Précédent Suivant

Le droit des régimes matrimoniaux à l’épreuve du droit des entreprises en difficulté

p. 125-137


Texte intégral

1Pour commencer par un mauvais jeu de mots, on pourrait dire que le couple «  régimes matrimoniaux – procédures collectives  » fait un assez mauvais ménage. Ou, plus précisément, c’est le couple «  régime légal – procédures collectives  » qui suscite les plus grandes difficultés. En effet, les spécialistes du droit des affaires savent bien que le régime de la communauté est celui qui se marie le plus difficilement avec l’activité économique. Car, si l’entrepreneur connaît des difficultés, le principe est que, en cas d’ouverture d’une procédure collective, l’actif du débiteur comprend tous les biens communs1. Cela signifie que, même en dehors de toute hypothèse de co-exploitation ou de confusion des patrimoines entre époux, ces biens peuvent être vendus, tandis que les salaires du conjoint in bonis peuvent être frappés par la saisie collective au profit des créanciers de l’époux subissant la procédure2. Seules échappent au périmètre de celle-ci les biens propres du conjoint in bonis.

2À l’inverse, lorsque les époux sont mariés sous le régime de la séparation, les difficultés sont moins fréquentes. C’est d’ailleurs le régime que conseillent systématiquement les praticiens lorsqu’un commerçant ou un entrepreneur individuel se lance sur le marché. Un examen du contentieux confirme cette idée : la plupart des décisions dans lesquelles le droit des régimes matrimoniaux est confronté au droit des entreprises en difficultés concerne le régime de communauté. Si l’époux a une activité économique et veut éviter à la cellule familiale les conséquences d’une procédure collective, il doit donc opter pour le régime de séparation. Ce réflexe à avoir est d’autant plus important que le champ des procédures collectives ne cesse de s’étendre, notamment aux professions libérales. Mais l’on sait aussi que, par insouciance, faute de conseils ou parce que l’on se réoriente professionnellement en cours de vie beaucoup plus facilement que par le passé, le régime légal régit plus de 80  % des couples mariés3.

3Encore faut-il, pour que toutes ces questions se posent, que les époux soient soumis à un régime matrimonial ! La chose peut paraître surprenante dans la mesure où le régime légal s’impose à défaut de choix des époux. Un arrêt récent de la Cour de cassation vient toutefois rappeler que, en Nouvelle-Calédonie, les époux peuvent relever du statut civil coutumier, régies par les règles coutumières4. Dans ce cas, les époux n’ont pas de véritable autonomie vis-à-vis du clan, le régime matrimonial étant inconnu du droit coutumier. À l’égard des tiers, et notamment des créanciers, les époux sont assimilés à des indivisaires. En l’espèce, un des époux avait été placé en liquidation judiciaire et la vente de la maison familiale était sollicitée. N’étant pas un bien commun, mais un bien indivis existant avant la survenance de la liquidation, l’immeuble ne pouvait dès lors pas être saisi par les créanciers du débiteur. En effet, il résulte de l’article 815-17 du Code civil que les biens indivis ne figurent pas dans l’actif de la procédure5.

4Pour en revenir aux régimes matrimoniaux, et plus précisément, au régime de communauté, la doctrine évoque souvent «  l’impérialisme des procédures collectives  », quand ces deux matières se rencontrent. Lorsque la confrontation survient, c’est en effet généralement le droit des procédures collectives qui s’impose. Par exemple, celui-ci fait obstacle à l’application de l’article 1421 du Code civil relatif à la gestion concurrente des époux. Ainsi, en cas de liquidation judicaire d’un débiteur marié, les biens communs sont administrés par le seul liquidateur, sans que le conjoint in bonis ne puisse exercer son pouvoir de gestion6. Dans le même ordre d’idées, l’article L. 624-8 du Code de commerce rend les avantages matrimoniaux inopposables aux créanciers de l’époux débiteur soumis à la procédure7. Au demeurant, le conjoint in bonis n’est pas le seul à subir cet impérialisme des procédures collectives. Ses créanciers subissent également par contrecoup la procédure, en ne pouvant pas saisir ses gains et salaires8.

5Certes, il arrive parfois que ce soit le droit des régimes matrimoniaux qui dicte sa loi au droit des entreprises en difficultés. Ce fut le cas dans une affaire dans laquelle la communauté avait été dissoute par décès avant le jugement d’extension d’une procédure collective initialement ouverte contre le débiteur décédé. La Cour de cassation a rappelé dans cette décision que le conjoint ne pouvait être tenu que des seules dettes nées durant le régime, conformément au droit des régimes matrimoniaux9. Cela étant, il faut bien reconnaître que ces hypothèses sont assez rares. Généralement, c’est le droit des procédures qui entrent en confrontation avec le droit commun et qui impose ses règles10.

6Cet impérialisme du droit des entreprises en difficulté a des effets très rigoureux à l’encontre du conjoint commun en biens. Certains auteurs parlent même de situation d’injustice, tant les conséquences peuvent être sévères11. Une partie de la doctrine souligne l’inadaptation des mesures du Code de commerce applicables au conjoint, qui traduisent encore une vision largement désuète de la situation du conjoint de l’entrepreneur. Il ne faut pas oublier non plus que les créanciers de ces derniers sont également impactés par la procédure. Cela étant, les critiques régulièrement formulées portent leurs fruits. Les organes de la procédure collective et les juges tentent régulièrement d’atténuer les conséquences de celle-ci à l’égard du conjoint du débiteur. Le législateur a aussi timidement commencé à dépoussiérer le Code de commerce en faisant disparaître certaines dispositions. Si la doctrine plaide pour une refonte plus ambitieuse, les progrès sont néanmoins bien timides.

I. La rigueur à l’égard du conjoint communs en bien

7La rigueur à du droit des entreprises en difficultés à l’encontre du conjoint commun en biens est régulièrement dénoncée par les praticiens et la doctrine. Certes, les biens personnels sont à l’abri de la poursuite des créanciers. Encore faut-il nuancer le propos en indiquant que, quel que soit le régime matrimonial choisi, le patrimoine du conjoint n’est pas à l’abris si les créanciers parviennent à établir l’existence d’une fraude à leurs droits. En outre, le patrimoine du conjoint in bonis reste sous la menace lorsque ce dernier est coobligé, par exemple dans l’hypothèse de la signature d’un cautionnement, d’un co-emprunt ou en ce qui concerne la solidarité des dettes fiscales1. Si l’on en revient aux biens communs, ceux-ci sont en principe inclus dans le périmètre de la procédure2. Cela signifie que ces biens peuvent être saisis et vendus pour désintéresser les créanciers. Ces biens peuvent d’ailleurs être saisis, sans même que le conjoint du débiteur ne soit visé par un titre exécutoire3 ou qu’il soit poursuivi4.

8Le conjoint in bonis ne peut s’opposer à la vente d’un bien commun et, s’il tente de soulever des moyens procéduraux pour stopper celle-ci, la Cour de cassation rappelle que :

«  les décisions rendues à l’encontre du seul époux en liquidation judiciaire, représenté par le liquidateur, relativement à la vente d’un bien commun, étant opposable au conjoint maître de ses biens, la tierce opposition formée par ce dernier à leur encontre n’est pas recevable  »5.

9Certes, au plan procédural, quelques améliorations ont été apportées par la réforme du 26 juillet 2005 : le conjoint commun en bien peut-être entendu et convoqué avant toute décision lorsqu’est ouverte une procédure autorisant la vente d’un bien commun. À défaut, le juge commettrait un excès de pouvoir6. On reconnaîtra cependant, comme le souligne un auteur, qu’il s’agit là d’un «  strict minimum  » qui laisse le conjoint dans une situation «  peu enviable  »7.

10Confrontés à une procédure collective, le conjoint in bonis pourrait essayer de dégager des liquidités, en vendant un ou plusieurs biens communs. La rigueur du droit des procédures collectives transparaît à nouveau dans ce cas, notamment dans l’hypothèse d’une vente d’immeuble commun. La Cour de cassation a par exemple jugé, en application de l’article L. 642-18 du Code de commerce (ancien article L.622-16), que le liquidateur pouvait demander que cette vente lui soit inopposable et pouvait exiger le versement de la totalité du prix, et non pas seulement la moitié du prix comme l’invoquait le conjoint in bonis. En effet, pour la Cour,

«  le liquidateur est chargé de répartir le prix de vente des immeubles inclus dans l’actif de la liquidation judiciaire, fussent-ils des biens communs, et que les droits de chaque époux sur l’actif de la communauté ne peuvent être individualisés durant celle-ci  »8.

11La solution est sévère mais logique. La vente ne pouvait pas avoir lieu puisque le débiteur était dessaisi au profit du liquidateur. L’acte doit être autorisé par le juge commissaire et il est donc est inopposable à la procédure collective. En revanche, il est valable à l’égard du conjoint in bonis9, mais celui-ci ne peut procéder à un acte de disposition, seul le liquidateur ayant en principe cette possibilité du fait de la paralysie due à l’article 1421 du Code civil.

12Confrontés à une procédure collective, les époux pourraient décider de changer de régime matrimonial, afin de tenter de sécuriser leurs biens. Or, même dans l’hypothèse du passage d’un régime communautaire à un régime de séparation, la protection ne paraît «  qu’illusoire  »10. D’abord, le principe de solidarité des dettes joue toujours, notamment pour les dettes fiscales. Ensuite, la création de l’indivision post-communautaire qui résultera du changement de régime matrimonial sera toujours soumise aux créanciers. Ils seront en effet des créanciers de «  l’indivision  » : en vertu de l’article 815-17 alinéa 1 du Code civil, ayant pu agir avant que le bien ne devienne indivis, les créanciers peuvent toujours en poursuivre la saisie et la vente. En outre, ils pourront atteindre jusqu’aux biens propres du conjoint in bonis11. L’hypothèse est la même, en cas de divorce en cours de procédure, les biens communs devenant également des biens indivis12. Dans un tel contexte, la jurisprudence rappelle d’ailleurs l’importance de la date de retranscription du divorce sur les actes d’état civil. Dans le cas d’une liquidation, c’est cette date qui déterminera le sort des biens devenus indivis. Si l’indivision apparaît après l’ouverture d’une procédure collective, le bien indivis intègre alors le gage commun des créanciers13.

13D’une manière générale, lorsque survient la liquidation judiciaire, le conjoint du débiteur sera souvent dans une situation délicate. Dans cette hypothèse, il y a en effet peu de chance qu’il subsiste quoi que ce soit de la réalisation de la communauté, le produit ayant généralement été distribué entre les différents créanciers. À l’issue de la liquidation, l’époux hors procédure ne pourra pas non plus bénéficier de la purge du passif, l’article L. 643-11 du Code de commerce ne visant que le débiteur. La Cour de cassation n’a pas considéré comme sérieuse la QPC fondée sur une atteinte disproportionnée au droit de propriété de l’époux commun en biens dans ce type de situation14. En outre, comme le souligne fort justement un auteur, le conjoint a sans doute été actionné par ses propres créanciers et sera souvent en grande difficulté financières15. Or, en pratique, l’ouverture d’une procédure de surendettement n’est pas aisée à obtenir : les commissions de surendettement sont souvent réticentes et n’hésitent pas à exclure le conjoint du professionnel indépendant des procédures consuméristes16. En principe, la procédure de surendettement est ouverte si les dettes sont non professionnelles et qu’elles n’ont pas été incorporées dans la procédure collective de l’époux débiteur17. Cette dernière notion n’est pas facile à cerner18. Pour la jurisprudence, une telle incorporation a lieu lorsque les créanciers du conjoint in bonis déclarent leur créance pour espérer participer aux répartitions19.

II. La rigueur à l’égard des créanciers du conjoint

14De façon indirecte, les créanciers du conjoint commun en biens sont eux-aussi frappés par l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de l’époux débiteur. Les biens communs répondant aux dettes de chacun des époux, en vertu de l’article 1413 du Code civil, les créanciers personnels du conjoint in bonis sont en quelque sorte en concurrence avec les créanciers de l’époux débiteur en procédure collective. Or, comme l’a noté un auteur, dans ce cas, «  les poursuites des créanciers du conjoints sont […] arrêtées parce que les biens communs sont collectivement saisis par l’effet du jugement d’ouverture  »1. Ils doivent ainsi subir l’arrêt des poursuites, comme l’a décidé un important arrêt, rendu par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation en date du 23 décembre 1994. Sur le fondement de la loi de 1985 et de l’article 1413, la Cour a jugé que :

«  si la liquidation judiciaire d’une personne mariée sous le régime de la communauté de biens ne modifie pas les droits que les créanciers de son conjoint tiennent du régime matrimonial, le dessaisissement de la personne leur interdit d’exercer des poursuites sur les biens communs en dehors des cas où les créanciers du débiteur soumis à la liquidation judiciaire peuvent eux-mêmes agir  »2.

15La solution avait été sévèrement critiquée à l’époque, notamment par Fernand Derrida, qui notait que l’arrêt des poursuites que subissaient les créanciers personnels du conjoint in bonis avait eu lieu sans que ces derniers n’aient déclaré leurs créances puisque ceux-ci n’ont pas formellement l’obligation de le faire3. Autrement dit, les créanciers personnels du conjoint doivent respecter certaines règles de la procédure sans toutefois être obligés d’y entrer. En réalité, ils sont en quelque sorte attraits de force dans la procédure collective, sans pourtant vraiment en faire partie. En pratique cependant, les créanciers du conjoint déclarent leurs créances et ce d’autant plus que la jurisprudence les y invite désormais assez clairement4.

16La jurisprudence est allée plus loin par la suite, en indiquant que les créanciers du conjoint in bonis ne pouvaient saisir les gains et salaires de ce dernier. La chambre commerciale de la Cour de cassation a affirmé que :

«  les salaires d’un époux marié sous un régime de communauté sont des biens communs frappés par la saisie collective au profit des créanciers de l’époux mis en procédure collective qui ne peuvent être saisis, pendant la durée de celle-ci, au profit d’un créancier de l’époux maître de ses biens  »5.

17En effet, les salaires d’un époux marié sous un régime de communautés sont des biens communs et ils sont donc frappés par la saisie collective au profit des créanciers de l’époux débiteur en procédure collective. Les créanciers personnels sont ainsi privés, pendant toute la durée de la procédure collective, de la possibilité de saisir ce qui constitue généralement le principal flux financier alimentant la communauté. Le liquidateur est donc parfaitement en droit de saisir ces salaires.

18Pour la doctrine, la solution apparaît «  en contradiction flagrante avec la limitation du droit de poursuite des créanciers instaurée par l’article 1414 C. civ.  »6 qui dispose que «  les gains et salaires d’un époux ne peuvent être saisis par les créanciers de son conjoint que si l’obligation a été contractée pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants  ». S’il est exact que les salaires sont des biens communs, le respect de l’esprit de l’article 1414 du Code civil aurait sans doute commandé que l’on opère une distinction et que l’on place ceux-ci dans une catégorie à part. Les gains et salaires ne constituent sans doute pas le gage ordinaire des créanciers de la communauté7. Il convient toutefois de souligner que la rigueur de cette solution n’est pas uniquement le fruit de l’application de la logique du droit économique aux règles du droit patrimonial de la famille. En effet, la décision ne fait qu’appliquer strictement l’article 1413 du Code civil. Certes, cette application orthodoxe du texte par la chambre commerciale traduit bien les impératifs du droit des entreprises en difficultés. Mais comme le fait observer un auteur, l’assujetissement des biens communs à l’actif de la procédure collective résulte avant tout de l’application des règles issues du droit des régimes matrimoniaux8.

19En revanche, c’est bien la mainmise du droit des procédures collectives sur le droit des régimes matrimoniaux qui s’exprime à nouveau lorsque chacun des époux fait l’objet d’une procédure collective. L’hypothèse d’un tel «  effet domino  » n’est pas rare, la chute d’un époux pouvant entraîner celle de l’autre. Après quelques hésitations, la jurisprudence a estimé que les biens communs n’étaient assujettis qu’au périmètre de la procédure collective ouverte en premier. Il en résulte que la seconde procédure est vidée de son principal actif. Sous l’angle du droit patrimonial de la famille, on aurait pu envisager, en cas de vente d’un bien commun dans le cadre de la première procédure, une récompense de plein droit, voire un partage entre les deux procédures9. La solution a été écartée par la chambre commerciale qui a donc jugé que la seconde procédure collective ne pouvait attraire à elle la masse des biens communs déjà concernée par une précédente procédure10. Cet «  effet réel  » de la procédure sur les biens communs a toutefois un effet pervers à l’égard des créanciers puisque, comme le fait observer un auteur, le premier débiteur n’a aucun intérêt à travailleur au lendemain de la clôture d’une éventuelle liquidation11. Les créanciers du conjoint initialement in bonis sont ainsi à nouveau malmenés.

III. Quelques tempéraments…

20Fort heureusement, quelques tempéraments viennent atténuer la rigueur du droit des entreprises en difficultés, en particulier à l’égard du conjoint du débiteur. Ceux-ci proviennent d’abord de la pratique, ce qui démontre que les acteurs de la procédure n’ont pas uniquement à l’esprit l’intérêt des créanciers ou des salariés. Ainsi, sur la question des gains et salaires, les liquidateurs devraient en principe saisir ces flux. Dans l’absolu, la clôture de la procédure ne devrait pas être possible, tant que des revenus du conjoint sont versés, puisque, selon la jurisprudence, ils subsistent en tant «  qu’actifs réalisables du débiteur susceptibles de désintéresser  » celui-ci1. Or, on observe que, sur le terrain, les liquidateurs adoptent des comportements différents, visiblement animés par un souci «  d’humanité  »2. Ils essaient en général de ne pas saisir les salaires et cherchent à ne pas faire perdurer la procédure3.

21Ces «  résistances  »4 de la pratique se prolongent aussi à travers certaines décisions judiciaires. Si l’on a pu souligner précédemment la sévérité de la Cour de cassation, celle-ci sait parfois se montrer plus favorable au conjoint de débiteur. C’est bien par l’intermédiaire de la Haute juridiction qu’une QPC a été transmise au Conseil constitutionnel, conduisant à l’abrogation de l’article L. 624-6 du Code de commerce5. Ce texte autorisait le mandataire de prouver par tout moyen que les biens acquis par le conjoint du débiteur l’avait été avec les valeurs fournies par celui-ci. C’était la fameuse présomption murcienne (présomption de fraude) qui permettait de demander que les acquisitions faites par le conjoint du débiteur soient réintégrées à l’actif de ce dernier.

22À côté de ces réactions de la pratique lato sensu, le législateur est également intervenu. On songe bien sûr à la loi Macron du 6 août 2015 qui a prévu l’insaisissabilité de droit de la résidence principale des créanciers professionnels, à l’article L. 526-1 du Code de commerce. Même si ce texte ne vise pas explicitement le conjoint débiteur, il se trouve, de facto, mieux protégé, même si des imperfections sont relevées. Ces avancées sont jugées insuffisantes par des auteurs qui plaident pour une réforme plus ambitieuse en faveur du conjoint du débiteur. La réflexion est ancienne mais la Cour de cassation a donné une nouvelle impulsion, à la suite de son rapport annuel pour 2012 et des regrets exprimés en 20146. La suppression de la section II du chapitre IV, du titre II du livre VI, intitulée «  Des droits du conjoint  » est envisagée, tant les dispositions L. 624-5 et suivantes du Code de commerce paraissent obsolètes. Au-delà du dépoussiérage, il est encore proposé plus fondamentalement de remettre en cause l’inclusion des biens communs dans le périmètre de la procédure7 ou encore de permettre au conjoint débiteur de profiter de l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de son époux8. Jusqu’ici, ces propositions sont restées lettres mortes, mais il est pourtant urgent d’agir. Le droit des entreprises en difficulté ne peut plus rester si peu sensible au sort du conjoint : celui-ci est trop souvent entraîné dans la chute du débiteur, menaçant alors la cellule familiale en son entier.

Notes de bas de page

1 C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en difficulté, coll. Domat Dr. privé, LGDJ, 9e éd. 2014, n°  850 ; F. Pérochon, Entreprises en difficultés, coll. Manuel, LGDJ 10e éd. 2014, n°  1646.

2 Cass. com., 16 nov. 2010, n°  09-68459 : bull. Joly Entreprises en difficultés, mai 2011, n°  2, p. 150, obs. S. Cabrillac.

3 R. Cabrillac, Droit des régimes matrimoniaux, coll. Domat Dr. privé, LGDJ 9e éd. 2015, n°  140.

4 Civ. 1re, 10 juin 2015, n°  14-14599, EDED 2015 n° 9, p. 4, obs. P. Rubellin.

5 F. Pérochon, op. cit., n°  637. Le liquidateur peut toutefois provoquer le partage, étant précisé que les co-indivisaires in bonis peuvent stopper cette action en réglant la dette du débiteur : C. Saint-Alary-Houin, op. cit., n°  1334.

6 R. Cabrillac, op. cit., n°  223.

7 C. Saint-Alary-Houin, «  L’article L. 624-8 du Code de commerce, une dérogation inopportune au régime des avantages matrimoniaux  », in Mélanges en l’honneur du Pr. P. Le Cannu, Dalloz/Lextenso 2014, p. 781 et s. ; R. Cabrillac, op. cit., n°  354.

8 R. Cabrillac, op. cit., n°  196.

9 Cass. com., 17 sept. 2013, n°  12-20984 : Bull. Joly Entreprises en difficulté, janv. 2014, n°  1, p. 48, obs. S. Becqué-Ickowicz et S. Cabrillac.

10 M. Jeantin et P. Le Cannu, Droit commercial, Entreprises en difficulté, coll. Précis Dalloz 2007, n°  1 ; adde, S. Lambert, «  Le sort du conjoint in bonis engagé aux côtés de son époux surendetté ou soumis à une procédure collective  », RTD com. 2007 p. 485 et s.

11 P. Rubellin, «  Retour sur le statut du conjoint du débiteur commun en biens  », Bull. Joly Entreprises en difficulté, janv. 2014, n°  1, p. 62 et s. ; C. Saint-Alary-Houin, «  L’article
L. 624-8…  », op. cit., p. 786.

1 A. Lecourt, «  La délicate articulation du droit des procédures collectives et du droit de la famille  », RTD com. 2004. 1.

2 C. Saint-Alary-Houin, «  Droit des entreprises en difficultés…  », op. cit., n°  850.

3 Cass. civ. 2e, 16 mai 2012, n°  11-18.278, inédit. Sur ce thème, v. plus généralement
M. Nicolle, «  L’article 1413 du code civil et les voies d’exécution  », D. 2017. 593.

4 Cass. civ. 2e, 22 févr. 2007, n°  06-12.295, Bull. civ. II, n°  50 ; D. 2008. 1167, obs. A. Leborgne.

5 Cass. com., 28 avr. 2009, n°  08-10368.

6 Cass. Com. 8 janv. 2013, n°  11-26059.

7 F. Pérochon, op. cit., n°  1646.

8 Cass. com., 22 mai 2012, n°  11-17391 : Gaz. Pal. 3-4 août 2012, p. 25 obs. D. Voinot.

9 D. Voinot, préc.

10 A. Lecourt, préc.

11 Idem.

12 En ce sens, Cass. com., 26 janv. 2016, n°  14-13851, EDED 2016, n°  3, p. 3, obs. P. Rubellin.

13 Cass. com., 27 sept. 2016, n°  15-10.428, Rev. proc. coll. n°  1, janvier 2017, comm. 1, obs. F. Reille ; JCP G n°  4, 23 janvier 2017, doctr. 91, chron. P. Pétel.

14 Cass. com., 18 nov. 2014, n°  14-16535.

15 P. Rubellin, préc.

16 V. Legrand, «  Conditions de recevabilité du dossier de surendettement du conjoint de l’entrepreneur et regard prospectif sur le sort du conjoint d’un EIRL  », bull. Joly Entreprises en difficulté, nov. 2012 n° 6, p. 358.

17 Cass. 1re civ., 27 sept. 2012, n°  11-21085. L’arrêt indique que les juges du fond doivent caractériser «  en quoi les dettes… présentent [ou non] un caractère professionnel  » à l’égard de celui qui sollicite la procédure de surendettement. Ils doivent aussi rechercher si ces dettes ont été ou non «  incorporées à la procédure collective ouverte  » à l’égard de l’époux débiteur.

18 Cass. civ. 1re, 11 oct. 2000, n°  99-04.091, RTD com. 2001. 251, obs. G. Paisant.

19 S. Becqué-Ickowicz, «  “Faillite consumériste” de l’épouse sur “faillite commerciale” de l’époux ne vaut  », bull. Joly Entreprises en difficulté, juill. 2011 n° 3, p. 215 et s.

1 M. Sénéchal, cité par F. Pérochon, op. cit., n°  636.

2 V. les très nombreuses références citées in C. Saint-Alary-Houin, op. cit., 1335, note 683.

3 Ass. plén., 23 déc. 1994, D. 1995. 145, rapport Y. Chartier, note F. Derrida.

4 C. Saint-Alary-Houin, op. cit., n°  1335. Le défaut de déclaration ne conditionne que l’exercice des droits des créanciers et non leur existence. Il en résulte que ces derniers peuvent toujours essayer de faire valoir leurs droits sur le solde après liquidation : R. Cabrillac, op. cit., n°  196.

5 Cass. com., 16 nov. 2010, n°  09-68459, bull. Joly Entreprises en difficulté, mai 2011, n°  2, p. 150, obs. S. Cabrillac ; Rev. proc. coll. n°  2, ars 2011, comm. 70, obs. M.-P. Dumont-Lefrand.

6 V. not. R. Cabrillac, op. cit., n°  196.

7 En ce sens, v. M.-P. Dumont-Lefrand, préc.

8 L. Antonini-Cochin, «  Pour le meilleur et pour le pire… ou les droits du conjoint du débiteur soumis à une procédure collective  », JCP G 2010, 584, spéc. n°  3.

9 CA Paris 11 juin 2004, AJ fam. 2004. 330, obs. L. Attuel-Mendès.

10 Cass. com., 16 mars 2010, AJ fam. 2010. 285, obs. P. Hilt.

11 L. Attuel-Mendès, préc.

1 Cass. com., 5 janv. 2008, pourvoi n°  06-20766, Rev. proc. coll. mars-avr. 2009, p. 42, obs. M.-P. Dumont-Lefranc.

2 C. Saint-Alary-Houin, «  Il est temps de repenser la situation du conjoint dans les procédures !  », Bull. Joly Entreprises en difficulté, mars 2016, n°  2, p. 12.

3 P. Rubellin, «  Retour sur le conjoint du débiteur commun en bien  », préc.

4 C. Saint-Alary-Houin, «  Il est temps de repenser la situation du conjoint dans les procédures !  », préc.

5 Cons. const., 20 janv. 2012, n°  2011-212 QPC, Rev. proc. coll. 2012, Étude n°  8. Adde, H. Lécuyer, «  Le Conseil constitutionnel, protecteur des époux ou fossoyeur des procédures collectives ?  », Mélanges Champenois, Défrenois 2012.

6 V. les rapports annuels de la Cour de cassation, pour 2012 et 2014, disponibles sur le site Internet de la Cour.

7 C. Saint-Alary-Houin, «  Il est temps de repenser la situation du conjoint dans les procédures !  », préc.

8 P. Rubellin, Régimes matrimoniaux et procédures collectives, Thèse Strasbourg III, 1999.

Précédent Suivant

Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.