Introduction à la deuxième partie
p. 255-256
Texte intégral
1Au sortir de la tourmente révolutionnaire, les avocats tant sur le plan national qu’à Marseille, tentent de reconquérir tout à la fois le lustre passé et largement idéalisé de leur profession et leur rang dans la société civile.
“ A quelques nuances près, les grands principes du barreau sont demeurés les mêmes. Et c’est pour cela qu’après tant d’années de révolutions, nous les retrouverons aujourd’hui plus purs, plus puissants que jamais (...) Nos devoirs, nos droits, nos mœurs, notre existence, sont presque tout entiers dans les traditions ”1051.
2Ce propos de Mollot, illustre le décalage classique entre le discours sur la réalité et la réalité elle-même. S’il est certain que la profession d’avocat sort métamorphosée de la période révolutionnaire, elle tente cependant, de façon récurrente et obstinée, sans jamais y parvenir pleinement, de renouer avec les fils du passé. L’enchaînement rapide des régimes politiques, les modifications répétées de l’appareil judiciaire et la diversité des référents socioculturels, rendent impossible un tel retour en arrière. Toutefois, c’est à la faveur de la restauration monarchique, que la reconstruction du collectif connaît une étape décisive1052.
3Au xixème siècle, le barreau de Marseille entame un processus de renaissance dont les prémices sont perceptibles dès l’année 1806, mais dont l’avancée apparaît freinée par les réticences impériales et par une certaine pusillanimité de la monarchie restaurée. En effet, l’année 1822 amène une législation plus libérale mais qui demeure ambiguë, hantée d’insidieuses restrictions. A partir de 1830, s’ouvre pour les avocats phocéens, une longue période marquée par l’homogénéité des enjeux professionnels. La constance et la cohérence sont alors les caractères premiers du vécu judiciaire des avocats de Marseille qui épousent, souvent renforcent et parfois impulsent, le combat de l’ensemble des barreaux pour la reconnaissance des spécificités professionnelles et pour la défense de l’indépendance, aussi bien par rapport aux juridictions que face aux institutions politiques (Titre I).
4En revanche, l’activité politique des avocats au xixème siècle reste résolument marquée par l’hétérogénéité et le caractère strictement personnel des engagements publics. D’abord jugulée sous l’Empire, ensuite favorisée par la Restauration, l’action politique des avocats phocéens apparaît à la fois multiple et saccadée, plus fréquente à compter de l’enracinement républicain, mais toujours empirique et hétérogène. A l’exception d’une adhésion inconditionnelle au régime républicain de 1848, l’Ordre des avocats lui-même reste délibérement à l’écart de la tribune. Ainsi, si pour l’avocat de Marseille la Barre est une famille, la Tribune reste une aventure vécue en solitaire dans laquelle il ne se risque que ponctuellement (Titre II).
5La recomposition de la figure de l’avocat, tout à la fois ténor de la Barre et aventurier de la Tribune, constitue la plus grande dynamique du xixème siècle, pétrie de ruptures et façonnée par la tradition, comme le montre, plus encore que tout le reste, l’évolution de la déontologie de l’avocat, telle que la jurisprudence disciplinaire du Conseil de l’Ordre de Marseille permet de la découvrir.
Notes de bas de page
1051 MOLLOT, Règles de la profession d’avocat, Paris, Joubert, 1842, p. 21.
1052 Il faut citer ici le Mémoire de D.E.A. de Melle Elsa BRUSCHI, L’Ordre des Avocats de Marseille de 1810 à 1830, soutenu en 1997 à la Faculté de Droit de Lyon III sous la direction de Jean-Louis HALPERIN, qui défriche le sujet et apporte quelques pistes intéressantes pour la période concernée.
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