonctionnement apparaît étroitement contrôlé par le pouvoir politique. Toutefois, ce rétablissement, même inachevé et incomplet, apparaît comme une étape inévitable, et peut-être un laboratoire extrêmement fructueux, vers une renaissance plus accomplie.
72Le tout premier acte, et peut-être le plus symbolique, du rétablissement des ordres d’avocats est le décret du 2 nivôse an 11 (23 décembre 1802) qui fixe le costume des hommes de lois et des avoués plaidant devant les tribunaux.
73Il prévoit qu’aux audiences de tous les tribunaux,
“ les gens de loi et les avoués porteront la toge de laine, fermée par devant, à manches larges ; toque noire ; cravate pareille à celle des juges ; cheveux longs ou ronds ”1149.
74Certes, les avocats sont toujours fondus dans la masse disparate des défenseurs officieux, noyés sous la dénomination générique de “ gens (ou hommes) de loi ”, mais, le retour du costume sombre, même un peu différent de celui qu’ils portaient traditionnellement1150, marque aussi celui d’une certaine solennité de la défense, qui fut incarnée par les avocats. Mort par la disparition de la robe, le barreau commence à renaître par son rétablissement : revêtus d’un costume qui leur fut jadis ôté, les avocats ne sont plus nus face au pouvoir politique ; ils retrouvent une identité qui, bien qu’elle soit encore très superficielle, leur ouvre une voie dans laquelle, nimbés de leur dignité et de leurs traditions, ils vont s’engager afin de reconquérir, pas-à-pas, chacun des éléments de leur profession : titre, tableau, discipline... Ainsi, balayé par une disposition incidente, le barreau contre-attaque en forçant les cadres judiciaires établis, au détour d’un décret trompeusement périphérique, et ce n’est que la première d’une longue série de petites victoires qui, ponctuées de défaites cinglantes, auront néanmoins raison des réserves d’un Napoléon.
75Malgré des réticences impériales fortement marquées, sensibles tant dans les hésitations réglementaires précédant le rétablissement (§ 1) que dans les dispositions même du décret du 14 décembre 1810, qui place les avocats sous tutelle politique et administrative (§ 2), cette première victoire pour la récupération d’un collectif, marque une étape essentielle du retour des avocats sur la scène judiciaire, une “ période intermédiaire ” sans laquelle, comme le souligne l’exemple marseillais à partir de l’année 1811 (§ 3), la “ renaissance ” effective des années 1820-1830 n’aurait probablement pas pu être accomplie.
§ 1 : Le temps des tergiversations (1804 - 1810)
76La toute première étape, fort timide bien que primordiale, du retour des avocats sur la scène judiciaire, est antérieure à l’avènement impérial : c’est une loi consulaire, déjà évoquée, du 22 ventôse an XII qui rétablit le titre même d’“ avocat”1151. Pour Marseille, elle ne fait que conforter une tendance à la renaissance du titre qui n’a jamais véritablement été abandonné1152.
77Cependant, il faut l’évoquer en ouverture de ce “ temps des tergiversations ”, car elle reste, malgré ses limites, la toute première occurrence législative du processus hésitant de rétablissement des barreaux. Car, avant que de rétablir les ordres d’avocats, encore fallait-il à nouveau appréhender, ce qu’était un “ avocat ”.
78La loi du 22 ventôse an XII (13 mars 1804) a pour principal objet la réorganisation des écoles de droit, et elle n’offre une seconde vie au titre d’avocat que, de façon incidente, en le rétablissant en quelque sorte non par nature, mais parce qu’il s’avère nécessaire à son propos. Ainsi renaissent les avocats, comme ils étaient morts : par incidence. C’est son article 24, relatif aux formalités d’accès à la fonction de défenseur, qui est le plus important du point de vue de la remise à l’honneur du titre d’avocat :
“ nul ne pourra exercer les fonctions d’avocat près les tribunaux et d’avoué près le tribunal de cassation, sans avoir représenté au commissaire du gouvernement, et fait enregistrer, sur ses conclusions, son diplôme de licencié, ou des lettres de licence obtenues dans les universités... ”1153.
79Et, en même temps que le titre, paradoxalement peut-être, car elle n’évoque à aucun moment une quelconque renaissance des barreaux, la même loi prévoit en son article 29 (du titre 5) qu’il “ sera formé un tableau des avocats exerçant près les tribunaux ”1154.
80Ce dernier point est, au regard de la renaissance à venir des barreaux français, très important, peut-être plus encore que l’utilisation du titre lui-même. En effet, comme il sera montré plus loin, le Tableau des avocats est, au sein même de l’Ordre, l’élément qui crée, par sa seule existence matérielle, une communauté juridique, celles des défenseurs non plus officieux, mais officiels : être inscrit au tableau, c’est appartenir à l’Ordre. Et, pour reprendre l’exemple marseillais de l’Affaire des Avocats que nous venons de présenter1155, on comprend que la cité phocéenne offre en 1806 le spectacle d’une spécificité locale doublée d’un paradoxe : si le titre même d’avocat y était usité, en revanche, alors que la législation consulaire le prévoit dès le 22 ventôse an XII, le tableau des avocats n’y est point encore dressé en l’an XIII.
81Mais, le plus important est, ici, cette disposition faussement anodine selon laquelle le tableau qui vient d’être remis en usage, devra nécessairement être réglementé :
“ Il sera pourvu par des règlements d’administration publique à l’exécution de la présente loi, et notamment en ce qui concernera (...) la formation du tableau des avocats ”1156.
82Par cette dernière disposition le législateur fait un pas en avant vers le rétablissement des ordres d’avocats : peut-être manifeste-t-il ici son intention de programmer la renaissance des ordres d’avocats. En effet, associer l’existence du tableau à la rédaction d’un règlement applicable à ceux qui y sont inscrits, conduit, de facto, à redonner naissance à une identité collective, contraignante et protectrice à la fois. Il n’y manque que la dénomination expresse d’“ ordre ” et la mise en place d’un conseil de discipline, pour que le barreau soit effectivement rétabli. On pourrait donc considérer que dès la loi du 22 ventôse an XII, le rétablissement des ordres d’avocats était dans l’esprit du législateur.
83A Paris, le tableau qui renaît, à la suite de la loi du 22 ventôse an XII, est d’ailleurs pratiquement le jumeau de la liste de noms qui avait été dressée en l’an 10 par les Avocats du Marais, pour rassembler ceux qui se paraient déjà d’un titre ancien et non encore rétabli1157. Toutefois, il faut rappeler qu’à aucun moment, la loi du 22 ventôse an XII, n’évoque l’idée de “ profession ”, s’en tenant exclusivement à celle, beaucoup plus limitative, de “ fonction ”1158 . De plus, exceptée l’exigence du serment1159 précédant l’inscription au tableau, cette loi n’a aucune dimension disciplinaire, élément pourtant prépondérant dans l’organisation de la profession d’avocat1160. Et encore, le serment n’est ici qu’un moyen de s’assurer de la fidélité de l’avocat au gouvernement dans le cadre de sa plaidoirie : il est plus politique que judiciaire.
84Cette restauration du titre, même si elle porte déjà en germe les contours du barreau à venir, ne demeure donc, sur le plan de la pratique judiciaire, qu’une simple ébauche.
85Bien plus fondamentales sont les “ tergiversations ” qui animent le dialogue entre l’Empereur et les Avocats, au sujet des conditions du rétablissement effectif des ordres d’avocat, dans les années 1808- 1810.
86Le rétablissement des barreaux tarde à se concrétiser, pour différentes raisons, dont l’une des plus constantes, reste cette profonde défiance de Napoléon envers les avocats, qu’il considère ni plus ni moins que comme un “ mal nécessaire ”.
87Et, face à cette aversion déclarée, encore faut-il, pour bien comprendre cette étape essentielle dans l’histoire des avocats, se poser la question suivante : qu’est-ce qui a pu justifier le rétablissement des ordres d’avocats aux yeux d’un empereur qui, hostile au barreau, aurait dû précisément interdire le retour des avocats sur la scène judiciaire ?
88Les années 1804 - 1810 peuvent être considérées comme une phase transitoire entre l’absence de collectif et la rétablissement officiel des ordres d’avocats, une période préparatoire qui voit la levée progressive et paradoxale des réserves impériales, pourtant alimentées par des actes réguliers d’opposition politique, à peine voilés des nécessités de la défense, dont les avocats sont coutumiers1161, au nom de leur amour d’une indépendance et d’une liberté qui leur restent encore à reconquérir. L’ouverture est d’autant plus paradoxale, que l’Empereur lui-même, dès 1804, manifeste très clairement son hostilité envers les avocats, en rejetant violemment le premier projet de rétablissement des barreaux, rédigé par Regnaud de Saint-Jean d’Angely les 2 et 4 fructidor an XII (20-22 août 1804). A sa seule et première lecture, il s’écrie avec véhémence :
“ Il n’y a rien [dans ce projet] qui donne au grand juge les moyens de contenir [les avocats]. J’aime mieux ne rien faire que de m’ôter les moyens de prendre des mesures contre ce tas de bavards, artisans de révolutions, et qui ne sont inspirés presque tous que par le crime et par la corruption. Tant que j’aurai l’épée au côté, je ne signerai jamais un décret aussi absurde. Je veux qu’on puisse couper la langue à un avocat qui s’en servirait contre le gouvernement ”1162 .
89Il faut attendre le 27 juin 1806 pour qu’un nouveau projet de rétablissement puisse seulement être proposé à l’Empereur sur l’initiative du Chancelier Cambacérès1163. Ce deuxième projet tient compte des récriminations impériales exprimées en 1804, et assortit le rétablissement du barreau d’un ensemble de dispositions disciplinaires très strictes, dont la plus ” politique “ est la défense expresse faite à tout avocat de “ s’ingérer en aucune manière dans les affaires de l’Etat”1164. Cette interdiction est sanctionnée par la plus forte peine qui puisse frapper un avocat : la radiation du Tableau, qui met fin à l’exercice de la profession, et que le gouvernement ou l’Empereur, peut “ prononcer, sur le rapport de notre grand juge ministre de la justice, sans préjudice des poursuites extraordinaires, s’il y a lieu”1165
90Malgré sa rigueur, ce projet ne séduit pas Napoléon. Tout au plus, il permet le glissement vers une période dans laquelle l’Empereur est mieux disposé à l’égard des avocats, prêt à discuter des conditions de rétablissement des barreaux. Mais, cette “ ouverture ” n’est que relative : entre juin et juillet 1806 cinq autres projets se succèdent1166 et aucun n’aboutit.
91La raison principale de ces échecs est probablement l’attitude des conseillers d’Etat qui, dans le préambule de ces projets ont voulu garantir la noblesse et l’indépendance de la profession d’avocat, et qui ont ainsi alimenté l’irritation de l’Empereur. Ce dernier juge les projets trop “ audacieux ”, offrant aux avocats beaucoup trop de “ compensations”1167. Et cette réforme est systématiquement par lui reportée.
92Ce sont les circonstances, alors que les avocats sont plutôt ” attentistes “1168, de guerre lasse, qui, dans le cours de l’année judiciaire 1806-1807, rouvrent enfin la perspective d’un rétablissement du barreau : un double événement intervient, qui va sensibiliser l’Empereur à la question des avocats. En septembre 1806, Ferey, célèbre avocat parisien, l’un des rares jurisconsultes estimés de Napoléon1169, procède à un legs important en faveur de l’Ordre des avocats qui n’est même pas encore rétabli, mais dont il ne doute pas du retour sur la scène judiciaire. Ferey écrit :
“ Je donne et lègue sous le bon plaisir du gouvernement, à l’Ordre des avocats, sous quelque nom que sa Majesté l’Empereur et Roi jugera à propos de le rétablir, les livres de droit que j’ai à Paris... ”1170.
93Il lègue, de plus, à titre complémentaire, une somme de “ trois mille francs ”1171 pour permettre l’achat d’autres livres de droit. A la disparition de Ferey1172, le 5 juillet 1807, son testament ne peut pas être exécuté puisqu’il n’existe aucun Ordre des Avocats de Paris. Ses dernières volontés ne peuvent être réalisées dans l’état dans lequel se trouve le Barreau, qui évolue encore entre deux eaux : celle d’une inexistence presque conjurée, d’une part, et celle d’un rétablissement point encore concrétisé, d’autre part. Toutefois en 1808, l’Empereur, cédant peut-être à l’émotion, autorise par décret1173 le legs de Ferey et, ordonne
“ au Procureur Général de prendre à ce sujet des mesures conservatoires qui devaient prendre fin lorsque, conformément à la loi du 22 ventôse an XII, l’Ordre des Avocats aurait été réorganisé ”.
94Un rétablissement qu’imposait la logique, que programmait la législation depuis l’an XI, que réclamaient enfin les exigences d’une bonne administration de la justice, est expressément envisagé comme une nécessité par l’Empire. On peut d’ailleurs en trouver confirmation dans “l’attention portée aux membres du barreau dans le Code d’instruction criminelle”1174. Les avocats se partagent désormais la défense avec les avoués, à l’exclusion de tout autre type de défenseur, sauf circonstances particulières”1175. Ils retrouvent donc ici un monopole partagé, où la concurrence n’est plus assurée que par les avoués, eux-mêmes professionnels du droit. Cet article signe la fin de cette si controversée liberté de la défense qui voyait les avocats, défenseurs professionnels, noyés dans la masse des défenseurs officieux.
95Ce qui emporte finalement la décision impériale de rétablissement des ordres d’avocats est, indirectement, un autre événement lié à Ferey : en hommage à ce confrère disparu, l’avocat Bellart prononce le 5 février 1810, à l’occasion d’un service religieux célébré à l’Eglise Saint-Paul1176, un discours qui, d’une certaine manière, déclenche le rétablissement des ordres d’avocats tant attendu.
96Déclamé en présence de Cambacérès notamment, ce discours rend hommage à Ferey et à sa passion de voir rétabli l’Ordre des Avocats1177, mais également à l’Empereur qui a consenti à autoriser son legs1178, et se transforme en un double appel à la réalisation des vœux de Ferey1179 et à la clairvoyance de Napoléon qui ne peut laisser les avocats sans collectif, ni discipline1180. Commencé par un éloge de Ferey, le discours de Bellart s’achève par un “ dithyrambe en l’honneur de Napoléon ”1181 . En réponse à cet “ acte de dévotion ”1182, explication la plus vraisemblable, car “ on ne voit pas ce que le plus soupçonneux des autocrates aurait pu craindre d’un barreau réorganisé par une main aussi ferme ”1183, Napoléon accepte finalement le rétablissement des ordres d’avocats. Sur la base du dernier projet qui lui a été soumis, celui de Treilhard, datant du 31 juillet 1807, et qu’il n’hésite pas à “ mutiler ” pour s’assurer la parfaite soumission des avocats1184, il prend le décret du 14 décembre 1810. Toutefois, selon H. Buteau, il ne le fait qu’avec “ regret [et] sous la pression de l’opinion publique et de ses conseillers ”1185.
§ 2 : Le moment de la réglementation : le décret du 14 décembre 1810
97Les dispositions du décret du 14 décembre 1810 sont fortement marquées de l’empreinte impériale : les avocats obtiennent peu et voient un nombre effarant d’obligations et de limitations être apposées à leur fonction de défense. Même s’il marque le rétablissement officiel du Barreau, le décret, loin d’être un authentique règlement de la profession d’avocat, est surtout l’expression de l’autoritarisme napoléonien. C’est pourquoi, d’emblée, il n’est pas possible, ni même légitime, de parler de “ renaissance ” à cette date : il ne s’agit que d’un rétablissement, certes légal, mais livrant aux avocats un collectif vidé de sa substance la plus importante : l’indépendance des règles de discipline. C’est donc une victoire bien amère pour les avocats, beaucoup plus porteuse de déception que d’exaltation. D’une certaine manière, il ne serait pas inopportun d’affirmer ici que, du point de vue de l’édification d’un barreau autonome et puissant, le flottement législatif et la construction empirique de règles factuelles (parce privées) entre les années 1804 et 1810, paraissent, au final, avoir été plus bénéfiques pour les avocats que les contraintes juridiques posées par le décret de 1810. Ces contraintes, en dépit du caractère officiel du rétablissement du barreau, ne sont pas loin de constituer un recul des valeurs fondamentales et de l’image traditionnelle de l’avocat.
98Toutefois, le décret du 14 décembre comporte au moins deux aspects positifs importants qui ne doivent pas être oubliés, car ils sont les pierres angulaires du rétablissement des barreaux : si les termes d’“ avocat ” et de “ tableau ” avaient déjà été restaurés, il manquait encore une partie du vocabulaire judiciaire définissant l’activité même de l’avocat.
99Le décret impérial répare cette lacune, en remettant à l’honneur, d’une part, l’idée d’une “ profession ” et, d’autre part, le terme d’“ Ordre ” pour désigner le collectif1186.
100Au passage, il prévoit une incompatibilité entre les fonctions d’avoué et d’avocat1187, devenue nécessaire du fait du rétablissement du caractère officiel de la profession d’avocat. Mais, cette incompatibilité n’est pas absolue, car elle conserve intacte la faculté de plaider des avoués, concurrente à celle des avocats. Comme il le sera démontré par la suite, cette économie peut-être “ maladroite ” de l’incompatibilité sera la cause de la querelle récurrente entre avocats et avoués au sujet de la plaidoirie, les avocats n’ayant de cesse de faire rétablir leur monopole légitime sur celle-ci. Cela va encore plus loin, puisque la législation impériale favorise l’accès au barreau pour les avoués expérimentés, en les dispensant du stage1188.
101Globalement, l’ensemble des formalités imposées par le décret aux candidats à l’inscription au barreau, manifeste la volonté impériale de revenir sur le principe révolutionnaire de liberté de la défense, dans son volet de libre accès à la fonction de défenseur. Il s’agit “d’éloigner les insuffisants et les indignes ”1189. Il ne suffit plus, même si cela demeure la condition première d’accès au barreau, d’avoir obtenu le diplôme de licencié en droit1190 ; il faut encore accomplir un stage de trois années1191, dont les formalités sont définies par le Conseil de l’Ordre, et qui se conclut par une prestation de serment1192
102Ce dernier élément, plus que tous les autres, exprime clairement le contrôle politique exercé par l’Empire sur les avocats : lors de ce serment, l’avocat doit jurer “fidélité à l’Empereur [et] obéissance aux constitutions de l’Empire ”1193. Ici, le loyalisme prime la compétence. L’avocat n’est admis à figurer sur le tableau, qu’après ce serment qui, au lieu d’assurer l’éthique et l’indépendance de l’avocat, consacre son aliénation et les frontières politiques de sa fonction de défense, le transformant presque en rouage administratif du pouvoir impérial, bien éloigné de l’image d’autonomie et de liberté de parole qui seule pouvaient garantir l’efficacité du défenseur. En somme, l’image de l’avocat sous l’Empire est celle d’un avatar d’avoué : un défenseur qui ne peut pas postuler, mais qui, tout comme un officier ministériel, doit sa fidélité à l’Etat, alors qu’il la devrait avant tout à son client. D’un défenseur officieux à un auxiliaire officiel, l’avocat voit s’échapper sa seule véritable nature : celle de défenseur indépendant, impartial et incorruptible. Finalement, toutes les dispositions du décret nient la renaissance de l’avocat, alors même que l’acte normatif pris dans son ensemble la concrétise : exemple des paradoxes de la législation ou signe des torsions politiques qui peuvent la travailler, surtout dans un régime autoritariste ?
103Malgré une affirmation de liberté d’exercice du ministère d’avocat (qui n’est en fait qu’une déclaration de principe1194), Napoléon est trop “ conscient des conséquences qu’apporterait une législation trop libérale ”1195 : les dispositions disciplinaires du décret vont dans le sens de la soumission et du respect exigés des membres du barreau, et expriment sans ambiguïté sa volonté impériale d’“ assujettissement ”1196 des avocats. La seule lecture du préambule du décret du 14 décembre 1810 le confirme1197 : la magistrature, prolongation judiciaire de l’ordre impérial, s’y voit confier la responsabilité de la discipline des avocats, le droit de les sanctionner, le devoir de les surveiller, afin qu’ils restent toujours, dans l’exercice de leur profession de défenseur, dans les “ bornes de la décence et de la modération ”1198.
104Il est donc une affirmation à présent légitime : rien dans ce décret de 1810 ne rappelle la tradition d’Ancien Régime. Rien ne permet de parler d’une “ renaissance authentique ” de la figure de l’avocat, ni sur le plan individuel de la libre parole, ni sur le plan collectif de la libre discipline.
105L’avocat sous l’Empire est un paradoxe profond, ou plutôt un masque creux : il se pare des vocables du passé, de l’honneur des traditions, d’une respectabilité de surface, retrouve une place apparente dans les prétoires, et même semble-t-il, un collectif ; mais en réalité, il ne dispose ni d’une autonomie disciplinaire, ni d’une indépendance politique, et encore moins du monopole de la plaidoirie, de la quintessence de sa fonction de défenseur ; quant à l’Ordre, puisque ses délibérations sont prises sous le contrôle de la magistrature qui le “ perfuse ” littéralement, il n’a pas la liberté de décision qui en ferait une authentique structure professionnelle. Ce n’est donc pas une renaissance, ce n’est même pas un fac-similé du barreau issu des siècles passés. Tout au plus, une vague hybridation de statuts, une manipulation juridique, visant à créer un défenseur prêt-à-l’emploi, bien domestiqué, fidèle serviteur de l’ordre impérial. Jamais le barreau ne fut autant dévoyé dans ses valeurs essentielles que par ce décret de 1810. Et, de prérogatives, il n’en reste que deux aux avocats : remercier l’Empereur d’avoir restauré le barreau et, en retour, lui obéir en contribuant au fonctionnement d’une justice bel et bien impériale. C’est une véritable domestication du barreau, d’une profession elle-même qui semble avoir accepté, pour un temps, de se vendre, afin de retrouver, par la suite, les moyens de rebâtir une tradition et une authenticité professionnelle. Tout le démontre : les conseils de discipline établis dans toutes les villes comptant plus de vingt avocats1199, véritable nodalité de la profession d’avocat, symbole même de l’existence de l’Ordre, sont contrôlés par le pouvoir politique, par l’intermédiaire des procureurs généraux près les Cours et les tribunaux.
106A leur toute première recomposition, les conseils trouvent devant eux le procureur général qui est leur père le plus naturel et le moins légitime : il choisit les membres de ces conseils sur une liste dressée par l’Ordre réuni en assemblée générale1200 sur convocation du bâtonnier, lui-même désigné par le procureur, telle une marionnette entre les mains du gouvernement1201.
107Le procureur contrôle la procédure d’“ élection ” de bout en bout, puisqu’il préside également les assemblées générales1202. Il est même fait “ défense expresse aux avocats de se réunir pour aucun autre objet que cette élection ”1203.
108Et, pour mieux marquer encore la mise sous tutelle administrative, politique et judiciaire des barreaux, l’article 34 du décret de 1810 prévoit que :
“ si tous ou quelques uns des avocats d’un siège se coalisent pour déclarer, sous quelque prétexte que ce soit, qu’ils n’exerceront plus leur ministère, ils seront rayés du tableau et ne pourront plus y être rétablis ”1204.
109C’est, dans le même article, l’interdiction formelle des grèves d’avocats qui, sous l’ancien régime, avaient fait la force politique des barreaux, et l’affirmation la plus directe d’un pouvoir de sanction allant jusqu’à l’interdiction permanente d’exercice de la profession1205.
110Or, interdire la grève des avocats, c’est anéantir la solidarité entre les barreaux qui est l’une des composantes essentielles de l’identité collective des avocats ; sanctionner la principale manifestation de cette solidarité par la radiation, c’est, en substance, conditionner l’exercice d’une profession à l’approbation d’un régime politique. C’est donc, en ce qui concerne la défense, détruire une fonction en l’officialisant. Pas de solidarité, pas de liberté d’expression : que peut donc être cet avocat de 1810, si ce n’est un rouage bien huilé dans le mécanisme judiciaire de l’Empire, coincé entre parquet et magistrature, et totalement inapte à “ défendre les victimes de l’arbitraire ”1206 ?
111Certes, les conseils de discipline ont aussi un pouvoir de sanction sur les avocats inscrits au tableau dont le comportement ne correspond pas au modèle d’une défense modérée, et aux exigences traditionnelles “ de probité et de délicatesse ”1207.
112L’exercice de leur pouvoir disciplinaire, même lorsqu’il est direct, ce qui n’est pas toujours le cas, n’intervient cependant que sous la surveillance des autorités et de la magistrature. En cas de sanctions sévères1208, telles que l’interdiction1209 (temporaire) ou la radiation du tableau1210 (définitive), le Ministre de la Justice doit en être informé dans les plus brefs délais par réception de la délibération du conseil de discipline1211. Et, en cas d’interdiction ou de radiation du tableau, l’avocat sanctionné peut faire appel de la délibération du conseil devant la Cour impériale, qui statue alors en dernier ressort1212 en cette matière disciplinaire pourtant purement interne au barreau ; s’il ne le fait pas, la délibération qui prononce sa radiation est tout de même remise aux magistrats impériaux “pour qu’ils l’approuvent ”1213, et cette approbation est “ conforme ”, non pas facultative, mais obligatoire et contraignante. En somme, les conseils de discipline ne constituent qu’un élément de la machine disciplinaire du barreau, et de surcroît ils incarnent son degré le plus bas, puisque la décision définitive leur échappe au profit des Cours impériales et du Ministre de la Justice1214.
113C’est l’immixtion caractérisée de “ l’arbitraire impérial”1215 dans le fonctionnement et la discipline du barreau, dont l’expression la plus évidente est l’article 40 du décret de 18101216, qui autorise le Ministre de la Justice, “grand prévôt de l’ordre des avocats”1217, et donc l’Empereur à travers lui, à prononcer seul, et sans avoir l’obligation d’entendre l’avocat concerné, ni celle de vérifier s’il a déjà subi ou non des sanctions, la radiation du tableau et l’interdiction définitive d’exercer la profession d’avocat. Cet article, plus que tous les autres, manifestant à l’extrême l’emprise du politique sur le judiciaire, le contrôle du gouvernement sur les avocats, et accentuant inutilement une soumission déjà flagrante, est sans doute l’une des causes de la profonde désillusion des avocats dans l’année 1810-1811, et de sa transformation inéluctable, dans les années suivantes, en une hostilité sourde, puis déclarée, à l’Empire ; hostilité dont les barreaux provinciaux, eux-mêmes ardents combattants de l’autonomie, ne sont pas avares, comme le montre l’exemple marseillais.
§ 3 : Les avocats marseillais entre désillusion et extension du domaine de la lutte (1811 - 1820).
114De prime abord, il ressort manifestement des archives du barreau de Marseille, que les avocats phocéens connaissent, comme tous leurs confrères, la désillusion face aux conditions draconiennes d’exercice de la profession, et ont à subir une pléthore de limitations, tant judiciaires que politiques, qui réduisent à néant les libertés théoriquement reconnues, et n’apportent à l’avocat rétabli que des prérogatives des plus étriquées.
115Dans son discours de rentrée de la Conférence des Avocats, portant sur l’histoire des règlements professionnels, l’avocat marseillais Me Segond1218 résume avec beaucoup de pertinence l’impact du décret de 1810 et écrit, au sujet d’une désillusion qu’il jugeait inévitable,
“poser la question devant Napoléon Ier, c’était la résoudre contre nous. Napoléon n’aimait pas les avocats. Maître absolu, despote inflexible, pouvait-il voir d’un œil favorable une institution qui sous tous les régimes s’était dévouée à défendre les victimes de l’arbitraire ? ”1219.
116Il ajoute encore avec une ironie non dissimulée, “ voilà les prétendues garanties sous lesquelles s’opéra ce qu’on voulut bien appeler la restauration de l’Ordre des Avocats ”1220, et termine sur ce constat clairvoyant : “ tout ce que nous avions de force et de puissance nous était refusé pour passer aux mains des représentants de l’Etat”1221.
117Toutefois, leur examen de lucidité ayant été opéré, les avocats, comme ils l’ont toujours fait par le passé, accomplissent à nouveau le rituel de la résistance active, et cherchent par tous les moyens mis à leur disposition, à jouir de la moindre parcelle de liberté et d’autonomie qui leur a été concédée, et à repousser toujours plus loin les barrières que l’Empire a érigées autour de leur profession pour la contenir. Et, inexorablement, par la force même de leur insistance, comme sous l’Ancien Régime, ils y parviennent.
118Ainsi, aussitôt que les délais d’application du décret du 14 décembre 1810 le leur permettent, les avocats rétablis, bénéficiant enfin d’une reconnaissance officielle des autorités judiciaires locales, dressent pour l’année 1811, un tableau de l’ordre sur lequel figurent les noms de tous les avocats qui se veulent rattachés au barreau de Marseille. Cette toute première formation post-révolutionnaire d’un tableau qui n’a désormais plus rien de virtuel, date du 2 août 1811. Elle est attestée par la mention “première formation du tableau” reportée dans le premier recueil des délibérations du conseil de discipline du xixème siècle1222, en marge de la copie d’une lettre du procureur impérial, datant du 6 août et réclamant à l’avocat Dessolliers, en sa qualité de “ bâtonnier provisoire ”, la liste définitive de quatorze candidats “pour [former] le conseil de discipline, dans laquelle devra être choisi définitivement le bâtonnier ”1223 ; liste elle-même composée à partir de celle, exhaustive, constituant le tableau. Ce symbole majeur de l’existence légale de l’ordre, est reporté dans le recueil à la suite de la lettre du procureur et marque la renaissance officielle du Barreau de Marseille pour le xixème siècle. Ce premier tableau, arrêté le 2 août 1811, est exactement composé de trente-six membres :
“ Pastoret, Capus, Christol, Guion, Dageville, Ricard, Lejourdan, Sauvaire, Cresp, Coquilhart, Seytres, Achard, Beraud, Pellissier, Gas, Ricardi, Isoard, Chaudon, Dessolliers, Tric, Tardieu, Roux, Dumas, Mayousse, Rey, Anglès, Fabre, Delaboulie, Arnaud, Borrely, Gillet, Giraud, Emerigon, Salva, Seytres ”1224.
119La réponse de Dessolliers au Procureur porte également en elle toute la force de cette reconnaissance officielle, légale et légitime à la fois1225. Le Bâtonnier provisoire convoque d’ailleurs tous les avocats inscrits au tableau, dès le 8 août 1811, aux fins de “ nommer conformément à l’article 19 du décret du 14 décembre 1810, quatorze candidats pour le conseil de discipline dans lequel devra être choisi définitivement le bâtonnier ”1226. Et, de fait, la toute première assemblée générale du Barreau de Marseille se tient le 10 août 1811, “ à huit heures du matin ”1227, et Me Seytres, “ comme dernier inscrit au tableau ”1228, y fait fonction de secrétaire. Rapidement, pour ne pas dire avidement, les avocats réoccupent leur espace collectif restauré, et y retrouvent les gestes d’antan et les procédures traditionnelles d’administration interne. La résurgence de l’Ordre apparaît accomplie en moins de 4 jours : convocation, nomination du conseil, nomination du bâtonnier et composition du tableau. Tous ces éléments retrouvent leur place à la fois institutionnelle et identitaire.
120C’est une véritable victoire pour les avocats de Marseille.
121En novembre 1811, Me Dessolliers est officiellement nommé Bâtonnier par le Procureur impérial selon les termes du décret1229, et cet événement est notable à plus d’un titre : contrairement à la tradition, la fonction de Bâtonnier est ici remise à celui des membres du Conseil qui a l’inscription au Tableau la plus récente1230.
122La première installation du Conseil de discipline date, quant à elle, du 23 novembre 1811 : il se réunit pour la première fois depuis 1790, “ à neuf heure et demy du matin ”1231 sur l’expresse convocation du Bâtonnier en exercice. A partir de cet instant, toutes les structures de l’Ordre se déploient autour de lui et sous son impulsion : formation, le 11 décembre, du Bureau des consultations gratuites1232 ; admission, dès le 18 décembre, de nouveaux membres et inscription de leurs noms sur le tableau de l’Ordre1233 ; réunions régulières de l’assemblée générale pour de multiples sujets concernant l’administration interne du Barreau1234 tels que le renouvellement du conseil de l’Ordre lui-même et du Bâtonnier1235, ou bien les obligations qui s’impose aux avocats “ stagistes ”1236.
123Dès les premiers mois de 1813, l’Ordre rétabli fonctionne à plein régime, admettant, décidant, se réunissant, et structurant l’exercice de la profession. Les avocats de Marseille réinvestissent la défense et exploitent toutes les prérogatives que leur offre le décret de 1810, se coulant dans le cadre réglementaire qui leur est fourni.
124Toutefois, le premier véritable signe de lutte pour l’extension de l’indépendance n’intervient qu’en 1814, au moment où l’Empire cède le pas devant la monarchie restaurée, même s’il puise ces racines dans les quatre années précédentes de la période impériale.
125La nouvelle de la proclamation de Louis XVIII parvient à Marseille le 14 avril 18141237, et seulement six mois plus tard, c’est une lettre du chancelier de France, datant du 6 septembre 1814, qui autorise les avocats “ à porter la décoration du lys, signe d’union cher à tous les bons français ”1238. Excepté cette allusion pour le moins succincte, aucune mention n’est faite dans les archives du Barreau, des changements politiques qui secouent la France dans l’année 1814-1815.
126Toutefois l’assouplissement du contrôle du pouvoir sur le barreau marseillais, bien que relatif, se manifeste rapidement : par une lettre en date du 30 novembre 1815, le Procureur du Roi, se contente, dans la procédure de nomination du bâtonnier et du conseil de discipline, de suivre les options adoptées par le bâtonnier sortant, Me Dessolliers1239, en lui écrivant :
“ vous m’avez si fortement exprimé le désir de partager avec vos collègues les honneurs et les charges de la dignité de Bâtonnier, que je crois devoir céder à vos instances. L’ordre sentira longuement la perte d’un chef digne de le présider par ses talents autant que par ses vertus, mais j’ai cherché à la réparer en nommant pour vous remplacer Me Cresp, vieilli comme vous dans les honneurs de la carrière ”1240.
127Mais cette face positive à un revers négatif évident : dans les premières années de la Restauration, et comme cela sera développé ci-après, les avocats demeurent, quant à leur administration interne, sous la tutelle du pouvoir politique : la monarchie revenue n’est nullement pressée de “ lâcher la bride ” sur le cou des avocats, et applique, dans un premier temps, la législation impériale, ou du moins la reprend substantiellement : le bâtonnier et le conseil demeurent donc sous le contrôle plus ou moins direct du ministre de la Justice. Toutefois, à partir de l’année 1815, le changement des conditions politiques et la permanence des revendications du barreau, sont les deux ingrédients majeurs de l’effectivité d’une renaissance, dont l’ordonnance de 1822, malgré ses propres limites, reste le symbole.
128Quant à la distinction majeure entre avocat et avoué, elle demeure très marquée dans la décennie 1810-1820, avec un renversement sensible en faveur du barreau rétabli : ainsi, dans une délibération en date du 24 février 1816, le Bâtonnier et le Conseil examinent la demande d’admission au Tableau de M. Laure, anciennement avoué, et considèrent, étant donné que
“ M. Laure a rempli auprès du tribunal de Marseille les fonctions d’avoué, qu’il paraît juste et nécessaire d’exiger de tous les licenciés qui se présenteront pour être admis au Tableau de l’Ordre des avocats après avoir rempli les fonctions d’avoué (...) qu’ils rapportent de la Chambre de discipline de la communauté dont ils ont fait partie, un certificat constatant leur moralité... “1241.
129Désormais, il apparaît clairement, qu’ayant récupéré leur collectif et leurs traditions, les avocats sont en mesure de dicter, par la voix des conseils de l’ordre, les conditions d’accès au barreau à ceux-là même qui jadis bénéficiaient d’un statut supérieur. D’ailleurs, la querelle entre les avocats et les avoués pour le monopole de la plaidoirie puise sa récurrence dans cette alternance de statuts, tantôt protégés, tantôt méprisés.
130Mais, d’ores-et-déjà, se dessine ici la lutte entre les avocats et les avoués qui va exploser dans la décennie suivante : comme à titre de vengeance, la Chambre des Avoués fait parvenir au Bâtonnier une délibération qu’elle a prise le 11 septembre 1816, qui contient ” des expressions qui attaquent directement les avocats “1242. Fait d’autant plus grave que des copies nombreuses de cette délibération ont été distribuées et “ affichées dans le Palais [montrant] l’intention de cette Chambre de lui donner la plus grand publicité ”1243. Le Bâtonnier de l’Ordre des avocats de Marseille, ordonne alors immédiatement la nomination d’une commission, dont la mission sera de déterminer si leur profession “ a été respectée ou compromise ”1244. La tension entre les deux professions est dès lors manifeste. Elle couve depuis la création des avoués, et éclate véritablement après la promulgation de l’ordonnance de 1822, autour de la question majeure du monopole de la plaidoirie1245. L’une des meilleures preuves de cette tension permanente, est l’affaire de l’avocat Massol de 1817 : cet avocat stagiaire est accusé par une délibération de la chambre des avoués de “postulation illicite”.1246. Le Bâtonnier en instruit le conseil de l’Ordre qui, en rappelant que :
“ la chambre des avoués n’a aucun droit de correction sur les membres de l’Ordre des avocats et ne peut conséquemment prendre de délibération contre eux “, décide que la chambre des avoués ” a empiété sur les droits du conseil de discipline de l’ordre des avocats ”1247.
131La mise en œuvre de la solidarité professionnelle est flagrante : avant même de vérifier les faits, le Conseil de l’Ordre réagit à une immixtion dans le collectif des avocats, qui est jugée intolérable. Il nomme une commission de trois membres, chargés de s’entretenir avec la chambre des avoués au sujet de l’affaire, et le terme “ amicalement ” n’est ici, c’est évident, que de pure forme : la contre-attaque est univoque1248. La chambre fournit des pièces corroboratives au Barreau concernant les abus de Me Massol, et le Bâtonnier lui signifie que le conseil de discipline se chargera désormais de trancher seul cette affaire, comme toute autre question professionnelle concernant l’un des membres du Barreau marseillais1249. Cependant, la plainte de la chambre des avoués contre Massol est maintenue, et son président la dépose à nouveau officiellement devant le conseil de l’Ordre, un mois plus tard, marquant bien son intention de ne pas en rester là1250.
132Après plusieurs renvois, officiellement aux fins d’obtenir des ” informations plus étendues “1251, le Conseil se contente de retarder l’admission de Massol au Tableau, alors même qu’il a finit son stage, en la justifiant, en apparence, par une question de pure administration interne1252, mais en réalité, elle demeure impossible tant qu’il n’a pas été statué sur la dénonciation faite contre lui1253. Finalement, sans statuer directement sur la question disciplinaire, le Conseil refuse simplement son assistance à l’avocat dans l’affaire qui l’oppose aux avoués, se plaçant à mi-chemin entre soutien et sanction1254.
133La solidarité professionnelle a donc ses limites : elle ne joue que partiellement. Toutefois, l’interprétation de cette attitude ambiguë du Conseil reste délicate. Il est également possible d’y voir la mise en œuvre d’une solidarité maximale à peine bornée par les exigences de la cohérence disciplinaire du collectif. Si, d’un côté, la délibération du conseil de l’Ordre prévoit effectivement “qu’il n’y a pas lieu d’accorder à Massol l’assistance du conseil relativement à la circulaire de la chambre des avoués dont il s’agit ”, d’un autre côté, elle ne le sanctionne pas directement. Et surtout, en reconnaissant que la circulaire de la chambre des avoués accusant Massol a des effets abusifs puisque
“ plusieurs avoués ont refusé de prêter leur ministère [indispensable] en supposant à la circulaire, dont ils n’ont pas eu copie, une défense [ de prêter leur ministère] qui ne s’y trouve point ”1255,
134le Conseil suggère que cette circulaire devrait être réformée par la chambre des avouée car elle a pour conséquence inique d’empêcher Massol d’exercer sa profession, ce qui est une sanction disproportionnée.
135En somme, si l’Ordre refuse son appui direct à Me Massol, il semble en revanche, qu’il aille jusqu’au déploiement maximal de la solidarité professionnelle qu’il peut lui offrir. Et, que cette levée de bouclier soit faite au détriment de la chambre des avoués, n’a absolument rien d’anodin. La querelle entre avocats et avoués est récurrente et fort loin d’être terminée pour le siècle. C’est en sens que l’on peut parler, concernant le collectif des avocats de Marseille, d’une extension du domaine de la lutte : malgré la désillusion née des multiples limitations impériales, dont la plupart sont continuées dans les premières années de la Restauration, l’Ordre agit systématiquement dans le sens d’une extension des prérogatives propres de l’avocat et d’une réduction des obstacles à l’exercice de la profession. Cette échauffourée entre la chambre des avoués et le Barreau en est le signe.
136Mais, dans la pratique judiciaire pure, les rares différences qui apparaissent dans les archives des avocats de Marseille pour les années 1811 à 1822, ne sont, en définitive, que très superficielles. L’administration interne de l’Ordre change très peu : une liste des candidats au conseil de l’Ordre, choisis par l’assemblée générale des avocats, est toujours envoyée au Procureur pour qu’il compose lui-même le conseil et choisisse le Bâtonnier, à ceci près qu’à partir de 1814, il ne s’agit plus du Procureur impérial, mais du Procureur du Roi1256.
137Seule l’Ordonnance du 20 novembre 1822, malgré ses limites, marque le premier pas vers une authentique renaissance de l’Ordre, qui sera confirmée avec l’ordonnance de 1830.
III - LES ORDONNANCES ROYALES DE 1822 ET DE 1830 ET LEURS CONSEQUENCES
138Comme l’analyse précédente vient de le démontrer, tant sur le plan national que sur le plan local, le décret impérial de décembre 1810 n’a pas constitué un achèvement de la renaissance de la profession d’avocat, tout au contraire.
139Les seules libertés que purent exercer les avocats, ne le furent qu’au prix de contournements systématiques du texte lui-même, accompagnées de critiques répétées, et grâce à une relative mais “ bienveillante complicité ”1257 des corps judiciaires. Les commissions nommées par le gouvernement pour réviser les tableaux d’avocats et les “ épurer ” de toute contestation trop radicale, “ admirent tous ceux dont la délicatesse et la capacité furent constatées, sans distinction d’opinion politique ”1258. Toutefois, les avocats, tous barreaux confondus, durent attendre plusieurs années, y compris après la restauration monarchique, la reconnaissance normative d’une liberté et d’une autonomie nécessaires à l’impartialité, pour ne pas dire à l’existence même, de la défense.
140La restauration monarchique libère enfin le Barreau, peut-être de manière ambiguë, de l’épée de Damoclès qui, durant tout l’Empire, est demeurée pointée en permanence sur sa tête, toujours prête à pourfendre, aux premières velléités de contestation politique directe, une institution rétablie à contrecœur et placée sous étroite surveillance. Si certains parmi les jeunes avocats avaient été, un temps, tentés par le régime impérial, la plupart des avocats plus mûrs voient dans la Restauration le retour à un passé “ qui leur était cher”1259. La profonde désillusion née des limitations du décret de 1810, les amène à espérer le retour d’un “ âge d’or ”, d’un passé conçu comme un idéal d’indépendance et de liberté. Nombreux sont ceux, note le Bâtonnier Damien, qui “ se complaisaient dans l’évocation de leurs vieilles règles et de leur antique indépendance ”, et presque tous “ étaient persuadés que la Restauration allait, entre autres choses, restaurer les règles professionnelles d’antan ”1260. D’ailleurs, dès l’année 1816, le procureur général Bellart, lui-même ancien membre de l’Ordre de Paris “ qui avait été poursuivi par les foudres de l’Empereur ”1261, écrit en février au Ministre de la Justice pour réclamer que soit rendue au Barreau “ son ancienne discipline, en détruisant les entraves apportées à son indépendance par le décret du 14 décembre 1810”1262.
141Mais, la réglementation libérale qu’attendent les avocats, ne voit le jour que plusieurs années après les débuts de la Restauration ; et encore, cette ordonnance royale du 20 novembre 1822 apparaît-elle comme ambiguë : si le texte exauce la plupart de leurs souhaits, il en laisse cependant certains dans l’ombre, et ses dispositions demeurent limitées dans la lettre et contrôlées dans leur application. La renaissance est certes effective, mais le texte ne donne que partiellement satisfaction aux avocats, malgré un préambule élogieux1263 louant l’honneur de la profession d’avocat et sa nécessité et se proposant de rendre aux barreaux leur indépendance et la ”plénitude du droit de discipline “1264.
142L’Ordonnance du 20 novembre 1822 comporte plusieurs éléments favorables à l’épanouissement des avocats, qui retrouvent une véritable marge de manœuvre entre la négation révolutionnaire de toute structure collective et la liberté judiciaire surveillée, et amputée de toute activité politique, que leur avait offert l’Empire. En ce sens, ce texte marque la “ renaissance ” effective des ordres d’avocats et d’une profession placée au cœur du processus judiciaire. Toutefois, les circonstances mêmes dans lesquelles elle a été promulguée et les velléités par trop hâtives d’expression politique des avocats sous la Restauration, expliquent ses lacunes, et en font, une fois de plus dans l’histoire des avocats, un acte ambigu sur le plan de l’édification d’un Barreau véritablement autonome (§ 1). La querelle avec les avoués, au sujet du contrôle de la plaidoirie, née avec leur création et continuée en raison d’une “ maladresse ” des législateurs successifs, le prouve clairement (§ 2). Mais, la traditionnelle ténacité des avocats finit par porter ses fruits et l’année 1830 marque l’accomplissement de la renaissance du barreau marseillais, et plus largement français (§ 3).
§ 1 : L’ordonnance du 20 novembre 1822 : véritable renaissance ou acte ambigu ?
143La promulgation de l’ordonnance de 1822 est précédée d’un rapport fait au Roi par le ministre de la Justice, M. de Peyronnet1265, dans lequel il exalte l’Ordre des Avocats et traduit les intentions, du moins en apparence, libérales du pouvoir monarchique vis-à-vis des avocats1266. Il commence par reconnaître officiellement la nécessité d’une défense indépendante :
“ L’indépendance du Barreau est chère à la Justice autant qu’à lui-même. Sans elle, un vain simulacre de Justice prendrait la place de cette autorité bienfaisante qui n’a d’autre appui que la raison et la vérité ”1267.
144L’autonomie du Barreau est donc présentée comme une garantie de l’existence d’une Justice égale et impartiale. Suit alors une dénonciation directe du système judiciaire impérial, considéré comme le reflet de “ l’illégitimité du pouvoir ”1268 .
145Toutefois, en évoquant le décret de 1810, M. de Peyronnet, tout en le critiquant comme étant le produit d’une législation impériale pétrie d’“ artifices, pour (...) donner plus de ressort et d’activité”, donc plus de pouvoir, à Napoléon, a cette phrase ambiguë, qui annonce déjà le contenu mitigé de l’ordonnance de 1822 : pour le ministre, le décret du 14 décembre 1810 est un “fâcheux mélange de dispositions utiles et de précautions excessives ”. Cela signifie, par ricochet, que certaines dispositions prises par l’Empire aux fins de contrôler l’exercice de la défense par les avocats, sont considérées par la monarchie à peine restaurée, comme des “ précautions utiles ”, pour ne pas dire, nécessaires. Mais, M. de Peyronnet, dans la suite de son rapport, se place cependant, et de manière décisive, dans une perspective critique, en condamnant la législation impériale au nom de la liberté et de la tradition : “ ces mesures inusitées blessaient la fierté et offensaient tous les souvenirs ” des avocats.
146Enfin, il affirme avoir, pour les besoins de l’ordonnance, consulté “ des jurisconsultes (...) en qui vivent encore toutes les traditions ”, et avoir longuement “ médité leurs conseils ”1269, avant de s’atteler à la rédaction d’une nouvelle législation sensée rendre hommage aux avocats et à l’honneur d’une profession pluriséculaire.
147Gaston Duveau, commentant ce rapport de M. de Peyronnet, se pose la question de la réalité de tels entretiens sur les intérêts et les revendications des avocats, car “ au lendemain de sa chute, la plupart des barreaux de France ont demandé la modification de l’ordonnance royale sur un grand nombre de points ”1270, manifestant clairement leur désaccord.
148Le contenu par trop dithyrambique de ce rapport laisse transparaître la réalité d’une nouvelle législation moins encline à libéraliser la profession, que son préambule ne le laisse supposer. A. Segond va même jusqu’à soutenir que cette ordonnance, malgré “ un pompeux éloge de la profession ”, n’aurait été “ qu’un cruel démenti à ces belles promesses, et une proclamation inattendue des principes les plus arbitraires ”1271.
149Il est cependant nécessaire de nuancer cette analyse.
150Tout d’abord, la genèse de l’ordonnance de 1822 porte en elle, tous les signes d’un rejet de la législation impériale. Elle procède directement, en effet, d’un acte de rébellion à l’égard de l’Empire, qui intervient au cours de l’été 1822 et qu’il faut exposer.
151Selon l’économie du décret de 1810, toujours appliqué dans les premières années de la Restauration1272, les conseils de l’Ordre doivent être composés par le procureur général lui-même, sur une liste que lui propose l’ordre des avocats1273.
152Or, la liste présentée par le barreau de Paris au procureur général Bellart en août 1822, comme certaines des listes précédentes1274 mais de façon plus accentuée encore, se compose d’avocats “ les plus dévoués aux libertés ”1275 du barreau, encore et toujours compromises.
153Ces avocats sont tout autant d’anciens opposants à l’Empire que de nouveaux contempteurs de la monarchie restaurée, au seul motif que les deux régimes, indifféremment, maintiennent le barreau sous surveillance. Leurs noms, du moins pour les plus importants d’entre eux, sont : Berryer Père1276, Dupin Aîné1277, Tripier, Mérilhou, Mauguin, Delacroix-Frainville1278 . Or, la liste d’août 1822, théoriquement fruit d’une élection à l’assemblée générale des avocats, ne comporte aucun des noms de membres du conseil de l’Ordre sortant1279, qui n’ont donc aucune chance d’être reconduits dans leur fonction, ce qui se révèle gênant pour le procureur général qui “ allait se trouver dans l’impossibilité de les maintenir au conseil ”1280 ; car selon les termes du décret de 1810, il est tenu de choisir les membres du nouveau conseil de l’Ordre, sur la liste qui lui est remise, et exclusivement sur celle-ci.
154Cette liste est donc clairement un manifeste de rébellion, “ une protestation contre les rigueurs du pouvoir”1281. Le fait qu’il soit impérial ou monarchique, n’est ici que secondaire. Mais, le politique refuse de céder face au judiciaire : le procureur Bellart, par un arrêté en date du 24 août 1822, pris avec l’approbation du Garde des Sceaux de Peyronnet1282, rejette la liste que lui proposent les membres du Barreau de Paris, en invoquant “ les manœuvres et les intrigues qui auraient été employées pour altérer la pureté des élections ”1283. Il ordonne une enquête administrative, et décide de laisser en fonctions le conseil sortant pendant toute la durée de cette enquête1284.
155Mais, l’arrêté ne peut, finalement, être exécuté : les avocats refusent de se soumettre à l’enquête1285 et dénoncent l’abus du procureur, tant et si bien qu’une nouvelle législation apparaît nécessaire, voire urgente pour le pouvoir monarchique. L’ordonnance de novembre 1822 est la réponse à cette crise1286, ou comme la considère avec excès Me Segond, “ la queue du coup d’Etat de M. Bellart ”1287.
156Le contenu de l’ordonnance de novembre 1822 est lui-même porteur des ambiguïtés entre libéralisation et répression qui tiraillent le législateur.
157Tout d’abord, il reste incontestable qu’elle représente un important pas en avant vers l’indépendance que l’Empire avait confisquée au barreau.
158Le pouvoir monarchique réduit considérablement, à défaut de le supprimer, le droit concurrent de plaidoirie qui avait été reconnu aux avoués1288, au motif que cette disposition n’est plus nécessaire, du fait de rétablissement des barreaux. Le législateur ne formule qu’une exception1289 : tous les avoués perdent leur droit de plaidoirie, sauf “ dans les tribunaux où les avocats trop peu nombreux ne peuvent suffire à l’expédition des affaires”1290. Dans tous les autres cas, la plaidoirie des avoués est supprimée car :
“ Elle est abusive et destructive de toute émulation et nuisible à nos sujets dans les lieux où les barreaux, composés d’hommes expérimentés et d’une jeunesse studieuse offrent au public des défenseurs éclairés et en nombre suffisant ”1291.
159L’autre point positif très important du texte royal de 1822 concerne le collectif et plus particulièrement le conseil de l’ordre. Ce qu’offre l’ordonnance aux avocats, c’est ni plus ni moins qu’une “ autonomie administrative ”1292. C’en est fini de l’intervention du procureur : à son choix toujours subjectif, souvent politique, la législation monarchique substitue un mécanisme de nomination automatique purement interne aux barreaux, et qui peut s’analyser comme une “ gérontocratie de fait ”1293, exclusivement fondée sur l’expérience. L’article 7 de l’ordonnance prévoit que les conseils de discipline seront composés invariablement des anciens bâtonniers, auxquels seront adjoints les deux plus anciens avocats de chaque colonne du tableau de l’Ordre, et un secrétaire, choisi quant à lui, parmi les avocats inscrits, âgés de 30 ans accomplis, et ayant accompli au moins dix ans d’exercice professionnel. L’article 8 ajoute que le bâtonnier et le secrétaire seront nommés directement par le conseil lui-même, une fois qu’il aura été constitué suivant ce système.
160Il y a donc ici une authentique étape de franchie vers l’autonomie administrative du Barreau, même si la marche vers l’indépendance véritable n’est pas terminée : en effet, s’il n’y a plus aucune intervention gouvernementale dans le processus de composition des conseils de l’Ordre, le mécanisme automatique qui y est substitué reste contraignant. Aux antipodes d’une élection générale, il favorise la constitution de conseils dont le premier caractère sera “ la docilité ”1294.
161L’ordonnance comporte encore des avancées importantes quant à l’acquisition d’une indépendance effective par le barreau, dont, notamment, la suppression du pouvoir disciplinaire du Garde des Sceaux. Sur la question disciplinaire, l’article 45 prévoit en effet que :
“ Les usages observés dans le barreau relativement aux droits et aux devoirs des avocats dans l’exercice de leur profession sont maintenus ”1295.
162Le législateur ne prévoit une possibilité de recours devant les tribunaux que lorsque les peines de la suspension ou de la radiation ont été prononcées à l’encontre de l’avocat comparaissant devant le conseil de discipline.
163Ceci signifie, a contrario, que l’ordonnance a, “ par la force des choses, laissé au barreau la plénitude de ses anciennes franchises pour les deux autres peines disciplinaires, l’avertissement et la réprimande “1296. De même, en ce qui concerne le choix de l’admission au Tableau, et quelle qu’en soit la nature, qu’il s’agisse du stage, de la première inscription ou d’une réinscription, le barreau paraît retrouver son autonomie de décision1297.
164L’autre avancée extrêmement positive tient dans la reconnaissance officielle et définitive, d’une certaine manière la création, des barreaux de province1298 : l’Empire n’avait reconstitué que les “ grands ” barreaux, ceux qui, sous l’Ancien Régime, correspondaient aux sièges parlementaires, alors que l’ordonnance de 1822, quant à elle, prévoit que les barreaux seront constitués partout en France, sur la base du monopole de la plaidoirie1299, et qu’à partir de vingt avocats inscrits au Tableau, il sera formé un Conseil de discipline1300. Ce qui est l’acte officiel de renaissance des “ petits barreaux ” d’Ancien Régime, ces derniers disposant, cette fois-ci, d’une réelle autonomie administrative et disciplinaire, par rapport aux choix et à l’orientation interne des barreaux plus importants tels que celui de Paris.
165Cependant, malgré le prononcé univoque de cette indépendance si longtemps attendue et de la reconnaissance du monopole de la plaidoirie si souvent réclamé, la plupart des barreaux provinciaux sont confrontés à la volonté des avoués de conserver, au nom de la théorie des droits acquis, un rôle actif dans la défense et la plaidoirie devant les juridictions locales. L’enjeu est ni plus ni moins l’existence même de la profession d’avocat en province, et la plaidoirie, alors envisagée comme le symbole même de la défense, est au cœur d’une querelle récurrente qui, traversant tout le xixème siècle, prend parfois pour les avocats, l’allure d’une véritable quête de la reconnaissance du statut spécifique de l’Avocat et de la justification ad infinitum de sa place dans la Cité.
166Sous ses dehors libéraux, le texte de l’ordonnance contient néanmoins certaines dispositions aussi contraignantes que l’ancienne législation impériale ; certaines vont même au-delà.
167Sans reprendre l’interdiction implicite de s’exprimer à rencontre du gouvernement, le texte royal de 1822, prévoit que, parmi les attributions importantes des nouveaux conseils de discipline, l’une des plus importantes est de veiller au maintien de la fidélité à la monarchie constitutionnelle1301. Cette disposition, faussement disciplinaire, correspond en réalité à une obligation de réserve sur le plan politique ; obligation à peine plus voilée que celle en vigueur sous l’Empire, et tout aussi contraignante, surtout dans le cadre de la plaidoirie1302.
168Enfin, sur le plan strictement judiciaire, l’article 39 de l’Ordonnance du 20 novembre 1822, interdit à tout avocat, qu’il soit avocat à la Cour royale ou simplement rattaché aux tribunaux de première instance1303, de plaider en-dehors du ressort de la Cour1304.
169Ce principe connaît toutefois une exception, subordonnée à trois conditions dont seule le cumul autorise l’avocat à plaider devant toute juridiction :
“ l’avis favorable du conseil de discipline, le consentement du premier président, et enfin, l’autorisation du ministre de la Justice ”1305.
170Le caractère cumulatif de ces conditions apparaît comme un moyen de contrôle très efficace sur l’exercice même de la profession d’avocat. En somme l’ordonnance donne, selon la formule de Gaston Duveau, l’impression désagréable de n’être l’œuvre “ que d’un copiste distrait”1306, tant elle paraît reproduire les principaux abus de la législation impériale, excepté “ le pouvoir absolu et sans contrôle donné au ministre ”1307. Elle gomme effectivement l’intervention ministérielle pour les élections et en matière disciplinaire, tout en lui conservant indirectement une faculté d’intervention, par l’exigence de son autorisation expresse pour toute plaidoirie de l’avocat hors de son ressort habituel.
171L’année 1822 n’est pas encore celle de “l’âge d’or”. Il semblerait même qu’entre le décret impérial de 1810 dont les sanctions n’ont été en définitive que peu utilisées, et l’ordonnance de 1822, dont l’application paraît, quant à elle, étroitement surveillée, les avocats voient une fois de plus leur idéal d’indépendance déçu. Ils passent presque directement d’une rigueur souvent inappliquée, à une liberté encore inaccomplie1308. Loin de constituer l’accomplissement dont rêvaient les avocats, l’ordonnance du 20 novembre 1822 n’a peut-être été, au moins dans les premiers temps de son application, que la voie obscure par laquelle les Barreaux dans leur ensemble, et celui de Marseille en particulier, sont tombés de Charybde en Scylla.
172Il reste que, malgré ses limites intrinsèques, l’ordonnance du 20 novembre 1822 représente une réelle avancée dans l’édification d’un Barreau autonome. L’examen des sources locales, nous permettra d’éprouver la validité d’une telle analyse à l’aune des réalités locales et de savoir si la position des avocats de Marseille quant à la législation est marginale ou au contraire commune à celle des autres barreaux, notamment sur la question primordiale de la plaidoirie.
§ 2 : La lutte des avocats de Marseille pour le monopole de la plaidoirie
173La toute première manifestation de la lutte entre avocats et avoués pour la maîtrise de la plaidoirie dans le cadre local et spécifique de la cité phocéenne, est une lettre adressée par Me Thomas, le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Marseille, au Ministre de la Justice1309, en date du 17 août 1825, c’est-à-dire trois années après la promulgation des deux ordonnances essentielles du 27 février 1822 et du 20 novembre 1822.
174L’ordonnance du 27 février 18221310 concerne tout particulièrement la plaidoirie : elle maintient, “ conformément à la loi du 22 ventôse an XII, le droit de plaider aux avoués reçus avant le décret du 2 juillet 1812 ”1311 ; ce qui signifie qu’en revanche,
“ les avoués non licenciés et ceux qui ne l’ont été que depuis la publication du décret du 2 juillet 1812, ne peuvent plaider les causes dans lesquelles ils occupent que dans les tribunaux où le nombre des avocats inscrits sur le tableau (...) sera jugé insuffisant pour la plaidoirie et l’expédition des affaires “1312.
175Toutefois, l’ordonnance du 27 février 1822 confirme, de manière générale, “ le droit pour tous les avoués indistinctement de plaider les demandes incidentes de nature à être jugées sommairement, et tous les incidents relatifs à la procédure ”1313.
176Or, il semble qu’à Marseille, plusieurs avoués aient eu tendance à s’approprier des plaidoiries qui, à s’en tenir au texte même de l’ordonnance du 27 février 1822, ne leur reviennent nullement. La lettre du bâtonnier porte justement sur les difficultés rencontrées par les avocats et montre que ces abus entraînent une confiscation partielle des plaidoiries qui leur sont réservées.
177Il ne s’agit pas ici, comme on pourrait le croire de prime abord, de pure mesquinerie ou de chicane de la part des avocats, mais véritablement d’un enjeu crucial pour l’avenir de la profession, touchant à ce qui fait la légitimité de son existence elle-même : la plaidoirie.
178Le Bâtonnier Thomas, commence par évoquer l’aspect positif de la situation des ordres d’avocats, qu’il envisage comme le fruit du “ zèle persévérant avec lequel MM. les officiers du ministère public [veillent] à l’exécution de l’ordonnance du 27 février 1822 ”1314, rendant hommage, indirectement, à la sagesse d’un régime monarchique restauré qui a su rendre son autonomie au barreau. Il fait mine de se féliciter des échos de ce progrès à l’échelle locale, en affirmant, un peu rapidement, que “ les avocats de Marseille [plaident] enfin toutes les affaires ”. Effectivement, juste après cette déclaration, le Bâtonnier est contraint de rappeler que cette éviction des avoués de la plaidoirie, bien que légale et légitime, n’est que partielle sur le plan de la pratique, et de surcroît, déjà localement compromise : à la suite d’une réclamation des avoués de Marseille reçus après le décret du 2 juillet 1812, dans laquelle ils soutiennent “ que l’ordonnance leur laissait le droit de plaider les causes sommaires ”, le Tribunal de 1ière instance de Marseille près la Cour d’Aix-en-Provence, “ a adopté cette prétention ”. Immédiatement, Me Thomas présente au garde des Sceaux, les effets négatifs et regrettables de cette décision pour tous les avocats de Marseille :
“ Depuis que les avoués reçus après le décret sont admis à plaider les causes sommaires dans lesquelles ils sont constitués, la plaidoirie des avocats se trouve réduite à la moitié des affaires ordinaires ”1315.
179Le Bâtonnier juge cette conséquence ” désespérante “1316 pour les jeunes avocats marseillais. Ceux-ci peuvent légitimement se demander ” avec anxiété, si c’est là le terme des études longues et dispendieuses qu’ils ont faites et du stage laborieux auquel ils ont été soumis “1317. Faisant valoir l’investissement important qui prélude à une carrière au barreau et qui en fait toute la difficulté, il rappelle que la plaidoirie est, sans nul doute, l’élément à la fois le plus spécifique et le plus essentiel, notamment du point de vue des jeunes générations d’avocats. Qu’ils soient débutants ou confirmés, les membres du barreau marseillais, “ ne conçoivent pas que la plaidoirie n’appartienne pas aux avocats ”.
180Le Bâtonnier Thomas, parlant au nom de son collectif, voit dans cette ” invasion “ de la plaidoirie par des avoués irrespectueux, et donc profanateurs, des usages d’une profession toute entière consacrée à la défense, une atteinte caractérisée à la réglementation royale, dont la tolérance à leur égard est fort dommageable, car elle rend “ stériles ” les mesures qu’elle a préalablement prises en faveur des avocats.
181Toutefois, les avocats de Marseille ne se portent pas partie au procès entamé par les avoués. La raison de cette réserve, qui paraît excessive au regard de l’importance de l’affaire, est donnée par Me Thomas lui-même dans la suite de sa lettre :
“ Il nous a semblé que la dignité de notre profession ne nous permettait pas de revendiquer les causes à la barre ”1318.
182Ce qui pourrait, de prime abord, ressembler à un simple prétexte, est en réalité en parfaite adéquation avec la conception particulière qu’ont les avocats de leur profession, et qui est centrée sur l’honneur. L’honneur de la profession, cette fugace mais tenace conscience d’une spécificité vient de jouer une fois de plus : les avocats ne veulent pas s’abaisser à réclamer ce qu’ils estiment leur revenir de droit, et de toute tradition. Le Bâtonnier écrit :
“ Alors même qu’on entreprendrait de nouveaux empiétements sur nos attributions déjà si restreintes, on ne nous verrait point élever à l’audience, des débats (...) inconvenants parce qu’ils seraient intéressés ”1319.
183D’ailleurs, poursuit-il avec un soupçon d’ironie, le faire eût été se condamner à intenter “ un procès personnel à chaque avoué qui empièterait sur nos droits ”, ce qui serait dommageable à la Justice elle-même.
184Le Bâtonnier évoque ensuite la responsabilité des magistrats dans cette affaire, car l’exécution des ordonnances royales leur est confiée. Finalement, il place tous les espoirs des avocats de Marseille, non point dans un recours devant les Cours, mais dans l’intervention du ministre lui-même, qui, mis au fait de “ cet état des choses ”, saura certainement rendre justice aux membres du Barreau phocéen. Bien qu’il ne l’affirme pas directement, il attend que le Garde des Sceaux “fasse cesser ce morcellement des (...) prérogatives de l’avocat”1320, et surtout qu’il reconnaisse expressément le monopole accordé par la législation aux avocats sur la plaidoirie1321.
185Peu de temps après l’intervention du Bâtonnier Thomas, la Cour royale d’Aix-en-Provence, par un arrêt du 2 août 1825, vient confirmer le jugement du tribunal1322. Elle estime que :
“ Les avoués ont incontestablement le droit de saisir les tribunaux lorsqu’ils se prétendent lésés dans l’exercice de leur droit de plaidoirie ”1323.
186Toutefois, elle y apporte deux correctifs importants. D’une part, elle reconnaît également le droit du ministère public à intervenir, au principal, sur cette question de l’attribution des plaidoiries aux avoués1324, sans pour autant évoquer celui des avocats, qui ne sera reconnu que plus tard, par un arrêt de la Cour d’appel de Nîmes1325. D’autre part, considérant l’intervention des autres avoués au sujet de la contestation de l’étendue du droit de plaidoirie de l’un d’eux dans une espèce particulière, la Cour estime que celle-ci n’est pas recevable et que l’arrêt “ ne [peut] leur être rendu commun ”1326. Faisant prévaloir l’empirisme, la Cour précise que son arrêt ” ne sera applicable qu’à l’affaire sur laquelle le litige s’est engagé, et ne peut, par conséquent concerner que l’avoué personnellement en cause “1327.
187Il est clair qu’elle se refuse ici à toute jurisprudence à dimension générale, et qu’elle ne reconnaît nullement un droit acquis des avoués à la plaidoirie. Mais, malgré ces réserves, la querelle naissante prend inévitablement de l’ampleur, alimentée par la colère couvant dans le sein du barreau marseillais depuis de nombreuses années, par la persistance des avoués à revendiquer leur part dans l’exercice de la plaidoirie, et par l’absence de réaction du ministre et du gouvernement.
188Une nouvelle intervention du Bâtonnier en 1827 est le signe majeur de cette aggravation de la crise professionnelle des avocats. Ecrivant cette fois-ci au Procureur général du Roi près la Cour royale d’Aix-en-Provence1328, le Bâtonnier rappelle que “l’Ordre des avocats est loin de partager l’opinion adoptée par cet arrêt ”, et fait valoir la position favorable aux avocats, clairement adoptée par la jurisprudence nationale : “ La Cour de Cassation elle-même (...) appelée à fixer le sens et l’esprit de l’ordonnance, a cassé l’arrêt que la Cour d’Amiens avait rendu en faveur des avoués ”1329, dénonçant implicitement la marginalité aixoise. Me Thomas fait référence à l’arrêt de la Cour suprême en date du 11 décembre 1826, “rendu contre les avoués sur la question du droit de plaidoirie dans les causes sommaires “1330. Cet arrêt de 1826 est suivi de plusieurs autres allant dans le même sens1331. Le Bâtonnier s’appuie sur l’univocité d’une jurisprudence “ bien établie ”1332.
189Il rappelle aussi que “l’ordonnance n’établit aucune différence entre les tribunaux du royaume ”1333, rejetant ici la distinction prévue par le décret du 2 juillet 1812, entre les avoués prés les Cours et les avoués prés les tribunaux de première instance, eux-mêmes divisés entre avoués prés les tribunaux séants aux chefs-lieux de Cour d’appel et les avoués prés les tribunaux d’arrondissement1334 : les premiers ne peuvent plaider, selon le décret, que les demandes incidentes sommaires et les incidents de procédure, les suivants accèdent aux causes sommaires même non incidentes, et les derniers connaissent toute espèce de cause. Accepter cette nomenclature impériale reviendrait à reconnaître le droit de plaidoirie des avoués près les tribunaux de Marseille. Le Bâtonnier fait valoir que la réglementation royale n’évoque plus cette distinction.
190Cependant, son interprétation semble critiquable. Comme le fait remarquer F. Labori, le raisonnement peut être inversé :
“ L’ordonnance de 1822 ne parle que des avocats résidant dans le chef-lieu (...) on peut en conclure que les avoués d’arrondissement ont conservé le droit de plaider toute espèce de cause dans laquelle ils occupent ”1335.
191La question ne sera tranchée que plus tard. Le Bâtonnier propose la seule interprétation de l’ordonnance qu’il juge acceptable :
“ Le nombre des avocats est-il suffisant pour la défense et l’expédition des affaires ? Ils doivent plaider exclusivement. Est-il insuffisant ? Les avoués peuvent être autorisés à plaider. Telle est la règle unique de l’ordonnance ”1336.
192En poursuivant son argumentaire pour l’établissement d’un contrôle strict de la place des avoués dans la plaidoirie à Marseille, le Bâtonnier s’appuie sur les volontés royales elles-mêmes en évoquant le préambule de l’ordonnance du 27 février 1822, dans lequel :
“ Sa Majesté déclare (...) que la plaidoirie des avoués est abusive, destructive de toute émulation et nuisible aux sujets de Sa Majesté dans les lieux où le Barreau offre au public des défenseurs éclairés et en nombre suffisant... ”1337.
193Il utilise la fonction même du Procureur royal pour le faire “ployer”, en lui rappelant que “l’exécution des intentions de Sa Majesté ne doit pas éprouver un plus long retard dans ce ressort ”, sous peine de voir les royales volontés bafouées à Marseille. Quant aux abus proprement dits, que les avocats marseillais reprochent aux avoués, ils sont présentés comme réels et constants. Au nom du droit que leur reconnaît l’ordonnance, de plaider des causes sommaires, les avoués “ en ont plaidé, sous ce nom, qui ne l’étaient pas ”. Tout ceci constitue donc un ” motif encore plus pressant de rétablir incontinent l’ordre légal au barreau de Marseille “1338, conclue Me Thomas.
194Mais, les avocats de Marseille ont du mal à obtenir la reconnaissance de leur prétentions, comme le prouve une nouvelle lettre du Bâtonnier, en date du 27 février 1827, par laquelle l’Ordre des Avocats, continue de demander inlassablement au Procureur royal, l’annulation de l’arrêt de la Cour d’Aix-en-Provence du 2 août 1825 favorable aux avoués ; annulation qui se justifie par la nécessité d’une bonne administration de la justice et d’une juste conformité à la législation nationale, et qui, de plus, “ aurait le double avantage de faire cesser une disparate dans la jurisprudence et d’enlever tout prétexte aux récalcitrans ”1339.
195La querelle entre les avocats et les avoués demeure récurrente pour l’ensemble du xixème siècle, ces derniers cherchant systématiquement à conserver un droit, à tout le moins concurrent, à la plaidoirie. Ainsi, sous la Monarchie de Juillet, le débat sur la validité des restrictions apportées au droit de plaider des avoués des chefs-lieux par l’ordonnance du 27 février 1822 se poursuit, avec l’intervention des Cours d’Aix, de Riom et de Nîmes1340, qui écartent l’application de l’ordonnance, “ en assurant que celle-ci avait été prise en violation de la charte ”1341.
196La question se repose encore, comme l’atteste une communication entre les barreaux d’Evreux et de Marseille en 1874 : le Bâtonnier de l’Ordre de Marseille communique au Conseil une circulaire qu’il a reçue du Bâtonnier de l’Ordre d’Evreux,
“ appelant l’attention de tous les Barreaux de France sur les agissements des avoués qui sollicitent du gouvernement en compensation à certaines modifications du tarif de 1808, le droit de plaider dans toutes les affaires dans lesquelles ils occupent”1342.
197Immédiatement, le Conseil de l’Ordre de Marseille nomme une commission chargée d’examiner la question. La réponse ne tarde pas, puisque deux semaines plus tard, le Conseil de l’Ordre de Marseille, via son Bâtonnier, adresse “ à M. le Bâtonnier d’Evreux en réponse à sa circulaire, une lettre d’adhésion aux mesures générales à prendre pour repousser les prétentions des avoués ”1343. Une fois de plus, ensemble, les avocats sont bien décidés à défendre les prérogatives et les privilèges de leur profession. Mais, leur combat n’est pas véritablement victorieux pour la suite du siècle : l’ordonnance n’est pas réformée et les avoués continuent d’être présents dans la plaidoirie, essentiellement celle des causes sommaires. F. Labori note en 1889, que la jurisprudence sur la question “ n’a plus été contestée depuis l’arrêt de cassation du 13 mai 1840 ”1344.
198Le décret du 25 juin 1878 tente de fixer définitivement l’étendue des prérogatives de l’avoué, en prévoyant que :
“ Les avoués de chefs-lieux de Cour d’Assises ou de département peuvent être autorisés à plaider si le nombre des avocats est jugé insuffisant. Et, l’autorisation leur est donnée par la Cour d’Appel ”1345.
199Ce décret reprend la distinction entre les avoués d’arrondissement et les avoués de chefs-lieux et en clarifie la portée en ce qui concerne la plaidoirie : les avoués d’arrondissement peuvent, en l’absence d’avocats, plaider toutes les causes devant le tribunal près lequel ils occupent ; les avoués de chefs-lieux de département ou d’assises ne le peuvent que s’ils y sont autorisés par la Cour d’Appel et, au cas seulement, où le nombre des avocats inscrits au tableau ou stagiaires, ne serait pas jugé suffisant pour l’expédition des affaires.
200Toutefois, même dans les cas où il existe un barreau suffisamment important, les avoués conservent le droit de plaider les demandes incidentes de nature à être jugées sommairement, et tous les incidents relatifs à la procédure.
201Le principal apport de cette réglementation est l’affirmation univoque du contrôle strict de la Cour d’appel sur toutes les questions relatives à la plaidoirie1346. Mais, il ne s’agit nullement ici d’une avancée décisive pour le Barreau de Marseille, et en général, dans sa lutte pour la récupération de la plaidoirie toute entière.
202Il faut cependant relever une tendance certaine de la jurisprudence qui, a contrario s’oriente clairement dans le sens d’une multiplication des causes réputées inaccessibles aux avoués, en raison même de leur difficulté : ces causes “ affectant le fond du droit et étant de nature à soulever de graves difficultés et nécessitant une discussion approfondie ”1347 ; elles ne peuvent être plaidées par les avoués, quand bien même elles seraient incidentes, car elles n’ont rien de sommaire.
203La querelle entre les avocats et les avoués excède largement le cadre historique de la restauration : elle puise ses fondements dans la révolution, et étend ses linéaments jusqu’aux débuts du xxème siècle.
204A Marseille, elle n’est ni plus ni moins violente qu’ailleurs ; c’est pourquoi, il n’est pas nécessaire de s’y appesantir ici, sans toutefois s’interdire d’y revenir1348.
205L’aboutissement de la renaissance professionnelle des avocats, entamée en 1810 et consolidée en 1822, est incarné, sans nul doute, par l’ordonnance d’août 1830.
§ 3 : L’Ordonnance de 1830 : un aboutissement professionnel
206L’année 1830 marque l’accomplissement de la renaissance du Barreau français, tant sur le plan de l’autonomie professionnelle que sur celui de la liberté politique. Les raisons en sont multiples et le fait que l’aboutissement du lent et difficile processus de renaissance soit ” offert “ par la monarchie de Juillet, est tout sauf anodin. De nombreux éléments semblent y prédisposer : “ un roi bourgeois, l’abolition de la censure, la disparition de la religion d’Etat et la réduction du cens électoral ”1349. L’ordonnance promulguée par Louis-Philippe le 27 août 1830 est l’instrument d’une authentique libéralisation du barreau.
207Elle manifeste la volonté royale d’accorder aux barreaux ce qu’ils réclament depuis toujours : “ la liberté pleine et entière et la suppression de toutes les entraves du Parquet ou du ressort ”1350. Elle est “ l’œuvre personnelle de Dupin ”, le fameux bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris, qui porte la paternité de son esprit et de sa lettre1351. La pression en faveur de l’ouverture avait été essentiellement l’œuvre, à partir de 1815, des membres les plus éminents du barreau parisien, toutes familles politiques confondues, légitimistes déçus, libéraux motivés, et républicains1352.
208L’année judiciaire 1829-1830 témoigne encore du poids de la réglementation née de l’ordonnance de 1822 pour les avocats de Marseille : les membres de l’Ordre, dont ” le nombre actuel est de soixante-six “1353, sont répartis en colonnes sur le tableau. Ce dernier, qui en comporte trois depuis l’année 18231354, est envoyé, avec une demande d’ajout de colonne, à la Cour royale d’Aix-en-Provence, afin qu’elle veuille ” bien approuver ladite délibération et autoriser le conseil à porter à quatre le nombre des colonnes... “1355.
209Il apparaît que, sans l’aval de la Cour, le Barreau de Marseille ne peut modifier son tableau. Cette obligation manifeste la soumission du barreau, dont l’administration est placée sous tutelle de la Cour, à laquelle les membres du conseil de l’ordre doivent “ l’assurance de leur profond respect ”1356.
210Par un arrêt du 25 novembre 1829, le Barreau de Marseille obtient l’accord de la Cour d’Aix-en-Provence et, “ en application de l’ordonnance royale du 20 novembre 1822 ”1357, dresse son tableau en quatre colonnes le 12 décembre 18291358.
211L’ordonnance du 27 août 1830 met en place une réglementation incontestablement plus souple que les précédentes et ouvre véritablement une nouvelle ère pour tous les barreaux français : celle de l’autodétermination1359.
212Louis-Philippe y manifeste clairement son intention de prendre en considération “ les vœux exprimés par un grand nombre de barreaux de France ”1360. Il y évoque les “justes et nombreuses réclamations [qui] se sont élevées depuis longtemps contre les dispositions réglementaires qui régissent l’exercice de la profession d’avocat ”1361. Prenant radicalement le parti d’une profession trop longtemps lésée, tout en se conservant la possibilité de légiférer à nouveau sur la question de l’organisation du Barreau dans les années qui suivront1362, le roi affirme qu’il lui importe :
“ de faire cesser dès ce moment par des dispositions provisoires, les abus les plus graves et les plus universellement sentis ”1363.
213Immédiateté et Efficacité sont les mots-clefs de l’ordonnance. Partant de là, il s’agit d’examiner ses différents articles, afin d’en évaluer la portée effective, comme cela a déjà été fait avec le décret de 1810 ou de l’ordonnance de 1822.
214En ce qui concerne l’administration interne du barreau, l’ordonnance de 1830 est marquée par le retour du principe électif. Celui-ci se manifeste surtout à travers l’élection au suffrage universel direct des conseils de discipline, suprême incarnation du Collectif : l’assemblée générale des avocats de Marseille, composée de tous les membres inscrits au tableau, élit désormais, en application de cette ordonnance et en toute liberté, directement et au suffrage le plus étendu, son conseil de discipline1364. Seule la majorité relative est exigée, et surtout, cette élection n’est plus limitée par des candidatures imposées par la loi, ou par l’un des représentants du gouvernement, qu’il s’agisse du procureur ou du Ministre de la Justice. Le nombre des membres de ces conseils ” nouveau régime “ varie selon l’importance du barreau concerné : de 5 à 15 membres, avec une exception notable pour le barreau parisien qui se voit doté d’un conseil de 21 membres1365. En ce qui concerne la désignation du bâtonnier lui-même, elle se fait désormais par la voie de l’élection, et c’est l’assemblée générale qui en assume seule la responsabilité1366.
215C’est le signe évident d’une autonomie retrouvée pour les barreaux français, enfin libres de se doter de la figure de proue qu’ils désirent. La majorité absolue est toutefois exigée pour valider la nomination de tout nouveau bâtonnier et que cette élection doit impérativement être distincte et préalable à celle du conseil de discipline.
216L’ordonnance est parfaitement claire sur ce double point, rendant délibérément, à côté d’un organe collectif et délibératif incarnant l’Ordre en lui-même, une solennité particulière à la fonction de bâtonnier, envisagée comme une puissance exécutive paternaliste et respectée.
217Peut-être s’est-il agi pour Louis-Philippe, tout en libérant le barreau de l’emprise du politique, d’instaurer un modèle de bâtonnat proche de l’image du monarque qu’il incarne ? Le parallèle doit être manié avec prudence. Le Bâtonnier est la tête d’un ordre pleinement autonome, le président d’un conseil qui légifère pour toute une profession qui l’a elle-même désigné en toute liberté.
218Dans le dernier article de l’ordonnance, également reporté dans la délibération du conseil de Marseille, Louis-Philippe promet au barreau que celle-ci sera bientôt suivie d’un règlement définitif1367.
219En ce qui concerne les franchises et les libertés accordées au Barreau par la monarchie, plusieurs délibérations du conseil de l’Ordre des avocats de Marseille, nous renseignent sur leur teneur.
220Une affaire en particulier montre leur importance : dans une séance du 10 juillet 1832, le conseil de discipline examine le cas de Me Fortoul, l’un des membres de l’Ordre, qui fait l’objet de poursuites judiciaires intentées par l’un de ses clients, le sieur Digne, pour non remise de pièces de procédure1368. Malgré une déclaration de Me Fortoul affirmant “ qu’il n’était ni détenteur ni dépositaire d’aucun acte, titre ou pièces de procédure intéressant le sieur Digne ”1369, un jugement rendu par le tribunal civil de Marseille1370 lui impose de prêter un serment solennel à ce sujet.
221Me Fortoul s’en remet alors à son collectif, en se déclarant “ prêt à prêter ce serment si le conseil de l’Ordre auquel il appartient pense qu’il doive se soumettre à cette épreuve ”. En présentant la situation ainsi, et en posant la question aux membres du conseil et au Bâtonnier, Me Fortoul met implicitement en avant l’aspect vexatoire d’une telle requête de la part d’une juridiction.
222Celle-ci jette le doute sur la véracité d’une déclaration formulée par un avocat, et portant par conséquent atteinte à l’honneur de la profession elle-même.
223La réponse du Conseil ne surprend nullement, puisque, non seulement elle manifeste la solidarité professionnelle, mais de surcroît, elle abonde dans le sens de Me Fortoul, en exaltant, cette fois-ci expressément, l’honneur de la profession : le conseil considère que l’avocat qui se charge d’une cause,
“ ne contracte d’autre engagement envers son client que celui de le défendre avec honneur et loyauté, en exerçant cet empire que donnent les lumières et la probité sur l’esprit et le cœur de ses juges”1371
224Mais au-delà de son dimension attentatoire à l’honneur, l’exigence d’un tel serment heurte l’une des traditions fondamentales du barreau, selon laquelle “ les avocats n’ont jamais été tenus de délivrer récépissé des titres que leur confient les clients ”. Le conseil de Marseille explique cette pratique par la nature même du ministère de l’avocat, qui impose que “ les relations qui s’établissent entre lui et son client [participent] de rapports mutuels de confiance et de précaution... ” ; une confiance que l’exigence répétée de justificatifs viendrait ternir, voire compromettre. Le conseil y voit d’ailleurs le pendant de l’interdiction absolue pour l’avocat d’exiger de son client une quittance de ses honoraires1372, pour les mêmes questions d’honneur et de confiance mutuelle. Pour le conseil de l’Ordre, et la formule est révélatrice d’une très haute conception de l’avocat, “ la même confiance qui a présidé au principe de la défense, doit s’étendre à toutes ses suites ”1373. En somme, l’honneur de l’avocat et la confiance échangée avec son client, sont les meilleures garanties de la loyauté du défenseur, absolument incapable de tromper son client. Se référant encore à la tradition qui apporte la preuve “ de l’observation constante de ces maximes ”, le conseil rappelle adroitement “ le soin que les tribunaux ont toujours apporté à leur maintien ”, et met en avant leur absolue nécessité, car elles “peuvent seules garantir l’indépendance et la dignité de la profession d’avocat “1374.
225Dans sa délibération, le conseil, poursuivant sa démonstration, n’hésite pas à citer Le dialogue des Avocats de Loysel1375, ce “ monument si exact des anciennes traditions du barreau ”1376, qui sur une question de remise d’une pièce de procédure, montre que le Parlement de Paris se fiait habituellement “ à la simple parole de l’avocat qui déclarait avoir restitué la pièce ”1377. Et, à la suite de cette référence doctrinale fort symbolique mais juridiquement légère, le conseil de l’Ordre en utilise une autre, plus précise et plus efficace : l’œuvre doctrinale de Denisart1378. La formulation qui est reproduite dans la délibération, lève toute ambiguïté sur la position du conseil quant au serment demandé à Me Fortoul :
“ Les avocats n’étant chargés des pièces relatives aux affaires qu’ils traitent, que sur la confiance qu’on a eu en leur honnêteté, et sans aucun récépissé, on ne saurait les actionner en justice pour leur en faire faire la remise. Leur déclaration qu’ils n’ont aucune pièce suffit pour leur décharge ”1379.
226La jurisprudence est également utilisée puisque le conseil, se fondant cette fois-ci sur Merlin1380, évoque un arrêt du Parlement de Paris datant du 28 décembre 1781,
“ qui jugea dans ce sens, en déboutant (...) sur la demande tendant à faire interroger un avocat de Blois (...) à raison de la restitution des pièces qui avaient servi à une transaction”1381
227La réponse du collectif est très claire : sachant que les maximes évoquées n’ont jamais été abrogées1382, l’honneur de la profession et l’indépendance du défenseur, consubstantielles à l’existence d’une authentique défense et nécessaires à la Justice elle-même, interdisent à tout avocat, et donc en l’espèce à Me Fortoul, de se soumettre à l’exigence d’un serment.
228Par conséquent, le jugement rendu par le tribunal civil de Marseille ne doit absolument pas être suivi, et constitue “ une atteinte grave aux droits et aux immunités de l’ordre des avocats, tout en blessant la délicatesse de Me Fortoul ”1383, que le conseil invite à se pourvoir en appel, pour obtenir réformation du jugement et réparation de l’atteinte portée à son honneur. Au surplus, il en va de l’intérêt même de l’Ordre tout entier, car “ une telle décision, si elle était maintenue, détruirait la confiance dont l’avocat doit jouir dans l’exercice de sa profession ”1384.
229Après l’accomplissement de la renaissance du collectif, il revenait aux avocats de déterminer, à nouveau, les linéaments de leur spécificité professionnelle, autour de la notion d’indépendance. Le pouvoir disciplinaire du Conseil de l’Ordre sanctionnant le respect des règles déontologiques, en constitue une parfaite illustration.
Notes de bas de page
1054 J. P. ROYER, op. cit., p. 415 : “ Citoyens, la Révolution est fixée aux principes qui l’ont commencée : elle est finie ”. Comme le note l’a., toutes les ambitions du nouveau régime sont résumés dans cet énoncé résolument agressif.
1055 A. N., Série Justice, Liasse BB 16, n° 97 (environ 300 feuillets). Il s’agit d’une liasse (un ensemble) assez mal structurée, composée de très nombreux feuillets en partie effacés, qui apparaissent comme étant de plusieurs natures : on y retrouve des correspondances multiples, des conclusions en attaque et en défense, des mémoires et des rapports divers. Ces feuillets sont approximativement classés par ordre chronologique, et placés tous ensemble dans un dossier au carton fort corrompu, sur lequel est reportée à l’encre noire, la mention “ Affaire des Avocats ”, suivie de la date : 1806. A noter également qu’on ne trouve, aucune trace de cette affaire particulière, ni dans les diverses séries des archives municipales, y compris les recueils des délibérations du conseil municipal, ni dans le fonds ancien de la bibliothèque municipale de Marseille, excepté quelques évocations éparses, et toutes indirectes. Pour faciliter la présentation des différentes pièces qui composent la liasse n°97 de la série BB 16 des Archives Nationales, les abréviations suivantes sont employées dans toutes les notes qui y font directement référence :
- Procureur impérial de Marseille = P.I.M.
- Ministre de la Justice = M. J.
- Président du tribunal civil = P.T.C.
- Napoléon Empereur = N.E.
- Registre de la Chambre des avoués = R.C.A.M.
Le signe “ / ” est utilisé pour permettre de distinguer l’Expéditeur et le Destinataire de la lettre, ou du procés-verbal. Ainsi “ Pièce P.I.M. / M.J. ” désigne une lettre du Procureur impérial de Marseille, adressée au Ministre de la Justice. La date suivant ces références est celle reportée sur la pièce elle-même, et nous reproduisons le calendrier révolutionnaire, toutes les fois qu’il est utilisé dans ces archives.
1056 A. N., Série Justice, Liasse BB 16, n° 97. Pièce : P. I. M. / M. J. 12 niv. XIII.
1057 A. N., Série Justice, Liasse BB 16, n° 97. Pièce : P. T. C. / M. J. 10 ther. XIII.
1058 A. N., Série Justice, Liasse BB 16, n° 97. Pièce : P. I. M. / M. J. 10 ther. XIII.
1059 Raoul BUSQUET, op. cit., p. 326 : à cette époque, le Préfet des Bouches-du-Rhône est A.-C. Thibaudeau, “ ancien député de la Vienne, régicide, (...) un homme énergique et un bon administrateur ”. Il succède en 1803, à Charles Delacroix, qui lui était un ancien avocat, ayant également voté la mort du Roi. Thibaudeau parvient à remettre en ordre toute la région, y compris Marseille elle-même, fait “ la chasse aux réfractaires ”, ce qui explique peut-être sa relative hostilité aux avocats, qui manifestent souvent leur opposition au régime impérial.
1060 Elles seront utilisées surtout dans les deux paragraphes suivants.
1061 Edouard BARATIER (sous la dir.), op. cit., p. 298 : Omer Granet a effectivement été l’un des trois maires de Marseille (avec Sarmet et Mossy) sous le régime municipal applicable aux grandes villes depuis l’an 8. Mais, le décret impérial du 16 thermidor an XIII (4 août 1805) rétablit la mairie unique à Marseille et met fin à la division en trois sections et trois mairies. Le 23 septembre, le maire installé est Antoine-Ignace Anthoine, baron de Saint-Joseph. Il est assisté de six adjoints parmi lesquels on compte Omer Granet, ancien montagnard et conventionnel, ayant joué, tout comme Barbaroux et à son opposé, un rôle important lors du glissement de la Convention vers le jacobinisme triomphant. Voir également Raoul BUSQUET, op. cit., p. 326.
1062 A. N., Série Justice, Liasse BB 16, n° 97. Pièce : P. I. M. / M. J. 12 niv. XIII.
1063 Ibid.
1064 Ibid.
1065 Ibid. : “ appelée Miette Pourcel... ”.
1066 Ibid.
1067 II sera le premier bâtonnier du barreau de Marseille restauré. Voir infra, chapitre suivant, p. 295.
1068 A. N., Série Justice, Liasse BB 16, n° 97. Pièce : P. I. M. / M. J. 12 niv. XIII.
1069 Ibid.
1070 Ibid. : “ Portant mes conclusions, je crus devoir recquerir d’office la vérification des registres de l’état-civil (...) si l’état d’un enfant avait été supprimé par une altération des registres de l’état-civil, il fallait constater ce délit et en punir les auteurs. Si, au contraire, le fait avancé au nom de la Dame Eymar Granet était faux, il était juste de mettre la réputation de sieur Granet à l’abri du soupçon (...) Le tribunal partagea unanimement mon opinion et fit droit à mon réquisitoire, la vérification eut lieu à mon recquis, et il est résulté que... ”.
1071 Ibid.
1072 Ibid. Le procureur ajoute : “ cette vérifïcation justifie pleinement le sieur Granet et je me félicite de l’avoir provoquée ”.
1073 Ibid. Mais, cette fois-ci, “ nonobstant mes conclusions qui tendaient à la cassation... ”.
1074 Ibid.
1075 Ibid.
1076 Ibid.
1077 Ibid.
1078 A. N., Série Justice, Liasse BB 16, n° 97. Pièce : P. T. C. / M. J. 10 ther. XIII. A la demande du Ministre.
1079 Ibid. Nous reviendrons dans les deux paragraphes suivants sur cette utilisation expresse et plutôt troublante du terme “ avocat ”.
1080 Ibid.
1081 A. N., Série Justice, Liasse BB 16, n° 97. Pièce : P. I. M. / M. J. 10 ther. XIII.
1082 Ibid.
1083 A. N., Série Justice, Liasse BB 16, n° 97. Pièce : P. T. C. / M. J. 10 ther. XIII.
1084 Ibid.
1085 Ibid. : “ Me Capus s’excusa sur ce que M. Granet avoit osé parler le premier de Louis 16... ”.
1086 Ibid.
1087 Ibid. : “Et, prononça quelques autres mots qui faisoient allusion à l’opinion politique du maire... ”.
1088 Ibid. : “ Le président interrompit Me Seytres (...) cependant, ce rappel de bon ton, ne produisit aucun fruit... ”.
1089 Ibid.
1090 A. N., Série Justice, Liasse BB 16, n° 97. Pièce : M. P. / M. J. 22 ther. XIII.
1091 DUVERGIER, op. cit., tome 14, p. 333. Il s’agit de l’article 31 du Titre 5 de la loi du 22 ventôse an XII.
1092 A. N., Série Justice, Liasse BB 16, n° 97. Pièce : M. J. / N. E. 28 mess. XIII.
1093 Ibid.
1094 Ibid. : “ réflexions (...) propres à rappeler des souvenirs que la tranquillité publique et l’intérêt de l’Etat doivent faire disparaître pour jamais ”.
1095 Ibid. : “ II résulte de la lettre du Préfet et d’une autre que le sieur Granet m’a également adressée... ”.
1096 Ibid.
1097 Ibid.
1098 DUVERGIER, op. cit., tome 14, p. 333. Il s’agit de l’article 31 du Titre 5 qui prévoit que l’avocat doit “prêter serment de ne jamais s’écarter du respect dû aux tribunaux et aux autorités publiques ”.
1099 A. N., Série Justice, Liasse BB 16, n° 97. Pièce : M. J. / N. E. 28 mess. XIII.
1100 Ibid. : il s’autorise même à juger, sans les avoir encore consultés, l’attitude du président du tribunal et du procureur impérial : “ Le président du tribunal paraît avoir fait son devoir et cherché, autant qu’il était en lui à réprimer la fougue inconsidérée des deux orateurs, mais je suis fort éloigné d’en dire autant du procureur qu’on assure être resté spectateur passif... ”.
1101 A. N., Série Justice, Liasse BB 16, n° 97. Pièce : P. I. M. / M. J. 10 ther. XIII.
1102 Ibid.
1103 A. N., Série Justice, Liasse BB 16, n° 97. Pièce : Mémoire instructif de l’avoué Seystres.
1104 Ibid.
1105 A. N., Série Justice, Liasse BB 16. n° 97. Pièce : M. J. / N. E. 25 ther. XIII.
1106 Ibid.
1107 A. N., Série Justice, Liasse BB 16, n° 97. Pièce : M. P. / M. J. 22 ther. XIII.
1108 A. N., Série Justice, Liasse BB 16, n° 97. Pièce : Décret impérial du 30 thermidor an XIII.
1109 A. N., Série Justice, Liasse BB 16, n° 97. Pièce : M. J. / N. E. 25 ther. XIII.
1110 A. N., Série Justice, Liasse BB 16, n° 97. Pièce : Capus / M. J. 16 fruc. XIII.
1111 Ibid.
1112 A. N., Série Justice, Liasse BB 16, n° 97. Pièce : R. C. A. M. 26 vent. XIII.
1113 Ibid. : “ ce qui lui a mérité diverses interruptions & sévères représentations de la part du président du tribunal pendant le cours de sa plaidoirie ”.
1114 Ibid. : “ ...il a manqué à la partie adverse en traitant le sieur Granet d’homme immoral ; il a commis un manquement d’une espèce plus élevée encore en disant du sieur Granet qu’il avait la barbe aux trois couleurs... ”.
1115 Ibid.
1116 Ibid. : “La Chambre des Avoués près le Tribunal de première instance séant à Marseille, après avoir ouï son sindic, a unanimement délibéré que le sieur Etienne Seytres est déchargé, ainsi que la chambre le décharge de l’inculpation portée contre lui”.
1117 Ibid. : “ Considérant que dans le procès de la dame Granet contre son mari, il était question de savoir, à qui, pendant la durée soit des contestations soit des épreuves relatives au divorce demandé par le sieur Granet, devait être confié le soin de l’éducation de leurs enfants... ”.
1118 Ibid. : “ ...et que, tandis que le sieur Granet les réclamait en vertu de la disposition générale de la loi, les fins de la dame Granet tendaient à l’en faire déclarer indigne ”.
1119 Ibid.
1120 DUVERGIER, op. cit., tome 14, p. 333.
1121 Voir infra, même chapitre, pp. 280-293.
1122 Voir DALLOZ, op. cit., tome V, v° AVOCAT, n°46, p. 464.
1123 Notamment dans les départements du Nord. Voir N. DERASSE, op. cit., pp. 437-438.
1124 A. N., Série Justice, Liasse BB 16, n° 97. Pièce : P. T. C. / M. J. 22 ther. XIII.
1125 Ibid.
1126 A. N., Série Justice, Liasse BB 16, n° 97. Pièce : M. J. / N. E. 25 ther. XIII. : “ Ces procès-verbaux relatent des faits moins graves que ceux qui m’avaient été dénoncés d’abord... ”.
1127 Ibid.
1128 A Paris, bien avant la loi du 22 ventôse an 12, certains “ hommes de loi ”, anciens avocats inscrits au Parlement ou nouveaux défenseurs guidés par certaines figures emblématiques du barreau pré-révolutionnaire, avaient cherché à conserver intactes les traditions du barreau et à sauvegarder l’esprit à défaut de l’institution. C’est ainsi qu’est née cette association que l’on a appelé “ Les avocats du Marais” dont les premières traces sont présentes dès la fin de la Convention et qui devient une réalité vers l’année 1800. Toutefois, il ne nous appartient pas ici de développer ce point qui excède largement le cadre de notre étude. Evoquant la réalité de cette solidarité, de ce rapprochement entre ceux qui se reconnaissent comme “ avocats ”, Y. Ozanam a pu écrire : “ les sentiments de confraternité ne furent jamais plus sincères. Lorsqu’un jeune homme instruit et de bonnes mœurs, se présentait au Palais, les anciens se trouvaient heureux de rencontrer en lui un avocat destiné à honorer la profession. Le stage n’était pas une simple formalité : il établissait des liens d’une véritable amitié entre le vieil avocat et le jeune légiste... ”, voir Yves OZANAM, Le Barreau de Paris, éd. de l’Ordre des Avocats à la Cour d’Appel de Paris, Paris, 1994, p. 31. Sur le même thème, on consultera utilement J.-L. GAZZANIGA, Les avocats pendant la période révolutionnaire, op. cit., p. 380, et, pour les commentateurs du xixème, GAUDRY, Histoire du Barreau de Paris depuis son origine jusqu’à 1830, op. cit., p. 429 et suivantes.
1129 A. DAMIEN, Essai sur la vie quotidienne des avocats du temps passé, op. cit., p. 220.
1130 Ibid. “En 1806, le 4 septembre, les ci-devants avocats de Bordeaux constituent un bureau particulier pour s’occuper de toutes les affaires concernant l’ordre des avocats pour être ensuite soumises à l’assemblée générale lorsque le cas le requèrerait. Le doyen de l’Ordre a nommé pour composer le bureau, un certain nombre d’avocats qui se réuniront avec lui, toutes les fois qu’ils seront convoqués à cet effet ”.
1131 Ibid. : “ Guillaume Brochon qui avait été considéré par les avocats de Bordeaux comme leur chef, réunit dans son cabinet, en 1806, sous sa présidence, des avocats exerçant la profession et ils prirent la résolution de ne plus consulter, arbitrer ou plaider avec un défenseur officieux, convaincu devant le tribunal de famille, d’avoir voulu escroquer 1.200 frcs à l’un de ses clients ”.
1132 Ibid., p. 221 : “ Mais, ils firent mieux, ils notifièrent au garde des sceaux cette décision purement privée et le garde des sceaux leur répondit, par l’intermédiaire du procureur général, c’est-à-dire d’une manière tout à fait officielle : L’Empereur informé de la conduite indigne et de la mauvaise réputation du sieur D. F., a daigné approuver la démarche que Messieurs des avocats de Bordeaux, guidés par des motifs d’honneur et de délicatesse, ont cru devoir faire à l’égard de ce défenseur... ”.
1133 Ibid.
1134 A. N., Série Justice, Liasse BB 16, n° 97. Pièce : M. J. / N. E. 25 ther. XIII.
1135 A. N., Série Justice, Liasse BB 16, n° 97. Pièce : P. BdR. / M. J. 22 mars 1806.
1136 Ibid.
1137 A. N., Série Justice, Liasse BB 16, n° 97. Pièce : Siméon / M. J. 26 avril 1806.
1138 Ibid.
1139 Ibid.
1140 Ibid.
1141 A. N., Série Justice, Liasse BB 16, n° 97. Pièce : M. J. / N. E. 25 ther. XIII.
1142 A. N., Série Justice, Liasse BB 16, n° 97. Pièce : P. T. C. / M. J. 25 fruc. XIII.
1143 Ibid.
1144 DUVERGIER, op. cit., tome 14, p. 333. Sur la législation consulaire et impériale elles-mêmes, voir infra, section suivante.
1145 Voir, infra, Chapitre III, pp. 370-396.
1146 A. N., Série Justice, Liasse BB 16, n° 97. Pièce : P. T. C. / M. J. 25 fruc. XIII.
1147 Edmond SELIGMAN, La question des avocats, op. cit., p. 316.
1148 A. DAMIEN, Essai sur la vie quotidienne des avocats du temps passé, op. cit., p. 219.
1149 DUVERGIER, op. cit., tome 13, p. 350.
1150 A. DAMIEN, Essai sur la vie quotidienne des avocats du temps passé, op. cit., p. 216 : “ c’est aux gens de loi que Bonaparte rend leur costume qui est celui que les avocats portaient autrefois avec une seule différence, c’est la substitution de la toque à l’ancien bonnet carré ”.
1151 DUVERGIER, op. cit., tome 14, p. 333.
1152 Voir supra, pp. 261-280.
1153 DUVERGIER, Collection complète des lois, décrets, ordonnances..., op. cit., tome 14, p. 333.
1154 Ibid.
1155 Voir supra, pp. 261-280.
1156 DUVERGIER, op. cit., tome 14, p. 334. Il s’agit de l’alinéa 7 de l’article 38 du Titre 7 de la loi du 22 ventôse an 12.
1157 M. MOLLOT, Règles sur la profession d’avocat, op. cit., p. 259.
1158 N. DERASSE, op. cit., p. 437.
1159 DUVERGIER, op. cit., tome 14, p. 333. Il s’agit de l’article 31 du Titre 5 qui prévoit que l’avocat doit “prêter serment de ne rien dire ou publier, comme défenseur ou conseil, de contraire aux lois, aux règlements, aux bonnes mœurs, à la sûreté de l’Etat et à la paix publique, de ne jamais s’écarter du respect dû aux tribunaux et aux autorités publiques ”.
1160 N. DERASSE, op. cit., pp. 441-442. L’auteur note d’ailleurs que “ les avocats tentent de suppléer au vide législatif en instaurant leurs propres règles à la lecture desquelles le souci de la discipline et de la bienséance priment... ”.
1161 GAUDRY, Histoire du Barreau de Paris depuis son origine jusqu’à 1830, op. cit., tome II, p. 495 : l’auteur note qu’à l’occasion du sénatus-consulte du 28 floréal an 12 (18 mai 1804) décidant de l’instauration de l’Empire, sur les quelques 200 membres inscrits au Barreau de Paris en 1804, 3 seulement votèrent en faveur de l’Empire.
1162 Ces propos sont adressés à Cambacérès, dans une lettre de Napoléon datée du 15 vendémiaire an XIII. Voir DUVIVIER, Le rétablissement de l’Ordre des Avocats sous Napoléon 1ier, La Belgique judiciaire, tome XL, 2ème série, tome 15, n°1, 1ier janvier 1882, pp. 17-29.
1163 Cambacérès est le principal appui des avocats, auprès de Napoléon. Voir A.DAMIEN, Essai sur la vie quotidienne des avocats du temps passé, op. cit., p. 221.
1164 Projet de décret du 27 juin 1806, Titre 3, article 42, voir DUVIVIER, op. cit., p. 41.
1165 Ibid.
1166 Ces projets datent du 3, du 11, du 29 juillet, du 4, du 12 août 1806, voir DUVIVIER, op. cit., p. 26.
1167 N. DERASSE, op. cit., p. 459.
1168 Ibid, p. 460.
1169 DUPIN, Réquisitoires, plaidoyers et discours de rentrée, avec le texte des arrêts depuis le mois d’août 1830 jusqu’à ce jour, éd. Joubert, Paris, 1836-1842, 6 vol., tome I, p. 188., note n°l : “le seul avocat fonctionnaire que Napoléon ait décoré de la Légion d’Honneur ”.
1170 Ibid., p. 188.
1171 A. DAMIEN, op. cit., p. 222 : et Ferey, que Damien orthographie Ferrey (et c’est à notre connaissance, le seul commentateur à le faire) donne également 600 francs de rente annuelle pour les livres de droit.
1172 Ibid.
1173 Ibid. : il s’agit d’un décret impérial en date du 14 mars 1808.
1174 N. DERASSE, op. cit., p. 460.
1175 Code d’instruction criminelle, article 295 : “ Le conseil de l’accusé ne pourra être choisi par lui ou désigné par le juge que parmi les avocats et avoués de la Cour royale ou de son ressort, à moins que l’accusé n’obtienne du président de la Cour d’Assises, la permission de prendre pour conseil un de ses parents ou amis ”, voir J. B. SIREY, Les cinq Codes, op. cit., p. 341.
1176 A. DAMIEN, Essai sur la vie quotidienne des avocats du temps passé, op. cit., p. 222.
1177 DUPIN, Réquisitoires, plaidoyers et discours de rentrée..., op. cit., tome I, p. 188 : “ sa passion était de le relever [l’Ordre]... ”.
1178 Ibid. : “ ...à l’approbation du souverain, le legs dont il gratifiait l’Ordre des avocats (...) ”.
1179 Ibid. : “ Il a déposé aux pieds du monarque qui l’honora de ses bontés le vœu d’en obtenir, à ses derniers moments, une de plus dans le rétablissement de l’Ordre dont il conserva soigneusement ses maximes. Dernières paroles d’un mourant, vous ne serez pas oubliées ! ”.
1180 A. DAMIEN, Essai sur la vie quotidienne des avocats du temps passé, op. cit., pp. 222-223 : “ Celui qui veillait avec tant de sollicitude sur toutes les parties de l’harmonie sociale a déjà rétabli la discipline dans un si grand nombre de professions diverses que, quand le temps sera venu, il jettera un coup d’œil sur la nôtre, elle n’est pas indigne du regard du héros puisqu’il aime la gloire, ni du regard des législateurs, puisqu’elle est consacrée au culte des lois ”.
1181 Ibid., p. 223.
1182 N. DERASSE, op. cit., p. 462.
1183 A. DAMIEN, Essai sur la vie quotidienne des avocats du temps passé, op. cit., p. 223.
1184 H. BUTEAU, L’Ordre des Avocats, Thèse droit, Paris, 1895, p. 172 : l’auteur note que Treilhard chercha à défendre l’intégrité de son projet contre “ chaque mutilation ” exigée par l’Empereur, en “ luttant avec le courage du désespoir ”.
1185 Ibid.
1186 DUVERGIER, op. cit., tome 17, p. 236.
1187 Ibid., p. 237 : il s’agit de l’alinéa 3 de l’article 18 du Titre 3 du décret, qui prévoit que “La profession d’avocat est incompatible avec celle de greffier, de notaire et d’avoué... ”.
1188 J. B. DUVERGIER, Collection complète des lois, décrets, ordonnances..., op. cit., tome 17, p.237 : il s’agit de l’article 17 du Titre 2 du décret, disposant que “ les avoués licenciés qui, ayant postulé pendant plus de trois ans, voudront quitter leur état et prendre celui d’avocat, seront dispensés du stage en justifiant d’ailleurs de leurs titre et moralité ”.
1189 N. DERASSE, op. cit., p. 464. L’auteur cite l’œuvre de Johanet sur le barreau d’Orléans entre 1800 et 1900.
1190 DUVERGIER, op. cit., tome 17, p. 237 : il s’agit de l’article 13 du Titre 2 du décret, qui prévoit que “ Les licenciés en droit qui voudront être reçus avocats se présenteront à notre procureur général au parquet ; ils lui exhiberont leur diplôme de licence, et le certificat de leurs inscriptions aux écoles de droit... ”.
1191 Ibid. : il s’agit de l’article 12 du Titre 2, qui dispose que “A l’avenir, il sera nécessaire, pour être inscrit au tableau des avocats près d’une cour impériale, d’avoir prêté serment, et fait trois ans de stage près l’une desdites cours, et pour être inscrit au tableau près d’un tribunal de première instance, d’avoir fait pareil temps de stage devant les tribunaux de première instance. Le stage peut être fait en diverses cours ou tribunaux, mais sans pouvoir être interrompu plus de trois mois ”.
1192 Ibid.
1193 Ibid., p. 237, art. 14.
1194 Ibid., art. 37 : “ les avocats exerceront librement leur ministère pour la défense de la justice et de la vérité ”.
1195 N. DERASSE, op. cit., p. 467.
1196 Ibid. L’auteur parle de “ contrôle draconien imposé au barreau ”.
1197 J. B. DUVERGIER, op. cit., tome 17, p. 236, préambule.
1198 N. DERASSE, op. cit., p. 468.
1199 DUVERGIER, op. cit., tome 17, p. 236 : il s’agit de l’article 2 du Titre 1, qui prévoit que “ dans toutes les villes où les avocats excèdent le nombre de vingt, il sera formé un conseil pour leur discipline ”.
1200 Ibid., p. 238 : il s’agit de l’article 19 du Titre 3, qui rappelle que l’assemblée générale sert à dresser la liste sur laquelle le procureur doit désigner les membres du conseil. Cette assemblée est “ convoquée et réunie ” par le procureur lui-même.
1201 Ibid. : il s’agit de l’article 21 du Titre 3, qui dispose que " notre procureur général nommera parmi les membres du conseil un bâtonnier, qui sera le chef de l’ordre, et présidera l’assemblée générale des avocats lorsqu’elle se réunira pour nommer les conseils de discipline ”.
1202 Ibid. : il s’agit de l’article 21 qui rappelle également que le procureur non seulement convoquera, mais aussi qu’il “présidera l’assemblée générale des avocats lorsqu’’elle se réunira pour nommer les conseils de discipline ”.
1203 Alfred SEGOND, Histoire des lois et règlements professionnels, op. cit., p. 47.
1204 DUVERGIER, op. cit., tome 17, p. 239.
1205 Alfred SEGOND, op. cit., p. 47 : “La radiation, sans rétablissement possible, était prononcée contre tous ceux qui se coaliseraient pour refuser leur ministère... ”.
1206 Ibid., p. 45.
1207 DUVERGIER, op. cit., tome 17, p. 238 : il s’agit de l’article 23 du Titre 3 du décret qui prévoit que “ le conseil de discipline sera chargé de veiller à la conservation de l’honneur de l’ordre des avocats ; de maintenir les principes de probité et de délicatesse, qui font la base de leur profession ; de réprimer ou de faire punir, par voie de discipline, les infractions et les fautes, sans préjudice de l’action des tribunaux, s’il y a lieu. Il portera une attention particulière sur les mœurs et la conduite des jeunes avocats qui feront leur stage ; il pourra, dans le cas d’inexactitude habituelle ou d’inconduite notoire, prolonger d’une année la durée de leur stage, même refuser l’admission au tableau ”. Voir la question de la déontologie et de la discipline, infra, Titre II, Chapitre I.
1208 Ibid. : deux types de sanctions sont à distinguer dans le décret : les sanctions secondaires (avertissement, censure, réprimande) et les sanctions sévères (suspension, interdiction et radiation). C’est l’article 25 du Titre 3 qui les présente.
1209 Ibid. : il s’agit de l’alinéa 2 de l’article 25 du Titre 3 qui prévoit que la durée de l’interdiction ne peut excéder “ une année ”.
1210 Ibid. : il s’agit de l’alinéa 3 de l’article 25 du Titre 3 qui prévoit que la radiation ne peut toutefois être infligée, en principe, qu’à un avocat qui a déjà subit deux fois la peine de l’interdiction.
1211 Ibid., p. 239 : il s’agit de l’article 30 du Titre 3 qui dispose que “ il sera donné connaissance, dans le plus bref délai, à notre grand-juge, ministre de la justice, par nos procureurs, des avis, délibérations et jugemens intervenus sur l’interdiction et sur la radiation des avocats ”.
1212 Ibid. : il s’agit des articles 26, 27 et 28 du Titre 3 du décret qui règlemente ce droit d’appel pour l’avocat sanctionné.
1213 Ibid. : il s’agit de l’article 29 du Titre 3 qui prévoit que “ en cas de radiation du tableau, si l’avocat rayé ne se pourvoit pas, la délibération du conseil de discipline sera remise au premier président et au procureur général, pour qu’ils l’approuvent ; et en ce cas, elle sera exécutée sur le tableau déposé au greffe ”.
1214 Alfred SEGOND, op. cit., p. 47 : “ comme dernière sûreté que Napoléon s’était réservé contre les conseils de discipline (...) le ministre de la justice était institué grand prévôt de l’ordre des avocats, et le décret lui attribuait le droit exorbitant d’infliger de son autorité toutes les peines de discipline, y compris la radiation ”.
1215 N. DERASSE, op. cit., p. 470.
1216 DUVERGIER, op. cit., tome 17, p. 239.
1217 Alfred SEGOND, op. cit., p. 45.
1218 Ibid., pp. 45-47.
1219 Ibid.
1220 Ibid.,p 47.
1221 Ibid., pp. 47-48.
1222 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 2, fo 1, Recueil des Délibérations du Conseil de Discipline (1811 - 1825).
1223 Ibid., fo 1. : Copie de la lettre écrite le 6 août 1811 par Monsieur le Procureur impérial à Me Dessoliers, avocat.
1224 Ibid., fo 2.
1225 Ibid. : Lettre écrite par Me Dessolliers le 7 août 1811 à M. le Procureur impérial, en réponse à celle du 6.
1226 Ibid. : Convocation écrite le 8 août 1811 par Me Dessolliers à tous les avocats inscrits au tableau ci-dessus.
1227 Ibid., fo 2 et 2 vo : Assemblée générale de l’Ordre du 10 août 1811.
1228 Ibid., fo 2.
1229 Ibid., fo 3 vo : Copie de l’arrêté de Monsieur le Procureur impérial en date du 4 novembre 1811 qui nomme le Bâtonnier et les autres membres du conseil de discipline : “ article premier : le conseil de discipline de l’ordre des avocats sera composé de MM Pastoret père (doyen), Capus, Christol, Sauvaire, Cresp, Coquilhard et Dessolliers ; article deux : Me Dessolliers remplira les fonctions de Bâtonnier ”.
1230 Ibid. : “ attendu que cette qualité l’empêche de remplir les fonctions de secrétaire auxquelles il serait appelé comme dernier inscrit au tableau, les fonctions appartiendront à Me Coquilhart qui vient immédiatement avant lui dans l’ordre du tableau ”.
1231 Ibid.
1232 Ibid., fo 4 : “Le conseil de discipline de l’ordre des avocats exerçant près le tribunal civil de Marseille, s’est assemblé dans une des salles du palais (...) l’heure d’expectative expirée, M. le Bâtonnier a dit qu’il a fait connaître à tous les membres du bureau de consultations gratuites leur nomination que tous ont accepté que ce bureau sera incessamment organisé, il a en outre observé que les affaires (...) exigeaient qu’il soit réuni une fois par semaine et que le Conseil avoit à fixer l’heure et le jour de cette réunion ”.
1233 Ibid. : “ l’heure d’expectative expirée, M. le Bâtonnier a dit : que le quatorze du courant M. Claude George Hyppolite Rolland né à Marseille le 24 avril 1790, M. Augustin César Chaudon né à Moustier en août 1784, le premier licencié de droit de l’académie d’Aix (...) ont formé leur demande d’admission au prochain tableau de l’ordre des avocats de Marseille et que le conseil avoit à y statuer. Sur quoi l’assemblée ; vu les diplômes ci-dessus, considérant que les diplômes ci-dessus sont antérieurs au décret impérial du 14 décembre 1810 (...) a unanimement délibéré de les admettre au prochain tableau de l’ordre avec la faculté à eux en attendant, de plaider et défendre les causes qui leur seront confiées conformément à l’article 16 du décret impérial du 14 décembre 1810 ”.
1234 Ibid., fo 6 : Convocation du Bâtonnier en date du 31 août 1812.
1235 Ibid., fo 7 : Me Dessolliers est reconduit dans ses fonctions le 4 novembre 1812 par un nouvel arrêté du Procureur impérial.
1236 Ibid., fo 7 vo : Copie de la lettre écrite le 14 novembre 1812 par Monsieur le Bâtonnier aux avocats admis au stage : “Messieurs et chers confrères, l’article 24 du décret du 14 décembre 1810 impose aux avocats admis au stage, l’obligation de suivre exactement les assemblées du bureau de consultations gratuites pour les indigens. Je vous rappelle cette disposition et vous engage à tous vous y conformer. J’ai l’honneur de vous saluer. Dessolliers, bâtonnier ”.
1237 Raoul BUSQUET, op. cit., p. 328. L’a. note l’expression de l’hostilité de Marseille à l’Empereur : “La foule abattit la colonne du cours Bonaparte, surmontée du buste de l’Empereur, détruisit, sur la colline Bonaparte, le cénotaphe de Desaix... ”.
1238 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 2, fo 12 : Copie de la lettre écrite en réponse par son excellence Monseigneur le chancelier de France à Monsieur le Bâtonnier : “ J’ai eu l’honneur, Monsieur, d’entretenir Sa Majesté des sentiments de fidélité et de dévouement à sa personne qui animent l’ordre des avocats de la ville de Marseille ; Sa Majesté a daigné les accueillir avec la bonté qui la caractérise ; elle m’a chargé de vous annoncer qu’elle autorisait tous les membres de l’ordre dont vous m’avez transmis les noms à porter la décoration du lys, signe d’union cher à tous les bons français ”.
1239 Ibid., fo 15 vo : Copie de la lettre écrite par Monsieur le Procureur du Roy à M. le Bâtonnier, le 30 novembre 1815.
1240 Ibid. : le procureur évoque ensuite la composition du conseil de discipline lui-même, " MM. Gas ; Chaudon, Dumas, Gras-Salicis, Delaboulie, Tardieu... ”.
1241 Ibid., fo 18 vo - fo 19 : Séance extraordinaire du 24 février 1816.
1242 Ibid., fo 19 - fo 19 vo : Séance extraordinaire du 19 septembre 1816.
1243 Ibid., fo 19 vo : Séance extraordinaire du 19 septembre 1816.
1244 Ibid., fo 19 vo : Séance extraordinaire du 19 septembre 1816.
1245 Voir infra, pp. 311-319.
1246 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol.2, fo 25 vo : Séance du 6 septembre 1817, à l’assemblée générale.
1247 Ibid.
1248 Ibid.
1249 Ibid., fo 25 vo - fo 26 : Séance du 6 septembre 1817, à l’assemblée générale.
1250 Ibid., fo 26 : Séance du 15 octobre 1817 en conseil de discipline.
1251 Ibid., fo 26 vo : Séance du 28 octobre 1817 en conseil de discipline.
1252 Ibid., fo 29 : Séance du 10 décembre 1817 en conseil de discipline : “ Gustave Massol (...) demande d’être admis au Tableau de l’Ordre pour l’année judiciaire 1818, attendu qu’il a terminé son stage (...) Considérant que le Tableau de l’Ordre doit être arrêté dans la première séance du conseil de discipline et lors de son installation, ce qui a eu lieu le 26 novembre dernier, conformément au règlement et qu’il est déjà imprimé, le Conseil a unanimement délibéré, de renvoyer à statuer sur la demande de Me Massol, lors de la prochaine formation du tableau pour l’année judiciaire 1819... ”.
1253 Ibid., fo 29 : Séance du 10 décembre 1817 en conseil de discipline : “ ...avant laquelle époque, il aura été prononcé au surplus, sur la plainte qui fait l’objet de sa seconde lettre ”.
1254 Ibid., fo 31 : Séance du 16 mars 1818 en conseil de discipline.
1255 Ibid.
1256 Un exemple pris parmi tant d’autres : A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 2, fo 21 : Copie de la lettre écrite par Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats à Monsieur le Procureur du Roi : “J’ai l’honneur de vous envoyer l’extrait de la délibération prise par l’ordre des avocats dans l’assemblée générale qui a eu lieu le 15 de ce mois, portant nomination de quatorze candidats parmi lesquels doivent être choisis les sept membres qui composeront le conseil de discipline pour l’année judiciaire 1817, et parmi eux le bâtonnier ”.
1257 Alfred SEGOND, Histoire des lois et des règlements professionnels, op. cit., p. 48.
1258 Ibid. : “Les magistrats ne demandèrent jamais à un avocat étranger au ressort avant de lui donner audience, s’il était muni de l’autorisation ministérielle...”.
1259 A. DAMIEN, Essai sur la vie quotidienne des avocats du temps passé, op. cit., p. 241.
1260 Ibid.
1261 Bernard SUR, op. cit., p. 159.
1262 Jean-Pierre ROYER, Histoire de la Justice en France, op. cit., p. 504.
1263 DUVERGIER op. cit., tome 24, pp. 169-176. Ordonnance du 20 novembre 1822, Préambule : “ Louis par la Grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre, à tous ceux qui ces présentes verront, salut : Ayant résolu de prendre en considération les réclamations qui ont été formées par les divers Barreaux du royaume contre les dispositions du décret du 14 décembre 1810, et voulant rendre aux avocats exerçant dans nos tribunaux la plénitude du droit de discipline qui, sous les rois nos prédécesseurs, élevait au plus haut degré l’honneur de cette profession et perpétuait dans son sein l’invariable tradition de ses prérogatives et de ses devoirs ; voulant d’ailleurs, attacher à la juridiction que l’Ordre doit exercer sur chacun de ses membres, une autorité et une confiance fondées sur la déférence et sur le respect que l’expérience des anciens avocats leur donne le droit d’exiger de ceux qui sont entrés plus tard dans cette carrière ; Sur le rapport de notre Garde des Sceaux, ministre secrétaire d’Etat au département de la justice, Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit... ”.
1264 Jean-Pierre ROYER op. cit., p. 505.
1265 Alfred SEGOND, op. cit., p. 50. L’a. note que l’ordonnance est présentée, un peu excessivement, comme “ le fruit des profondes méditations du Garde des Sceaux ”.
1266 Ce rapport du Garde des Sceaux a été publié par Gaston DUVEAU, Le titre d’avocat, op. cit., p. 177.
1267 Gaston DUVEAU, Le titre d’avocat, op. cit., p. 175.
1268 Ibid., p. 176.
1269 Ibid.
1270 Ibid., p. 177.
1271 Alfred SEGOND, op. cit., p. 50.
1272 Jean-Pierre ROYER, Histoire de la Justice en France, op. cit., p. 505. Voir aussi Alfred SEGOND, op. cit., p. 49 : “Le décret de 1810 (...) devint entre les mains du gouvernement [restauré] un instrument d’oppression. Toutes les rigueurs qu’il contenait furent mises en œuvre... “. Segond dont l’opinion, par son caractère entier et sa vision très négative de l’ordonnance de 1822, reste marginale, trouve l’explication de cette oppression monarchique du barreau, dans “l’antagonisme du pouvoir et du barreau ” (Ibid.) révélé dès 1815 par les procès politiques des hommes de l’Empire, auxquels les avocats prennent part, remplissant leur fonction de défense. Cette justification, bien qu’elle serve ici un propos manquant probablement de mesure, est pertinente : dans les tous premiers mois de la Restauration, notamment à Paris, les avocats sont appelés à défendre le Maréchal Ney, le Général Cambronne, et d’autres figures impériales majeures. Or, l’honneur même de leur fonction, quand bien même leurs désirs libertaires les poussent à un royalisme modéré, dicte aux avocats l’exercice d’une défense forte et authentique, et ils n’hésitent pas à critiquer le fonctionnement parfois arbitraire, souvent trop superficiel, d’une justice monarchique pressée de se débarrasser des souvenirs de l’Empire déchu. Ainsi, Dupin Aîné, qui défendit en vain le maréchal Ney, aux côté des deux Berryer et de Delacroix-Frainville, s’écria-t-il suite à la tradition du prévenu devant la Chambre des Pairs (qui prononça sa condamnation sans détours), “ Je le dirai tant que je vivrai, la condamnation n’a pas été juste, car la défense n’a pas été libre ” ; et Berryer fils qui avait défendu Cambronne, grièvement blessé, avec succès, déclara-t-il, provocateur : “ On ne ramasse pas les blessés sur le champ de bataille pour les porter à l’échafaud ”. Pour ces deux citations, voir Jules FABRE, Histoire du Barreau de Paris (1810-1870), op. cit., aux p. 61 et p. 68. Effectivement, de telles interventions ont pu passer pour des actes masqués d’opposition politique, alors qu’elles n’étaient que de revendications découvertes d’une défense indépendante, et susciter, comme le suggère Segond, l’ire et l’oppression d’une monarchie, certes plus favorable aux avocats que le régime napoléonien, mais point décidée à se laisser dominer par eux.
1273 Voir supra, section précédente : il s’agit d’une liste de 30 avocats, parmi lesquels le procureur choisit le bâtonnier et les membres du conseil de l’Ordre.
1274 Jules FABRE, op. cit., p. 92 : “ depuis 1814, la désignation portait invariablement sur les mêmes noms d’avocats, fort honorables d’ailleurs, mais de sentiments royalistes très accentués ; d’autres plus jeunes mais suspects, comme Dupin Aîné (...) étaient systématiquement écartés ”.
1275 Alfred SEGOND, op. cit., p. 49.
1276 Pierre Nicolas BERRYER, Souvenir de N. Berryer, doyen des avocats de Paris (de 1774 à 1838), op.cit.
1277 DICTIONNAIRE du xixème SIÈCLE EUROPEEN, Paris, P.U.F., 1997, Jean-Louis GAZZANIGA, v° “ DUPIN Aîné 1783 - 1865 ” : Avocat et homme politique, André Marie Jean Jacques Dupin, dit Dupin Aîné est né à Varzy en 1783 d’un père avocat au Parlement. Il étudie le droit à l’Académie de législation, à l’Ecole de droit, puis dans le cabinet d’un avoué. Il s’inscrit comme avocat en 1801, alors même que l’Ordre de Paris n’est pas encore officiellement rétabli et fait ainsi ses premières armes au Barreau. Il est élu en 1815 à la Chambre des réprésentants des Cent-Jours. Battu aux premières élections de la Restauration car considéré comme trop libéral, il acquiert néanmoins une certaine notoriété, et plaide pendant quinze ans d’importantes affaires politiques, assurant la défense de plusieurs maréchaux et généraux d’Empire, tels que Ney, plaidant pour des journaux libéraux tels que le Consitutionnel, le Journal des débats, défendant Isambert pour son mémoire en faveur de la liberté de la défense. D’orientation politique, Dupin Aîné est libéral, gallican, anticlérical, “l’homme de la monarchie de juillet” relève Jean-Louis Gazzaniga. Dupin Aîné laisse une œuvre abondante surtout intéressante à travers la réedition de textes anciens, fondateurs des usages du Barreau.
1278 Alfred SEGOND, op. cit., p. 49.
1279 Jules FABRE, op. cit., p. 92 : “ le conseil en fonction se composait de Billecoq, bâtonnier, de Delaville, Archambault, Bonnet, Delahaye, Gairal, Pantin (...) La plupart de ces noms ne figurèrent pas sur la liste nouvellement dressée par l’Ordre, et le procureur général allait se trouver dans l’impossibilité de les maintenir au conseil ”.
1280 Ibid.
1281 Alfred SEGOND, op. cit., p. 49.
1282 Jules FABRE, op. cit., p. 92.
1283 Alfred SEGOND, op. cit., p. 50.
1284 Ibid.
1285 Jules FABRE, op. cit., p. 93.
1286 Ibid., p. 94 : “ On décida, en haut lieu, de vaincre la difficulté en la tournant ; peu après la rentrée des tribunaux, l’ordonnance du 20 novembre 1822 était rendue ”.
1287 Alfred SEGOND, op. cit., p. 50.
1288 A. DAMIEN, Essai sur la vie quotidienne des avocats du temps passé, op. cit., p. 242.
1289 Nous verrons ci-après que ce sont précisément les abus nés de cette exception qui vont déclencher ou plutôt relancer et alimenter la querelle entre avocats et avoués au sujet de la plaidoirie. Voir infra, section suivante.
1290 DUVERGIER, op. cit., tome 24, pp. 169-176.
1291 Ibid.
1292 A. DAMIEN, Essai sur la vie quotidienne des avocats du temps passé, op. cit., p. 243.
1293 J.-P. ROYER, Histoire de la Justice en France, op. cit., p. 505.
1294 Alfred SEGOND, op. cit., p. 51 : “ On y procéda en 1822 (...) Si vous n’avez pas oublié que le conseil de discipline était celui-là même dont le ministre venait de proroger les pouvoirs, vous admettrez sans peine que nos confrères d’alors ne trouvèrent pas dans la formation des listes toutes les sûretés auxquelles nous sommes accoutumés. La docilité des conseils à venir était assurée par leur formation : ils devaient se composer désormais des anciens bâtonniers, et des deux premiers noms de chacun des colonnes établies comme vous savez... ”. Une nouvelle fois fort critique quant à l’apport réel de l’ordonnance de 1822, l’a. ajoute : “par ce mécanisme ingénieux, l’ordonnance prétendue libérale arrivait du même coup à un autre but, elle supprimait l’élection générale qui a toujours été la base de notre institution... ”. Ainsi, si l’on suit son argumentation, bien que plus libérale sur certains points, l’ordonnance de novembre 1822 peut aussi être considérée comme un recul déguisé des prérogatives administratives des collectifs d’avocats.
1295 DUVERGIER, op. cit., tome 24, pp. 169-176.
1296 Jules LE BERQUIER, Le barreau moderne, français et étranger, éd. Marchai, Paris, 1882, p. 259.
1297 Ibid., p. 260. Nous évoquerons plus loin cet aspect fondamental de l’indépendance des barreaux. Voir infra, Chapitre III.
1298 A. DAMIEN, Essai sur la vie quotidienne des avocats du temps passé, op. cit., p. 243.
1299 Ibid., pp. 242-243.
1300 DUVERGIER, op. cit., tome 24, pp. 169-176. Ordonnance du 20 novembre 1822, Titre II, article 10 : “ Lorsque le nombre des avocats portés sur le Tableau n’atteindra pas celui de vingt, les fonctions des conseils de discipline serons remplies, savoir : s’il s’agit d’avocats exerçant près d’une cour royale, par le tribunal de première instance de la ville où siège la cour ; dans les autres cas, par le tribunal auquel seront attachés les avocats inscrits au tableau ”.
1301 Ibid. Ordonnance du 20 novembre 1822, Titre II, article 14 : “Les conseils de discipline sont chargés de maintenir les sentiments de fidélité à la monarchie et aux institutions constitutionnelles, et les principes de modération, de désintéressement et de probité sur lesquels repose l’honneur de l’Ordre des avocats - Ils surveillent les mœurs et la conduite des avocats stagiaires ”.
1302 Voir infra, Titre II, Chapitre I.
1303 DUVERGIER, op. cit., tome 24, pp. 169-176. Ordonnance du 20 novembre 1822, Titre IV, article 40 : “ Les avocats attachés à un tribunal de première instance ne pourront plaider que dans la Cour d’Assises et dans les autres tribunaux du même département ”.
1304 Ibid. Ordonnance du 20 novembre 1822, Titre IV, article 39 : “ Les avocats inscrits aux tableaux de nos cours royales pourront seuls plaider devant elles... ”.
1305 Alfred SEGOND, op. cit., p. 52.
1306 Gaston DUVEAU, op. cit., p. 123.
1307 Alfred SEGOND, op. cit., p. 52.
1308 Ibid., p. 48.
1309 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 3 (fo non numérotés) : Lettre du 17 août 1825 adressée par le bâtonnier de l’Ordre à Monseigneur le Garde des Sceaux.
1310 DUVERGIER, op. cit., tome 23, pp. 460-462.
1311 Fernand LABORI, Répertoire Encyclopédique du Droit français, Rédaction & Administration, Paris, 1889, Tome 2, p. 112. Il faut noter ici que Fernand Labori n’est autre que le grand avocat qui défendit Zola & Dreyfus, voir à ce sujet le récent et excellent article d’Yves OZANAM, L’avocat de Zola et de Dreyfus : Fernand Labori (1860-1917), Histoire de la Justice, n° 11, 1998, pp. 245-274.
1312 Ibid.
1313 Ibid.
1314 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 3. (fo non numérotés), Lettre du 17 août 1825...
1315 Ibid.
1316 Ibid.
1317 Ibid.
1318 Ibid.
1319 Ibid.
1320 Ibid.
1321 Ibid. : “ Votre grandeur a manifesté trop souvent l’intérêt qu’elle porte à l’ordre des avocats pour que nous n’espérions pas qu’elle donnera quelque attention à l’objet sur lequel nous appelons sa sollicitude... ”.
1322 Aix-en-Provence, 2 août 1825, (Dalloz, 25. 2. 188.)
1323 Fernand LABORI, Répertoire Encyclopédique du Droit français, op. cit., p. 113.
1324 Ibid.
1325 Nîmes, 20 décembre 1833, (Sirey 34. 2. 151.)
1326 Fernand LABORI, Répertoire Encyclopédique du Droit français, op. cit., p. 113.
1327 Ibid.
1328 A.O.A. MARSEILLE, C.B., vol. 1. fo 73 à 76 : Lettre du Bâtonnier de l’Ordre à Monsieur le Procureur général du Roi, près la Cour royale d’Aix-en-Provence.
1329 Ibid.
1330 Fernand LABORI, Répertoire Encyclopédique du Droit français, op. cit., p. 113.
1331 Ibid.
1332 A.O.A. MARSEILLE, C.B., vol. 1. fo 73 à 76 : Lettre du Bâtonnier de l’Ordre à Monsieur le Procureur...
1333 Ibid.
1334 Fernand LABORI, op. cit., p. 112. L’a. écrit que “ l’économie de ce décret est bien claire. Les avoués à la Cour peuvent plaider les demandes incidentes sommaires et les incidents relatifs à la procédure. Les avoués de première instance séant aux chefs-lieux des cours d’appel, des cours d’assises et des départements peuvent plaider dans toutes les causes sommaires. Les avoués de première instance séants aux arrondissements peuvent plaider toute espèce de cause ”.
1335 Ibid. De plus, l”article 2 de l’ordonnance du 27 février 1822 demeurant confus, il sera complété, relève l’a., par une circulaire ministérielle en date du 8 juillet 1822, rappelant que “ ce n’était que près des tribunaux qui siégeaient aux chefs-lieux que les avoués ne pouvaient pas plaider, tout en confirmant ce droit au profit des avoués d’arrondissement ”.
1336 A.O.A. MARSEILLE, C.B., vol. 1. fo 73 à 76 : Lettre du Bâtonnier de l’Ordre à Monsieur le Procureur...
1337 Ibid.
1338 Ibid.
1339 A.O.A. MARSEILLE, C.B., vol. 1. fo 79 : Lettre en date du 27 février 1827 du Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Marseille à Monsieur le Procureur royal.
1340 Aix 22 août 1933 (S. 1834. 2.27) ; Riom 26 janv. 1836 (S. 1836.2.214) ; Nîmes 8 déc. 1835 (S. 1836.2.213 et S. 1837.1.1790). Positions toutefois sanctionnées par la Cour de Cassation (Ch. Civ. 15 déc. 1834, S. 1835.1.18 et Ch. Civ. 23 juin 1835, S. 1835.1.676), notamment au motif que l’ordonnance a été “ constitutionnellement rendue” (toutes chambres réunies, 8 avril 1837, S. 1837.1.281).
1341 Jean-Louis MESTRE, L’inconstitutionnalité des actes réglementaires de 1814 à 1851, in Administration & Droit, Actes des Journées de la Société internationale d’Histoire du droit, tenues à Rennes les 26, 27, 28 mai 1994, Paris, L.G.D.J., p. 130.
1342 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 7. (fo non numérotés) : Séance du 1er avril 1874.
1343 Ibid.
1344 Fernand LABORI, Répertoire Encyclopédique du Droit français, op. cit., p. 112 : C. Cass., 13 mai 1840, Sirey, 40. 1. 536. & D. 40. 1. 221.
1345 Ibid., p. 112.
1346 Ibid.
1347 Ibid., p. 113 : L’a. énumère ici une liste de causes qui sont inaccessibles aux avoués : “ les demandes en revendication d’immeubles ou en nullité de créances hypothécaires, encore bien qu’elles seraient formées à la suite d’une saisie immobilière... ”.
1348 L’étude en elle-même de la rivalité entre avocats & avoués pourrait, à l’échelle nationale, faire l’objet d’une recherche intéressante, que l’on se proposera de tenter ultérieurement.
1349 Lucien KARPIK, Les avocats entre l’Etat, le Public et le Marché, Paris, éd. Gallimard, coll. Bibliothèque des Histoires, 1995, p. 175.
1350 Bernard SUR, op. cit., p. 170.
1351 DUPIN Aîné, Mémoire pour la libre défense des accusés, Paris, 1815.
1352 Lucien KARPIK, Les avocats entre l’Etat, le Public et le Marché, op. cit., p. 174 : “ Avec la poussée ultramontaine et les tentatives de cléricalisation de la vie sociale, le retour des lois d’exception et le harassement judiciaire de la presse d’opposition, les légitimistes, qui comme Berryer, Hennequin ou Bonnet ont tant de fois défendu les libertés, sont sur la réserve ; les libéraux, qui ne cessent de multiplier leurs critiques des lois d’exception et du mouvement ultra, se renforcent et se radicalisent. Aux modérés qui, tels Dupin, Odilon Barrot, Persil, Parquin, réclament de plus en plus vigoureusement, le retour à la Charte, s’ajoutent désormais les libéraux avancés, Mauguin, Mérilhou, Barthe, dont certains n’hésitent pas à se mêler à la charbonnerie tandis que d autres sont gagnés par les idées républicaines ”.
1353 .O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 3 (fo non numérotés) : Séance délibérative du 16 novembre 1829.
1354 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 3 (fo non numérotés) : Séance délibérative du 28 octobre 1829 : “Le conseil de discipline de l’ordre fut formé le 1er février 1823 conformément à l’ordonnance royale du 20 novembre 1822 (...) Le nombre des avocats inscrits au tableau n’étant alors que de quarante-quatre, il ne fut formé que trois colonnes ”. Notons au passage que le nombre d’avocats à Marseille a augmenté de 50% en moins de dix ans.
1355 .O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 3 (fo non numérotés) : Séance délibérative du 16 novembre 1829.
1356 Ibid.
1357 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. III (fo non numérotés) : Séance délibérative du 12 décembre 1829.
1358 Ibid. Il convient de préciser ici que les colonnes sont formées par ordre d’inscription sur le tableau et donc d’ancienneté. L’Ordonnance du 20 novembre 1822 a fixé leur nombre en fonction du nombre d’avocats inscrits au Tableau, en son article 2 du Titre Premier : “ il sera formé sept colonnes si le tableau comprend cent avocats ou un plus grand nombre ; qutre, s’il en comprend moins de cinquante et plus de trente-cinq ; et deux seulement, s’il en comprend moins de trente-cinq ; et deux seulement, s’il en comprend moins de trente-cinq et plus de vingt ”. (cf. en annexe le contenu de chaque colonne de ce dernier tableau dressé sous le régime de l’ordonnance de 1822). Voir aussi l’ordonnance dans DUVERGIER, Collection complète des lois, décrets, ordonnances..., op. cit., tome 24, pp. 169-176.
1359 Jean-Pierre ROYER, Histoire de la Justice en France, op. cit., p. 505.
1360 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 3 (fo non numérotés) : Le texte de l’Ordonnance du 27 août 1830 est intégralement reportée dans le recueil de délibérations du conseil de discipline de l’ordre des avocats de Marseille, dans une Séance délibérative du 9 septembre 1830, soit à peine une quinzaine de jours après sa promulgation.
1361 Ibid. : Ordonnance du 27 août 1830.
1362 Ibid. : “ qu’une organisation définitive exige nécessairement quelques délais... ”.
1363 Ibid.
1364 Ibid. : “ Art. 1er : A compter de la publication de la présente ordonnance, les conseils de discipline seront élus directement par l’assemblée de l’ordre, composée de tous les avocats inscrits au tableau. L’élection aura lieu par scrutin de liste et à la majorité relative des membres présents ”.
1365 Ibid. : “ Art. 2 : Les conseils de discipline seront provisoirement composés de cinq membres dans les sièges où le nombre des avocats inscrits sera inférieur à trente, y compris ceux où les fonctions desdits conseils ont été jusqu’à ce jour exercées par les tribunaux, de sept si le nombre des avocats est de trente à cinquante, de neuf si ce nombre est de cinquante à cent, de quinze s’il est de cent et au-dessus ; de vingt-un à Paris ”.
1366 Ibid. : “Art. 3 : Le bâtonnier de l’ordre sera élu par la même assemblée et par un scrutin séparé, à la majorité absolue, avant l’élection du conseil de discipline ”.
1367 Ibid. : “Art. 5 : Il sera procédé dans le plus court délai possible à la révision définitive des loix et règlements concernant l’exercice de la profession d’avocat ”.
1368 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 3 (fo non numérotés) : Séance du 10 juillet 1832 : “ M. le Bâtonnier communique au conseil une lettre qui lui a été adressée le 7 juillet par Me Fortoul cadet, avocat, par laquelle il demande à soumettre au conseil de discipline l’examen d’une question qui peut intéresser les franchises et les droits attachés à la profession d’avocat ”.
1369 Ibid.
1370 Ibid. : “ un jugement rendu par la 3ème chambre du tribunal civil de Marseille le 28 mai dernier... ”.
1371 Ibid.
1372 Ibid. Voir infra, chapitre suivant, pp. 348-355.
1373 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 3 (fo non numérotés) : Séance du 10 juillet 1832.
1374 Ibid.
1375 LOYSEL, Pasquier ou le Dialogue des Advocats du Parlement de Paris (avec une introduction et des notes, la suite chronologique des plus notables avocats depuis 1600 à ce jour, et notices bibliographiques sur Pasquier et Loisel), Paris, Videcocq & fils, 1844.
1376 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 3 (fo non numérotés) : Séance du 10 juillet 1832.
1377 Ibid. La citation est suivie de la référence précise de la source qui a été utilisée : “ Dupin, Lettres sur la profession d’avocat, 4ème éd., T. I, p. 246 ”.
1378 DENISART, Collection de décisions, Paris, 1783 et 1806, voir v° “ AVOCAT ”, § 7 n° 13.
1379 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 3 (fo non numérotés) : Séance du 10 juillet 1832.
1380 MERLIN, Répertoire raisonné et universel de jurisprudence, Paris, Garnery, 1812 - 1825, 17 vol.
1381 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D., vol. 3 (fo non numérotés) : Séance du 10 juillet 1832. La délibération rappelle scrupuleusement, que “ le même arrêt est rapporté, mais sous la date de 1782, dans le répertoire de jurisprudence de Merlin, verbo AVOCAT, §10”.
1382 Ibid. : “ ces maximes et ces traditions toujours observées n’ont jamais été abrogées. L’ordonnance du 20 novembre 1822 (art. 45) en abrogeant le décret du 14 décembre 1810, a maintenu les usages observés dans le barreau relativement aux droits et aux devoirs des avocats dans l’exercice de leur profession ”.
1383 Ibid. : “d’après tous les motifs ci-dessus, le Conseil a pensé que le jugement rendu par la 3ème chambre du tribunal a porté une atteinte grave aux droits et aux immunités de l’ordre des avocats, tout en blessant la délicatesse de Me Fortoul à laquelle le conseil se plait à rendre hommage ”.
1384 Ibid.
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