Régimes de communauté versus régime dotal : regard historique
p. 23-49
Texte intégral
1« En 1965, le régime dotal ne disparut que parce que l’évolution du régime de communauté le rendait définitivement inutile ; confié à la nostalgie, il s’effaça parce que certains de ses principes vivifiaient la communauté des temps nouveaux » comme pour compenser « une transaction léonine entre les pays du chêne et les terres de l’olivier ». Telle est la conclusion du Recteur Bernard Beignier dans son magistral article « Le chêne et l’olivier » publié dans les écrits en hommage à Jean Foyer en 19971.
2Comme le relevait souvent le professeur Jean Bart, si l’épithète intermédiaire avait souvent été employé pour qualifier le droit pendant la période révolutionnaire et jusqu’à la promulgation du Code civil et si le mariage avait définitivement été sécularisé et le divorce instauré en 1792, ni la Constituante, ni la Législative n’ont abordé de front la délicate de question de l’unification du droit des régimes matrimoniaux. Elle était sans doute moins urgente que d’autres. Elle était certainement aussi plus difficile à résoudre dans la mesure où :
« à la veille de la Révolution, s’il est un domaine où la mosaïque juridique de l’ancienne France offrait les contrastes les plus saisissants c’était bien en matière de droit de la famille. Plus particulièrement le droit des régimes matrimoniaux s’établissait sur des fondements radicalement différents au Nord et dans le Midi »2.
3Merlin de Douai, reprenant une image de Voltaire, lorsqu’il avait été pour la première fois question d’unifier la matière sous la Constituante « prit pour cible la question des rapports pécuniaires entre époux : il prétendit qu’en France on changeait de régime matrimonial en changeant de chevaux de poste »3. Ainsi trouve-t-on, de manière générale, dans le Royaume de France, le régime de communauté de biens dans les régions septentrionales et le régime dotal en Aquitaine, en Languedoc et en Provence – sans oublier l’original régime matrimonial Normand –4. Malgré le pluralisme du droit des régimes matrimoniaux, on ne décelait pas chez les jurisconsultes du xviiie siècle un désir d’unification de cette branche du droit privé5, même si l’on pouvait parfois relever des traits généraux ou communs aux pays de droit coutumier et aux pays de droit écrit, comme par exemple l’unité de direction du ménage qui revenait « naturellement » au mari6. D’ailleurs, Joseph-Jérôme Siméon, avocat au Parlement d’Aix devenu tribun, reconnaissait dans un discours prononcé devant le Corps législatif le 10 février 1804 qu’en matière de droit des régimes matrimoniaux « si l’uniformité plaît à l’esprit, la condescendance pour les mœurs et les usages satisfait les cœurs »7.
4Si la question du droit des régimes matrimoniaux est évidemment abordée à travers les différents projets d’unification du droit civil qui vont jalonner la dernière décennie du xviiie siècle, aucune réforme fondamentale n’est à signaler en la matière. Le grand saut a été opéré par le Code civil de 1804. Tout en maintenant le principe de la liberté des conventions matrimoniales dans son article 1387, corolaire nécessaire de la liberté du mariage comme l’affirmait Siméon par exemple, et en offrant un catalogue de régimes conventionnels pouvant être adoptés par les époux, le Code retient plusieurs éléments déterminants pour l’avenir de la matière.
5D’abord, toute référence au pluralisme juridique de l’ancien droit est prohibée en la matière par l’article 1390 du Code civil8. Comme le reconnaissait Duranton, rien n’interdit aux époux dans le contrat de mariage de se référer à des mécanismes juridiques des anciens pays de coutumes et des anciens pays de droit écrit dans la mesure où cette référence n’est pas générale. La proposition du consul Cambacérès consistant pour les époux, en matière de relations patrimoniales, à pouvoir se référer à l’ancien droit a été purement et simplement rejetée par Berlier. En pareille situation, « le but du Code civil serait totalement manqué » conclut ce dernier.
6Ensuite, le Code civil faisait le choix déterminant de soumettre les époux qui ne s’étaient pas prononcés dans un contrat de mariage à un régime légal à savoir une série de règles applicables aux rapports patrimoniaux dans le silence des époux. Situation juridique à laquelle les habitants des pays de coutumes et des pays de droit écrit étaient habitués. Pothier, dans son Traité de la communauté, expliquait très bien qu’à défaut de contrat de mariage, les époux étaient soumis au droit applicable dans le lieu de leur domicile et s’il n’était pas du même lieu et donc pas soumis au même droit, les règles relatives aux relations pécuniaires entre époux applicables étaient celle du domicile du mari car l’épouse doit suivre le domicile de son mari. La détermination du droit applicable aux rapports pécuniaires entre époux lorsque ceux-ci n’ont pas exprimé leur volonté ou lorsqu’ils ne l’ont fait que partiellement renvoie à l’idée actuelle d’un régime légal. Dans les régions du Nord de la France, ces règles étaient prévues par les coutumes rédigées. Dans les régions méridionales, dès la célébration du mariage, des règles héritées du droit romain interprétées par les juristes d’Ancien Régime et reçues par la jurisprudence des Parlements du midi s’appliquaient à tous les époux qui se mariaient sans faire de contrat de mariage.
7Enfin, le choix des codificateurs s’est porté sur un régime légal de communauté de meubles et d’acquêts conformément aux principes établis par la Coutume de Paris. Sur ce point précis, l’affrontement entre les juristes des pays de droit écrit partisans du régime dotal hérité du modèle romain et les juristes des pays de coutumes partisans du régime de communauté a été réel. De manière excessive, le Tribunal d’Appel de Montpellier, dans ses observations, ne voyait dans le choix de ce régime légal de communauté
« qu’une pomme de discorde que le Nord de la France veut jeter sur le midi : fruit que la barbarie des francs avait cueilli, sans doute, dans les forêts de Germanie, et qu’elle apportait dans les Gaules, au milieu du tumulte de la victoire et de la licence des camps ».
8Et le Tribunal d’Appel de Montpellier avait fait flèche de tout bois empruntant même à Montesquieu sa célèbre théorie des climats pour expliquer en quoi la communauté était inadaptée aux pays méridionaux9.
9Très vite, la voie de la transaction, du compromis ou des concessions a été impraticable, du moins relativement à l’adoption du contenu du régime légal. La construction d’un régime légal puisant le meilleur des deux régimes aussi. À l’instar de l’opinion de Cambacérès, reprenant un lieu commun de l’ancien droit rappelé par Pothier dès la première ligne de son Traité de la communauté, la communauté a été désignée comme étant le système le plus approprié à la nature de l’union conjugale. Certes le régime dotal a été maintenu dans le Code civil de 1804 à côté du régime communautaire qui devenait tout à la fois le régime des époux qui ne s’étaient pas prononcés par contrat mais également, en vertu du sacro-saint principe de la liberté des conventions matrimoniales, un régime conventionnellement aménageable.
10Malgré ce choix, l’article 1391 du Code civil pouvait donner le sentiment que, comme l’affirmait Duveyrier :
« la communauté et le régime dotal se partagent en paix l’empire matrimonial de la France, n’ayant plus d’autre titre à la domination exclusive que la volonté des époux eux-mêmes, qui, quelque soit leur choix, trouvent dans la loi nouvelle un guide sûr et fidèle des conventions matrimoniales qu’ils veulent adopter, sans la dépendance de l’une et l’autre législation »10.
11Les articles 1540 et suivant du Code civil renforçaient cette impression et apparaissent comme étant le pendant des articles consacrés au fonctionnement du régime de la communauté de biens. Point n’est besoin ici de rappeler d’une part, qu’il s’agissait en réalité d’une dissymétrie entre les deux régimes et d’autre part, que dans la mesure où le régime dotal dépendait de la volonté des époux, celui-ci a fait l’objet d’un incontestable désamour même dans les régions qui pourtant lui étaient restées très attaché jusqu’à la promulgation du Code civil. La quasi-disparition du régime dotal dans les actes de la pratique notariale au milieu du xxe siècle a d’ailleurs entraîné sa suppression du Code civil en 1965.
12Le regard historique que nous entendons porter dans cette étude sur le droit des régimes matrimoniaux a été fait au travers du prisme du régime dotal tel qu’il s’était façonné dans les pays de droit écrit au xviiie siècle. De plus, l’article du professeur Beignier, « Le chêne et l’olivier », a été notre inspirateur et notre guide pour tenter de découvrir par-delà les jeux d’ombres et de lumière les milles sinuosités du droit des régimes matrimoniaux et tenter de montrer que très souvent la combinaison de plusieurs moyens juridiques permettent de parvenir à un même objectif économique et social d’organisation de la famille.
13L’olivier, comme le rappelle l’inspirateur de Jean de la Fontaine Esope dans une fable célèbre, a pour caractéristique principale de vouloir résister aux circonstances et aux puissants. Face au chêne, il a remporté une victoire à la Pyrrhus (I). Mais c’était sans compter sur la longévité de cet arbre légendaire, longévité qui aux dires des experts peut dépasser celle du chêne et fait de cet arbre le symbole de l’immortalité et de l’espérance. Après la victoire à la Pyrrhus du régime dotal en 1804, c’est bien une défaite avec les honneurs (II) de ce même régime qui a caractérisé les principales modifications résultant de la loi de 1965.
I. Une victoire à la Pyrrhus
14Si le régime dotal a été maintenu dans le Code civil, les pertes subies ne sont pas simplement celles bien connues dues à la reconnaissance du régime légal de communauté de meubles et d’acquêts. En effet, les codificateurs de 1804, tout en maintenant les mécanismes essentiels du régime dotal dans les articles 1540 et suivant du Code civil ont purement et simplement oublié les faveurs accordées au régime dotal telles qu’elles se présentaient aux xviiie siècle en pays de droit écrit, à savoir l’obligation de doter et la mutabilité du régime matrimonial.
A. La disparition de l’obligation de doter
15On considérait à Rome que les pères qui possédaient une fortune avaient l’obligation morale de doter leurs filles, et l’on voyait dans cette obligation le prolongement de l’obligation alimentaire1. Cette obligation devient sous Auguste par la Lex Iulia une obligation civile, alors qu’elle accède au rang d’obligation morale pour la mère sous le règne de Dioclétien mais dans des cas mal définis2, obligation morale qui a sans doute été hissée par le droit byzantin au rang d’obligation naturelle3. Pour contraindre les pères réticents à doter leurs filles, les consuls intervenaient parfois officieusement (extra ordinem). Cette intervention des magistrats reconnue sous Auguste par la Lex Iulia a été réglementée aux alentours des années 200 par Septime Sévère et Caracalla4.
16Pour Jean Domat au xviie siècle et conformément au droit romain « la fille qui se marie, doit être dotée par son père s’il est vivant. Car le devoir du père de pourvoir à la nourriture de ses enfants, renferme celui de doter sa fille »5. Toutefois, si en pays de droit écrit le père et, à défaut, la mère étaient tenus de doter et de redoter leur fille conformément à la tradition romaine et que l’obligation de doter apparaissait comme une obligation civile qui pouvait donner lieu à une action en justice de la part de la future épouse6, en revanche en pays de coutumes, elle se classait dans la catégorie des obligations naturelles. « Quoiqu’on regarde, en pays coutumiers, la dot comme une dette naturelle des pères et des mères, pour l’avocat au Parlement de Paris Laforest, les enfans n’y ont pas d’action pour se faire doter »7. En effet, la règle en pays de coutumes est conforme à la maxime Ne dote qui ne veut8. De même, en droit des régimes matrimoniaux normand, la Coutume permettait au père et à la mère de ne rien constituer en dot à leurs filles9, la « sècheresse de la Coutume » s’expliquant d’ailleurs par la présomption de générosité paternelle10.
17La raison donnée par les jurisconsultes des pays de droit écrit pour justifier cette obligation civile est que le père est obligé de soutenir les charges du ménage et qu’une de ces charges est de pourvoir à l’établissement de ses enfants11. En se mariant, le père s’est engagé à nourrir et à élever ses enfants et l’obligation de doter la fille qui entend se marier est comprise dans cette obligation12. C’est l’idée exposée dans le répertoire Guyot par l’avocat au Parlement de Paris Laforest : « L’obligation de doter paroît être une conséquence de celle que la nature impose aux pères et aux mères de nourrir leurs enfants et de pourvoir à leur subsistance »13.
18Si le droit révolutionnaire n’a pas réussi à unifier le droit entre un régime dotal romanisant applicable dans les pays de droit écrit et consacrant une obligation civile de doter à la charge des parents et un régime communautaire applicable en pays de coutumes affirmant l’existence d’une obligation naturelle de doter à la charge des parents, les rédacteurs du Code civil ont eu la lourde tâche de trancher le débat. Pour Maleville, le choix qui s’est présenté aux rédacteurs du Code civil entre le système des pays coutumiers – Ne dote qui ne veut - et celui des pays de droit écrit - Ne marie qui ne dote – a été « le premier combat en règle, entre le droit romain et le droit coutumier »14. En effet, au regard des débats du Code civil, la discussion relative à l’article 204 du Code civil a été âpre entre les partisans d’une obligation de doter imposée par la loi aux parents (comme Maleville, Cambacérès ou encore le Premier Consul), Maleville en appelant à l’autorité du droit romain, à Domat ou encore à Montesquieu, et ceux favorables au système hérité des pays coutumiers laissant les parents maîtres d’établir ou non leurs enfants. Si pour le Premier Consul Bonaparte l’obligation alimentaire du père envers ses enfants « va jusqu’à marier sa fille »15, pour le rédacteur Boulay une telle obligation imposée aux pères « conduirait à renverser tout le système de la puissance paternelle »16. D’une manière générale, les rédacteurs se sont déterminés en faveur du droit coutumier selon Tronchet, d’une part, car ils le considéraient plus conforme aux habitudes françaises, d’autre part, en retenant l’idée que la dureté des pères envers leurs enfants était un cas rare « et, en quelque sorte, une exception à l’ordre naturel des choses »17 et, enfin, en estimant que le maintien du secret des familles ne pouvait être qu’un argument favorable à l’adoption d’un article 204 qui dispose : « L’enfant n’a point d’action contre ses père et mère pour un établissement par mariage ou autrement »18. La formulation de cet article montre bien que le législateur de 1804, en ne reconnaissant aucune action à l’enfant, a explicitement rejeté l’obligation civile du droit romain appliquée avec une certaine rigueur dans les anciens pays de droit écrit.
19Toute action en vue de l’établissement par mariage étant impossible pour les enfants, restait alors pour maintenir le caractère particulier de la constitution de dot faite par les parents, sans la confondre avec une simple donation, l’idée exprimée par les jurisconsultes du xviiie siècle, et par Pothier en particulier, idée en vigueur dans les pays coutumiers en vertu de laquelle elle était l’exécution d’une obligation naturelle. Pour l’orateur Boutteville dans sa présentation du 17 mars 1803, la victoire de la conception des pays de coutumes, ne pourra avoir pour conséquence en pays de droit écrit, où l’obligation de doter était « légale », que les pères :
« continueront à y faire, par respect pour l’ancienne loi et par devoir, ce que les pères font chez nous, en n’obéissant qu’à la voix de la nature, au sentiment paternel ; et rien de part et d’autre ne sera changé »19.
20Il n’avait alors pas fait preuve d’une grande clairvoyance. Maleville, moins confiant, s’en remettait dès 1805 à la sagesse du juge pour rectifier les inconvénients résultant de l’article 204 du Code civil :
« Si un père avare refuse d’établir ses filles quand il le peut, et les expose ainsi à se livrer à la débauche, le magistrat ne doit-il pas le forcer à remplir ses devoirs, comme il l’oblige à donner des aliments à ses enfants »20.
21Plus encore, restant attaché aux usages des anciens pays de droit écrit, Maleville en appelait au bon sens des parents :
« Et puisque la sagesse du législateur a voulu ménager les habitudes de chacun, et nous laisser le choix, je conseille bien à mes compatriotes de marier leurs enfans suivant le régime dotal, et de se borner à la société d’acquêts »21.
22Des fondements hérités du xviiie siècle et de la combinaison des articles 204 et 1235 alinéa 2, la doctrine civiliste et la jurisprudence ont fait leur miel et ont été amenées à reconnaître l’existence d’une obligation naturelle de doter, rétablissant pour un temps et pour partie en fait, sinon en droit, la faveur accordée au régime dotal dans les anciens pays de droit écrit22. Quoiqu’il en soit, la disparition de l’obligation de doter a affaibli le régime dotal malgré le maintien conventionnel de ce régime dans le Code civil. L’autre faveur accordée au régime dotal dans les pays de droit écrit et remis en cause par le Code civil touche aux possibilités de modifier le régime matrimonial durant le mariage.
B. La remise en cause de la mutabilité des conventions matrimoniales
23Le principe de l’immutabilité des conventions matrimoniales résultant des articles 1394 et 1395 du Code civil a été formulé de manière catégorique et insusceptible d’interprétation. Les rédacteurs ont même pris la peine d’ajouter un article 1543 précisant : « La dot ne peut être constituée ni augmentée durant le mariage », contre l’avis du Consul Cambacérès, qui était favorable à ce que l’on autorise les augmentations de dot faites en biens immeubles, ce qui aurait permis à un père dont le patrimoine s’est accru, au cours de sa vie, de maintenir une égalité entre les filles dotées avant l’augmentation de sa fortune et celles dotées après23. Le contrat de mariage, parce qu’il était la « loy des familles », ne pouvait être modifié, pas plus que le régime légal d’ailleurs si les époux n’étaient pas passés devant un notaire antérieurement à la célébration du mariage. L’intérêt des époux, du fait de la méfiance à l’égard de l’ascendant que pourrait prendre un époux sur l’autre durant le mariage, et l’intérêt des tiers qui risquaient de se voir opposer un changement de régime, justifiaient à eux seuls une telle position. Il a fallu attendre que les rédacteurs de la loi de 1965 assouplissent une première fois ce principe, sensibles sans doute aux critiques formulées à son encontre au xxe siècle. La loi du 23 juin 2006 a fait une avancée supplémentaire en la matière.
24La mutabilité des conventions matrimoniales n’était pourtant pas étrangère dans les pays de droit écrit à la fin de l’Ancien Régime. La question relative au changement de régime matrimonial après la célébration du mariage préoccupait les juristes de l’ancien droit qui affirmaient l’immutabilité. Pour Claude-Joseph de Ferrière le contrat de mariage était « inviolable après que le mariage a été célébré sous la foi et sous l’assurance d’icelui ; et il n’est pas au pouvoir des conjoints, même de leur mutuel consentement, d’en changer la moindre clause »24. De même Roussilhe dans son Traité de la Dot reconnaissait que les contrats de mariage devaient se faire et être signés avant la bénédiction nuptiale parce que celle-ci « met un sceau à toutes les conventions, comme le fait le moment de la mort à l’égard des successions »25. Cependant, le principe de l’immutabilité des conventions matrimoniales formulé par le Parlement de Paris le 19 mai 1589 dans un arrêt rendu en robes rouges, dit arrêt Le Coignieux, n’a jamais été d’une application générale dans tout le Royaume.
25Ainsi, l’immutabilité des conventions matrimoniales a toujours gardé dans le Midi un sens très restreint26, la dot pouvant toujours être, conformément aux règles romaines, constituée ou augmentée durant le mariage. Cette possibilité offerte aux époux est un signe évident de la favor dotis. À l’inverse, tout acte tendant à diminuer la dot était déclaré nul. Les Parlements des pays de droit écrit n’ont jamais formulé la règle de l’immutabilité des conventions matrimoniales et, bien au contraire, sont restés attachés au principe romain selon lequel « les dots peuvent être augmentées et constituées pendant le mariage »27. De plus, s’il est « hors de doute que la dot peut être constituée pendant le mariage »28 comme le rappellent tous les juristes provençaux, seuls les illettrés ne semblent pas pouvoir jouir de la possibilité de faire un contrat authentique, basé sur des négociations privées, postérieurement à la célébration du mariage :
« parce qu’ils ne peuvent pas dire qu’ils ont signé des accords privés avant les épousailles […] mais quand les parties ont pu se lier par écrit, il est indifférent qu’on fasse rédiger plutôt ou plutard les conventions privées en contrat public ; leur date et leur hypothèque ne remontent pas moins au jour des épousailles »29.
26Dans la pratique, la question de la constitution de dot dans un contrat de mariage après la célébration de celui-ci s’efface devant celle de l’augmentation de la dot au cours du mariage. D’une part, les contrats de mariage passés longtemps après la célébration sont rares et ceux passés peu de temps après ne donnent aucun indice d’un changement pur et simple de régime. D’autre part, lorsque les dots sont constituées durant le mariage, on s’aperçoit en réalité qu’un régime dotal était déjà en place mais que les évènements familiaux ont fait que la dot s’est accrue au cours du mariage et le contrat sert de reconnaissance écrite de dot et donne à l’épouse l’occasion de se constituer en dot l’universalité de ses biens30. Il ne s’agit donc pas d’un changement de régime matrimonial pur et simple mais, le plus souvent, d’une modification du régime initialement établi entre les époux. Dans un même temps, le Parlement de Provence, qui a appliqué avec rigueur le principe romain selon lequel la dot peut être constituée et augmentée durant le mariage, a développé une jurisprudence précisant que la dot ne pouvait pas être diminuée durante matrimonio car une pareille diminution aurait pour effet d’augmenter la contribution du mari aux charges du mariage31. Mais la question se posait en réalité sous une autre forme : on se demandait si les contre-lettres qui prévoyaient des clauses différentes de celles stipulées dans le contrat de mariage notarié étaient valables.
27Le sort des contre-lettres rejoint le droit commun des régimes matrimoniaux en Provence au xviiie siècle. En effet, la dot peut être augmentée par tout acte séparé qui tend à amplifier la contribution de l’épouse aux charges du mariage est valable dans la mesure où il contient une réelle numération et qu’il n’est pas fait en fraude des créanciers32. À l’inverse, toute contre-lettre tendant à diminuer la dot est nulle.
28Les faveurs accordées au régime dotal ne s’arrêtent pas là : la validité des contrats de mariage sous signature privée en est l’exemple le plus marquant. Pothier affirmait que :
« ces conventions doivent se faire par un acte qu’on appelle contrat de mariage. Cet acte doit être passé devant notaires. On rejette dans la plupart de nos provinces les contrats de mariage passés sous signature privée »33.
29La crainte des donations entre époux et la crainte des antidates en sont les principales raisons. Mais Pothier reconnaisait à juste titre que :
« il y a quelques provinces où les contrats de mariage passés sous signature privée, sont admis. La signature des parents des deux familles, qui se trouve au bas de ses actes, a paru devoir écarter tout soupçon d’antidate »34.
30La Provence, comme la Normandie, fait partie de ces provinces où les contrats de mariages qui ne sont pas passés devant un notaire sont valables et produisent les mêmes effets que l’acte authentique entre époux et à l’égard des tiers. Ces contrats de mariage sous signature privée portent le nom d’articles de mariage35. La doctrine et la jurisprudence s’accordent pour reconnaître la pleine validité d’un contrat de mariage sous-seing privé, lui attribuant les mêmes effets qu’un contrat de mariage notarié.
31L’avocat au Parlement de Provence Bonnemant remarque que :
« il est fort d’usage parmi nous de dresser avant le mariage des articles privés, pour régler les conventions des parties ; ils tiennent souvent lieu de contrat de mariage, ils ont le même privilège »36.
32Les sous-seings privés sont utilisés par les familles provençales et l’avocat Gassier en donne clairement la raison :
« il est bien vrai que des articles de mariage quoique privés et non contrôlés portent hypothèque ; mais c’est parce que des vrais articles ont pour ainsi dire la solennité d’un contrat, parce que d’une part c’est sous la foi de ces articles que le mariage se célèbre. D’autre part, les vrais articles de mariage présentent le concours de deux familles, la signature et la convocation de tous les parents. Ils forment par cette circonstance une espèce de titre public et de là vient qu’on leur accorde l’hypothèque »37.
33La raison invoquée pour justifier la validité et les effets juridiques de cet acte sous-seing privé à l’égard des tiers est que la cérémonie religieuse rend le mariage public « et dès lors chacun est averti que les parents de la femme ont du s’imposer des obligations pour la doter, n’étant pas à présumer que le mariage ait été constitué sans dot »38. Les articles de mariage dressés par les conjoints sous signature privée et en présence de leurs parents39 ont la même force que les contrats de mariage et « ils en tiennent lieu »40.
34Du jour de la célébration du mariage l’épouse a une hypothèque pour sa dot sur les biens de son mari41, la dot est inaliénable et les époux peuvent agir en justice pour faire exécuter ce contrat de mariage sous-seing privé et notamment obliger celui qui a promis la dot à la payer42.
35Au total, même si le régime dotal est maintenu dans le Code civil, il perd la plupart des faveurs qui faisaient son originalité et qui étaient des éléments essentiels de son fonctionnement. Paradoxalement, c’est en disparaissant totalement du Code civil en 1965 que l’esprit séparatiste qui lui était attaché a pu réapparaitre à travers son vainqueur communautaire.
I. Une défaite avec les honneurs
36La loi du 13 juillet 1965 a totalement fait disparaitre du Code civil le régime dotal. Les anciens pays de droit écrit après les lourdes pertes subies en 1804 en la matière et la désaffection progressive des populations pour le régime d’inspiration romaine tout au long des xixe et xxe siècles étaient obligés de capituler face au modèle communautaire véhiculé par les pays de coutumes. Toutefois, certaines vertus du régime dotal de la fin de l’Ancien Régime ont finalement réussi à exister à travers le régime communautaire qui prendra en 1965 une nouvelle physionomie.
A. Le renouveau d’un esprit séparatiste
37Paul Coste-Floret affirmait lors des débats à l’assemblée Nationale au mois de juin 1965 que :
« la philosophie de ce projet est mauvaise parce que sous une façade communautaire, il institue un régime séparatiste, alors que la communauté est profondément ancrée dans ce pays et que de toute manière, il vaut mieux appeler un régime par son nom »1.
38Ces propos faisaient écho à la diatribe entre Maleville et Tronchet au moment du choix de l’adoption d’un régime légal. « Si on la réduit (la communauté) aux conquêts ce serait le système du droit écrit qui formerait le droit commun » affirmait Tronchet2. En effet, Maleville défendait un régime de communauté légale réduite aux acquêts « qui se font pendant le mariage ». Le Bordelais, qui connaissait bien la pratique de la région qu’il représentait, tentait en réalité de concilier les avantages de la communauté et ceux de la séparation de biens, caractéristique principale du régime dotal au xviiie siècle en pays de droit écrit, par l’adjonction d’une société d’acquêts comme cela se pratiquait au xviiie siècle dans le Sud-Ouest. Toutefois, le modèle dotal romain avait pour conséquence un régime de séparation de biens.
39Dès le mois de juillet 1793, le Provençal Durand de Maillane, canoniste gallican, a défendu l’idée dans son projet de Code civil présenté sous la Convention que : « La loi ne prononce rien sur les intérêts respectifs des époux entre eux »3. Et l’auteur qui a bien connu l’ancien droit d’ajouter : « Il a donc fallu rendre tous les pays égaux, en abolissant à cet égard les coutumes de tous, sans néanmoins faire de tort à chacun… »4. Il oubliait simplement de dire que la séparation de biens était le régime applicable en l’absence de contrat de mariage.
40Si on consulte les débats du Code civil, le droit ancien est rappelé et la règle de la séparation de biens était clairement affirmée pour ce qui concerne les pays de droit écrit. Bigot de Préameneu, favorable au régime de communauté, demandait comment les intérêts de chaque époux étaient distingués, surtout dans les classes les moins aisées, comment ils étaient conciliés et aménagés lorsque les parties n’avaient pas fait de contrat, et s’il ne résultait pas de l’absence de contrat toute une série de difficultés. Maleville répondait que chacun des époux administrait ses biens pendant le mariage et les reprenait après. Les acquêts appartenaient entièrement au mari5. Le Provençal Siméon déclarait d’ailleurs à ce propos :
« Le principe qui veut qu’il n’y ait dans les contrats que ce que les parties y déclarent eût peut-être fait désirer que la communauté ne fût pas présumée de droit ; et que comme il n’y a pas de dot sans stipulation, il n’y eût pas de communauté sans convention. Bien que la communauté soit plus naturelle que le régime dotal, elle s’est compliquée de tant d’interventions civiles, de tant d’embarras inconnus dans les pays de droit écrit, qu’on devrait ce semble n’y être assujetti que par une volonté expresse »6.
41L’intervention de Portalis, reprenant pour partie une argumentation du tribunal d’Appel de Montpellier, montrait plus encore que la remise en question de l’opportunité de l’instauration d’un régime légal, son hostilité au régime de communauté. Sous couvert de « faux principe » destiné à choisir entre régime dotal et régime de communauté et de sauvegarde de la liberté absolue des époux, il souhaite qu’en l’absence de contrat de mariage les époux soient séparés de biens. Pour Portalis, contrairement à l’opinion qui l’a emporté, la communauté n’était pas de droit naturel. Au-delà, Portalis connaissait le droit applicable en pays de droit écrit et la réalité des choix opérés par les époux tout en ayant la parfaite maîtrise de la séparation de biens. En effet, le régime dotal tel qu’il se présentait au xviiie siècle était un régime fondamentalement séparatiste qui s’apparentait à l’actuel régime conventionnel de séparation pure et simple. En effet, le modèle dotal romain des pays de droit écrit amenait à une question essentielle : en cas d’absence de contrat de mariage les biens de l’épouse sont-ils considérés comme étant des biens dotaux ou des biens paraphernaux ? Les enjeux du choix étaient relatifs aux rapports pécuniaires entre époux et à la place de la femme mariée.
42Entre la présomption de dotalité et la présomption de paraphernalité en l’absence de contrat de mariage, le régime juridique adopté par les pays de droit écrit était le régime de séparation de biens. La présomption de paraphernalité avait pour conséquence que la liberté d’administration et de disposition de ses propres par l’épouse était la règle et l’établissement d’un régime dotal qui confiait l’administration au mari, l’exception.
43Force est de constater qu’en Provence à la fin de l’Ancien Régime, et comme l’affirmait de La Touloubre7, en l’absence de contrat de mariage ou dans le silence des parties sur le statut de certains biens de l’épouse, il fallait présumer que ces biens étaient restés paraphernaux à l’épouse. Ainsi, il était établi qu’en Provence le mari :
« n’a absolument aucun droit, sur les biens paraphernaux, c’est-à-dire, sur ceux qui ne sont pas entrés dans la constitution de la dot. Dans les païs coutumiers on ne connoit pas cette distinction. Tout y est réputé dotal à la femme »8.
44Il convient cependant de souligner que le terme employé en l’absence de contrat de mariage – paraphernaux – renvoie au régime dotal dans la mesure où ce qui est paraphernal est ce qui est en dehors de la dot et ce, même si aucune dot n’a été constituée. On constate l’attachement au vocabulaire romain et au régime dotal hérité du droit romain.
45Hors la convention des parties, la paraphernalité était la règle et la dotalité l’exception dans l’ancien droit provençal. Le point culminant de ce régime séparatiste est l’absence totale de contrat de mariage. Dans ce cas la femme conservait tous ses biens paraphernaux. En fait, si l’on conserve le vocabulaire romain pour désigner les biens en dehors de la dot - les paraphernaux - on s’aperçoit en réalité qu’on est face à un tout autre régime que le régime dotal puisqu’il il y une séparation franche entre les patrimoines des deux époux. Ces derniers se trouvent dans une situation proche, relativement à leurs biens, du concubinage actuel ou encore d’époux mariés sous le régime contractuel de la séparation de biens. Dès lors, le choix de ne pas faire de contrat – ou le choix d’une dotalité limitée dans une moindre mesure – traduit une volonté de garder les biens de l’épouse dans sa famille de sang et ainsi de conserver un contrôle total sur le patrimoine de la fille mariée et par-là même protéger les biens du lignage. L’étude des actes de la pratique prouve que ce régime était utilisé. Cette présomption de paraphernalité des biens de l’épouse non expressément constitués en dot connaît tout de même une exception, le cas du remariage de la veuve pour qui l’on présumait qu’elle apportait en dot pour soutenir les charges du mariage la même dot qu’à son premier mari.
46L’inconvénient de ce régime séparatiste est bien entendu relatif au sort du conjoint survivant car aucune masse commune ne se partage à la dissolution du mariage. Là encore, les populations s’accommodaient de cette séparation et avaient trouvé dans le testament le moyen juridique de pallier les faiblesses du régime en assurant une vie décente au survivant, notamment à la veuve. Ceci est évidemment complété par une stricte application du principe de l’inaliénabilité dotale. Ces régimes matrimoniaux sont adaptés aux besoins de leur temps et les populations provençales les utilisent dans un esprit séparatiste comme l’étude de l’administration des biens pendant le mariage le montre.
47Ainsi donc le régime dotal des pays de droit écrit avait le souci des propres, notamment ceux de l’épouse. Les techniques juridiques mises en œuvre permettaient de ne faire passer sous aucun prétexte des biens dont les époux n’avaient pas expressément déterminé le sort sous un autre statut juridique.
B. L’affirmation de l’indépendance de la femme mariée
48L’un des pivots de la réforme de 1965, qui a soulevé des réserves parmi les juristes, est que la femme mariée devenait libre d’administrer ses biens propres, seuls les fruits perçus et non consommés tombaient dans la communauté à titre d’acquêts. La loi de 1965 s’efforçait de concilier l’égalité des époux avec le maintien d’une certaine prépondérance du mari. Tel est exactement l’esprit qui animait le droit des régimes matrimoniaux des pays de droit écrit avant la rédaction du Code civil. La puissance maritale en pays droit écrit était une puissance maritale circonscrite.
49La conquête de la pleine capacité de la femme mariée, amorcée par la loi du 13 juillet 1907 qui reconnaissait à la femme mariée la libre disposition de son salaire9 et complétée par la loi du 18 février 1938 qui supprimait le devoir d’obéissance entre époux, n’a pu se faire totalement que par la réforme des régimes matrimoniaux entreprise par le garde des Sceaux Jean Foyer en 1965. La loi du 13 juillet 1965 adoptée à l’unanimité laisse au mari le titre de chef de la famille et s’il continue à administrer la communauté, la femme mariée peut seule gérer ses propres. La logique de l’égalité entre époux a été menée à son terme avec la loi du 23 décembre 1985. Elle supprimait toute prééminence de l’homme dans la famille, le mari n’est plus chef de la communauté : une gestion concurrente est mise en place sur les biens communs et chacun administre et aliène librement ses propres. La « revanche » des pays de droit écrit a été complète en 198510.
50En pays de droit écrit, la gestion séparatiste des biens reposait sur deux piliers. D’abord, une distinction entre les pouvoirs du mari sur la personne de son épouse et les pouvoirs du mari sur les biens de cette dernière11. Ensuite, sur l’interdiction faite à la femme mariée d’intercéder pour autrui, notamment en faveur de son mari qui, si elle apparaissait, a priori, comme une limite à la capacité de la femme mariée, s’avérait être, dans l’esprit des jurisconsultes provençaux, un garde-fou à la séparation de biens : le mari ne pouvait user de son ascendant pour obtenir du crédit grâce aux possessions de son épouse. Il s’agit de l’application stricte en Provence du Sénatus-consulte Velléien.
51Dès lors, la puissance maritale n’a jamais eu, en Provence, l’étendue qu’elle a eu en pays de coutumes ou dans d’autres pays de droit écrit, notamment ceux du ressort du Parlement de Paris. Si la puissance du mari sur la personne de sa femme revêtait une importance particulière, il ne fallait toutefois pas la confondre, en pays de droit écrit, avec celle relative à la gestion des biens par l’époux. En Provence, l’une et l’autre ne pouvaient être amalgamées : « Le mariage sans convention expresse ne donnoit aucun droit au mary sur les biens de la femme »12. Siméon, défendant les décisions prises par les rédacteurs du Code civil, rappelait devant le corps législatif le 10 février 1804 qu’en pays de droit écrit les pouvoirs que le mari avait sur les biens de son épouse ne pouvaient résulter que d’une volonté expresse trouvant son fondement dans la mise en place d’un régime dotal et aucunement dans la célébration du mariage comme cela était le cas en pays de coutumes13 :
« la puissance maritale civile, qui résultait dans les pays de droit écrit de l’administration des biens dotaux a reçu de meilleurs et plus solides fondemens elle est devenue une règle de mœurs, au lieu qu’elle n’était que la suite d’une convention volontaire et qui pouvait être limitée »14.
52Les régimes matrimoniaux séparatistes, qui supposent l’existence de biens propres à l’épouse, autres que ceux apportés pour aider le mari à supporter les charges du mariage, constituent de fait une limite à la puissance maritale et à sa conséquence, l’incapacité de la femme mariée. La paraphernalité semble s’être développée dans la pratique au xviiie siècle comme correctif aux inconvénients de l’ancien régime dotal. Domat se plaignait déjà des conséquences qu’elle entraînait par l’affaiblissement de l’autorité maritale15. Même si la doctrine et la jurisprudence ont subi en pays de droit écrit « des contaminations coutumières sur un point capital, l’autorité maritale »16, il convient de noter qu’en pays de droit écrit la doctrine affirmait que : « la puissance maritale n’y a point lieu »17.
53Les juristes provençaux ont toujours distingué les pouvoirs que le mari a sur la personne de sa femme, qui résultent du mariage, et ceux que le mari peut avoir sur les biens de sa femme qui résultent de la mise en place d’un régime dotal. Sans une constitution de dot expresse, c’est-à-dire formulée dans un contrat de mariage, le mari n’a aucun pouvoir sur les biens de son épouse. Mariage et régimes matrimoniaux s’organisent et fonctionnent distinctement tant dans leur mise en place que dans leurs effets. La puissance du mari sur la personne et puissance sur les biens relevaient donc en pays de droit écrit de sphères distinctes. Les pouvoirs sur les biens ne pouvaient être que conventionnels c’est-à-dire résulter d’une constitution de dot expresse. Ils ne pouvaient en aucun cas résulter de la seule célébration du mariage, comme en pays de coutumes.
54Si le mariage emporte ipso facto des pouvoirs du mari sur la personne de sa femme, seule la constitution de dot peut entraîner des pouvoirs du mari sur les biens. C’est le point ultime de l’attachement au régime matrimonial séparatiste et l’arrêtiste Janety l’exprime dans une formule lapidaire : « en un mot, la femme libre dans ses actions est regardée en ce sens comme n’étant pas mariée ». Et l’auteur conclut sa démonstration en montrant que si la femme ne s’est pas expressément constituée une dot, le mari n’a pas « plus de pouvoir sur elle que n’en aurait un étranger »18.
55Cette argumentation a d’ailleurs été reprise par le tribunal d’appel de Montpellier au moment de la discussion sur l’adoption du Code civil. En effet, ce tribunal affirme que l’autorité maritale « ne peut être l’effet naturel du mariage »19. Mais il constate, à regrets, que le projet de Code civil « met l’empire du côté de la force, sous la sauvegarde des mœurs ». Les juristes montpelliérains affirmaient de manière catégorique :
« Mais cet empire ne devrait pas s’étendre au-delà de la personne, qui seule est entrée dans le lien du mariage. Comment pourrait-il avoir prise sur les biens de sa femme ? Ce ne peut pas être par l’effet de l’union conjugale, qui ne saurait embrasser le patrimoine des époux. Si ces biens entrent dans le domaine du mariage, la convention seule peut les y amener ; ainsi sans stipulation particulière, les biens des époux restent hors le contrat, et chacun est libre dans l’administration et la jouissance »20.
56L’incapacité de la femme mariée et l’autorité corrélative du mari sur les biens de son épouse, consacrées par le Code civil de 1804, comptaient dans les années 1960 parmi les institutions les plus critiquées. L’autonomie de la femme mariée, loin d’être une nouveauté au milieu du xxe siècle, était le fondement même des régimes matrimoniaux inspirés du modèle de Justinien.
57Au début du xxe siècle, Bonnecase reconnaissait d’ailleurs que :
« si l’on s’en tient aux principes dominants du droit matrimonial de nos anciens pays de droit écrit il semble que le féminisme n’ait rien à souhaiter. L’indépendance de la femme et la séparation des intérêts, étaient les deux principes directeurs du droit des gens mariés. Le mariage n’affectait en rien la capacité de la femme. Seul le contrat de mariage venait porter atteinte à son droit de disposition ou d’administration sur sa fortune propre, par la constitution d’une dot soumise au pouvoir du mari »21.
58Mais l’auteur ajoutait quelques pages plus loin :
« En fait la femme mariée n’avait guère une situation sociale et économique meilleure qu’aujourd’hui. Il n’en faut pas moins retenir qu’en droit cette condition était toute différente et correspondait admirablement aux aspirations féministes modernes »22.
***
59L’étude des régimes matrimoniaux des pays de droit écrit démontre que le Code civil a été néfaste à l’émancipation de la femme et notamment de la femme mariée23. En effet, l’incapacité de la femme mariée y est conçue en 1804, sur le modèle coutumier, comme un effet du mariage et non du régime matrimonial. Les rédacteurs du Code issus des pays de droit écrit, et Portalis en tête, avaient-ils vraiment fait preuve d’une observation correcte de la réalité de leur temps et en avaient-ils l’intention ? Les Méridionaux n’avaient peut-être pas compris le principal mérite du régime dotal : l’indépendance des époux. Ils n’ont pas défendu l’idée que le statut de la femme mariée en pays de droit écrit était bien supérieur à celui de l’épouse en pays de communauté24. Si par la combinaison des règles relatives aux régimes matrimoniaux de 1804 avec l’article 217 du Code civil25, la femme mariée reste une « bonne ménagère » elle devient totalement incapable. Un régime matrimonial qui reconnaît aux époux une indépendance totale à l’égard de ses propres permet pourtant une réelle émancipation de la femme mariée. « À la vérité, c’était le régime dotal qui était susceptible d’une évolution plus rapide que celui de coutume vers une meilleure égalité des époux », affirmait en ce sens le Recteur Beignier26. Concernant la réforme de 1965, le Doyen Carbonnier reconnaissait qu’en rigoureuse logique, l’image nouvelle de l’indépendance de la femme aurait dû conduire à la séparation de biens. Néanmoins, une enquête sociologique qui avait précédé la réforme avait décelé un très vif attachement de la population, sans distinction de sexe, d’âge, de classe, à l’idée de communauté de biens entre époux (enquête menée par l’Institut français d’opinion publique). Si le législateur de 1965 a définitivement enterré le régime dotal dont l’utilisation n’a fait que décroître à la fin du xixe et au début du xxe siècle, il convient de souligner que la conquête de l’égalité entre mari et femme est passée par une réforme des régimes matrimoniaux qui limitait la communauté aux acquêts et accroissait le périmètre des propres, notamment ceux de l’épouse.
60Un certain esprit qui n’est pas exclusivement propre aux pays de droit écrit de la fin de l’Ancien Régime, mais qui est celui inhérent aux régimes matrimoniaux séparatistes strictement appliqués, tend à prouver que la conquête de l’égalité entre mari et femme devait avant tout passer par une indépendance de cette dernière sur les biens propres. C’est finalement au moment où le régime dotal disparaît totalement en 1965 qu’un esprit propre à ce même régime retrouve sa place dans les relations pécuniaires entre époux. Tel n’est pas le moindre des paradoxes.
61Dans le contexte actuel de contractualisation du mariage, si ce n’est d’individualisation, l’étude des régimes matrimoniaux séparatistes retrouve toute sa vigueur. D’autant qu’avec la loi 3 décembre 2001, une grande partie des problèmes posés par le sort du conjoint survivant en l’absence de masse commune partageable a été résolue. En effet, un pas décisif a été franchi par le législateur à cette date, après une longue conquête et des controverses passionnées entre les tenants d’une conception de la famille par le sang et ceux favorables au conjoint.
62Si le régime matrimonial des pays de droit écrit de la fin de l’Ancien Régime stricto sensu est daté, son esprit séparatiste tel qu’il se dégage de l’ancienne doctrine et de l’utilisation qu’en faisaient les époux le semblent beaucoup moins. Le sort de l’époux survivant réglé pour l’essentiel par la loi de 2001, l’étude des mécanismes relatifs au fonctionnement des régimes matrimoniaux séparatistes pourrait être le point de départ d’une nouvelle définition des relations matrimoniales et patrimoniales basées sur une union des individus et non des patrimoines, idée ayant repris de la vigueur depuis 1965 et l’instauration du régime légal de communauté réduite aux acquêts.
63Cette proposition ne doit surtout pas être analysée comme étant un attachement viscéral à un régime « romanisant » a priori désuet, mais comme l’analyse intemporelle d’une réalité matrimoniale immuable et changeante à l’image de la nature humaine où la séparation de bien peut apparaître comme une réponse juridique à un impératif économique et social, et finalement un élément de réflexion nécessaire au juriste dans sa quête d’une nouvelle définition du mariage27. Au mariage si je veux modelé sur les valeurs individualistes « d’autonomie, de concertation et d’épanouissement de soi », dégagé de la finalité traditionnelle de procréation mais sacralisant le droit au bonheur et l’épanouissement personnel28 répondrait le mariage comme je veux où chacun garderait une entière autonomie sur ses biens présents et à venir. Ce régime matrimonial légal de séparation de biens se révèlerait ainsi être le point culminant d’un mariage-contrat basé sur le consentement, pierre angulaire d’une grande partie des évolutions du droit matrimonial dont il constitue sans doute à travers l’histoire le plus petit dénominateur commun.
Notes de bas de page
1 B. Beignier, « Le chêne et l’olivier », in Jean Foyer auteur et législateur. Leges tulit, jura docuit. Écrits en hommage à Jean Foyer, PUF, Paris, 1997, p. 375.
2 Ibid., p. 355-356.
3 Archives Parlementaires, 1re série, Paris 1867-1985, Tome XX, 21 novembre 1790, p. 598. Voir sur cette question : J. Poumarede, « Géographie coutumière des prestations matrimoniales dans l’ancien droit », dans Les Annales de Clermont-Ferrand, Colloque Dot, femme et mariage tenu à la Faculté de Droit et de Science Politique de l’Université d’Auvergne les 31 mars et 1er avril 1995, Volume 32, 1996, p. 133.
4 On peut consulter la précieuse thèse de : V. Lemonnier-Lesage, Le statut de la femme mariée dans la Normandie coutumière, Droit et pratique dans la généralité de Rouen, PU de la Faculté de Droit de Clermont-Ferrand, Université d’Auvergne – LGDJ, Clermont-Ferrand, 2005.
5 J. Brisset, L’adoption de la communauté comme régime légal dans le Code civil, PUF, Paris, 1967, p. 3.
6 A. Lefebvre-Teillard, Introduction historique au droit des personnes et de la famille, PUF, Paris, 1998, p. 181 et s.
7 P.-A. Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, Tome Treizième, Videcoq libraire, Paris, 1836, p. 805.
8 « Les époux ne peuvent plus stipuler d’une manière générale que leur association sera réglée par l’une des Coutumes, lois ou statuts locaux qui régissaient ci-devant les diverses parties du territoire français ».
9 P.-A. Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, Tome quatrième, Paris, 1827, p. 500.
10 Motifs et discours prononcés lors de la publication du Code civil par divers orateurs du Conseil d’État et du Tribunat, Chez Firmin Didot frères, Paris, 1841, p. 538.
1 Une comédie de Plaute (Trinummus), au début du iie siècle avant J.C., souligne le caractère scandaleux d’un mariage qui aurait lieu sans constitution de dot, l’union ressemblait plutôt à un concubinat. Ce principe était si fort qu’à certains moments ou dans certains cas l’existence d’un instrumentum dotale servait de critère sommaire permettant de distinguer le concubinat et le mariage.
2 C. 5, 12, 14.
3 D. 12, 6, 32, 3. Voir sur ce point : D. Deroussin, Histoire du droit des obligations, Economica, Corpus Histoire du Droit (dirigé par A. Rigaudière), Paris, 2007, p. 64. Jean Gaudemet indique que l’obligation pour la mère de doter ses enfants apparaît sous le règne de Dioclétien mais que le texte du Code de Justinien énumérant les cas dans lesquels la mère doit doter sa fille est peut-être interpolé (C. 5, 12, 14). Dès lors, l’obligation pourrait ne dater que de l’époque de Justinien. « Pour cette époque l’obligation est certaine » ; Droit privé romain, Montchrestien, Domat-Droit Privé, 2e édition, Paris, 2000, p. 59-60.
4 D. 23, 2, 19. Jean Gaudemet précisait qu’en droit romain : « Le pater n’est pas juridiquement obligé de doter sa fille. Mais cela devint progressivement un usage, qui se transforma en obligation morale. C’est un officium pietatis (D. 38, 5, 1, 10 et 37, 6, 6). Peut-être fût-il consacré par la loi Iulia de maritandis ordinibus ? Dans le droit de Justinien, cette obligation est certaine (C. 5, 11, 7, 2 ; Nov. 97, 5) » ; Droit privé romain, op. cit., p. 59. Voir également : A. Castaldo, J.-P. Levy, Histoire du droit civil, op. cit., p. 1386.
5 J. Domat, Les loix civiles dans leur ordre naturel, le droit public et les legum delectus, Tome premier, Nouvelle Édition revue corrigée et augmentée par M. de Héricourt, Chez Nyon aîné, Paris, 1777, p. 160.
6 Voir sur l’obligation de doter en pays de droit écrit pesant sur le père et à défaut sur la mère, ou encore de manière plus discutable sur le frère notre thèse : Les régimes matrimoniaux en Provence à la fin de l’Ancien Régime, Contribution à l’étude droit et de la pratique notariale en pays de droit écrit, PUAM, Collection d’histoire du droit n° 16, Aix-en-Provence, 2009, p. 61 et s.
7 J.-N. Guyot, verbo « Dot », Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, criminelle, canonique et bénéficiale, Tome vingtième, Chez Panckoucke, Paris, 1778, p. 431.
8 « Dans les pays de droit écrit, le père et subsidiairement la mère peuvent être contraints de doter leur fille ; mais dans les pays coutumiers les pères et mères sont maîtres de l’établissement de leurs enfants ». Cependant, les filles peuvent exiger des aliments en espèces lorsqu’elles n’en ont pas ou qu’elles ne sont pas en état d’en gagner ; J.-B. Denisart, verbo « Dot » dans Collection de décisions nouvelles et notions relatives à la jurisprudence actuelle, Tome second, 7e édition, Chez la veuve Desaint, Paris, 1771, p. 492. Voir : A. Eyquem, Le régime dotal, son histoire, son évolution et ses transformations au xixe siècle sous l’influence de la jurisprudence et du notariat, Marchal et Billard Imprimeurs-Editeurs, Librairie de la Cour de cassation, Paris, 1903, p. 25.
9 Voir sur ce point : J. Musset, Le régime des biens entre époux en droit normand du xvie siècle à la Révolution, Presses Universitaires de Caën, Caën, 1997, p. 31 et V. Lemonnier-Lesage, Le statut de la femme mariée dans la Normandie coutumière. Droit et pratiques de la généralité de Rouen, Presses universitaires de la Faculté de Droit de Clermont-Ferrand, Université d’Auvergne et LGDJ, Volume n° 25, Clermont-Ferrand, 2005, p. 23 et s.
10 Ibid., p. 23-24.
11 P. Roussilhe, Traité de la dot à l’usage du pays de droit écrit et de celui de coutume annoté et mis en corrélation avec le Code Napoléon et la jurisprudence moderne, Tome premier, A Durand, Paris, Gimet, Toulouse, 1856, p. 12-13.
12 P. Roussilhe, Traité de la dot…, op. cit., Tome premier, p. 11.
13 J.-N. Guyot, verbo « Dot », Répertoire universel et raisonné de jurisprudence…, op. cit., p. 423. Le passage est intégralement repris dans : P.-A. Merlin, verbo « Dot » dans Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, Tome quatrième, Chez Ganery, 4e édition, Paris, 1812, p. 162 : « L’obligation de doter paraît être une conséquence de celle que la nature impose aux pères et aux mères de nourrir leurs enfants et de pourvoir à leur subsistance ».
14 J. de Maleville, Analyse raisonnée de la discussion du Code civil au Conseil d’État, Tome premier, 2e édition, Garnery, Paris, 1807, p. 195.
15 P.-A. Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, Tome treizième, Paris, 1827, p. 62.
16 Ibid., p. 65.
17 Ibid., p. 60.
18 « Le principal effet de l’union conjugale est de donner la vie à des enfants, c’est-à-dire à des êtres environnés de mille besoins. L’obligation naturelle de pourvoir à ses besoins est imposée à ceux de qui ils tiennent le jour, et c’est afin qu’elle fut plus sûrement remplie qu’a été institué le mariage », explique Tronchet ; Archives Parlementaires, Recueil complet des débats législatifs et politiques des chambres françaises de 1800 à 1860, Tome IV, Première partie du 2 ventôse An XI (21 février 1803) au 28 ventôse An XI (19 mars 1803), Librairie administrative Paul Dupont, Paris, 1864, p. 336-337.
19 Archives Parlementaire…, op. cit., Tome IV, Première partie du 2 ventôse An XI (21 février 1803) au 28 ventôse An XI (19 mars 1803), p. 365.
20 J. de Maleville, Analyse raisonnée de la discussion du Code civil au Conseil d’État, op. cit., p. 195.
21 Ibid., p. 180.
22 Voir sur l’article 204 du Code civil notre étude : « L’existence d’une obligation naturelle pour les parents de doter leurs enfants en débat (Fin du xviiie siècle-Milieu du xxe siècle) », in Un dialogue juridico-politique : le droit naturel, le législateur et le juge, PUAM, Aix-en-Provence, 2010, p. 276-303.
23 Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, op. cit., Tome treizième, p. 594-595.
24 C.-J. de Ferriere, verbo « Contrat de mariage », in Nouvelle introduction à la pratique contenant les termes de pratique de droit et de coutume avec les juridictions de France, Nouvelle édition revue, corrigée et augmentée, Tome premier, Chez Joseph Saugrain, Paris, 1745, p. 425.
25 L’avocat ajoute au même endroit : « Ce seroit inutilement qu’après la bénédiction des conjoints, feroient un acte pour y déclarer que tous les biens de la femme seront dotaux ou paraphernaux, qu’elle aura tel avantage ; un pareil acte ne pourroit rien opérer et il n’en faudroit pas moins suivre la Loi à laquelle sont assujettis ceux qui n’ont point passé de contrat de maraige » ; P. Roussilhe, Traité de la dot…, op. cit., Tome premier, p. 80.
26 R. Villers, « Note sur l’immutabilité des conventions matrimoniales dans l’ancien droit français. Origines de l’article 1395 (ancien) du Code civil », in Études historiques offertes à Jean Yver, Droit privé et institutions régionales, PUF, Paris, 1976, p. 681.
27 J.-J. Julien, Éléments de Jurisprudence…, op. cit., p. 49.
28 Consultation de Gassier ; AD BdR., 10 F 65, n° 46, Pour demoiselle Elizabeth Laure contre le sieur Jacques Chabert (Cuers), 6 juin 1764.
29 JANETY, Journal du Palais de Provence ou recueil des arrêts rendus depuis les derniers journalistes par le Parlement et la Cour des Aides de cette province, Années 1782-1783-1784, Chez André Adibert, imprimeur du Roi, Aix, 1785, Arrêt XXXIV, p. 298.
30 Dans un contrat de mariage conclu deux ans après sa célébration : « Pour aider à suporter les charges du mariage lesdits Pierre et Honnoré Bourrillon ont constitué et assigné en dot à ladite Rose Bourrillon leur sœur la somme de deux cens livres pour tous ses droits tant paternels que maternels, laquelle ladite somme lesdits Coquillac père et fils ont confessé avoir reçu desdits Bourrillon frères sçavoir 100 livres réellement en espèces du cours au vu de nous notaires et témoins et 100 livres au prix des coffres, robes bagues et proviments a ce estimé par amis communs depuis lesdites épousailles le tout retiré par ledit Coquillac père, par-dessus la susdite constitution ladite Rose Bourrillon s’est constitué tous ses autres biens et droits meubles et immeubles présents et à venir » ; Contrat de mariage du 6 janvier 1750 entre un travailleur et la fille d’un ménager décédé ; AD BdR., 302 E 307, Pierre Garcin notaire à Aix, f° 6 recto à 8 recto. On peut voir par exemple que suite à l’ouverture d’une succession un contrat peut-être passé durant le mariage : « Lesquelles parties voulant rédiger en contrat public les conventions matrimoniales entr’eux arrêtées et sous lesquelles elles se sont mariées ; à ces causes ladite Marianne Deleuil s’est constituée en dot et pour elle audit Lauzat son mary la somme de 400 livres du legs en argent à elle fait par le dit Mathieu Deleuil son père dans son testament du 7 mars 1763 » ; Contrat de mariage du 3 mars 1770 entre Jacques Lauzat et Anne Deleuil, AD BdR., 309 E 1455, Jean François Allard notaire à Aix, f° 117 recto à 118 verso. Dans le contrat de mariage entre Jean-Louis Balp frippier et Rose Chabrier les époux passent un contrat de mariage le 5 mai 1788 alors qu’ils sont mariés depuis le 13 septembre 1787. L’épouse se constitue en dot 199 livres 19 sols et le mari déclare avoir reçu 99 livres 19 sols avant la célébration du mariage et les 100 livres restantes il doit les prendre au bureau des pauvres de Remoulon ; AD BdR., 355 E 564, Jean-François de Cormis notaire à Marseille, f° 334 verso à 336 verso. De même dans le contrat de mariage du 18 février 1788 entre Denis Lambert travailleur journalier et Madeleine Meren fille d’un travailleur journalier on apprend que les époux sont mariés depuis le 12 novembre 1787. Le père et la mère constituent une dot à leur fille de 899 livres 18 sols et le contrat précise que 399 livres 18 sols ont été reçues le jour de la célébration du mariage ; AD BdR., 305 E 198, Jean-Antoine Baille notaire à Aix, f° 50 recto à 52 verso.
31 A. Eyquem, Le régime dotal…, op. cit., p. 33.
32 Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 141.
33 R.-J. Pothier, Traité de la communauté, op. cit., Tome VIII, p. 5.
34 R.-J. Pothier, Traité de la communauté, op. cit., Tome VIII, p. 5.
35 « On appelle articles de mariage, dans la plus grande partie de la France et pactes de mariage dans quelques contrées du Languedoc, les clauses de l’écrit privé par lequel des futurs conjoints stipulent, de l’autorité et de l’agrément de leurs parens les conditions de leur prochain mariage » ; Prost De Royer, Riolz, verbo « Article » in Dictionnaire de jurisprudence…, op. cit., Tome septième, p. 6.
36 Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 141.
37 AD BdR., 10 F 78, n° 16, Pour le sieur Messalguy contre la demoiselle Meyffren (Marseille), 29 février 1772. En pays de coutumes, les règles en vigueur sont totalement différentes : « Le traité qui seroit fait sous seing privé, seroit sujet à reconnoissance ; encore faudroit-il qu’elle se fit avant la célébration du mariage, et en présence de toutes les personnes qui auroient signé au traité de mariage fait sous seing privé. Si ce traité étoit simplement fait sous signature privée, et qu’il ne fût pas reconnu, non seulement il ne porteroit point hypothèque, mais encore, ne faisant foi ni de sa date, ni de son contenu, il seroit considéré comme non fait, ou comme n’ayant eu d’existence qu’après la célébration du mariage ; ainsi, tout ce qui s’y trouveroit compris seroit nul ; et il faudroit s’en tenir au contrat que la Coutume fait elle-même pour ceux qui se marient sans faire de contrat » ; C.-J. de Ferriere, La science parfaite des notaires…, op. cit., Tome premier, p. 173.
38 Consultation de Gassier, Pascalis et Barlet ; AD BdR., 10 F 101, n° 14, Pour le Messire de Guérin Ricard, 25 mai 1784. La validité des contrats de mariage sous signature privée paraît être en contradiction avec l’ordonnance de 1731 sur les donations du Chancelier d’Aguesseau. En effet, nombre de contrats de mariage contiennent des donations faites par des tiers aux époux ou des donations de survie faites entre époux et l’article premier de l’ordonnance dispose : « Tous actes portant donations entre vifs seront passés par-devant notaires, et il en restera minute à peine de nullité ». Mais l’ordonnance précise cependant aux articles 19, 20 et 21 que les donations faites dans les contrats de mariage en ligne directe ne seront pas sujettes à la formalité de l’insinuation contrairement à toutes les autres donations qui y sont soumises à peine de nullité. Seules les donations de survie entre époux, faites dans le contrat de mariage, ne seront pas non plus sujettes à l’insinuation. « L’insinuation peut être définie [comme] une mesure de publicité donnée aux donations par la transcription de tout ou partie de l’acte sur des registres officiels mis à la disposition du public qui peut les consulter et en avoir copie ou extrait » ; H. Regnault, Les ordonnances civiles du Chancelier Daguesseau, Les donations et l’ordonnance de 1731, Bibliothèque d’Histoire du droit publiée sous les auspices de la société d’Histoire du droit, Recueil Sirey, Paris, 1929, p. 269. C’est l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 qui a instauré l’insinuation légale ou judiciaire des donations entre vifs y compris celles faites en contrat de mariage. Ces dispositions ont été complétées par l’ordonnance de Moulins de 1566 et par une déclaration de mai 1645. Toutes les donations entre vifs ou à cause de mort ainsi que les substitutions doivent être insinuées. « En dehors de cette insinuation judiciaire une insinuation fiscale a vu le jour en décembre 1703, date à laquelle un édit établit l’insinuation suivant le tarif. Afin que cet enregistrement soit fructueux, furent ajoutés aux donations, substitutions et autres actes déjà soumis à l’insinuation judiciaire les contrats, les mutations de biens et de nouvelles catégories d’actes. Un an après, en juillet 1704, était créée « l’insinuation suivant le centième denier », droit de 1 % portant sur les actes de mutation d’immeubles, à l’exception des mutations en ligne directe » ; A. Chauleur, « Le minutier central des notaires de Paris », in Histoire de la justice 8-9, 1996, p. 88-89.
39 La présence des parents est nécessaire pour donner le plus de poids possible aux articles de mariage et le témoignage de leur présence permet d’établir plus aisément l’existence des contrats de mariage sous signature privée : « Il n’étoit pas possible que le sieur Lyons ignoroit que sa sœur étoit mariée sous des articles signés par le curateur de l’épouse du sieur Chaix étoient connus des parents ainsi qu’on seroit en état de le prouver à ce qu’on expose, et leur témoignage seroit valable nonobstant la qualité de parents puisqu’il est de principe que les personnes de la famille sont très capables de déposer dans les causes concernant les parents communs et […] les titres domestiques et intérieurs » ; AD BdR., 10 F 83, n° 46, Pour le sieur Chaix contre le sieur Antoine Lyon (Barcelonnette), 5 avril 1776. Lorsqu’un avocat est consulté sur la manière de rendre inattaquables les articles de mariage, ce dernier se déclare favorable à la présence des parents et à la multiplication des signatures au bas des articles : « il faut bien prendre garde que les articles soient signés par les parties intéressées, les père et mère de la future qui vivent encore suivant l’exposé du mémoire à consulter mais encore par les curateurs dont la signature dans les circonstances exposées paroit être de nécessité et de plus comme les articles privés peuvent devenir dans la suite matière à contestation et que souvent le sort et l’état des familles en dépendent, il faut autant qu’on pourra les faire signer par le plus grand nombre de personnes possibles de parents et amis qui assisteront au mariage. Ces dernières signatures ne sont pas de nécessité absolue mais elles donneront une force supplémentaire aux articles ainsy qu’à la foy qui leur est accordée par les tribunaux de justice » ; Consultation de Gassier ; AD BdR., 10 F 111, n° 53, Pour un mineur fiancé s’il peut épouser sans assistance d’un curateur par de simples articles et s’ils doivent être signés par les futurs et le curateur, 7 août 1788. Cependant, la présence des parents, même si elle est souhaitable lorsqu’ils sont vivants, n’est pas une condition de validité des articles de mariage : « la signature des parens n’est que d’honneur […] ou tout au plus de convenance et non de nécessité. Il suffit dans la règle que les articles soient signés et souscrits par les parties intéressées pour être moins solennels ils n’en sont pas moins légitimes » ; AD BdR., 10 F 65, n° 46, Pour demoiselle Elizabeth Laure contre le sieur Jacques Chabert (Cuers), 6 juin 1764.
40 Maximes du Palais…, op. cit., Tome premier, p. 141.
41 La question de l’hypothèque dotale sera abordée infra.
42 « Les soussignés consultés sur le droit et l’usage relativement à ce qui concerne l’hypothèque des articles de mariage sur les biens du père qui a promis la dot et qui est encore débiteur soit en tout soit en partie, estiment qu’il n’y a pas plus de doute sur cette question que sur les biens du mari qui a reçu la dot, la disposition du droit, la coutume locale et les arrêts rendus par le Parlement de Provence ne permettent pas d’en douter. Le texte qui donne l’hypothèque aux articles est dans le droit romain. L’hypothèque pour la dot est donnée par le texte de la manière la plus expresse tant contre le mary qui se soumet à la restitution de la dot que contre la femme qui la promet. La Loi place l’hypothèque des deux côtés […] soit qu’il s’agisse de l’obligation contractée par les mariés, ou de celle que contracte le tiers relativement à la dot. Dans tous les cas, l’hypothèque a lieu même sans distinction des personnes par lesquelles la dot a été promise ou qui l’ont reçue […]. Les auteurs du païs n’ont jamais élevé le moindre doute sur le double effet de l’hypothèque résultant des articles de mariage » ; Consultation de Gassier, Pascalis et Barlet ; AD BdR., 10 F 101, n° 14, Pour le Messire de Guérin Ricard, 25 mai 1784.
1 JORF, Compte rendu intégral de la 75e séance du mardi 29 juin 1965, p. 2761.
2 Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, op. cit., Tome Treizième, p. 553.
3 Durand De Maillane, Plan de Code civil et uniforme pour toute la République lu au Comité de législation le 8 juillet 1793, l’An II de la République dans Archives Parlementaires de 1787 à 1860, Recueil complet des débats législatifs et politiques des Chambres françaises, Première série 1787 à 1789, Tome LXX, du 30 juillet 1793 au 9 août 1793, Imprimerie et librairie administrative des chemins de fer, Paul Dupont éditeur, Paris, 1906, p. 666.
4 Durand De Maillane, Motifs et développements des articles de lois…, op. cit., p. 674.
5 Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, op. cit., Tome Treizième, p. 528. Jean-Louis Halperin notait à propos de ce projet : « Quant à Durand-Maillane, ancien membre de la Constituante et spécialiste de droit canon, il rédigea son projet, se plaçant ainsi en concurrence avec le comité de législation : il proposait la liberté la plus complète des relations matrimoniales » ; J.-L. Halperin, L’impossible code civil, PUF, « Histoires », Paris, 1992, p. 119.
6 Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, op. cit., Tome Treizième, p. 806-807.
7 Œuvres de Scipion Dupérier, op. cit., Tome troisième, p. 393 et p. 514.
8 Actes de notoriété…, op. cit., acte LXVII délibéré le 28 mars 1692, p. 102. Voir également, acte XXI délibéré le 4 mai 1686, p. 34-35 et AD BdR., 240 E 203, Recueil des actes de notoriété expédiés par M.M. les syndics des avocats et avocats postulants au Parlement d’Aix depuis 1688, acte de notoriété CLXX délibéré à Aix le 4 mai 1696 et le 7 mai 1726 et expédié à Paris le 9 septembre 1767, f° 140-141.
9 La loi du 9 juillet 1881 avait autorisé la femme mariée à gérer et à disposer d’un livret de caisse d’épargne. Dès la fin du xixe siècle et le début du xxe siècle, il est clair que le féminisme doit se « réaliser dans la loi ». Jean-François Niort affirme que cette idée a été relayée par le monde juridique à cause de son aspect technique. Le nombre de thèses rapportées par l’auteur à cette période est là pour en attester ; J.-F. Niort, Homo Civilis : Contribution à l’histoire du code civil français, Tome II, PUAM, Aix-en-Provence, p. 478-479.
10 B. Beignier, « Le chêne et l’olivier », op. cit., p. 373.
11 Voir sur cette distinction dans la Normandie coutumière : V. Lemonnier-Lesage, Le statut de la femme mariée dans la Normandie coutumière…, op. cit., p. 158 et s.
12 Guerin De Tubermont, Traité des contrats de mariage…, op. cit., p. 608.
13 Denisart précisait en ce sens quelques années plus tôt : « Dans la Coutume de Paris, s’il y a communauté de biens entre les conjoints, le mari devient, dans l’instant du mariage, tuteur et légitime administrateur de tous les biens de sa femme. Il acquiert à cet égard un pouvoir si souverain que la femme, quant à la jouissance et l’administration, tombe dans une sorte d’interdiction, qui en la dépouillant de la régie des biens, oblige le mari à veiller avec tout le soin et l’application qu’un bon père de famille a coutume d’avoir à ses propres affaires » ; verbo « Mari » in Collection de décisions nouvelles…, op. cit., Tome troisième, p. 254.
14 Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, op. cit., Tome Treizième, p. 809.
15 Voir : J. Depinay, Le régime dotal,…, op. cit., p. 62.
16 J. Hilaire, « Le faux triomphe du régime romanisant. La dotalité à Montpellier aux xvii et xviii siècles », op. cit., p. 82.
17 « Ainsi, une femme mariée peut contracter toutes sortes d’obligations, sans être autorisée de son mari ; mais il faut excepter les obligations par lesquelles elle se chargeroit de quelque obligation contractée par une autre personne, lesquelles sont nulles par le Senatusconsulte Velleïen, qui a lieu parmi nous en pays de droit écrit » ; C.J. de Ferriere, verbo « Femme mariée en pays de droit écrit » dans Dictionnaire de droit et de pratique…, op. cit., Tome premier, p. 594.
18 Ibid.
19 Le tribunal d’appel de Montpellier justifie sa position « l’union des époux n’élève pas un au-dessus de l’autre ; elle est le lien de deux êtres égaux et indépendants, qui ne peut produire que des droits et des devoirs réciproques. Le projet de Code, en rendant hommage à ces principes, ne subordonne pas moins la femme à son mari ».
20 Et le tribunal de conclure : « Mais non ce principe est violé par le projet de Code. La femme ne peut contracter, ni ester en jugement sans l’autorisation de son mari. Cette gêne lui est même imposée lorsqu’elle s’est expressément réservée la jouissance de ses biens, c’est-à-dire lorsqu’elle n’a pas voulu que son mari en profitât et se mêlât de leur administration. C’est ainsi que la loi contrecarre sa volonté et tend à l’éloigner du mariage. Elle se fonde sans doute sur la présomption de l’incapacité de la femme mariée de gérer ses affaires ; comme si les veuves et les femmes non mariées n’étaient pas dans le même cas de cette présomption d’incapacité ou de minorité ; comme si l’aptitude des femmes pour les affaires pouvait être méconnue » ; Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, Tome Quatrième, p. 469.
21 J. Bonnecase, Le féminisme et le régime dotal, Vt Rivière Librairie-Editeur, Toulouse, 1905, p. 52.
22 Ibid., p. 74.
23 A. Bertrand-Mirkovic a démontré le recul manifeste de la place de la femme par rapport à l’ancien droit : « En ce qui concerne l’incapacité de la femme mariée, les rédacteurs du Code civil n’y sont pas allés de main morte » ; « La femme dans le Code civil de 1804 » dans Le Code civil et les Droits de l’Homme, Textes réunis et publiés par J.-L. Chabot, P. Didier, J. Ferrand, Actes du colloque international de Grenoble 3-4 décembre 2003, L’Harmattan, « La librairie des Humanités », Paris, 2005, p. 177-178.
24 Jean-François Niort rappelle la manière dont Portalis a défendu et justifié la prépondérance du mari invoquant la « nature » mais mettant tout de même en garde contre un despotisme conjugal nuisible ; J.-F. Niort, Homo Civilis…, op. cit., Tome I, p. 157-158. Il faut de plus noter que les cahiers de doléances « ne contiennent aucun vœu relatif au changement de ces régimes, ni à l’unification de la législation dotale » ; J. Godechot, Les institutions de la France sous la Révolution et l’Empire, 2e édition revue et augmentée, PUF, Paris, 1968, p. 239.
25 Article 217 du Code civil : « La femme même non commune ou séparée de biens, ne peut donner, aliéner, hypothéquer, acquérir à titre gratuit ou onéreux, sans le concours du mari dans l’acte ou son consentement par écrit » ; Code Civil des Français, Édition originale et seule officielle, Imprimerie de la République, Paris, An XII, 1804, p. 41. L’article 217 a été modifié par la loi du 13 juillet 1965.
26 B. Beignier, « Le chêne et l’olivier », op. cit., p. 370. Concernant la réforme de 1965, le Doyen Carbonnier reconnaissait qu’en rigoureuse logique, l’image nouvelle de l’indépendance de la femme aurait dû conduire à la séparation de biens. Néanmoins, une enquête sociologique qui avait précédé la réforme avait décelé un très vif attachement de la population, sans distinction de sexe, d’âge, de classe, à l’idée de communauté de biens entre époux (enquête menée par l’Institut français d’opinion publique, Cf. F. Terre, « La signification sociologique de la réforme des régimes matrimoniaux », in Année Sociologique, 1965, p. 3 et s. ; J. Carbonnier, Essais sur les lois, op. cit., p. 41.
27 Une partie de la doctrine contemporaine et certains praticiens contestent ce point de vue aux motifs que la femme séparée de biens n’est pas plus indépendante et que la vie du régime séparatiste est souvent bien éloignée du modèle abstrait.
28 Voir sur ce point les remarquables développements du professeur Alfred Dufour, Mariage et société moderne, Les idéologies du droit matrimonial moderne, Éditions Universitaires Fribourg Suisse, 1997, pour la citation p. 5.
Auteur
Doyen de la Faculté de droit et de sciences politique d’Aix-Marseille, Vice-président de l’Université d’Aix-Marseille, CERHIIP, EA n° 2186
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
1965-1985-2015 : Cinquante ans de droit des régimes matrimoniaux
Bilan et perspectives
Vincent Egéa (dir.)
2018