Introduction au titre II
p. 131-132
Texte intégral
1La voix des avocats s’est largement fait entendre dans la sphère de l’opinion publique, tant locale que nationale, sous le règne de Louis XVI. Il n’est alors guère surprenant que les avocats peuplent en très grand nombre les gradins de l’assemblée des Etats Généraux, devenue sous l’impulsion du Tiers Etat, l’Assemblée nationale constituante. Pas moins de 213 députés sont issus du Barreau et tous contribuent à bouleverser à la fois l’ensemble du système judiciaire et l’économie de la profession d’avocat476. Si l’assertion de Pierre Ayrault, juriste de la Renaissance, selon laquelle, “ la défense est de droit naturel,”477, rencontrerait peu de contradicteurs à l’époque révolutionnaire, la Déclaration des Droits de l’Homme reste singulièrement silencieuse sur ce point. Les constituants n’en ont pas moins consacré le principe de la nécessité d’un conseil par l’article 10 du décret des 8 octobre-3 novembre 1789, reprenant le vœu émis par les plus réformateurs des publicistes des Lumières, largement présent dans les cahiers de doléances des trois ordres478. Etait-ce l’annonce de la suppression programmée des barreaux au nom du principe de la liberté de la défense ?
2A Marseille, les avocats jouent un rôle majeur dans les tous premiers temps du processus révolutionnaire, grâce à leurs qualités de juriste et à leur ralliement presque unanime aux idées des Lumières. Les membres du barreau marseillais comptent parmi les promoteurs les plus assidus de la Révolution, s’engageant non seulement dans les principaux débats institutionnels, mais aussi dans l’action politique qui les propulse de la cité à la Nation (Chapitre I). Toutefois la dualité traditionnelle de l’avocat ressort brisée du moment révolutionnaire : sa dimension professionnelle est anéantie par la suppression, à l’échelle nationale, de toute structure collective et du titre en lui-même, en application de la logique révolutionnaire, dite de la “ table rase ” (Chapitre II). Paradoxale Révolution qui consacre la prédestination des avocats à l’action politique, tout en mettant un terme brutal à la spécificité séculaire de leur profession.
Notes de bas de page
476 Edna LEMAY, La composition de l’assemblée nationale constituante : les hommes de la continuité, R.H.M.C., 1977, pp. 341-363. Voir aussi la très belle synthèse de Jean-Louis GAZZANIGA, Les avocats pendant la période révolutionnaire, Une autre Justice, Paris, Fayard, 1989, pp. 363-380.
477 Pierre AYRAULT, L’Ordre, Formalité & Instruction judiciaire (1588), Paris, Michel Sonnius, 1598, p. 496.
478 Sur la portée de cet article reconnaissant désormais à tout accusé décrété de prise de corps “ le droit de se choisir (ou d’obtenir d’office) un ou plusieurs conseils ”, voir Nicolas DERASSE, La défense dans le procès criminel sous la Révolution et le Premier Empire (1789-1810), Thèse Droit, Lilies II, 1998, pp. 53-57.
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