Chapitre II. Les avocats de Marseille victimes de la Révolution
p. 203-251
Texte intégral
1En ce qui concerne la destinée révolutionnaire des avocats à l’échelle nationale, la période envisagée comprend deux phases bien distinctes : la première est qualifiée de “ révolution des avocats ”827 et intervient dès les premiers mois de la Révolution ; la seconde peut être désignée comme “ la dissolution des avocats ” et précède, puis accompagne, la Terreur. Sur le plan local, cette articulation se retrouve largement, toutefois teintée d’une myriade de nuances nées des particularismes régionaux et municipaux. L’expérience des avocats de Marseille n’est pas identique, loin s’en faut, à celle des membres du barreau parisien. Et si le rappel des faits concernant ce dernier est un préliminaire indispensable à la compréhension du mécanisme par lequel les avocats sont passés du statut de promoteurs à celui de victimes de la Révolution, entre 1789 et 1794, il ne révèle pas la réalité des enjeux locaux les plus essentiels.
2La disparition des ordres d’avocats en 1790 ouvre la porte à une défense certes nouvelle, mais non exempte d’errances. Les historiens et les commentateurs successifs ne se lassent pas de poser, et de se reposer, la question fort controversée des causes réelles de cette condamnation a priori étonnante, compte tenu du rôle majeur joué par les avocats, aussi bien parisiens que provinciaux, dans la promotion des mesures révolutionnaires.
3Tout se passe comme si, dans le courant de l’année 1790 et au sein même de l’assemblée représentant la Nation, s’était soudainement manifestée une défiance à l’encontre des avocats ; une défiance qui devait conduire à la suppression des ordres et contraindre à l’immolation, une profession qui, dès les premiers mois de l’année 1789, avait tant donné à la Révolution. A ce titre, une intervention du député Lanjuinais est particulièrement révélatrice de l’état d’esprit de la représentation nationale à l’égard des barreaux : dès le mois de mars 1790, ce député affirme, en s’opposant à Duport, qu’il faut diminuer le nombre des avocats, car ceux-ci ne sont pas autre chose qu’un “ mal nécessaire ”828 qu’il faut bien circonscrire à défaut de l’éradiquer.
4Il apparaît fondamental de déterminer les causes de cette suppression des ordres d’avocats, puisque c’est précisément d’elle, plus que de toute autre mesure législative, que procèdent toutes les modifications apportées à la défense, tant dans son mécanisme que dans son personnel, au sein de la nouvelle organisation judiciaire. L’examen des circonstances de la dissolution de l’Ordre des Avocats de Paris, paradoxale en apparence, mais dont les causes peuvent être expliquées (I), doit précéder l’analyse de son impact sur la vie professionnelle des avocats du Barreau marseillais, finalement broyé par la Terreur (II).
I - LA SUPPRESSION DE L’ORDRE DES AVOCATS : UNE FIN ÉNIGMATIQUE
5L’examen minutieux des faits ayant précédé et accompagné la suppression des ordres d’avocats en 1790, de même que l’étude des modalités légales et des conditions politiques dans lesquelles cette suppression a été décidée (§ 1) ne suffit nullement à rendre compte de la complexité de cet événement crucial dans l’histoire de la profession d’avocat, et qui, aujourd’hui encore, ne bénéficie pas d’une interprétation univoque ou unanime. C’est pourquoi, il est légitime de s’attarder sur les travaux des différents historiens du barreau qui se sont penchés sur cette énigme révolutionnaire, autant ceux du xixème siècle et des débuts du xxème siècle (§ 2), que ceux plus directement contemporains (§ 3), en cherchant à en tirer les éléments d’une synthèse tout à la fois lucide et prospectrice.
§ 1 : Une suppression “ incidente ” mais effective : le décret des 2-11 septembre 1790829
6La suppression de l’ordre des avocats de Paris et, par ricochet, celle de tous les autres barreaux de France, n’est qu’une simple incidence d’un décret de l’Assemblée nationale en date des 2-11 septembre 1790, lui-même ne se présentant que comme un complément apporté par la représentation nationale à la loi sur l’organisation judiciaire des 16-24 août 1790830.
7En effet, si la loi des 16-24 août avait à tout le moins abordé directement la question du barreau, en lui ôtant le monopole de la défense et en offrant la possibilité à tout citoyen de plaider sa cause lui-même, nulle part dans le décret du 2 septembre 1790, il n’est fait mention d’une “ suppression ” expresse des ordres d’avocats. Le dernier article du décret se contente simplement d’affirmer, et il ne s’agit de surcroît que d’un article d’exécution concernant la robe des juges et des avocats, que :
“ les hommes de loi ci-devant appelés avocats, ne devant former ni ordre ni corporation, n ‘auront aucun costume particulier de leur fonction ”831.
8Ainsi, par le jeu d’une disposition incidente d’un texte pour le moins lui-même incident, disparaît un Ordre qui a une histoire plusieurs fois séculaire et surtout une organisation collective qui a produit certains des esprits les plus éclairés du siècle, et une grande part des promoteurs du processus révolutionnaire.
9L’ironie de la situation est patente, et elle est probablement à l’origine des difficultés d’interprétation rencontrées par les historiens du Barreau, de la Justice et de la Révolution lorsqu’ils se penchent sur cette suppression832.
10Il est tout d’abord possible d’avancer que la disparition des anciennes structures judiciaires était inévitable au nom de l’intérêt très marqué que manifestent les acteurs révolutionnaires envers la justice et plus particulièrement les droits de la défense. Le principe de la publicité de l’instruction et de la libre défense sont leurs principales exigences en matière de réforme judiciaire. Comment, dans ces conditions, le barreau d’Ancien Régime pouvait-il espérer se maintenir face à la volonté de régénération préparant l’avènement de la cité idéale, qui emporte le nécessaire effacement des anciennes structures considérées comme des entraves à la liberté individuelle ?
11Tout comme la magistrature et la procédure en vigueur devant les cours souveraines, les ordres d’avocats ont d’emblée été considérés comme incompatibles avec l’impératif révolutionnaire d’une justice réellement égalitaire et équitable, et la question du costume n’est qu’un prétexte pour les balayer. Mais au-delà de l’ironie et de l’hypocrisie, au-delà des interrogations sur les raisons de la suppression des ordres d’avocats, il faut s’arrêter au préalable sur les modalités de cet effacement.
12Dans la forme plus encore que sur le fond, celui-ci apparaît comme une surprenante vexation. Comment les avocats ne sont-ils pas insurgés face à cette suppression déguisée, indirecte, incidente, qui revenait, non seulement à effacer le Barreau, mais, qui plus est, à le faire en le traitant par le mépris, celui-ci n’étant considéré que comme une extension du Parlement, une scorie finalement négligeable de l’ancien système judiciaire ? Si vraiment inévitable était la suppression, les avocats auraient pu exiger, à tout le moins, un texte autonome, exclusivement consacré aux causes et aux modalités de la suppression.
13Car, en effet, il n’y a jamais eu par la suite et sur l’ensemble du territoire métropolitain, un texte consacré à la disparition des ordres d’avocats. La seule suppression expresse que l’on puisse trouver, figure dans la législation des colonies, et est ainsi libellée :
“ il est décrété que les titres d’avocat et de procureur sont supprimés et que ces fonctions sont désormais exercées par des défenseurs officieux et des avoués ”833.
14Cette absence troublante de disposition formelle, qui rend la disparition des ordres d’avocats subreptice, voire anecdotique834, n’est pas le seul élément à même de susciter notre étonnement. Le rapporteur du projet lui-même, l’avocat Bergasse835, réclame la disparition du Barreau, en soutenant que “ toute partie devait avoir le droit de plaider sa cause elle-même ”836. Il ajoute, à propos du ministère des avocats, que celui-ci doit être totalement libre :
“ Les avocats cesseront de former une corporation ou un ordre et tout citoyen pourra exercer cette profession ”837.
15Evidemment une telle ligne de conduite devait susciter quelques réticences. L’une d’elle est exprimée par Louis-René Chauveau838 qui fait remarquer dès 1789 et avec une certaine pertinence, que la disparition des structures intermédiaires que représentait l’Ordre, aura pour conséquence néfaste l’effacement de tout filtre lié à la compétence même de l’avocat, ce qui “ supprimera l’émulation, développera le penchant à l’intrigue ”839. Chauveau écrit :
“ M. Bergasse déclare qu ‘il s’est proposé par là de rendre le ministère des avocats aussi libre qu’il doit l’être. Auroit-il confondu la liberté avec la licence ? Il est sensible que son projet rendroit le barreau un foyer impur de calomnies, de manœuvres, de rapines... ”840
16Pour lui, la suppression de l’Ordre marque la fin des privilèges judiciaires, certes, mais également la fin de toute discipline et l’oubli de toute déontologie, ce qui affecte profondément les conditions d’exercice de la profession841.
17Cependant, les résistances de ce type sont très rares : sur les 213 avocats présents dans l’assemblée, pas un seul n’a pris la parole pour défendre le barreau, tout au contraire842. Et, contrairement à ce qu’a pu affirmer Joachim Gaudry au xixème siècle, en écrivant qu’“ un seul orateur s’éleva avec force contre la suppression de l’ordre des avocats, ce fut Robespierre”843 la consultation attentive des archives parlementaires ne permet pas de repérer une intervention de Robespierre en faveur du maintien du Barreau au moment où sa suppression est prononcée844. Il n’intervient pas. Bien au contraire, on le voit s’exprimer trois mois plus tard, en faveur de la liberté absolue de la défense845, et contre la fusion des fonctions d’avoué & d’avocat proposée par Dinochau sur le fondement de considérations fiscales846. Même si Robespierre entreprend un éloge rétrospectif de l’ancien barreau847 , il ne remet pas en cause sa suppression848 et ne préconise aucune restauration de l’Ordre des Avocats849.
18Il est également important de rappeler que parmi les avocats membres de l’Assemblée, 70 seulement appartiennent à l’Ordre de Paris, tous les autres étant issus d’ordres provinciaux. Ce qui n’empêche pas le Barreau parisien de se considérer comme l’unique véritable barreau en France850. Cette attitude provocatrice, voire conservatrice, sachant qu’elle est conjuguée à la position minoritaire de ses membres au sein de l’Assemblée, est peut-être l’une des raisons permettant d’expliquer l’absence de réaction des avocats en 1790851.
19A l’inverse, certains avocats, apparemment exclus de leur ordre et des débats, se désignant eux-mêmes comme “non-tablotans ”852, semblent vouloir précipiter la chute de l’Ordre de Paris, et de tous les autres à sa suite. Dans les tous premiers mois de l’année 1789, ils adressent aux Etats-Généraux, un
“ Projet de création d’une charge d’avocat ou plutôt de destruction de l’ordre inquisitorial et despotique des avocats au Parlement de Paris, utile au Roi, à l’Etat, au Peuple, au Barreau, aux Plaideurs, aux Avocats même et à leurs veuves, et à leur postérité, et enfin à la Nation ”853.
20Il s’agit ni plus ni moins d’un pamphlet prenant la forme d’un d’appel direct à la suppression de l’Ordre de Paris et plus largement des structures traditionnelles du barreau, considérées comme grevées d’une obsolescence évidente, au nom de l’intérêt général. Ce document inédit peut-être considéré comme symptomatique d’un malaise d’une partie non négligeable des avocats au moment où s’avance la Révolution. S’y trouve effectivement exprimé de façon très claire, un ensemble de critiques à l’encontre des modes traditionnels de fonctionnement du Barreau : il y est fait mention de pratiques et de principes “ aburdes et tyranniques ”854, et considérés comme totalement abscons. Ainsi, sont stigmatisées des sanctions qui apparaissent disproportionnées par rapport à l’infraction disciplinaire commise :
“ On serait tenté de croire que les inventeurs de ces maximes ont songé bien moins d’interdire l’infidélité et la concussion que d’en cacher les traces s’il leur arrivait d’en commettre. Le refus de donner quittance des honoraires et récépissé des pièces qu’on leur confie sont des charlataneries tyranniques dont le bien commun de la société exige la suppression ” 855.
21Toujours plus provocateurs, les pamphlétaires rappellent que “ si les avocats [respectant lesdits principes] s’interdisent de demander judiciairement leurs honoraires après les services rendus, ils se font néanmoins payer d’avance”. Tout le pamphlet peut s’analyser comme une attaque directe contre l’Ordre des avocats de Paris, présenté en des termes fort peu flatteurs :
“L’ordre (...) qu’on regarde faussement comme redoutable, comme puissant n ‘est pas plus difficile à détruire dans une monarchie qu’une fourmilière, un amas d’insectes ou de mites ”856.
22Ce qui est surtout reproché aux structures traditionnelles du barreau, par ces avocats francs-tireurs, c’est la maîtrise du tableau par les anciens avocats, fédérés autour du bâtonnier, attitude dont l’ordre de Paris est le meilleur exemple. Les pamphlétaires vont jusqu’à proposer la suppression du tableau lui-même857, ce qui reviendrait à supprimer la colonne vertébrale de l’ordre lui-même, donc à l’abolir complètement. D’ailleurs, la dernière réforme proposée par les rédacteurs de ce “projet destructif” est la disparition pure et simple des ordres d’avocats :
“ Quand l’ordre inquisitorial sera détruit, on osera parler et écrire avec cette liberté, cette vérité, cette chaleur, cette noble véhémence, cette sainte hardiesse qu’a employée l’auteur de la brochure intitulée Un indépendant à l’ordre des avocats sur la décadence du Barreau de France avec cette épigraphe : plus d’ordre et le barreau renaît ”858.
23Ce document apparaît extrêmement révélateur des tensions internes agitant les barreaux dans la dernière décennie de l’Ancien Régime. Cette manifestation de colère spontanée, cette contestation virulente des structures professionnelles doivent être analysées comme un conflit de générations, comme une lutte entre deux valeurs primordiales et difficilement conciliables qui pétrissent pourtant la condition de l’Avocat tout au long de son histoire : Tradition et Liberté. Cet appel des jeunes générations d’avocats à une liberté et une égalité érigées en idéal bien supérieur à une quelconque tradition, et indépendamment de la question de son influence effective, correspond parfaitement non seulement au processus révolutionnaire d’établissement d’une société entièrement nouvelle, mais aussi à l’intransigeance revendiquée de ces fondateurs. En dernière limite, il montre qu’au sein même du Barreau, loin de former un bloc uni bien décidé à se protéger, des voix s’élèvent pour sonner le glas d’une structure considérée comme archaïque et périmée.
24Il existe bien d’autres exemples de ces avocats rebelles qui cherchèrent à précipiter la mort des anciens ordres, par esprit de vengeance ou de rébellion, ou encore simplement parce que “ la société les avait, eux ou leur famille, récemment ou de plus longue date profondément humiliés ”859 . Mais, leur activité, fut-elle un activisme, ne suffit certainement pas à expliquer la suppression aussi radicale des structures collectives d’une profession toute entière, alors même que les avocats dominent les débats à la Constituante et qu’une très large majorité des avocats de l’assemblée adhère sans réserve aux idées de Bergasse.
25Les événements ayant été rappelés, seule une présentation historiographique des interprétations de la suppression de ordres d’avocats par les commentateurs et les historiens du xixème siècle jusuqu’à nos jours, permet la formulation d’une synthèse, commencement de réponse à l’énigme de l’année 1790.
§ 2 : Les tentatives d’explication de cette suppression jusqu’au début du XXème siècle
26Les historiens de la Révolution et ceux de la Justice ont des interprétations divergentes des causes, tant immédiates que profondes, de cette suppression des ordres d’avocats en 1790. Certains y voient un paradoxe profond, d’autres en démontrent la légitimité ou même la nécessité. Il nous semble extrêmement fructueux d’établir une brève, mais raisonnée, historiographie de cet événement marquant pour l’histoire de la Justice en France. S’il apparaît nécessaire de distinguer les historiens du xixème et du début du xxème siècles d’une part, des études plus contemporaines d’autre part, il importe également, in fine, de proposer une interprétation mesurée des circonstances et de la portée de cette suppression. Alors, il sera possible de proposer une réponse à la question : s’agissait-il d’une disparition spontanée ou d’un sabordage programmé ?
27Jean-François Fournel est l’un des premiers historiens post-révolutionnaires du Barreau et vraisemblablement un nostalgique du barreau de l’Ancien Régime ; son œuvre, centrée sur le barreau parisien, date du tout début du xixème siècle860, et ses conclusions au sujet des événements de 1790 seront largement reprises par la suite, pour n’être que tardivement critiquées.
28Au sujet de la suppression de l’Ordre des Avocats en application du dernier article du décret des 2-11 septembre 1790, Fournel l’explique précisément par la prééminence même des avocats au sein de l’Assemblée Nationale : selon lui, les avocats proposèrent eux-mêmes la suppression de leur collectif, consécutivement à la disparition des Parlements861 et au rejet d’une justice d’Ancien Régime, pétrie de privilèges, à laquelle ils étaient inextricablement liés862, par sursaut d’orgueil et par esprit de sacrifice. Pour l’Assemblée Nationale, l’ancienne magistrature devait succomber ; pour les avocats députés, le Barreau ne pouvait et ne devait point lui survivre.
29Cette interprétation de Fournel revêt une inestimable valeur, car son auteur est le seul à avoir été contemporain des faits. Indubitablement, Fournel a pu discuter avec certains des avocats parisiens qui avaient eux-mêmes décidé (ou subi) cette suppression de leur collectif, et les interroger sur leurs motivations. Il est le seul commentateur à avoir bénéficié d’un accès direct aux événements. Outre d’avoir l’avantage de l’antériorité et de la contemporanéité, son interprétation bénéficie de la caution directe d’avocats célèbres tels que Delacroix-Frainville863, qui deviendra plus tard Bâtonnier de l’Ordre restauré.
30Dans son ouvrage, Histoire des avocats au Parlement et au Barreau de Paris..., Fournel semble tout d’abord s’étonner que cette suppression, cette “ abolition outrageante ”864, quand bien même incidente, n’ait soulevé aucune protestation de la part des grands avocats membres de l’assemblée865.
31L’auteur relève ce qu’il feint de considérer comme de troublants paradoxes : d’une part, la suppression fut prononcée “ sous la présidence d’un des plus célèbres avocats ”866, Thouret, ancien avocat au Parlement de Rouen et, d’autre part, la majorité des membres du barreau parisien qui ne siégeaient pas à l’Assemblée, formulèrent des reproches véhéments à l’encontre de cette mesure867. Mais, l’auteur trouve une explication à ce double paradoxe. Pour lui, la suppression acceptée procède de “ motifs secrets ” directement nés de la volonté des avocats députés eux-mêmes ; motifs auxquels le public et les membres du barreau “ n’étoient pas initiés ”868. Il explique qu’au sein des comités de l’assemblée nationale, après la promulgation du décret sur la réforme de la justice869 et “ après que l’abolition des parlements et des cours d’appel eut été arrêtée ”870, un débat s’est fait jour dans le courant du mois d’août 1790. Il s’agissait de savoir s’il fallait maintenir les avocats dans leur situation, en reproduisant les droits et les privilèges du barreau parisien à tous les avocats qui seraient amenés à plaider devant les tribunaux de la nouvelle organisation judiciaire871, ou bien s’il convenait de prononcer l’anéantissement de l’Ordre, en tant que corps intermédiaire et privilégié, stigmate malgré lui de l’ancienne justice872. L’abolition absolue de l’Ordre des Avocats ne procédait nullement d’une intention hostile, mais tout au contraire d’une décision véritablement dictée par l’abnégation : les grands avocats de Paris députés à l’assemblée et dont le suffrage pouvait avoir valeur de modèle, prirent le parti du sacrifice de leur collectif, symbole de leur dévouement exalté pour la gloire et la mémoire de la profession d’avocat, qu’ils préféraient voir disparaître plutôt que ternie par un élargissement trop important du nombre d’avocats plaidant devant de nouveaux tribunaux disparates et “ chétifs ”873. Le parti de l’abolition fut adopté à l’unanimité. Fournel précise que, ceux qui, parmi les avocats,
“ étoient connus pour être le plus engoués de l’esprit de corps, et pour attacher une grande importance au nom d’avocat et à l’honneur de l’ordre, furent ceux qui se prononcèrent le plus vigoureusement ”874
32Au fond, son interprétation est la suivante : les avocats ont voulu éviter le triste spectacle de ce qu’ils considéraient comme une lente, mais inexorable, déperdition des valeurs et de l’honneur de leur profession, consécutive à la multiplication du nombre des avocats et des barreaux875. Citant directement les avocats de l’assemblée qui argumentent dans le sens de l’abolition absolue du Barreau, Fournel écrit :
“ qu’il n’y ait plus d’avocats dès que nous aurons cessé de l’être. Seuls dépositaires de ce noble état, ne souffrons pas qu’il soit altéré en passant dans des mains qui le flétriraient ; ne nous donnons pas des successeurs indignes de nous, exterminons nous-mêmes l’objet de notre affection plutôt que de le livrer aux outrages et aux affronts ”876.
33Cette explication paraît recevable lorsqu’on sait la haute idée que les avocats d’Ancien Régime, et particulièrement ceux du Barreau de Paris, se faisaient de leur état et de leur profession, et la distinction qu’ils reconnaissaient comme essentielle entre avocats au Parlement et avocats des “ petits sièges ”.
34En définitive, il est possible d’affirmer, en suivant l’analyse de Fournel, que la disparition des ordres d’avocats et du titre lui-même procède de la conjugaison de deux facteurs interdépendants : un lien revendiqué avec les parlements et une conception élitiste de la profession. C’est le noble orgueil des avocats de Paris, plus que tout autre considération, qui commande une suppression que l’Assemblée Nationale et la Révolution ne réclamaient pas expressément.
35Bien que séduisante, cette interprétation souffre de lacunes et d’incohérences qui se révèlent peu à peu aux historiens de la profession : après avoir cherché pour la plupart d’entre eux, à appuyer la thèse de Fournel, ils s’efforcent par la suite d’en stigmatiser les insuffisances, laissant le portrait, tout au long du xixème et jusqu’au début du xxème siècle, d’une réflexion théorique très divisée, voire hésitante.
36Les premiers à s’exprimer semblent suivre Fournel avec une relative déférence. Joachim Gaudry, qui écrit son Histoire du Barreau de Paris depuis son origine jusqu’en 1830 au milieu du siècle, s’accorde avec Fournel, à propos du consensus des avocats sur la suppression de leurs ordres877. En 1868, dans un discours tentant une “Esquisse historique de la profession d’avocat”878, un avocat du Barreau de Marseille, Me Borelli, reprend exactement l’interprétation de Fournel, sans formuler la moindre réserve. L’honneur de la profession reste ici le maître mot.
37Borelli écrit qu’au moment de la Révolution, “ une tourbe d’hommes sans mœurs et sans dignité envahit le temple de la justice ”, forçant les “ débris de l’Ordre ”879 outragé, à se réfugier dans le Marais, afin d’éviter d’y être assimilés.
38Delom de Mazerac, dont l’étude portant sur le Barreau pendant la Révolution, date de 1886, propose, quant à lui, une interprétation voisine de celle de Fournel, mais légèrement différente puisque l’auteur occulte entièrement l’aspect institutionnel : par excès d’une délicatesse dont ils s’enorgueillissent, et d’un dévouement dont ils ont fait la pierre angulaire de leur vie tant sociale que professionnelle, les avocats auraient renoncé à tous leurs privilèges à la suite de la nuit du 4 août. La mise en avant de l’individu par l’Assemblée Constituante imposait logiquement la disparition de tous les corps intermédiaires et de toutes les formes de corporatisme. Les avocats, étroitement impliqués dans le processus révolutionnaire et nourris de l’esprit des Lumières, acceptent alors, sans hésiter, le sacrifice de leur collectif au nom des principes d’égalité et de liberté, et surtout, selon de Mazerac, au nom d’un individualisme triomphant. Il ne s’agit plus ici d’une automutilation au nom de l’honneur et du rattachement à la justice de l’Ancien Régime, mais de l’abandon délibéré des privilèges du barreau au nom de la Liberté de l’Individu880.
39En 1895, à la toute fin du xixème siècle, dans son ouvrage majeur intitulé “Le Barreau de Paris 1810 - 1870 ”881, Jules Fabre, lui-même Bâtonnier de l’Ordre, s’exprime à son tour sur la question. Au sujet de la Révolution et de la destinée du barreau parisien en 1790, il commence simplement par relater les événements et les circonstances : “ avec toutes les corporations et les privilèges qu’elles revendiquent, le Barreau va disparaître ”. Il évoque alors le caractère incident de l’abolition des ordres d’avocats dans le décret de septembre et l’interprète étonnamment comme une déférence des constituants à l’égard du Barreau, en écrivant : “ Toutefois, l’assemblée constituante ne le frappa qu’indirectement... ”882.
40Mais, juste après cette affirmation équivoque, il constate lucidement que le résultat est le même : “ La suppression de la robe entraînait la mort, implicite et sans franchise ”. Puis, en rappelant qu’aucune protestation ne s’est élevée du côté des avocats députés, il se range finalement du côté de Fournel, en le citant directement883, et en rappelant que Fournel lui-même s’appuie sur les déclarations de Bonnaire et de Delacroix-Frainville884 , deux avocats contemporains des faits.
41A la charnière entre le xixème et le xxème siècle, le commentateur Edmond Seligman, s’exprime à son tour sur l’épineuse question de la suppression des ordres d’avocats en 1790, et présente un argument qui, jusque là, n’avait jamais été invoqué. Dans un article qui paraît en 1897 dans la Revue Politique & Parlementaire885, il affirme que cette abolition procède d’une “ erreur économique”886 commise par l’Assemblée Nationale. En effet, la cause de la suppression du barreau réside dans son assimilation, erronée d’après Seligman, aux corporations que l’Assemblée Nationale abolissait par ailleurs, “ au nom du principe de renouvellement entrevu de la liberté du travail” 887.
42De façon implicite, E. Seligman stigmatise un relatif aveuglement des députés de 1790 qui, au nom de l’égalité et de la liberté, ont confondu corporation et collectif, liberté et capacité. Cependant, quelques années plus tard, alors qu’il publie son principal ouvrage, La justice en France pendant la Révolution (1789-1792)888, Seligman revient sur la question des avocats et, paradoxalement, semble se ranger à son tour du côté de l’interprétation traditionnelle formulée par Fournel889. Peut-être est-ce, là encore, au nom de la caution apportée à Fournel par Me Delacroix-Frainville et d’autres acteurs des événements de 1790.
43Bien que sa contribution appartienne au xxème siècle, puisque son Traité de la profession d’avocat890 paraît en 1923, il faut enfin évoquer ici l’interprétation proposée par Jean Appleton891, car celle-ci reste encore très nettement marquée par les lectures dix-neuviémistes qui l’ont précédées. Quoique différemment formulée, elle demeure voisine de celle de Seligman.
44Appleton fonde son explication de la suppression des ordres d’avocats sur le fait qu’elle n’est rien d’autre qu’une conséquence logique de la nuit du 4 août, de l’abolition des privilèges. La promotion de l’égalité juridique comme valeur centrale d’une société nouvelle, impose, sans exception possible, la disparition de toutes les structures traditionnelles entièrement fondées sur des privilèges, et contrôlant exclusivement l’accès à la profession. Or, écrit Appleton, les avocats ne tentent même pas, eux-mêmes fascinés par le projet révolutionnaire, de ““faire comprendre à l’assemblée la différence qu’il y avait entre leur ordre et les corporations supprimées ”892.
45Ainsi, il semble que la doctrine jusqu’au début du xxème siècle, du moins sur cette question de la suppression des ordres d’avocats, propose une pluralité d’explications. Ce qui est le plus révélateur de l’esprit de l’époque est tout de même la mise en avant relativement fréquente de l’honneur de la profession. Il faut reconnaître que le discours est teinté d’un psychologisme plutôt sommaire, refermé sur la seule notion de “ noblesse de la profession ”. Le xxème siècle contemporain se devait d’aborder la question sous un angle différent.
§ 3 : Les historiens d’aujourd’hui face à l’énigme de 1790 : lecture critique
46L’historien du barreau, le Bâtonnier André Damien, dans son ouvrage déjà évoqué, Essai sur la vie quotidienne des avocats du temps passé893 (1973), ainsi que dans un article plus récent894, s’exprime clairement contre l’hypothèse de Fournel. Bien qu’il la juge ingénieuse, voire attractive, elle est pour lui complètement dénuée de fondement. Il la juge beaucoup trop romanesque pour être authentique.
47Tout d’abord, la théorie de la renonciation spontanée au collectif pour préserver l’honneur de la profession, ne vaut que pour les avocats inscrits au Parlement de Paris, et au maximum, pour les seuls barreaux constitués dans les villes de cours souveraines.
48Fournel, dans son étude, “ semble même ignorer qu’il y a des barreaux en dehors de Paris ”895, alors qu’il en existe, rappelle Damien, “ une infinité”896 C’est“ une réaction typiquement parisienne, de ce grand barreau qui se considérait comme le seul vrai barreau français ”897.
49Or, insiste pertinemment André Damien, la plupart des avocats membres de la Constituante, étaient inscrits auprès des petites juridictions de province, et les membres des barreaux installés près des sièges parlementaires ne constituaient qu’une minorité898. Pour être ingénieux, l’argument de Fournel est donc irrecevable, car les avocats issus des “ petits sièges ” n’auraient jamais accepté aussi aisément une telle justification, à l’évidence insultante à leur égard, compte tenu de leur propre situation professionnelle. Sur les 213 avocats députés à l’assemblée nationale, 70 seulement figurent sur le tableau de l’Ordre des Avocats de Paris de 1790, dont Fournel lui-même fournit une copie899. Pour le Bâtonnier Damien, ce seul argument est suffisant pour réfuter la théorie du Fournel :
“ Comment peut-on admettre que ces avocats de province aient pu avoir cette réaction typique du barreau de Paris, qui à quelque époque de l’histoire que ce soit, avant la Révolution ou au xixème siècle, considère que la France est composée de Paris et du désert français... ”900.
50De plus, André Damien s’appuie également sur des sources littéraires, au premier rang desquelles figurent les Mémoires de Berryer Père901, ce grand avocat parisien du début de l’Empire, extrêmement révélatrices. En effet, ce “ compagnon des restaurateurs du barreau (...) ne connaît pas cette tradition à laquelle Fournel fait allusion et ne la mentionne pas dans ses mémoires ”902.
51A l’hypothèse de l’abnégation déclarée, qu’il vient de démonter, André Damien en oppose une autre, plus rationnelle et plus vraisemblable à ses yeux : celle l’abolition forcée.
52La disparition de l’Ordre des Avocats de Paris, et de tous les barreaux en général, est simplement la conséquence logique du démantèlement systématique de toutes les structures corporatistes privilégiées, réductrices de la liberté professionnelle. Les ordres d’avocats, dessinant une organisation collective, ont été assimilées aux corporations au moment de la Révolution903. Quant à l’absence de protestation de la part des avocats députés, qui pourrait paraître étonnante face à une telle amputation, Damien l’explique par la tendance à la frénésie du processus révolutionnaire : si aucune voix ne s’élève, c’est simplement que “ dans le concert général (...) le barreau estima qu’il n ‘avait pas les moyens de faire entendre sa voix ”904. Cet argument vient renforcer la thèse d’une suppression non pas choisie, mais imposée et inévitable.
53Les avocats sont, d’une certaine manière, victimes du discrédit populaire jeté sur la magistrature dans les décennies précédant la Révolution : si les Parlements, et à leurs côtés les avocats, avaient été les champions de l’opposition politique à la dérive absolutiste du pouvoir royal, en revanche “l’intérêt de caste qu’ils défendaient et leur justice étaient fort critiqués ”905. D’ailleurs, le déroulement, très médiatisé pour l’époque, des affaires Calas et Sirven, a précipité la ruine du système judiciaire d’Ancien Régime, révélant ses lacunes les plus profondes906. Ainsi, par l’application du décret des 2-11 septembre 1790, disparaissent les ordres d’avocats.
54Sans protestation et sans appel.
55Toutefois, des critiques et des réclamations au sujet de la nouvelle organisation judiciaire finiront par s’élever, mais un peu plus tard, au moment de la confrontation entre les anciens avocats et les nouveaux avoués907, sur la question de la plaidoirie.
56Ainsi, la loi Le Chapelier, même si elle ne fait que condamner les associations de toute nature comme contraires à la liberté individuelle, sans imposer de mesures précises, entraîne pêle-mêle dans l’abîme le bon grain et l’ivraie, le barreau en même temps que les corporations908, ces dernières mortes avant même d’avoir été éradiquées909.
57Il est intéressant de relever ici que, dans sa lecture critique du processus révolutionnaire de mise à mort des structures associatives de l’Ancien Régime, André Damien opère un rapprochement pertinent entre la disparition des barreaux et celles des académies, tous deux refuges affirmés de l’esprit libéral et de la pensée des Lumières910. Il y a pour lui un parallèle entre ces deux suppressions : elles apparaissent inutiles voire inopportunes, procédant d’une confusion dommageable avec les corporations, et aucune d’elles ne suscite de protestations, alors même qu’elles affectent des académiciens et des avocats qui siègent à la Constituante en nombre important. André Damien l’explique par la force des événements et celle de l’esprit révolutionnaire :
“ Cette révolution est tellement dans la philosophie du temps que nul ne saurait se dresser contre la réforme projetée, quels que soient les services rendus par l’institution supprimée ou les mérites qu’elle a pu acquérir, même auprès des révolutionnaires ”911.
58Avec cette dernière interprétation, nous sommes ici parvenus à l’opposé de l’interprétation de Fournel. Ici, les conditions primant sur la volonté : les avocats, après avoir été promoteurs de la Révolution, en sont victimes, non pas consentantes, mais résignées.
59En 1987, paraît une étude brillante sur la suppression des ordres d’avocats en 1790 : il s’agit de l’œuvre de l’américain Michael Fitzsimmons, intitulée The Parisian Order of Barristers and the French Révolution912.
60Pour l’auteur, comprendre la dissolution des ordres d’avocats, tant dans ses causes que dans ses conséquences, suppose d’avoir au préalable analysé l’ensemble des circonstances et des dynamiques révolutionnaires. Il affirme que les années 1789-1790 voient la confrontation de deux dynamiques divergentes en matière de réforme sociale : d’une part, celle représentée par l’assemblée nationale, qui cherche à mettre en place une société entièrement nouvelle, et d’autre part, celle figurée par l’ensemble des corps intermédiaires, certes porteurs de modernité par leur résistance à l’absolutisme, mais gouvernés par des principes et des mentalités traditionnelles913 qui les poussent à rechercher la restauration des privilèges du passé. Et, à juste titre, Fitzsimmons présente l’ordre des avocats comme le meilleur exemple de cette dualité, de cette tension entre Raison et Histoire, puisqu’il apparaît tiraillé entre son attrait pour l’esprit des Lumières et son attachement à ses traditions et ses privilèges914.
61A l’inverse de la grande majorité de ses prédécesseurs, à l’exception d’André Damien, Fitzsimmons rappelle que les avocats siégeant à l’assemblée, ne sont pas tous issus du barreau parisien915. Il rappelle que partout en France, dans les dernières années de l’Ancien Régime, par leur position éclairée et par leurs qualités oratoires, les avocats s’étaient faits les porte-parole privilégiés du Tiers-Etat, jouant le rôle délicat de charnière sociale entre le peuple et les élites aristocratiques916.
62Leur importance culmine au moment de la réunion des Etats Généraux917 : la plupart des avocats parisiens devenus députés, sont de grands noms du barreau918, ce qui est particulièrement significatif, selon Fitzsimmons, de l’aura des avocats dans les tous premiers temps de la Révolution française, et de l’influence qu’ils exercent sur les autres députés919. Mais, lorsqu’intervient la question de la réorganisation du système judiciaire, au cours de l’été 1790, la remise en cause de la vénalité des offices et du fonctionnement des cours souveraines rejaillit sur les avocats.
63Pour Fitzsimmons, et avant toute autre considération, il est acquis que la disparition des ordres d’avocats procède directement de l’étroitesse de leurs liens avec les Parlements920 : remettre en cause la magistrature, conduit à compromettre les structures traditionnelles du barreau, voire son existence elle-même. Les avocats sont menacés, par ricochet. L’atteinte est indirecte, mais foudroyante. En prônant dans son rapport l’entière liberté de la défense921, Bergasse sonne, sans en avoir l’air, le glas de l’avocat d’Ancien Régime. Et c’est là que réside la clef de l’interprétation fitzsimmonienne de l’abolition du barreau en 1790 : il s’agit d’une erreur d’appréciation, d’une conséquence que les avocats n’avaient pas prévue. Ni Bergasse, ni aucun autre avocat député, n’avait envisagé que la proclamation générale de la libre défense irait jusqu’à entraîner une suppression aussi radicale des ordres d’avocats. Tout au contraire : en elle-même, la proposition de Bergasse, n’avait rien d’absolu922. Son auteur, selon Fitzsimmons, n’envisageait la possibilité pour les parties de se défendre elles-mêmes ou de faire appel à un défenseur non professionnel, que comme une alternative au barreau923.
64La formulation même du rapport vient le confirmer : en évoquant la nécessité pour le défenseur quel qu’il soit, de bien connaître les lois et d’avoir une certaine expérience de la plaidoirie, deux qualités qu’il juge essentielles924, Bergasse laissait clairement un avantage aux avocats “ traditionnels ”925. Il leur fournissait les arguments suffisants pour démontrer leur supériorité et les moyens de tenir le haut de la scène judiciaire face à la déferlante des défenseurs improvisés926. Il n’était pas du tout dans ses intentions de réduire le barreau à néant. La disparition du monopole des avocats sur les affaires à plaider et la fin de tout pouvoir disciplinaire de l’Ordre étaient certes prévues par Bergasse, mais uniquement dans la mesure où le collectif des avocats, toujours utile à la justice, survivait927 sous la forme supposée d’un Ordre réformé, dont les structures seraient demeurées pratiquement inchangées. Telle est, du moins, l’interprétation de Fitzsimmons, qui rappelle, autre argument utile, la lente prise de conscience de Bergasse qui, réalisant que son rapport allait aboutir à la disparition totale de son propre collectif, tenta tardivement de faire marche arrière928. Mais, les applaudissements de l’assemblée, et surtout l’ordre qu’elle donna immédiatement après, de faire imprimer son rapport, manifestèrent bien trop clairement à quel point celui-ci correspondait à l’esprit révolutionnaire929.
65Une étude française de 1973, récemment évoquée avec clarté par Nicolas Derasse930, nous semble devoir être rapprochée de l’analyse fitzsimmonienne sus-évoquée. Dans sa thèse portant sur “ La compagnie des Avoués de Libourne (1790-1945) ”931, Daniel Bordier ouvre une nouvelle perspective dont la particularité est d’aboutir à une conséquence positive des décrets sur l’organisation judiciaire.
66En se fondant sur le décret des 16-24 août 1790, Daniel Bordier montre que, malgré l’abolition des ordres d’avocats, la nouvelle organisation judiciaire réserve “ des possibilités de reconversion tout à fait inespérées pour les avocats ”932, désignés comme candidats privilégiés aux nouveaux postes de magistrats et de représentants du ministère public. Aussi, lorsque Fitzsimmons évoque l’erreur d’appréciation de Bergasse, peut-être sous-estime-t-il l’avocat et le politique : sentant son ordre rejeté et sa profession condamnée, Bergasse plutôt que de tenter d’en sauver quelques fragments épars, solution manquant cruellement d’attrait et d’honneur, choisit d’en abréger l’agonie tout en dégageant pour lui et ses anciens confrères, des portes de sorties des plus engageantes, des possibilités de reconversion au sein même de la nouvelle organisation judiciaire, qui alors, serait pilotée, à son insu, par ceux-là même dont elle a immolé le collectif. Divergences de la figure de Bergasse chez Bordier et Fitzsimmons : bourreau indolent de ses pairs ou sauveur malicieux du Barreau ?
67Le débat est loin d’être clos.
68Après avoir examiné toutes ces interprétations, il est possible, si ce n’est opportun, d’en proposer la synthèse. Si l’on reprend l’ensemble des interprétations qui ont été proposées depuis le début du xixème siècle, la question de la nature même de la suppression des ordres d’avocats est centrale. C’est en elle que gît la clef de l’énigme. Au-delà des causes et des conséquences, la suppression des ordres doit-elle être analysée comme “ suicide collectif”933 ou une abolition programmée ?
69De la présentation précédente, il est possible de déduire au moins un élément : plus on consulte un historien du barreau proche de notre époque, moins la thèse du suicide au nom de l’honneur ou de l’abnégation, paraît soutenable, perdant inexorablement de sa pertinence.
70A ce titre, les deux auteurs les plus révélateurs, les plus diamétralement opposés sont Fournel et Damien : si le premier explique exclusivement la suppression des ordres par le magnifique renoncement des avocats à leur condition privilégiée au nom de l’Honneur, Damien, lui, ne voit dans la disparition des ordres que l’expression du mécanisme révolutionnaire de la “ table rase ” qui détruit systématiquement toutes les structures collectives d’Ancien Régime, au nom de l’Egalité et de la Liberté.
71Entre ces deux extrêmes, Fabre et Seligman notamment, représentent certaines des nuances les plus intéressantes. Une seconde question doit alors être posée : comment expliquer ce glissement progressif d’une interprétation faisant appel à des causes exclusivement endogènes à une autre interprétation reposant uniquement sur des causes exogènes ?
72Il existe plusieurs réponses possibles. Toutefois, l’évolution même des mentalités et de la place du barreau dans la société civile et politique, permet sans nul doute de comprendre l’existence d’une telle réinterprétation. Lorsque Fournel écrit, en 1813, l’image du Barreau à peine restauré par l’Empire, est encore empreinte de ses traditions d’Ancien Régime. Et, tout autant que l’indépendance du défenseur qui est un enjeu fondamental tout au long du xixème siècle, les mots-clefs de la profession sont alors Honneur, Délicatesse, et Probité. L’image de l’avocat est celle d’une élite sociale éclairée et destinée à embrasser la carrière politique. Mais, à la fin du xxème siècle, lorsque s’expriment des commentateurs tels que Damien, Bell ou Fitzsimmons, bien que le Barreau soit l’un des plus importants réservoirs du personnel politique républicain, la figure de l’avocat a changé : dès les années cinquante, l’avocat se définit lui-même avant toute chose par son existence professionnelle au sens strict du terme. Il est un auxiliaire de justice, et au-delà de l’exercice de sa profession, il reste un citoyen ordinaire : la carrière d’avocat ne constitue pas la garantie idéale de l’appartenance à une élite politique, sociale ou intellectuelle. En conséquence, les historiens du barreau qui se penchent sur la période révolutionnaire, ne peuvent pas se contenter d’une explication de la suppression des ordres d’avocats en 1790 exclusivement fondée sur des considérations d’honneur, alors même que ce terme ne revêt plus une dimension essentielle. L’abandon actuel de la thèse de Fournel ayant révélé ses limites et sa partialité, en est la preuve934.
73Avec Jean-Pierre Royer, il est désormais possible de proposer l’image d’un “ sabordage ”935, formulation pratique qui permet de rendre compte à la fois du caractère provoqué et inévitable de l’abolition des ordres d’avocats. Car, en tenant compte non seulement des témoignages directs, mais également des recherches contemporaines, il paraît raisonnable de considérer que si les avocats ont été victimes du processus révolutionnaire, ils n’ont à aucun moment cherché à s’y soustraire. Et, bien qu’ils n’aient pas décidé eux-mêmes, parce qu’ils n’en avaient pas les moyens et le temps, de la disparition de leur collectif, ils n’ont pas hésité à en abréger l’agonie, lorsque le caractère inévitable de son abolition a été manifeste.
74Peut-être les avocats espéraient-ils une réforme ultérieure plus aboutie qui, à l’issue de l’édification d’une société nouvelle, leur aurait offert la légitime rétrocession, à titre de reconnaissance, à la fois leur lustre et de leurs droits d’auxiliaires de justice, comme l’a récemment suggéré Jean-Louis Gazzaniga936. Le caractère provisoire, voire informel, de la disposition du décret des 2-11 septembre expliquerait alors cette absence de réaction de la part des avocats. Des juristes éclairés auraient-ils réellement accepté de jouer leur va-tout sur une réforme hypothétique ? La proposition de Jean-Louis Gazzaniga se doit d’être enregistrée, mais elle ne clôt pas le débat.
75D’une certaine manière, il est possible d’affirmer que la suppression des ordres d’avocats en 1790, procède, dans son principe, de la mise en avant de la notion de liberté tant dans la défense que dans l’activité professionnelle. Les avocats impliqués dans le processus décisionnel ont pris conscience que les anciennes structures de leur profession ne pouvaient pas se maintenir telles quelles. Dans ces conditions, mieux valait qu’elles disparaissent totalement pour permettre, plus tard, la renaissance d’un barreau fort et stable, parce que pleinement reconstruit. Ainsi, cet événement crucial pour l’histoire des barreaux français, reste par sa complexité, l’exemple de la difficulté de construire un nouveau système, et du caractère empirique de la concrétisation des acquis révolutionnaires.
76Le barreau, à la fois promoteur et victime de la Révolution, s’est retrouvé en 1790 pris au piège entre des forces et des valeurs, si ce n’est antagonistes, tout au moins difficilement compatibles. Il s’est brisé lors de la rencontre entre Liberté et Tradition, Indépendance et Collectif, Egalité et Capacité, pour mieux renaître par la suite, autour de structures renouvelées, mais sous un nom identique. Les années 1790 - 1810 furent pour le Barreau celles d’une véritable métempsycose sociale, judiciaire et politique. Et, il est l’une des rares institutions judiciaires a pouvoir s’enorgueillir de représenter le sens profond de la Révolution française : cet équilibre fragile entre rupture et continuité.
77Il est désormais possible de s’attarder sur les conséquences de la suppression des ordres d’avocats sur la vie politique et judiciaire des avocats de Marseille, pris entre leur attachement à la Révolution et l’amour de leur profession.
II - LES CONSÉQUENCES DE LA SUPPRESSION POUR LES AVOCATS DE MARSEILLE.
78A titre préliminaire, citons un discours d’avocat très révélateur, présenté à la rentrée de la Conférence par Me Segond, un membre du barreau de Marseille, le 26 janvier 1884, et portant sur l’Histoire des règlements professionnels. Ce discours évoque directement la suppression des barreaux en 1790. L’auteur commence par rappeler que “ le côté libéral et humain de notre ministère [de l’avocat] devait tout d’abord séduire la Révolution ”937. A l’appui de son affirmation, il évoque de façon très classique, l’avènement de la nouvelle procédure judiciaire ouvrant enfin aux avocats les portes de la justice criminelle, et rendant l’instruction publique. Mais, il en vient rapidement à la période tourmentée dans laquelle “ les événements se précipitent et les contradictions se succèdent” 938, et évoque l’abolition des corporations. Il écrit alors que “ confondu à tort avec elles, l’ordre des avocats ne tarde pas à suivre le même sort ”, et cite le décret des 2-11 septembre 1790. Comme d’autres avant lui, il commet l’erreur de présenter Robespierre comme le seul à s’être érigé en défenseur du Barreau939. Mais, le plus intéressant ici est de noter l’explication qu’il propose de cette suppression. Son étude révèle non seulement l’intérêt des avocats de Marseille du xixème siècle pour la compréhension de leur passé, mais surtout, les lectures historiques auxquelles ils se réfèrent et apportent leur crédit.
79L’abolition des ordres d’avocats en 1790 procède selon Me Segond de deux éléments : une confusion dommageable et inopportune de l’ordre avec les corporations, comme il l’affirme d’emblée, et surtout, de la volonté délibérée des grands avocats tels que Merlin, Tronchet ou Treilhard, de voir disparaître toutes les structures traditionnelles de leur profession, au nom de l’honneur940. La source de cette interprétation de la suppression est transparente : Fournel. D’ailleurs, en le paraphrasant lorsqu’il évalue la valeur de la décision prise par les avocats, Me Segond parle de “ dévouement héroïque digne de l’ancienne Rome...941”.
80En revanche, l’auteur ne dit pas un mot sur l’attitude des avocats de Marseille, au sujet de cette suppression. Cela peut être expliqué de plusieurs façons. D’abord, et tout simplement, par l’incapacité dans laquelle se trouvaient les membres des petits barreaux provinciaux d’intervenir efficacement sur la question. Ensuite, parce que d’une certaine manière, et si l’on accepte que la traditionnelle solidarité des avocats puisse être surpassée par leur engouement pour les valeurs révolutionnaires, les coups portés aux grands barreaux, dont l’arrogance se voit récompensée par une abolition radicale, peuvent s’analyser comme une forme de revanche pour les avocats provinciaux méprisés942.
81Au-delà de ces hypothèses, le silence de Segond procède sans doute de l’absence de sources historiques. Après vérification, nous sommes contraints d’affirmer qu’il n’existe, à notre connaissance, aucune source interne au barreau de Marseille pour la période concernée. Le recueil des Délibérations des syndics de l’Ordre des avocats de Marseille conservé pour le xviiième siècle se termine à la date du 2 décembre 1789943, et il en va de même pour la très large majorité des barreaux français944. Les volumes suivants de cette masse archivistique essentielle pour notre étude, ne s’ouvrent qu’à partir de l’année judiciaire 1810-1811, lorsque les ordres d’avocats sont officiellement rétablis par l’Empire napoléonien. Il n’existe pas de source originale, d’information directe. Ce constat n’exonère pas le chercheur, de faire la présentation des conséquences de la suppression des structures collectives de la profession à Marseille.
82Les membres du barreau marseillais, comme tous leurs confrères, confrontés, d’une part à la suppression de leur titre les contraignant à poursuivre leur profession, sous le nom de défenseurs officieux (§ 1), et d’autre part à la création des avoués en 1791, qui réduit encore leur domaine réservé en matière purement professionnelle, en s’attaquant à la plaidoirie (§ 2). Enfin, la funeste conclusion de la carrière politique de Barbaroux, avocat marseillais à la Convention, joue le rôle de contrepoint révélateur de l’inéluctable transformation des avocats en victimes d’une révolution qu’ils ont pourtant largement contribué à promouvoir (§ 3).
§ 1 : La disparition du titre d’avocat et la foule bigarrée des défenseurs officieux
83Par ses formulations plutôt ambiguës, l’ensemble du droit révolutionnaire concernant la place des auxiliaires de justice au sein de la nouvelle organisation, se présente, dès les décrets de 1790, comme une atteinte directe au titre d’avocat : en utilisant systématiquement la dénomination assez vague d’“ hommes de loi ”945, la législation révolutionnaire opère une dénégation évidente du titre d’avocat. Ainsi, dans la loi des 16-24 août 1790, qui dispose dans l’article 9 de son titre 2 :
“ Nul ne pourra être juge ou suppléant, ou chargé des fonctions du ministère public, s’il n’est âgé de trente ans accomplis, et s’il n’a été pendant cinq ans juge ou homme de loi exerçant publiquement auprès d’un tribunal ”946.
84Ainsi, le fameux décret des 2-11 septembre 1790, affirmant que :
“ Les hommes de loi, ci-devant appelés avocats, ne devant former ni Ordre, ni corporation, n’auront aucun costume particulier dans leur fonction ”947.
85Comme l’affirme justement Gaston Duveau, le nom d’avocat n’y apparaît plus “ qu’au rang des souvenirs ”948. L’atteinte au titre est flagrante949. L’utilisation même du terme “ ci-devant ” est à relever car elle est tout à la fois offensante pour les avocats, et opérante pour l’éviction de leur titre, car dans le processus de négation dont est victime le barreau, elle va au-delà de la dénomination “ hommes de loi ”, comme le fait remarquer Me Segond950. La volonté d’éradication du titre lui-même est d’autant plus manifeste que, par ailleurs, la définition du terme “ hommes de loi ” donnée par le décret du 2 septembre 1790 désigne implicitement les anciens avocats : les hommes de loi peuvent être définis, selon Duveau, comme :
“ gradués en droit qui ont été admis au serment d’avocat et qui ont exercé cette fonction dans des sièges de justice royale ou seigneuriale en plaidant, écrivant ou consultant ”951.
86On retrouve bien ici les différentes catégories d’avocats qui ont marqué la définition de la profession pendant l’Ancien Régime952.
87Le rejet le plus explicite, le plus radical du titre d’avocat n’est exprimé, une fois de plus, que dans une législation qui, elle-même, est incidente puisqu’elle ne concerne pas le territoire métropolitain, mais uniquement les colonies. Le décret du 15 juin 1791 portant sur les procédures d’instruction judiciaire dans les colonies françaises, qui affirme dans son titre VII, § 4, art. 25 que :
“ les titres d’avocat et de procureur sont supprimés et que ces fonctions sont désormais exercées par des défenseurs officieux et des avoués ”953.
88A partir de cet instant, quelques rarissimes barreaux, au rang desquels ne comptent ni celui de Marseille, ni même celui de Paris, vont tenter conjurer cet effacement légal. Leur résistance ne dure, à l’exemple de celle du barreau de Clermont-Ferrand, que le temps d’un dernier baroud d’honneur954.
89A compter de 1791, les titres, privilèges et traditions des avocats ne sont plus qu’un souvenir. Désormais, on n’entend plus parler que d’un terme vague, d’une notion confuse, voire évanescente, mais en parfaite adéquation avec l’esprit révolutionnaire, car porteuse d’égalité et de liberté : les “ défenseurs officieux ”.
90Le décret du 15 décembre 1790 institue les défenseurs officieux955. Sur le plan purement professionnel, il est possible d’affirmer, sans risquer de travestir la réalité, que les défenseurs officieux ne sont que des vagues copies d’avocats, nimbés d’incertitudes, dont le seul élément statutaire à peu près certain est qu’ils sont mandataires de leur client.
91Défenseurs libres mais solitaires, ils se présentent au sein de la nouvelle organisation judiciaire comme des auxiliaires “ sans lien de discipline, ni de confraternité les uns avec les autres ”956.
92La liberté des défenseurs officieux peut, de façon générale, être présentée sous deux aspects, l’un positif, l’autre négatif : d’une part, leur existence manifeste la consécration du principe d’égalité et de libre défense, offrant à n’importe quel citoyen non seulement le droit de se défendre lui-même, mais aussi la possibilité de défendre la cause d’autrui, dans la mesure où il est sollicité ; d’autre part, ce type de défense officieuse ne bénéficie d’aucune structure d’encadrement, ni d’aucun support susceptible d’assurer le justiciable de la régularité et de la capacité de son défenseur, ou bien encore de la cohérence, pour ne pas dire de l’efficience, de sa défense.
93L’absence, a priori troublante, de conditions de capacité ou de moralité imposées au défenseur, trouve sa légitimation directe dans le principe du libre exercice de la défense, et doit s’analyser comme la contrepartie, si ce n’est logique du moins proportionnelle, de la gratuité même de la charge de défenseur officieux957.
94En effet, le décret lui-même affirme explicitement que les défenseurs officieux ne peuvent “ rien exiger ni réclamer aucune taxe pour le prix de leurs soins ”958.
95Gratuité et Liberté : telles sont les principaux caractères de la charge de défenseur officieux, ouverte à tous ceux qui seraient tentés par l’aventure judiciaire. Mais, le fonctionnement logique de la défense officieuse devait, dans l’esprit du législateur, être le suivant : le citoyen qui estime ne pas avoir les connaissances juridiques et les qualités oratoires suffisantes à assurer valablement sa propre défense, a recours à un défenseur officieux disposant à la fois des unes et des autres, et les mettant au service de client959. Du moins, était-ce ainsi que la plupart des députés avaient-ils envisagé cette institution pour le moins flottante.
96Dans la pratique, des complications se présentent rapidement.
97Elles sont de deux types opposés : dans un premier cas, les citoyens dits ordinaires, sans expérience préalable, ne répondent pas à l’appel des juridictions, et les prétendus défenseurs libres ne sont ni plus ni moins que les anciens avocats et les anciens procureurs960 ; dans un second cas, “ la barre étant devenue accessible à tous, des mandataires douteux envahirent les prétoires et les abus se firent si fréquents... ”961 que la justice en tant que telle ne put plus continuer à fonctionner, qu’en se niant elle-même.
98Logiquement, l’assemblée fut contrainte de revoir la législation : revenue à plus de pragmatisme et de lucidité, elle prend, les 6 et 27 mars 1791, un nouveau décret962 rétablissant un jeu minimal de conditions de capacité et recompose un filtre professionnel pour accéder à la barre. En son article 36, ce texte prévoit que les défenseurs officieux auront l’obligation formelle de :
“justifier au président du tribunal de district et de faire viser par lui les pouvoirs de leurs clients, à moins qu’ils ne soient assistés de la partie ou de l’avoué ”963.
99Plus tardivement, en 1793, et pour des raisons qui excèdent largement la seule question judiciaire, la Convention rétablit une sorte de condition de moralité, qui s’impose tant aux défenseurs officieux qu’à tous les hommes de lois, avoués, huissiers...etc. Par le décret des 26-29 janvier 1793, elle impose à ces acteurs judiciaires particuliers, la production d’un “ certificat de civisme ”964 délivré par le conseil général de leur commune. Mais, avant d’aborder cette phase de radicalisation de la Révolution qui marque les années 1792-1794, il faut, malgré l’absence de sources historiques majeures, dégager tant que faire se peut, les grandes lignes de l’expérience marseillaise des défenseurs officieux.
100La plus importante contribution des défenseurs officieux à Marseille, dont certains parmi les plus actifs sont d’anciens membres du barreau marseillais, intervient devant les juges du Tribunal populaire965, dans les années 1792-1793.
101Le tribunal populaire de Marseille se met en place à la suite des nombreuses émeutes populaires qui secouent la cité phocéenne dans le courant de l’été 1792966. L’annonce de la patrie en danger attise les passions populaires au cours des mois de juillet et d’août ; les scènes de massacre se multiplient dans les rues ; les pendaisons se succèdent sans jugement, la plupart dictées, sous couvert de patriotisme, par de vieilles haines privées. La mairie dirigée par Mouraille967, un homme proche du peuple, ne réagit pas, du moins dans un premier temps : le meneur des émeutiers, Jean Savon, est un ami de Mouraille. Lors de l’annonce, en août 1792, du transfert à Marseille de prisonniers royalistes968, le risque de chaos est tel que les autorités décident de réagir. Mais,
“ si tous les honnêtes gens voulaient secouer un joug ignominieux, il n ‘y avait ni assez de courage dans les hommes de bien, ni assez de vertu dans les corps administratifs, pour qu’on put [l’] attaquer de front... ”969.
102A l’origine, le tribunal populaire est le résultat d’un compromis. Il constitue un équilibre précaire entre les aspirations populaires les plus légitimes, et le maintien d’un ordre social nécessaire. Cet accord que l’on pourrait résumer par : plus de pendaisons sans procès, plus de procès sans peuple.
103Les initiateurs de ce tribunal populaire sont Barbaroux et Rebecqui, tous deux députés des Bouches du Rhône ayant quitté Paris le 17 août après avoir reçu l’écho des massacres marseillais, pour tenter de rétablir le calme dans leur patrie970. Dès leur arrivée, ils élaborent un projet de tribunal populaire971, symbole de la conjugaison d’un patriotisme ardent et d’une passion pour la justice. Ils adoptent alors l’exemple de la juridiction extraordinaire instituée à Paris le 10 août dernier972, chargée de juger les conspirateurs contre-révolutionnaires, d’apporter une pacification ardemment souhaitée de la capitale973. Barbaroux et Rebecqui veulent le même processus pour Marseille, et après avoir vaincu diverses résistances et jugulé certaines propositions manquant de mesure, ils obtiennent gain de cause : le 11 septembre 1792, le tribunal populaire prend officiellement ses fonctions de juridiction extraordinaire974.
104Les juges composant le tribunal, au nombre prévu de 48, sont rapidement élus975, et l’installation solennelle de la juridiction extraordinaire se fait à Sainte-Jeaume, le 1ier octobre, sous la protection d’un fort contingent de la garde nationale976. Les membres du tribunal promettent alors au peuple “ une justice impartiale et une fermeté imperturbable ”977.
105En évoquant rapidement les plus importants procès qui vont se tenir durant les mois qui suivent devant cette juridiction de circonstance, il est possible de retrouver, malgré l’absence de tout registre, certains de ces défenseurs officieux qui plaident librement. Ce n’est toutefois pas le cas, à propos de la toute première affaire dont est saisi le tribunal, en octobre 1792, dite “ l’affaire des conspirateurs de l’Isère ”978, née des rumeurs insistantes sur l’existence d’un complot royaliste en Provence : il est en effet impossible de déterminer quels furent les défenseurs officieux à s’exprimer devant le Tribunal populaire de Marseille, ni même s’il y en eut vraiment.
106Dans les affaires suivantes, qui s’enchaînent à partir du mois de novembre 1792, il est uniquement fait mention de “conseils”979, terme extrêmement flou et finalement inusité, pour évoquer la présence de défenseurs. Ce n’est que plus tard que des noms jaillissent et permettent de formuler quelques hypothèses intéressantes. Mais, au préalable, il faut noter qu’il existe au moins deux phases bien distinctes dans l’activité du tribunal populaire durant cette première période980 qui s’étend de novembre 1792 à mars 1793 : dans un premier temps, jusqu’en janvier 1793, le tribunal sauvegarde effectivement l’ordre public et protège efficacement la sureté individuelle981 ; mais dans un second temps, la juridiction subit la domination des jacobins locaux et paraît s’éloigner de sa rigueur originelle982. A la suite de cette première phase qui, commencée par le complot royaliste de l’Isère, s’achève sur l’important procés Mouraille - Savon d’avril-mai 1793, l’activité du tribunal pose problème et suscite les réprobations de plus en plus véhémentes de la Convention983.
107En parallèle de cette consommation progressive de la rupture entre une Convention jacobine et une Marseille résolument girondine, rupture ici cristallisée par l’épineuse question de la poursuite des sessions du Tribunal Populaire984, il faut rappeler à propos des défenseurs officieux985, que leur intervention était originellement prévue dans les statuts du Tribunal : “pour assister les prévenus devant le tribunal, il y avait des défenseurs officieux ”986. Selon P. A. Robert, “ beaucoup étaient des anciens avocats au Parlement qui avaient plaidé sous l’Ancien Régime devant la sénéchaussée de Marseille ”. On retrouve ici une confusion similaire à celle qui règne à l’échelle nationale quant au statut du défenseur en lui-même : la plupart de ces défenseurs intervenant devant le tribunal, “ s’intitulaient hommes de loi ”987.
108Un seul nom est mis en exergue, par Robert, en guise d’avatar révolutionnaire du défenseur : il s’agit d’Emérigon988, “ homme de loi très expert ”989. Son intervention la plus importante, a été son rôle de défenseur dans le procès Barthélémy990. Désigné d’office par le tribunal populaire, comme “ conseil ”991 de l’accusé, il présente une défense “ adroite et subtile ”992. Malgré son talent oratoire, la juridiction conclut à la culpabilité de l’orgueilleux jacobin, maratiste convaincu993, auteur d’une lettre menaçante annonçant une sanglante répression dirigée contre les sections marseillaises994. Barthélémy est exécuté le 4 juillet 1793, sur la plaine Saint-Michel, “ en présence d’une foule immense ”995.
109Cet exemple particulier démontre, a contrario, que “ la plupart [des défenseurs officieux] étaient [déjà] bien notés ”996 : fort peu nombreux furent les citoyens marseillais ordinaires à se risquer dans la défense officieuse, et aucun n’y fut encouragé. Globalement, et durant toute la période révolutionnaire, ni les accusés, ni les juridictions, ordinaires ou extraordinaires, ne semblent avoir été favorables à la participation de nouveaux venus. La preuve la plus directe en est l’utilisation plus que fréquente, oserait-on écrire, abusive, et son acceptation presque paradoxale par les prévenus, de la désignation d’office997 du défenseur par le juge compétent. Attitude logique et prévisible, de la part de magistrats, juristes de profession, qui favorisent la désignation “ d’anciens confrères en qui ils voient des praticiens expérimentés ”998. Mais, si les avocats dépossédés du lustre et des avantages de leur profession, conservent malgré tout, la réalité de son exercice, ils vont devoir en accepter parallèlement le partage avec une toute nouvelle catégorie d’auxiliaires de justice issue quant à elle directement de la nouvelle organisation judiciaire : les avoués.
§ 2 : La fin du monopole de la plaidoirie et la création des avoués
110L’ordre des avocats est supprimé. Le titre d’avocat est écarté. Il ne reste plus qu’à disperser également les prérogatives des anciens avocats, ce qui revient à vider leur profession de son essence elle-même : le monopole de la fonction de défense, mémoires et plaidoiries. C’est la plus tardive, mais assurément la plus inévitable des conséquences de la disparition des structures judiciaires de l’Ancien Régime.
111Avec la promulgation du décret des 29 janvier - 20 mars 1791999 sont institués les avoués, dont le statut particulier procède d’une subtile hybridation entre défense et postulation, ainsi que de l’éviction des procureurs d’ancien régime.
112Tout comme la création préalable des défenseurs officieux, cette fusion naît d’un compromis plus ou moins équilibré entre des conceptions différentes de la place des auxiliaires de justice dans l’organisation judiciaire : si les défenseurs officieux incarnent plus manifestement le courant favorable à la libre défense, le statut d’officiers ministériels des avoués les rapproche, du moins en partie, d’une exigence minimale d’encadrement. Les procureurs ne pouvaient se maintenir suite au rejet du système de la vénalité des offices, et, à l’instar des avocats, en vertu de l’exigence révolutionnaire de la table rase, qui les immolait de facto1000. Ils disparaissent officiellement par le jeu du décret créant les avoués, nouveaux officiers affublés d’un nouveau statut et de nouvelles fonctions. Mais, le droit à la plaidoirie que possèdent les avoués affecte directement les anciens avocats devenus défenseurs officieux, en rognant significativement des prérogatives jadis exclusives. Or, les avoués s’avancent sur la scène judiciaire alors même que l’ouverture de la plaidoirie au criminel offre des perspectives intéressantes pour ces professionnels de la défense que sont les avocats. Devenus officieux, ils se voient contraints de partager la plaidoirie, non seulement avec des défenseurs occasionnels, novices voire incompétents, mais aussi avec ces nouveaux auxiliaires, représentant, bien mieux qu’eux-mêmes, l’aboutissement de la logique unitaire de la législation révolutionnaire en matière de justice.
113Il faut toutefois nuancer cet exposé alarmiste de la situation des anciens avocats dans les années 1790-1792. Tout d’abord, comme le note justement Me Segond dans son discours, la création des charges d’avoués peut être perçue non comme une aggravation des entraves pesant sur la profession d’avocats, mais comme “ un dédommagement” : en effet, le décret du 29 janvier 1791 admet “de droit ” à la charge, “ les avocats autrefois inscrits aux tableaux ”, en n’y apposant qu’une seule condition : “prêter le serment civique ”1001. Ce qui est une forme de rééquilibrage intéressant : même si les anciens avocats ayant pris rang parmi les défenseurs officieux, voient leur marge de manœuvre réduite, les anciens avocats prenant rang parmi les avoués bénéficient d’une situation tout à fait favorable, tant socialement que professionnellement.
114Au fond, en louvoyant entre l’absence de statut et le choix d’un statut de substitution, les avocats parviennent plus ou moins bien à se maintenir sur la scène judiciaire. Encore faut-il noter qu’en creusant le sillon de la radicalisation qu’elle s’impose à elle-même, la Convention marque “ la dernière victoire législative du préjugé contre les avocats et la défense ”1002, en prévoyant, le 22 prairial an II, l’interdiction de tout défenseur pour ceux qui seront accusés d’être des conspirateurs.
115De façon générale, l’avoué apparaît comme l’élément fort d’un système faussement bicéphale en matière d’auxiliaires de justice : d’un côté des défenseurs libres dont la seule fonction est la plaidoirie, et de l’autre des officiers ministériels, dont le monopole de la postulation, s’étend à une prétention légitime à la plaidoirie, de plus en plus souvent réalisée1003.
116Quant à la plaidoirie, il semble que les anciens avocats s’entredévorent pour la conserver, avec un net avantage, peut-être paradoxal, pour ceux d’entre eux qui ont choisi d’embrasser la carrière d’avoué : les défenseurs officieux plaident, c’est certain, mais ils doivent toujours être assistés de la partie concernée ou d’un avoué1004. En revanche, et même si l’article 3 du décret des 29 janvier - 20 mars 1791 prévoit que la condition de la plaidoirie à l’avoué réside dans son octroi express par la partie concernée1005, cela signifie “ qu’une partie ne comparaissant pas en personne ne pouvait être représentée que par un avoue” 1006
117L’avoué a donc plus de latitude à plaider que le défenseur officieux, ce qui est un comble, surtout lorsqu’on se place sur le plan pénal, ouvert pour la première fois à la plaidoirie : le décret n’interdit nullement à l’avoué d’y prendre part, alors qu’il s’agit-là de la jeune, mais logique, quintessence de la défense. Les juges favorisent même la prise de possession de la plaidoirie pénale par l’avoué, en estimant que celui-ci, lorsqu’il intervient, prend l’engagement de conseiller et de défendre les accusés de crime, confirmant l’amour révolutionnaire de l’unité : un seul et même auxiliaire pour la défense et la postulation, un seul interlocuteur, une unité d’écriture et de parole, le tout au profit de l’avoué. Les défenseurs officieux sont sérieusement affectés par cette attitude des juridictions, cette sélection implicite et assez largement répandue ; d’autant plus qu’elle s’avère malsaine, voire contraire, aux principes révolutionnaires précédemment affirmés : cette mise en avant délibérée des avoués, l’inégalité de traitement avec les officieux, crée un déséquilibre qui permet aux avoués de récupérer l’essentiel des plaidoiries civiles et pénales. Cette tendance se résout logiquement par une atteinte, à peine voilée, à un principe pourtant consubstantiel à l’œuvre de la Révolution sur la question judiciaire : celui de liberté de la défense.
118L’ironie est frappante : immoler les avocats et les barreaux, ouvrir la défense à tous, pour ensuite la remodeler en recréant tous les éléments d’une fonction fermée et hiérarchisée. C’est comme si la Convention se voulait “prudente, par peur d’être confrontée à un échec brutal et prématuré de la réforme ”1007. Peut-être, prend-elle conscience du caractère excessif des décrets qu’elle a promulgués, portant en eux les stigmates d’une radicalisation en marche. D’une défense fermée par principe, la Justice est passée à une défense fermée par pratique. Entre les deux, la liberté est apparue, mais s’en est allée très vite. Et, les avocats, soit devenus défenseurs officieux parmi d’autres, soit promus avoués parmi d’autres, ou encore retirés de la scène judiciaire, peuvent légitimement se demander à quoi l’abolition de leur collectif, à laquelle ils ont consenti par amour des Lumières ou par nécessité de la Révolution, a bien pu servir... Peut-être est-ce la raison pour laquelle, une fois que leur ordre aura été restauré, ils combattront toutes les autres velléités d’atteinte à leur collectif, toutes les tentatives de suppression des structures professionnelles, avec cette inépuisable énergie, tirée de l’expérience.
119Plus largement, tout ceci reste révélateur des incertitudes et de l’incohérence de la législation révolutionnaire, témoignage transcendant son époque, de l’envoûtante facilité de détruire et de l’infinie difficulté de créer. La société nouvelle se pérennisera heureusement, mais le travail est à peine commencé, et son accouchement s’avance dans la douleur d’années terrifiantes. D’ailleurs, la funeste destinée du conventionnel Barbaroux joue le rôle de révélateur de l’inéluctable disparition des avocats de la scène judiciaire et, ici, politique.
§ 3 : Un avocat marseillais contre la Convention jacobine : le destin funeste de Barbaroux
120Le parcours de Barbaroux est en quelque sorte symptomatique de l’évolution des forces politiques entre 1792 et 1794, depuis la chute inexorable des girondins jusqu’à la mise en place de la dictature des jacobins1008. Ces derniers instrumentalisent la Terreur à partir de l’assemblée, elle-même confisquée à la Nation. Barbaroux est l’un de ceux qui, par une opposition farouche à Robespierre et à Marat, précipitent la rupture entre la Gironde et la Montagne, entre les modérés et les radicaux, et échouent à enrayer le glissement vers la Terreur.
121Il est probable que le moment premier de ce glissement de l’avocat marseillais vers l’opposition minoritaire à l’assemblée se situe lors de ses oppositions à Robespierre, et surtout dans les dénonciations systématiques qu’il fait des fautes de Marat, au regard de l’intérêt de la Nation. La première fois qu’il dénonce les agissements de Marat, au mois d’octobre 1792, c’est pour l’accuser d’avoir voulu provoquer un différend entre les hommes du bataillon des marseillais et les dragons de l’armée de la République1009. Il le fait sur le fondement d’un procès-verbal datant du même jour, rédigé par le bataillon des marseillais, et dont il donne lecture1010.
122Ce document atteste que Marat s’est présenté aux casernes et “ a demandé trois volontaires par compagnie pour aller déjeuner chez lui ”. Que par la suite, son offre ayant été déclinée, ledit Marat a cependant visité les casernes où les marseillais avaient été installés et qu’alors,
“ il a fait éclater une vive indignation et a dit dans son transport qu’il était injuste et affreux que des citoyens, de braves sans-culottes fussent aussi impitoyablement traités tandis que les dragons du premier régiment de la République (...) formant un bataillon composé d’anciens garde du corps, de valets de chambre, de cochers, de contre-révolutionnaires, etc., étaient très bien logés et bien traités... ” 1011.
123Sur le fondement de ces faits, Barbaroux, poursuivant la lecture, en déduit avec les rédacteurs du procès-verbal, que “ son but n’était rien moins que d’exciter une rixe et allumer une haine entre les dragons et les Marseillais ”1012 et que “ son invitation à déjeuner était très suspecte... ”1013. A la fin de sa lecture, Barbaroux déclare qu’une copie dudit procès-verbal a été remise au régiment des dragons “ pour lui valoir et servir en tant que de besoin ”1014. Cette première dénonciation, malgré la montée ultérieure de Marat à la tribune pour se justifier, est incontestablement une victoire politique de Barbaroux.
124La semaine suivante, au détour d’un discours pour la sauvegarde de la République, Barbaroux vise à nouveau Marat comme le chef de file des agitateurs qui provoquent la discorde au sein de l’assemblée1015 en propageant des calomnies. Ces calomnies, ici relatives à une vague favorable au fédéralisme, sont pour Barbaroux, “ le poison dont un faux ami du peuple l’abreuve tous les jours ”, et il s’adresse directement à celui qu’il juge responsable :
“ Marat je t’interpelle de monter à la tribune et de donner la preuve qu ‘il existe dans la Convention nationale un parti qui veut le gouvernement fédératif ou de te proclamer toi-même agitateur du peuple ”1016.
125Barbaroux est applaudi par la majorité de l’assemblée, et se sentant probablement transporté par cette reconnaissance, il poursuit en précisant les manœuvres de Marat, destinées à manipuler le peuple de Paris :
“ On a trouvé dans le projet de décret sur la force départementale un nouveau moyen de travailler l’opinion ; la Convention nationale, a-t-on dit, calomnie les parisiens, puisqu’elle ne se suppose pas en sécurité au milieu d’eux. Misérable subterfuge ! (...) La Convention nationale, composée d’hommes libres, sera toujours indépendante, soit au milieu d’un peuple bon qui l’entoure, soit même au milieu de factieux... ”1017.
126De nouveaux applaudissements saluent ses paroles. Barbaroux conclut alors : “ Je me charge de répondre à toutes les objections enfantées par la mauvaise foi et colportées par l’ignorance ”. Dans la même séance, l’avocat marseillais élargit sa dénonciation à Robespierre, qu’il place aux côtés de Marat, dans la catégorie des agitateurs et des faux révolutionnaires. Dans une diatribe féroce, il rappelle que ni Marat, ni Robespierre n’ont participé directement aux événements cruciaux du 10 août, alors qu’ils s’en prévalent1018. Il les accuse d’avoir “ terni la Révolution ”1019 , par “ les assassinats (...) leurs projets de dictature, et les spoliations ”1020. Il manifeste alors clairement le but qu’il se fixe solennellement :
“ Je les ai dénoncés, je les dénonce et je les dénoncerai, et il n’y aura de repos pour moi que lorsque les assassins seront punis, les vols restitués et les dictateurs précipités de la roche Tarpéienne ”1021.
127Il reçoit des applaudissements. Il s’en prend ensuite à Robespierre, le présentant comme un authentique démagogue, cherchant à s’appuyer sur le peuple pour fomenter la dictature1022.
128Une nouvelle fois reçoit les éloges de l’assemblée, mais derrière les applaudissements massifs, retentissent de “ violentes rumeurs à l’extrême gauche ”1023, le désignant comme l’ennemi politique à abattre. Et, effectivement, à partir de cette journée du 30 octobre 1792, Barbaroux ne cessera plus de dénoncer les agissements de la Montagne et d’être la cible de ses attaques, jusqu’à la dernière, fatale.
129A la séance du 2 janvier 1793, c’est le Comité de Sûreté Générale lui-même1024 qu’il dénonce : “ Le comité de sûreté générale se mêle d’affaires qui ne le regardent pas ”1025, et obtient l’accord de divers membres de l’assemblée qui réclament son renouvellement en entier1026. Puis, il s’en prend à la procédure sommaire et dénuée de garantie de la police du comité de surveillance :
“ Le comité a décerné un mandat d’arrêt contre le citoyen Boze. Où est la délibération prise dans ce comité en vertu de laquelle le mandat a été décerné ? Je soutiens que cette délibération n’existe pas, je soutiens même que dans la plupart des mandats d’amener décernés par le comité de sûreté générale, il n’y a jamais eu de délibération préalable, du moins très rarement ”1027.
130Selon Barbaroux, les décisions du Comité sont arbitraires, et il y règne “ le plus grand désordre “. Certains de ces mandats peu conformes à la légalité sont, d’après l’avocat marseillais, ont été signés de la main de Marat, mais ont été subtilisés depuis1028. Barbaroux en appelle au témoignage de divers membres de l’assemblée1029, et persiste malgré l’indignation exprimée par Marat et la Montagne derrière lui, allant jusqu’à accuser le père de l’ami du Peuple, de s’être autoproclamé membre du comité de surveillance de la commune de Paris1030.
131A la séance du 13 avril 1793, Barbaroux vote “ OUI”, dans le scrutin par appel nominal sur la question suivante “ Y-a-t-il lieu à accusation contre Marat, membre de la Convention nationale ? ”1031, et motive son opinion en se basant sur deux faits particuliers, à propos desquels il affirme que ses deux collègues qui siègent à la Montagne, Granet et Bayle peuvent les confirmer1032. D’une part, il accuse ce qu’il désigne comme les “feuilles de Marat” d’avoir été d’essence contre-révolutionnaire, “ tant elles favorisaient les projets de la Cour en propageant l’anarchie”1033, et d’autre part, il affirme qu’au moment de la venue du bataillon des marseillais “pour attaquer le château des Tuileries ”1034 ; Marat envoya un écrit “ dans lequel il provoquait les marseillais à dissoudre l’assemblée législative et à conserver religieusement le roi et sa famille ”. Mais cette fois-ci, Barbaroux n’est nullement acclamé et ne fait pas l’unanimité. Il choque par le caractère excessif et passionné de son intervention. Il subit des accusations en retour, notamment, de la part de Pierre Baille, député marseillais de la Montagne. Ce dernier affirme que Barbaroux lui-même entend se servir du bataillon des marseillais pour faire prévaloir ses opinions à la Convention :
“ Barbaroux a séduit le deuxième bataillon des républicains Marseillais et a voulu les faire fondre sur la Convention, le jour où l’on devait voter la mort du tyran, pour soutenir l’appel au peuple ”1035.
132Baille, qualifiant l’intervention de Barbaroux de “ méprisable ” se lance dans une défense précise de Marat, qui met en avant le caractère arbitraire de l’acte d’accusation qui “ n’a même pas été signifié à l’accusé ”1036. Progressivement, les montagnards vont confisquer l’assemblée à la Nation. Depuis des mois, la Gironde était en recul sur tous les plans. Elle se laisse emporter par les insurrections des 31 mai et 2 juin. La majorité jacobine de la Convention décrete d’accusation les principaux chefs girondins1037. La fin de Barbaroux ne fait donc qu’illustrer, au-delà de l’existence de causes plus personnelles, cette “ mort ” politique.
133Le 1er juin 1793, le décret d’accusation est demandé contre Barbaroux, contre le comité des Douze, et plus largement contre les girondins, par les 48 sections du peuple de Paris1038.
134Parallèlement, l’ascension de la Montagne au sein de la Convention atteint son paroxysme et le peuple voit en elle, et en elle exclusivement, à la fois la garantie des acquis révolutionnaires, et le moyen d’en terminer avec la phase révolutionnaire.
135Le décret d’accusation est renvoyé le lendemain, au Comité de Salut Public, à charge pour lui, de présenter “ dans les trois jours, les moyens qu ‘il croit propres à défendre la République de ses ennemis intérieurs et extérieurs ” et de faire un rapport circonstancié “ sur les membres de la Convention dénoncés par les autorités constituées de Paris ”1039. La réaction de Barbaroux ne se fait pas attendre : au cours de la même séance, alors que d’autres acceptent de remettre leur démission à la Convention montagnarde, il manifeste clairement son refus de démissionner, et le légitime par la souveraineté du peuple :
“ Comment moi-même déposer des pouvoirs dont j’ai été investi par le peuple ? (...) Non, n ‘attendez de moi aucune démission ; j’ai juré de mourir à mon poste, je tiendrai mon serment”1040
136La Convention décide alors que Barbaroux sera mis en état d’arrestation et consigné chez lui, sous la surveillance des soldats républicains. Il répond en condamnant les méthodes des jacobins, et plaçant sa confiance dans le peuple, s’écrie :
“ Je n ‘ai pas eu besoin de baïonnettes pour manifester mes courageuses opinions, je n’ai pas besoin d’otages pour garantir ma vie. Je me remets avec confiance entre les mains du peuple de Paris ; mes otages sont ma conscience et la vertu du peuple ”1041.
137Les événements suivants vont aggraver sa situation : l’annonce à la Convention de son évasion, conduit celle-ci à le décréter à nouveau d’accusation1042
138Selon le rapporteur, Barbaroux a rédigé une Adresse aux Marsiellais, par laquelle il exhorte ceux-ci à se soulever et “ à marcher sur Paris ”1043, est déposée sur le bureau de la Convention à la séance du 25 juin 1793. Mais Barbaroux ne réalisera jamais son rêve de “ République du Midi ”, à laquelle il pensait depuis l’année 17921044.
139De plus, il est encore accusé par Chabot, et au nom du comité de sûreté générale, d’avoir participé à la conjuration de Caen, qui a préparé l’assassinat de Marat par Charlotte Corday1045. A partir de là, dans le discours de Chabot, la condamnation de Barbaroux se confond avec celle de l’ensemble des girondins, tous ceux qui occupent le “ côté droit ” de la Convention, vers lequel Chabot tourne sa véhémence : Barbaroux est accusé de trahison, de fédéralisme, de liberticide, et de vouloir instaurer “ la domination du Midi sur le reste de la France”1046. Lors de la séance du 19 juillet, une lettre à la municipalité de Marseille que Barbaroux a écrite depuis Caen, est lue à l’assemblée par Barère1047.
140Datée du 18 juin, l’avocat marseillais y déclare :
“ Je n ‘ai quitté Paris que par le besoin de dire la vérité sur les trahisons dont j’ai été témoin. Je vais faire connaître à la France les hommes coupables qui ont voulu livrer leur patrie aux puissances coalisées ? Je puis assurer que ces puissances ont dans Paris même un comité qui stipule leurs intérêts avec Lacroix et Danton... ”1048.
141L’instruction de Barbaroux se poursuit, et enfin, le 28 juillet, Barère, s’adressant aux Montagnards, leur démontre, pièces à l’appui, que Barbaroux les dépeint comme “favorisant les révoltés de la Vendée et comme ayant tout préparé pour livrer aux ennemis la frontière du Nord ”. Vient alors le projet de décret, que la Convention adopte sans restriction au cours de la même séance, et qui déclare
“ traîtres à la patrie Buzot, Barbaroux, Gorsas, Lanjuinais, Salle, Louvet (...) qui se sont soustraits au décret rendu contre eux le 2 juin dernier et se sont mis en état de rebellion dans les départements (...) dans le dessein d’empêcher l’établissement de la République et de rétablir la royauté ”1049.
142Barbaroux est finalement exécuté le 25 juin 1794, à 27 ans, après un suicide manqué1050. C’est la disparition d’un des derniers girondins, alors même que la Terreur est sur le point de se terminer. De promoteur de la Révolution, en tant qu’avocat marseillais et en tant que membre très actif de la Convention, il en est devenu la victime, aux côtés de ses amis éclairés mais modérés. Son parcours extrême peut donc servir de contrepoint à celui, plus modeste et essentiellement local, de l’ensemble des avocats de Marseille, qu’il éclaire de son chant passionné mais isolé.
Notes de bas de page
827 F. FURET et D. RICHET, op. cit., p. 73 et suiv.
828 A. P., Tome XXII, Séance du 31 mars 1790, p. 487 : “ Il faut, dit-on, diminuer le nombre des avocats ; oui, sans doute : si les avocats sont un mal, c’est un mal nécessaire... ”.
829 DUVERGIER, Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlements..., op. cit., tome I, p. 355.
830 Ibid., tome I, p. 326.
831 A. P., Tome XVIII, Séance du 2 septembre 1790, p. 493 : “ L’article 9 est ensuite décrété dans la teneur ci-dessous : “Art. 9. [devenu article 10] Les juges étant en fonctions, porteront l’habit noir et auront la tête couverte d’une chapeau rond relevé par le devant, et surmonté d’un panache de plumes noires. Les commissaires du roi, étant en fonctions auront le même habit et le même chapeau, à la différence au’il sera relevé en avant par un bouton et une ganse d’or. Le greffier, étant en fonctions, sera vêtu de noir et portera le même chapeau que le juge et sans panache. Les huissiers faisant le service de l’audience seront vêtus de noir, porteront au cou une chaîne dorée, descendant sur la poitrine et auront à la main une canne noire à la pomme d’ivoire. Les hommes de loi, ci-devant appelés avocats ne devant former ni ordre ni corporation, n’auront aucun costume particulier dans leurs fonctions ”... ”.
832 Voir infra, § 2 et § 3, pp. 211-227.
833 Il s’agit de l’article 25 al. 4 du Titre VII du décret du 15 juin 1791. Voir DUVERGIER, op. cit., tome III, p. 41.
834 A. DAMIEN, Essai sur la vie quotidienne des avocats du temps passé, op. cit., p. 178.
835 A. P., Tome XVIII, Séance du 17 août 1789, p. 447 : Projet de constitution du pouvoir judiciaire.
836 A. DAMIEN, op. cit., pp. 178-179. A. P., Tome XVIII, Séance du 17 août 1789.
837 Ibid., p. 179. A. P., Tome XVIII, Séance du 17 août 1789.
838 Louis-René CHAUVEAU, Sur l’organisation du pouvoir judiciaire, Clousier, Paris, 1789.
839 A. DAMIEN, op. cit., p. 179.
840 Louis-René CHAUVEAU, op. cit., p. 58.
841 Jean-Louis HALPERIN, Droit de la défense et droit des défenseurs en France de 1789 à 1914, Actes du Congrès de Copenhague de 1993, Société Jean Bodin, pp. 53-73.
842 A. P., Tome XVIII, Séance du 2 septembre 1790, p. 492 et suivantes.
843 Joachim GAUDRY, Histoire du Barreau de Paris depuis son origine jusqu’en 1830, Auguste Durand, Paris, 1864, tome II, Livre III, Chapitre I, p. 335. Tout récemment, Bernard Sur a commis la même erreur : en se fondant vraisemblablement sur Gaudry, il écrit “ Une voix, une seule, inattendue, s’est élevée en faveur de la profession, celle de Robespierre... ”, Bernard SUR, Histoire des avocats en France, op. cit., p. 132.
844 A. P., Tome XVIII, Séance du 2 septembre 1790, p. 490 et suivantes.
845 A. P., Tome XXI, Séance du 14 décembre 1790, p. 466 : “ Dès que la société a établi et déteminé l’autorité publique qui doit se prononcer sur les différends des citoyens, dès qu’elle a crée les juges destinés à leur rendre, en son nom, la justice qu’ils avaient le droit de se faire eux-mêmes, par eux-mêmes, avant l’association civile...il ne reste plus qu’à instruire les juges des différends qui doivent être soumis à leur discussion, ce droit appartient aux citoyens eux-mêmes, et à ceux auxquels ils ont mis leur confiance... ”.
846 A. DAMIEN, La suppression de l’Ordre des Avocats par l’assemblée constituante, R.S.I.H.P.A., n° l, 1989, p. 83. Dinochau prétendait fusionner les avoués & les avocats au motif que la seule distinction subsistant encore entre leurs professions n’était que purement fiscale.
847 A. P., Tome XXI, Séance du 14 décembre 1790, p. 466 : “ La loi tint toujours cette carrière libre à tous les citoyens (...) tant le droit de la défense naturelle paraissait sacré dans ce temps-là (...) cette fonction seule échappa à la fiscalité et au pouvoir absolu de nos rois (...) le barreau semblait montrer encore quelques traces de la liberté exclue du reste de la société (...) c ‘était là où se trouvait encore le courage de la vérité qui osait réclamer les droits du faible opprimé contre les crimes de l’oppresseur puissant ; enfin, ces sentiments généreux qui n ‘ont pas peu contribué à une Révolution qui ne s’est faite dans le gouvernement que parce qu’elle était préparée dans les esprits ”.
848 A. DAMIEN, La suppression de l’Ordre des Avocats par l’assemblée constituante, op. cit., p. 83 : “ C’est donc en éloge posthume d’une profession qui naguère exista mais dont la suppression était indispensable pour asseoir le nouveau régime ”.
849 A. DAMIEN, Essai sur la vie quotidienne des avocats du temps passé, op. cit., p. 186 : “ L’effort de Robespierre tend, non pas à restaurer l’ordre des avocats, car il faut se souvenir que cette discussion a lieu le 13 décembre, c ‘est-à-dire plus de trois mois après la suppression de l’Ordre, mais au rejet du plan de Dinochau... ”.
850 Jean-Pierre ROYER, Histoire de la Justice en France, op. cit., p. 321.
851 Voir infra, § 2 et § 3, pp. 211-227.
852 Jean-Pierre ROYER, op. cit., p. 321. Ce qui signifie que ces avocats ne figurent plus sur aucun tableau d’aucun ordre en France.
853 A. DAMIEN, La suppression de l’Ordre des Avocats par l’assemblée constituante, op. cit., p. 84 et suivantes ; voir également Jacques HAMELIN et André DAMIEN, Règles de la profession d’avocat, Paris, 1992, p. 33 et suivantes. Ce pamphlet étant réputé introuvable de l’avis même des commentateurs susnommés, on suivra pour son analyse et sa portée, plus particulièrement le long commentaire qu’en fait André Damien dans son article pour la R.S.I.H.P.A.
854 A. DAMIEN, La suppression de l’Ordre des Avocats par l’assemblée constituante, op. cit., p. 84.
855 Ibid.
856 Ibid.
857 Ibid., p. 85.
858 Ibid.
859 Maurice GRESSET, L’état d’esprit des avocats comtois à la veille de la Révolution, Actes du 102ème Congrès national des sociétés savantes, Limoges, 1977, tome 1, p. 85.
860 Jean-François FOURNEL, Histoire des avocats au Parlement et au Barreau de Paris depuis Saint-Louis jusqu’au 15 octobre 1790, Chez Maradan, Paris, 1813, 2 vol. et Histoire du Barreau de Paris dans le cours de la Révolution, Chez Maradan, Paris, 1816.
861 Jean-François FOURNEL, Histoire des avocats au Parlement et au Barreau de Paris depuis Saint-Louis jusqu’au 15 octobre 1790, op. cit., tome II, pp. 532-533 : “ Déjà la France étoit couverte des débris des antiques institutions renversées, et l’assemblée nationale annonçoit, sans ménagement, le projet de déblayer le sol françois, pour y reconstruire à son gré un nouvel édifice sur le plan de ses idées libérales. Déjà la noblesse n’existoit plus, le clergé étoit frappé à mort, et les parlements n’avoient pas l’espoir de se conserver au milieu de tant de ruines. Bien loin de faire exception, ces grands corps étoient le point de mire des réformateurs qui, connoissant leur énergie et leur attachement aux principes, avoient tout à redouter de leur existence. Ils ne prenoient pas même la peine de déguiser leur terreur ; et sans attendre que leur anéantissement fût à l’ordre du jour, ils commencèrent à les frapper d’inaction par le décret du 3 novembre 1789... ”.
862 Ibid., pp. 537-538 : “La dissolution des Parlements emportoit l’anéantissement des avocats, en ce sens qu’ils cessoient d’être avocats au parlement (...) Occupés à faire la guerre aux noms et aux titres, ils voulurent associer à la suppression du nom de parlement, celle d’un ordre qui lui tenoit par une affiliation si antique... ”.
863 Voir DALLOZ, Répertoire méthodique et alphabétique de législation, de doctrine et de jurisprudence en matière de droit civil, commercial, criminel, administratif, de droit des gens et de droit public, Paris, 1846-1858, tome 5, v° AVOCAT, n° 43, p. 463 et suivantes.
864 Jean-François FOURNEL, Histoire des avocats au Parlement et au Barreau de Paris depuis Saint-Louis jusqu’au 15 octobre 1790, op. cit., tome II, p. 538.
865 Ibid. : “ ...cette abolition passa sans aucune contradiction, au milieu de tant d’avocats qui sembloient intéressés à la combattre à toute outrance. Cette circonstance présente quelque chose de mystérieux. Comment dans une assemblée où se trouvoient les Target, les Tronchet, les Camus, les Hutaux, les Thouret, les Vergniaux, etc., ne s ‘éleva-t-il pas une voix contre une abolition aussi outrageante ? Comment s’abaissèrent-ils au point de se laisser enlever un NOM auquel jusque là, ils devoient toute leur renommée et toute leur considération ? Comment avaient-ils la lâcheté de se soumettre à l’abdication d’un aussi beau titre sans donner le moindre signe de résistance ? ”.
866 Ibid. : il s’agit de Thouret, avocat au Parlement de Rouen.
867 Ibid. : “ Les reproches les plus amers de ne furent pas épargnés par leurs propres confrères... ”.
868 Ibid.
869 Décret en date du 16 août 1789, que l’auteur, au début de ce passage, semble critiquer tant dans sa forme que dans son fond. Jean-François FOURNEL, Histoire des avocats au Parlement et au Barreau de Paris depuis Saint-Louis jusqu’au 15 octobre 1790, op. cit., tome II, p. 536 : “ Ce décret forme une espèce de code mélange de dispositions réglementaires et constitutionnelles au nombre desquelles se trouvent l’abolition de la vénalité, l’administration gratuite de la justice, l’élection des juges par les justiciables, la limitation à six ans des fonctions des juges élus, l’investiture forcée par le Roi, le ministère des gens du Roi à vie, la transcription obligée des lois et la publication dans la huitaine, en toute matière civile et criminelle, publicité des plaidoyers, rapports et jugements, tribunaux de districts, point de cours d’appel, les tribunaux de première instance établis en juges d’appel les uns des autres... ”.
870 Jean-François FOURNEL, op. cit., tome II, p. 539.
871 Ibid. : “ Plusieurs membre du comité penchoient pour les [avocats] maintenir dans leur possession d’état, sans rien innover à leur manière d’être, et à transporter dans les tribunaux de nouvelle création les mêmes droits et prérogatives dont ils avoient joui devant les parlements et autres cours souveraines... ”.
872 Ibid. : “Mais, une autre partie du comité étoit d’avis d’ANEANTIR l’ordre des avocats, et d’abolir même jusqu’au nom d’avocat... ”
873 Ibid., p. 540 : “ ...la nouvelle organisation judiciaire ne laisse pas de place à de pareilles cours. On n’y connoit que des tribunaux chétifs de première instance qui se relayent les uns les autres pour les causes d’appel. Ce seront ces tribunaux qui donneront l’investiture de la qualité d’avocats ; or, chacun de ces nombreux tribunaux qui couvriront la surface de la France deviendra le foyer d’un nouveau barreau... ”.
874 Ibid.
875 Ibid., p. 541 : “ Ces barreaux seront meublés d’une quantité prodigieuse d’hommes qui, sans aucune idée de nos principes et de notre discipline, aviliront nos fonctions honorables et les dégraderont de leur noblesse. Cependant, ces mêmes hommes s’obstineront à s’honorer du nom d’avocats, ils en usurperont la décoration, ils voudront aussi former ordre ; et le public, abusé par la similitude du nom, confondra ces avocats de circonstance avec ceux de l’ancien régime... "
876 Ibid.
877 Joachim GAUDRY, Histoire du Barreau de Paris depuis son origine jusqu’en 1830, Paris, Auguste Durand, 1864, tome II, p. 337.
878 Octave BORELLI, Esquisse historique de la profession d’avocat, Discours prononcé à la séance solennelle de rentrée de la Conférence Portalis des Avocats de Marseille, Typographie Barlatier-Feissat, Marseille, 1868.
879 Ibid., p. 27.
880 DELOM de MAZERAC, Le Barreau pendant la Révolution, Paris, Alcan-Lévy, 1886.
881 Jules FABRE, Le Barreau de Paris 1810 - 1870, Paris, J. Delamotte Libraire-éditeur, 1895.
882 Ibid., p. 24.
883 Ibid., p. 25 (Fournel, op. cit., tome II, p. 540) “ Ces Barreaux seront meublés d’une quantité prodigieuse d’hommes qui, sans aucune idée de nos principes et de notre discipline, aviliront nos fonctions honorables et les dégraderont de leur noblesse. ..etc ”.
884 Jules FABRE, op. cit., p. 24.
885 Edmond SELIGMAN, La question des Avocats, Revue Politique & Parlementaire, mai 1897, Bureaux de la Revue Politique & Parlementaire, Paris, 1897.
886 Ibid., p. 8 : “L’assemblée nationale avait sacrifié l’ordre des avocats à des considérations théoriques et par une erreur économique... ”. L’auteur emploie ici le terme “ économique ” en référence au domaine d’application d’un texte normatif. L’économie d’un texte est constituée de l’ensemble de ses modalités d’application.
887 Ibid.
888 Edmond SELIGMAN, La justice en France pendant la Révolution (1789-1792), éd. Plon, Paris, 1901.
889 Ibid., p. 321.
890 Jean APPLETON, Traité sur la profession d’avocat, Dalloz, Paris, 1923.
891 Voir à son sujet l’excellent article de Catherine FILLON, L’itinéraire d’un avocat engagé : l’exemple de Jean Appleton, R.S.I.H.P.A. n° 6, 1994, pp. 195-218.
892 Jean APPLETON, op. cit., p. 38.
893 A. DAMIEN, Essai sur la vie quotidienne des avocats du temps passé, op. cit.
894 A. DAMIEN, La suppression de l’Ordre des Avocats par l’assemblée constituante, op. cit.
895 A. DAMIEN, Essai sur la vie quotidienne des avocats du temps passé, op. cit., p. 182.
896 Ibid.
897 A. DAMIEN, La suppression de l’Ordre des Avocats par l’assemblée constituante, op. cit., p. 81.
898 Ibid.
899 Jean-François FOURNEL, Histoire des avocats au Parlement et au Barreau de Paris depuis Saint-Louis jusqu’au 15 octobre 1790, op. cit., tome II, p. 543.
900 A. DAMIEN, Essai sur la vie quotidienne des avocats du temps passé, op. cit., p. 182.
901 Pierre-Nicolas BERRYER, Souvenir de P. N. Berryer, doyen des avocats de Paris (de 1774 à 1838), Paris, A. Dupont, 1839. Il faut préciser ici que Berryer père a voté contre l’établissement de l’Empire, comme la grande majorité des avocats parisiens. Toutefois, il incarne l’archétype de l’avocat de cette période impériale, capable de plaider les affaires les plus complexes, aussi bien commerciales que criminelles, tout en jouant un rôle d’opposant politique de premier plan. Il se distingue en cela de son fils, Pierre-Antoine Berryer, non moins célèbre qui, dans sa jeunesse, était favorable à l’Empire. Ce n’est qu’après la Révolution de Juillet qu’il devint un des chefs du parti légitimiste. Le destin du père et du fils diverge sur le plan politique mais se croise sur celui de l’activité professionnelle.
902 A. DAMIEN, Essai sur la vie quotidienne des avocats du temps passé, op. cit., p 182.
903 Ibid., pp. 182-183 : “ Il parait plus vraisemblable d’admettre que dans la destruction général de tous les ordres et corporations, dans l’appétit de dépouillement et d’égalité, de disparition de tout ce qui ressemblait à une organisation professionnelle limitative de la liberté des citoyens... ”.
904 Ibid. : “ ...le barreau estima qu’il n ‘avait pas les moyens de faire entendre sa voix dans le concert général qui s’élevait. C’est sans doute la raison pour laquelle nul avocat, nul député ne protesta au moment de la suppression de l’ordre des avocats ”.
905 A. DAMIEN, La suppression de l’Ordre des Avocats par l’assemblée constituante, op. cit., p. 82 : “L’affaire des ” trois roués “par exemple, succédant aux coups de Voltaire dans les affaires Calas et Sirven, dans celle du Chevalier de la Barre, dans l’affaire Lally-Tollendal, ont jeté un profond discrédit sur les institutions de justice... ”.
906 Voir Francis DELBEKE, L’action politique et sociale des avocats au xviiième siècle, op. cit., pp. 137-242.
907 Voir infra, pp. 240-243.
908 A. DAMIEN, Essai sur la vie quotidienne des avocats du temps passé, op. cit., p 183.
909 A. DAMIEN, La suppression de l’Ordre des Avocats par l’assemblée constituante, op. cit., p. 82 : “ ...elles ont déjà vécu, même si c’est le décret d’Allarde du 17 mars 1791 qui les supprime effectivement... ”.
910 A. DAMIEN, Essai sur la vie quotidienne des avocats du temps passé, op. cit., p. 183 : “ Une preuve de cette volonté de destruction des groupements nous est fournie par la suppression des académies et notamment de l’Académie française qui était pourtant un des refuges du libéralisme et de l’esprit des lumières, et qui va disparaître en même temps que le barreau ”.
911 Ibid., pp. 183-184.
912 M. P. FITZSIMMONS, The parisian order of Barristers and the French Revolution, Harvard University Press, Cambridge, Massachusetts, 1987.
913 Ibid., p. 33.
914 Ibid., p. 34 : “ The dichotomy is particulary apparent in the Ordre des avocats at Paris... ”.
915 Ibid. : “ other factors made the barristers important in electoral assemblies not only in Paris but in the provinces as well (...) Many barristers had attained recognition beyond the confines of the Palais de Justice as result of their professional activities in the Parlement and, consequently, were more well known than most other members of the assemblies ”.
916 Ibid., p. 35.
917 Ibid., p. 37.
918 Ibid., p. 38.
919 Ibid. : “ ...most of them came to command the respect of their fellow representatives in the Estates-General, with Target and Camus in particular enjoying some influence ”.
920 Ibid., p. 44 : “ Not only was the continued existence of the parlement in danger, but the report posed a serious threat to the avocat ‘s profession ”.
921 Ibid., p. 43.
922 Ibid. : “ The proposal was no absolute and appeared to offer the barristers a loophole ”.
923 A. P., Tome VIII, Séance du 17 août 1789, p. 447 : Projet de constitution du pouvoir judiciaire, titre 2, art. 8 : “ Afin que le ministère des avocats soit aussi libre qu’il doit l’être, les avocats cesseront de former une corporation ou un ordre et tout citoyen ayant fait les études et subi les examens nécessaires pour exercer cette profession, ne sera plus tenu de répondre de sa conduite qu’à la loi... ”.
924 M. P. FITZSIMMONS, op. cit., p. 43.
925 Ibid
926 Ibid.: “Although the Order would be dissolved, some organiszation would be necessary to monitor the screening process stipulated in the article. And who would better prepared to administer studies and examinations in law other than trained barristers? ”.
927 Ibid.: “Although it would no longer have its [the Order] monopoly on cases nor powers of discipline, it potentially represented a way for the Order of Barristers to continue its existence in much the same way a before ”.
928 Ibid., p. 44: “ Bergasse, who presented the project to the Assembly, realized that the recommended changes went far beyond what most of the deputies had expected and admitted that the committee “proposes to you an order of things absolutely different from that wich has been established for so long among us ”... ”.
929 Ibid.
930 Nicolas DERASSE, La défense dans le procès criminel sous la Révolution et le Premier Empire (1789-1810) : les mutations d’une fonction et d’une procédure, op. cit., pp. 87-88
931 Daniel BORDIER, La compagnie des avoués de Libourne (1790-1945), Thèse droit, Bordeaux, 1973.
932 N. DERASSE, op. cit., p. 87.
933 J. P. ROYER, Histoire de la Justice en France, op. cit., p. 320, n° 208 et suivants.
934 Ibid., p. 321,n° 208.
935 Ibid., p. 322 : “ Sa suppression [de l’Ordre] a comme un goût de sabordage ”.
936 J. L. GAZZANIGA, Les avocats pendant la période révolutionnaire, in Une autre Justice (dir. Badinter), op. cit., p. 372 : l’auteur se fonde sur un élément que nous avons déjà évoqué et qui joue un rôle non négligeable dans cette énigme : la forme, c’est-à-dire, les modalités mêmes de la suppression. Il suggère que l’article supprimant la robe, donc le barreau, “ inséré dans un texte plus large et somme toute d’intérêt secondaire, pouvait permettre l’adhésion, car il laissait espérer une réforme ultérieure et, pour l’immédiat maintenait, sous de légères réserves, l’état des choses antérieur ”.
937 Alfred SEGOND, Histoire des lois et règlements professionnels, op. cit., p. 40.
938 Ibid., p 41
939 Ibid. : “ Un seul homme s’était levé dans la Constituante pour défendre les droits de l’Ordre : ce fut Robespierre ”.
940 Ibid., p. 42 : “Merlin, Tronchet, Treilhard et autres jurisconsultes illustres, présents à l’assemblée, furent au contraire les premiers à réclamer la mesure que combattait Robespierre. Par un sentiment outré de leur dignité, ils ne voulurent pas, quand on allait multiplier le nombre des tribunaux inférieurs et des barreaux qui y seraient attachés, que l’on put conférer à des groupes plus nombreux et moins choisis, leur titre et leur prestige ”.
941 Ibid.
942 N. DERASSE, op. cit., p. 91.
943 A.O.A. MARSEILLE, D.C.D. (D.S.), vol. 1 (1758-2 déc. 1789).
944 N. DERASSE, op. cit., pp. 81-82 : “Les registres des délibérations de l’Ordre, pour les quelques barreaux qui sont parvenus à les conserver, deviennent muets dès les derniers mois de 1789... ”.
945 Gaston DUVEAU, Le Titre d’avocat, Librairie de la Société du Recueil Sirey, Paris, 1913, p. 113 et suiv.
946 DUVERGIER, Collection complète des lois, décrets, ordonnances..., op. cit., tome I, p. 355.
947 Ibid., tome I, p. 326.
948 Gaston DUVEAU, Le Titre d’avocat, op. cit., p. 115.
949 Peut-être est-ce pour cette raison plus que tout autre, que l’Ordre des avocats de Paris, n’a jamais cherché à lutter contre sa suppression pure et simple, s’aventure à proposer Gaston Duveau : en acceptant de disparaître sans compromis, peut-être “l’Ordre sauvegardait son prestige et maintenait son individualité ”, dans le sens de sa spécificité, s’assurant qu’il ne serait jamais confondu avec ces “ hommes de lois ” mal organisés, mal formés, pâles ersatz des avocats d’antan... Ibid., p. 117.
950 Alfred SEGOND, op. cit., p. 43 : “ les hommes de lois eux-mêmes étaient devenus des ci-devant ”.
951 Gaston DUVEAU, Le Titre d’avocat, op. cit., p. 114.
952 Voir supra, Section Préliminaire et Première Partie, Titre I, Chapitre I, pp. 29-85.
953 DUVERGIER, Collection complète des lois, décrets, ordonnances..., op. cit., tome III, p. 41.
954 N. DERASSE, op. cit., pp. 82-83, n° 324 : L’auteur cite le texte de la dernière délibération du barreau de Clermont-Ferrand qui est très révélateur de la ligne de conduite choisie par les avocats : “ Nous, soussignés membres du ci-devant ordre des avocats de cette ville de Clermont, reconnaissons avoir reçu la portion afférente à chacun de nous dans les droits de mercuriale reçue par le sieur Fauverteix, greffier du juge que Me Gauthier, notre ci-devant bâtonnier avait été autorisé par l’arrêté du ci-devant ordre du douze février dernier à retirer des mains du sieur Fauverteix, montant pour la portion du ci-devant ordre à la somme de 627 livres 6 sols 3 deniers, reçue des mains du sieur Fauverteix et ce en assignats ; plus la portion revenant à chacun de nous dans les 172 livres restant des fons du ci-devant ordre restés entre les mains de Me Bergier, son ex-bâtonnier, ce qui pour chacune des parties prenantes, au nombre de 46 têtes, forme la somme de 17 livres 12 sols pour chacun des soussignés... ”. Il convient de relever ici, comme le fait implicitement l’a., toute l’amertume et toute la colère des avocats, maquillées en auto-dérision provocatrice qui pointe derrière l’incessante répétition et accentuation du terme “ci-devant”, exprimant la négation même de tout ce que furent les avocats...
955 Il semble que la dénomination même de défenseur officieux ait été un temps mise en balance avec celle plus générique et déjà usitée d’homme de loi. Mais, les interventions de plusieurs députés, au premier rangs desquels Dinocheau, ont emporté la décision de l’assemblée. Lors de la séance du 13 décembre 1790, en particulier, Dinocheau s’exprimant au nom des comités de constitution et de judicature, rejette le terme d’homme de loi comme manquant d’originalité, et parvient à convaincre l’assemblée d’opter pour celui de défenseur officieux, plus explicitement conforme aux exigences de liberté posées par les acquis révolutionnaires. A. P., Tome XXI, Séance du 13 décembre 1790, p. 440. Dans sa thèse, N. DERASSE approfondit l’origine de cette dénomination et rappelle que le terme officieux “ doit être entendu dans son sens primitif d’officium, lequel peut se traduire par le service rendu, ou comme l’a souligné Tronchet, par le devoir civique ”, op. cit., p. 93.
956 Alfred SEGOND, op. cit., p. 43.
957 J. P. ROYER, op. cit., p. 322, n° 209.
958 DUVERGIER, Collection complète des lois, décrets, ordonnances..., op. cit., tome III, p. 41.
959 N. DERASSE, op. cit., p. 93 : citant Dinocheau, l’auteur écrit que “ l’institution des hommes de loi [défenseurs officieux] apparaît dès lors comme une garantie permettant de pallier la faiblesse et l’ignorance du citoyen désireux de défendre sa propre cause... ”.
960 Ibid., p. 102 : L’auteur évoque, à titre d’exemple, le cas des juridictions de Douai, qui n’assiste en tout et pour tout “ qu’à la timide apparition du citoyen Berlemons, défenseur à qui de surcroît l’accusé prend soin d’adjoindre l’ancien avocat Duwetz ”, sans qu’il puisse être totalement exclu que Berlemons ne soit pas un avatar maquillé de l’ancien procureur Berlemont.
961 Gaston DUVEAU, op. cit., p. 115.
962 DUVERGIER, Collection complète des lois, décrets, ordonnances..., op. cit., tome 2, p. 243.
963 Gaston DUVEAU, op. cit., p. 115.
964 Ibid., p. 116.
965 P. A. ROBERT, Le Tribunal populaire (1792-1793) La justice des sections marseillaises, Thèse pour le doctorat de sciences juridiques, éd. Arthur Rousseau, Paris, 1913. (NB : Abrév. T.P.M. : Tribunal Populaire de Marseille, utilisée par la suite).
966 A.M. MARSEILLE, 1D 10 fo 134 : Séance du 21 juillet 1792.
967 P. GUIRAL & F. REYNAUD, Les Marseillais dans l’Histoire, op. cit., p. 180 : “ MOURAILLE Jean Raymond René (1720-1808). Astronome (...) les circonstances firent de lui un homme politique. Dès 1790, il fréquentait les clubs. Elu le 9 février dans le conseil municipal dirigé par Etienne Martin, il acquit rapidement une grande popularité. En décembre 1791, il fut élu maire et réélu en 1793. A ce poste élevé il s’entoura de gens peu recommandables comme l’égorgeur Savon, le procureur du tribunal Seytres, ou d’agitateurs comme Barbaroux. Son mandat fut marqué par une très vive agitation et des meurtres dont celui du curé de Saint-Ferréol, Mathieu Olive parut dépasser la mesure. Les conventionnels Bayle & Boisset, envoyés en mission à Marseille, le firent destituer et arrêter le 14 avril 1793. Le tribunal populaire qui eut à le juger, constata que Mouraille avait été le complice de ces violences ou que, du moins, il les avait couvertes de son autorité ; cependant il fut acquitté. Il s’enferma jusqu’à sa mort dans une retraite ombrageuse ”.
968 A.M. MARSEILLE, 1D 10 fo 143 : Séance du 13 août 1792.
969 P. A. ROBERT, op. cit., p. 13.
970 Ibid.
971 BARBAROUX, Mémoires, op. cit., p. 375.
972 Voir à ce propos, Henri WALLON, Histoire du tribunal révolutionnaire de Paris, Paris, 1880-1882, 6 vol.
973 P. A. ROBERT, op. cit., p. 14.
974 Rapidement il est proposé la formation de deux tribunaux, l’un d’accusation, l’autre de jugement, qui se prononceraient sur les délits politiques. Ces tribunaux jugeraient jusqu’au jour où la convention nationale aurait définitivement révisé le code judiciaire. L’assemblée du peuple accepte le projet et laisse à la municipalité la charge d’organiser ces tribunaux. La délibération du conseil prise en ce sens fut envoyée aux 24 sections marseillaises pour approbation définitive. Le peuple réuni dans les sections y adhéra sans réserves. Les sections 4 et 17 demandèrent même que tout dénonciateur qui ferait une fausse déclaration, par méchanceté ou rancune, soit sévèrement sanctionné. La Société des Amis de la Liberté, club politique jacobin très puissant à Marseille, appuya vigoureusement la création de ces tribunaux “ populaires ”. Seul le maire Mouraille garda une attitude réservée, ce qui est compréhensible, car l’instauration même de ces juridictions populaire, constituait un blâme indirect à sa politique. Barbaroux, toutefois, disposant de l’accord unanime des sections, sut vaincre son inertie, et finalement, le conseil général de la commune, pouvoir suprême de la cité, confirma la décision des sections et lui donna force exécutoire. Le 11 septembre, le conseil se réunit, et après explication du procureur de la commune Etienne Seytres, acquiesça à l’unanimité de ses membres à la création des tribunaux extraordinaires, en les chargeant de punir promptement les auteurs, fauteurs et complices de complots contre-révolutionnaires. Le tribunal populaire avait donc pour mission de juger dans la plus noble acception du terme, c’est-à-dire dans le respect d’une procédure fixe rejetant tout arbitraire, sanctionnant les coupables et sauvegardant les personnes injustement menacées par la populace. Toutefois, les ordonnateurs du projet n’en réfèrent pas au pouvoir central parisien, déjà en proie à une anarchie croissante. Voir P. A. ROBERT, op. cit., pp. 16-18.
975 Au nombre de deux par section. Ibid.
976 P. A. ROBERT, op. cit., p. 19.
977 Ibid., p. 19.
978 Tout commence par des rumeurs relatives à l’existence d’un vaste complot royaliste dans toute la Provence, dont la direction serait centrée à Apt. A Grenoble, le sieur Monnier de Viens est surpris en possession de documents contre-révolutionnaires. L’administration départementale des Bouches-du-Rhône envoie Bontemps, Charabot, Revest, Isoard et Trabaud pour enquêter sur les faits. Ils confirment l’existence d’un complot, mais la vague d’arrestations qui s’ensuit est trop large et des innocents se retrouvent également appréhendés. Une demande officielle adressée à l’assemblée nationale, en vue de permettre la saisie régulière du tribunal criminel des Bouches-du-Rhône, juridiction ordinaire, n’obtient aucune réponse. Compétence est alors donnée au tribunal populaire de Marseille, qui subit là son épreuve du feu. Elle commence par la nécessaire extension de la compétence du T.P.M., au départ limitée au seul territoire de la ville de Marseille elle-même. Le procureur Seytres requiert le 5 octobre, et le conseil général se prononce en faveur de cette extension, étendant officiellement la compétence du T.P.M. Ainsi, cette juridiction devait à présent fonctionner et juger du sort de 27 personnes emprisonnées depuis 40 jours. Les juges du T.P.M. abordent l’examen de la procédure le 7 octobre 1792. Le premier prévenu, le sieur Savournin d’Apt, arrêté pour une lettre compromettante découverte chez lui, est relâché après examen et considéré comme innocent. De même, les sieurs Jouven André et Marius Joseph, deux bourgeois de la Tour d’Aigues : non-lieu. De nombreux autres, même certains nobles d’Apt, bénéficient également d’une relaxe. Seul le sieur Monnier se voit confirmer son inculpation. Cet ensemble de sentences fait honneur à la sagesse et l’intégrité du tribunal, et le peuple lui manifeste sa confiance. Voir P. A. ROBERT, op. cit., pp. 24-43.
979 Ibid., p. 43.
980 Ibid., pp. 44-70.
981 Ibid., pp. 44-60 : cette période correspond aux affaires Barthélémy, Fabre, Brignol, et Buffet.
982 Ibid., pp. 61-70 : cette période s’étend pratiquement jusqu’au procès Mouraille d’avril 1793.
983 Suite à l’annonce de l’ouverture d’une procédure devant le T.P.M. contre les commissaires jacobins de la Convention, sur la foi de témoignages décrivant des abus répétés, des décrets de la Convention en date des 12 et 15 mai suspendent le tribunal populaire. On assiste alors à une prise de distance entre les sections marseillaises qui demeurent, politiquement, modérées et une Convention qui rapidement tombe aux mains des jacobins extrémistes et exaltés, pères de la Terreur à Paris. La Convention veut mettre fin à l’activité du tribunal populaire qu’elle présente, via les déclarations de Bayle et Boisset, comme “ la dictature des modérés ”. Elle veut ramener les esprits marseillais aux vrais principes révolutionnaires. Les députés marseillais appartenant au parti girondin prennent la défense du tribunal populaire et Barbaroux, une fois encore, attaque violemment les commissaires de la Convention qui poussent au meurtre et au brigandage. Sa harangue enflammée secoue la Convention : appuyée par Guadet et Granet et combattue par Marat et Philippeaux, sa motion parvient à obtenir la majorité : l’assemblée décide que l’on doit surseoir à statuer sur la pérennité du T.P.M. jusqu’à ce que les députés des sections marseillaises aient été entendus. Barbaroux estime toutefois préférable de s’incliner devant le décret de la Convention, et accepte au moins la suspension : si l’arrêt du fonctionnement du T.P.M. est regrettable, il faut néanmoins que les bons citoyens respectent les décisions de l’assemblée de Paris et suivent les voies légales pour en dresser réclamation. Mais, à Marseille, les modérés, qui ont supplanté les jacobins qui eux-mêmes avaient régné en maîtres sur la ville, voulait leur faire payer les vexations subies. L’idée de cette répression nécessaire et légitime avait été vite acceptée par le peuple phocéen et après un rapide dépôt de plaintes contre les jacobins, le T.P.M. avait ouvert une instruction. Le premier visé était Hugues, porte-drapeau du club marseillais des jacobins, puis suivaient Bartuguet, Isoard, Payan, Maillet, Foureau...etc. L’instruction du procès des jacobins marseillais est interrompue par la suite de la notification des décrets de mai (11-27 mai 1793) et les accusés se croient sauvés. Mais les sections s’obstinent, passent outre la suspension officielle et, refusant d’obéir à la Convention, imposent la continuation du procès. Le 18 mai, la section 6, avec l’appui de toutes les autres rejette l’application du décret et autorise la chambre d’accusation du tribunal populaire à poursuivre l’instruction du procès des jacobins marseillais, en attendant la décision définitive du pouvoir législatif lui-même. De nouvelles arrestations sont même ordonnées. Et, comme prévu par Barbaroux, une députation des sections de Marseille défend la cause du tribunal populaire devant la Convention (8-27 mai 1793). Forte de ses bonnes intentions et de son loyalisme, Marseille envoie donc 32 commissaires à Paris, pour dévoiler les noirs projets des jacobins marseillais corrompus. Le débat à la Convention entre les girondins marseillais et la Montagne entraînée par Marat est extrêmement houleux. Les Marseillais reçoivent de nombreux applaudissement de la Gironde et de la Plaine. La Convention surseoit de nouveau à statuer. Voir P. A. ROBERT, op. cit., pp. 99-121.
984 La rupture complète entre la Convention et Marseille est consommée avec les émeutes marseillaises des 31 mai et 2 juin 1793. Des ordres venus de Paris, concernant l’application stricte des décrets des 12 et 15 mai concernant l’interdiction du tribunal populaire et approuvés par le conseil exécutif et le comité de salut public, sont pris en compte un moment, mais rejetés dès la nouvelle de la proscription qui s’exerce à l’égard des députés girondins à Paris. Réorganisé, le tribunal populaire reprend son activité judiciaire. La Convention casse le tribunal populaire et proscrit ses membres par un décret du 18 juin 1793. Devant une assemblée parisienne peu nombreuse, Brival, le rapporteur désigné par le comité de sûreté générale cherche à expliciter cette décision. A compter de la publication du décret, toux ceux qui prêtent leur concours à ce tribunal illégal seront considérés comme les complices d’assassins. Les sections marseillaises répondent au décret du 18 juin en maintenant le tribunal populaire et en mettant les conventionnels montagnards hors-la-loi, 20-28 juin 1793. Le bilan du conflit est clair, sur le plan local : l’autorité du tribunal populaire est réaffirmée et celle de la Convention est répudiée. La rupture est consommée, et Marseille devient la cible de la fureur jacobine. Voir l’analyse exhaustive de P. A. ROBERT, op. cit., pp. 99-128.
985 Ibid., pp. 207-236.
986 Ibid.,p. 233.
987 Ibid.
988 Fils d’un fort célèbre avocat marseillais de l’Ancien Régime, déjà évoqué. Voir supra, Titre I, p. 70, n° 211.
989 P. A. ROBERT, op. cit., p. 142.
990 Barthélemy est un jacobin exalté, fabricant de savon et surtout administrateur du département, qui pendant les premiers mois de 1793 s’est dressé contre la cause des sections modérées. Lorsque les sections arrivent au pouvoir, et sur la base des excès qu’il a commis à Sénas, ses adversaires politiques l’assignent à comparaître devant le tribunal populaire. Barthélémy cherche à se soustraire à la justice du tribunal populaire, objectant qu’en sa qualité d’administrateur du département, il ne peut reconnaître sa compétence, puisque ses membres ont été mis hors la loi par décret. Les juges répondent que, si Barthélémy ne comparait pas, il sera jugé par contumace. Ils lui font à nouveau une injonction à comparaître pour faire valoir ses moyens de défense et ses exceptions et lui désignent Emérigon comme défenseur. Ce dernier conseille à l’accusé de se plier à l’injonction du tribunal et de s’excuser de ses écarts de langage, afin d’obtenir l’indulgence des juges. Mais, sa morgue hautaine et obstinée à l’audience irrite les juges. Il refuse d’en appeler à leur clémence et préfère solliciter une intervention de l’administration départementale. Celle-ci, désormais acquise aux modérés, ne bouge pas. Le 30 juin, la lettre de Barthélémy est lue en ouverture des débats. Voir P. A. ROBERT, op. cit., pp. 139-146.
991 Ibid., p. 142.
992 Ibid, p. 144.
993 Ibid., p. 140 : “il avait défendu publiquement Paris (...) et le parti maratiste, appelé par lui le bon parti (ajoutant que) les présidents des sections seraient bientôt proscrits ”.
994 Ibid., pp. 140-141 : une lettre prédisant que les sections seraient massacrées et “ qu’on leur f... des coups de fusil comme sur les loups et (...) les sabres mangeraient assurément en ce temps-là plus de viande que de pain ”.
995 Ibid., p. 145.
996 Ibid., p. 233. Il s’agissait pour la plupart d’anciens avocats ou de récents avoués, dont “ certains, comme Emerigon, furent [par la suite] élus comme juges populaires ”.
997 Rien n’était fait pour encourager des vocations de défenseur : “La pénurie des hommes du peuple se justifie plus sûrement au travers des attitudes adoptées par les magistrats et les accusés eux-mêmes. Le mécanisme de la désignation d’office, d’utilisation fréquente apparaît, lors de cette période, comme une entrave à la venue des citoyens devant les tribunaux de district. Les juges criminels profitent en effet de cette procédure pour s’efforcer de maintenir la tradition ; ils réservent cette faveur [de la défense] (...) aux hommes de loi ”, Voir N. DERASSE, op. cit., p. 104. Dans sa note n° 410, l’auteur de cette étude de relève que de très rares exceptions à la pratique généralisée de la désignation d’office : “ le montpellierain Fabre et le douaisien Berlemons ont été spontanément nommés par leurs clients respectifs... ”.
998 Ibid., p. 104.
999 DUVERGIER, Collection complète des lois, décrets, ordonnances op. cit., tome 2, p. 184.
1000 J. P. ROYER, op. cit., p. 324.
1001 Alfred SEGOND, Histoire des lois et règlements professionnels, op. cit., p. 43.
1002 Ibid.
1003 N. DERASSE note que “ la représentation des parties paraît toutefois s’ériger au sein même du décret des 29 janvier-20 mars 1791, comme un privilège, pour ne pas dire un monopole, réservé aux avoués ”, N. DERASSE, op. cit., p. 114.
1004 DUVERGIER, Collection complète des lois, décrets, ordonnances..., op. cit., tome 2, p. 243.
1005 Ibid, tome II, p. 184.
1006 J.-L. HALPERIN, Droit de la défense et droits des défenseurs de 1789 à 1814, op. cit., p. 58.
1007 N. DERASSE, op. cit., p. 116.
1008 Voir Albert MATHIEZ, Girondins et Montagnards, Paris, éd. De la Passion, 1988.
1009 A. P, Tome LII, Séance du 24 octobre 1792, p. 657.
1010 Ibid. : “ Citoyens, je vais vous lire un procès-verbal qui constante tous ces faits : il a été rédigé ce matin au nom du bataillon de Marseille ”.
1011 Ibid.
1012 Ibid. : “ ...pousser à des excès ou à des égarements des volontaires faibles et peu éclairés... ”.
1013 Ibid. : “ ...qu’il semblait vouloir acheter notre confiance et notre amitié qu’il disait avoir méritées par la défense qu’il avait prise des Marseillais en tout temps... ”.
1014 Ibid.
1015 A. P., Tome LUI, Séance du 30 octobre 1792, p. 79.
1016 Ibid.
1017 Ibid.
1018 Ibid., p. 80 : “ ...ils ont dit : Nous avons fait la Révolution du 10. O vous qui combattîtes au Carrousel, Parisiens, Fédérés des départements, gendarmes nationaux, dites, ces hommes étaient-ils avec vous ? Marat m’écrivait le 9 août de le conduire à Marseille ; Panis et Robespierre faisaient de petites cabales ; aucun d’eux n’était chez Roland lorsqu’on y traçait le plan de défense du Midi qui devait reporter la liberté dans le Nord, si le Nord eût succombé ; aucun d’eux n’était à Charenton, où fut arrêtée la conjuration contre la Cour qui devait s’exécuter le 29 juillet et qui n’eut lieu que le 10 août. C’est pourtant avec ces mensongères paroles : Nous avons fait la Révolution du 10, qu’ils espèrent faire oublier, et les assassinats du 2 septembre et leurs projets de dictature et les spoliations qu’ils ont exercées... ”
1019 Ibid. : “ Les oublier ? Non, je ne ferai pas cette injure au peuple français dont ils ont terni la Révolution ”.
1020 Ibid. : “ ...et les assassinats du 2 septembre et leurs projets de dictature et les spoliations qu’ils ont exercées... ”.
1021 Ibid.
1022 Ibid. : “ Robespierre déserte une place dans laquelle il pouvait servir le peuple, pour se livrer, disait-il, à sa défense, et tous les systèmes qu’il adoptent compromettent le peuple (...) Avant le 10 août, il nous fait appeler chez lui, Rebecqui et moi ; il ne nous parle que de la nécessité de se rallier à un homme jouissant d’une grande popularité, et Panis, en sortant, nous désigne Robespierre pour dictateur... ”.
1023 Ibid.
1024 A. P., Tome LVI, Séance du 2 janvier 1793, p. 183 et suiv.
1025 Ibid., p. 183.
1026 Ibid. : ces voix demeurent anonymes, cependant.
1027 Ibid., p. 184 : “ Je pose encore en fait que le comité de sûreté générale n'a tenu encore aucun registre des mandats d'arrêt contre les citoyens, d'une manière propre à prouver que les citoyens ont été détenus pendant deux mois, trois mois, quatre mois, et quelquefois davantage, sans que les membres détenus en aient eu connaissance, parce que ces mandats avaient été décernés par cinq ou six membres et ils étaient les seuls qui connussent les faits ”.
1028 Ibid. : “ Je citerai cinq à six mandats d'amener signés MARAT, l'ami du peuple (...) Telle a toujours été la marche du comité, que les mandats décernés par Marat et signés : MARAT, l'ami du peuple, en ont été soustraits ”.
1029 Ibid. : “ Je déclare que ces faits peuvent être certifiés par une foule de témoins, actuellement présents dans la Convention nationale, qui ont vu les mandats, lesquels n'existent plus. La vérification en a été faite ”.
1030 Ibid. : “ Il s’y est mis lui-même ”, répond Barbaroux à Tallien qui fait remarquer que “ Marat n’a jamais été du comité de surveillance ”.
1031 A. P., Tome LXII, Séance du 13 avril 1793, p. 50 et 69.
1032 Ibid., p. 50.
1033 Ibid. : et il ajoute même qu’elles “ étaient distribuées l’année dernière à la porte de cette enceinte par des valets portant les livrées du roi... ”.
1034 Ibid.
1035 Ibid. : et Baille d’ajouter : “ Il est temps que le rapport se fasse pour savoir enfin quels sont ceux qui ont voulu dissoudre la Convention nationale. Je viens à Marat ”.
1036 Ibid.
1037 Albert SOBOUL, op. cit., p. 505. “ Cette chute, coup d’Etat parlementaire, était l’aboutissement inéluctable de la politique girondine de guerre à outrance qu’il était impossible de conduire dans le contexte des soulèvements royalistes de l’Ouest et de la pénurie alimentaire des villes, sans renoncer aux dogmes du libéralisme strict ”.
1038 A. P., Tome LXV, Séance du 1er juin 1793, p. 688 : “ Les 48 sections du peuple de Paris, les corps constitués, le peuple de Paris, sont venus vous demander le décret d’accusation contre le comité des Douze, contre les correspondants avec Dumouriez, contre les hommes qui appellent les habitants des départements sur les habitants de Paris, ocntre ceux qui veulent faire éclater la guerre civile dans toute l’étendue de la République, contre ceux qui calomnient sans cesse la ville qui a conquis la liberté le 14 juillet, le 10 août, et qui la conquerra une troisième fois contre ceux enfin qui ont annoncé publiquement que bientôt on chercherait sur laquelle des deux rives de la Seine Paris existait. Le peuple de Paris indigné de toutes les manœuvres qu’emploient les traîtres pour perdre la République et pour fédéraliser les départements a voulu mettre un frein aux menées sourdes de nos ennemis. Il a voulu détruire la division que l’on fait naître parmi les hommes qui veulent la République une et indivisible (...) Nous demandons le décret d’accusation contre Gensonné, Guadet, Brissot, Gorsas, Pétion, Vergniaud, Salle, Barbaroux. Chambon, Buzot, Birotteau, Ducos, Isnard, Lanjuinais, Lidon, Rabaut, Lasource, Louvet, Fonfrède, Lanthenas, Dusaulx, Fauchet, Grangeneuve, Lehardy et Lesage. Représentants qui siégez à la Montagne, vous qui avez toujours défendu le peuple, nous attendons qui vous sauviez la patrie ; vous ne pouvez la sauver qu’en mettant en état d’accusation les hommes que nous vous dénonçons ; si vous ne pouvez sauver la patrie, annoncez-nous le, nous sommes debout, nous la sauverons comme nous l’avons déjà sauvée deux fois ”
1039 A. P., Tome LXV, Séance du 2 juin 1793, p. 690.
1040 Ibid. : il évoque aussi l’appui de Marseille et du département des Bouches-du-Rhône : “ Comment puis-je croire que je serais suspect, quand je reçois de mon département et de trente autres, et de plus de cent sociétés populaires, des témoignages de confiance, des témoignages consolateurs de l’amertume dont je suis abreuvé chaque jour ici ! ”.
1041 Ibid. : il est applaudi, pour la toute dernière fois.
1042 A. P., Tome LXVI, Séance du 17 juin 1793, p. 653.
1043 A. P., Tome LXVII, Séance du 25 juin 1793, p. 461.
1044 Albert SOBOUL, op. cit., p. 74, v° “ BARBAROUX ”.
1045 A. P., Tome LXVIII, Séance du 14 juillet 1793, pp. 715-716 : “Les conjurés de Caen entretenaient une correspondance criminelle avec leurs complices, vos collègues qui siègent encore ici [ il désigne le côté droit] et le jour où Charlotte Corday, qui a assassiné notre collègue est arrivée à Paris ; ce jour-même Lauze-Déperret (du département des Bouches-du-Rhône) a reçu un courrier extraordinaire de Caen et cette femme était le courrier. Deperret a aussitôt communiqué cette nouvelle à plusieurs de ses collègues siégeant là f il désigne toujours le côté droit] et (...) Les intrigants, les complices de toutes ces conspirations existent encore dans le sein de la Convention (...) On a bien vu que (...) la majorité des Parisiens ne pouvait croire à la pureté des sentiments de M. Barbaroux, de M. Buzot et de leurs complices. Alors, il fallait prendre quelque autre moyen d’exciter un mouvement. Aussi la faction débute par l’assassinat de Marat. Hier, des journalistes l’annonçaient ; hier, pendant toute la séance, on remarquait de ce côté [il indique le côté droit] des ris et des chuchotements qui indiquent que ce complot était connu... ”.
1046 Ibid., p. 715.
1047 A. P., Tome LXIX, Séance du 19 juillet 1793, p. 207.
1048 Ibid.
1049 A. P., Tome LXIX, Séance du 28 juillet 1793, p. 631.
1050 R. BUSQUET, op. cit., p. 308.
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