Chapitre II. L’intermède patriotique d’une nation en devenir
p. 357-389
Texte intégral
1La nation, entité humaine, douée d’esprit et représentée, doit désormais penser, agir, juger, et quoi de mieux que le développement d’un tribunal national symbolique agissant dans ce sens. Ainsi, entre 1774 et 1788, vont se multiplier des projets tendant à façonner presque définitivement un peuple, jadis dissipé, vers la nation-patrie.
I - LE NOUVEAU TRIBUNAL DE LA NATION
2Puisque les parlementaires sont quelque peu hors-jeu du système de représentation, deux phénomènes non totalement distincts doivent être exposés. L’avocat, homme du barreau, homme servant la justice, homme assistant souvent le plus faible, pense être la nouvelle voix légitime de la nation. En corollaire à cette récente force, on observe l’intrusion dans la sphère publique d’une opinion qui se veut politique. Ainsi, à l’instar des avocats, celle-ci peut faire connaître son impression, son avis et peser sur le débat politique.
§ 1 - Les avocats, voix de la nation
3Les avocats aspirent à devenir la nouvelle voix de la nation2716. Telle est la revendication d’un corps qui jusqu’à présent s’est pratiquement toujours solidarisé avec les magistrats. Ainsi, la multiplication des factums judiciaires grâce à l’arrêt du Conseil du 11 août 1708 et surtout la réaction qui suivit le règlement du 18 mars 17742717, ont permis le déploiement d’un nouveau thème : la représentation de la nation par les avocats2718. Même si « le public est une figure du discours politique et non une entité concrète »2719, il n’en demeure pas moins que les factums constituent, comme dans les années 1730, un important relais dans la diffusion d’une opinion de résistance judiciaire face au pouvoir monarchique2720. De ce fait, au siècle des Lumières, le barreau marseillais à la quasi-unanimité, à travers ses mémoires, s’oppose souvent à l’absolutisme monarchique2721. On peut prendre à ce sujet l’exemple de l’engagement politique des avocats de Rennes et de Douai. Ceux-ci, dans la seconde moitié du xviiième siècle, ont à cœur l’étude du droit public en général et du droit naturel en particulier mais fait éclairant, ils sont culturellement proches des magistrats2722. Quoiqu’il en soit, les hommes du barreau se veulent dorénavant les nouveaux champions de la cause nationale.
4Le juriste devient le garant, le propagateur et le parangon, selon l’avocat Ambroise Falconnet en 1773, de la « voix de l’humanité », des hommes qui composent la nation2723. Les avocats sont comparés, par Martin de Mariveaux en 1774, à des « athlètes du barreau » en faveur des combats nationaux2724. Ils sont les nouveaux acteurs de la représentation nationale et se substituent volontiers à la carence parlementaire. D’après Darigrand, la profession d’avocat donne « le droit inappréciable d’être l’organe d’un peuple »2725. Pour que le professionnel du barreau devienne un élément nodal de la médiation nationale, il doit être assimilé à une vitrine politique. En ce sens, un mémoire judiciaire « est l’établissement des droits d’un citoyen, exposés aux juges et au public » car c’est bien le dernier terme qui est fondamental selon Falconnet2726. On prend en compte ce peuple, cette nation, ces citoyens qui ont droit, en retour, à la célérité de la justice. De plus, le regard de la multitude permet un second jugement puisque « l’œil du public, ouvert sur eux, attentif à l’événement, suit jusqu’aux gestes des juges »2727 ; il en va de l’intérêt de l’État2728. Ainsi, l’avocat se voit reconnaître un rôle central dans une conciliation entre le pouvoir judiciaire et les peuples.
« Si le juge sur son tribunal me paraît revêtu de la majesté royale, distribuant au peuple la justice dans la plénitude de son autorité, l’avocat, dans ses fonctions, me semble à son tour le député de ce peuple entier, réclamant cette justice pour un de ses membres. Qu’est-ce que le juge ? La voix du souverain. Qu’est-ce que l’avocat ? La voix de la nation »2729.
5Pourtant, il ne faut pas se leurrer là aussi sur les réelles intentions des avocats. Selon l’avocat Honoré-Marie Nicolas, à propos d’une consultation demandée par l’asséssorat de Poitiers en 1775, l’homme du barreau est le rempart contre une opinion publique qui sanctionne rapidement2730. L’avocat fait partie « d’une société d’hommes spécialement consacrés au service du public [qui] élèv[ent] leurs sentiments, rempli[ssent] leurs âmes d’une fierté généreuse et produi[sent] pour toute la nation les effets les plus utiles »2731. Cette nation a donc besoin sans doute de l’avocat pour comprendre les subtilités des jugements. D’après Delacroix en 1775,
« chez un peuple qui a des mœurs, les esprits sont simples. Des juges qui sachent lire et entendre lui suffisent. Mais si en avançant dans les connaissances, ce peuple devient fin et rusé, l’injustice se perfectionnera dans l’art de se couvrir des apparences de l’équité ; ses voiles seront plus épais ».
6D’où le rôle primordial du défenseur2732 ! Dès lors, le tribunal de la nation a pour renfort ces mémoires judiciaires censurant l’intrigue2733. Le factum est une arme politique mais aussi un moteur dans l’intelligibilité de la justice. L’un ne va pas sans l’autre puisque le dénominateur commun est bien la nation. Selon le janséniste et avocat au Parlement de Paris A.-G. Camus en 1777, le mémoire ou factum constitue une alternative fondamentale dans le combat contre le secret de l’instruction2734. Cependant, il ne voit aucune contradiction à se prononcer pour un ouvrage qui provoque beaucoup de remous : la deuxième édition des Maximes du droit public français2735. N’oublions pas que Camus a co-écrit ce livre ! L’avocat doit désormais prendre part au débat politique pour mieux défendre les droits de la nation.
« Il est indispensable de connaître les principales remontrances que les Parlements ont portées en différents temps au pied du trône et les réponses dont elles ont été suivies. Ces remontrances sont des mémoires, dictées par l’amour de la patrie à des magistrats toujours pénétrés de respect et de soumission pour leur roi mais fidèles défenseurs des lois qu’ils ont juré de conserver »2736.
7Les hommes du barreau prennent à leur tour en considération la nation comme si la réconciliation éphémère entre le greffe et la Couronne causait un vide qu’il fallait absolument combler. Chavray de Boissy prononçant un discours au Parlement de Paris en 1778 dédié au prince de Conti -grand partisan de la cause parlementaire -compare volontiers les avocats français aux avocats romains2737. À l’instar des robins se prenant pour des « sénateurs », l’avocat se drape aussi d’Antiquité en devenant tribun. Cette métaphore n’est pas anodine car elle s’insère au sein d’une profession qui est « utile au bien de la patrie »2738. La pensée rousseauiste encore omniprésente, l’avocat dans le palais permet le « mouvement à tous les membres du corps social »2739 et fait preuve d’une attitude politique sans équivoque2740. « C’est le vœu du cœur patriotique de celui d’un avocat zélé pour le bonheur de sa nation » dit-il2741. Ces défenseurs doivent recevoir, à l’instar de leurs homologues romains, les « acclamations du public »2742 mais la grande différence entre ces deux corps de juristes est qu’au xviiième siècle, la législation nationale est la pierre angulaire de la justice.
« Ne faut-il pas que nos habiles jurisconsultes joignent à la science du droit romain, qu’avaient uniquement ces anciens orateurs, celle de la législation nationale, de nos coutumes particulières et locales (…) ? Qu’ils sachent imperturbablement les ordonnances multipliées de nos rois ; enfin que tout ce qui compose la partie trop immense de notre jurisprudence, ainsi que du droit civil et public de la nation ? L’étude du droit en général étant bien plus considérable à notre égard, qu’elle ne l’était pour ces Romains, la supériorité de science doit donc rester de notre côté »2743.
8Le patriotisme antique coïncide donc avec l’affection nationale s’épanouissant à la fin de l’Ancien Régime. Selon l’avocat au Parlement Briquet de Lavaux en 1778, les avocats comme Pithou sont « les défenseurs de la loi, amis de la nation ». Ils font preuve d’un net patriotisme qui est « le vrai lien qui unit les différents citoyens ». L’amour de la patrie, cette ardeur pour le bien public, est le ferment du bonheur national grâce à l’interprétation de la loi2744. Néanmoins, l’avocat au Parlement de Paris Antoine-Gaspard Boucher d’Argis la même année s’élève contre ce large mouvement politique et refuse toute intervention des avocats hors de leurs fonctions2745. Les mémoires ne doivent pas servir d’armes politiques mais seulement de factums judiciaires tendant à défendre des clients potentiels2746. Cette pensée est restée lettre morte puisque d’après un anonyme en 1781, l’avocat a l’obligation de calmer les composantes de la nation par sa présence importante dans l’organisation judiciaire et de permettre l’établissement d’une « confiance » nationale contre les abus du pouvoir politique2747. C’est dans ce sens la même année que Jean-Pierre Brissot de Warville admet le rôle de l’homme du barreau dans l’intérêt national afin de ne plus connaître une deuxième affaire Calas2748. De surcroît, contre un libelle diffamatoire de 17822749, un anonyme en 1783 pense que les avocats sont « des jurisconsultes » rendant de multiples services à la nation2750.
« Il faut des bras pour soutenir les rois et les peuples ; et malgré ces excès, ces malheurs, ces misères, qui accompagnent l’héroïsme, on ne peut dire qu’il est inutile. Eh bien ! Les gens de robe ne servent pas moins utilement l’État, de la plume, que les gens de guerre, de l’épée »2751.
9Le plus marquant est que l’avocat n’est pas le seul à recevoir la bénédiction nationale parce que selon le procureur au Parlement de Bordeaux P.-H. Duvigneau en 1783, le procureur doit, lui aussi, jouir de la reconnaissance publique par son comportement2752. Cependant, cette voix, qui tend à se mêler à celle de l’avocat homme-public, est marginale, l’auteur comparant sa propre fonction aux philosophes et gens de lettres2753 ! Selon un libelle de 1784, l’avocat ne doit pas « se borner à étudier ses juges ; il se doit tout entier à la connaissance des hommes (…) au secours de l’humanité »2754. D’ailleurs, celui-ci reprend la rhétorique des corps intermédiaires en faveur des hommes du barreau2755. Enfin, c’est l’avocat général au Parlement de Paris Marie-Jean Héraut de Séchelles en 1786 qui aura les mots les plus décisifs quant à la circonférence de la fonction de l’avocat :
« C’est ici la portion la plus noble à la fois et la plus dangereuse de votre ministère. Car si d’un côté, les intérêts privés qui vous sont confiés semblent circonscrire votre génie, de l’autre, la nation qui arrive pour vous entendre, ne vous presse-t-elle pas de lui énoncer les découvertes qui peuvent la rendre encore plus heureuse »2756 ?
10Ainsi, l’adage qui affirme que « l’avocat a la voix et le procureur la plume » permet de dire au xviiième siècle que visiblement la voix a une nouvelle prépondérance. On connaît a posteriori leur rôle dans la Révolution de 17892757 et leur comportement, à partir des années 1770, ne fait que confirmer des prédispositions tournées vers le peuple. Les avocats, de par leur fonction, ne font évidemment pas l’erreur qu’ont commis les parlementaires à propos de la notion de représentation. Les hommes du barreau ne disent pas qu’ils se substituent à la nation voire la représentent. Ils affirment seulement leur rôle de conseil et de médiation dans le système judiciaire et essayent de mettre à profit ce nouveau langage national afin de montrer leur importance face à une opinion publique de plus en plus à l’écoute. En effet, l'étroitesse du champ d'action vis-à-vis du « public », à la fois des cours souveraines, des différentes Académies et des avocats, pousse à un naturel déplacement de la rhétorique contestataire vers une diffusion pamphlétaire en puissance. « L'éloquence se déplace de l'oral à l'écrit, du barreau à la rue et du juridique proprement dit au politique »2758.
§ 2 - L’opinion publique, une composante nationale en gestation
11L’opinion publique, « maîtresse absolue »2759, force politique2760, « juge »2761, « Regina del mundo »2762, puissance élitiste2763, pose beaucoup de questions au xviiième siècle. Parler d’opinion publique à partir de 1774, c’est tenter de parler d’universalité, de rationalité, d’objectivité et de soudaineté2764. Pour rationaliser une telle autorité, deux conditions doivent être remplies ; la première est l’unité, la stabilité et l’organisation de la nation, la seconde est de savoir qui en est le représentant ? En effet, une démonstration logique est la base de toute information2765 contre les « secrets » de l’exercice du pouvoir étatique2766. À rebours du xviième siècle2767, l’opinion publique du siècle des Lumières émet le projet de juger l’institution royale, de mettre au premier plan l’esprit public2768. Cependant, il est faux de dire qu’une opinion structurée a un grand écho entre 1774 et 1788 car celle-ci s’engage dans un champ restreint que ce soit pour les salons2769, pour l’ensemble de la bourgeoisie parisienne2770 ou encore à travers « l’information-célébration de la presse politique »2771. L’opinion se comprend alors à travers l’opposition entre la notion de public et celle de particulier2772. Dans une extrême majorité, le peuple n’est pas ouvert ou plutôt n’est pas perméable à la profusion des idées développées. C’est le règne de l’expression du « ah ! si le roi savait » et le « on dit » qui permet de percevoir le ferment officiel, impersonnel, et les sources multiples dont se compose l’opinion2773. Ainsi, la définition même du concept d’opinion publique peut prêter à confusion. L’opinion « ne peut être appréhendée qu’à travers le prisme de son reflet ou les déformations de son ombre portée »2774. L’unanimité populaire est rare2775 et incertaine même si sa réalité ne dépend pas de son volume à proclamer ouvertement sa présence.
12Les remontrances parlementaires ainsi que toute une littérature « subversive », jouissant de l’inefficacité d’une réglementation royale ayant peine à les censurer2776, ont pourtant permis l’établissement d’un premier jalon dans la diffusion d’idées remettant en cause le régime en place. En retour, les juges ne pouvaient être que sensibles à l’effet de cette opinion consubstantielle à la bonne administration de la justice2777. Le palais devient alors une « grande boutique aux libelles »2778. Dans son journal, d’Argenson retrace très bien cet état de fait. De l’affaire sur la bulle Unigenitus2779 à la demande de convocation des États généraux par le Parlement de Rouen2780, une certaine opinion se diffuse, si ce n’est au sein de la majorité du peuple, du moins auprès d’une élite parisienne et provinciale avide de lecture politique. Dès lors, les remontrances de la Cour des aides de Paris en 1775 affirment que « l’art de l’imprimerie a donc donné à l’écriture la même publicité qu’avait la parole dans le premier âge, au milieu des assemblées de la nation »2781.
13De ce fait, les cours souveraines continuent, après leur rétablissement, à se référer à cette notion et la rattachent volontiers et partialement à la procédure législative. La Chambre des comptes de Paris en 1776 reconnaît que l’enregistrement doit avoir comme renfort « l’opinion »2782. En 1782, le Parlement de Besançon indique au roi que son autorité doit naturellement s’allier à « l’opinion des peuples »2783 surtout que pour la Cour des aides d’Aix, le peuple, étant de plus en plus instruit, fait désormais « entendre sa voix »2784. De plus, la Chambre des comptes de Paris en 1787 affirme, à propos des auditeurs du Conseil du roi, qu’il est aisé « de montrer combien ces officiers sont peu fondés en titre et en raison, mais que le public et l’opinion n’attendront point pour juger leur conduite »2785. Ainsi, le Parlement de Rennes, toujours la même année, est averti « par le cri public universel » de disgrâce qu’éprouvent les magistrats parisiens dans leur exil à Troyes le 15 août 17872786. Le Parlement de Dijon en 1788 signale enfin au monarque « que la voix de la censure publique s’élève contre l’extrême rigueur des ordonnances »2787. Pourtant, l’idée d’opinion publique doit être mise en parallèle avec une autre opinion, certes plus restreinte, mais pouvant pallier l’immensité de la voix nationale. Le Parlement de Rouen en 1788 parle du « choc des opinions » comme délibération face à l’envoi d’actes royaux2788. Dès lors et à l’instar de la réforme Maupeou, la tentative de Lamoignon en 1788 pousse les magistrats bretons, par exemple, à signaler que l’opinion publique est le « vœu national des États généraux »2789. Jusqu’à la pré-Révolution, les juges utilisent au maximum de leurs possibilités les conséquences d’une opinion publique par nature évaporable et sont très perméables aux quelques discours politiques reconnaissant à ce tribunal fictif, le pouvoir de peser sur les décisions royales.
14On peut se vanter d’être la caisse de résonance du public comme construction conceptuelle mais le désir de créer une nouvelle communauté nationale, en opposition à l’ensemble du peuple français traditionnellement soumis au roi, absorbe volontiers l’abstraction publique pour la rendre pratique tout d’abord socialement avec Duclos, Helvétius, d’Holbach, Mably, d’Alembert puis politiquement2790. Cependant, quantitativement peu d’écrivains politiques s’attardent sur l’opinion publique à l’orée de 1788 ; preuve de la réalité d’un concept flou et difficile à manier. Rappelons seulement qu’avant 1774, Rousseau parlait d’un « public dev[ant] être le témoin et le juge »2791 et qu’un auteur méconnu lança l’idée importante d’un « tribunal de la nation » par l’intermédiaire de la religion catholique. En effet, pour l’archidiacre de Narbonne Claude-Joseph Boncerf en 1766, l’incrédule devait être ramené à la raison par la religion et par un « public, tribunal souverain éclairé »2792. Adoptant la dichotomie classique nation-multitude2793, l’auteur écrit que « l’Être suprême instruit les mortels ; vox publica, vox Dei »2794. Cependant, il faut attendre l’année 1774 pour voir resurgir en d’autres termes ce thème. Ainsi, Diderot, refusant le comportement politique des magistrats, pense que « les décisions des tribunaux ne devraient jamais être imprimées. Elles forment à la longue une contre-autorité à la loi »2795. À l’inverse, pour le physiocrate le Trosne en 1777, le public doit quand même influencer le jeu institutionnel2796. En effet,
« ce n’est que dans le gouvernement de l’ordre que les corps intermédiaires aidés et soutenus par l’opinion publique, peuvent être opposés avec succès à des surprises faites à l’autorité »2797.
15Dès lors, l’opinion gouverne la nation entière2798 même si l’idée d’une autorité relevant d’une masse nationale doit être prise avec précaution. La bataille autour de la primauté nobiliaire ne doit pas faire oublier la question de l’aptitude populaire.
16D’ailleurs, la fin du xviiième siècle continue à propager les subdivisions « public et peuple », « opinion et populace », « opinion des gens de lettres et opinion de la masse »2799. Ainsi, la puissance de l’opinion publique peut avoir des effets catastrophiques dans une affaire jugée. L’analyse du procès criminel fait par l’avocat Servan en 1781 montre, à ce sujet, deux éléments importants avec l’intérêt et le caractère de l’accusé. En ce qui concerne le caractère, il faut prendre garde à la notion de public au sens d’opinion : c’est le fameux « vous savez ». L’opinion publique ne doit pas interférer dans l’examen de l’affaire. L’opinion « fait des panégyriques ou des satires sur les vivants et quelquefois des jugements sur les morts »2800 ! Si le rêve d’un lointain contre-pouvoir est une solution un temps caressée, il n’en demeure pas moins l’existence d’une attitude conservatrice philosophique face à la réalité d’une opinion en développement. Il faut pour l’utopiste Brissot en 1782 que le philosophe se mette au-dessus de l’opinion publique qui peut être impressionnable2801. Mais cette opinion est désormais considérée comme un pouvoir politique en puissance qui peut s’opposer à toute tyrannie.
« C’est donc par la constance dans ses travaux, par l’opiniâtreté dans ses principes, que le philosophe parvient enfin à maîtriser l’opinion publique : il jouit alors d’un plus grand empire que le souverain le plus despotique. Il commande à l’opinion publique, et l’opinion publique commande à tout l’univers »2802.
17Les conversations et la puissance de la parole étaient surtout liées à la position d’une élite à huis clos aspirant à diriger et à instruire la cité. Selon un libelle, la convocation des États généraux devenant probable à l’approche des années 1787-1788, l’opinion commence à intervenir « comme arbitre suprême des peuples et des individus »2803. Néanmoins, il est un auteur qui marque de son empreinte cette évolution : Malesherbes. Véhiculant en 1758 l’idée d’une « république des lettres »2804, il admet que faire obstacle à la production de livres revient à empêcher « de soumettre à l’examen, l’autorité royale »2805. Trente ans plus tard, lucide dans l’analyse d’une réalité démographique sans équivoque, il affirme :
« Je ne prétends pas dire que tous les individus de la nation soient des gens instruits ; mais je dis qu’il n’y a pas une classe d’hommes ni un coin de province où il ne se trouve des gens qui ont une façon de penser à eux, et qui sont capables de l’exposer et de la soutenir contre qui que ce soit »2806.
18La masse de la nation peut avoir en elle, grâce à des meneurs, une puissance de parole et de comportement. Cependant, le danger est grand de dire qu’il existe une volonté claire et rationnelle. Malesherbes se méfie, lui aussi, de la masse mais fait confiance à la littérature comme promotion « nationale ». « On doit convenir que les belles-lettres ont adouci les mœurs, qu’elles ont quelquefois tiré les nations de la barbarie »2807, surtout que le leitmotiv de la « représentation nationale » est un thème, quelque part, déficient2808. Preuves de la force de ces arguments, les défenses absolutistes ne sont pas dupes de l’importance de l’opinion et la censurent de bon cœur. Linguet en 1788, à propos de sa condamnation par le Parlement de Paris, parle de « ce fantôme de l’opinion publique, si artificieusement arboré sur tous les étendards des confédérations » qui n’est pourtant pas contraire à l’autorité du roi2809. Selon Moreau, l’opinion publique est un « lien virtuel » entre le prince et ses sujets qui ne doit pas être confondu avec le « vœu unanime de la nation »2810. L’opinion est donc évaporable2811.
19Un « tribunal de la nation » n’a finalement pas, à cette époque, tous les attributs d’une autorité pouvant réellement changer l’institution monarchique mais simplement le pouvoir de l’affaiblir politiquement par l’utilisation partiale de son comportement. Même les philosophes se méfient de l’opinion en ce sens qu’une puissance naturellement virtuelle ne peut pas être complètement contrôlée. Ainsi, beaucoup d’auteurs se rendent compte que le façonnement du peuple entrepris au milieu du siècle doit s’intensifier et emprunter une voie annexe, celle du moule national.
II - LE FAÇONNEMENT PRESQUE DÉCISIF DU PEUPLE VERS LA NATION-PATRIE
20Loin d’une nation formée d’individus strictement égaux en droit, le peuple reçoit et profite d’une éducation quasi-décisive à partir des années 1775-1780. En ce sens, il est indéniable que le patriotisme, comme ferment, a été utilisé abondamment par toutes les franges politiques afin d’asseoir une légitimité institutionnelle nationale qui soit propre à la nation. La subjectivité de leurs attitudes respectives ne peut alors qu’être remarquée.
§ 1 - Éducation et mœurs nationales, fondements du discours patriotique
21Le modèle du catéchisme politique en tant que devoirs moraux et civils apparaît en 1774 comme source d’une éducation complète et nationale selon Diderot2812. Le peuple-nation, qui jadis était émietté, facile à séduire et jouissant d’une première réhabilitation avant 1774, retient désormais l’attention de beaucoup de libellistes. En effet, il faut entièrement instruire ce peuple pour qu’il se transforme pleinement en une nation pensante et agissante politiquement. Sa « naturalité » et ses mœurs servent alors de fil directeur dans son apprentissage comme pour le directeur de la Librairie Dieudonné Thiébault2813. D’après le matérialiste Pierre-Charles Lévesque en 1774, la primauté des mœurs nationales doit l’emporter sur tout système législatif car « il ne peut se faire un grand changement, dans quelque gouvernement que ce soit, qu’il n’ait été préparé par l’esprit national »2814. C’est un problème de force de persuasion et donc un problème de despotisme ou d’harmonie2815. Souvenons-nous que les magistrats avaient déjà bien propagé l’idée. Les réminiscences se font alors sentir après le rétablissement des cours par l’intermédiaire de Joseph Lanjuinais en 1774, pour qui, il est indispensable que la législation prenne en compte le génie et la position de la nation par l’intermédiaire de la magistrature2816.
« Il faut de toute nécessité que les lois s’accordent avec les génies des nations, ou il ne faut pas espérer qu’elles subsistent. Les châtiments seraient tempérés, de sorte qu’en maintenant les bonnes mœurs, ils ne seraient ni légers, ni rigoureux : des ordonnances claires et précises ne donneraient jamais lieu au litige, elles consisteraient dans tout ce que les lois civiles ont de meilleur et dans une application ingénieuse et simple de ces lois aux usages de la nation »2817.
22Le roi n’est évidemment pas oublié car pour le Parlement d’Aix en 1781, le monarque est « l’exemple des mœurs, le protecteur de la stabilité des lois et de leurs dépositaires, l’ami d’un peuple »2818. D’ailleurs, des auteurs comme le Trosne en 1777 ont très bien perçu cette importance royale2819. Ainsi, pour celui-ci, le roi est le « fondateur et l’instituteur de la nation »2820. Cependant, la nation doit se couper de ses anciens défenseurs et recouvrer, grâce à la philosophie, une certaine liberté par son instruction.
23D’après l’encyclopédiste André Morellet en 1775, « lorsque le public instruit par les écrits et par la discussion a adopté une vérité, il en devient le gardien fidèle »2821. L’éducation nationale censure les préjugés2822 car la nation est une grande famille qui instruit ses enfants pour l’avocat limousin et rousseauiste Guillaume Grivel2823. En effet, selon ce dernier, le manque d’instruction des hommes fait dire que nous n’avions pas de patrie2824. Dès lors, le peuple éparpillé à travers tout le royaume doit profiter d’une organisation rationnelle : la physiocratie en fin de course a eu une part importante dans cette évolution2825. Selon Turgot, parlant des « droits des hommes » ayant pour origine la nature2826, la nation est trop nombreuse pour ne pas la connaître mieux2827. C’est un problème de « constitution »2828. Pour réunir tous les hommes, il faut lier toutes les parties de la nation par l’instruction2829. Les mœurs constituent alors le pivot de cet élan2830. L’éducation généralisée doit toucher le moindre atome de la cité nationale par
« la manière de préparer les individus et les familles à bien entrer dans une bonne constitution (…) la formation d’un conseil de l’instruction nationale, sous la direction duquel seraient les Académies, les Universités, les collèges, les petites écoles »2831.
24Il faut par conséquent la création d’un organisme, d’un conseil qui forme des êtres vertueux dans toutes les classes de la nation. « Le goût même y gagnerait, comme le ton national : il deviendrait plus sévère et plus élevé, mais surtout plus tourné aux choses honnêtes. Ce serait le fruit de l’uniformité des vues patriotiques »2832. L’éducation révolutionnaire est en germes ici. Même si le vieux réflexe élitiste dans la propagation de l’éducation existe encore chez le Trosne en 17772833, il n’en demeure pas moins que cet auteur veut lui aussi élargir la pédagogie2834. La prise en compte de la nature du peuple français reçoit ainsi toute l’attention d’une frange d’auteurs voulant mettre au centre du débat politique l’éducation patriotique. D’ailleurs, les référents rousseauistes sont de parfaites illustrations de cette volonté2835. Une fois encore, l’affection que l’on doit à sa patrie, à sa nation, n’est effective qu’avec la responsabilisation de chacun au sein de la communauté. Le phénomène s’amplifie aux alentours des années 1780.
25De Du Buat Nançay pense en 1778 -mettant la noblesse au centre de l’échiquier politique -qu’il « existe pour nous une patrie et que nous sommes une nation, en ce sens que nous avons une gloire nationale à conserver ou à recouvrer une réputation à soutenir ou à rétablir »2836. Parlant de l’égoïsme de chacun, de l’incompétence des ministres et le manque de patriotisme, il a peur que cette nation ne redevienne un peuple épars par le manque d’éducation2837. Il y a une étroite relation entre la nation et sa pédagogie par le biais de cette fibre patriotique dont le versant éducatif est primordial2838. Ces éléments se retrouvent dès lors chez lui comme autant de preuves de cette liaison moderne2839. Pourtant, il revient au philosophe patriote, pour l’abbé Guillaume-Thomas Raynal en 1780, le devoir d’instruire la nation2840.
« Tout écrivain de génie est magistrat né de sa patrie. Il doit l’éclairer s’il le peut. Son droit c’est son talent. Citoyen obscur ou distingué, quel que soit son rang ou sa naissance, son esprit toujours noble, prend ses titres dans ses lumières. Son tribunal, c’est la nation entière, son juge est le public »2841.
26Éduquer le peuple, c’est, à la manière de Rousseau, façonner le citoyen au service de la patrie. Néanmoins, le débat rebondit car l’évolution est primordiale pour la compréhension de la transformation du peuple en nation. Mercier en 1781 pense, par élitisme, que s’il n’y avait que les ouvrages de la Bruyère, Montesquieu, Boulanger, Buffon ou Rousseau, la multitude ne pourrait pas être totalement éclairée2842. Cette nation doit savoir ce qui se passe afin d’atteindre son propre discernement. Tels sont les éléments de l’adéquation éducative au début des années 1780 à travers ce qu’on appelle la seconde vague philosophique. Celle-ci pose alors la question du degré d’instruction.
27Ainsi, éduquer, c’est aussi toucher toutes les couches de la population selon l’avocat et notaire dijonnais Edmé Béguillet en 1782. En effet,
« l’homme du tiers état, l’homme du peuple, l’homme de la campagne, forment réellement dans tout le pays le corps des nations : tous exigent une culture, ou du moins une instruction relative ou convenable à leur place dans l’ordre social ; et ils ne peuvent être oubliés quand il s’agit de la formation de leur espèce »2843.
28Pourtant selon Brissot, le philosophe, avant d’essayer d’instruire le peuple, doit s’éduquer lui-même2844. Louant l’Émile de Rousseau2845, l’auteur indique que « la méthode actuelle de l’éducation n’est propre qu’à former des automates. C’est un fait démontré. Peu d’individus échappent à ses pernicieuses influences. Aussi toutes les têtes paraissaient-elles sortir du même moule ; elles sont toutes façonnées pour l’erreur »2846. Cette éducation doit embrasser progressivement l’humanité de la nation2847. Toutefois, instruire la nation, oui, mais à doses homéopathiques car celle-ci subit encore de plein fouet l’ancien préjugé de son absence d’autonomie et de son manque d’intelligence2848. Cinq auteurs explicitent très bien cet état de fait éducatif entre 1781 et 1785 et veulent le dépasser.
29Selon le philanthrope du Forez Claude-Antoine de Thélis en 1781, l’éducation publique est celle qui provenant des lois et de la nature du gouvernement, imprime des mœurs générales, donne des caractères à une nation et un ton pur et uniforme2849. Cette uniformité doit concerner la partie la plus nombreuse de la nation2850, « de la réunion des jeunes gentilshommes aux enfants du peuple, dans les écoles nationales »2851. Il faut alors rassembler la nation entière car « c’est en effet de la force morale que dépend la force réelle d’une nation »2852. Selon Servan la même année,
« une espèce de loi qui suppléerait peut-être à toutes les autres lois, serait celle d’une bonne éducation publique ; c’est l’unique ressort qui puisse remonter la machine politique, quand elle est affaissée sous le poids des siècles et des abus : c’est par l’éducation publique qu’on peut insensiblement refaire une nation quand elle est déformée »2853.
30L’avocat au Parlement de Besançon Louis Philipon de la Madelaine, s’attachant aux couches les plus basses2854, veut en 1783 éduquer les pauvres2855 afin de pérenniser l’État2856. Selon le comte de Vauréal la même année, « une éducation nationale est d’une nécessité absolue : que c’est presque la seule porte ouverte à la réforme des mœurs des lois »2857. Cette éducation, sur le modèle patriotique, doit s’occuper en priorité des enfants2858. Sur un ton éminemment révolutionnaire, c’est « un catéchisme national » qui est recherché2859 car
« le gouvernement semble avoir le plus grand intérêt, non seulement à la refonte des mœurs qui sont l’oreiller sur lequel l’enfant qui va naître doit reposer sa tête ; mais à opérer cette refonte par l’établissement d’une éducation nationale »2860.
31Enfin, pour le professeur de géographie à l’Université de Paris Carpentier en 1785, dans une dichotomie désormais banale entre l’intérêt général et l’intérêt particulier2861, il faut mener pas à pas l’homme comme « un aveugle »2862 vers son propre intérêt, celui de la patrie2863 en cultivant la langue nationale contre le latin2864. À ce sujet, il rejoint les dires deux ans plus tôt de le Roy2865. En effet pour ce dernier, « le véritable attachement à la patrie et à l’utilité commune, ne peut être que le produit d’une bonne éducation (…) L’attachement à sa patrie et aux intérêts de sa patrie ne dépend pas peu du bien-être qu’on y goûte »2866.
32Une fois encore, la pensée rousseauiste a eu un rôle fondamental dans la propagation du couple éducation-patriotisme. La deuxième vague philosophique en reprend allègrement l’idée et promouvoit l’ancrage d’une mentalité nationale la plus proche possible du peuple. Le patriotisme est le fil directeur de la quête nationale vers la maturité mais il ne faut pas oublier, dans cette entreprise, le rôle important des caractères nationaux.
33Même si pour certains auteurs, il faut continuer à étudier les mœurs d’un pays afin d’en tirer des conséquences ethnologiques et, à terme, politiques comme pour Mably2867, on doit reconnaître que, dans un nombre conséquent d’ouvrages, les mœurs redeviennent l’objectif principal dans l’instruction à travers la législation selon Delacroix2868 ou Béguillet2869. Ainsi Mably ne ferme pas la porte à une éducation patriotique éclairant toute la nation :
« Une nation ne se corrigera jamais de ses vices sans désirer avec ardeur un changement ; et elle ne peut souhaiter un changement qu’autant que ses lumières la mettent à portée de connaître ce qui lui manque et de comparer sa situation présente à une autre situation plus avantageuse (...) Un peuple ignorant éprouvera en vain les événements les plus favorables »2870
34par le biais de l’amour de la patrie2871. En effet, les « opinions nationales (…) qui forment le caractère national »2872 doivent tendre vers un esprit national rationnel2873. Cette initiation bénéfique impose de rehausser le niveau moral de la basoche2874 même si cette multitude est souvent aveugle et passionnée dans ses jugements2875. Influencé par Montesquieu, l’avocat au Parlement de Paris Eustache-Nicolas Pigeau admet en 1779 qu’il est clair que le climat a une influence importante sur la formation des caractères nationaux2876. Partant de là, les règles de l’ordre judiciaire doivent en recevoir les bénéfices2877. Ainsi, grâce à la philosophie la procédure civile sera de nature à prendre en compte les réelles aspirations du peuple puisque la philosophie témoignera directement des influences climatiques2878. En effet,
« si cet ordre judiciaire est bien modelé sur les mœurs, il empêchera, au moins en partie, qu’elles se corrompent (…) Si dans sa formation, on a bien envisagé le climat, on lui aura donné des règles propres à enchaîner les mauvais effets (…) Enfin, s’il est bien composé, en maintenant chaque citoyen dans la place qui lui convient, il le rendra plus propre à recevoir les heureuses influences de la philosophie »2879.
35Antoine de Pollier éclaircira en 1784 la situation en indiquant que la légitimité de n’importe quel pouvoir ne peut s’abaisser à blesser les mœurs car, dans le cas contraire, il subirait irrémédiablement la « réprobation » nationale2880. En ce sens, il faut créer dans chaque ville ou « département » un corps de magistrats compétents pour analyser les caractères locaux2881. On donnerait ainsi tous les cinq ans « un tableau général et raisonné des mœurs de son département »2882, dénombrement qui « servirait (...) à faire bien connaître le caractère national et les changements que peuvent y apporter le temps et les circonstances »2883. De plus, les mœurs constituent la liaison entre la débauche et la raison, entre « un assemblage monstrueux de femmes sans pudeur, de jeunes débauchés, de maîtres avilis, de valets lâches et insolents » et la nation constituée de patriotes toujours d’après Delacroix2884.
36Cette éducation liée à l’amour de la patrie au diapason de bonnes mœurs se retrouve clairement chez un anonyme en 1785 :
« Puisque le bien des particuliers se trouve dans le bien public, la route la plus sûre pour se rendre heureux, est donc de ne rien faire qui puisse troubler le bonheur public, mais au contraire de travailler de tout son pouvoir à le procurer. Ainsi, toutes les fois que le bien particulier se trouve en opposition avec le bien public, l’homme doit alors renoncer à tout ce qu’il a de plus cher et sacrifier au bien commun »2885
37Ainsi le peuple, à l’aube de la Révolution, ne suscite plus, pour certains, autant la méfiance. La masse doit pouvoir intégrer l’habit national et quoi de mieux qu’une instruction patriotique. Evidemment, la formation menée ne peut qu’en revenir à une élite responsable et visionnaire décidant arbitrairement de la charge éducative à prodiguer. La précellence de la chose ne se démentira pas au début de la Révolution de 1789. L’éducation et les mœurs ne sont toutefois pas les seules impulsions dans le façonnement de la nation car un autre élan vient ordinairement se rajouter au phénomène, celui de la question du patriotisme national stricto sensu.
§ 2 - Différents courants pour la construction du patriotisme national
Le patriotisme « pacifique »
38Le patriotisme à l’orée de la Révolution est encore en pleine mutation. Polysémique à souhait, celui-ci tend tout d’abord à se débarrasser d’un de ses attributs traditionnels, celui de la maxime d’Horace : « Dulce et decorum est pro patria mori » - il est doux et beau de mourir pour la patrie. Ainsi, le patriotisme n’est pas un sentiment agressif, il ne doit pas être confondu avec « l’amour-propre national » selon Grivel en 17752886.
« Le patriotisme ne consiste donc pas dans l’exclusion ; la patrie ne demande pas d’aller à main armée, ou par des intrigues secrètes attaquer la propriété d’un étranger ; car un homme, quel qu’il soit, n’est pas étranger à un homme ; mais elle nous commande d’être toujours unis de volonté et de secours au corps de l’État, pour en défendre les possessions attaquées »2887.
39Cette agressivité doit laisser la place à l’humanité permettant à l’affection pour la patrie, « amour du bien public », de construire la nation selon le professeur de médecine à l’Université d’Édimbourg Jean Grégory en 17752888. On doit au fond respecter l’autre car c’est se respecter soi-même d’après le Trosne en 17772889.
« Des haines nationales se perpétuent d’âge en âge, s’identifient avec les mœurs et les opinions, semblent devenir des vertus inhérentes aux citoyens, et faire partie de l’attachement qu’ils ont pour leur patrie. L’état naturel de l’homme est-il un état de guerre »2890 ?
40Le patriotisme est cet amour des hommes contre ce sentiment belliqueux qui déstructure le peuple en poussant ses composantes à tuer l’étranger selon Brissot en 17822891. La fraternité est de rigueur car elle seule peut éviter que la nation se désagrège dans de probables maux guerriers selon l’avocat Jean-François Dumas en 17832892. La nation patriotique doit désormais se renouveler et se débarrasser d’anciens principes ou tout du moins faire montre d’une attitude pacifique. La nation connote donc une idée positive de vie et non de mort : la patrie n’est pas un épilogue mais au contraire une aurore. Ainsi, à l’orée de 1789, existe un courant patriotique pacifique tranchant avec certaines déviances révolutionnaires. En ce sens, la volonté de rejeter toutes antipathies contre l’étranger trouve aussi sa source dans le patriotisme chrétien prônant la caritas patrii soli de Bossuet2893.
41Selon l’abbé Nicolas-Thyrel de Boismont en 1782, la patrie est
« une mère commune que la providence donne à ces grandes familles qu’on appelle les nations, génie invisible dont les touchantes et secrètes inspirations se font sentir à tous les hommes qui vivent en société »2894.
42Mais plus qu’une définition faisant appel aux origines de la nation familiale et patriotique, c’est un patriotisme chrétien qui est prôné2895. Ce sentiment serait en contradiction avec la réalité du siècle, celui de l’intérêt personnel et de la philosophie2896. Le patriotisme catholique a la capacité de s’adapter à la réalité politique selon l’abbé Cayre de Mirabel en 17842897. En effet, maintenir la religion est du devoir des « hommes publics » dont la fonction d’archevêque fait partie. À travers l’amour de la patrie, la religion « resserre, consacre les obligations (…) du pacte social »2898. En 1787, François Dom Ferlus théorise parfaitement ce patriotisme familial chrétien2899. Refusant la définition traditionnelle du patriotisme royal comme amour du roi2900, l’auteur adopte une vision chrétienne du sentiment : « Hors de la religion chrétienne, il n’y a point de vrai patriotisme »2901. C’est une acception plus large, plus humaine dans sa généralité avec Dieu. En effet,
« les législateurs ont négligé ou rompu tous les nœuds qui pouvaient unir leurs sujets aux autres peuples (…) Le patriotisme est une vaste chaîne dont le premier anneau tient à la divinité ; elle lie le créateur à la créature, le père aux enfants, le sujet au monarque, le citoyen au citoyen, l’homme à l’homme »2902.
43La philosophie des Lumières est, a priori, écartée car elle galvaude, pour Ferlus, le véritable sens de la patrie, celle qui concerne la multitudo sapientum sanitas2903. En effet, l’ecclésiastique perçoit déjà les possibles dérives d’un patriotisme agressif dans les dires des philosophes2904.
44Toutefois, il est étonnant de voir ici que certains tenants de la religion catholique si décriés, si blasphémés par la philosophie, tentent une adéquation sémantique entre les référents sacrés et la dialectique des Lumières avec les termes de « pacte social » par exemple. C’est une attitude à double tranchant négatif. De deux choses l’une, ou bien la défense du catholicisme campe sur ses positions traditionnelles d’une patrie universelle, tolérante envers toutes ses composantes et subit l’attaque en règle d’une partie de la philosophie érigeant par nature l’exclusivisme, ou bien le christianisme essaie de s’accommoder au nouveau langage des Lumières mais à terme perdra son âme en croyant à une mutation bénéfique. Mais visiblement, l’occurrence patriotique, pacifique et religieuse relègue les préjugés nationaux ainsi que le rejet de l’autre à un état de fléau. Cette tendance postule une nation française en osmose avec la nation mondiale.
45De toute évidence, la question du patriotisme continue pour un temps à concentrer schématiquement l’attention. Les trois principaux courants du siècle concernant l’idée de nation, à savoir les absolutistes, les parlementaires et les philosophes, lui emboîtent évidemment le pas. L’amour de la patrie est l’objet d’un assaut incessant afin de construire politiquement et métaphoriquement un peuple français proche de chaque intérêt en présence.
Le combat classique entre patriotisme parlementaire et monarchique
46Le référent de la patrie sauvée par les magistrats est toujours présent dans le discours parlementaire2905 et dans la littérature politique avec Thomas-François Anneville en 17772906. L’avocat lyonnais Thomas-Philibert Riboud, célébrant la mémoire du chancelier de l’Hôspital et son action sur le Parlement2907, signale en 1781 que le magistrat doit en général « conserver dans le cœur la patrie [car] le vrai patriotisme a toujours résidé dans le sein des magistrats »2908. D’ailleurs la même année, Servan loue abondamment « Pithou, Harlay, Talon, Lamoignon, d’Aguesseau ; mannes de tous les magistrats qui ne cessent jamais d’élever nos libertés et nos lois comme de secondes Alpes entre Rome et la France »2909. La noblesse essaie encore de tenir le premier rôle dans la diffusion et la défense du sentiment patriotique et ce, aussi, à travers l’axe particulariste comme en Navarre2910 ou en Bretagne. B.-P. Georgelin du Cosquer écrit à ce sujet en 1785 que la noblesse bretonne donne de l’éclat à la nation2911 et il est tout à fait normal que ce corps plébiscite la création d’une société patriotique2912. Ainsi, le patriotisme nobiliaire persiste constamment et veut occuper sa place traditionnelle, celle du service au profit de la nation mais aussi du roi concurremment à d’autres remontrances parlementaires et une littérature royale divisée, prônant l’amour de la patrie.
47En effet, à partir des années 1774-1775, le thème patriotique familial revient très fortement, le spectre du conflit s’éloignant entre le greffe et la Couronne. On peut prendre comme exemples les écrits de la Cour des aides de Paris en 17762913, des Parlements d’Aix en 17812914, de Toulouse en 17822915 et de Bordeaux en 17842916. En ce qui concerne les auteurs politiques, Benoist reconnaît en 1774 que
« l’on a coutume de s’édifier au spectacle d’une famille, que la tendresse et l’obéissance rangent sous l’aile d’un père attentif et chéri. Cette famille tendre est le peuple français ; et ce père chéri, le monarque qui le gouverne »2917.
48Le roi doit donc bénéficier de l’amour de la patrie tel que le professe l’avocat au Parlement de Paris Jean-Baptiste Élie de Beaumont en 1777. L’homme, selon ce dernier,
« a trouvé dans lui-même, gravée par les mains de la nature et par celles de la raison, l’obligation de bienveillance et de bons offices envers ses compatriotes ; l’obligation d’un attachement inébranlable pour ses lois, conservatrices et protectrices de la société ; l’obligation de respect et d’amour pour celui qui en est le chef. C’est ce sentiment, mis en action, qui s’appelle patriotisme »2918.
49C’est un sentiment harmonique, qui est débarrassé de « toute démocratie »2919, de tout « gouvernement mixte ou despotique »2920 en faveur d’un État monarchique traditionnel avec un roi-patrie, chef de la nation2921. Élie de Beaumont raisonne encore dans le cadre d’une sémantique habituelle, celle d’une éloquence tournée vers des référents patriotiques et politiques libérés de toutes pollutions philosophiques externes. Ce n’est pas le cas d’autres auteurs, se disant absolutistes, prêtant le flanc, malgré eux, à la contamination des Lumières. Le débat ne cessera pas de rebondir.
50Les écrits de J.-P. Blachon en 1778 sont symptomatiques de cette évolution tendant à reprendre à son propre compte un langage philosophique de plus en plus envahissant. En effet, cet auteur utilise une rhétorique « dangereuse », celle du contrat, afin de légitimer un patriotisme monarchique avec un roi aiguilleur. À partir d’une coïncidence parfaite entre la patrie et le monarque2922, Blachon définit le « contrat social » comme
« un accord que font toutes les familles, tous les membres d’une même société, de s’unir ensemble pour se défendre contre leurs ennemis, pour s’aider contre leurs ennemis »2923,
51pour se rendre utile à la patrie. Cependant, la progression ne doit pas être totalement généralisée. Ainsi, il est demandé au souverain de prendre la pleine mesure des aspirations de la nation et, selon un anonyme en 1782, de censurer la réforme des compagnies et des assemblées provinciales qui éteignent « l’enthousiasme patriotique, le génie et le caractère national »2924. Cette demande se fonde sur cet équilibre pluriséculaire qui doit exister entre le chef et ses sujets2925. L’influence de Bodin est avérée seulement elle ne résiste pas face à la réalité du xviiième siècle. Selon le conseiller au Châtelet A.-J. Boucher d’Argis en 1783, il faut absolument inspirer au roi « l’amour de l’humanité »2926, « les droits de l’humanité »2927 par sa présence à proximité de ses sujets2928. L’utilisation d’un concept novateur, sinon porteur, du moins tranchant avec l’académisme d’une monarchie absolue est flagrante. Ce n’est pas ici le sens d’un humanisme que peut offrir habituellement le roi mais bien la prise en compte de nouveaux droits de la nation. Il faut encore, pour cet auteur, former l’héritier face à cette composante2929 car le patriotisme ne peut qu’assurer la gloire de la royauté2930. Illusion ou changement nécessaire d’optique, la prise en compte de l’entité nationale à travers ses « droits » finit d’affaiblir, de facto, la position d’un monarque absolu devant faire l’unanimité, distribuant son amour et recevant en retour des marques d’obéissance. En réaction à cette nouvelle adéquation, on observe un mouvement plus prompt à l’absolutisme. La confiance entre les sujets et le roi est réaffirmée par E. Mignonneau en 17832931. Le patriotisme est le lien entre le souverain et ses peuples dans le cadre de « l’harmonie » monarchique2932. Mais si l’on se penche de plus près sur l’argumentaire des partisans de la royauté absolue, on s’aperçoit très vite que le juriste Michaux en 1783 définit le mieux la relation entre la puissance monarchique et le thème familial2933. En effet, selon lui,
« les régimes des familles de l’ordre conjugal et de l’ordre laïc, ont formé le régime de la communauté publique, parce que les chefs de ces familles personnelles et réelles doivent, à cette communauté, le service qui leur est dû par leurs enfants ou membres subordonnés. Par cette raison, l’on a appelé patrie la communauté publique, composée de tous les membres sans exception ; et de là est venu le patriotisme, qui consiste à s’acquitter avec fidélité et courage, de ce que l’on doit à l’État, et aux lois qui en sont la base »2934.
52Néanmoins, selon l’historien et abbé Liévin-Bonaventure Proyart, en 1785, le roi doit montrer l’exemple au peuple grâce à son patriotisme originel et prêter attention à l’existence d’un patriotisme national en puissance2935. Visiblement, les partisans du patriotisme monarchique tergiversent non sur la source mais sur les effets de l’amour de la patrie car le patriotisme royal est loin d’être mort selon de Brie-Serrant. En effet, d’une liaison naturelle entre patriotisme et gouvernement monarchique2936, le sous-lieutenant du régiment de cavalerie de Bourgogne pense que le monarque doit incorporer un schéma familial où « la nature et la fertilité du sol, le caractère des habitants, leurs qualités » jouissent d’une liberté naturelle2937. Reprenant une idée qui n’est plus neuve, celle de l’influence du climat sur les caractères nationaux dans une monarchie2938, l’auteur définit le patriotisme national comme celui du roi. « Citoyens, je vous le dis encore, aimer nos lois et nos rois, voilà notre patriotisme. L’amour de nos rois est naturel en nous »2939 car il est de l’essence de la nation d’être patriote2940. Un libelle reprend ce principe avec un patriotisme royal rejetant toutes les théories philosophiques qui dénaturent le lien naturel entre un père et sa patrie, son peuple, sa nation2941. D’ailleurs, l’année 1787 voit naître une controverse entre deux personnages défendant la monarchie tempérée, pour le docteur en droit Jean de Meerman, et la monarchie absolue, pour Mignonneau.
53Sur la base de l’ancien adage « pas de patrie sous le despotisme »2942, de Meerman postule que le patriotisme peut se développer et s’épanouir quel que soit le régime, qu’il soit républicain ou monarchique2943. Cependant, on s’aperçoit rapidement que celui-ci prône une bienveillance vis-à-vis du contractualisme, base de ce même patriotisme2944. Même si la définition du patriote dans la monarchie est d’aimer naturellement son roi et de lui obéir2945, une légitimation de la « résistance politique » dans la désobéissance est un acte citoyen lorsque le monarque s’écarte des lois fondamentales, donc du pacte fondateur2946. Le patriotisme doit donc avoir le renfort de la représentation2947 au diapason d’un gouvernement royal proche de la multitude2948. Evidemment, la réponse absolutiste ne se fait pas attendre par l’intermédiaire de Mignonneau. Insistant sur le rôle de cohésion nationale du roi2949, l’auteur indique que
« le patriotisme n’est pas plus étranger aux citoyens d’une monarchie qu’à ceux d’une république, mais il dérive et est exalté par une cause différente (…) Dans les monarchies, il naît de la confiance que la nation croit devoir à son roi, et des vues utiles et bienfaisantes qu’elle lui connaît ou qu’elle lui suppose. D’où il résulte que le premier mobile du patriotisme, dans les monarchies en général et en France en particulier, est l’opinion que le monarque a donnée à la nation de son zèle pour le bien public, de sa loyauté, en un mot de son caractère »2950.
54Ainsi, les différents courants entre 1774 et 1788 ambitionnent encore à définir le patriotisme et à s’en draper naturellement comme manteau social. L’esprit national doit pouvoir légitimer toute action politique et il est par conséquent normal que l’amour de la patrie fasse l’objet d’un investissement intellectuel fort. Néanmoins, les questions de la survivance de ces différentes tendances doivent être traitées séparément. Le patriotisme pacifique, bien réel à l’aube de la pré-Révolution, s’éteindra tout simplement parce que l’idée d’une nation en régénération aura la possibilité d’éliminer toute contrainte qu’elle soit intérieure ou extérieure. Le patriotisme parlementaire résistera un peu mieux entre 1787 et 1788 mais subira, lui aussi, la délégitimation due à un second ordre devenu trop privilégié. Le patriotisme monarchique, englué dans ses incohérences et ouvrant ses portes à une philosophie omniprésente, a été incapable de soutenir une ligne claire et ordonnée. La pré-Révolution, un temps conciliatrice, aura raison de ce courant. Dès lors, la place est quasi-vacante pour un quatrième courant avec le patriotisme national. Ainsi, la modernité d’une fusion entre l’amour de la patrie et la conscience nationale s’est construite entre 1775-1788 afin d’ériger un patriotisme comme « espace supérieur au roi »2951.
§ 3 - Vers une première fusion entre patriotisme et conscience nationale
55La patrie d’après Lévesque en 1775 n’est pas seulement la vision particulière de la propriété intrinsèque mais un ensemble beaucoup plus vaste, à la fois physique et moral. Là est la modernité de la fusion entre le référent national traditionnel du peuple et de la patrie terrestre. Il se pose la question suivante :
« Qu’est-ce que la patrie ? N’est-ce donc que cette terre qui nous porte ? Quoi ! l’on viendra me dire sérieusement que c’est cette portion de terre que je dois chérir, que c’est à cette boue de mon pays que je dois un amour exclusif ! Non, citoyens. Je comprends, et vous comprenez tous avec moi dans ce mot de patrie, tous nos compatriotes, les souverains, les magistrats qui nous gouvernent et nous protègent, les guerriers qui nous défendent, les bienfaiteurs qui ont mérité notre reconnaissance, les amis qui ont gagné notre cœur, nos parents, les auteurs de notre être, ces épouses à qui nous avons lié notre sort, ces enfants qui nous doivent le jour. C’est l’assemblage de tous ces titres qui nous est cher, et non ces eaux, ces campagnes, ces forêts, ces édifices, objets inanimés, indignes de notre amour. Privez-nous des titres précieux d’époux et de pères ; vous ôtez aux liens qui nous attachent à la patrie les chaînons les plus forts »2952.
56Cependant, il faut attendre 1780 pour voir apparaître un discours plus homogène dans cette assimilation entre patriotisme et conscience nationale avec l’abbé Raynal. Raynal est un auteur hétéroclite qui a été influencé par Montesquieu, Voltaire, Helvétius, d’Holbach et Rousseau. Ainsi, son œuvre se marque plus par une synthèse remarquable du siècle que par une originalité marquée. Selon lui, la nation est « une société, assemblage d’hommes occupés de différentes fonctions »2953. Cette organisation humaine coïncide avec la patrie que chacun, avec ses moyens respectifs, doit servir volontairement2954. Dès lors, personne ne doit être écarté de la dévotion patriotique, ni la noblesse, ni le peuple des campagnes2955. Grâce aux liens nourris par « le sentiment », « la bonté », « l’amitié », « la fidélité », « la sincérité », en somme « l’amour de la patrie », la nation peut alors se développer pleinement2956. Evidemment, à travers cette argumentation, n’est pas oubliée la liberté nationale : « Sans liberté, ou la propriété de son corps et la jouissance de son esprit, on n’est ni époux, ni père, ni parent, ni ami. On n’a ni patrie, ni concitoyen, ni Dieu »2957. Le despotisme est à rejeter2958 car « dès que la crainte a rompu tous les autres ressorts de l’âme, une nation n’est plus rien ». Raynal, sûrement influencé par Rousseau, en arrive à une définition moderne du patriotisme :
« Il y a dans tous les hommes un penchant à aimer leur patrie, qui tient plus à des causes morales qu’à des causes physiques. Le goût naturel pour la société ; des liaisons de sang et d’amitié, l’habitude du climat et du langage ; cette prévention qu’on contracte si aisément pour le lieu, les mœurs, le genre de vie auxquels on est accoutumé : tous ces liens attachent un être raisonnable à des contrées où il a reçu le jour et l’éducation »2959.
57On comprend aisément que le thème du roi-patrie est de ce fait attaqué. De surcroît, selon un anonyme en 1784, il ne faut pas confondre l’amour du roi et l’amour de la patrie tout simplement parce que le patriotisme monarchique permet aux « grands » de recevoir des « grâces et des bienfaits » en retour d’une affection partiale2960. Néanmoins, il y a un auteur méconnu qui formulera encore mieux cette coïncidence patrie-nation : Charles-Joseph Mathon de la Cour.
58Homme de lettres né à Lyon en 1738, d’une nature polie et distinguée, Mathon de la Cour intègre facilement les salons de la capitale. En 1767, il remporte le premier prix de l’Académie des inscriptions avec un mémoire sur la législation de Lycurgue. Fondateur de la société philanthropique de Lyon, il établit dans la même ville un lycée afin, selon lui, que des enseignants puissent naturellement prodiguer leurs sciences et l’apprentissage les langues. D’une grande générosité en faveur des mendiants et autres malheureux, il prône aux alentours des années 1780 une réforme des finances de l’État sans lendemain. La Révolution française l’emporta au mois d’octobre 1793.
59Mathon de la Cour reconnaissant en 1787 une certaine permanence dans l’existence d’un patriotisme, qui par essence, pouvait se prévaloir d’une marque républicaine2961, admettait l’existence de deux vertus de création divine2962. Il y a l’amour de soi réservé aux « âmes faibles »2963 car penchant naturel de l’homme2964 et l’amour d’autrui réservé aux « grandes âmes »2965, synonyme de « vertus sociales »2966. L’amour d’autrui étend l’affection, « porte à chérir nos semblables » dit-il2967. Ce patriotisme est le ferment avéré de la construction de la nation et la source de la confection de la conscience nationale. En effet, et c’est là toute la modernité de la chose, Mathon fait une différence entre l’amour de la patrie et le patriotisme. L’amour de la patrie concerne tout ce qui intéresse l’individu lui-même2968. C’est un principe de nature touchant l’homme directement dans une partie de son existence, dans sa face égoïste mais ce principe n’est qu’un premier stade, certes important mais pas suffisant. C’est en quelque sorte un patriotisme de clocher2969 qui permet, lui aussi, de construire ce sentiment, cette intuition nationale en gestation ; un patriotisme dans un territoire restreint à la manière de Rousseau et ses petits États2970. Mais le patriotisme doit recevoir une définition plus large :
« Le patriotisme, plus rare parce qu’il est désintéressé, est un désir ardent de servir nos compatriotes, de contribuer à leur bien être et d’assurer leur repos et leur bonheur. Ce désir tient à l’amour de la patrie mais il en est en quelque sorte le complément ou plutôt c’est l’amour de la patrie pour elle-même, comme l’éprouvent les âmes nobles et pures ; et tandis que les égoïstes les plus vils n’aiment leur patrie que pour leur intérêt, les vrais patriotes sont toujours prêts à sacrifier pour elle et leurs intérêts les plus chers et jusqu’à leur vie »2971.
60L’amour de la patrie n’est donc pas à la portée de tout le monde. L’amour de la patrie est peut-être plus rare mais selon Mathon, il est « peut-être plus vrai » dans une monarchie humaine2972 et par conséquent nationale2973. Ainsi l’auteur, à l’instar de Rousseau, se prononce pour une éducation des âmes de chaque citoyen en établissant des « fêtes nationales » et des « récompenses accordées aux vertus patriotiques »2974. Il faut, dans une concordance parfaite entre esprit national et patriotisme, « disposer les âmes et régler les mœurs de la manière la plus favorable au patriotisme »2975. Ce sont les « bonnes mœurs »2976, la simplicité des caractères et finalement, se référant à Montesquieu, le bonheur qu’il faut atteindre2977. Mais plus encore, il faut répartir la population dans le royaume2978. En effet, c’est la trop grande affluence dans la capitale des élites provinciales qui d’un côté augmente le nombre d’habitants -agrandissant le territoire, trop vaste pour le vrai patriotisme2979 -et de l’autre la déserte des villes et des campagnes qui affaiblit l’affection nationale par le départ des gens les plus cultivés2980. Un juste milieu raisonnable est donc d’actualité étant donné que le patriotisme national doit s’adapter face à deux écueils majeurs : la trop grande diversité des populations promouvant un patriotisme exclusivement local et l’absence d’amour de la patrie tout court par égoïsme et repli sur soi. La Révolution de 1789 s’en fera largement l’écho.
61La deuxième vague philosophique, dans cet intermède patriotique et national, a réussi à maintenir à flot des discours amplement utilisés durant plus de la moitié du xviiième siècle. Nonobstant la tentative de substitution des avocats aux magistrats sur le terrain du relais des plaintes populaires à transmettre au roi justicier, nonobstant la prépondérance d’une éducation nationale plus intense quantitativement et qualitativement et surtout près du peuple, il est indéniable que l’émergence de l’opinion nationale dans les différents actes officiels et œuvres littéraires, ainsi que la reformulation du patriotisme en direction de la modernité révolutionnaire, ont permis à l’idée nationale de se présenter avec un acquis et des prédispositions importantes afin de basculer dans la pré-Révolution.
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62La période qui court depuis novembre 1774 jusqu’en juillet 1788 est une époque qu’il ne faut pas mésestimer. Louis XVI, toujours père du peuple, n’a pas su percevoir, sûrement mal conseillé2981, l’accroissement d’un nouveau langage qui est encore à ses balbutiements quantitatifs mais qualitativement destructeur de la monarchie traditionnelle. Une véritable reformulation politique et institutionnelle de la nation est engagée par certains auteurs dont la mouvance parlementaire a souvent été le terreau. La violence des écrits est frappante et montre que la nation, loin de réaliser une symbiose avec son roi, s’est quasiment détachée en théorie de la tête monarchique. La représentation royale est désormais envahie par la représentation nationale : l’absorption est en marche. L’âpreté de ces libelles ne doit pourtant pas cacher d’autres attaques directes ou indirectes comme par exemple le thème de l’élection nationale, principe ancien et niveleur par excellence du pouvoir royal, ou encore la rhétorique parlementaire comme si la réconciliation de 1774 n’avait été qu’une façade ou le surgissement de nouveaux acteurs comme les avocats influençant indéniablement le discours politique et une opinion publique qui s’érige en « tribunal ». Malgré son pluralisme, la nation est à un stade supérieur de son évolution car il y a un indéniable raidissement de la pensée politique nationale. Façonner le peuple devient en définitive l’objectif important afin de faire coïncider la nature même de la nation à une construction politique et institutionnelle qui lui soit propre. La pré-Révolution, avec la demande de convocation des États généraux le 5 juillet 1788, démultipliera à outrances ces thèmes et en rajoutera d’autres beaucoup plus importants et décisifs.
Notes de bas de page
2716 Les avocats adhérèrent pleinement à la culture des Lumières comme par exemple à Toulouse, (N. Castan, « Les avocats au Parlement de Toulouse au xviiième siècle », Histoire des avocats et du barreau de Toulouse du xviiième siècle à nos jours, sous la dir. de J.-L. Gazzaniga, Toulouse, Privat, 1992, pp. 42-47). Cf. plus généralement, D.-A. Bell, Lawyers citizens, op. cit.
2717 Recueil Isambert, t. 20, op. cit., pp. 561-562.
2718 « Le mémoire a une double fonction : d’intimidation (...), d’information et de médiation », (S. Maza, « Le tribunal de la nation : les mémoires judiciaires et l’opinion publique à la fin de l’Ancien Régime », AESC, janvier-février 1987, n° 1, p. 79). Dès lors, « cette production [de mémoires] a contribué, de diverses manières, à l’éducation de la nation française », (S. Maza, Vies privées, affaires publiques, op. cit., p. 112).
2719 L. Karpik, Les avocats, entre État, le public et le marché, xiiième-xxème siècle, Bibliothèques des Sciences Humaines, Paris, NRF-Gallimard, 1995, p. 118. On peut s’en rendre compte à propos de l’attitude des avocats de Paris entre 1730 et 1735. Les avocats ont interrompu leurs fonctions et « établi dans le centre de l’État le plus monarchique de l’Europe, une petite république », (Brevet du régiment de la calotte en faveur des avocats du Parlement de Paris, s.l.n.d. BN Lf49 60 p. 2). Cf. à ce sujet, D.-A. Bell, Lawyers and citizens, op. cit., pp. 67-104. On peut voir écrire dans un libelle de 1735 que les « avocats du Parlement de Paris, honnis et confus, ayant donné des marques du repentir sincère de leur conduite passée (…) le public touché de compassion pour la faiblesse humaine, veut bien en considération des railleries qu’ils ont essuyées, et qu’ils reconnaissent avoir bien mérité, leur accorder, comme en effet, il leur accorde par ces présentes, la grâce de rémission entière », (Amnistie en faveur des avocats du Parlement de Paris, s.l.n.d. BN Lf49 59 p. 1). Le « public » peut alors donner « une réparation d’honneur en bonne forme », (Arrest de la basoche en faveur des avocats du Parlement de Paris, s.l.n.d. BN Lf49 62 p. 2).
2720 D.-A. Bell, « Lawyers into demagogues: chancellor Maupeou and the transformation of legal practice in France 1771-1789 », Past and Present, 1991, n° 130, p. 117.
2721 U. Bellagamba, Les avocats à Marseille, praticiens du droit et acteurs politiques, xviiième-xixème siècle, Aix, PUAM, 2001, pp. 74, 77.
2722 H. Leuwers, « L’engagement public et les choix politiques des avocats de l’Ancien Régime à la Révolution. Les exemples de Douai et Rennes », Revue du Nord, juillet-septembre 1993, t. 75, n° 302, pp. 503, 516-517, 519.
2723 A. Falconnet, Essai sur le barreau, grec, romain et français et sur les moyens de donner du lustre à ce dernier, Paris, Grangé, 1773, p. 175.
2724 J.-C. Martin de Mariveaux, Discours au Châtelet, s.l.n.d. BN Lb39 145 p. 1.
2725 J.-B. Darigrand, Discours prononcé à la Cour des aides, le 13 décembre 1774, BPR Lp 573 pièce 135 p. 3.
2726 A. Falconnet, Mémoire pour Maître Falconnet, avocat en la cour, appelant d’une sentence rendue au Châtelet de Paris, le 2 juin 1775 entre le duc de Guines et le Sieur Tort, in Le barreau français moderne ou choix de plaidoyers, mémoires et consultations des plus célèbres avocats, t. 1, Paris, Cuchet et P. Gueffier, 1806, p. XVI.
2727 Ibid., p. XVII.
2728 « L’État tout entier a le plus puissant intérêt à la publication de cette sorte d’écrits. Dans une nation où il y aurait d’excellentes lois, mais éparses, mais consignées dans ses volumes effrayants par leur forme et par l’immensité de leur nombre, qu’arriverait-il ? Que ces lois peu connues seraient comme n’étant point, et que de cette ignorance fatale il naîtrait chez la plupart des sujets une lâche indifférence sur le sort des lois », (ibid.).
2729 Ibid., p. XXXI.
2730 H.-M. Nicolas, Consultation sur la discipline des avocats, Paris, Knapen, 15 avril 1775, BN Lf49 80 p. 7.
2731 Ibid., p. 10. À ce sujet, l’avocat Rivière en 1741 employait ces quelques mots en faveur de sa profession : « Vous homme illustre autant qu’aimable, par qui s’est formé ce que le barreau a de plus fameux, la douceur de vos mœurs, votre zèle pour le service du public », (Discours sur la profession d’avocat, Marville, 4 janvier 1741, BN Lf49 13 p. 5).
2732 J.-V. Delacroix, Réflexions sur les mémoires, s.l., 1775, p. 4.
2733 « Voulez-vous chez une nation où l’honneur est compté pour tout, et la vertu pour peu de chose, mettre un frein à l’injustice ? Menacez-la de la dévoiler, de l’exposer au grand jour dans toute sa laideur, et vous verrez tous ceux auxquels il reste encore quelque chose à perdre, étouffer dans leur naissance les affaires qu’ils ne peuvent pas défendre au tribunal de leur conscience (…) cet art devient inutile dans une affaire qui s’instruit, pour ainsi dire, sous les yeux du public, dont l’opinion est le censeur des magistrats, des ministres et des rois », (ibid., pp. 7, 9).
2734 A.-G. Camus, Lettres sur la profession d’avocat, sur les études relatives à cette profession et sur la manière de l’exercer, Paris, Méquignon, 1777, p. 150.
2735 Ibid., p. 106.
2736 Ibid., p. 105.
2737 Chavray de Boissy, L’avocat ou réflexions sur l’exercice du barreau, Paris, L. Cellot, 1778, p. 14.
2738 Ibid., pp. 19, 181, 183. De plus, « le cœur et l’esprit de la nation ne peuvent changer : nos vertus de prééminence seront toujours l’amour de la patrie, l’honneur, la bravoure, la franchise, cette loyauté nationale et caractéristique ; enfin l’amour des sciences et des lois, ainsi que cette passion décidée pour nos souverains, et pour tout ce qui émane de sa justice », (ibid., p. 74).
2739 Ibid., p. 16.
2740 Ibid., p. 114.
2741 Ibid., p. 62.
2742 Ibid., p. 37.
2743 Ibid., pp. 71-72.
2744 Briquet de Lavaux, Éloge de Pierre Pithou, Paris, 1778, pp. 59-61.
2745 A.-G. Boucher d’Argis, Règles pour former un avocat, nouvelle édition, Paris, Durand, 1778, p. 394.
2746 « Les mémoires imprimés demandent surtout beaucoup d’ordre et de netteté, beaucoup de choix dans les expressions. Pour moi, je regarde un factum bien fait comme un chef-d’œuvre de l’éloquence et de l’habileté de l’avocat », (ibid., p. 344).
2747 Réflexions d’un militaire sur la profession d’avocat, Paris, Vallat-la-Chapelle, BN Lf49 95 p. 13.
2748 J.-P. Brissot de Warville, Un indépendant à l’ordre des avocats sur la décadence du barreau en France, Berlin, 1781, BN Lf49 15 pp. 21-22.
2749 Ce pamphlet, attribué à un certain Puisieux, décrit l’avocat comme disposant de la fortune des gens, comme un mendiant, un escroc, un avare, un homme empêchant la justice, (Parallèle entre le capucin et l’avocat quant à l’utilité publique, Rome, 1782, BN Lf49 16 pp. 12, 33, 40, 44).
2750 Le triomphe de Themis pour servir de réponse au parallèle entre le capucin et l’avocat, Paris, Libraires Associés, 1783, BN Lf49 17 p. 17.
2751 Ibid., pp. 33-34.
2752 P.-H. Duvigneau, Discours sur la profession de procureur, Genève, 1783, BN Lf42 6 pp. 216, 239.
2753 Ibid., pp. 245-247.
2754 Histoire des révolutions et de la discipline du barreau français notamment de celui du Parlement de Franche-Comté, s.l., 1784, BN Lf49 74 pp. 60, 88.
2755 « Les avocats sont entre le peuple et les magistrats, ce que ces derniers sont entre le souverain et ses sujets », (ibid., p. 55).
2756 M.-J. Héraut de Séchelles, Discours adressé à l’ordre des avocats et prononcé devant le Parlement en la grande chambre, le 27 novembre 1786, s.l.n.d. BN Lb39 6296 p. 13.
2757 Cf. J.-L. Gazzaniga, « Les avocats pendant la période révolutionnaire », in Une autre justice, 1789-1799, études publiées sous la dir. de R. Badinter, Paris, Fayard, 1989, pp. 363-380.
2758 M. Delon, « Procès de la rhétorique, triomphe de l'éloquence, 1775-1800 », in Histoire de la rhétorique dans l'Europe moderne, 1450-1950, sous la dir. de M. Fumaroli, Paris, PUF, 1999, p. 1005.
2759 V. Riquéti de Mirabeau, L’ami des hommes, t. 1, op. cit., p. 279.
2760 A. Pecquet, L’esprit des maximes, t. 1, op. cit., p. 25.
2761 J.-J. Rousseau, Lettres écrites de la montagne, in Œuvres, t. 3, op. cit., p. 692.
2762 P.-P. le Mercier de la Rivière, L’ordre naturel et essentiel des sociétés, op. cit., p. 63. « L’opinion publique, a-t-on coutume de dire, est la reine du monde, elle est croyance, ou elle est conviction ; elle est raisonnable, ou elle est intuitive, mais, toujours et partout, elle fait sentir sa force », (P. Ourliac, « L’opinion publique en France du xiiième siècle au xviiième siècle », Études de droit et d’histoire, Paris, Picard, 1980, p. 138).
2763 « Non, la multitude ne sera point la dépositaire de l’opinion publique ; mais c’est cette heureuse classe de citoyens, en qui la raison est perfectionnée, sans être pervertie, qui, dans une distance égale de la servitude et de l’opulence, ne se permet de juger des choses que par voie de la discussion et du raisonnement », (L.-V. Goëtzman de Thune, Questions de droit public, op. cit., pp. 138-139).
2764 P. Brunet, Le concept de représentation dans la théorie de l’État, thèse dactyl. de l’Université de Paris X, 1997, pp. 91-92. Cf. sur le concept d’opinion publique, l’article de D.-A. Bell, « The public sphere the State and the world of law in eighteenth century France », FHS, 1992, t. 17, n° 4, pp. 912-934.
2765 S. Maza, Vies privées, affaires publiques, op. cit., pp. 113-114.
2766 J.-P. Heurtin, L’espace public parlementaire, essai sur les raisons du législateur, Paris, PUF, 1999, p. 25.
2767 J.-P. Brancourt, « Reine du monde ou gourgandine, l’opinion publique au XVIIIème siècle », Vu de Haut, Institut Universitaire Saint Pie X, 1984, n° 2, pp. 19-20.
2768 R. Chartier, Dictionnaire de l’Ancien Régime, v°» Opinion publique », op. cit., p. 929 ; K.- M. Baker, Au tribunal de l’opinion, op. cit., pp. 247-248.
2769 Avec le club de l’Entresol fermé en 1731 ou encore des cafés comme le Procope, (P. Ourliac, « L’opinion publique », op. cit., pp. 150-151 ; M. Arondel, J. Bouillon, J. Rudel, xvième-xviième-xviiième siècles, Histoire, Paris, Bordas, 1964, pp. 323-324 ; J.-P. Brancourt, « Reine du monde ou gourgandine », op. cit., p. 21 ; R. Chartier, Les origines culturelles de la Révolution française, op. cit., pp. 188-192). Néanmoins, les clubs ne devaient pas représenter une fiction juridique avec un poids politique car si c’était le cas, il y aurait eu concurrence avec le roi. Une seule exception peut nous sauter aux yeux, c’est le cas de l’Académie française contribuant « au bien public à travers l’édification morale et religieuse », (La monarchie entre Renaissance et Révolution, 1515-1792, sous la dir. de J. Cornette, Paris, Seuil, 2000, p. 346).
2770 J. Habermas, L’espace public, archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, traduit de l’allemand par M.-B. de Launay, Paris, Payot, 1978, p. 38 ; W. Doyle, Des origines de la Révolution française, op. cit., p. 109 ; F. Bluche, Louis XV, Paris, Perrin, 2000, p. 184.
2771 G. Feyel, « Le journalisme au temps de la Révolution : un pouvoir de vérité et de justice au service des citoyens », AHRF, juillet-septembre 2003, n° 333, p. 23.
2772 Le terme public étant souvent employé pour désigner globalement les lecteurs des journaux, (La diffusion et la lecture des journaux de langue française sous l’Ancien Régime, actes du colloque international à Nimègue des 3-5 juin 1987, Amsterdam, HUP, 1988, p. 264). Cf. M. Fogel, Les cérémonies de l’information dans la France, op. cit., p. 12.
2773 J. Sgard, « On dit », The press in the french Revolution, édités par H. Chisick, I. Zinguer, O. Elyada, SVEC, 1991, t. 287, p. 26.
2774 P. Laborie, « De l’opinion publique à l’imaginaire social », Vingtième Siècle, avril-juin 1988, n° 18, p. 104. Cf. J. Zask, L’opinion publique et son double, t. 1, Paris, Lharmattan, 1999, p. 173.
2775 A. Farge, Dire et mal dire, op. cit., p. 113.
2776 N. Hermann-Mascard, La censure des livres à Paris à la fin de l’Ancien Régime, 1750-1789, Sciences Historiques n° 13, Paris, PUF, 1968, pp. 97-123 ; G. Minois, Censure et culture, op. cit., p. 188. Il faut savoir aussi que même si la liberté d’expression n’était pas officiellement proclamée, il n’en demeure pas moins que celle-ci était effective dans les faits, (J.-L. Gazzaniga, « La dimension historique des libertés et droits fondamentaux », Libertés et droits fondamentaux, 6ème édition, sous la dir. de R. Cabrillac, M.-A. Frison-Roche, T. Revet, Paris, Dalloz, 2000, pp. 17-18).
2777 F. Saint-Bonnet, « Le Parlement, juge constitutionnel », op. cit., p. 196. Les différents Parlements de France ont essayé de développer dans leurs remontrances une certaine opinion, certes marginale, mais synonyme d’opposition en puissance. « Les observations, Sire, de votre Parlement (…) sont si simples et si naturelles que la voix publique l’avait déjà prévenu » écrit le Parlement de Paris le 13 mai 1716, (J. Flammermont, Les remontrances, t. 1, op. cit., p. 43). L’opinion publique est sujette à « toute discussion, (...) toute innovation (...) [car les Français ont] l’œil » toujours selon les juges parisiens les 19-20 mars 1768, (ibid., t. 2, p. 865). Dès lors, toutes tentatives pour le monarque d’essayer de contrecarrer les affirmations judiciaires sont vaines car « proscrites plusieurs fois par l’expérience et décriées, sans retour dans l’opinion publique », (lit de justice du 7 décembre 1770, ibid., t. 3, pp. 159-160). Le Parlement de Paris n’est pas le seul, son homologue breton cherche aussi une « réputation dans le public », (remontrances du 3 septembre 1718, BN Lb38 136 pp. 3-4). Les magistrats normands parlent, à propos des refus de sacrement, de « scandale public », (remontrances du 14 août 1753, BN Ld4 2529 p. 3). Enfin, les Toulousains affirment le 22 décembre 1763 qu’il « n’est point de pouvoir sur la terre qui puisse commander à l’opinion publique », (P.-J. Dufey, Histoire, actes, t. 2, op. cit., p. 100).
2778 F. Bluche, Les magistrats du Parlement, op. cit., p. 221.
2779 « Dans l’esprit public et par leurs études s’établit l’opinion que la nation est au-dessus desrois comme l’Église universelle est au-dessus du pape », (R.-L. d’Argenson, Journal, t. 8, op. cit., p. 153). Cette opinion publique, assez restreinte, avait dès le début du siècle dans le problème de la constitution Unigenitus et le refus des sacrement, reçut le renfort de la presse avec les Nouvelles ecclésiastiques, (R. Taveneaux, Jansénisme et politique, op. cit., pp. 40-42), opinion prenant de l’ampleur par la distribution des remontrances à partir des années 1750, (E. Glasson, Le Parlement de Paris, op. cit., p. 199).
2780 « L’on parle beaucoup de ce canevas de remontrances du Parlement de Rouen dont il court des copies et qui va être imprimé (...) L’on est scandalisé de ces propositions mais il faudra bien s’y accoutumer ; l’opinion universelle va les enfanter chaque jour », (R.-L. d’Argenson, Journal, t. 8, op. cit., p. 116).
2781 E. Badinter, Les remontrances, op. cit., p. 273.
2782 Procès-verbal de la séance du 19 mars 1776 de la Chambre des comptes de Paris, BN Lb39 207 p. 11.
2783 Remontrances du 4 juin 1782 du Parlement de Besançon, (ADD série B 2846 pièce 1 f° 16).
2784 Remontrances du 9 décembre 1785 de la Cour des aides d’Aix, (ADBR série 7130 f° 9).
2785 Arrêté du 1er septembre 1787 de la Chambre des comptes de Paris, BN Lb39 431 p. 8.
2786 Arrêté du 18 août 1787 du Parlement de Rennes, BN Lb39 405 p. 3. Les magistrats parisiens s’étaient élevés contre la déclaration du 18 juin 1787 généralisant l’emploi du papier timbre, (J. Egret, La pré-Révolution, op. cit., pp. 162-172).
2787 Remontrances du 26 février 1788 du Parlement de Dijon, (AN K 709 pièce 32 f° 3).
2788 Remontrances du 17 janvier 1788 du Parlement de Rouen, (ADSM 1 B 300 f° 29-30 r°).
2789 Remontrances du 2 mai 1788 du Parlement de Rennes au sujet des lettres de cachet, (A. le Moy, Les remontrances, op. cit., pp. 149-150).
2790 K.-M. Baker, « Politique et opinion publique sous l’Ancien Régime », AESC, janvier-février 1987, n° 1, pp. 56-57.
2791 J.-J. Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité, in Œuvres, t. 3, op. cit., p. 180. Cf. aussi Du contrat social, (ibid., pp. 458-459).
2792 C.-J. Boncerf, Le vrai philosophe ou l’usage de la philosophie relativement à la société et à la vertu, Amsterdam, 1766, pp. 89-90.
2793 « Quelque nombreuse que soit la multitude, elle est toujours le vulgaire, si l’on joint des sages, des personnes éclairées, des vrais connaisseurs et des gens désintéressés ; encore faut-il supposer le plus grand nombre de ceux-ci, avec la multitude, pour former le public soit d’un État, soit d’une nation, soit de la société entière. Sans cela vous n’aurez qu’un peuple », (ibid., p. 102).
2794 Ibid., p. 105.
2795 D. Diderot, Observations sur l’instruction de Sa Majesté impériale, op. cit., p. 240.
2796 J. Mille, G.-F. le Trosne, un physiocrate oublié, Paris, Larose-Tennin, 1905, p. 228.
2797 G.-F. le Trosne, De l’ordre social, op. cit., pp. 260-261.
2798 Ibid., p. 295.
2799 R. Chartier, Les origines culturelles de la Révolution française, op. cit., p. 41.
2800 M.-J. Servan, Réflexions sur quelques points de nos lois à l’occasion d’un événement important, Genève, 1781, p. 65.
2801 J.-P. Brissot de Warville, De la vérité ou méditations sur les moyens de parvenir à la vérité dans toutes les connaissances humaines, Paris, Desauges, 1782, p. 222.
2802 Ibid., p. 225.
2803 L’an 1787, s.l., 1787, pp. 1-2.
2804 C.-G. de Malesherbes, Mémoires sur la librairie, présentation de R. Chartier, Paris, Imprimerie Nationale, 1994, pp. 99-100. Cf. E. Gojosso, Le concept de république, op. cit., pp. 378-379.
2805 C.-G. de Malesherbes, Mémoires sur la librairie, op. cit., p. 103.
2806 C.-G. de Malesherbes, Mémoires sur la liberté de la presse, op. cit., p. 228.
2807 Ibid., p. 295.
2808 « Ne croyons pas que les membres de l’assemblée des États soient les seuls à qui il faille procurer les lumières. Ils ne sont que les représentants de la nation. C’est de la nation entière qu’ils doivent recevoir des instructions. C’est à elle qu’ils doivent compte de leur mission ; c’est donc la nation entière qu’il faut instruire (...) Il faut donc que cette nation dispersée reçoive des lumières qui lui parviennent jusque dans ses foyers », (ibid., pp. 235, 236).
2809 S.-N. Linguet, Au roi de France, Bruxelles, 20 octobre 1788, pp. 12-13.
2810 J.-N. Moreau, Exposition de défense de notre constitution monarchique française, t. 1, Paris, Moutard, février 1789, BN Le4 61 p. XVII.
2811 « Bon Dieu ! Combien sont mobiles les préjugés des hommes, et combien je dois m’applaudir d’avoir toujours cherché à mettre à la place de cette opinion publique qui, comme la surface des mers, a ses flux et reflux, cette conscience publique qui, comme leur masse, est appuyée sur des fondements inébranlables, posés de la main de Dieu-même ! », (ibid., t. 2, p. 442).
2812 D. Diderot, Observations sur l’instruction de Sa Majesté impériale, op. cit., p. 252.
2813 « Il est donc nécessaire d’ajouter aux lois un autre pouvoir qui ait une influence plus générale ; et ce pouvoir, c’est celui des mœurs publiques. Un peuple avec des mœurs (…) Un peuple avec des mœurs pourrait subsister sans lois ; un peuple avec des lois ne pourrait subsister sans mœurs », (D. Thiébault, Essai sur le style, Berlin, G.-J. Decker, 1774, p. 338).
2814 P.-C. Lévesque, L’homme pensant ou essai sur l’histoire de l’esprit humain, Amsterdam, Marc-Michel Rey, 1774, p. 139.
2815 « Il est impossible de changer tout à coup les habitudes et la manière de penser des hommes. Le législateur n’a que sa force individuelle et ne peut seul l’emporter sur tous », (ibid., p. 140).
2816 J. Lanjuinais, Le monarque accompli, t. 1, Lausanne, J.-P. Heubach, 1774, p. 106.
2817 Ibid., pp. 132-133.
2818 Remontrances du 6 juillet 1781 du Parlement d’Aix, (ADBR série B 3679 f° 851 v°).
2819 Le roi « reconnaîtra bientôt que son pouvoir est plus grand et plus efficace au moral qu’au physique ; qu’il s’étend sur les mœurs », (G.-F. le Trosne, De l’ordre social, op. cit., p. 275).
2820 Ibid., p. 281.
2821 A. Morellet, Réflexions sur les avantages de la liberté d’écrire et d’imprimer sur les matières de l’administration, Paris, Frères Estienne, 1775, BN Lb39 6242 p. 19.
2822 « Il n’y a qu’un remède à ce mal, c’est de répandre tellement la lumière, que les idées saines deviennent communes et soient adoptées universellement », (ibid., p. 34).
2823 G. Grivel, Théorie de l’éducation, t. 1, Paris, Moutard, 1775, p. 50. Sur l’ouvrage de Grivel, théorie de l’éducation, une notice affirme que « le corps, le cœur et l’esprit, voilà ce que l’auteur veut qu’on cultive dans l’homme. M. Grivel a profité des réflexions de M. Rousseau et ne s’est pas trop éloigné des principes du citoyen de Genève », (Almanach littéraire ou étrennes d’Apollon, Paris, Duschène, 1777, p. 206).
2824 G. Grivel, Théorie de l'éducation, t. 1, op cit., p. 62.
2825 « Comme les sociétés ne peuvent parvenir à l’ordre social complet que par degrés, à mesure que de riches avantages de culture ont établi de grands corps d’exploitation, ce sont ces divers états de culture qui forment l’ordre national des sociétés, c’est-à-dire, leur plus ou moins de degré de perfection sociale, ou l’état de gradation et d’avantage vers l’ordre social le plus avantageux ; ce qui montre la véritable richesse du territoire, l’aisance, l’opulence et la puissance d’une nation », (C. de Butret, Lois naturelles de l’agriculture et de l’ordre social, Neuchâtel, 1781, p. 104). Le baron de Butret était membre des Sociétés d’agriculture de Paris, d’Orléans et de Tours.
2826 A.-R. Turgot, Mémoires sur les municipalités, [1775], in Œuvres, t. 4, op. cit., p. 575.
2827 Ibid., pp. 575-576.
2828 « La cause du mal, vient de ce que [la] nation n’a point de constitution. C’est une société composée des différents ordres mal unis et d’un peuple dont les membres n’ont entre eux que très peu de liens sociaux ; où par conséquent, chacun n’est occupé que de son intérêt particulier exclusif », (ibid., p. 576).
2829 Ibid., p. 577.
2830 « Le premier lien des nations est les mœurs ; la première base des mœurs est l’instruction prise dès l’enfance sur tous les devoirs de l’homme en société », (ibid., p. 579).
2831 Ibid., p. 578.
2832 Ibid., p. 579.
2833 « Il n’y a que les gens accoutumés à réfléchir qui puissent admettre la vérité par voie d’examen et de discussion. C’est à eux qu’il appartient d’entraîner le suffrage d’une nation, de former et de déterminer l’opinion publique », (G.-F. le Trosne, De l’ordre social, op. cit., p. 3).
2834 « Que la connaissance des principes se répande dans la nation, que l’instruction libre et publique porte partout la lumière, l’intérêt commun deviendra sensible et palpable », (ibid., p. 339).
2835 « Pour jouir des douceurs et des agréments de la société, il faut savoir y en répandre soi-même ; en un mot, il faut avoir acquis les qualités que j’appelle sociales », (Abbé Febvé, Discours sur les qualités sociales, couronné par l’Académie royale des sciences et belles-lettres de Nancy, dans la séance publique du 8 mai 1779, Nancy, Haener, 1779, p. 8). Febvé est chanoine de Vaudémont.
2836 L.-G. de Du Buat Nançay, Les maximes du gouvernement, t. 4, op. cit., p. 36.
2837 « Si tel est le siècle dans lequel je vis et que je vienne dire d’une voix tremblante : il est temps, s’il en est encore, que la nation cesse d’être passivement soumise à tant d’expériences ; elle va cesser d’être une nation ; ce n’est bientôt plus qu’une multitude éparse où l’on distingue que des salariés oppresseurs et des tributaires opprimés ; s’il en doit rester autre chose que le territoire, faîtes qu’elle recouvre le sentiment de son existence, qu’elle redevienne à penser qu’elle est une nation, une société d’hommes, héritière de quelque chose de plus qu’un nom, et d’une localité vague sur trente ou quarante mille lieues de surface », (ibid., p. 303).
2838 « L’éducation nationale donnerait lieu à des droits et à des devoirs d’un autre genre ; ce serait lorsqu’il faudrait coopérer, la diriger et la surveiller que la plupart des citoyens s’apercevraient qu’ils ne sont pas simplement des êtres mangeant et buvant », (ibid., p. 318).
2839 « L’éducation nationale est donc possible puisqu’elle peut et doit être uniforme ; mais puisqu’elle doit être uniforme, elle doit avoir pour but de former les meilleurs citoyens qu’il soit possible, et, par conséquent, de donner à leurs corps l’aptitude la plus grande aux travaux les plus utiles ; de mettre dans leur esprit toutes les connaissances et toutes les opinions qui peuvent leur être nécessaires et les rendre utiles à la société ; et de leur former un cœur », (ibid., p. 324).
2840 G.-T. Raynal, Histoire philosophique et politique, t. 4, op. cit., p. 679.
2841 Ibid., pp. 537-538.
2842 L.-S. Mercier, Tableau de Paris, t. 1, op. cit., p. 234.
2843 E. Béguillet, Considérations générales sur l’éducation, Paris, Les Libraires qui vendent des Nouveautés, 1782, p. 17.
2844 J.-P. Brissot de Warville, De la vérité ou méditations, op. cit., pp. 196, 220-222.
2845 Ibid., p. 197.
2846 Ibid., p. 195.
2847 « La philosophie n’est point une science de parade ; elle ne consiste point dans de vains mots, mais dans les choses. Le charlatan pérore, le philosophe agit ; le charlatan parle d’humanité, le philosophe est homme, aime les hommes. Etre homme, aimer les hommes, c’est rassembler toutes les vertus, c’est acquérir l’énergie qui fait le grand homme ; car n’en doutons pas, l’amour seul de l’humanité peut enfanter les grandes actions », (ibid., pp. 200-201). « Egoïsme, monstre affreux, toi qui, comme Néron, voudrais engloutir dans toi-même tous les êtres ! Parle, à ces traits reconnais-tu tes enfants ? Pour être heureux, tu t’isoles ; pour l’être, un philosophe répand partout les lumières ; pour les répandre, il ose braver les prisons, l’ignominie, la mort. Tels autels sont bâtis sur l’inhumanisme, si j’ose parler ainsi ; l’amour de l’humanité est la base de la philosophie », (ibid., pp. 202-203).
2848 « On peut diviser tous les lecteurs en deux classes. Celle des ignorants, et c’est la plus nombreuse, conduite tantôt par un instinct machinal, tantôt par ses passions et ses préjugés (…) La classe des connaisseurs juge avec discernement ; mais si l’on ne peut lui refuser des lumières, elle ne montre pas toujours l’impartialité la plus sévère, (…) L’homme du peuple, sans cesse enchaîné au travail, n’a ni le loisir d’observer, ni le courage de méditer, ni la force de raisonner par lui-même », (ibid., pp. 222-223, 265-266).
2849 C.-A. de Thélis, Nouvelles vues sur l’éducation, Paris, Prault, 1781, p. 4.
2850 Ibid., pp. 7, 11.
2851 Ibid., p. 26.
2852 Ibid., p. 7.
2853 M-J. Servan, Discours sur le progrès des connaissances humaines en général, de la morale et de la législation en particulier, lu dans une assemblée publique de l’Académie de Lyon, s.l., 1781, p. 141.
2854 « Le mot peuple est du grand nombre de ceux qui, par la multiplicité des sens qu’ils présentent, attestent la stérilité de notre langue. Nous le prenons ici dans l’acception qui en forme le dernier rang des citoyens, la classe de ces hommes à qui la nécessité impose la loi de se dévouer », (L. Philipon de la Madelaine, Vues patriotiques sur l’éducation du peuple, Lyon, P. Bruyset-Ponthus, 1783, pp. 5-6).
2855 Ibid., p. 9.
2856 « Puisqu’il est prouvé par l’expérience que le peuple est nécessairement ou l’appui ou le destructeur des Empires, il suit que les modérateurs des nations ne doivent pas seulement veiller avec le plus grand soin sur son éducation, mais qu’ils doivent seuls en supporter le fardeau », (ibid., p. 11).
2857 De Vauréal, Plan ou essai d’éducation générale et nationale ou la meilleure éducation à donner aux hommes de toutes les nations, Bouillon, Société typographique, 1783, p. 6.
2858 « La patrie doit recueillir l’enfance comme un germe précieux, elle doit la soigner, se l’approprier, la former pour elle en la préparant à des rangs et des places qui maintiennent son bonheur et son harmonie, sans quoi c’est un marâtre. Tout gouvernement qui négligera ce principe n’aura jamais d’esprit national (…) On s’attachera à instruire l’élève des usages, des mœurs, des coutumes générales de l’esprit particulier et du génie de la nation, ou des nations parmi lesquelles il aura à vivre, pour de là l’entretenir rapidement des lois fondamentales, tant monarchiques, civiles que militaires », (ibid., pp. 57, 117).
2859 Ibid., p. 100.
2860 Ibid., p. 59.
2861 Carpentier, Nouveau plan d’éducation pour former des hommes instruits et des citoyens utiles, Paris, 1785, p. III.
2862 Ibid., p. XLVIII.
2863 Ibid., p. LIII.
2864 Ibid., pp. XIV, XVIII.
2865 Selon Adrien-Jean-Baptiste le Roy, le latin est une des causes de l’ignorance des Français, « énigme indéchiffrable ». L’acte d’instruction par excellence est de « nationaliser » la langue et la mettre à la portée de tous jusque dans l’inscription en français sur les futurs monuments, (Examen de la question : Si les inscriptions des monuments publics doivent être en langue nationale ?, Paris, Librairies qui vendent des Nouveautés, 1783, pp. 19, 29, 33, 48).
2866 Carpentier, Nouveau plan d’éducation, op. cit., p. CII.
2867 L’Espagne est paresseuse et « indolente », (G. de Mably, Principes des négociations pour servir d’introduction au droit public de l’Europe fondés sur les traités, in Œuvres complètes, t. 5, op. cit., p. 66), la Chine est fataliste et dominée, (Doutes proposés aux philosophes économistes, ibid., t. 11, pp. 111-112), l’Angleterre déterministe, (ibid., p. 299) et la Corse « courageuse », (De la législation ou principes des lois, ibid., t. 9, p. 143). Influencé par Rousseau, l’abbé explique également comment la Pologne doit s’émanciper face à la Russie, (Du gouvernement et des lois de la Pologne à M. le comte Wielhorski, ibid., t. 8, p. 4) grâce à la permanence d’un caractère particulier à chaque peuple-nation, (De la législation ou principes des lois, ibid., t. 9, pp. 132-133, 191).
2868 « Si nous chérissons notre patrie, si nous désirons qu’elle survive aux nations qui l’environnent (…) consolidons toute sa puissance par nos mœurs », (J.-V. Delacroix, Combien le respect pour les mœurs, op. cit., pp. 38-39).
2869 « De l’observation des lois, naissent les mœurs de l’État ; car celles-ci ne sont réellement que les lois exécutées : c’est le premier fruit qu’engendre une bonne constitution. Les mœurs à leur tour, tant qu’elles subsistent, gardent et préservent la constitution qui les a enfantées : mais si les mœurs publiques se perdent, ou si elles sont notablement altérées, alors les lois de l’État ne subsistent que dans les tables qui les contiennent ; déjà elles n’existent plus dans la volonté de la plupart des sujets ; elles sont mortes en partie ; chaque jour l’opinion et l’usage les chancellent », (E. Béguillet, Considérations générales, op. cit., pp. 10-11).
2870 G. de Mably, Des droits et des devoirs, in Œuvres complètes, t. 11, op. cit., p. 297.
2871 G. de Mably, Observations sur le gouvernement et les lois des États-Unis d’Amérique, (ibid., t. 8, p. 301).
2872 G. de Mably, Doutes proposés aux économistes, (ibid., t. 11, p. 49).
2873 « Que toute guerre qui n’est pas entreprise pour se défendre soit regardée comme injuste ; que celui qui l’aura conseillée réponde du sang de ses citoyens et puisse être cité devant les tribunaux comme un ennemi public. Que ces maximes, pour devenir l’esprit national, soient enseignées par les vieillards aux jeunes gens, et que les mères mêmes en instruisent les enfants, dès que leur âme développée commencera à faire usage de leur sens », (G. de Mably, De la législation, ibid., t. 9, p. 161).
2874 « On fait trop peu d’attention aux intérêts de cette multitude qu’on appelle la populace. Ces citoyens qui sont toujours prêts à oublier qu’ils sont hommes, au lieu de les avilir chaque jour davantage, il faudrait leur apprendre à connaître leur dignité », (ibid., pp. 178-179).
2875 G. de Mably, Observations sur l’histoire de Grèce, (ibid., t. 4, p. 65).
2876 E.-N. Pigeau, La procédure civile du Châtelet de Paris et de toutes les juridictions ordinaires du royaume, t. 1, Paris, Desaint, 1779, p. XLV.
2877 Ibid., p. XLVI.
2878 Ibid., p. XLVII.
2879 Ibid., p. XLVIII.
2880 A. de Pollier, Du gouvernement des moeurs, Lausanne, Lemaire, 1784, p. 96. De plus, il affirmera encore : « Non, je n’imagine pas de plus touchant et de plus auguste spectacle que celui d’un souverain donnant à ses peuples l’exemple des moeurs qu’il cherche à leur inspirer, portant son attention sur les objets qui y ont rapport, étudiant le caractère national, cherchant à le perfectionner par tous les moyens possibles », (ibid., p. 104).
2881 Ibid., p. 329.
2882 Ibid., p. 322.
2883 Ibid., p. 323.
2884 J.-V. Delacroix, Combien le respect pour les mœurs, op. cit., p. 29.
2885 Catéchisme de morale, spécialement à l’usage de la jeunesse, Paris, Lambert et Baudoin, 1785, p. 86.
2886 « Que le doux nom de patrie, si flatteur pour tout vrai citoyen, ne nous fasse pourtant pas illusion. Il doit toujours signifier pour nous le pays qui nous a vu naître, qui nous a élevé sous ses lois, qui nous a rendu ses intérêts, c’est-à-dire la sûreté, le repos, la prospérité du peuple qui l’habite, notre propre intérêt, et le prince qui le gouverne, père de la grande famille dont nous faisons partie, notre père. Mais gardons-nous par ce mot, de nous détacher des hommes qui font corps de société séparée de la notre, qui pensent autrement que nous, de croire légitime le mal que nous pouvons leur faire, s’il nous semble qu’il en doit revenir un avantage à notre société ; n’ayons jamais l’absurdité cruelle de poser notre bonheur sur leur décadence et sur leur ruine. C’est l’amour-propre national, masqué sous le nom de patriotisme, qui, ayant jeté la jalousie et la haine entre les peuples, a vomi sur la terre des grands maux de l’humanité », (G. Grivel, Théorie de l’éducation, t. 1, op. cit., pp. 53-54).
2887 Ibid., p. 58.
2888 J. Grégory, Essai sur les moyens de rendre les facultés de l’homme plus utiles à son bonheur, traduit de l’anglais par Jean Grégory, 6ème édition, Paris, Lacombe, 1775, pp. 157-158, 170.
2889 « Au dehors [du pays] les lois de l’ordre ont été violées d’une manière plus sensible encore. L’amour de la patrie a pris un esprit exclusif qu’il ne doit point avoir. Chaque société s’est cru autorisée à regarder son intérêt comme contraire à celui des autres et à circonscrire dans les bornes étroites de son territoire l’observation des devoirs que la justice impose. La qualité d’étranger a entraîné en quelque sorte l’idée d’ennemi. On n’a pas craint d’exercer au dehors les crimes et les violences qu’on jugeait indispensable de réprimer au-dedans », (G.-F. le Trosne, De l’ordre social, op. cit., p. 60).
2890 Ibid., p. 359.
2891 « Mais est-ce un si grand mal, si vous entendez par patriotisme cette frénésie atroce qui transforme les citoyens d’un canton en assassins, les précipite, le fer et la flamme à la main, dans la contrée voisine ? Est-ce un si grand mal, si à ce préjugé féroce la philosophie substitue l’amour de tous les hommes, si de tous elle ne forme qu’une seule famille, si les autels de l’humanité s’élèvent sur ceux de la guerre, si partout on ne chante que des hymnes à la paix ? », (J.-P. Brissot de Warville, De la vérité ou méditations, op. cit., pp. 230-231).
2892 J.-F. Dumas, L’esprit du citoyen, Neuchâtel, Fauche, 1783, pp. 108, 87, 113.
2893 J.-B. Bossuet, La politique tirée des paroles, liv. I, art. 2, § 3.
2894 N.-T. abbé de Boismont, Sermon pour l’assemblée extraordinaire de charité qui s’est tenue à Paris, à l’occasion d’une Maison royale de santé, prononcé dans l’Église des religieux de la Charité le 13 mars 1782, in Oraisons funèbres, panégyriques et sermon, Paris, Imprimerie de Fain et Compagnie, 1805, p. 329. Boismont était membre de l’Académie française et prédicateur ordinaire du roi.
2895 « Le patriotisme est la charité des grandes âmes : le vrai patriote et le vrai chrétien se touchent ; plus on est chrétien, plus on s’élève à ce noble détachement de soi-même, qui constitue le véritable citoyen », (ibid., p. 330).
2896 Ibid., p. 348.
2897 « Comment les princes de l’Église pourront-ils allier la religion avec le patriotisme s’ils ne sont versés eux-mêmes dans les maximes de la politique, s’ils ne savent distinguer la ligne de démarcation qui a été tracée entre le spirituel et le temporel ? », (Cayre de Mirabel, Discours sur l’homme public prononcé aux États du Languedoc de 1783, Toulouse, D. Desclassan, 1784, BN Lk14 216 p. 11).
2898 Ibid., p. 21. L’auteur ajoute qu’il « est vrai que les infractions des lois divines entraînent toujours le mépris des droits les plus sacrés de la société ! », (ibid.).
2899 F. Ferlus, Le patriotisme chrétien, discours prêché aux États du Languedoc en 1787, Montpellier, J.-F. Picot, 1787, BN Lk14 130 p. 36.
2900 Ibid., p. 5.
2901 Ibid., p. 6.
2902 Ibid., p. 12.
2903 Ibid., p. 5.
2904 Ibid., pp. 15, 28. De plus, « la philosophie vantera bien l’humanité, dira que ses liens doivent unir tous les hommes ; mais en le disant, elle se rira de ceux qui le croiront parce que le mot d’humanité n’a aucun sens pour ceux qui traitent de préjugé les plus douces émotions de la nature. Elle prononcera le nom de patriotisme mais ses sectateurs n’en éprouveront aucun sentiment parce que le patriotisme suppose des relations et que la philosophie les anéantit », (ibid., p. 20).
2905 Malesherbes dans un discours de 1774 pense que l’unique mobile des magistrats est « l’amour du bien public », (discours du premier président de la Cour des aides de Paris du 21 novembre 1774, BN Lb39 139 p. 3). La Cour des aides de Paris indique en 1775 « que deviendrait l’État, si ce zèle ardent, cette passion pour le bien public, peut-être même ce désir de s’illustrer par des vertus patriotiques, ne se retrouvaient plus, ou devenaient languissants dans les corps de magistrature qui depuis cent soixante ans ont été les seuls représentants de la nation ? », (remontrances du 10 avril 1775, BN Lb39 192 p. 8). Les parlementaires de Metz parlent de « héros de la patrie », (procès-verbal de la séance du 5 octobre 1775, BN Lb39 198 p. 11). Le Parlement d’Aix en 1781 indique qu’il est le protecteur de la partie la plus « pauvre du peuple dont la main fertilise la terre et nourrit la patrie », (remontrances du 6 juillet 1781, ADBR série B 3679 f° 928 v°). « L’esprit patriotique, source de toute vertu civile » voilà ce que dit le Parlement de Provence en 1781, (remontrances du 14 novembre 1781, AN H1 1275 pièce 97 f° 2 r°). Le sacrifice des peuples, « acte de patriotisme », permet aux magistrats toulousains en 1782 de demander l’exemption d’impôts car c’est de « l’énergie de la nation française » dont il est question ; énergie se traduisant par un esprit patriotique sans équivoque, (remontrances du 10 septembre 1782, AN K 713 pièce 41 f° 3, 5 v°, 2). Le Parlement de Dijon en 1782 n’oublie pas non plus de professer un patriotisme originaire en faveur du royaume. « Ce n’est pas que la nation refuse ce nouvel effort de son zèle, elle en ferait de plus grand encore s’il le fallait pour la gloire de son maître, et l’honneur du nom français tant qu’il s’agira d’humilier l’ancien ennemi de la monarchie, nos forces ne seront jamais épuisées et ne restait-il qu’une goutte de sang dans nos veines, elle devrait couler », (remontrances du 15 août 1782, AN K 709 pièce 24 f° 1 v°). La fausse liberté, pour le Parlement de Dijon en 1785, « tend à dégager de tous les liens de la société et à favoriser les passions particulières, de ces citoyens plus jaloux de leur propre avantage que de celui de leur patrie », (remontrances du 1er juillet 1785, AN K 709 pièce 31 f° 10). Les peuples sont les appuis du trône et, de ce fait, les parlementaires rennais en 1785 dans leur rôle de médiateur, « sont le salut de la patrie », (remontrances du 7 juillet 1785, AN H1 557 pièce 110 f° 9). « Que ne pouvons-nous, Monseigneur, vous voir en ce jour, participant à une délibération libre, développer au milieu de nous les mêmes sentiments ; les nôtres vous montreraient cette grandeur d’âme, ce patriotisme, qui distingueront toujours la nation française et qu’entretient son attachement sans bornes à la gloire de son souverain », (discours du président de la Cour des aides de Paris du 17 août 1787, BN Lb39 393 p. 3).
2906 Se référant beaucoup au chancelier de l’Hôspital, Thomas-François Anneville dans un éloge dithyrambique du Parlement de Rouen, s’attaque aux détracteurs de celui-ci et parle de « la plus saine partie de la nation » qui doit faire œuvre patriotique au service du royaume, (Éloge historique du Parlement de Normandie, Londres, 1777, BN Lf25 123 pp. 2-3, 44-45).
2907 T.-P. Riboud, Réflexions sur le patriotisme dans le magistrat, lues à la rentrée du présidial de Bourg, s.l., 13 novembre 1781, BN Lf35 13 p. 13.
2908 Ibid., pp. 16-17.
2909 M-J. Servan, Discours sur le progrès, op. cit., p. 59.
2910 Procès-verbal du 13 novembre 1775 du Parlement de Pau, BN Lb39 199 p. 6.
2911 B.-P. Georgelin du Cosquer, Vues patriotiques sur l’établissement en Bretagne d’une Académie encyclopédique et populaire, s.l., 1785, p. 11.
2912 Ibid., p. 26.
2913 « Heureux le prince qui sait se persuader qu’il n’est véritablement grand, qu’autant qu’il est le père de ses peuples », (procès-verbal du 12 mars 1776 de la Cour des aides de Paris, BN Lb39 208 p. 11).
2914 « Sire, sous un roi donné à la France pour affermir son existence morale et politique compromise par l’affaiblissement des anciens principes, pour communiquer une nouvelle énergie au caractère national à l’honneur français, à l’amour inné de la nation pour ses rois, ce ressort invincible du gouvernement, objet d’admiration, d’envie et de crainte pour nos ennemis ; enfin l’esprit patriotique source de toute vertu civile, il n’est point de sacrifice qui puisse étonner le zèle des peuples et acquitter leur reconnaissance. L’amour exclusif de soi, principe avec lequel on cesse d’être citoyen et bientôt d’être homme, avait osé se produire dans une nation distinguée entre toutes par la sociabilité », (remontrances du 6 juillet 1781 du Parlement d’Aix, ADBR série B 3679 f° 850-850 v°).
2915 Remontrances du 10 septembre 1782 du Parlement de Toulouse, (AN K 713 pièce 41 f° 3 v°).
2916 Remontrances du 17 novembre 1784 du Parlement de Bordeaux, BN Fm 3534 p. 6.
2917 M. Benoist, L’amour du Français pour le monarque et l’auguste famille royale, Paris, Dubois, 1774, p. 1.
2918 J.-B. Elie de Beaumont, Discours sur le patriotisme dans la monarchie, Bordeaux, Michel Racle, 1777, BN Lb39 6255 p. 4.
2919 Ibid., p. 5.
2920 Ibid., p. 6.
2921 « Mais dans un État monarchique, où une égalité de forces conspirantes au bien commun, tient lieu de ces commotions, de ces secousses animées, qui ailleurs agitent les hommes en tout sens ; ou chacun sera, à quelque degrés, plus ou moins, ce que fut son père, ce que fut son aïeul ; le patriotisme, modéré dans ses mouvements, mais constant dans sa marche, peut remplir ce vide de l’âme », (ibid., p. 7).
2922 J.-P. Blachon, Vœux patriotiques ou discours prononcé à l’occasion de la grossesse de la reine, s.l., 1778, BN Lb39 6259 p. 4.
2923 Ibid., p. 19.
2924 L’à-propos du moment, s.l.n.d. BN Lb39 6276 p. 10.
2925 « Il n’exista jamais sur la terre aucun peuple qui eut autant de droit à l’amour et à la reconnaissance de son roi, et à la tendre sollicitude de ses ministres, que les Français : en est-il un plus docile, plus laborieux, plus sobre, plus sensible, plus aimant avec passion son souverain ? », (ibid., p. 52).
2926 A.-J. Boucher d’Argis, De l’éducation des souverains ou des princes destinés à l’être, Paris, Desauges, 1783, p. 6.
2927 Ibid., p. 21.
2928 Ibid., pp. 35-36.
2929 Ibid., p. 9.
2930 Ibid., p. 41.
2931 « Non, les vertus patriotiques ne sont pas étrangères aux citoyens d’une monarchie, qu’à ceux d’une république, mais elles dérivent et sont exaltées par une cause différente. Dans les républiques, elles naissent de la conviction que chaque citoyen a de la sagesse et de l’excellence des lois, qu’il suppose concourir à l’avantage général. Dans les monarchies, elles naissent de la confiance que la nation croit devoir à son roi et des vues utiles et bienfaisantes qu’elle lui donnait, ou qu’elle lui suppose. D’où il résulte que le défaut d’énergie et de patriotisme doit toujours être imputé dans une monarchie au monarque et au gouvernement », (E. Mignonneau, Considérations politiques, s.l., 1783, p. 12).
2932 Ibid., p. 22.
2933 « Dans toute communauté nationale, grande ou petite, il y a deux parties distinctes ; les personnes et le territoire. Les personnes sont unies au territoire, de même que le territoire est uni aux communautés ou familles. Les personnes et la propriété ont également leurs relations et leurs lois, qui, sans se confondre, ni se séparer, concourent merveilleusement au même but ; l’utilité et la sûreté publiques. De la communauté de famille est née la domination monarchique : cette domination embrasse plusieurs communautés démocratiques ; comme chacune de ces démocraties embrasse plusieurs familles ou corporations particulières », (P.-G. Michaux, Les coutumes considérées comme lois de la nation, op. cit., pp. 2-3).
2934 Ibid., p. 290.
2935 L.-B. Proyart, De l’éducation publique et des moyens d’en réaliser la réforme projetée dans la dernière assemblée générale du clergé de France, Paris, Veuve Hérissant, 1785, pp. 93, 123.
2936 C.-A. de Brie-Serrant, Écrit adressé à l’Académie de Châlons-sur-Marne, sur une question proposée par voie de concours concernant le patriotisme, s.l., 1787, p. 5.
2937 Ibid.
2938 Ibid., pp. 8-9.
2939 Ibid., p. 14.
2940 Ibid.
2941 Charles V, Louis XII et Henri IV, aux Français, t. 1, Paris, Marchands de Nouveautés, 1787, BN Ms Joly de Fleury 1043 f° 221.
2942 J. de Meerman, Discours présenté à l’Académie de Châlons-sur-Marne en 1787 sur la question qu’elle avait proposée : Quels sont les meilleurs moyens d’exciter et d’encourager le patriotisme dans une monarchie ?, Leide, S. et J. Luchtmans, 1789, p. 4.
2943 Ibid., p. 7.
2944 Ibid., p. 8.
2945 Ibid., pp. 8-10.
2946 Ibid., p. 12.
2947 « Le patriotisme d’un particulier ou d’une partie de la nation se borne ici à refuser l’obéissance jusqu’à ce qu’ils aient fait des représentations. Si le prince insiste, et que ces individus ne trouvent point d’appui dans le corps de la nation, il ne leur reste qu’à plier et ils n’ont plus aucun droit de résister, le roi n’ayant pas fait de contrat avec une partie de ses sujets, mais avec le peuple entier. Il en est autrement à l’égard de celui-ci, quand un monarque, n’écoutant ni les représentations les plus justes et les plus répétées, et n’ayant aucun égard à la médiation implorée d’un État voisin, s’avise d’user de violence pour se faire obéir », (ibid., p. 15).
2948 « Rois, gouvernez tellement vos peuples, qu’ils puissent se persuader que vous aimez vous-même la patrie et donnez leur l’exemple du patriotisme », (ibid., p. 17).
2949 « La tyrannie du gouvernement féodal, source éternelle de divisions intestines, s’est si complètement évanouie devant la Majesté royale que tous les habitants de la France se regardent aujourd’hui comme frères, comme d’une seule famille », (E. Mignonneau, Réflexions politiques sur la question proposée par l’Académie de Châlons : Quels sont les moyens de faire naître et d’encourager le patriotisme dans une monarchie ?, Paris, Barrois l’Aîné, 1787, p. 5).
2950 Ibid., pp. 7-8.
2951 B. Cottret, « Patriotisme et universalité philosophique au siècle des Lumières », Du patriotisme aux nations, op. cit., p. 115.
2952 P.-C. Lévesque, L’homme moral ou l’homme considéré tant dans l’état de nature que dans la société, Amsterdam, 1775, pp. 164-165.
2953 G.-T. Raynal, Histoire philosophique et politique, t. 4, op. cit., p. 594.
2954 Ibid., pp. 577-578.
2955 Ibid., pp. 612, 754. Frédéric II disait en 1779 : « Qu’on ne saurait aimer la populace ni les habitants d’une province qu’on ne connaît pas (…) Vous avez raison si vous entendez qu’il s’agisse d’une union intime comme entre amis ; mais il n’est question envers le peuple, que de cette bienveillance que nous devons à tout le monde, plus encore à ceux qui habitent avec nous le sol, et qui nous sont associés, et pour les provinces, qui tiennent à notre monarchie, ne devons-nous pas au moins leur rendre les devoirs qu’on doit à des alliés » ? (Lettres sur l’amour de la patrie ou correspondance d’Anapistemon et de Philopatros, La Haye, P.-F. Gosse, 1779, p. 25).
2956 G.-T. Raynal, Histoire philosophique et politique, t. 4, op. cit., p. 688.
2957 Ibid., t. 3, p. 194.
2958 Ibid., t. 4, pp. 352, 381, 386, 473, 481-482, 498, 506, 540, 582, 638.
2959 Ibid., t. 1, p. 580.
2960 Des mœurs, de la puissance, du courage et des lois considérés relativement à l’éducation d’un prince, Paris, 1784, pp. 107-108.
2961 « Les premières instructions que nous recevons dans notre enfance, nous inspirent pour les vertus des républiques anciennes une admiration qui va quelquefois jusqu’à l’enthousiasme ; des préventions qu’on pourrait appeler antinationales confirment trop souvent, dans cette disposition générale des esprits, ceux mêmes qui semblent fait pour diriger les opinions », (C.-J. Mathon de la Cour, Discours sur les meilleurs moyens de faire naître et d’encourager le patriotisme dans une monarchie, Paris, Cuchet-Gattey, 1787, BN Lb39 6333 p. 7). Même s’il reconnaît un fort degré de patriotisme dans les républiques, il n’en demeure pas moins qu’on en a exagéré le sentiment car que ce soit dans une monarchie ou dans une république, les courtisans pour le premier régime et le peuple dans le second, veulent les honneurs et sacrifient finalement l’intérêt général à l’intérêt particulier, (ibid., pp. 16-17).
2962 Ibid., p. 9.
2963 Ibid., p. 12.
2964 Ibid., p. 14.
2965 Ibid.
2966 Ibid., p. 15.
2967 Ibid., p. 10.
2968 « Le patriotisme doit être distingué de l’amour de la patrie (…) Il ne suffit pas d’aimer sa patrie pour être patriote. L’amour de la patrie est ce penchant naturel et général qui attache tous les hommes au sol qui les a vu naître. Il est fondé à la fois sur l’amour de nos propriétés, de notre bonheur, de notre fortune, de tout ce qui compose notre existence, des lieux où ont vécu nos ancêtres, nos amis (…) Il est fondé sur nos liaisons de parenté, d’amitié, d’alliance, sur le plaisir de vivre entourés de ceux qui nous ont toujours connus (…) Ainsi, l’on ne doit pas s’étonner si l’amour de la patrie est un sentiment commun à tous les hommes, sans en excepter les peuples grossiers, ni les climats les plus sauvages », (ibid., pp. 12-14).
2969 « L’amour de la patrie peut sans doute embrasser une nation entière mais il repose toujours avec plus de complaisance sur la ville où l’on est né. C’est là proprement ce qu’on appelle patrie ; c’est du nom de cité qu’est venu celui de citoyen. Nous avons emprunté d’une nation voisine celui de patriote mais il est plus aisé de créer des termes que de faire naître des sentiments. L’esprit et le cœur de l’homme ont leurs bornes », (ibid., p. 19).
2970 Ibid., pp. 18-20.
2971 Ibid., p. 14.
2972 Ibid., p. 18.
2973 Le roi « a daigné, depuis qu’il est monté sur le trône, développer ses intentions paternelles et instruire son peuple des motifs qui le dirigeaient. On a eu raison de l’observer ; ce moyen est très propre à faire naître un esprit public et à ranimer le patriotisme », (ibid., p. 45).
2974 Ibid., p. 55.
2975 Ibid., p. 23.
2976 Ibid., p. 25.
2977 Ibid., pp. 34, 25. C. de Montesquieu, De l’esprit des lois, liv. V, chap. 2 : « L’amour de la patrie conduit à la bonté des mœurs et la bonté des mœurs mène à l’amour de la patrie ».
2978 Ibid., pp. 51-53.
2979 Ibid., p. 48.
2980 « Bientôt il n’existe de patrie nulle part : la capitale est trop vaste, elle est composée de trop d’étrangers, de gens qui se connaissent trop peu, pour mériter le nom de patrie et en inspirer les sentiments. Dans les provinces presque désertes, ceux qu’on voit encore, incertains s’ils y resteront, sont plutôt comme des passagers ou des voyageurs que comme des patriotes », (ibid., p. 49).
2981 Le renvoi de Maupeou ainsi que le rétablissement des Parlements est sûrement le fait de Maurepas qui avait comme proche ami, un certain Hue de Miromesnil ! (J. de Viguerie, Louis XVI, op. cit., pp. 59, 65).
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